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"Quelques sociétés secrètes qui ont marqué le monde avec des regards croisés sur la pensée chinoise et la franc-maçonnerie et le discours du Président de la République au Grand Orient lors des 250 ans de cette obédience" par Jacques Hallard
samedi 25 novembre 2023, par
ISIAS Philosophie Sociologie Symbolique
Quelques sociétés secrètes qui ont marqué le monde avec des regards croisés sur la pensée chinoise et la franc-maçonnerie et le discours du Président de la République au Grand Orient lors des 250 ans de cette obédience
Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 22/11/2023
Illustration symbolique réalisée par Jean-Pie Robillot – In Regards croisés sur la pensée chinoise et la franc-maçonnerie par Che Bing - Lire l’article de référence dans ce dossier
Plan du document : Préambule Introduction Sommaire Auteur
Société secrète : c’est une organisation sociale qui demande que ses membres gardent une partie de ses activités et de ses motivations cachées. Ces sociétés avaient à l’époque un but religieux, reposant sur l’initiation, notamment en Égypte antique, ou dans les cultes à mystères du monde gréco-romain. Wikipédia – Wikipédia a dressé une Liste de sociétés secrètes
Pensée philosophie chinoise : elle rassemble divers courants de pensée d’Asie extrême-orientale qui sont essentiellement issus de trois traditions : le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme… Wikipédia
Franc-maçonnerie : ce terme un ensemble d’espaces de sociabilité sélectifs qui recrutent leurs membres par cooptation et pratiquent des rites initiatiques se référant à un ‘secret maçonnique’ et à l’art de bâtir… Wikipédia
Symbolique - Le mot symbolique peut prendre différentes significations. Pour tous les sens pris par ce mot en adjectif : « Qui n’a de valeur que par ce qu’il exprime ou ce qu’il évoque1. »
Pour le substantif1,2 :
- l’ensemble des relations et des interprétations afférentes à un symbole, la symbolique du feu, par exemple ;
- l’ensemble des symboles caractéristiques d’une tradition, par exemple la symbolique de la Kabbale, celle des Mayas, celle de l’art roman, etc. ;
- l’art d’interpréter les symboles, par l’analyse psychologique, par l’ethnologie comparée, par tous les processus et techniques de compréhension qui constituent une véritable herméneutique du symbole ;
- dans la psychanalyse, Sigmund Freud théorise le travail humain de symbolisation (les symboles en eux-mêmes n’y ont aucune valeur) et Jacques Lacan poursuit et fait référence au symbolique, qui désigne les représentations liées au langage.
- en psychologie analytique Carl Gustav Jung fait appel aux symboles qui ont dans sa théorie une valeur intrinsèque.
- la science ou la théorie des symboles.
La symbolique-système - La symbolique est un ensemble de symboles propre à un domaine, un système de signes particulier. Elle peut concerner, du côté des objets désignés, un être naturel (exemple : la symbolique du lion), un art ou une technique (ex. la symbolique architecturale), une religion (la symbolique chrétienne), etc… ou, du côté de ceux qui désignent, un peuple (la symbolique viking), un groupe humain (ex. : la symbolique des alchimistes), une école (la symbolique des romantiques), une époque (la symbolique médiévale), etc…. – Article complet ici > https://fr.wikipedia.org/wiki/Symbolique
Après un préambule de définitions préliminaires, ce dossier aborde tout d’abord l’histoire de quelques sociétés considérées comme secrètes à travers le monde, notamment l’Ordre peu connu des francs-jardiniers …
Puis est porté un regard croisé sur la pensée chinoise et la franc-maçonnerie, avec les aspects inattendus dans ce grand pays, de cette « ensemble d’espaces de sociabilité sélectifs, qui recrutent leurs membres par cooptation et qui pratiquent des rites initiatiques se référant à la culture maçonnique…en particulier à l’art de bâtir….
Un évènement récent, marquant les 250 ans de l’obédience du Grand Orient de France est rappelé, ainsi que le Discours du Président de la République française tenu à cette occasion…
Finalement, ce dossier rapporte une actualité du Vatican qui rappelle incidemment, selon le pape François, « l’impossibilité d’être catholique et franc-maçon » …
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- Cinq sociétés secrètes qui ont changé le monde - De Jean-Pierre Isbouts - Publication 21 juil. 2022, 16:23 CEST – Document ‘nationalgeographic.fr’
- Ordre des francs-jardiniers Vous lisez un « bon article » Wikipédia labellisé en 2007.
- Histoire des sociétés secrètes – Documentation ‘France Culture’ – 2022 - Provenant de l’émission ‘Cours de l’histoire’ en 4 épisodes
A - Épisode 1/4 : Mithra à Rome, prendre le culte par les cornes - 06 juin 2022 • 52 minutes
B - Épisode 2/4 : Francs-maçons, le secret pour fondations - 07 juin 2022 • 52 minutes
C - Épisode 3/4 : Illuminati, à l’ombre d’un fantasme 08 juin 2022 • 52 minutes
- Regards croisés sur la pensée chinoise et la franc-maçonnerie par Che Bing – Revue ‘La chaîne d’union’ n°68 avril 2014 – Dossier 39 Lumières d’Asie © Grand Orient de France
- La franc-maçonnerie et la Chine - Propos sur quelques fondamentaux – Par Che Bing Chiu - Dans La chaîne d’union 2017/4 (N° 82), pages 20 à 34 – Document ‘Cairn.info’
- 250 ans de l’obédience du Grand Orient : comment la franc-maçonnerie a peu à peu perdu en influence - Par Hélène Combis - Publié le mardi 07 novembre 2023 à 20h51 – Vidéo 8 minutes
- Discours du Président de la République au Grand Orient de France à l’occasion du 250ème anniversaire de son appellation. Enregistrement vidéo 28:45 - 8 novembre 2023 - Seul le prononcé fait foi - Document ‘elysee.fr/emmanuel-macron’
- Catholicisme - Le pape, la franc-maçonnerie et Turin - Par Marie-Lucile Kubacki - Publié le 17/11/2023 à 11h28, mis à jour le 17/11/2023 - Par Marie-Lucile Kubacki – Document ‘lavie.fr’
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Cinq sociétés secrètes qui ont changé le monde - De Jean-Pierre Isbouts - Publication 21 juil. 2022, 16:23 CEST – Document ‘nationalgeographic.fr’
De l’Oracle de Delphes aux Francs-Maçons en passant par les Templiers, les sociétés secrètes existent dans toutes les cultures et agissent dans l’ombre depuis les premières heures.
OPENER, or The FreemasonsPhoto agrandie - Initiation dans une loge maçonnique viennoise en 1784. Photographie de Unterberger, Ignaz (1748-1797), Wien Museum Karlsplatz, Vienna, Austria, Bridgeman Images
Les sociétés secrètes existent depuis l’apparition des premières grandes civilisations, sous la forme de cultes religieux, d’associations politiques ou encore de fraternités universitaires. Comptant dans leurs rangs des philosophes, des artistes, des présidents et même des astronautes, les membres menaient généralement leurs affaires en privé, cachant leurs activités et parfois leur identité au public. Certains utilisaient des poignées de main et des symboles secrets, tandis que d’autres portaient des vêtements ou des bijoux codés. Ils renversèrent des dirigeants et remodelèrent des nations, influencèrent des écrivains et des artistes, et changèrent la façon dont les humains pensaient à Dieu. Et ils existent encore de nos jours.
Que faisaient-ils exactement dans l’ombre ? Que cachent leurs mystérieux rituels ? Voici les véritables histoires de certaines des sociétés les plus secrètes de l’Histoire.
L’oracle de Delphes
Dans la Grèce antique, les citoyens qui avaient une question importante à poser pouvaient solliciter la sagesse des dieux par le biais d’oracles, et il n’existait pas d’oracle plus influent que celle de Delphes. Au maximum de son influence entre les 8e et 6e siècles avant notre ère, ce temple massif dédié au dieu Apollon se trouvait au cœur du sanctuaire de Delphes qui, la plupart du temps, servait de lieu de culte. Mais neuf jours par an, le temple se transformait en oracle lorsqu’une médium, appelée la Pythie, recevait un groupe limité de visiteurs sélectionnés pour les dons importants qu’ils avaient fait.
Delphic oracles
Illustration : La sibylle de Delphes est l’une des cinq sibylles représentées sur la fresque du plafond de la chapelle Sixtine réalisée par Michel-Ange en 1512. Photographie de Pantheon Studios, Inc.
Forbidden love
Illustration : Le temple d’Apollon à Delphes fut construit au 7e siècle avant notre ère dans le style dorique. Photographie de Wolfgang Kaehler, LightRocket via Getty Images
Au jour fixé, la Pythie, généralement une jeune femme originaire de Delphes, buvait et se baignait dans les eaux de la fontaine Kassotis. Elle entrait ensuite dans le temple pour prendre place dans le sanctuaire intérieur, l’adyton. L’oracle elle-même ne « parlait » jamais. Au lieu de cela, elle entrait en transe, provoquée, selon l’historien grec Plutarque, par de mystérieuses « vapeurs », se tordant et convulsant tout en émettant des sons et des cris étranges. Les prêtres interprétaient ses paroles et produisaient une réponse, et étaient ainsi dorés d’un pouvoir énorme, surtout si la question portait sur des sujets politiques importants.
Le culte de Mithra
Les mystères mithriaques, ou mithraïsme, une société secrète qui se développa au 1er siècle de notre ère dans tout l’Empire romain, en grande partie grâce à sa popularité auprès des troupes romaines, s’inspiraient d’une divinité indienne et perse connue sous le nom de Mithra, censée être née d’un rocher. Dépeint comme un dieu sauveur, Mithra était souvent représenté en train d’abattre un taureau sacrificiel ou de partager un banquet avec Sol, le dieu du Soleil.
Mithras Cult or opener
Illustration - Le mithraeum sous la basilique Saint-Clément-du-Latran à Rome. Photographie de Ice Boy Tell, Wikimedia Commons
Nous ne savons pas grand-chose du fonctionnement interne de ce culte exclusif, mais l’accent aurait été mis sur la glorification de la guerre, la victoire sur le mal et l’obtention du salut. Tous les candidats devaient passer sept niveaux complexes d’initiation, y compris les sacrifices d’animaux, avant d’être considérés comme des membres à part entière ou syn-dexioi, « scellés par une poignée de main ».
Jusqu’à 30 fidèles se réunissaient dans un espace caverneux appelé mithraeum (les archéologues découvrirent plus de 45 mithraeums sur au moins 680 dans la seule ville de Rome) pour partager un repas de pain et de vin, et mener des cérémonies secrètes devant une effigie du dieu tuant un taureau. À son apogée, le culte représenta un défi majeur pour une autre religion en plein essor : le christianisme. Les premiers chrétiens les persécutèrent, et la société fut éliminée avant la fin du 4e siècle.
Mithras cult
Illustration - Un panneau montrant Mithra terrassant le taureau, daté à environ 200 de notre ère. Photographie DE Cincinnati Art Museum, Ohio, USA, Gift of Mr. and Mrs. Fletcher E. Nyce, Bridgeman Images
Les Templiers
Des sept grandes croisades lancées pour libérer la Terre sainte de la domination musulmane, seule la première obtint des résultats tangibles : la prise de Jérusalem en 1099 et le massacre de la plupart des habitants juifs et musulmans qui tentaient de défendre la ville. Le mouvement des croisades inspira la fondation de plusieurs ordres militaro-religieux dont le rôle était de tenir et de défendre la Terre sainte. Les plus célèbres étaient les Templiers.
The Knights Templar
Illustration - Reconstitution moderne de Templiers en armure de combat. Photographie de DEA, C. Balossini, De Agostini, Getty Images
Formé vers 1119 lorsque Baudouin II, alors roi de Jérusalem, chargea un groupe de chevaliers de protéger tous les pèlerins chrétiens en Terre sainte, les Templiers de l’Ordre du Temple étaient facilement reconnaissables à leurs robes blanches marquées d’une croix rouge. Ils développèrent une expertise particulière en matière de finance et devinrent rapidement l’une des plus puissantes organisations chevaleresques. On leur attribue même le développement d’un nouveau système bancaire.
Après la défaite des croisés lors du siège de Saint-Jean-d’Acre en 1291 et leur fuite de la Terre sainte vers Chypre, les Templiers n’entreprit jamais de nouvelle mission. Le roi Philippe IV, qui était très endetté envers l’ordre, exploita son désarroi et sa réputation de secret en arrêtant la plupart des dirigeants templiers en France. Plusieurs furent brûlés sur le bûcher sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, ce qui ne fit qu’accroître la mystique de l’ordre.
L’Ordre du Temple fut officiellement dissous en 1307, mais sa légende perdure. Aujourd’hui, de nombreuses sociétés secrètes en France, en Allemagne et en Italie prétendent descendre des Templiers, notamment l’Association française des chevaliers du Christ, qui bénéficie du soutien du Vatican.
