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"Revisiter Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) puis Friedrich Nietzsche (philosophe allemand 1844-1900) « pour une écologie ni catastrophiste ni culpabilisante » (selon Dr. Benoit Berthelier philosophe Université Paris I)" par Jacques Hallard

mercredi 27 septembre 2023, par Hallard Jacques



ISIAS Histoire Philosophie Nietzsche Partie 1 Rousseau Ecologie

Revisiter Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) puis Friedrich Nietzsche (philosophe allemand 1844-1900) « pour une écologie ni catastrophiste ni culpabilisante » (selon Dr. Benoit Berthelier philosophe Université Paris I)

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 24/09/2023

SérieHistoire Philosophie Nietzsche‘

Plan du document : Préambule Introduction Sommaire Auteur

Jean-Jacques Rousseau, un intempestif toujours moderne, une oeuvre philosophique révolutionnaire - Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez

In Jean-Jacques Rousseau, un intempestif toujours moderne, une oeuvre philosophique révolutionnaire – Source : http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2016/12/jean-jacques-rousseau-un-intempestif-toujours-moderne-une-oeuvre-philosophique-revolutionnaire.html

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1b/Nietzsche187a.jpg/220px-Nietzsche187a.jpg

Friedrich Nietzsche vers 1875. Source 


Préambule

Ce dossier – constitué à des fins didactiques - ouvre la série ‘Histoire Philosophie Nietzsche’

Quelques précisions pour commencer :

Contrat social peut se référer à :

Résumé du Contrat social - Rousseau - C’est dans cet ouvrage, publié en 1762, que l’on trouve la célèbre théorie de la volonté générale. La souveraineté du peuple y est affirmée, et Rousseau montre que c’est un pacte, le fameux contrat social, qui fonde la légitimité de l’union de plusieurs individus, sortant de l’état de nature, en une société… - Source : https://www.les-philosophes.fr/rousseau/du-contrat-social.html

Ecologie, ou écologie scientifique : c’est une science qui étudie les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. L’ensemble des êtres vivants, de leur milieu de vie et des relations qu’ils entretiennent forme un écosystème. Wikipédia

Nihilisme  : c’est la séparation entre les valeurs et les faits, et proclame l’impossibilité de hiérarchiser les valeurs. Cette position implique l’amoralisme et le scepticisme moral. - Wikipédia

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Introduction

Cette Partie 1 de la SérieHistoire Philosophie Nietzsche‘, rapporte deux articles sur l’idée de nature chez Rousseau, d’une part, et sur le réalisme moral de ce dernier qui vise à «  Remplacer la loi naturelle par la volonté générale  », d’autre part…

Puis viennent deux autres articles qui invitent à « Penser l’écologie avec Nietzsche », et à considérer son point de vue avec le nihilisme à l’heure de la crise écologique

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Sommaire

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  • L’idée de nature chez Rousseau - Dernière mise à jour le 02/01/2018 - Publié le 12/04/2016 - Par Claude Obadia – Document ‘grandes-ecoles.studyrama.com’
    La nature constitue l’axe fondamental sur lequel Jean-Jacques Rousseau construit son discours anthropologique, moral et politique. Pourtant, il ne la détermine pas de manière précise, ne donnant pas de définition de la nature mais en faisant le portrait de l’homme naturel.

À cause de ses violentes diatribes contre l’état social, quelques lecteurs en ont conclu que sa pensée renfermait un appel au retour à l’origine. Or, le retour à la pure nature ne représente en aucune manière la pensée de Rousseau, et cela pour les raisons suivantes.

Premièrement, l’état de nature est un postulat théorique chargé d’expliquer la formation des sociétés humaines et d’évaluer la condition de l’homme moderne. De ce fait, il rend absurde la thèse du retour puisqu’il s’agirait d’un retour à un état que l’homme n’a jamais connu.

Deuxièmement, le mouvement historique et la socialisation de l’homme sont nécessaires. Enfin, de même que le retour à la nature n’est pas possible, il n’est pas souhaitable.

