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"Friedrich Nietzsche (1844-1900) philologue prolifique, pourtant rejeté par la majorité de ses collègues et connu aussi comme antiféministe pour son opposition à l’émancipation des femmes au 19ème siècle" par Jacques Hallard

mercredi 4 octobre 2023, par Hallard Jacques


ISIAS Histoire Philosophie Nietzsche Partie 2 Philologie Antiféminisme

Friedrich Nietzsche (1844-1900) philologue prolifique, pourtant rejeté par la majorité de ses collègues et connu aussi comme antiféministe pour son opposition à l’émancipation des femmes au 19ème siècle

Série ‘Histoire Philosophie Nietzsche‘

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 28/09/2023

Présentation

Partie 1 - ’Revisiter Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) puis Friedrich Nietzsche (philosophe allemand 1844-1900) « pour une écologie ni catastrophiste ni culpabilisante » (selon Dr. Benoit Berthelier philosophe Université Paris I)’ par Jacques Hallard - 27 septembre 2023, par Rédaction d’ISIAS - ISIAS Histoire Philosophie Nietzsche Partie 1 Rousseau Ecologie

Partie 2 - Friedrich Nietzsche (1844-1900) philologue prolifique, pourtant rejeté par la majorité de ses collègues et connu aussi comme antiféministe pour son opposition à l’émancipation des femmes au 19ème siècle

Plan du document : Préambule Introduction Sommaire Auteur

Citations sur les femmes | Les femmes et le féminisme - Club de Réflexion Noctua et Bubo | Culture, monde, sciences, arts...

 « Simple, forte, aimant l’art et l’idéal, brave et libre aussi, la femme de demain ne voudra ni dominer, ni être dominée. » - Lo
uise Michel – Source : https://www.club-de-reflexion-noctua-et-bubo.com/femme-2

Louise Michel, alias « Enjolras », 1830-1905 à Marseille, est une institutrice, écrivaine, militante anarchiste, franc-maçonne française ... Wikipédia


Préambule

Ce dossier – conçu pour un usage didactique – est la Partie 2 de la Série ‘Histoire Philosophie Nietzsche‘.

D’abord quelques rappels :

Friedrich Nietzsche (1844-1900) est un philosophe, critique culturel, compositeur, poète écrivain et philologue allemand dont l’oeuvre a exercé une profonde influence sur l’histoire intellectuelle contemporaine. ... Google Books

La philologie, du grec ancien φιλολογία / philología, est « l’amour des mots, des lettres, de la littérature », et consiste en l’étude d’une langue et de sa littérature à partir de documents écrits. C’est une combinaison de critique littéraire, historique et linguistique. Wikipédia

L’antiféminisme est le contre-mouvement de pensée et d’action qui s’oppose au féminisme. Sa palette thématique est aussi riche que les champs d’intervention du féminisme et il évolue au fil du temps pour s’opposer aux droits progressivement acquis par les femmes. …

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Introduction

La Partie 2 de la Série ‘Histoire Philosophie Nietzsche‘ est l’objet de ce dossier, qui est axé spécialement sur le gros travail laissé par ce personnage en matière de philologie, d’une part, et sur l’antiféministe qu’il exprima au long de sa vie tourmentée…

Les 3 premiers articles choisis traitent de la Philologie, (« la mythologie des langues ») : malgré les nombreux et abondants travaux de Nietzsche – concernant beaucoup Homère -, cet auteur prolifique fut fortement contesté par ses pairs ...

Lecture complémentaire suggérée : Homère et la philologie classique Les Belles Lettreshttps://www.lesbelleslettres.com › livre › homere-et-la-...- 03 juin 2022 — À travers l’examen de la question homérique, Nietzsche énonce donc l’exigence de donner un sens philosophique au travail philologique.

Homère (en grec ancien Ὅμηρος / Hómēros, « otage » ou « celui qui est obligé de suivre »1) aurait été un aède (ou poète) de la fin du VIIIe siècle av. J.-C. Il était surnommé « le Poète » (ὁ Ποιητής / ho Poiēts) par les Anciens. Les deux premières œuvres de la littérature occidentale que sont l’Iliade et l’Odyssée lui sont attribuées. Il est difficile de dire aujourd’hui si Homère est un personnage historique ou une identité construite, un personnage conceptuel, et s’il est bien l’auteur des deux épopées qui sont au fondement de la littérature occidentale. D’où les discussions sur la question homérique, même si les savants modernes croient à un personnage inventé… - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hom%C3%A8re

Les documents suivants de ce dossier sont essentiellement consacrés à l’antiféminisme avec des points de vue contemporains sur le sujet, d’une part, et d’autre part, une démonstration de la position claire de Nietzsche qui il apparaît comme un fervent opposant à l’émancipation de la femme au 19ème siècle :

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Sommaire

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Qu’ont en commun J.K. Rowling, J.R.R. Tolkien, Jacob Grimm et Friedrich Nietzche ?

Outre le fait qu’ils soient tous d’émérites écrivains, respectivement auteurs d’Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux, Les Contes de Grimm et Ainsi parlait Zarathoustra, ils n’en sont pas moins aussi des amoureux des langues et de leurs littératures.

Cet amour des mots, des lettres et de la littérature porte un nom : la philologie, et il en existe même une profession, appelée philologue. Ce métier, quoique souvent méconnu du grand public, demeure pourtant passionnant à découvrir. Alors, couvrez-vous de votre cape d’invisibilité, prenez la route de la terre du Milieu et partez avec nous vers la découverte de cette science merveilleuse qui a inspiré de si grands auteurs : la philologie.

Philologie ?

En grec, le mot philologie vient du grec ancien φιλολογία, philología, plus exactement de philo- (verbe philein : aimer, chercher) d’une part, et, d’autre part, -logie (nom logia : lettres) et signifie donc littéralement « amour des lettres ».

La philologie consiste donc en « l’étude d’une langue et de sa littérature à partir de documents écrits ».

Outre cet aspect, cette science « s’intéresse aussi aux problèmes de datation, de localisation et d’édition de textes ». Par ce fait, plusieurs autres domaines peuvent donc en être rapprochés, à l’instar de l’histoire, de la linguistique, de la grammaire, de la stylistique, mais aussi, en extrapolant encore un peu plus, de l’archéologie dite littéraire, à savoir de l’épigraphie (étude des inscriptions faites sur la pierre, l’argile ou le métal), de la papyrologie (étude du déchiffrement des documents grecs ou latins liés à l’Égypte antique), voire de la paléographie (étude des écritures manuscrites anciennes) et de la codicologie (étude des manuscrits sous forme de codex) ! Oui, la philologie est bien une science multidisciplinaire, à la fois littéraire, historique, archéologique et linguistique

 

https://cursus.edu/storage/images/AE8ayqCpifDW5t3xLpigf1lyH8im9LOSEHjOUSwD.jpeg Illustration

Je veux devenir philologue !

Vous aimez étudier les langues, l’histoire et vous êtes fan d’archéologie ? Certes, si vous avez lu un de nos précédents articles, Archéologue, entre langues et histoire, devenir un Indiana Jones des langues, vous êtes déjà un peu sensibilisé au thème, sinon, pourquoi ne pas se tourner vers une autre profession passionnante, celle de philologue ? Après tout, avec des modèles comme Tolkien, J.K. Rowling, Nietzche ou Freud, difficile de suivre un mauvais chemin ! Mais côté études, ça se passe comment ?

Soyons honnêtes, on ne peut pas étudier la philologie dans n’importe quelle université. En fait, assez rares sont celles qui offrent cette formation dans le monde. 

Ainsi, en France, elle est considérée comme une spécialité après des études universitaires en littérature. On n’y accède donc généralement qu’après avoir étudié au moins trois ans dans une disciple connexe. L’université de Lorraine, à Nancy, par exemple, propose justement un Master philologie, linguistique et littératures anciennes.