Les francs-maçons
Connus pour leurs tabliers blancs, leurs poignées de main secrètes et leurs symboles mystérieux, les francs-maçons auraient participé à la préparation des révolutions américaine et française et à la conception de la ville de Washington. Avec des branches dans le monde entier, ils comptent parmi leurs membres Voltaire, George Washington, Wolfgang Amadeus Mozart, Harry Houdini, Franklin D. Roosevelt, Winston Churchill, Gerald Ford et Buzz Aldrin.
The Freemasons
Illustration - Le Freemasons’ Hall de Londres, construit en 1933, est le siège de la Grande Loge unie d’Angleterre. Photographie de Baloncici, Shutterstock.com
Les origines de cette mystérieuse organisation sont obscures, mais elle aurait vu le jour en Europe dès le Moyen Âge. Les premiers membres étaient une guilde de maçons ou de tailleurs de pierre professionnels qui, contrairement à la plupart des autres roturiers, avaient les moyens de voyager dans différentes villes et différents pays, ce qui donnait à ces artisans une vision du monde unique et libérale qui transcendait les coutumes locales.
Au fil du temps, les francs-maçons diminuèrent le travail de la pierre pour discuter des idées philosophiques et intellectuelles occidentales fondées sur le siècle des Lumières, dont l’antimonarchisme, le gouvernement constitutionnel et le républicanisme. En tant que société non religieuse et apolitique, la franc-maçonnerie définit un nouvel ensemble de valeurs morales et spirituelles, inculquées par une série de cérémonies et de rituels, grâce auxquels les membres gravissaient progressivement les échelons (en utilisant la maçonnerie comme métaphore, ils passaient d’apprentis à compagnons, puis à maîtres). Les francs-maçons restent aujourd’hui une organisation florissante, avec de nombreuses unités de membres à travers le monde qui se consacrent à la charité et à des bonnes œuvres.
Les Tiandihui, Hung mun et la Triade
Au cours du tumultueux 18e siècle en Chine, les Tiandihui, la Société du Ciel et de la Terre, se forma comme un culte spirituel dirigé par des leaders charismatiques dans la province de Fujian. Contraints à la clandestinité par la dynastie Qing, ils devinrent un mouvement de résistance féroce contre les dirigeants mandchous des Qing. Ils avaient recours au vol à main armée pour maintenir leur stabilité financière.
Les Tiandihui inspirèrent d’autres sociétés, notamment une organisation similaire à la franc-maçonnerie connue sous le nom de Hung Mun. Parmi les membres, on peut trouver Sun Yat-sen, fondateur de la première république chinoise, et le général Chiang Kai-shek, fondateur de Taïwan. Certains restèrent fidèles aux idéaux de patriotisme, de loyauté et de justice des Tiandihui, mais d’autres dérivèrent vers la criminalité, inspirés par le penchant des Tiandihui pour les braquages de type Robin des Bois. Le plus célèbre est un groupe connu sous le nom de la Triade, qui est aujourd’hui l’un des plus grands groupes criminels asiatiques au monde.
The Tiandihui and Hongmen
Illustration - Sceau chinois Hung Mun du 19e siècle. PHOTOGRAPHIE DE Chinese Researches by Alexander Wylie, Shanghai, 1897
Illustration - Ce portrait sur soie de 1806 représente Yinghe de la dynastie Qing. Photographie de B Christopher, Alamy Stock Photo
Des extraits de ce travail ont déjà été publiés dans Secret Societies. Copyright © 2017 National Geographic Partners, LLC. Text copyright Jean-Pierre Isbouts 2017. All rights reserved. Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
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Source : https://www.nationalgeographic.fr/histoire/cinq-societes-secretes-qui-ont-change-le-monde
Ordre des francs-jardiniers Vous lisez un « bon article » Wikipédia labellisé en 2007.représentation symbolique des armoiriesArmoiries de l’Ordre des francs-jardiniers.
L’ordre des francs-jardiniers (Order of the Free Gardeners) est une société amicale fondée en Écosse au milieu du XVIIe siècle, et qui s’est par la suite étendue en Angleterre et en Irlande. Comme de nombreuses autres sociétés amicales (friendly societies) de l’époque, son objet principal fut à la fin du XVIIe siècle et durant tout le XVIIIe siècle le partage de connaissances — voire de secrets — liés au métier, ainsi que l’entraide mutuelle. Au XIXe siècle, ses activités d’assurance mutuelle devinrent prépondérantes. À la fin du XXe siècle, elle s’est presque entièrement éteinte. Bien que les francs-jardiniers soient toujours restés indépendants de la franc-maçonnerie, ces deux ordres présentent d’importantes similitudes en ce qui concerne leur organisation et leur développement.
Histoire
photo en couleur d’un jardin en ÉcosseLe jardin clos du château d’Edzell, en Écosse, remonte à 1604.
Le plus ancien témoignage de l’ordre est un registre de procès-verbaux de la loge de Haddington ouvert le 16 août 1676, qui commence par un recueil de quinze règles, dénommé « Injonctions à la fraternité des jardiniers de l’East-Lothian » (« Interjunctions for ye Fraternity of Gardiners of East Lothian »). Il est possible que cette fraternité de jardiniers ait été un peu plus ancienne, d’une part parce que l’Écosse était à cette époque soumise à des troubles civils et à des famines intermittentes qui auraient pu inciter les jardiniers à s’associer, d’autre part parce que les propriétaires terriens aisés s’intéressaient alors particulièrement à l’architecture de la Renaissance et au travail des jardins artistiquement travaillés de leurs vastes domaines1.
Les premiers membres de la loge de Haddington ne sont cependant ni des jardiniers de métier ni des grands propriétaires, mais plutôt des petits propriétaires terriens et des fermiers qui pratiquaient le jardinage comme un loisir. N’exerçant pas une profession citadine, ils ne peuvent pas obtenir le statut de corporation et calquent leur organisation sur celle des Maçons, qui disposent d’une forme d’organisation supplémentaire, distincte de leur corporation : la loge2. Cette organisation mise en place à Haddington peut être vue comme une forme primitive de syndicat, organisant la coopération entre ses membres, leur formation pratique, leur développement moral et le secours destiné aux pauvres, aux veuves et aux orphelins de l’association. Les loges de jardiniers sont également les premières à organiser des expositions florales, dès 17722.
Vers 1715, une loge similaire à celle de Haddington est fondée à Dunfermline et y est soutenue dès ses débuts par deux membres de l’aristocratie locale, le comte de Moray et le marquis de Tweeddale (en). Dès son origine, elle admet parmi ses membres de nombreux non-jardiniers. Elle crée une société de bienfaisance au profit des veuves, des orphelins et des pauvres de la loge, parraine une course hippique et organise une foire horticole annuelle avant de se transformer peu à peu en société d’assurance mutuelle. Elle atteint un effectif de 212 inscrits dès 17212. Les deux loges de Haddington et Dunfermline font le choix d’étendre largement leur secteur géographique de recrutement sans autoriser la création de nouvelles loges. Ce n’est qu’en 1796 que trois nouvelles loges sont créées à Arbroath, Bothwell et Cumbnathan3.
Au cours du XIXe siècle, d’autres loges sont créées, tant en Angleterre qu’en Écosse. Beaucoup d’entre elles se regroupent en Grandes Loges. C’est ainsi qu’on voit apparaître successivement, entre autres :
- le British Order of Ancient Free Gardeners (vers 1817-1972)4 ;
- l’Ancient Order of Free Gardeners (1849-1958)5. Cette Grande Loge rassembla à Édimbourg, en 1859, des représentants de plus d’une centaine de loges, dont trois établies aux États-Unis2 ;
- le St Andrew Order of Ancient Free Gardeners Friendly Society (1859-1974)6.
À l’apogée du mouvement, on compte jusqu’à plus de 10 000 francs-jardiniers pour les seuls Lothians rassemblés dans plus de 50 loges7. Le succès aidant, des sociétés horticoles « concurrentes » apparaissent au cours du XIXe siècle. À la différence de l’ordre des francs-jardiniers, elles n’ont pas de rôle de bienfaisance, ni de secours mutuel, ni de rituels, et elles acceptent quiconque, homme ou femme, paye sa cotisation.
Au XXe siècle, les deux guerres mondiales appellent sous les drapeaux la plupart des membres. La crise économique de 1929 affaiblit les capacités de bienfaisance2. Les lois de protection sociale diminuent l’attrait des activités de secours mutuel associatif, avant que la « loi sur l’assurance nationale » de 1946 ne leur retire toute utilité3. Avant même la Seconde Guerre mondiale, le nombre de décès parmi les membres dépasse le nombre d’admissions. En 1939, les minutes de la loge de Haddington s’interrompent jusqu’à la date de 1952, où ses huit derniers membres tentent vainement de la relancer2. Malgré le recrutement de nouveaux membres, la fraternité de Haddington prononce sa dissolution le 22 février 19538. La loge de Dunfermline subsiste quant à elle jusqu’au milieu des années 19809. Ces disparitions s’inscrivent dans un mouvement sociologique beaucoup plus vaste, puisqu’en 1950 il existe encore quelque 30 000 sociétés amicales de secours mutuel (friendly societies) dans tout le Royaume-Uni, alors qu’en 2000, on n’en compte plus que 15010.
En 2000, les recherches de Robert Cooper ne recensent plus qu’une seule loge (à Bristol) pour la Grande-Bretagne, mais mentionnent la survivance de l’ordre des Francs-Jardiniers aux Antilles (Caribbean British Order of Free Gardners) et en Australie2. Une société de sauvegarde est créée en Écosse en 2002 aux fins de recherche et de conservation des traditions de cet ordre et quelques loges ont été réactivées à cette occasion11.
Rituel
couverture d’un livre de jardinage en noir et blancLe jardin d’Éden : livre de jardinage anglais, 1629.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e0/Freegardener.jpg/220px-Freegardener.jpgTablier de franc-jardinier.
On ne trouve aucune trace de rituels ou de connaissances réservées aux initiés dans les documents de la fraternité datant de la fin du XVIIe siècle, mais l’intérêt rapidement marqué de membres de l’aristocratie laisse supposer que cette association ne s’occupait pas exclusivement d’assurance mutuelle12.
La plus ancienne mention connue de l’existence d’un secret initiatique dans cet ordre remonte au 28 janvier 1726, date à laquelle la fraternité étudie une plainte interne accusant un de ses membres d’avoir diffamé certains de ses officiers en disant qu’ils n’étaient pas capables de donner correctement ses mots et signes. En 1772, d’autres documents établissent que la fraternité des francs-jardiniers disposait de « Mots » et de « Secrets ». En 1848, on trouve mention d’un enseignement, sous forme de « Signes, Secrets et Attouchements ». Les historiens disposent de rituels complets d’apprenti, de compagnon et de maître datant de 1930. Les minutes des loges montrent que le rituel de l’ordre s’est progressivement développé, depuis une cérémonie assez simple de transmission du « Mot » à ses tout débuts, jusqu’à un système de trois grades similaire à celui de la franc-maçonnerie à la fin du XIXe siècle12.
Une conférence de 1873 indique que le franc-jardinage utilise la culture du sol comme le symbole de la culture de l’esprit dans l’intelligence et la vertu et fait référence au jardin d’Éden12.
Le rituel d’admission des apprentis francs-jardiniers présente de très nombreuses similitudes avec celui des apprentis francs-maçons. Adam serait ainsi symboliquement le premier franc-jardinier. Dieu y est décrit comme étant « The Great Gardener of the Universe » (le Grand Jardinier de l’Univers)13. Il est fait usage du compas, de l’équerre, auxquels s’ajoutent le couteau, présenté comme « le plus simple outil de jardinage », permettant de « tailler les vices […] et bouturer les vertus ». À l’issue de cette cérémonie, l’apprenti reçoit le tablier de son grade12. Le second degré fait référence à Noé, le « second jardinier », et fait accomplir symboliquement au Compagnon un voyage qui le ramène vers le jardin d’Éden puis vers celui de Gethsémani12. Le troisième degré fait référence à Salomon, le « troisième jardinier », et au symbole de l’olivier12.
Les tabliers sont de deux types :
- des tabliers longs, arrivant à la cheville, brodés de nombreux symboles relatifs aux légendes de l’ordre14,15 ;
- des tabliers plus courts, avec bavette semi-circulaire, ressemblant fortement aux tabliers des francs-maçons d’Écosse16. Celui du président est brodé des lettres P, G, H, E initiales des quatre fleuves du jardin d’Édenn 1, et A, N, S, initiales de Adam, Noé et Salomon14, auxquelles s’ajoute la lettre O, probablement pour ’Olive’, l’olivier en anglais.
D’une manière générale, le symbolisme utilisé par les francs-jardiniers semble avoir été fortement influencé au cours du XIXe siècle par celui de la franc-maçonnerie17.