Le projet de Rousseau consiste à faire revivre la nature en l’homme. Car la dénaturation négative, dont parle le Discours sur l’inégalité, doit être suivie d’une dénaturation positive à même de faire renaître ce que la société a étouffé. Et comme ’ tout tient radicalement à la politique ’, c’est sur celle-ci que nous allons nous attarder en premier lieu.

Nature et politique

La société du contrat, commençons par le souligner, semble bien être une société artificielle et par voie de conséquence antinaturelle. Par sa conception artificielle de la société civile, Rousseau tend à rejeter toutes les théories qui font reposer l’autorité souveraine sur l’autorité naturelle du père sur ses enfants et toutes les prétentions du droit divin qui donnent au rapport social une origine surnaturelle.

Ceci dit, le conventionnalisme n’est pas un antinaturalisme. Car les droits individuels ou le droit naturel ne sont pas anéantis par le contrat social puisqu’on les trouve au sein de l’État, mais transformés ou rétablis par la raison.

En effet, à côté du ’ droit naturel raisonné ’, qui apparaît avec la constitution des sociétés civiles, Rousseau admet aussi un ’ droit naturel proprement dit ’, qui convient à l’état de nature. Ce dernier type de droit naturel est antérieur à l’usage de la raison et il est au fond constitué par le sentiment de la pitié, relié à la recherche de la survie.

Sa maxime fondamentale prescrit : ’ Fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible. ’ Cette maxime de la justice naturelle est cependant rendue impuissante par le déchaînement de l’amour-propre et des passions qui accompagnent la formation de la société. D’où la nécessité de transformer le droit naturel en loi civile pour empêcher l’injustice de régner.

Mais pour que cette transformation soit possible, il faut adjoindre au droit naturel deux choses : la force de la sanction et la garantie de la réciprocité. La fonction du pacte fondamental est ainsi d’instituer l’autorité légitime qui peut obliger les hommes, puisqu’ils ne le font pas d’eux-mêmes, à pratiquer les maximes du droit naturel sous la garantie de la réciprocité des devoirs et des droits.

Il y a un autre facteur qui confirme le fait que Rousseau aspire à trouver un système politique qui reste conforme à l’idéal du droit naturel. Ce facteur est le respect de la parole. En effet, affirme Jean-Jacques Rousseau dans l’une de ses Lettres écrites de la montagne : les citoyens doivent tenir aux engagements passés entre eux.

Or, le devoir de tenir ses engagements remonte à l’état de nature, et plus précisément au moment où les hommes s’unissent et acquièrent ’ quelque idée grossière des engagements mutuels, et l’avantage de les remplir ’. Le respect de la parole relève donc de l’ordre de la nature. Et de la politique à la pédagogie, comme nous allons le voir, le dessein de Rousseau reste le même : préserver la nature au sein de la culture et greffer celle-ci dans celle-là.

Nature et éducation

Parce que l’on est homme avant de devenir citoyen, le nouvel homme que Rousseau aspire à réaliser sera le produit d’une éducation naturelle parvenant à façonner des individus non défigurés par le progrès pernicieux de la civilisation. Loin d’être simple, l’éducation naturelle se présente comme une composition de trois éléments hétérogènes.

L’éducation, écrit Rousseau, ’ nous vient de la nature, ou des hommes, ou des choses. Le développement des facultés et de nos organes est l’éducation de la nature  ; l’usage qu’on nous apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes  ; et l’acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses ’.

L’éducation par nature achève corporellement l’enfant : elle le fait grandir, en lui faisant des dents, en l’incitant à marcher et en le poussant à gazouiller. Cette éducation, qui fait l’objet du premier livre de l’Émile, constitue un processus interne du développement de l’enfant. Avec l’âge actif que décrivent les livres II et III de l’Émile, on se libère du souci exclusif du corps : les choses font connaître à l’enfant le monde par le moyen de l’expérience.

La dernière phase de l’enseignement de la nature est celle de l’éducation de l’homme par l’homme. Cette éducation, dont parlent les livres IV et V, et qui concerne l’adulte en tant qu’être moral, soulève une difficulté.

En effet, comment l’homme si altéré, si vicié par la société pourrait-il réussir à éduquer ses semblables selon la nature ? Pour se tirer de cet embarras, Rousseau a recours à l’exception : seuls des hommes si purs, si bons, sont capables d’assurer cette tâche. Émile est l’un de ces hommes. Une fois devenu père, il formera à son tour son enfant.