En Suisse, l’université de Fribourg propose quant à elle tout un cursus universitaire complet, du Bachelor au Doctorat, en passant par le Master.

Au Québec, l’université de Montréal offre un Baccalauréat en études classiques, alors que l’université Laval de Québec offre un Baccalauréat en études anciennes. Ces deux formations de premier cycle peuvent également se poursuivre jusqu’au doctorat.

Outre ces universités francophones, quatre autres grandes universités se taillent une belle réputation dans ce domaine : Madrid, en Espagne (Master interuniversitaire en philologie classique), Ostrava, en République Tchèque (Master de philologie anglaise), Göteborg, en Suède (Master en Philosophie Ancienne et Médiévale et Philologie Classique) et Chelyabinsk, en Russie (Master de théorie et pratique de la langue anglaise).

Créer un univers

Pourquoi devenir philologue ? Y a-t-il des débouchés professionnels ? Certes, on peut tout logiquement continuer dans le domaine de la recherche au 3e degré, mais aussi dans l’enseignement, qu’il soit collégial ou universitaire, ou encore dans le domaine de l’édition ou des livres et de la culture.

Illustration

Prenons le cas de Tolkien (1892-1973), l’auteur du ‘Seigneur des Anneaux’, sans doute le plus célèbre philologue de notre époque. Après avoir étudié le grec ancien à la ‘King Edward’s School’ de Birmingham, en Angleterre, se sentant fortement attiré par les langues anciennes, il apprit par la suite le vieux norrois (langue scandinave médiévale) et le gotique (langue germanique parlée par les Goths dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen-Âge), uniquement dans le but de lire deux textes de ces langues respectives, à savoir L’Edda Poétique et le Kalevala, tous deux récits mythologiques nordique et finnois.

Puis, commençant à s’ennuyer de philologie classique, il se penche sur la philologie comparée avant de se tourner résolument vers la littérature anglaise et la philologie scandinave. Après, c’est la naissance du monde du Seigneur des Anneaux : une histoire, une mythologie, des peuples, des langues… Tout un univers qui lui est propre. Comment oublier la langue elfique, créée par Tolkien, qui sert de base sacrée tout au long de l’histoire ?

Philologue, le plus beau métier du monde ? Oui, si vous êtes passionné par les langues, l’histoire, la littérature et la mythologie. La philologie, c’est tout un univers qu’on découvre, crée et développe, en se basant sur des histoires, des littératures et des mythologies déjà existantes, c’est un univers infini et dans lequel on peut laisser libre cours à notre imagination. Enfin, comme le disait Tolkien lui-même : « un seul rêve est plus puissant qu’un millier de réalités », alors pourquoi ne pas nous aussi entrer dans ce rêve ?

Sources et illustrations :

Thot Cursus

© 2023 Thot Cursus. Tous droits réservés. Source : https://cursus.edu/fr/22121/philologie-la-mythologie-des-langues

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  • Nietzsche, la philologie comme pratique et comme métaphore - Vendredi 18 août 2023 – Enregistrement de 7 minutes - Document ‘France Culture’ - Provenant du podcast Le ’vrai’ métier des philosophes

    Les philosophes de Leipzig (1867-1868) ©Getty - Universität Leipzig/picture alliance

Photo agrandie - Les philosophes de Leipzig (1867-1868) - ©Getty - Universität Leipzig/picture alliance

Nommé à 24 ans professeur de philologie classique à l’Université de Bâle, Nietzsche y enseigne pendant dix ans. Devenu philosophe à temps plein, il fait de la notion de philologie un usage métaphorique et critique.

Le jeune Nietzsche (1844-1900) est un très brillant étudiant en philologie, ce qui lui vaut d’être nommé à 24 ans professeur de philologie classique à l’Université de Bâle. Son travail de professeur et de chercheur est beaucoup mieux connu aujourd’hui grâce à l’édition intégrale de ses notes de cours, qui occuperont 12 volumes dans l’édition française (4 ont déjà paru). Nietzsche s’intéresse particulièrement à la métrique et à la rythmique des poésies grecque et latine. Il défend l’idée que la poésie grecque privilégie les rapports de durée (syllabes longues ou brèves) et non l’accentuation expressive des émotions, comme dans la poésie allemande.

’Ce qui était philologie est devenu philosophie’

La Naissance de la tragédie selon l’esprit de la musique (1872) suscite la controverse parmi ses collègues. Dans ses œuvres ultérieures, Nietzsche étend la notion de philologie (étude critique des textes) dans la mesure où il étend la notion de texte : Nietzsche considère la morale ou la culture comme des « textes » qu’il faut aborder avec la probité philologique. À la philologie étroite succède une philologie large, qui se fait anthropologie. Cette transformation philosophique de la philologie était annoncée dès la Leçon inaugurale de Bâle en 1869, lorsque Nietzsche proclamait en latin ’ce qui était philologie est devenu philosophie’ (philosophia facta est quae philologia fuit), renversant délibérément une formule de Sénèque déplorant que la philosophie soit devenue philologie, ici simple amour des mots (quae philosophia fuit, facta philologia est, Lettres à Lucilius n° 108).

Un podcast à écouter : Quatre malentendus nietzschéens

Bibliographie :

F. Nietzsche, ’La Naissance de la tragédie’, in Œuvres philosophiques complètes, Gallimard, tome 1, Folio, 1989

F. Nietzsche, Aurore, ’Avant-Propos’, § 5 ; Par-delà bien et mal, § 22 ; L’Antéchrist, § 52

F. Nietzsche, Écrits philologiques, tome IV, ’Homère et la philologie classique’ et ’Encyclopédie de la philologie classique’, Les Belles Lettres, 2022

P. Wotling, Nietzsche et le problème de la civilisation, PUF, 2012, chap. I (’La philologie comme métaphore fondamentale’)

Carlotta Santini, ’Nietzsche et la rythmique grecque’, in Nietzsche philologue et philosophe, Les Cahiers philosophiques de Strasbourg, n° 40, 2016, en ligne

Sciences et Savoirs Philosophie Friedrich Nietzsche

L’équipe : Nassim El Kabli Production

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-vrai-metier-des-philosophes/nietzsche-la-philologie-comme-pratique-et-comme-metaphore-1613413

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Autre source d’formation >

Nietzsche, la philologie comme pratique et ...

Podcasts Français -https://podcasts-francais.fr › les-matins-de-france-culture

18 août 2023 — durée : 00:07:12 - Le ’vrai’ métier des philosophes – Par Nassim El Kabli -

Site pour écouter : https://podcasts-francais.fr/podcast/les-matins-de-france-culture/nietzsche-la-philologie-comme-pratique-et-comme-me


  • Nietzsche, un philologue classique contesté – Etude de Julie Dumonteil maître de conférences - Université de la Réunion - CRLHOI
    Journée de l’Antiquité et des Temps - Anciens, Apr. 2012, Saint-Denis, La Réunion. pp.47-57. hal-01217715

Source de ‘information : Laboratoire - Déplacements Identités Regards Ecritures DIRE - Université de La Réunionttps ://dire.univ-reunion.fr › laboratoire

Le professeur Friedrich Nietzsche enseigne, dès l’âge de vingt-quatre ans, la philologie classique à l’Université de Bâle. Il occupe, dans un premier temps, un poste de Professeur stagiaire, Extraordinarius, puis devient titulaire, Ordinarius, à l’université et au Pädagogium de Bâle. Il est donc, à l’âge de vingt-quatre ans, professeur de lettres, de littérature, de grammaire et de civilisation classique et considère la philologie classique comme l’étude de l’Antiquité. C’est après avoir publié plusieurs articles sur ses propres sujets de recherche et en particulier sur son étude du doxographe grec Diogène Laërce qu’il obtient ce poste, grâce au soutien de son professeur et mentor Friedrich Ritschl. Friedrich Nietzsche consacre donc les premières années de sa vie professionnelle à l’enseignement de la philologie classique dans un cadre scolaire et universitaire.