Sur de nombreux objets de l’ordre datant du tout début du XXe siècle, on trouve un emblème composé d’une équerre, d’un compas et d’un couteau à greffer. Comme il n’y a pas de trace de cet emblème dans les documents antérieurs, il est vraisemblable qu’il ait, lui aussi, été inspiré tardivement de celui de la franc-maçonnerie18.
Les premiers membres
Il y a peu d’informations sur la profession des membres avant la fin du XVIIIe siècle. À cette période, on trouve dans la loge d’Haddington, outre les jardiniers, des commerçants, des tailleurs et des écrivains publics. Tous les membres de la loge sont originaires du comté. En revanche, la loge de Dumfermline, ancienne capitale de l’Écosse, s’enorgueillit de compter parmi ses membres « de nombreuses personnes illustres d’Édimbourg, autant que de l’East Lothian [parmi lesquelles] le marquis de Tweedale, le comte de Haddington, Lord William Hay, etc. »19.
Le premier registre de la loge de Dunfermline a été établi en 1716, avec les signatures de 214 membres. À cette époque, l’effectif se compose d’une majorité de jardiniers de métier mais également de nombreux artisans ainsi que de deux membres de l’aristocratie locale. Rapidement, l’effectif augmente, le niveau social moyen s’élève, au point que les jardiniers de métiers ne forment plus la majorité des nouveaux membres, mais le recrutement reste local. En 1721, cent un nouveaux membres de toutes conditions sociales sont admis dans la loge, depuis les jardiniers et boulangers jusqu’au duc d’Athole. Les années suivantes voient un assez grand nombre d’aristocrates se faire initier à la franc-jardinerie dans la loge de Dunfermline, même lorsqu’ils habitent à proximité de celle d’Haddington qui reste contrôlée par les professions liées au jardinage. La plupart de ces personnes possèdent des jardins renommés. À partir de 1736, date de la création de la Grande Loge (maçonnique) d’Écosse, cette dynamique cesse et il n’y a plus d’initiations d’aristocrates dans la loge de francs-jardiniers de Dunfermline3.
Sur le plan religieux, tous les membres de cette époque sont protestants et appartiennent à l’Église d’Écosse. Politiquement, en revanche, ils sont de toutes tendances3.
Comparaisons avec la franc-maçonnerie
Dans les années 1720, il existe en Écosse une profusion de sociétés, fraternités et clubs. La franc-maçonnerie et l’ordre des francs-jardiniers ne sont que ceux qui se sont le plus étendus et ont perduré le plus longtemps3. Bien que les francs-jardiniers soient toujours restés indépendants de la franc-maçonnerie, l’histoire et l’organisation des deux ordres présentent de nombreuses similitudes qui éclairent les recherches historiques sur la naissance du second20.
Ces deux ordres présentent d’importantes similitudes en ce qui concerne leur organisation et leur développement. Tous deux sont nés en Écosse au milieu du XVIIe siècle dans des groupes liés à un métier particulier mais acceptèrent très vite des membres d’autres professions. Dans les deux cas, les membres du métier d’origine sont devenus minoritaires dès le début du XVIIIe siècle. Dans les deux ordres également, certaines logesn 2 s’ouvrent très rapidement aux membres « acceptés » et en particulier à la noblesse locale, alors que d’autresn 3 sont beaucoup plus réticentes3.
Presque tous les membres connus qui ont appartenu aux deux ordres ont été francs-jardiniers avant de devenir francs-maçons. Le plus grand groupe de francs-jardiniers devenus par la suite francs-maçons intègre la loge maçonnique « Kilwinning Scots Arms », fondée en 1729. Il s’agit de neuf membres de la loge de francs-jardiniers de Dunfermline. Aucun d’entre eux n’était jardinier de métier, il s’agissait d’aristocrates et de militaires3.
La franc-maçonnerie se répand assez rapidement en Angleterre, puis, après la création de la Grande Loge de Londres en 1717, à travers le monde entier. En revanche, l’ordre des francs-jardiniers reste principalement écossais. Dans les deux cas, les loges écossaises semblent avoir eu des difficultés à se regrouper dans des structures plus vastes nommées « Grandes Loges ». En ce qui concerne la franc-maçonnerie d’Écosse, ce processus ne commence à Édimbourg qu’en 1736 et il ne s’achève qu’en 1891.
En ce qui concerne l’ordre des francs-jardiniers, la première Grande Loge écossaise n’est formée qu’en 1849, et 15 loges restent indépendantes jusqu’à la disparition de l’ordre. Dans les deux cas, ce sont en particulier les loges fondées avant leur Grande Loge qui seront les plus réticentes à renoncer à leur indépendance3…
Source de l’article complet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_des_francs-jardiniers
- Histoire des sociétés secrètes – Documentation ‘France Culture’ – 2022 - Provenant de l’émission ‘Cours de l’histoire’ en 4 épisodes
Le Cours de l’histoire carré{{}}© Lola Bogelmann, Radio France
Le Cours de l’histoire, du lundi au vendredi de 9h à 10h sur France Culture - ’Le Cours de l’histoire’ remet au goût du jour le récit de l’histoire, réservant un traitement à toutes ses occurrences dans l’espace public comme dans les productions culturelles, tout en restant très attentif à l’actualité de la recherche.
De la Rome antique, avec le culte de Mithra, jusqu’aux Illuminati, en passant par les carbonaris et les francs-maçons, c’est une histoire qui s’écrit dans l’ombre, entre rite initiatique et fantasme du complot.
4 épisodes • En savoir plus > https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-histoire-des-societes-secretes
A - Épisode 1/4 : Mithra à Rome, prendre le culte par les cornes - 06 juin 2022 • 52 minutes
Mithra, un dieu sauveur issu des mondes iranien et indien, a fait l’objet d’un culte surprenant dans l’Empire romain. Cette nouvelle ’religion à mystères’ truffée de rites initiatiques était-elle clandestine ? Les adeptes de Mithra pratiquaient-ils leur culte en secret ?
B -
Épisode 2/4 : Francs-maçons, le secret pour fondations - 07 juin 2022 • 52 minutes
La société discrète des francs-maçons, née au début du XVIIIe siècle, a suscité autant de fantasmes que de suspicions depuis sa création. Comment les Lumières ont-elles façonné la franc-maçonnerie ? Qui ont été les principaux détracteurs de cette confrérie répartie en différentes loges ?
C - Épisode 3/4 : Illuminati, à l’ombre d’un fantasme 08 juin 2022 • 52 minutes
En 1776, l’ordre des ’Illuminaten’ est fondé en Allemagne dans l’espoir de former les futurs cadres du régime. Comment cette société secrète, très vite interdite, a-t-elle laissé la place à un mythe conspirationniste ? Comment expliquer la survivance de cette ancienne théorie du complot ?
D -
Épisode 4/4 : Le siècle des sociétés secrètes, qui reprend des carbonari ? 09 juin 2022 • 52 minutes
Au XIXe siècle, les sociétés secrètes sont en effervescence. De la Charbonnerie française aux carbonari en Italie, comment ces sociétés deviennent-elles une composante essentielle des mouvements révolutionnaires, nationaux et libéraux contre les monarchies absolutistes ?
À propos de la série - De la Rome antique, avec le culte de Mithra, jusqu’aux Illuminati, en passant par les carbonari et les francs-maçons, c’est une histoire qui s’écrit dans l’ombre, entre rite initiatique et fantasme du complot.
Sources : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-histoire-des-societes-secretes
Regards croisés sur la pensée chinoise et la franc-maçonnerie par Che Bing – Revue ‘La chaîne d’union’ n°68 avril 2014 – Dossier 39 Lumières d’Asie © Grand Orient de France | Téléchargé le 26/02/2022 sur www.cairn.info (IP : 207.241.231.108) – « La culture traditionnelle de l’empire de Chine compte trois principaux courants de pensée : Le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme. Les deux premiers sont originaires de la Chine, tandis que le dernier est arrivé de l’Inde aux environs de l’ère chrétienne. Je me limiterai qu’à évoquer certaines facettes de cette pensée d’une actualité surprenante, qui à bien des égards, doivent nous interpeller, nous qui aspirons à la Lumière et à une Fraternité Universelle qui unirait tous les hommes à la surface de la Terre. Puisque les sources historiques de la Chine recueillent l’anecdote de la visite rendue au Maître Vénérable, Laozi, par Maître Kong, Confucius, pour s’enquérir d’une question rituelle, commençons par Laozi, le Vénérable Maître du Dao… » -
Lire l’article complet est disponible en ligne à l’adresse suivante [procéder par ‘copier-coller’ sur un moteur de recherche sur Internet] : https://www.cairn.info/revue-la-chaine-d-union-2014-2-page-38.htm
NB. Demande d’autorisation de reprise d’article formulée au ‘Grand Orient - Bibliothèque’ le 16/11/2023
A propos de Che Bing Chiu - « Che Bing Chiu, né en 1955 à Hong Kong, est architecte et chargé de cours à l’École d’architecture de Versailles. Il est membre du Centre de recherche sur l’Extrême-Orient de Paris-Sorbonne et de centres de recherche sur l’architecture traditionnelle et les jardins en Chine. Il est l’auteur du Yuanming yuan, le jardin de la Clarté parfaite et d’une traduction annotée du Yuanye, le traité du jardin (1634)… » - Source : Wikipédia
photo_che_bing_chiuChe Bing CHIU
Photo in « L’Europe et le jardin chinois » par Che Bing CHIU – Château de Bénouville » - A lire ici > https://europeangardens.eu/events/event/leurope-et-le-jardin-chinois/
Che Bing Chiu – Architecte - Che Bing Chiu, né en 1955 à Hong Kong, est architecte et chargé de cours à l’École d’architecture de Versailles. Il est membre du Centre de recherche sur l’Extrême-Orient de Paris-Sorbonne et de centres de recherche sur l’architecture traditionnelle et les jardins en Chine. Wikipédia
La franc-maçonnerie et la Chine - Propos sur quelques fondamentaux – Par Che Bing Chiu - Dans La chaîne d’union 2017/4 (N° 82), pages 20 à 34 – Document ‘Cairn.info’figure im1Illustration
1 Des convergences troublantes existent entre les mythes, les contes et légendes, la pensée chinoise et la franc-maçonnerie. Dans ce texte, Che Bing Chiu en désigne quelques-unes, s’attachant à des figures de l’histoire chinoise, dont la notoriété est venue jusqu’à nous. Rappelant que la franc-maçonnerie a été présente en Chine pendant deux siècles, il conclut son article en s’interrogeant sur la forme que devrait avoir une maçonnerie libérale et adogmatique pour y trouver sa place, au moment où l’on voit celle-ci prendre son essor en Inde, en Thaïlande ou à Hong Kong. Une question à laquelle réfléchit le Grand Orient de France dont les deux loges de mission Lumière de Chine et Samarcande organisent le 28 novembre à Paris une tenue dont le titre est « l’Asie n’est plus un désert maçonnique », puis le 26 avril 2018, une autre tenue « Vers le Grand Orient d’Inde ». Ces deux événements sont annoncés au Temple Groussier, en l’hôtel du Grand Orient de France, rue Cadet à Paris.
2 Le Maître dit : « L’homme de bien fait son devoir sans faillir, traite les autres avec respect et possède le sens du rituel. Pour lui, entre les Quatre Mers, tous les hommes sont frères. » [1][1]Entretiens de Confucius, Traduit du chinois par Anne Cheng,…
3 À entendre ces paroles attribuées à Kongzi [2][2]Kong Qiu, que les Chinois désignent respectueusement par la… (551-479 av. J.-C.), plus connu en Occident sous son nom latinisé de Confucius, on pourrait se demander si Maître Kong ne serait pas un Maçon sans tablier.
4 Pour le Maître, qui a passé sa vie à enseigner, trois pôles constituent le fondement de son enseignement : l’apprendre, la qualité d’humanité, l’esprit des rites. Lunyu, ses Entretiens, conversations à bâtons rompus recueillies par ses disciples, débutent par le mot xue, « apprendre ».
5 Le Maître dit : « Étudier pour l’appliquer au bon moment n’est-ce pas source de grand plaisir ? » [3][3]Ibid, i « De l’étude »-1, p. 29.
6 L’homme qui s’engage sur la vie doit d’abord se résoudre à apprendre.
7 Apprendre n’est pas une démarche intellectuelle, mais avant tout une expérience de vie. Apprendre, c’est vivre et mettre en pratique, constater.
8 Apprendre, c’est partager. Discuter et argumenter, constater des convergences qui confortent et des divergences qui enrichissent. Apprendre, pour un franc-maçon, n’est-ce pas tailler sa pierre, bâtir son Temple intérieur, pour porter la Lumière acquise hors de ses enceintes, et œuvrer à l’avènement d’une Fraternité universelle.
9 Cette résolution que l’homme prend à son entrée dans la vie, le Maître l’explicite dans les grandes étapes suivantes, qui ont été les siennes : « À quinze ans, je résolus d’apprendre. À trente ans, je m’affermis dans la Voie. À quarante ans, je n’éprouvais plus aucun doute. À cinquante ans, je connaissais les décrets du Ciel. À soixante ans, j’avais un discernement parfait. À soixante-dix ans, j’agissais en toute liberté, sans pour autant transgresser aucune règle. » [4][4]Ibid., II « De l’homme »-4, p. 33.