À dire vrai, ce sont surtout les deux premières sortes d’éducation, celle de la nature et celle des choses, qui expriment le mieux l’éducation naturelle. Leur combinaison donne lieu à l’éducation négative que Rousseau prend pour la meilleure des éducations possibles, et que nous pouvons définir comme celle qui consiste à dissocier croissance individuelle et éducation sociale.

Tout en assimilant l’éducation négative à l’éducation naturelle, Rousseau l’oppose donc à l’éducation positive. Tandis que celle-ci vise à réaliser la maturité réflexive des individus, le but que trace l’éducation négative pour elle-même est tout autre : il s’agit de préserver l’âme de l’enfant des préjugés et des vices : ’ J’appelle éducation négative celle qui tend à perfectionner les organes, instruments de nos connaissances, avant de nous donner ces connaissances et qui prépare la raison par l’exercice des sens. ’

L’éducation négative répond ainsi à une exigence principale, qui est de former des jugements au lieu d’encombrer la mémoire. C’est le principe pédagogique de l’expérience qui privilégie l’initiative personnelle dans l’acte du savoir, et c’est le sens profond de l’éducation dépourvue de médiations, qui laisse l’enfant découvrir tout par lui-même et en lui-même.

Lire la suite dans Espace Prépas n°165. Version téléchargeable et imprimable…

Dossier : La nature, entre nous…

Source : https://grandes-ecoles.studyrama.com/espace-prepas/concours/ecrits/culture-generale/l-idee-de-nature-chez-rousseau-3648.html

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  • Le réalisme moral de Rousseau : Remplacer la loi naturelle par la volonté générale - Rousseau’s Moral Realism : Replacing Natural Law with the General Will - Publié en ligne par Cambridge University Press : 01 August 2014 - Arthur M. Melzer
    Résumé

Le Contrat social est réinterprété en mettant l’accent sur sa relation avec les autres écrits et doctrines de Rousseau.

Dans l’esprit du réalisme hobbesien, Rousseau considère le droit naturel et les autres formes de ’morale privée’ comme inefficaces, invalides et, en pratique, comme de dangereux outils d’oppression et de subversion.

Mais, toujours plus réaliste que Hobbes, Rousseau pense qu’il est impossible de construire un État non oppressif sur la base des seuls intérêts égoïstes des hommes et adopte le point de vue classique selon lequel la moralité ou la vertu est politiquement nécessaire (ainsi qu’intrinsèquement bonne).

Cependant, la doctrine de Rousseau sur la bonté naturelle de l’homme, qui attribue tout vice aux effets de l’oppression, l’amène à conclure que la non-oppression plus ou moins garantie par la règle absolue des lois générales est également suffisante pour rendre les hommes vertueux.

C’est ainsi que Rousseau peut déclarer la loi en tant que telle (la volonté générale) infaillible et ’souveraine’ - et il doit le faire pour protéger l’État de droit de son plus grand danger, l’appel subversif à la ’loi naturelle’.

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Cambridge University Press & Assessment : Home

Home | Cambridge University Press & Assessment

Source : https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/abs/rousseaus-moral-realism-replacing-natural-law-with-the-general-will/FCB017163A5198BDF6CC7602567CC54D

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  • Penser l’écologie avec Nietzsche - Vendredi 05 mai 2023 - Provenant du podcast L’heure Philo – ‘France Inter’ – Enregistrement de 53 minutes avec Benoit Berthelier

    Benoit Berthelier - C. Hermance-TriayBenoit Berthelier - C. Hermance-Triay

Benoît Berthelier nous propose une relecture de la pensée de Nietzsche, loin des clichés de toute puissance, et nous invite à réfléchir à une écologie ni catastrophiste ni culpabilisante.

’Le surhumain est le sens de la terre’ avec Nietzsche. Benoit Berthelier signe son premier essai et nous invite à cheminer en compagnie de Nietzsche et propose d’aller puiser dans ses écrits et pensées : les ressources pour penser le présent et l’écologie.