Or le jeune professeur défend une certaine idée de l’Antiquité gréco-latine et de son étude. Il a de sa discipline une conception singulière qu’il exprime dès son entrée en fonction : la philologie classique constitue pour lui l’élément central d’un ambitieux projet éducatif, dont l’objectif est de permettre aux individus, en leur offrant pour modèle l’Antiquité et sa vision du monde, de devenir ceux qu’ils sont.

Cette conception du but de la philologie classique apparaît très clairement dès le discours inaugural du jeune professeur à l’Université de Bâle. Le 28 mai 1869, un mois après son arrivée, le jeune homme tient en effet, comme le veut la tradition, son premier discours, intitulé Homère et la philologie classique. C’est pour lui l’occasion de faire ses preuves et de montrer à ses collègues ce dont il est capable. Il s’exprime devant un public nombreux, venu écouter ses réflexions sur la personnalité d’Homère. Il s’agit donc, au premier abord, d’une thématique purement philologique. En choisissant ce sujet pour son discours inaugural, le jeune homme semble s’inscrire dans la continuité des études homériques menées par le célèbre philologue et helléniste allemand Friedrich August Wolf.

Les recherches de ce dernier sur l’unité de composition de l’Iliade et de l’Odyssée sont à l’origine-même, de la méthode d’analyse critique et historique des textes. C’est en apparence dans la lignée de Wolf que le jeune professeur démontre que les œuvres regroupées sous le nom d’Homère ne sont pas rédigées par ce dernier, mais lui sont dédiées en tant que fondateur d’un mouvement littéraire.

Cependant, le discours inaugural de Friedrich Nietzsche va au-delà de ces considérations tout à fait dans l’air du temps. Le jeune professeur, qui a intégré son poste à l’université sans doctorat, prononce un discours inaugural qui met en avant sa propre vision de l’Antiquité et du rôle qu’elle doit jouer dans l’éducation des jeunes esprits. Ainsi, si Friedrich Nietzsche met bien en pratique la méthode historique et critique des textes lors de ses études et dans les travaux qu’il mène en tant qu’universitaire, il estime que cette méthode n’est pas suffisante. Elle représente certes un bon moyen d’accès à la culture antique, mais la valeur éducatrice de l’Antiquité n’est, à ses yeux, pas assez prise en compte.

Dès lors, Nietzsche est rejeté par la majorité de ses collègues. Pourtant, les raisons de cet ostracisme ne sont liées ni à un manque de travaux de recherche de l’enseignant, ni à un mécontentement de ses étudiants. Nietzsche est en effet un chercheur prolifique et sérieux et ses cours sont appréciés. Est-ce bien alors sa vision de l’Antiquité même qui est en cause ? Ses cours de philologie classique sont-ils par conséquent subversifs ?

Lire l’étude en totalité dont :

Un philologue classique rejeté par la profession … >

Se référer à https://hal.univ-reunion.fr/hal-01217715/file/Dumonteil-TD44.pdf

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  • L’antiféminisme - Christine BARDDocument ‘ehne.fr/fr’ Genre et Europe
    L’antiféminisme est le contre-mouvement de pensée et d’action qui s’oppose au féminisme.

Sa palette thématique est aussi riche que les champs d’intervention du féminisme et évolue au fil du temps pour s’opposer aux droits progressivement acquis par les femmes. Divagations d’esprits torturés ? Voix isolées portant l’immémorielle misogynie jusque dans la modernité ? Discours politique enraciné dans la pensée contre-révolutionnaire ? Réaction somme toute logique de la « classe des hommes » mobilisée pour conserver son pouvoir ? L’ampleur du sujet impose une périodisation qui suit logiquement celle de l’histoire du féminisme, dont la « première vague » s’étend en Europe de la fin du xixe siècle au début des années 1960.

https://ehne.fr/sites/default/files/styles/image_notice/public/illustration/6_4_nf_antifeminisme.png?itok=utBwmoEG

Illustration agrandie - Affiche de la ‘National League for Opposing Woman Suffrage’, vers 1910, Royaume-Uni.

« Antiféminisme » : le mot date de la fin du xixe siècle, au moment où « féminisme » devient d’usage courant. Sur le plan politique, l’antiféminisme est bien intégré dans le corpus des droites européennes, mais il séduit aussi d’autres familles de pensée. Ainsi, au milieu du xixe siècle, le Français Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), « père de l’anarchisme », se montre à la fois misogyne, partisan de la domination masculine et antiféministe. Si dans son ensemble l’antiféminisme trouve sa justification dans la défense de la tradition, il est assez flexible pour devenir aussi une dimension de la modernité : les futuristes italiens du début du xxe siècle veulent « glorifier la guerre – seule hygiène du monde – le militarisme, le patriotisme […] et le mépris de la femme » (Manifeste du futurisme, 1912).

Ce qui réunit les antiféministes est un discours farouchement différencialiste sur les sexes dont les fonctions sociales hiérarchisées et complémentaires sont, selon eux, prescrites par la nature et/ou la volonté divine. Tout changement est interprété comme un danger pour l’ordre social et l’avenir de l’humanité. Un pessimisme intense nourrit cette pensée décliniste. La dévirilisation de l’homme blanc castré par la gynécocratie est un de ses thèmes centraux. La métaphore sexuelle vient comme un rappel à l’ordre patriarcal fondé sur la norme hétérosexuelle. Ce discours, puisant son inspiration dans une misogynie pluriséculaire, en reprend des topoï tels que la « dispute de la culotte » qui a inspiré tout l’Occident médiéval, un avatar de la « guerre des sexes » que l’on retrouve dans l’Europe de la fin du xixe siècle dans les caricatures antisuffragistes montrant des hommes dominés et battus par leurs femmes émancipées. Cette inquiétude masculine montre combien « le privé est politique », car les mutations en cours mettent en péril les rapports sociaux traditionnels entre hommes et femmes.

Sur le plan philosophique, la pensée de la modernité se colore d’antiféminisme avec, entre autres, les philosophes allemands Arthur Schopenhauer (1788-1860), et surtout Friedrich Nietzsche (1844-1900). Défenseur de l’homosocialité masculine et même d’une émancipation homosexuelle (virile), fasciné par la mystique du Männerbund (l’entre-soi masculin), Hans Blüher (1888-1955) s’oppose quant à lui au féminisme et veut limiter le rôle des femmes à la sphère strictement familiale. Sexe et caractère (1903), l’ouvrage du jeune juif viennois converti au christianisme Otto Weininger, fournit aux antiféministes une « bible » qui décline la peur de la faiblesse, doublement incarnée par les femmes et les juifs.

Plus généralement, la littérature de l’époque produit une intersectionnalité des haines, qui vise les femmes, les juifs et les homosexuels. L’antiféminisme s’exprime également dans le théâtre et le roman soit directement dans des œuvres à thèse telles celles du Français Théodore Joran (1858-1942) ou du Suédois August Strindberg (1849-1912), soit dans la critique d’auteur.e.s progressistes et révolutionnaires dont les œuvres circulent en Europe : la Suédoise Ellen Key (1849-1826), le Norvégien Henrik Ibsen (1828-1906), la Russe Alexandra Kollontaï (1872-1952), l’Italienne Sibilla Aleramo (1876-1960)...

Si de telles idées se diffusent largement, la constitution de mouvements antiféministes ne s’impose pas. En effet, la plupart des organisations existantes, masculines ou reléguant les femmes dans des branches séparées, font déjà bon accueil à ces positions conservatrices. Le Royaume-Uni voit toutefois naître, au beau milieu de la mobilisation des suffragettes, deux associations opposées au suffrage des femmes, l’une féminine (Women’s National Anti-Suffrage League, 1908) qui compte jusqu’à 42 000 membres, l’autre masculine (Men’s League for Opposing Woman Suffrage, 1909). Issue de leur fusion, la National League for Opposing Woman Suffrage disparaît en 1918, quand les femmes (de plus de 30 ans) obtiennent les droits civiques.