10 La règle !
11 Le mot utilisé est ju. Le sens originel est équerre. Par extension, ju devient règle, norme, loi, modèle.
12 Il est le plus souvent associé à gui, qui signifie compas.
13 Le terme guiju, par extension, signifie également règle, usage établi, coutume.
14 Dans le langage d’aujourd’hui, guiju, à savoir littéralement « compas-équerre » prend la signification de la régularité, une conduite rangée, réglée.
Équerre, compas, niveau et cordeau
15 Équerre et compas sont des instruments qui sont connus depuis l’antiquité. Les caractères qui les désignent figurent parmi les inscriptions gravées sur les carapaces ou sur les bronzes sacrificiels, et autres objets destinés aux pratiques rituelles.
16 À l’époque légendaire des Trois Augustes et des Cinq Souverains [5][5]Période légendaire précédent les dynasties historiques,…, le ministre Shui de l’empereur mythique Shun (2255-2205 av. J.-C.) fabriqua le compas, l’équerre, le niveau et le cordeau [6][6]On utilise encore l’expression gui ju zhun sheng,…, afin qu’ils servent de modèles pour l’empire. Au temps de la dynastie des Xia, l’empereur fondateur Yu (2297-2197 av. J.-C.), tenant le niveau et le cordeau de la main gauche, le compas et l’équerre de la main droite, procéda aux travaux d’endiguement des flots du déluge.
17 Au temps historique des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.), le chapitre « La volonté du Ciel » a recueilli les paroles de Maître Mo : « La volonté du Ciel est à mes yeux comme le compas du charron et l’équerre du charpentier. À l’aide du compas et de l’équerre, le charron et le charpentier mesurent tous objets carrés et ronds. » [7][7]Mozi. Œuvres choisies, Livre VII : « La volonté du Ciel », p.…
18 Sur les pierres gravées ou les briques estampées qui ornent les piliers ou les parois des chambres sépulcrales des tombes des dynasties des Han (206 av. J.-C.-9, 25-220), on voit souvent représentés deux des Trois Augustes, le couple mythique de la civilisation chinoise : Fuxi, le Civilisateur, inventeur des trigrammes et de l’écriture, et Nüwa, la Créatrice, qui remit en œuvre la voûte de l’Univers effondrée. Si la représentation peut différer suivant les époques et les localités, le plus souvent ces figures mythiques sont représentées tenant l’équerre et le compas.
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19 Un article intitulé « La franc-maçonnerie aurait-elle des origines chinoises ? » [8][8]http://paristimes.net/fr_culture/FMchinoise_trung.html. propose une image similaire en illustration. La parole du Maître, l’iconographie des contes et légendes se conjuguent pour interpeller : l’origine de la franc-maçonnerie se situerait-elle en terre de Chine ?
Carré long et voûte céleste
20 Dans la cosmogonie chinoise, le Ciel est rond et la Terre carrée. La tortue qui porte l’axis mundi a une carapace au plastron (partie ventrale) plat et de forme quadrangulaire, et sa partie dossière bombée et de forme arrondie. Le Temple où œuvre le franc-maçon ne repose-t-il pas sur un carré long, recouvert d’une voûte céleste ?
21 Fuxi, par l’équerre, définit les quatre orients de la terre, tandis que Nüwa, par le compas, trace les limites de la sphère céleste. Par le compas et l’équerre, le couple ordonne l’univers, et règle la mesure de toutes choses, afin d’en discerner la règle et la droiture.
22 Le registre iconographique de la représentation de Fuxi-Nüwa offre d’autres images du couple avec des symboles familiers aux francs-maçons. Une pierre gravée découverte au district de Chongqing (province du Sichuan) figure les deux personnages brandissant deux cercles où se trouvent figurés des animaux. Le cercle brandi par Fuxi présente un oiseau, tandis que l’autre, celui de Nüwa, un crapaud.
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23 Dans la mythologie chinoise, le soleil est porté par un corbeau du nom de Jinniao, Oiseau d’Or, ou Yangniao, Oiseau de l’Astre solaire, et la lune héberge, à l’ombre de l’osmanthe en fleur, le crapaud Changchu [9][9]Dans certaines traditions, Changchu serait la métamorphose de…. Liu An (179-122 av. J.-C.), prince de Huainan, dans le Huainanzi, précisait que : « L’oiseau Qunniao se trouve sur le Soleil, Le crapaud Chanchu sur la Lune » [10][10]Philosophes taoïstes, t. II : Huainanzi, traduction,…
24 Avec chacun son attribut, Qunniao et Chanchu, les deux disques symbolisent les astres diurne et nocturne, le Soleil et la Lune.
25 Le soleil, ri, illuminant le jour et la lune, yue, illuminant la nuit, représentent les énergies complémentaires, le yang et le yin, le clair et l’obscur, le lumineux et le ténébreux.
26 La combinaison des deux caractères donne ming, la « clarté », Lumière qui éclaire l’Univers.
27 Sous la dynastie des Tang (618-907), d’autres représentations, peintes sur bois ou sur textiles, figurent le couple mythique, tenant toujours équerre et compas, mais enrichies d’autres symboles. (voir illustration de la page 20)
28 Le soleil, rayons irradiants de couleur feu, est placé dans la partie supérieure de la peinture, au niveau de l’équerre et du compas brandis par Fuxi et Nüxa, tandis que la lune, croissant de couleur blanche, est placée dans la partie inférieure, entre les deux extrémités des queues entrelacées.
29 De part et d’autre, dans des configurations distinctes sous forme de points reliés par des traits, gravitent des astres et des constellations.
30 Mille ans plus tard, une illustration du traité L’Azoth de Basile Valentin n’est pas sans rappeler l’iconographie de Fuxi-Nüwa.
31 Le Rebis, figure symbolique de l’Androgyne, est représenté par un être bicéphale, le masculin vêtu de rouge, rattaché au Soleil, et le féminin, vêtu de blanc, rattaché à la Lune. Ils tiennent l’un le compas, l’autre l’équerre, avec cependant une permutation des outils aux mains des entités : l’équerre n’est plus tenue par le masculin, mais par le féminin, et de même, le compas n’est plus tenu par le féminin, mais par le masculin.
32 Couronnant l’image, dans l’axe, se trouve Mercure, principe générateur de l’Univers, et de part et d’autre, côté masculin, Mars et Vénus, et du côté féminin, Jupiter et Saturne.
33 Le Dragon, sur lequel se dresse Rebis, ne peut qu’évoquer l’animal mythique de Chine. Bien que le dragon figuré par Basile Valentin crache le feu, alors que le dragon chinois crache de l’eau, source de vie indispensable dans un empire où l’agriculture est l’activité primordiale.
34 L’œuf, philosophique des alchimistes, constitue l’Unité primordiale. Dans le Daode jing, le livre canonique du taoïsme, le qi, Souffle cosmique se sépare en deux énergies complémentaires, yin et yang. En se combinant au Souffle médian, le Trois, ils engendrent les Dix-mille êtres, la myriade.
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Mozi, le maître de l’Équerre
35 Mo Di est pratiquement un contemporain de Maître Kong, mais en Occident, autant l’un est célèbre, l’autre est méconnu.
36 La date de naissance de Mo Di, vénéré sous l’appellation de Mozi, Maître Mo, n’est pas connue. Il a été actif entre 479 et 372 avant l’ère chrétienne, dates traditionnelles de la mort de Kongzi et de la naissance de Mengzi (v. 380-289 av. J.-C.). Il serait originaire de l’état de Lu, tout comme Maître Kong, à l’époque des Printemps-Automne (771-481 av. J.-C.).
37 Les sources historiques et les livres canoniques offrent peu d’éléments biographiques concernant Mo Di. D’après les rares références, il serait d’extraction modeste, et les derniers chapitres de Mozi faisant état de ses compétences dans le maniement des outils et présentant les sciences et les techniques militaires [11][11]Le Professeur L. Vandermeersch estime que la doctrine de Mozi… laisseraient supposer qu’il appartenait au milieu des artisans. Maître Mo pourrait être un opératif.
38 Si Mozi s’était formé aux sources du confucianisme, il s’en était très vite écarté pour forger sa propre philosophie et mettre en œuvre une méthodologie spécifique pour remédier aux misères de cette période de forte agitation politique, secoué de crises violentes. Mozi s’opposa résolument au confucianisme, perçu comme un élitisme moralisateur.
39 L’école confucianiste et l’école mohiste constituaient à l’époque préimpériale les deux principaux courants philosophiques. Selon certains chercheurs, notamment l’éminent sinologue John K. Fairbank, l’organisation au sein de l’école mohiste était mieux organisée par rapport à l’école confucianiste, et les idées de Maître Mo étaient bien plus répandues que celles de Maître Kong. À l’origine, les mohistes formaient une communauté fortement structurée avec à sa tête un chef portant le titre de juzi.
40 Si le second caractère, zi, ne pose aucun problème pour sa compréhension, signifiant Maître, les sources historiques ont transmis trois formes différentes homophones pour l’écriture du premier caractère, ju :
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figure im5, le grand, l’imposant le Grand Maître ?
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figure im6, l’équerre qui aurait été l’outil fréquemment utilisé par Mo Di : le Maître de l’Équerre, ou le Maître [porteur] de l’Équerre ;
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figure im7, l’indestructible, l’immuable, l’incommensurable. En somme, les vertus que le chef de l’école mohïste devait posséder.
42 Ainsi, parallèlement à la formation d’une école doctrinale, s’était aussi constitué un groupe de disciples formés aux techniques de la défense et rompus à la pratique des arts martiaux, dont la mission était de maintenir la concorde, en s’interposant entre les belligérants des Royaumes combattants. Dans le contexte trouble et violent de cette époque, Maître Mo avait développé un discours antimilitaristes, et la communauté s’organisait également autour d’un corps politico-militaire à caractère solidaire, ardents défenseurs de la paix, s’érigeant en protecteur et redresseurs de torts : pénétré de l’esprit chevaleresque des xiashi, sorte de « chevaliers errants » au secours de la veuve et de l’orphelin.
La fraternité, « amour universel » v/s « éthique de réciprocité »
43 La clé de voûte de la doctrine de Mozi est le jianai, généralement rendu par l’expression « amour universel ».
44 Au chapitre consacré à cette vertu, le premier mot prononcé par le Maître est ren : « la vertu d’humanité », celui-là même que prône le confucianisme. Mo Di s’est-il placé dans le prolongement de Confucius pour dire sa propre pratique du ren ? Pour marquer sa différence, Maître Mo choisit de recourir à la notion de jian et de bie : « assimiler », « distinguer ».
45 L’« amour universel » dans la doctrine confucianiste, c’est le renai, l’amour pour autrui. Un amour qui se conçoit par cercles concentriques, qui se décline à partir du noyau central, et se propage vers les sphères de plus en plus larges : moi, la famille, le pays, l’univers [12][12]Tout comme le rayonnement du Temple intérieur vers l’extérieur,…. C’est un amour qui se mérite. L’amour d’un être cher, l’être qui peut être aimé, qui mérite d’aimer. C’est un amour hiérarchisé, un amour partial, dispensé par choix. Il y a sélection, acceptation ou rejet. Dans l’« amour universel » de Confucius, il y a la notion de différenciation, dictée par l’affect, le sentiment, l’émotion. Il y a, dans l’amour universel de Confucius, une « éthique de réciprocité ».
46 Le jianai, « Amour universel » prôné par Maître Mo, que la Professeur Anne Cheng préfère traduire par « sollicitude par assimilation », est tout différend. Pour Mozi, il n’est pas question de sentiment ni d’émotion. Son jianai est avant tout un souci d’équité.
47 Si pour Confucius, tous les hommes sont frères, le terme de Frère, xiongdi, se décline dans une relation de hiérarchie et de dépendance. Les « frères entre les Quatre Océans » de Confucius est d’abord un idéal de bienveillance et de mansuétude, ce jugement des sentiments d’autrui par rapport à ses propres sentiments. Il y a bien un ordre hiérarchique, une inégalité. Le grand frère, xiong, doit protéger et conseiller, guider son petit frère, tandis que celui-ci, di, doit le respect envers son grand frère.
L’« Amour universel » ? « Traiter autrui comme on se traite soi-même »
48 Un amour qui ne fait pas de distinction entre les personnes aimées, un amour qui s’adresse de manière égalitaire à l’ensemble de l’humanité, sur le niveau de l’égalité, qui bannit la perversion des sentiments d’affection par les liens familiaux et de proximité, sources des dérèglements dans le fonctionnement de la société.
49 L’amour ne doit pas faire de distinction. Le jianai de Maître Mo permet de s’extraire de la distinction, et de promouvoir la paix au sein de la société. C’est aussi la primauté de l’intérêt commun sur l’intérêt particulier, qui permet de propager les bienfaits et la paix pour l’ensemble de l’humanité.