A première vue, il semble loin d’être évident de rapprocher la pensée nietzschéenne de la philosophie de l’environnement, ou encore de vouloir tirer une éthique environnementale des textes de Nietzsche.

A ceux qui se soucient d’écologie, l’essai de Benoit Berthelier ’Le sens de la terre, Penser l’écologie avec Nietzsche’ peut servir, en premier lieu, d’introduction à une lecture du grand philosophe. Et ceux qui se soucient de Nietzsche, peuvent, en revanche réfléchir à la crise écologique.

Dans un contexte de changement climatique préoccupant, l’auteur pose le problème d’une philosophe écologique de la puissance, à partir d’une mystérieuse formule de Zarathoustra : ’Le surhumain est le sens de la terre’.

Selon Benoit Berthelier, ’il est fécond de se tourner vers Nietzsche et Zarathoustra, eux qui ont prêché sans relâche la fidélité à la terre et le souci de son sens’.

L’heure Phil

© Radio France

Sciences et Savoirs Philosophie

L’équipe - Patricia Martin Production - Gaetan Kolly Réalisation - Chantal Le Montagner - Chargé(é) de programme

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Source : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-heure-philo/l-heure-philo-du-vendredi-05-mai-2023-5540655

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  • Nietzsche et le nihilisme à l’heure de la crise écologique - Par Pierre-alexis Michau - Mis à jour le 27/04/2023 à 17:52 – Document ‘lefigaro.fr/vox/culture’
    « L’un des objectifs de ce livre est de montrer que le nihilisme, la perte de sens, travaille les deux côtés du débat écologique : le côté des ’climato-sceptiques’ et celui des personnes les plus sensibles aux problèmes écologiques. » Commons Wikimedia

Figarovox/entretien - Dans son premier livre Le sens de la terre - Penser l’écologie avec Nietzsche, le philosophe Benoît Berthelier dévoile une lecture saisissante de Nietzsche à travers les enjeux écologiques. Ce grand penseur nous aide à sortir de notre conception « anthropocentrée » du monde, analyse-t-il.

Benoît Berthelier est diplômé de l’École normale supérieure et agrégé de philosophie. Son dernier livre Le sens de la terre - Penser l’écologie avec Nietzsche est paru aux éditions du Seuil en mars 2023. (304 p., 24 €)

Figarovox. - Vous écrivez dans votre livre « Contrairement à beaucoup de lecteurs environnementalistes de Nietzsche, nous ne croyons pas que Nietzsche puisse être tenu pour un défenseur de la nature ». Qu’est-ce que sa pensée peut apporter aux combats écologistes, s’il n’est pas un défenseur de la nature  ?

Benoît Berthelier. - On ne peut pas dire que Nietzsche ait été un défenseur de la nature, au sens où pour lui il n’y avait pas besoin de la défendre. Il était évidemment ignorant des problèmes écologiques que nous connaissons aujourd’hui. Il n’y a pas non plus chez lui de culte romantique de la nature, comme c’est le cas chez Rousseau par exemple. La divinisation de la nature lui semble suspecte, dans la mesure où elle conduit à voir la nature comme un lieu de rédemption.

Cependant, on trouve dans son œuvre une vraie pensée de la vie, de son histoire, de ses conditions d’organisation et de croissance. Il nous invite à regarder de plus près l’ancrage de la vie dans certaines conditions naturelles et culturelles, ce qu’il appelle parfois des « climats ». Il souligne l’importance d’apprécier tout ce qui peut nourrir la vie, de toutes les « choses proches » que la métaphysique a tendance à oublier.

Alors que Nietzsche critiquait le nihilisme, vous blâmez vous le « nihilisme environnemental ». De quoi s’agit-il  ? En quoi est-ce un danger  ?

La véritable cible de Nietzsche est en effet le nihilisme. Et malgré ses avertissements, nous n’en sommes pas encore guéris. Je fais l’hypothèse, dans mon livre, que nous faisons face à une nouvelle étape du nihilisme, à savoir le nihilisme environnemental. Il s’agit d’un approfondissement de la perte de nos valeurs, d’une détresse devant l’absence de sens et de buts de notre existence terrestre, qui peut prendre des formes très diverses. J’en distingue quatre formes, quatre manières de réduire à « rien » le sens de la terre. Le « nihilisme réducteur » anime ceux qui voient la terre comme un simple stock de ressources à exploiter et à s’approprier, dont la valeur est déterminée par le seul marché. Le « nihilisme dénégateur » renvoie à toutes les formes de déni ou de relativisation de la crise écologique.