En Allemagne, la Ligue pour la lutte contre l’émancipation des femmes (Bund zur Bekämpfung der Frauenemanzipation) est créée en 1912. S’appuyant sur un recrutement élitaire, l’association compte moins de 5 000 membres, dont environ 20 % de femmes, particulièrement sensibles à l’idéal du retour des femmes au foyer et à l’idée que leur mission est de glorifier les traditions allemandes. Son discours est nationaliste, pangermaniste et antisémite.

Le droit de vote étant perçu, selon la formule d’Hubertine Auclert (1848-1914), comme « la clef de voûte de tous les autres droits » (éducation, travail, égalité civile), chacun de ces combats suscite des oppositions et nourrit la peur de la « femme nouvelle », indépendante et affranchie des normes de son temps. L’opposition au suffrage féminin est centrale dans les années 1910, l’un des arguments consistant à minorer le nombre de ses partisans. Ainsi, le Bund zur Bekämpfung der Frauenemanzipation affirme que les mannweiber (« femmes-hommes ») qui réclament le vote ne sont qu’une toute petite minorité (de 10 000 femmes), les féministes allemandes annonçant être, de leur côté, un demi-million. En dépit de ces oppositions, l’émancipation économique, sociale, culturelle et politique des femmes progresse dans l’Europe du premier tiers du xxe siècle. La Russie d’après 1917 offre même l’exemple d’un pays qui veut émanciper les femmes et qui légalise l’avortement.

Mais les idées antiféministes remportent une immense victoire politique dans les années 1930 et 1940 avec l’avènement de dictatures qui imposent un ordre genré traditionnel et glorifient la virilité (Portugal, Italie, Allemagne, Espagne, France de Vichy). À la fin de la Seconde Guerre mondiale, des femmes sont tondues partout en Europe, manière de réaffirmer le contrôle masculin sur leur corps. L’extension du droit de vote aux femmes dans les derniers pays d’Europe qui le leur refusaient, en France, en Italie, ou en Suisse, suscite encore et toujours des réactions farouchement hostiles.

Un ordre moral conservateur persiste mais est de plus en plus contesté. L’émergence des mouvements de libération des femmes à la fin des années 1960 provoque une recomposition de l’antiféminisme qui se polarise désormais sur le refus du droit des femmes à disposer de leur corps. Dans plusieurs pays sont fondées des associations comme la ’Society for the Protection of Unborn Children’ au Royaume-Uni (1967), Laissez-les vivre en France (1971) ou l’Aktion Lebensrect für Alle en Allemagne (1977).

Dans les pays catholiques, les traditionalistes sont très mobilisés, à la suite de l’encyclique Humanae Vitae promulguée par le pape Paul VI en 1968.

Dans les années 1980, à la faveur de la révolution conservatrice (que symbolise la victoire de Margaret Thatcher), les idées antiféministes retrouvent une vigueur en Europe. C’est le backlash. Dans ce contexte surgit un nouveau courant, le « masculinisme », qui se donne pour mission la défense des « droits des hommes » dans une société qui serait désormais dominée par les femmes.

PDF

Citer cet article : Christine Bard, « L’antiféminisme », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 22/06/20, consulté le 23/09/2023. Permalien : https://ehne.fr/fr/node/12189

Bibliographie

Bard, Christine, Blais, Mélissa, Dupuis-Deri, Francis (dir.), Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, Paris, Puf, 2019.

Bush, Julia, Women against the Vote : Female Anti-Suffragism in Britain, Oxford, Oxford University Press, 2007.

Le Rider, Jacques, Le cas Otto Weininger. Racines de l’antiféminisme et de l’antisémitisme, Paris, Puf, 1982.

Planert, Ute, Antifeminismus im Kaiserreich. Diskurs, soziale Formation und politische Mentalität, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998.

Source : https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/genre-et-europe/l%E2%80%99homme-europ%C3%A9en-une-masculinit%C3%A9-h%C3%A9g%C3%A9monique-xixe-xxie-si%C3%A8cles/l%E2%80%99antif%C3%A9minisme

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Entrée du siège de l’association opposée au suffrage des femmes en 1905 (États-Unis).

L’antiféminisme est une idéologie caractérisée par la croyance que le féminisme serait un mouvement dépassé et néfaste, il s’incarne notamment à travers l’opposition aux mouvements ou aux approches féministes.

Définitions

Selon Mélissa Blais, sociologue québécoisea, « l’antiféminisme est un contre-mouvement qui s’oppose au mouvement féministe et cherche à faire obstacle à l’émancipation des femmes2. »

Michael Kimmel, sociologue américain spécialisé en études de genre, définit l’antiféminisme comme « l’opposition à l’égalité des femmes ». Selon lui, les membres de ce mouvement s’opposent à « l’entrée des femmes dans la sphère publique, la réorganisation de la sphère privée, le contrôle des femmes sur leur corps et les droits des femmes en général ». Kimmel écrit en outre que leur argumentation repose sur des « normes religieuses et culturelles » tandis que leurs partisans avancent leur cause comme un moyen de « sauver la masculinité de la pollution et de l’invasion ». Ils considèrent la « division traditionnelle du travail selon le sexe comme naturelle et inévitable, peut-être aussi divinement sanctionnée3. »

Selon Marie Devreux et Diane Lamoureux, l’antiféminisme est décrit comme un ensemble de réactions au progrès social en faveur de l’émancipation des femmes, qui s’appuie sur l’idée que les inégalités de genre ont disparu et qu’en conséquence le féminisme contemporain est dépassé et combat des objectifs déjà atteints et crée de nouvelles inégalités à l’encontre des hommes4. Il englobe une déclinaison de discours et d’actions dans différents domaines (politique, religieux, culturel, social, etc.)4.

Mélissa Blais et le politologue Francis Dupuis-Déri écrivent, en 2012, qu’un aspect particulier de l’antiféminisme se développe sous la forme du masculinisme, dont « le discours affirme que les hommes sont en crise à cause de la féminisation de la société (en)5 ». Ces deux chercheurs déclarent : « il apparaît tout à fait ridicule (et scandaleux) d’affirmer que le féminisme-est-allé-trop-loin [sic] et que les hommes sont aujourd’hui sous le contrôle des féministes en particulier et des femmes en général »[pourquoi ?]6.

L’antiféminisme est motivé par la croyance que les théories féministes du patriarcat et des désavantages subis par les femmes dans la société sont incorrectes ou exagérées7,8 ; ou motivé par une opposition générale aux droits des femmes3,9,10,11.

Le terme « antiféministe » est également utilisé pour décrire des figures féminines publiques en raison de leur opposition à certains ou à tous les éléments des mouvements féministes, bien que certaines se définissent elles-mêmes comme féministes12. Des écrivaines féministes d’étiquette, telles que Christina Hoff Sommers, Jean Bethke Elshtain, Katie Roiphe et Elizabeth Fox-Genovese, s’identifient ainsi à ce terme13,14. Pour Miya-Jervis et Zeisler, il s’agit plutôt de « féministes rétrogrades, des femmes qui se sont senties libres de revendiquer l’étiquette « féministe » alors même que leurs livres accusaient le mouvement de ruiner la vie des femmes et de ruiner le plaisir de tout le monde », qui ont accaparé l’attention de la presse et été proclamées porte-paroles des féministes, tandis que les vraies féministes travaillaient dans l’ombre15.