50 Le ren de Maître Kong, la considération de l’autre, l’altérité, se métamorphose pour devenir « amour universel » prôné par Maître Mo : « Quand tous les hommes de par le monde s’aiment les uns les autres, le fort n’abusera pas du faible, le grand nombre n’opprime pas le petit nombre, le riche ne se moque pas du pauvre, le grand ne méprise pas l’humble et le rusé ne trompe pas l’ingénu. Et c’est seulement grâce à l’amour mutuel qu’on empêche les calamités, querelles, doléances et haines de naître. C’est pourquoi l’homme de bien l’exalte. » [13][13]Mozi, op.cit., « Jianai-ii », p. 110
51 Un siècle après la disparition de Maître Mo, après l’exécution des lettrés et l’autodafé des classiques ordonnés par Qin Shi Huangdi (v. 259-210 av. J.-C.), l’Auguste Souverain des Qin, le moïsme entra en décadence et ne se relèvera pas. Pour John K. Fairbank, les idées de Maître Mo « peuvent avoir paru trop extrêmes pour les Chinois de son temps. Ils furent déconcertés par l’austérité de son utilitarisme et son absence de subtilité psychologique […, par] cet “amour universel” si relevé, mais pratiquement inapplicable. » [14][14]John K. Fairbank, China, Tradition & Transformation, George…
52 Si sa doctrine s’est éclipsée pendant près de deux mille ans, laissant au confucianisme triomphant sur le devant de la scène, il ne faut pas oublier qu’elle avait provoqué une hostilité farouche des tenants de la doctrine de Maître Kong, et qu’au xviiie siècle, le moïsme, par son monothéisme en contraste avec l’agnosticisme des disciples de Confucius, a suscité la sympathie des missionnaires, et le père de la Révolution chinoise, le Dr Sun Yatsen (1866-1925), s’était inspiré des idées de Maître Mo pour l’élaboration d’une démocratie pour la Chine. Fervent partisan de la pensée de Mo Di, il estimait que seule la doctrine mohiste est en mesure de sauver la Chine.
53 La devise qu’il soumit à la toute jeune République de Chine doit résonner de manière particulièrement familière aux francs-maçons libéraux :
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54 À savoir : « Liberté — Égalité — Fraternité »
55 Cet « amour universel », utopie qui doit devenir réalité, n’est-il pas la quête ultime, celle qui constitue l’essence même de l’Ordre, celle que les francs-maçons promettent, en enlaçant leurs mains, lors de la Chaîne d’Union : « de travailler sans relâche à réaliser la Fraternité universelle » [15][15]Grand Orient De France, Cahier des rituels des trois grades au…
Lu Ban, maître des charpentiers, des maçons, des bâtisseurs
56 Le Classique de Maître Mo recueille des éléments importants d’un personnage historique, divinisé dieu tutélaire des charpentiers, des maçons et de tous corps de métier des bâtisseurs en Chine, Gongshu Ban (c. 507-444 av. J.-C.) [16][16]http://baike.baidu.com/view/17646.htm#sub17646 ;….
57 Le grand écrivain Lu Xun, dans son roman historique Feigong, qui reprenait le titre d’un des chapitres de Mozi, mettait en scène Maître Mo et Maître Gongshu, et suggérait qu’ils étaient compatriotes, voire du même village. En effet, Gongshu Ban était né au Royaume de Lu, d’où le nom de Lu Ban, sous lequel il est davantage reconnu, et célèbre.
58 Tout comme pour Mo Di, les sources historiques et les annales officielles contiennent peu d’éléments sur la vie de Gongshu Ban, mais Wu Rong, directeur du Bureau de la Construction impériale sous la dynastie des Ming, éditeur de Lu Ban jing, a recueilli un texte, les « Sources et traditions de Maître Lu Ban », qui vient enrichir la connaissance du personnage.
59 Selon la tradition populaire, la naissance de Lu Ban était annoncée par des augures extraordinaires : apparition de grues sacrées immaculées, fragrance d’une senteur persistante. À l’âge de sept ans, le jeune enfant ne pensait qu’à s’amuser, suscitant l’inquiétude de ses parents. Puis à quinze ans, l’adolescent prit conscience et se mit à suivre l’enseignement de Duanmu Qi, disciple de Maître Xia [17][17]Bo Shang (507- ? av. J.-C.), Maître Xia, un des dix grands…. En quelques mois seulement, il parvint à saisir l’essentiel de la doctrine enseignée. Ne parvenant pas à faire appliquer ses idéaux par les princes, il se retira du monde sur le versant sud du Mont Tai treize années durant. C’est lors de l’une de ses excursions qu’il rencontra un vieux maître du nom de Bao, qui l’accepta pour disciple, et lui enseigna l’art du bois. Parvenu à maîtriser son métier, Lu Ban aurait proclamé : « Sans l’aide du compas et obtenir le rond, sans l’aide de l’équerre et obtenir le carré, ce sont des figures naturelles façonnées par le Ciel et la Terre. À l’aide du compas pour obtenir le rond, et de l’équerre pour obtenir le carré, c’est en réalité la capacité de l’homme de prendre exemple sur la Nature. »
60 Craignant que ses connaissances ne se perdent, Lu Ban conçut le compas et l’équerre, le niveau et le cordeau, afin d’assurer la transmission de son savoir-faire.
61 C’est à l’âge de quarante ans, que Lu Ban entra de nouveau en érémitisme, cette fois au Mont Li. Il y rencontra un Immortel qui lui enseigna l’art de chevaucher les nuées. Après avoir parcouru le monde, il s’envola un jour au Ciel, laissant ses outils dans la falaise du Cerf blanc.
62 À ce texte vraisemblablement de compilation, d’autres traditions populaires sont venues enrichir les mythes et légendes de Lu Ban. Parmi ceux-ci, sa quête initiatique pour devenir Maître charpentier possède une portée symbolique d’un intérêt tout particulier pour les francs-maçons.
63 Parvenu à l’âge d’adulte, Lu Ban fut envoyé par son père, qui s’estimait incapable de transmettre son métier, à partir en quête d’un maître capable de lui enseigner son art. Chevauchant son cheval, le jeune Ban s’élança vers l’Ouest et parcourut trois cents lieues par jour. Au bout de dix jours, il parvint devant une haute montagne aux pics vertigineux. Grâce au conseil d’un vieux bûcheron et à la serpe que celui-ci lui offrit, il réussit à escalader la montagne. Dix jours et trois mille lieues plus loin, Ban arriva devant les eaux sombres d’un fleuve insondable. Au milieu du fleuve se trouvait un frêle esquif de bambou barré par un jeune pêcheur, que Ban parvint à convaincre de le faire traverser. Dix nouveaux jours et trois mille lieues encore, Ban se retrouva devant une chaîne montagneuse parsemée d’une myriade de chemins. Une vieille femme lui confirma qu’il était bien parvenu au mont Zhongnan, où s’achève le Midi, mais qu’il fallait trouver le bon sentier parmi les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf qui se présentaient à lui. Suivant le conseil prodigué, il choisit le chemin du milieu [18][18]En référence à la Voie de l’Invariable Milieu ?, et parvenu au sommet, il découvrit une maison de trois travées, demeure du divin Maître Charpentier.
« Apprendre » est l’affaire de toute une vie
64 Le vieux Maître interrogea le jeune Ban, qui répondit avec humilité et sincérité, donna toutes satisfactions par ses réponses. Au bout de trois années d’apprentissage, et au terme de nombreuses épreuves, Lu Ban devint lui-même un maître. Le vieux Maître dit à Ban qu’« apprendre » est l’affaire de toute une vie, et après lui avoir transmis ses outils, le renvoya afin que le disciple puisse à son tour œuvrer parmi les hommes et transmettre. Avant de se séparer, le vieux Maître fit cette unique recommandation : « Que ton comportement ne puisse jamais faire honte à ton Maître ».
65 Sur le chemin du retour, Lu Ban ne revit ni la vieille femme, ni le jeune pêcheur, ni le vieux bûcheron. En témoignage de sa reconnaissance, il construisit un temple en mémoire de la première, un pont pour le passeur, et une pagode pour le vieil homme.
66 La tradition crédite Lu Ban de nombreuses inventions. Le chapitre « Luwen » [19][19]Ce chapitre, « Interrogations de Lu », et le suivant,…, du Classique de Maître Mo mentionne, des armes conçues par Lu Ban–pour les batailles fluviales entre les royaumes de Chu et de Yue. Le même chapitre décrit une pie fabriquée par Lu Ban « avec du bois et du bambou, qui vola dans l’air trois jours et trois nuits sans se poser ». Le chapitre « Gongshu » raconte la rencontre historique entre Maître Mo et Gongshu Ban, au cours de laquelle le premier parvint à parer toutes les attaques du second, par maquettes interposées, et ainsi à dissuader le prince de Chu d’envahir le petit royaume de Song.
67 La tradition attribue à Lu Ban l’invention de nombreux outils utilisés dans l’exercice de la profession des bâtisseurs : l’équerre et le compas, la scie et le rabot… La règle utilisée par les maîtres experts en fengshui est appelée Lu Ban chi, la « règle de Lu Ban ».
68 Les membres de la famille de Lu Ban sont mis à contribution pour l’invention de certains accessoires utilisés chez les menuisiers et charpentiers. La butée servant à bloquer les pièces de bois est appelée banmu, la « mère de [Maître] Ban », le petit crochet qui permet de fixer l’extrémité libre du cordeau est nommé banqi, l’« épouse de [Maître] Ban », l’invention du parapluie est attribuée à la jeune sœur de Lu Ban, au terme d’un concours où Lu Ban dût reconnaître l’esprit ingénieux de sa sœurette.
69 Le culte de Lu Ban est resté extrêmement vivant, en Chine comme partout dans le monde sinisé. Hélas, à ce jour, très peu de temples consacrés à Lu Ban ont résisté à la fureur constructive des décennies passées.
70 À Hong Kong, à flanc de colline, sur la terrasse Qingliantai dominant la baie, s’élève le Lu Ban miao [20][20]Temple construit sous la dynastie des Qing en 1884, et restauré…. Chaque année, à la date anniversaire de la naissance du Maître, le 13e jour du 6e mois du calendrier lunaire, tous les ouvriers, artisans, maîtres d’œuvre de la profession viennent s’incliner devant Maître Gongshu, leur maître, et allumer trois bâtonnets d’encens en signe de respect.
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En conclusion : Quelle franc-maçonnerie pour l’Asie ?
71 Dans le port de Canton, probablement vers la fin de l’année 1759, ou au tout début du printemps1760, sept francs-maçons suédois de la Respectable Loge Salomon à Trois Serrures, à l’Orient de Gothenburg, embarqués à bord d’un vaisseau de la Compagnie suédoise des Indes Orientales, arrivèrent en Chine et ouvrirent les premiers travaux maçonniques sur le sol de l’Empire.
72 À peine deux cents ans plus tard, avec le départ en 1962 du Frère J.R. Monchartre [21][21]Le Frère Monchartre est un Maçon français, dernier Vénérable…, dernier Maître installé de la Respectable Loge Cosmopolitan, à l’Orient de Shanghai, ultime Loge encore en activité en Chine, la Lumière s’est éteinte, plongeant le pays dans les Ténèbres.
73 Si aujourd’hui l’espoir est permis de voir s’installer en Asie la franc-maçonnerie libérale et adogmatique, il convient de se poser cette question : Quelle Franc-Maçonnerie pour l’Asie ?
74 Cette interrogation fait écho aux propos tenus dès 1949, lors de la constitution de la première Grand Lodge of China à Shanghai, par le Grand Master David W.K. Au. Dans un rapport, il préconisait la mise en place d’une Commission d’études chinoises, considérant : « [qu’] Il est indispensable que la Franc-Maçonnerie soit rendue accessible dans la langue de la contrée. »
75 Le Frère Chu Pin, de la Respectable Loge Sun, s’attela à cette difficile tâche de traduire le Blue Book en Chinois. Mais les termes maçonniques n’ont pas d’équivalent. Le mot même de « franc-maçonnerie » pose un problème : traduire, adapter, transposer… ? La Grand Lodge of China choisit meisheng, une transcription phonétique du mot anglais mason. Sur le Continent, c’est gongji qui est adopté et employé, en référence à la valeur fondamentale de la fraternité et de l’entraide.
76 Aujourd’hui, trois Loges de la Grand Lodge of China, sur l’île de Taïwan, travaillent en langue chinoise. Mais suffit-il de traduire un rituel pour transmettre les valeurs véhiculées par la franc-maçonnerie née il y a trois siècles en terre d’Occident ? Ses traditions, ses mythes et légendes sont fortement enracinés dans la culture occidentale, puisant aux sources du monde opératif, de l’univers cultuel, et de la chevalerie. Quel sens, pour un Profane asiatique, peut avoir la légende de la construction du Temple du roi Salomon sous la direction du Maître Hiram-Abif, de la corporation des bâtisseurs des cathédrales, du discours prononcé par le chevalier Ramsay ? La réponse serait certainement négative.