L’un des objectifs de ce livre est de montrer que le nihilisme, la perte de sens, travaille les deux côtés du débat écologique : le côté des « climato-sceptiques » et celui des personnes les plus sensibles aux problèmes écologiques.

Benoît Berthelier

Le « nihilisme exténuateur » concerne ceux qui ont une conscience lucide de la crise mais qui se sentent écrasés par l’urgence d’y répondre, qui souffrent d’une sorte d’épuisement, de découragement ou de déception. Ils en viennent à ressasser un amer « à quoi bon ? ». Enfin, le « nihilisme négateur » est l’accomplissement du nihilisme comme volonté de néant, il s’agit du rêve d’une terre sans hommes ou des multiples visages du ressentiment, de la vengeance, de la culpabilisation de soi et des autres. L’un des objectifs de ce livre est de montrer que le nihilisme, la perte de sens, travaille les deux côtés du débat écologique : le côté des « climato-sceptiques », des « éco-modernistes » prétendument optimistes et le côté des personnes les plus sensibles aux problèmes écologiques. Je crois qu’au lieu de déplorer et de stigmatiser « l’indifférence » présumée des citoyens aux questions écologiques, on gagnerait à penser la situation en termes de nihilisme.

Nietzsche redoutait l’avènement du « dernier homme », au sens d’un homme médiocre incapable de donner un sens aux choses. Et vous écrivez à propos de ce dernier homme « Son ultime fierté, la fine pointe de son orgueil, c’est d’être capable de renoncer à l’homme, à la vie humaine ». Faut-il voir dans les mouvements écologistes radicaux qui refusent de perpétuer l’espèce et d’avoir des enfants, au nom de la nature, l’avènement de ce « dernier homme »  ?

On pourrait sans doute trouver des similitudes avec le « dernier homme » de Nietzsche dans certains de ces mouvements. Mais mon livre n’a pas une ambition sociologique ou politique, je ne cherche pas à décrire de manière systématique la société actuelle.

La pensée de Nietzsche reste cependant utile pour discerner des grands types d’affectivité, différentes manières dont nous pouvons être affectés aujourd’hui par le non-sens de notre existence terrestre. Le dernier homme, selon Nietzsche, considère l’humanité comme le terme de l’évolution de la vie sur terre, c’est l’homme qui a pour idéal d’être le « dernier ».

Il est clair que Nietzsche s’oppose à cet anthropocentrisme maladif, il lui oppose un antidote, le surhumain.

Nietzsche ne considère pas l’espèce humaine comme un fléau pour la nature. Certes, il dit dans Ainsi parlait Zarathoustra que l’homme est la « maladie de peau » dont souffre la terre, mais on peut supposer qu’il parle à ce moment-là des hommes modernes, qui veulent justement être les « derniers hommes ». Il ne souhaite pas que l’homme s’anéantisse lui-même, mais qu’il se dépasse vers le surhumain, qu’il prépare la terre à l’accueil de multiples formes de vie.

Que signifie cette « surhumanisation » de la terre que prône Nietzsche ?

Pour redonner un sens à notre habitation de la terre, il faut se défaire de l’idée d’un « retour à la nature » idéalisé. Nietzsche défend d’abord la nécessité d’une « déshumanisation de la nature » et d’une « naturalisation de l’homme ». Pour penser adéquatement le « surhumain », il faut produire une nouvelle pensée de ce qu’est l’être humain, en le naturalisant. C’est-à-dire en le réinscrivant dans l’histoire de la vie et dans les dynamiques de la volonté de puissance.

Pour comprendre ce que peut vouloir dire aujourd’hui « aimer la terre », il faut regarder de près notre histoire chrétienne. La critique de Nietzsche n’est pas une critique athée qui considère que le christianisme n’a rien à nous apprendre.