Dans les années 1908, des Londoniennes fondent la Ligue nationale anti-suffrage des femmes (en), faisant campagne contre le suffrage féminin aux élections parlementaires, mais non contre celui aux élections locales et municipales16. Le mouvement compte 104 antennes dans le pays en 1910. À cette date, il fusionne avec son équivalent masculin (en) pour former la National League for Opposing Woman Suffrage. La loi Representation of the People Act 1918 y met fin en donnant le droit de vote à certaines femmes17, étendu de façon égalitaire par la Representation of the People (Equal Franchise) Act 1928 (en).

Arguments historiques antiféministes

Appels à la nature et à la volonté divine Article détaillé : Appel à la nature.

L’antiféminisme né au milieu du XIXe siècle est un contre-mouvement de pensée et d’action qui s’oppose au féminisme et qui puise son inspiration dans une misogynie historique18. Il trouve sa justification dans la défense de la tradition à travers un discours différencialiste sur les sexes selon lequel les fonctions sociales hiérarchisées et complémentaires des hommes et des femmes seraient prescrites par leurs natures spécifiques et/ou la volonté divine18.

Dans ce discours, la sphère publique est par nature réservée aux hommes et la sphère privée, où s’accomplissent les fonctions féminines (économie familiale, éducation…), aux femmes19.

Tout changement est interprété comme dangereux pour l’ordre social et l’avenir de l’humanité18.

S’il repose sur une structure relativement stable, le discours antiféministe s’est recomposé au cours de l’histoire en fonction des enjeux posés par la redéfinition des normes de genre. Ce type de discours est cependant rejeté par la majorité de la communauté scientifique, puisque l’Homme étant un être social20, les normes qui l’entourent ne sont pas naturelles. Les travaux d’historiens ont confirmé que les rôles attribués aux hommes et aux femmes changent selon les cultures et les époques et les sociologues et les psychologues ont mis en évidence le caractère socialement construit des différences entre le masculin et le féminin21.

« Nature » des rôles genrés Article connexe : Rôle de genre.

L’apparition de nouveaux modèles de féminité s’est traduit par l’émergence de discours dénonçant le risque du « chaos sexuel »22. Dans les années 1920, la garçonne apparaît comme une « manifestation de l’égoïsme féminin », retardant sous l’influence des féministes l’âge de son premier enfant à des fins de jouissance, contre l’intérêt de la nation qui promouvait une politique nataliste22.

L’apparition des premières étudiantes à la fin du XIXe siècle a donné naissance au qualificatif péjoratif de « cervelines » pour désigner les femmes qui perdaient selon les masculinistes tout attrait du fait de leurs ambitions intellectuelles23. Plus encore, leurs nouvelles dispositions les rendraient responsables d’une destruction de la relation sexuelle, de l’amour et du mariage et tuerait le jeu amoureux24.

En permettant aux femmes de tenir des rôles sociaux jusque-là considérés comme exclusivement masculins, le féminisme conduirait également pour les antiféministes à une indifférenciation ou à une confusion des sexes ; la masculinisation des femmes ferait ainsi courir un risque aux relations de séduction entre hommes et femmes. Ainsi, le renforcement du pouvoir social des femmes est considéré par des auteurs antiféministes, tels Éric Zemmour, comme un obstacle à la séduction, conçue comme un rapport de force naturellement violent où l’homme devrait tenir le rôle dominant25.

Stéréotype de la féminité Articles connexes : Féminité et Genre (sciences sociales).

S’il peut s’appuyer sur la misogynie, l’antiféminisme peut également se faire le défenseur d’une conception de la féminité exclusive de toutes les autres, par exemple en proclamant vouloir « préserver » les femmes de tâches qui seraient contraire à leur « nature ». Ainsi, à la question : « Les mains des femmes sont-elles bien faites pour les pugilats de l’arène publique ? », le sénateur français Alexandre Bérard répondait en 1919, pour s’opposer au droit de vote des femmes, que « Séduire et être mère, c’est pour cela qu’est faite la femme »26.

C’est pour défendre une conception biologisante des rôles féminins d’épouse et de mère qu’elle estimait impartis par Dieu que Phyllis Schlafly, issue de la droite chrétienne conservatrice, prit aux États-Unis dans les années 1970 la tête d’une puissante campagne publique contre l’Equal Rights Amendment27. Son action fédéra le travail de plusieurs organisations féminines antiféministes — comme l’association « Les femmes contre l’égalité » — qui s’étaient formées en réaction au mouvement de libération des femmes28.

Travail des femmes Article connexe : Travail des femmes.

L’aspiration de nombreuses femmes à accéder aux professions libérales, dont les plus prestigieuses leur sont alors interdites, provoque à la fin du XIXe siècle l’émergence d’un discours de défense, que les féministes désignent sous le vocable de « masculinisme ». Contre les partisans de la mixité, qui mobilisent des arguments égalitaires et méritocratiques, les « masculinistes » tentent de faire valoir la « spécificité masculine » des professions dont ils entendent interdire l’accès aux femmes29. Les avocats mettent ainsi en avant les qualités physiques nécessaires pour défendre son point de vue dans l’arène juridique : prestance, gravité de la voix, improvisation sont autant de caractéristiques présentées comme typiquement masculines et inaccessibles aux femmes30. Quelques décennies auparavant, c’est avec des arguments similaires que les opposants américains aux premières oratrices du pays (Fanny Wright, Angelina Grimké...) avaient marqué leur réprobation devant un comportement en rupture avec les qualités attendues d’une lady. L’argumentaire masculiniste est cependant forcé d’évoluer au gré des percées féminines dans des univers autrefois exclusivement masculins. Dans les années 1930, alors que les femmes, admises au barreau, tentent cette fois d’accéder à la magistrature, la plaidoirie est présentée sous un jour nouveau : domaine du sentiment et de l’empathie, présentée comme compatible avec l’univers féminin, elle est construite en opposition à la froide raison du juge, perçue comme intrinsèquement masculine31.

La résistance du mouvement ouvrier naissant au travail des femmes est également forte, soit qu’il considère que les femmes, moins bien payées, représentent une concurrence sur le marché du travail, soit qu’il y voie une menace pour l’ordre familial. Pierre Joseph Proudhon, dont l’influence est grande sur le mouvement ouvrier français, justifie par l’infériorité naturelle des femmes le principe d’une différenciation sexuée des rôles sociaux, ce qui lui vaut d’être la cible de la féministe Jenny d’Héricourt. Pour défendre l’interdiction du travail des femmes lors du congrès de Genève de l’Association internationale des travailleurs (1866), les mutuellistes proudhoniens arguent qu’il « doit être énergiquement condamné comme principe de dégénérescence pour la race et un des agents de démoralisation de la classe capitaliste »32.

Les antiféministes les plus virulents dénoncent plus largement le principe même du travail des femmes. Dans les milieux catholiques conservateurs maurassiens, la progression de la participation des femmes à la vie publique était considérée comme un facteur d’affaiblissement de la société ou de corruption morale. Après la défaite française de 1940, les théoriciens de la Révolution nationale vichyste comme Henri Massis ou Jean de Fabrègues faisaient du retour des femmes dans les foyers et du rétablissement d’une culture virile le préalable du redressement du pays33.

Droit de vote des femmes Article connexe : Droit de vote des femmes.

De même que le travail des femmes, le droit de vote était désigné par ses opposants comme un danger pour l’ordre social. À l’apogée du mouvement suffragiste aux États-Unis, l’ancien président Grover Cleveland estimait que le droit de vote des femmes bouleverserait « un équilibre naturel si délicatement ajusté d’après les rôles et les limites de chacun [des deux sexes] qu’il [était] impossible de le troubler sans courir le risque d’un danger social »34. Quelques décennies plus tard, l’écrivain Philip Wylie estimait dans son essai Generation of Vipers (1942) que les conséquences désastreuses de la crise des années 1930 étaient le résultat des nouveaux droits accordés aux femmes, et en particulier du droit de vote.