77 Par contre, évoquer l’équerre et le compas, le soleil et la lune, et les symboles s’y référant, de la constitution de l’univers et du yin et du yang, des trigrammes et du Yijing, des valeurs communes à l’Humanité, de la droiture et de la régularité, de l’amour universel et de la fraternité sans discrimination, de la quête initiatique et de l’enseignement du Maître, de la transmission de la Connaissance reçue, de l’esprit chevaleresque, de la défense de la Veuve et du démuni, de l’entraide entre membres d’une même communauté étendue à tous les êtres de la terre… véhiculés par les propres mythes, les propres légendes, les propres traditions de la culture chinoise… Oui, certainement !
78 La franc-maçonnerie n’est pas une et unique, elle n’est pas monolithique.
79 C’est un arbre qui plonge ses racines en terre profonde, pour se nourrir de la force tellurique. Il se dresse de toute la vigueur d’un tronc puissant, ses branches s’élançant vers la voûte céleste.
80 Si l’origine de la franc-maçonnerie dans le monde opératif des tailleurs de pierre n’est pas attestée, le symbole de la taille de la pierre constitue une référence essentielle. En Asie, l’architecture ne repose pas sur l’art de la maçonnerie. Traditionnellement, c’est une architecture de bois. Mais nombre d’outils et de symboles sont similaires, voire identiques aux maçons et aux charpentiers, et si les valeurs peuvent différer, l’essentiel demeure, et à l’image d’un compas dont les deux branches s’écartent pour mieux se propager, ils sont rattachés par un point immuable, le Centre de l’Union. Et c’est cette ouverture sur d’autres horizons, d’autres perceptions et d’autres pratiques, cette différence, qui, « loin de […] léser […] enrichit ».
81 Le Maître a dit : « Entre les Quatre Mers, tous les hommes sont frères. »
82 Que tous les hommes soient Frères, unis par la Fraternité universelle qui en constituerait le Ciment.
Source d’accès à l’étude complète avec les Notes : https://www.cairn.info/revue-la-chaine-d-union-2017-4-page-20.htm - Mis en ligne sur Cairn.info le 28/05/2021 - https://doi.org/10.3917/cdu.082.0020 - Cet article est plus facilement accessible par cette adresse : https://www.google.fr/search?q=%3A+https%3A%2F%2Fwww.cairn.info%2Frevue-la-chaine-d-union-2017-4-page-20.htm&sca_esv=584304970&sxsrf=AM9HkKnpau0Mygi0qLESBFfTu9csmBFEVg%3A1700579535397&source=hp&ei=z8hcZYXPA9yLkdUP25yp6A8&iflsig=AO6bgOgAAAAAZVzW34hwb0cskzmAum3nEKUXzWGurXqe&ved=0ahUKEwjF8uW4sNWCAxXcRaQEHVtOCv0Q4dUDCAo&uact=5&oq=%3A+https%3A%2F%2Fwww.cairn.info%2Frevue-la-chaine-d-union-2017-4-page-20.htm&gs_lp=Egdnd3Mtd2l6IkM6IGh0dHBzOi8vd3d3LmNhaXJuLmluZm8vcmV2dWUtbGEtY2hhaW5lLWQtdW5pb24tMjAxNy00LXBhZ2UtMjAuaHRtMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnMgcQIxjqAhgnSJ0eUPUUWPUUcAF4AJABAJgBAKABAKoBALgBA8gBAPgBAvgBAagCCg&sclient=gws-wiz#ip=1
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250 ans de l’obédience du Grand Orient : comment la franc-maçonnerie a peu à peu perdu en influence - Par Hélène Combis- Publié le mardi 07 novembre 2023 à 20h51 – Vidéo 8 minutesLes armoiries de l’organisation franc-maçonnique Le Grand Orient de France (GODF), Paris le 1er septembre 2023{{}}Illustration agrandie - Les armoiries de l’organisation franc-maçonnique Le Grand Orient de France (GODF), Paris le 1er septembre 2023 © AFP - Miguel Medina
Emmanuel Macron rend visite ce 7 novembre 2023 au Grand Orient de France dans son hôtel du 9ème arrondissement de Paris pour les 250 ans de la première obédience maçonnique française. Retour sur l’histoire de la franc-maçonnerie et sur les liens au pouvoir qu’on lui impute.
Après Émile Loubet (1899-1906) et son prédécesseur François Hollande, Emmanuel Macron est seulement le troisième président de la République en exercice à se déplacer rue Cadet, à Paris, au siège du Grand Orient ; pour marquer le 250e anniversaire de la première obédience maçonnique de France et manifester la ’reconnaissance de la République’ à son égard, selon l’Élysée. Si les visites de ministres ou de présidents de chambre parlementaire ne sont pas rares, les visites présidentielles ne sont donc pas habituelles.
Pourtant, il ne faut rien y voir d’exceptionnel pour Pierre-Yves Beaurepaire, professeur d’histoire moderne à l’Université Côte d’Azur et auteur de nombreux ouvrages sur la franc-maçonnerie. Selon l’universitaire, la venue de Macron s’inscrit surtout dans une démarche certes politique, mais surtout mémorielle. Quelle réalité recouvre l’appellation ’Grand Orient de France’, la franc-maçonnerie a-t-elle des relations avec le pouvoir aussi étroites qu’on le lui impute, quelles causes défend-elle encore ?
Les 250 ans du Grand Orient de France : quelles sont ses relations avec le pouvoir ? Explications d’Hélène Combis 1 minute
Elle est parfois prise, à tort, pour une société secrète très ancienne… Pouvez revenir sur les origines de la franc-maçonnerie ?
Elle arrive en France au début du XVIIIe siècle. Le reste tient du mythe, mais de cela on est sûr puisqu’on dispose d’archives. En effet, comme toute nouveauté, cette société secrète fait peur sous l’Ancien régime, donc il y a des descentes de police dans les années 1720-1730-1740, avec des saisies de documents.
La franc-maçonnerie vient des îles britanniques, et on pense à ce moment-là qu’il s’agit d’une mode anglaise parmi d’autres, et qu’elle ne va pas durer. Mais c’est tout le contraire qui se passe. Elle connaît un essor considérable, non seulement en France mais dans toute l’Europe des Lumières, et ce malgré les nombreuses guerres.
Derrière la franc-maçonnerie, il y a la dimension de l’architecture, de la géométrie, qui fascinent les hommes du XVIIIᵉ siècle - je dis ’les hommes’ parce que les femmes sont très, très minoritaires. Mais en réalité, ils le font en amateurs : ce ne sont pas des ouvriers du bâtiment, ce sont des gens qui appartiennent aux strates supérieures de la société et qui veulent revisiter, avec un projet philosophique, culturel, artistique, toutes les grandes réalisations de l’Antiquité, mais aussi leur donner un sens en phase avec l’époque. Pour eux, le projet maçonnique, c’est permettre à des hommes qui seraient restés sans cela ’à distance’, c’est l’expression qu’ils utilisent, de se découvrir comme ’frères’. Ils peuvent être catholiques, protestants - car au départ la franc-maçonnerie s’inscrit vraiment dans un monde chrétien, ce qui ne sera plus le cas ensuite -, ils peuvent se reconnaître et dialoguer entre eux. Pour une Europe fortement marquée par les conflits religieux, c’est vraiment quelque chose de nouveau.
À lire aussi : D’où vient la franc-maçonnerie ?
Et pour ce qui est du Grand Orient de France, en particulier ?
Le Grand Orient a une prédécésseure : la Grande Loge de France. Une ’loge’ est un atelier, donc une réunion de deux maçons, soit avec un temple bien identifié, soit chez l’un, chez l’autre… Il n’existe pas de vision administrative de la franc-maçonnerie à cette époque, comme cela a pu apparaître par la suite. C’est assez souple au départ. Quand il y a un groupe de loges, on appelle cela une ’grande loge’. La Grande Loge de France (ou de Paris) devient le Grand Orient de France en 1771, en fait deux ans avant l’anniversaire célébré cette année. Mais celui destiné à être le grand maître de l’obédience, le duc de Chartres, futur duc d’Orléans, est condamné à un exil de deux ans suite à des intrigues dans la famille royale. Ce qui explique que l’inauguration du Grand Orient soit repoussée à 1773. On dit ’Grand Orient’, ’Grande Loge du Grand Orient’. C’est une fédération de loges.
Il y a toute une réflexion au XVIIIᵉ siècle, à la fois sur la lumière et sur les lumières ; et la lumière vient de l’Orient. Les francs-maçons travaillent symboliquement entre midi et minuit et de ce fait, ils se tournent vers la lumière. Symboliquement, ils ont donc choisi l’Orient, comme d’autres références connues : l’équerre, le compas, etc. Dans une loge, celui qui préside, qu’on appelle ’le vénérable’, siège à l’Orient.
Quelles ont été les grandes étapes, les grandes évolutions du Grand Orient de France et de la franc-maçonnerie ?
Le premier grand tournant a lieu à la Révolution française. On croit souvent que les francs-maçons ont voulu la Révolution mais pas du tout : ils sont souvent très légalistes. On pense toujours à Philippe Égalité, le grand maître du Grand Orient qui vote la mort de son cousin Louis XVI. Mais la plupart des francs-maçons sont jeunes, comme les révolutionnaires de 1789 ; ils ont grandi à la fin de l’Ancien Régime. Comme pour le reste de la société, la Révolution leur tombe un peu dessus, ils sont déstabilisés par la situation. Il y a ceux qui s’engagent dans la Révolution, il y a ceux qui partent en émigration, ceux qui se mettent en retrait en attendant de voir comment ça va tourner... La franc-maçonnerie reflète tout le spectre des opinions de cette époque-là. Mais après la Révolution, il y a une sorte de relecture à posteriori de ce qu’était la franc-maçonnerie au siècle des Lumières. Si on appartient à une famille noble, on va se dire qu’on a eu des attitudes coupables, qu’on a trop accepté les idées nouvelles ; donc on fait disparaître des archives familiales ou des engagements familiaux le souvenir d’avoir été franc-maçon. Au lendemain de la Révolution, et notamment de la Restauration des Bourbons, la franc-maçonnerie qui comptait vraiment la sociabilité huppée, mondaine, qui avait très bonne réputation au XVIIIᵉ siècle, devient quelque chose de sulfureux. La plupart des francs-maçons modérés se mettent en retrait. Les effectifs diminuent, ceux qui restent sont des convaincus qui ont des positions beaucoup plus radicales, beaucoup plus politisées qu’au XVIIIᵉ siècle. Il va devenir très difficile d’avoir une sorte de consensus modéré comme c’était le cas avant ; ne serait ce que parce que l’Église catholique, qui se reconstruit après la Révolution, est une Église de combat, ultra conservatrice, très hostile aux Lumières, à tout ce qui est ouverture sociale. Elle fait de la franc-maçonnerie une de ses cibles privilégiées, alors qu’au XVIIIᵉ siècle même des abbés étaient vénérables de loges.
Elle reconstruit de toutes pièces une image de la franc-maçonnerie qui serait proche des protestants, par la suite proche des Juifs... progressivement on va vers le complot judéo-maçonnique. À la fin du XIXᵉ siècle, elle parlera de la ’synagogue de Satan’.
Au cours du XIXᵉ siècle, la franc-maçonnerie entre en politique pour transformer la société, développer l’éducation pour tous... Elle réfléchit à la place des femmes dans la société. Bien évidemment, ses effectifs fondent parce que plus elle est engagée, plus les gens lui reprochent d’aller trop loin.
Cette franc-maçonnerie-là, très active à la fin du XIXᵉ siècle, veut une laïcité militante. Dans la France de la IIIe République, elle est associée de très près au pouvoir parce que la plupart de ses députés, radicaux ou autres, viennent de ses rangs.
Alors qu’elle est à l’acmé de son pouvoir politique, arrive le régime de Vichy, qui la dissout...
Je n’aime pas trop l’expression mais on parle d’’Église de la République’ pour la franc-maçonnerie de la IIIème République, comme si c’était une sorte d’Église laïque, ce qui est absolument impossible à accepter pour la France de Vichy. En 1940, quand Vichy enterre la IIIème République et donne naissance à l’État français, une de ses premières décisions est d’enterrer la franc-maçonnerie. Quand le maréchal Pétain choisit de créer un organisme chargé de lutter contre les sociétés secrètes, il ne confie pas la tâche à un policier ou à un haut-fonctionnaire... Pas du tout ! Il va choisir un spécialiste du XVIIIᵉ siècle qui s’appelle Bernard Faÿe en lui disant : ’Il faut aller chercher dans les archives des francs-maçons les causes de l’effondrement de la France en 1940 face à l’Allemagne nazie.’ La Révolution de Vichy se construit sur la diabolisation de la Révolution de 1789. La troisième République, c’était ’Liberté, égalité, fraternité’, ça sera ’Travail, famille, patrie’, etc. Et d’ailleurs, dans les affiches de Vichy, on voit la France de la ’révolution nationale’, c’est le terme employé par Vichy, comme l’antithèse de la révolution de 1789. Cela a des conséquences tout à fait directes : on fait des listes des francs-maçons vivants, on les chasse de la fonction publique, on en déporte certains, on pille leurs archives, et ce que Vichy ne prend pas, les nazis le volent.
