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"Un carthame génétiquement modifié pour produire de la pro-insuline humaine" par le Professeur Joe Cummins

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 18 juin 2007, par Cummins Professeur Joe

Santé OGM

Un carthame génétiquement modifié pour produire de la pro-insuline humaine

Les autorités chargées de la réglementation et des contrôles font preuve d’une négligence extraordinaire pour la sûreté de certaines espèces menacées aussi bien que vis-à-vis des êtres humains, face à une proposition de dissémination d’une plante cultivée, génétiquement modifiée pour un usage pharmaceutique, nous dit le Professeur Joe Cummins

Ce rapport a été soumis, sous l’égide de l’Institut ISIS, à l’USDA, le Département de l’Agriculture aux Etats-Unis.
SVP faites circuler largement cette information.

Communiqué de presse de l’Institut ISIS en date du 18/07/2007

L’article original en anglais intitulé GM Safflower with Human Pro-Insulin est accessible sur le site suivant : GM Safflower with Human Pro-Insulin

Une proposition de dissémination d’un carthame transgénique entourée du plus grand secret

L’organisme officiel USDA-APHIS aux Etats-Unis a procédé à une évaluation environnementale [1] en réponse à une demande d’autorisation (06-363-103r), reçue de la société SemBioSys Inc., en vue d’une expérimentation au champ d’une lignée de carthame (Carthamus tinctorius) transgénique 4438-5A, qui produit la pro-insuline humaine. Le carthame transgénique a été modifié pour exprimer une protéine d’oléosine, la pro-insuline humaine, exclusivement dans ses graines.

L’emplacement du champ, d’une superficie inférieure à 1 acre, est situé sur une propriété privée dans le comté de Lincoln, dans l’Etat du Washington, WA, au Nord-Ouest des Etats-Unis et la culture sera entourée de tous les côtés par une bande de jachère de 50 pieds. L’endroit exact de l’emplacement n’est pas connu du public ; mais le dossier et l’évaluation des risques était disponible jusqu’au 23 juillet 2007 pour une consultation publique au site suivant : http://www.regulations.gov/fdmspublic/component/main.

La pro-insuline est le précurseur de l’insuline, normalement élaborée dans les cellules bêta des îlots de Langerhans au niveau du pancréas humain. La protéine est synthétisée dans le réticulum endoplasmique (membranes empilées dans la cellule) où elle est repliée et deux groupes sulfhydriles (-SH) sont oxydés en une liaison ou pont disulfure (-S-S-).

Elle est alors transportée vers l’appareil de Golgi (une organelle spécialisée) où elle est empaquetée dans les vésicules sécréteuses et transformée par une série de protéases en une insuline mature.
L’insuline mature a 39 d’acides aminés en moins : 4 sont complètement enlevés et les 35 acides aminés restants - le C-peptide - sont coupés au milieu de la molécule de pro-insuline ; les deux extrémités de segments - la chaîne B et chaîne A - demeurent reliées par la liaison disulfure formées antérieurement [2, 3].

Une demande de brevet [4] décrit les modifications génétiques pour une expression élevée de l’insuline humaine chez les plantes, y compris le raccourcissement du C-peptide par quatre acides aminés.

Le rapport officiel de l’APHIS [1] note plus loin que la pro-insuline humaine a deux acides aminés qui sont éliminés pour sa stabilité chez les plantes, plus 11 acides aminés C terminaux supplémentaires, afin d’assurer la rétention de la protéine dans le reticulum endoplasmique des cellules des graines de la plante.

La séquence codant pour la pro-insuline a été fusionnée avec le gène codant pour l’oléosine de l’espèce végétale Arabidopsis sp., de manière à ce qu’elle ne soit exprimée que dans les graines. L’expression du gène fusionné a été commandée par les séquences d’un promoteur et d’un terminateur de la phaséoline du haricot commun. Le promoteur du haricot conduit la transcription de la pro-insuline synthétique de façon spécifique au niveau de la graine.

Un marqueur de sélection est régulé par le promoteur et le terminateur de l’ubiquitine du persil ; ceci a fait l’objet d’une classification comme information commerciale confidentielle, bien que ce marqueur de sélection soit le plus communément utilisé comme marqueur de sélection chez les plantes, d’une part, et qu’il ait déjà été employé dans beaucoup d’expérimentations antérieures, d’autre part [1].
Aucun test d’évaluation de sa toxicité par des essais nutritionnels chez des animaux, ni de la pro-insuline synthétique, ni du gène marqueur et de ses protéines, n’a été inclus dans l’étude environnementale.

Un site de dissémination dans une zone avec des espèces menacées d’extinction

Le secteur choisi pour la dissémination par des expérimentations au champ de ce carthame OGM - une steppe à Artemisia tridentata ("sagebrush" en anglais) - est donc sec et dominé par cette plante. Les animaux résidents comprennent diverses espèces menacées [voir sous cette dénomination dans "Définitions et compléments" ci-après, les espèces suivantes] : la grouse sage, le moineau sage, la pie-grièche, ainsi que le lièvre à queue noire, qui y vivent.

Selon l’USDA/APHIS [1], les espèces menacées dans la zone d’essai incluent également l’aigle chauve, les lapins pygmées, le cerf à queue blanche et le loup gris, et des espèces végétales comme la silène de Spalding et une espèce d’Orchidée du genre Spiranthes. Les lapins pygmées appartiennent à l’une des espèces les plus menacées ; le lapin pygmée de Colombie se nourrit principalement de l’Artemisie "sagebrush" et son nombre actuel n’est que de 30 individus ou peut-être moins. Il y a eu un succès limité en multipliant ces lapins en captivité [5, 6]. Le lapin pygmée est susceptible de s’alimenter à partir des graines de carthame transgénique avec des conséquences néfastes, y compris mortelles.