En France, le terme d’antiféminisme devient habituel dans la presse peu avant la Première Guerre mondiale, pour désigner une réaction contre le féminisme. Celles et ceux qui se reconnaissaient dans ce mouvement étaient contre l’égalité des droits civiques et politiques ; ils réagissaient également contre l’extension des métiers accessibles aux femmes, extension qui commençait à se manifester. Ces antiféministes étaient souvent des polémistes virulents, et ils appartenaient à tous les milieux politiques et socio-économiques35. L’antiféminisme reste particulièrement actif dans les années 1920 et 1930, à travers des polémistes, comme Théodore Joran ou Marthe Borély, dont L’Appel aux Françaises et le Génie féminin français sont des pamphlets contre le suffrage féminin.

Rhétorique réactionnaire Article connexe : Deux siècles de rhétorique réactionnaire.

Les chercheuses font souvent appel dans leur description des discours antiféministes aux outils d’analyse fournis par Albert Hischman dans son ouvrage Deux siècles de rhétorique réactionnaire, publié en 1991 et devenu un classique de la sociologie politique36,37. C’est le cas dans un ouvrage dirigé par Diane Lamoureux, Les antiféminismes. Analyse d’une rhétorique réactionnaire (2015), qui met en évidence l’entrelacement de discours masculinistes d’une part, et de discours transphobes et racistes d’autre part38. Ainsi par exemple, un procédé courant de la rhétorique réactionnaire consiste à affirmer l’inutilité du changement social et politique, en vertu de l’axiome d’Alphonse Karr selon lequel « plus ça change et plus c’est la même chose » ; la variante antiféministe de cet argument réactionnaire de l’« inanité » conduit à affirmer « l’impossible égalité dans le couple hétérosexuel »39.

Arguments contemporains antiféministes

Théorie de la symétrie dans les violences conjugales

Depuis les années 1990, les antiféministes défendent, notamment au Canada, l’idée d’une « neutralité du genre » dans les violences au sein du couple, selon laquelle la proportion de violences contre les hommes aurait été minorée40. Ils banalisent le discours selon lequel les femmes seraient aussi violentes que les hommes, tout en tentant de gommer toute allusion au genre dans le vocabulaire utilisé. Selon Molly Dragiewicz, professeur associé en criminologie, les antiféministes n’apprécient pas le lien fait entre violence faite aux femmes et patriarcat ; ils cherchent donc à séparer discussions sur la violence et analyses sur l’inégalité des sexes. Le discours sur les hommes, les femmes et la violence fait au Canada l’objet d’une véritable lutte de pouvoir : « Discourses on women, men, and violence are one location where such struggles are highly visible in Canada41. »

Bien que relativement nombreux à faire entendre leur voix42,43,44,45,46,47,48,49,50,51,52,53,54, les auteurs de ces thèses restent, selon Dragiewicz et DeKeseredy, minoritaires dans le monde de la recherche55.

Par exemple, Don Dutton, chercheur et professeur à l’université de la Colombie-Britannique (UBC), déplore l’impact de ce « paradigme féministe » sur la législation et sur l’issue des litiges familiaux devant les tribunaux56. Suivant Dutton, les stéréotypes féministes (gender paradigm) porteraient à croire que la violence conjugale est presque exclusivement le fait des partenaires de sexe masculin, et la violence masculine est d’emblée interprétée comme un instrument pour maintenir le contrôle sur la famille. La violence féminine serait, au contraire, interprétée comme réactionnelle aux efforts de domination masculine.

Finalement, les féministes surpondéreraient, d’après lui, le rôle de l’idéologie patriarcale dans la violence familiale au détriment des autres causes58 : « Various empirically demonstrated etiological contributions to IPV (e.g., learning, attachment, and personality) are ignored, as are correlates of IPV [inter-personal violence] perpetration such as alcohol abuse, depression, reported interpersonal dominance between partners (regardless of gender), and dyadic communication deficits »53 (p. 3) (traduction : « Diverses contributions étiologiques empiriquement démontrées aux violences interpersonnelles (par ex. : apprentissage, attachement et personnalité) sont ignorées, de même que sont ignorés des corrélats de la perpétration de violences interpersonnelles tels que l’abus d’alcool, la dépression, les liens de domination interpersonnelle entre partenaires (indépendamment du genre), et le déficit de communication dyadique »).

Arguments de Murray A. Straus

Murray A. Straus (en), professeur américain de sociologie, déplore l’obstruction politique et intellectuelle qu’a entraînée, depuis les années 1990, la prédominance de la théorie féministe explicative de la violence conjugale59. À la suite de Graham-Kevan, Straus observe que, malgré une masse écrasante de constatations empiriques contraires (« fully documents overwhelming evidence »), les milieux politiques continuent à croire à l’axiome féministe voulant que la domination patriarcale (« « patriarcha dominance » theory of partner violence ») soit l’explication primale de la violence conjugale60.

Très sévère avec les féministes, aussi bien dans les milieux de la recherche que dans les cercles militants, Straus précise que, selon lui, l’explication principale de cette « obstruction épistémologique » est l’application des féministes à dissimuler, nier ou déformer les résultats des études, voire à user d’intimidation et de menaces, y compris dans les milieux scientifiques : « I believe that the predominant cause has been the efforts of feminists to conceal, deny, and distort the evidence. Moreover, these efforts include intimidation and threats, and have been carried out not only by feminist advocates and service providers, but also by feminist researchers who have let their ideological commitments overrule their scientific commitments. » (p. 227-8) Traduction : « Je crois que la cause prédominante a été les efforts des féministes pour dissimuler, nier et déformer les preuves. Par ailleurs, ces efforts incluent intimidation et menaces, et ont été menés non seulement par des défenseurs féministes et des fournisseurs de services, mais aussi par des chercheurs féministes qui ont laissé leurs engagements idéologiques l’emporter sur leur engagement scientifique. »[source insuffisante]

Sept tactiques féministes qui s’opposent à « l’objectivité en ce domaine » selon M.A. Straus

Murray A. Straus énumère sept méthodes grâce auxquelles les thèses d’un certain militantisme féministe radical se seraient déployées61,62.

  • Dissimulation de données : par militantisme ou par peur de représailles, des chercheurs et chercheuses dissimulent des données qui contrediraient l’axiome féministe.
  • Évitement de données : le processus d’investigation est délibérément détourné de façon à éviter que soient enregistrées des données contrevenant à l’axiome. En particulier plusieurs études ne s’adressent qu’à des femmes ou évitent de poser des questions sur les actes violents commis par des femmes.
  • Citation sélective : des auteurs ne citent que les sources montrant les perpétrations masculines ou qui alimentent des thèses féministes adjacentes pourtant contredites par une masse de preuves.
  • Conclure que les résultats d’études corroborent les croyances féministes alors que ce n’est pas le cas.
  • Créer des « preuves par citations » : s’appuyer sur des centaines d’études et de citations publiées dans des revues scientifiques avec comité de lecture, pour valider comme scientifiques des idées désavouées par d’autres63.
  • Entraver des publications : faire obstruction à la publication de données qui contredisent l’axiome féministe, par exemple en refusant de financer des études de victimisation des hommes, ou des études basées sur l’idée que les violences conjugales ne sont pas spécifiquement liées au genre.
  • Harceler, menacer et sanctionner les chercheurs qui produisent des preuves empiriques contraires à l’axiome féministe.
    Effets de la stigmatisation du féminisme

Danielle Giffort, sociologue à l’université de l’Illinois à Chicago, soutient que la stigmatisation du féminisme créée par les antiféministes a conduit des organisations à adopter un « féminisme implicite », qu’elle définit comme une « stratégie pratiquée par les activistes féministes au sein d’organisations qui opèrent dans un environnement post-féministe dans lequel elles cachent les identités et les idées féministes tout en mettant l’accent sur les angles plus socialement acceptables de leurs efforts »64. En raison de la stigmatisation du féminisme, certains militants peuvent prendre les principes du féminisme comme fondement de la pensée et enseigner l’indépendance et l’autonomie des filles et des femmes sans l’étiqueter explicitement avec la marque stigmatisée du féminisme ; c’est le cas par exemple des militants de Girls Rock. Ainsi, la plupart des femmes continuent de pratiquer le féminisme en termes de recherche d’égalité et d’indépendance pour les femmes, tout en évitant l’étiquette de « féministe »64.