À écouter : Grand Orient de France - Le souci républicain de la solidarité - Grand Orient de France 17 minutes
Après la Seconde Guerre mondiale, la franc-maçonnerie renaît mais ses liens avec la politique et le pouvoir se distendent. Pourquoi ?
Pour une raison très simple : la franc-maçonnerie s’est largement émiettée. Cela ne veut pas dire qu’il y a moins de monde, mais il y a ’beaucoup de tout’. Aujourd’hui, il existe de très nombreuses obédiences. Il y en a de beaucoup plus traditionalistes que le Grand Orient de France : la Grande Loge nationale française, par exemple. Le Grand Orient a été considéré comme à gauche de l’échiquier politique pendant longtemps, mais cela ne veut plus dire grand-chose. Prenez l’une des grandes figures récentes et médiatiques du Grand Orient de France, Alain Bauer : aujourd’hui, vous aurez du mal à le situer sur le spectre politique. Il a été conseiller aussi bien de Nicolas Sarkozy que d’autres. Les francs-maçons se distribuent sur l’ensemble du spectre politique.
Le Grand Orient est encore un lieu d’échange : il y a chaque année des questions sociétales sur lesquelles les loges réfléchissent. La contraception, l’IVG, sont des questions qui ont été discutées en loge pendant longtemps et qui ont pu donner lieu à des travaux législatifs. C’était ça le canal de d’influence. C’était une sorte de laboratoire de la République et des transformations sociales mais c’est un ressort qui marche moins aujourd’hui. La franc-maçonnerie se consacre davantage à la ’défense’ ; de la laïcité, de la République, etc…
Pourtant il y a toujours beaucoup de fantasmes et de théories complotistes circulant au sujet de la franc-maçonnerie. Par exemple, le discours d’investiture d’Emmanuel Macron en 2017, devant la pyramide du Louvre, avait donné lieu à beaucoup de spéculations, la pyramide étant un symbole maçonnique. La question des rites initiatiques fascine également...
Comme toujours, on ne prête qu’aux puissants. En 2001, deux journalistes, Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre, avaient fait paraître un livre au titre un peu racoleur, qui avait eu beaucoup de succès : Les Frères invisibles. Dedans, ils prétendaient que Jacques Chirac avait été reçu par une loge particulièrement influente et secrète qui s’appelait ’Alpina’. En fait Alpina est la Grande Loge de Suisse. Elle a pignon sur rue comme la Grande Loge d’Angleterre, elle n’a rien de secret et Jacques Chirac n’en a jamais fait partie. Ces spéculations sont très fréquentes et vivent sur le souvenir de l’époque où la franc-maçonnerie était un lieu de puissance.
Déjà au XVIIIᵉ siècle, il y avait eu plein livres avec des titres comme ’Le secret des francs-maçons dévoilés’, etc… C’est un effet de librairie. Mais de fait, il suffit de consulter des livres ou d’aller sur internet pour connaître tous les détails d’un rituel maçonnique. Mais, comme dans toute forme de sociabilité initiatique, il s’agit d’un lien d’initiation
partagé, et les francs-maçons diraient que, quel que soit ce qui est révélé, dès lors qu’on ne le vit pas de l’intérieur, le sens profond échappe. Il y a énormément de rituels qui se sont créés depuis le XVIIIᵉ siècle. Certains sont vraiment totalement dépouillés de toute valeur religieuse, et d’autres pas du tout. Il y a une franc-maçonnerie chrétienne, d’inspiration templière par exemple, qui date du XVIIIᵉ siècle et qui est encore très présente aujourd’hui. Il y en a une autre qui est vraiment purement symbolique. Et le Grand Orient lui, fait une sorte de synthèse avec une dimension symbolique, et une autre très sociétale.
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Discours du Président de la République au Grand Orient de France à l’occasion du 250ème anniversaire de son appellation. Enregistrement vidéo 28:45 - 8 novembre 2023 - Seul le prononcé fait foi - Document ‘elysee.fr/emmanuel-macron’
Mesdames et messieurs les parlementaires, Messieurs les préfets, Messieurs dames les Très respectables Grands maîtres, Grandes Maîtresses, Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Je vous remercie, Très respectable Grand maître, d’avoir accepté que la parole circule jusqu’à moi, premier outil du franc maçon et de l’homme de bonne volonté. La confrontation des oppositions fécondes, l’acceptation de l’autre dans vos loges, au Grand Orient et dans les autres obédiences représentées ici aujourd’hui, se poursuit sans relâche le travail maçonnique, et au fond, cette maïeutique utile pour le pays et pour la République. Et je voudrais, avant toute chose, chercher ici à dire l’importance de cette parole et votre contribution à l’occasion de ces 250 ans à la vie de la Nation et à notre République.
Chacun sait qu’en vos loges, la parole est hiérarchisée, structurée, organisée. Légitimée par un lent et patient travail de la pensée, de l’écoute et du partage. Et c’est ainsi que se conduit la recherche de la vérité. Et à l’heure des réseaux sociaux, où les paroles indistinctes se mêlent et s’entremêlent, sans hiérarchie ni distinction, avec tous les risques que cela implique, ce modèle pourrait paraître anachronique, mais si vous autorisez le profane que je suis à le dire, c’est un modèle qui, à l’évidence, n’est pas dénué de vertus.
Vertu de la patience, pour façonner une parole de raison, porteuse de progrès, parole profondément attachée à la liberté de l’être humain.
Et je crois aussi qu’au moment où ailleurs ce sont les armes qui parlent en Europe et dans le monde, et où chez nous s’élèvent des voix de confusion, de haine, de déraison et de division, cette parole doit être plus forte et mieux entendue.
C’est ce qui motive, entre autres, ma présence ici parmi vous. Les 250 ans du Grand Orient sont naturellement l’occasion. Mais je sais que s’agissant de l’histoire de la franc-maçonnerie, qui commence, on ne sait quand, véritablement, s’inscrit dans des temps lointains, empreintes aux grands mythes, les dates ne comptent guère. Seuls comptent, aujourd’hui comme hier, l’avenir et le progrès humain possible. Votre nom même signifie cette attention à l’aube, toujours recommencée, de l’idéal. C’est donc de cet idéal et de cet avenir que je viens surtout parler aujourd’hui.
Cet avenir se construit, certes, à la lumière d’un grand héritage.
Issus de ces compagnonnages d’Ecosse, d’Angleterre où des hommes éprouvés par la violence religieuse se sont retrouvés en laissant leurs discordes à la porte des loges.
De proche en proche, la franc-maçonnerie devint un projet de société. Ce projet était celui des Lumières. Elle transmit cette pensée de liberté et de raison des salons aux provinces. La franc- maçonnerie est à cet égard la fille aînée des Lumières. Dans ses rites, bien sûr, où s’exalte l’éclat de la raison humaine prompte à transpercer le fanatisme. Dans ses idées surtout, elle tient l’Homme comme la mesure du monde. Elle consacre l’égalité entre les femmes et les hommes, de leur faculté de jugement, dans leur égalité profonde par-delà les origines ou la religion, dans leur perfectionnement possible et souhaitable par l’éducation, la culture, leur aspiration au progrès. Elle dit que l’Humanité est une et que l’avenir peut être porteur d’espoir.
En 1773, dans des remous que je laisse à la sagesse de l’étude, le Grand Orient décida de s’appeler ainsi.
Alors se noie le fil profondément français de la franc-maçonnerie.
Un fil qui, dès l’origine, présentait des traits propres à notre esprit national, le goût des distinctions et des hiérarchies. Je sais que les grades ou les degrés dans leur complexité sont tenus pour être nés en France, bien qu’on les qualifie d’Ecossais.
Mais aussi et surtout un caractère profondément démocratique, marié à une ambition d’ordre. Avec la création du Grand Orient, les vénérables jusque alors propriétaires, ravis de leur charge, sont élus. Et les loges disséminées sur le territoire doivent désormais répondre à Paris. La centralisation, ici aussi, s’exerce. Par une même réforme, a été combattue l’inégalité naturelle et le poids excessif des particularismes. Une lutte contre l’assignation au profit de la liberté et de l’unité. Une œuvre de liberté et de concorde au-dessus du chaos et de la fatalité. La franc- maçonnerie française était constituée à l’image des desseins de la Nation française.
Démocratique, méritocratique, la franc-maçonnerie française est aussi universelle. Dès le XVIIIe siècle, elle accueillait à égalité ceux que la société d’alors vouait aux places obscures : les frères de confession juive, ceux de couleur, les femmes au sein des loges dites d’adoption. Parmi elles, et comment pourrais-je l’oublier, une ancienne propriétaire du palais de l’Elysée, Mathilde d’Orléans, sœur de Philippe-Egalité, Grand-Maître du Grand-Orient et elle-même Grande Maîtresse, surnommée citoyenne vérité à la Révolution.
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Rien n’est plus émouvant que de lire, ici, au sein du musée de la Rue Cadet, les débats graves et pondérés où les loges discutent de l’acceptation des uns et des autres. Ces débats ont toujours trait à l’égalité et à l’humanisme. Et ces lettres et ces mots sont toujours nos contemporains.
Il exista, dès cette époque, une affinité élective entre la franc-maçonnerie et le combat pour la liberté qui deviendra un combat républicain.
Destins jumeaux, destins fraternels. Face à l’opposition cléricale et aux fractures de l’Histoire du XIXe siècle, dans l’alternance des rois et des empereurs, la franc-maçonnerie finit par s’identifier au projet républicain et la République s’éleva, pierre à pierre.
Qu’on ne s’y trompe pas, là encore. L’apport de la franc-maçonnerie est une vérité historique. Il n’y a ici ni complot ni dessein secret. Regardons face à nous, dans ce temple grossier, la fresque à l’Orient représente une allégorie féminine. A ses côtés trônent des visages et des figures qui signifient la culture, l’espoir, les arts. Tout, dans ce décor, paraît familier à tout citoyen, à tout Français. Parce que dans l’œuvre de ce frère, le frère Poisson, surgissent les contours de la statue de la Liberté de Bartholdi ou la Liberté guidant le peuple de Delacroix, surgit l’ombre de Marianne, surgissent ces mots de Victor Hugo : “République universelle / Tu n’es encore que l’étincelle / Demain tu seras le soleil.”
Surgit tout notre imaginaire français et républicain. Et pendant des décennies, l’œuvre maçonnique et le combat républicain se rejoignirent pour presque se confondre. En témoigne cette Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, texte fondamental pour l’une et l’autre.
À la Révolution, les francs-maçons furent députés, soldats de leur idéal, mais aussi, hélas, à partir de 1793, victimes de la Terreur robespierriste.
Sous l’Empire, leur œuvre fut consolidée. A à la Restauration, des Rois précédemment maçons tirèrent profit de leur engagement.
Sous la Seconde République, ce sont des maçons qui inspirèrent l‘abolition de l’esclavage, tentèrent le partage du progrès matériel en combattant la misère, sœur jumelle de l’obscurantisme. Et, sans qu’il puisse s’agir d’une coïncidence, les Francs-Maçons lui donnèrent sa devise, ou prirent celle de la République, qui sait. Liberté, égalité, fraternité.
Dans l’ombre que leur tendait leur fausse légende noire, la franc-maçonnerie formait cette
« République à couvert » qu’évoquent les historiens. A couvert, sous des toits les protégeant de la curiosité inquisitrice des autorités puisque l’installation du Grand-Orient rue Cadet date justement de cette période.
Oui, République à couvert. Car dans les banquets et les comices, dans les cercles de pensée et dans les mots d’avocats ou de journalistes, palpitait cet idéal, attendant son heure.
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Vint la chute de l’Empire. Vint le gouvernement provisoire de Léon Gambetta, et le décret Crémieux qui accorda enfin la citoyenneté aux Français juifs d’Algérie et permit leur émancipation républicaine.
Je pourrais citer tant de noms du Grand Orient ou de la Grande Loge, mais nul besoin d’énumérer ici les pères fondateurs de notre République. Tous n’étaient pas maçons, mais tous en défendaient les valeurs. La franc-maçonnerie n’a pas fait à elle seule la République, mais la République, sans elle, ne se serait pas faite.
La franc-maçonnerie fut l’atelier de la République, là où se poursuivait l’œuvre commencée dans le temple.