Benoît Berthelier

Parallèlement, il est nécessaire de déshumaniser la nature, autrement dit de trouver une interprétation de la réalité qui ne soit pas anthropomorphique, qui ne soit pas seulement guidée par les préoccupations étriquées du type humain dominant. Cette tâche de déshumanisation de la nature doit aboutir à retrouver ce que Nietzsche appelle le « pur concept de la nature » et que l’on peut identifier à la volonté de puissance. C’est à partir de ce concept que l’on peut établir une interprétation de la nature que Nietzsche juge plus honnête, plus riche et plus stimulante que celle des scientifiques positivistes de son époque, des romantiques ou des philosophes qui l’ont précédé.

Dans un passage sur le christianisme, vous écrivez « Pour redonner un sens à la terre, il faut donc déterminer comment ne plus être chrétien, c’est-à-dire déterminer comment renverser la haine de la terre et du terrestre que le christianisme a infusée dans nos corps pendant deux millénaires ». Mais le christianisme en plaçant l’homme « au centre de la création », ne l’a-t-il pas au contraire doté d’une responsabilité vis-à-vis de celle-ci  ? Dans la Genèse, Dieu considère que la création est bonne et place l’homme au milieu du jardin d’Éden pour le « cultiver et le garder ». (Genèse 2 :15).

En effet, la terre est une notion qui a une importance cruciale dans le christianisme, et il y aurait beaucoup à dire du rapport entre écologie et christianisme. Dans ce livre, j’ai surtout essayé d’identifier le type précis de christianisme qui était la cible de Nietzsche, pour mieux comprendre le nouvel « amour de la terre » qu’il a en vue. Cette cible, c’est le christianisme luthérien et paulinien (NDLR, inspiré de l’apôtre Paul), avec la figure médiatrice d’Augustin entre les deux. Dans un tel christianisme, l’amour de Dieu suppose une renonciation à l’amour terrestre. Pour comprendre ce que peut vouloir dire aujourd’hui « aimer la terre », il faut donc regarder de très près notre histoire chrétienne. La critique de Nietzsche n’est pas une critique athée qui considère que le christianisme n’a rien d’important à nous apprendre. Au contraire, il considère qu’il faut relire les textes de l’histoire chrétienne, pour parvenir à la dépasser et à nous extraire d’une forme de religiosité maladive.

Nietzsche nous enseigne que l’humain doit, certes, endosser la charge de la terre, mais que celle-ci ne dépend pas d’une place particulière qu’occuperait l’homme dans la création, ou dans une échelle des êtres instituée par Dieu.

Benoît Berthelier

Pour revenir à votre question, le problème de la conception biblique de la nature, notamment dans la Genèse, est qu’elle reste anthropocentriste. C’est l’homme qui nomme les animaux, qui est le bon intendant de la terre, qui en est le gardien et le maître, même si c’est un maître responsable qui ne tire sa position privilégiée que du service qu’il rend à Dieu. Nietzsche nous enseigne que l’humain doit, certes, endosser la charge de la terre, mais que celle-ci ne dépend pas d’une place particulière qu’occuperait l’homme dans la création, ou dans une échelle des êtres instituée par Dieu.

Mais peut-on redonner un « sens à la terre » sans aucune forme de sacralité ?

Cela dépend des formes de sacralité et des types de vie qu’elles engagent. On trouve aussi des dieux chez Nietzsche. Certes Dieu est mort pour lui, mais du début à la fin de son œuvre, il fait notamment une large place à la figure de Dionysos. Dionysos est une autre figure de la divinité, qui renvoie à la vie surabondante. Le rapport de Nietzsche au divin et au sacré est complexe. Sa philosophie est une manière de remplacer ou de réinterpréter les affects chrétiens et non de les congédier simplement. Tout l’enjeu est que cette sacralité ne soit pas tributaire d’un idéal ascétique, c’est-à-dire négateur de la vie et de la terre.