Suite de l’article dont l’Antiféminisme dans le monde, sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antif%C3%A9minisme

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  • Antiféminisme - KREATUR, le magazine féministe d’ARTE présente une vidéo de 21 minutes 11
    En français

Lorsqu’on parle des mouvements d’extrême droite, populistes, ultraconservateurs ou encore des mouvements religieux, leur programme antiféministe est à peine évoqué.

Ces soi-disant groupes de défense des droits des hommes sont pourtant aujourd’hui ouvertement opposés aux militantes féministes.

Quelle est leur influence et surtout comment les affronter ?

A visionner sur ce site : https://www.arte.tv/fr/videos/116341-013-A/antifeminisme/

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  • Comment les féministes ont-elles retourné les injures sexistes pour défendre leur cause ? - Vendredi 22 septembre 2023 Document ‘radiofrance.fr/franceculture’ - Provenant du podcast Le Pourquoi du comment : histoire

    Portrait de Hubertine Auclert tenant la banderole ’Suffrage des femmes’. Elle serait la première militante française à se déclarer ’féministe’. - Charles Gallot (1838–1919), Domaine public, via Wikimedia Commons

Illustration agrandie -

Une femme adultère tuée par son mari. Un code civil qui acquitte les maris meurtriers dès lors qu’ils sont trompés. ’La femme n’est pas l’égale de l’homme, elle est d’un autre genre’. Dans son pamphlet ’L’homme-femme’ daté de 1872, l’antiféminisme de Dumas-fils est virulent et sans équivoque.

On doit l’adjectif ’féministe’ au fils d’Alexandre Dumas, l’auteur de ’La Dame aux camélias’. Il l’utilisa, pour la première fois, dans un essai intitulé : L’homme-femme, publié en 1872. Peu de temps auparavant, un individu, nommé Du Bourg, qui avait tué sa femme adultère, fut condamné à cinq ans de prison, alors que le Code civil permettait, en ce temps-là, d’acquitter les maris meurtriers quand ils étaient trompés.

À réécouter : Christine Bard : ’Le mot féminisme s’emploie à partir de 1882 grâce à Hubertine Auclert, première suffragiste française’ - Les Nuits de France Culture 27 min

Dans un contexte encore marqué par la défaite militaire de 1870-71, les conservateurs furent scandalisés par ce jugement, car ils estimaient que le redressement moral de la France exigeait qu’on rappelle aux femmes qu’elles devaient fidélité et obéissance à leurs maris. Dumas fils se lança dans la polémique concernant l’affaire Du Bourg en publiant un essai censé répondre à une question posée par un journaliste : faut-il tuer la femme adultère ? Faut-il lui pardonner ? 

Comme l’a souligné l’historienne Odile Krakovitch, on trouve dans cet ouvrage les pires injures jamais proférées contre les femmes. C’est une succession d’affirmations hâtives, et souvent contradictoires, qui enfilent les stéréotypes comme des perles. L’une des idées qui en ressort, c’est que l’homme a été vaincu par l’engeance féminine parce que ce sont les femmes qui accouchent des enfants. Elles détiennent donc le pouvoir suprême dans le domaine de la vie et de la mort. Il ajoute que le mariage est tout à l’avantage des femmes, car en prenant le nom de leur mari, c’est lui qu’elles ridiculisent quand elles le trompent.

En conséquence, Dumas fils plaide dans cet essai pour un renforcement de l’autorité masculine. ’Si, au lendemain de son mariage, à la première infraction légère, le mari lui avait infligé la correction que réclamaient ses origines de sauvage, elle aurait dit : tiens un homme et elle l’aurait adoré’. Le livre se termine par cette incroyable injonction, adressée au lecteur, et qui vise la femme adultère : ’tue-la !’. Ces deux mots contribuèrent largement au succès de cet essai qui se vendit à 50 000 exemplaires en trois semaines.

Preuve qu’à cette époque déjà, les pamphlets indigents pouvaient devenir des best-sellers, à condition de faire scandale. Et c’est pour justifier son cri de haine qu’il utilisa pour la première fois le mot ’féministe’ : ’Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent : tout le mal vient de ce qu’on ne veut pas reconnaître que la femme est l’égale de l’homme […]. Nous nous permettons de répondre aux féministes que ce qu’ils disent là, n’a aucun sens’, car, ajoute Dumas, ’la femme n’est pas l’égale de l’homme, elle est d’un autre genre’. 

Hubertine Auclert, pionnière de la lutte pour le droit de vote des femmes, fut la première à retourner le stigmate qui pesait sur les féministes. Dans une lettre adressée en septembre 1882 au préfet de la Seine, à l’occasion d’un mariage, elle demanda — je la cite - ’que soit octroyée aux femmes comme aux hommes, aux féministes comme aux libres penseurs, la liberté d’adresser dans les mairies quelques mots aux nouveaux mariés’. Mais il fallut attendre le 14 mai 1892 pour que s’ouvre à Paris le premier congrès annuel de la fédération des sociétés féministes.

Bibliographie : Odile Krakovitch, ’Misogynes et féministes il y a cent ans. Autour de l’homme-femme d’Alexandre Dumas fils’, Questions féministes, n°8, mai 1980.

La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, philosophie >>> Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts ’Le Pourquoi du comment’ ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n’osez poser. À écouter aussi dans Le Cours de l’histoire

À lire aussi : Aux origines de la papauté : comment l’évêque de Rome est-il devenu le pape ?

Le Cours de l’histoire 58 min

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Longtemps, les philosophes ont ignoré les différences sexuelles, ne les considérant pas comme un objet d’études.

Alors, lorsqu’il fait appel à la distinction entre le masculin et le féminin, Nietzsche inaugure une façon de réfléchir sur les relations humaines qui pourrait être considérée, dans une certaine mesure, comme sexuée.

Il est vrai qu’à son époque certains penseurs ont pris la défense du mouvement de l’émancipation féminine. C’est le cas de John Stuart Mill, qui a écrit des textes en faveur de l’indépendance des femmes bien connus de Nietzsche. Mais à la différence de Mill, Nietzsche mène un combat contre le mouvement de l’émancipation féminine, qui s’avérera sans merci.

Ses écrits contiennent pléthore de remarques au sujet des femmes : certaines relèvent du cliché, d’autres d’une analyse complexe et raffinée de la condition humaine sous le prisme du genre ; il mentionne la condition féminine dans des digressions éparses comme dans des passages très argumentés. Ses réflexions sur ce thème n’ont pas une place marginale dans son œuvre ; elles ne sauraient se réduire à des préférences personnelles et moins encore à des égarements ponctuels. Bien au contraire, dans mon dernier livre Les ambivalences de Nietzsche. Types, images et figures féminines, je défends l’idée qu’elles s’inscrivent pleinement dans son entreprise philosophique.

À l’exception de ses premiers textes, les considérations de Nietzsche sur les femmes sont présentes un peu partout dans son œuvre. Elles se trouvent, par exemple, dans de nombreux aphorismes d’Humain, trop humain, dans une séquence de paragraphes du second livre du Gai savoir, dans plusieurs discours d’Ainsi parlait Zarathoustra, dans un groupe de paragraphes de Par-delà bien et mal et dans un certain nombre de passages du Crépuscule des idoles. Étant donné l’objet d’étude choisi ici, je porterai mon attention en particulier aux passages de Par-delà bien et mal, où Nietzsche s’en prend aux femmes qui aspirent à devenir indépendantes.