Le rapport de l’USDA/APHIS déclare qu’il n’y a aucune toxicité par l’ingestion des graines du carthame transgénique, ni par contact, ni par inhalation de poussière et de débris [1]. Même si cela était vrai - et il y a une évidence, ignorée par l’APHIS, qui suggère que la pro-insuline ingérée du carthame transgénique est en activité (voir ci-dessous) - la rupture de l’habitat du lapin pygmée par des activités humaines et les transports sont susceptible de conduire les animaux menacés vers leur extinction. L’APHIS montre une négligence extraordinaire pour les espèces menacées, ignorant les études qui ne vont pas dans le sens de leurs conclusions.

L’évidence des dommages potentiels à des espèces menacées a été ignorée

Il y a au moins un rapport qui montre que la pro-insuline transgénique peut efficacement réduire le glucose du sang chez les rats [voir Métabilisme du glucose, sous cette dénomination dans "Définitions et compléments" ci-après].

Une alimentation d’un champignon des fougères, le Ganoderma lucium, modifié avec un gène pour la pro-insuline humaine, administrée à des rats diabétiques, a réduit leur taux de glucose dans le sang [7] ; vraisemblablement les parois cellulaires du champignon modifié et le réticulum endoplasmique empêchent la dégradation rapide de la pro-insuline, permettant ainsi à l’organisme transgénique de délivrer de l’insuline à l’animal diabétique.

Des protéines fusionnées de pro-insuline et de toxine cholérique ont été produites dans des plantes de laitue et de tabac ; lorsque des préparations de ces plantes transgéniques en poudre ont été administrées à des souris diabétiques, la tolérance orale à l’insuline a été produite, empêchant la dégradation auto-immune des cellules bêta qui produisent l’insuline dans le pancréas [8].

L’insuline humaine, produite dans des graines de l’espèce de crucifère Arabidopsis sp., a été activée par exposition à la trypsine, une enzyme digestive [9].

Le rapport de l’APHIS présume que la pro-insuline humaine sera dégradée bien trop rapidement pour qu’elle ne soit activée lorsqu’elle se trouve ingérée par des animaux ; mais les études citées plus haut montrent que cela pourrait bien ne pas être le cas. En outre, des peptides fonctionnels de type "argentine" se sont avérés capables d’augmenter l’absorption intestinale de l’insuline et de tels peptides peuvent être produits généralement comme peptides antimicrobiens [10].

Les débris des graines peuvent produire de la poussière qui contient de la pro-insuline humaine et il convient de noter que l’inhalation de l’insuline constitue l’une des options possibles pour la thérapie humaine [11]. Le rapport d’APHIS écarte la possibilité que les débris inhalés et la poussière du carthame transgénique puissent être actifs, mais ce document ne fournit aucune preuve expérimentale à l’appui de cette conclusion.

L’APHIS suppose que des animaux sauvages ne seraient pas affectés par l’insuline humaine [1], mais les lapins étaient parmi les animaux qui furent utilisés les premiers lors de la découverte de l’insuline et ils continuent à être employés comme animaux d’expérience dans des études courantes sur l’action de l’insuline [12].

En outre, les oiseaux [13] et les serpents [14] répondent également à l’insuline humaine. Il est probablement prudent de dire que toutes les espèces menacées et les êtres humains sont les victimes potentielles de la dissémination de plantes vivrières génétiquement modifiées pour produire l’insuline humaine.

Le rapport d’APHIS note que les plantes à graines, entourant la parcelle de terrain de carthame transgénique, fourniront « une source de nourriture libre et ouverte » plus attrayante pour des oiseaux et les mammifères que le carthame transgénique ; il est fallacieux et dangereux de prétendre cela, parce que cette source de nourriture attirera les animaux fouilleurs et les prédateurs sur l’emplacement de l’essai. En outre, la bande de jachère autour de la parcelle de terrain d’essai est peu susceptible de décourager des animaux mobiles tels que les lapins qui s’alimentent la nuit pour éviter les prédateurs.

Un lieu certes sûr pour une culture de plantes à usage pharmaceutique, mais un site mortel pour les êtres humains et pour la faune sauvage

L’état du Washington (Nord-Ouest des Etats-Unis) est en train de se transformer en un lieu d’asile pour les plantes transgéniques génétiquement modifiées pour produire des substances pharmaceutiques. A côté des disséminations antérieures d’expérimentations de carthame, de grandes parcelles ensemencées avec de l’orge ’humanisée’ sont en cours d’expérimentation.

Les endroits exacts de tels essais ne sont pas révélés et les populations qui vivent près de ces emplacements d’essais sont ignorantes des risques sanitaires. L’impact de tels développements sur des espèces menacées est également ignoré et écarté par l’APHIS. Le rapport d’APHIS se lit plutôt comme un document de relations publiques pour la société concernée, plutôt que comme une évaluation critique et indépendante de la proposition émise par la société. C’est potentiellement mortel pour les êtres humains et pour la faune et cette agence publique américaine devrait s’en tenir à ce qui compte pour le bien public.

Références bibliographiques & Définitions et compléments en français

par Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.


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