À lire aussi : Luc Ferry : « Une brève histoire de la philosophie »

À lire aussi : Fabrice Hadjadj : « Comment prétendre sauver les générations futures tout en rejetant l’idée d’avoir des enfants ? »

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Source : https://www.lefigaro.fr/vox/culture/le-nihilisme-honni-par-nietzsche-se-retrouve-aussi-bien-chez-les-eco-sceptiques-que-chez-les-ecolos-anti-homme-20230427

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  • Friedrich Nietzsche et la naissance de Zarathoustra - Samedi 23 septembre 2023 – Texte et enregistrement de 55 minutes – Diffusé par ‘France Culture’ - Provenant du podcast ‘Autant en emporte l’Histoire
    Photo - Lou Andreas-Salomé, psychanalyste, Paul Ree, philosophe, et Friedrich Nietzsche, philosophe en mai 1882 à Lucerne. ©Getty - Collection Leemage

1883. Nietzsche publie ’Ainsi parlait Zarathoustra’, livre énigmatique, en rupture totale avec l’écriture philosophique de son temps, et qui de son vivant n’aura aucun succès. Il redoutait que son œuvre soit incomprise et par-dessus tout dévoyée. Il ne pouvait imaginer à quel point elle le sera...

Avec

  • Patrick Wotling Ancien élève de l’École normale supérieure, professeur de philosophie, directeur du département de philosophie de l’Université de Reims et fondateur du Groupe International de Recherches sur Nietzsche
    La photo prise en 1882, est incroyable : une femme conduisant une charrette tirée par deux hommes que, pour rire, elle menace de son fouet. Les deux hommes sont Friedrich Nietzsche, jeune philosophe allemand qui a fui les rigueurs de sa Prusse natale, et son vieil ami Paul Rée, philosophe comme lui, qui lui a fait connaître une jeune femme au charme irrésistible : Lou von Salomé, la femme au fouet, « la personne la plus intelligente que j’ai jamais connue » dira Nietzsche.

Une étonnante relation amoureuse est née entre ces trois êtres assoiffés de pensée nouvelle et de liberté.

Un an plus tard, Nietzsche publiera « Ainsi parlait Zarathoustra », un livre énigmatique, en rupture totale avec l’écriture philosophique de son temps, qui de son vivant n’aura aucun succès. Visionnaire, Nietzsche redoutait que son œuvre, si originale, soit incomprise et par-dessus tout qu’elle soit dévoyée. Il ne pouvait imaginer à quel point elle le sera.

Pendant des décennies, Nietzsche sera le penseur fou, nationaliste, raciste et antisémite, apôtre de la violence et précurseur d’Hitler. Jusqu’à ce qu’on se décide à le lire vraiment.

L’invité : Patrick Wotling, ancien élève de l’École Normale Supérieure, professeur de philosophie et traducteur, directeur du département de philosophie de l’Université de Reims et fondateur du Groupe International de Recherches sur Nietzsche. Il est l’auteur de ’Nietzsche : la conquête d’une pensée’ publié au PUF en 2022.

La fiction : ’Nietzsche et la naissance de Zarathoustra’ de Marjorie Philibert

Avec :

  • Friedrich Nietzsche : Philippe Weissert
  • Lou Andreas Salomé : Charlotte Avias
  • Paul Rée : Adrien Michaux
  • Elisabeth Nietzsche : Yael Elhadad
  • Cosima Wagner : Odja Llorca
  • Bruitages : Bertrand Amiel
  • Prise de son, montage, mixage : Manuel Couturier, Bastien Varigault
  • Assistante à la réalisation : Laure Chastant
  • Réalisation : Cédric Aussir
    A lire également : de Patrick Wotling ’Nietzsche’ paru aux éditions Le Cavalier bleu dans la collection ’Idées reçues’ en 2009. Les œuvres de Friedrich Nietzsche sont disponibles dans la Bibliothèque de la Pléiade chez Gallimard et en édition de poche.

Musique : Pomme La rivière

Sciences et Savoirs Histoire Philosophie Fiction radiophonique Friedrich Nietzsche

L’équipe - Stéphanie Duncan Production - Audrey Ripoull Réalisation - Frédéric Martin Attaché(e) de production

Source : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/autant-en-emporte-l-histoire/autant-en-emporte-l-histoire-du-samedi-23-septembre-2023-2372085

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Collecte de documents et agencement, traduction, [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 24/09/2023

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

Site : https://isias.info/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

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