Un duel impossible

Dans le paragraphe 238 de ce livre, Nietzsche affirme qu’il y a « l’antagonisme le plus abyssal » entre hommes et femmes. « Se méprendre sur le problème fondamental de ‘l’homme et de la femme’, nier l’antagonisme le plus abyssal et la nécessité d’une tension irréductible, rêver peut-être de droits égaux, d’éducation égale, de privilèges et de devoirs égaux : voilà un signe typique de platitude intellectuelle ».

Ce faisant, il pourrait très bien laisser entendre que l’homme et la femme établissent une relation conflictuelle. Dans son optique, concevoir l’existence comme un duel loyal est une condition inhérente à ce qui est noble. Mais depuis ses premiers textes, Nietzsche affirme qu’il ne peut y avoir de lutte quand on méprise l’antagoniste et il n’y a pas de raison de lutter quand on le domine. D’où il s’ensuit que, pour le philosophe, la relation entre hommes et femmes ne serait pas conçue comme un affrontement entre deux positions qui s’excluent. Car la lutte doit toujours avoir lieu inter pares.

Comment comprendre alors « l’antagonisme le plus abyssal et la nécessité d’une tension irréductible » entre hommes et femmes ? Comment envisager le caractère agonistique d’une telle relation ?

« Considérer la femme comme une possession »

Au premier abord, on pourrait supposer que Nietzsche incite les femmes à provoquer les hommes en duel, car il souhaite qu’elles ne se comportent pas comme des hommes, mais qu’elles ne se laissent pas non plus subjuguer par eux. Néanmoins, en se prononçant sur la façon dont on doit envisager la femme, il affirme qu’un homme profond, bienveillant, rigoureux et dur « ne pourra jamais penser à la la femme que de manière orientale : il lui faut concevoir la femme comme une possession, comme un bien qu’il convient d’enfermer, comme quelque chose qui est prédestiné à servir et trouve là son accomplissement ». En somme, un tel homme concevra la femme comme prédestinée àla sujétion. Nietzsche n’hésite donc pas à se montrer contraire du mouvement d’émancipation de la femme déjà présent à son époque.

Il faut tout de même souligner que, dans ses écrits, le philosophe ne s’adresse pas aux femmes. C’est vers les hommes qu’il se tourne et, en particulier, vers les hommes qui, comme lui-même, réfléchissent sur les femmes, et il leur explique comment il faut les traiter. Le passage cité exige notre attention.

En envisageant la femme à la « manière orientale », Nietzsche privilégie « la formidable raison de l’Asie » et s’éloigne de l’histoire de la philosophie européenne. Lorsqu’il s’adresse à ses pairs, il fait l’éloge de « la supériorité de l’instinct de l’Asie » et combat ainsi la philosophie occidentale qui a toujours pris pour modèle l’homme européen. Quand il s’agit de savoir comment traiter les femmes, Nietzsche s’en tient à encourager ses congénères à procéder de façon similaire à celle de l’homme asiatique.

Dans l’optique nietzschéenne, depuis la Révolution française, la société européenne considère comme moral de soumettre l’individu aux nécessités générales. Décadente, elle proclame que son bonheur consiste à devenir utile à tous, en supprimant son caractère singulier et en se convertissant tout simplement en un membre de la « masse grégaire ». Voilà pourquoi elle favorise l’apparition des mouvements comme celui de l’émancipation féminine – contre lequel le philosophe s’insurge.

Une émancipation « décadente »

Nietzsche pense que l’influence de la femme a diminué en Europe dans la mesure où ses droits se sont accrus. Pour lui, ce n’est pas un hasard si les femmes, qui veulent égaler les hommes, commettent une erreur de calcul. Cherchant à acquérir des droits, elles réduisent leur sphère d’influence. Car tandis que les droits ont à voir avec la société qui se forme après la Révolution française, l’influence concerne celle qui lui préexistait.

Nietzsche pense qu’à la différence des organisations sociales basées sur l’idée d’une hiérarchie, comme celles de l’Asie, de la Grèce ancienne ou de la France pendant l’ancien régime, la société européenne de son époque s’oriente de plus en plus rapidement vers l’uniformisation. Il dénonce alors la tendance égalitaire de l’Europe des temps modernes : « À aucune époque le sexe faible n’a été traité par les hommes avec autant d’égards qu’à notre époque – cela est un trait spécifique du penchant et du goût fondamental de la démocratie ».

Nietzsche estime qu’il se prononce en faveur des femmes en les avertissant que l’émancipation qu’elles souhaitent contribue à affaiblir leurs caractéristiques et leurs particularités. On pourrait argumenter qu’en effet, lorsqu’elles revendiquent l’égalité de droits depuis la Révolution française, les femmes pensent que la société industrielle ne procède à aucune discrimination sexuelle. Mais elles se trompent, quand elles imaginent, en se fiant à l’idée d’une universalité abstraite, que cette société considère tous les citoyens comme des travailleurs et des consommateurs de manière indifférenciée.

Les femmes constatent alorscomme l’ont démontré Geneviève Fraisse et Michelle Perrot – basée sur une stricte séparation entre la production de biens et la gestion du foyer, la société industrielle se maintient grâce aux activités qu’elle assigne aux femmes, dès les tâches ménagères, à commencer par la génération et le soin des enfants, jusqu’au soutien apporté aux hommes.

Mais, convaincues que « liberté, égalité, fraternité » concerne tous les êtres humains, elles revendiquent alors l’égalité des droits. Et elles se trompent une fois de plus, lorsqu’elles supposent que la devise révolutionnaire s’applique à elles aussi. Les femmes perçoivent ainsi le divorce entre les discours et les pratiques : les principes révolutionnaires inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne vont pas au-delà des frontières de la masculinité.

Dans la perspective nietzschéenne, enthousiasmées par la Révolution française, les femmes se sont affaiblies. D’où il s’ensuit qu’« il y a de la stupidité dans ce mouvement » de l’émancipation féminine. Les femmes qui souhaitent égaler les hommes, s’appliquent à lire et à écrire et renoncent ainsi à « une humilité fine et rusée ». Elles mettent en cause des images idéalisées et sapent la croyance masculine dans « l’éternel féminin ». Leur refus de se comporter « tel un animal domestique fort délicat, curieusement sauvage et souvent plaisant » dissuade les hommes de les traiter avec attention et de les prendre sous leur protection. Elles négligent ainsi les armes qui leur ont permis de remporter tant de victoires. Mais il faudrait souligner que ce sont précisément les armes qui, en général, sont imputées aux faibles.

En faisant appel aux clichés associés au féminin, Nietzsche s’emploie à dénoncer ce qui, à ses yeux, est une stratégie de domination de la part des femmes. En insistant sur leur astuce et leur pouvoir de séduction et, en les voyant excellentes dans l’art de manipuler, il se rend complice de la dépréciation dont elles sont l’objet depuis des siècles.

Les éléments réunis ici me permettent de conclure que, si Nietzsche critique les femmes parce qu’elles exigent l’égalité de droits, il n’est pas prêt à lutter contre ce qui les conduit à la revendiquer ni contre ce qui les empêche de l’obtenir. Bien au contraire, en prônant une image traditionnelle de la femme, il n’hésite pas à mener un combat sans merci contre le mouvement d’émancipation féminine.

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Mots clefs : égalité des sexes philosophie sexisme féminisme emancipation

Commentaire : Lu Berlu - Nietzsche était un homme de son temps et avait les préjugés de son temps. Effectivement un certain nombre de ses idées sont datées et il s’est montré parfois “traditionnel” au sens le plus critiquable du terme. Il avait dans d’autres domaines des analyses qui paraissent aujourd’hui quasiment anormales. Mais au moins il a réfléchi et s’il s’est trompé c’est parce qu’il était “trop humain”.

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Source : https://theconversation.com/nietzsche-fervent-opposant-a-lemancipation-de-la-femme-202655

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