La franc-maçonnerie donna à la République ses premières forces vives. Et à l’heure où le Parti républicain n’avait qu’une prise incertaine sur le pays, que la monarchie menaçait de revenir, les francs-maçons furent dans nos villages, dans nos petites patries, « ces commis voyageurs » de la République dont parlait Gambetta. Ils furent ces humbles militants pénétrés de l’idéal des Lumières. Défendant la République, face aux forces monarchistes comme face aux tenants de l’insurrection.
La franc-maçonnerie donna à la République ses assises et son mouvement. Seule organisation civique d’importance face à l’Église, elle engendra presque à elle seule le Parti radical, dont les membres tinrent debout les murs de cette maison neuve qu’était alors la République.
Elle donna à la République non seulement cela, mais encore toute sa puissance spéculative qui procédait de l’activité intellectuelle des frères. Les loges de la Raison furent les forges de nos lois.
Lois de liberté, avec la loi sur la liberté de la presse, loi autorisant les syndicats, loi de liberté d’association de 1901, loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État.
Les lois de Jules Ferry sur notre école publique et laïque.
Mais loi aussi, pour l’égalité, la fraternité, le progrès humain, avec la réforme de l’assistance publique, la rédaction d’un premier code du travail confié à Arthur Groussier, futur Grand maître, ou la création des premières mutuelles.
Toutes ces lois, en écho du cri de justice, du cri contre la misère et l’oppression, contre la loi du plus fort élevée en loi naturelle. Ce cri de Gavroche et ce cri de l’enfant de Vallès.
Tant de lois furent ici et ailleurs initiées, imaginées, discutées.
Grâce à elles, à travers elles, la République conquit les cœurs et les urnes. Malgré les tentatives factieuses, malgré un déchaînement d’antisémitisme qui prit Dreyfus pour victime, et à travers lui, l’esprit de la République comme cible. Puisque s’en prendre à un juif, c’est toujours aussi
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chercher à atteindre le projet politique qui le reconnaît libre et égal, qui le reconnaît comme tel. C’est toujours chercher à atteindre la République.
En 1896, comme un symbole, Léon Bourgeois devint Président du Conseil à la tête de ce qu’on appela « le gouvernement des Loges. » Léon Bourgeois, à qui nous venons de rendre hommage, plaidait pour une société solidaire, car l’individu, disait-il, naissait débiteur d’une dette envers la société. Un citoyen né avec des droits inaliénables, mais aussi avec des devoirs. Devoir d’engagement et de solidarité. Devoir de se rendre redevable envers la Nation qui nous instruit et nous construit. Léon Bourgeois plaidait dès lors pour l’organisation rationnelle de cette solidarité afin de conjurer les injustices de destin. Quittant le Gouvernement, il devint l’artisan de la Société des Nations, reçut le prix Nobel de la Paix. Car cette solidarité dans la nation existait pour lui à l’échelle du genre humain. La même dette envers les autres, ce même devoir d’être utile aux autres. Rien des hasards de la naissance ou de l’arbitraire du cours de la vie ne devait séparer entre eux les femmes et les hommes. Ni les origines, ni les frontières. Car une vie vaut une vie. En cela, Léon Bourgeois ne portait pas seulement un projet franc-maçon. Il vouait ses forces à une ambition universelle et humaniste d’affranchissement et de raison, de progrès et de paix. Une ambition qui était alors profondément française et qui l’est toujours. Une vie vaut une vie.
En 1899, vous le savez, au compte de l’affaire Dreyfus, fut érigée la statue de la République, sur la place du même nom. L’un des témoins de cette liesse, de ce jour heureux de la nation était Charles Péguy. Et décrivant la foule se massant sur les boulevards, il énumère dans le détail les guildes et les confréries, les syndicats d’ouvriers ou d’horlogers qui la composent. Et il note alors, je le cite « Comme c’est beau, un nom qui désigne les hommes, les groupes, sans contestation, sans hésitation par le travail quotidien. On sait ce que c’est au moins qu’un forgeron ou un charpentier. Je voudrais les citer tous, car je ne sais comment choisir ». Eh bien, dès ce triomphe de la République, il faut citer, avec les forgerons et les charpentiers, les Maçons.
Oui, à chaque fois que la République œuvra à l’amélioration de la condition matérielle et morale de l’Humanité, la franc-maçonnerie française fut au rendez-vous.
Les ennemis de la République ne s’y trompèrent pas.
Le régime de Vichy bannit la franc-maçonnerie et spolia ses biens. Un film de propagande fut tourné, reproduisant le temple Corneloup. 500 francs-maçons furent assassinés en raison de leur appartenance. Et tant d’autres moururent pour défendre la patrie des Lumières. Je pense à Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts, il fut dans notre Histoire l’un de ceux qui bâtit une école de l’émancipation et de la liberté. Il bâtit cette école comme un rempart aux forces de la haine dont il fut lui-même le martyr. Il bâtit une école dont tous, nous sommes les héritiers. Et dont nous devons tous être les gardiens.
Après la guerre, la franc-maçonnerie poursuivit son œuvre dans le silence et la pénombre où par tradition, par souvenir des persécutions aussi, elle se maintient.
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Et la cause des femmes doit beaucoup à leur œuvre. Je pense au combat mené pour l’interruption volontaire de grossesse, un combat où lutta de haute lutte Pierre Simon, de la Grande Loge de France. Je pense aussi au rôle éminent que joua le sénateur Henri Caillavet, rapporteur de la loi de Simone Veil, comme son action fut déterminante en faveur d’autres causes, toujours au nom d’une société où les choix éclairés des individus sont permis et reconnus.
Le combat pour la cause des femmes contient tous les enjeux qui nous réunissent aujourd’hui. L’obscurantisme à cet égard n’a pas disparu : il revient, il renaît. C’est pourquoi j’ai souhaité l’inscription dans notre Constitution de la liberté pour les femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Face à de grands périls, nous devons assurer le progrès et la permanence. Nous devons conserver ce que chaque époque a conquis de meilleur pour le transmettre. C’est, je le crois, le sens de toute aventure humaine, celui de toute aventure de pensée, c’est le sens même de la marche d’une Nation.
Et à travers ces combats, à la lumière d’aujourd’hui, ayant cherché de manière trop rapide à dire votre contribution, à l’édification et à la consolidation de la République et à la vie de notre Nation, permettez-moi de conclure mon propos par l’évocation de trois défis plus particuliers.
Le premier concerne le rôle des francs-maçons.
Aujourd’hui où les francs-maçons n’ont jamais, semble-t-il, été aussi nombreux, certains déplorent la faiblesse de leur influence, leur perte de pouvoir. La presse, si prompte à les compter, en a oublié ses inventaires marronniers. La chasse aux frères invisibles, suspects de tous les maux, est close et c’est tant mieux, tant j’ai dit ce que ce compagnonnage avait eu de fructueux et surtout de contingent, tenant aux conditions mêmes de la naissance de la République en France. Mais à l’ère du soupçon ne doit pas succéder l’ère de l’effacement. Il faut conserver le lien vivant entre République et franc-maçonnerie. Comme doit demeurer le lien entre République et religion, car la loi de 1905 est loi de séparation et pas d’effacement, elle est loi de liberté et pas de contestation.
Et ce dialogue ne doit pas simplement concerner la République, mais toute la société. Et je sais combien d’entre vous sont engagés à cet égard et ne m’ont pas attendu. Mais jamais une société discrète ne doit devenir ou donner le sentiment d’être une société muette. Je sais bien que les différentes obédiences, en effet, ne m’ont pas attendu pour prendre part aux combats de l’époque en faveur de la laïcité, du droit des femmes, de la solidarité internationale avec l’Ukraine. Tant d’autres. Je pense notamment aussi au droit de mourir dans la dignité portée en son temps là encore par Henri Caillavet ou Pierre Simon, une cause qui doit trouver, comme je l’ai promis, une traduction dans une loi de liberté et de respect. Et je vous remercie pour les contributions que vous avez produites en dû et en lien avec le Gouvernement qui va nous permettre de faire cheminer dans les prochains mois ce texte. Et je crois, plus encore aujourd’hui, qu’il nous faut ensemble nous remettre à la forge et retrouver le sel de cet engagement premier. Et vous m’avez lancé un défi, si je puis dire, tout à l’heure en parlant d’un programme qui est celui même de notre République. Je voudrais vous lancer presque le même en parlant d’une action au corps-à-corps dans la société qui doit retrouver la vigueur et le caractère libre et direct de ceux des premiers temps de notre République. Je crois que ce sera utile à la Nation et à la République.
Le deuxième défi, c’est que la franc-maçonnerie doit s’ancrer dans une époque qui lui ressemble peu. Rien n’est plus étranger au goût contemporain que la quête de connaissance de soi et de l’autre, de l’émancipation et de l’affranchissement, de la sérénité et de la concorde qui prévalent dans le temple. L’air du temps déteste ce temps suspendu de la parole et de la tenue. Nos temps sont ceux de la volonté de revanche, de l’identitarisme, du fanatisme, du complotisme. Prenez ma présence parmi vous aujourd’hui et ces mots comme une invitation à demeurer intempestif. Ne cédez pas, car nous en avons besoin, à ces modes du temps. Je pense qu’aujourd’hui, plus encore qu’hier, la maïeutique qui seule permet à la raison de triompher sur les émotions, le temps suspendu qui, seul, permet à une société de sortir de la solitude et du fracas des paroles dans laquelle nous sommes plongés aujourd’hui. Ce rôle est plus que jamais utile. C’est évidemment celui que l’école de la République enseigne et que nos universités transmettent et doivent continuer de transmettre, que nous voulons inculquer plus largement, mais vous jouez ce rôle existentiellement et profondément. Car nos combats refont surface.
Et aujourd’hui aussi l’antisémitisme refait surface, dans les mots, sur les murs. Il s’affiche sans crainte et sans honte. Et à cet égard, je veux ici être définitif : la République ne transige pas et ne transigera pas. Et nous serons impitoyables face aux porteurs de haine. Mais derrière cette haine antisémite, il faut voir ce qui s’y trouve aussi. La haine des Juifs, la haine des francs- maçons, procèdent du même élan. Ce sont deux préludes, deux prétextes à la haine de la République. Et je le répéterai sans cesse : là où l’antisémitisme entend s’installer prospèrent avec lui toutes les autres formes de racisme et de haine identitaire, très rapidement. Et veillons à toutes les confusions dans une époque où, les uns préfèrent rester ambigus sur la question de l’antisémitisme, par souci de flatter de nouveaux communautarismes, et les autres prétendent soutenir nos compatriotes de confession juive en confondant le rejet des musulmans et le soutien des juifs, en refusant ceux-là même, de condamner clairement leurs positions passées, et tous les maux définitifs d’hier. Il n’y a pas de lutte véritable contre l’antisémitisme sans un réel universalisme qui voit dans chaque citoyen un être de droits et de devoirs, appartenant pleinement, totalement, à la République et à la Nation. Et nous savons, vous savez, que les francs-maçons en seront, comme d’autres, des cibles évidentes. Dans cette époque en proie à la déraison, votre parole de raison a une place essentielle. Alors que les séparatismes et les fanatismes tentent de fissurer la Nation, visant au chaos, au mépris parfois de leurs engagements passés ici même, il nous faut à nouveau pouvoir compter sur des soldats de l’idéal, prompts à rassembler ce qui est épars. Il nous faut restaurer l’autorité, la civilité, l’harmonie. Et ce n’est pas un combat que la République peut seule mener. Ce combat pour l’unité est à reconquérir et à reprendre chaque jour. Par la démonstration en paroles et en actes, par cette capacité à renouer le fil de la parole, à sortir des différences, des assignations à résidence dans lesquelles une époque qui n’est soumise qu’aux émotions et à la solitude, immanquablement, renfermera les uns et les autres. La réponse, vous le voyez, n’est dans aucun communautarisme. Elle est dans cet universalisme qui suppose cette maïeutique.
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Le troisième défi, enfin, est que la grande idée de la franc-maçonnerie, et celle de l’Homme et du progrès, court un grand péril. Nous avons vécu en imaginant que la sombre prophétie de Michel Foucault sur la modernité, cette idée de l’Homme qui « s’effacerait » comme « à la limite de la mer », s’efface « un visage de sable », que cette idée était excessive. En sommes-nous toujours si sûrs ? Aujourd’hui, le risque existe de l’asservissement de l’Homme par l’écran, de l’esprit humain par ses répliques artificielles, des peuples libres par de nouvelles forces totalitaires, des opinions éclairées par de puissants mouvements de haine, de notre civilisation industrielle par ses propres excès. Il existe une crise profonde et structurelle, une crise de l’esprit et de l’espoir humanistes face aux grandes bascules technologiques, géopolitiques et climatiques.
Je crois qu’il faut justement, dans cette période, renouer le fil d’un humanisme français et européen, qui tient ensemble la liberté, l’égalité et la fraternité. Qui conjugue progrès et écologie, progrès et régulation du numérique, progrès et réinvention démocratique, progrès et justice sociale. Un projet dont vous façonnez la forme, dans vos cercles, depuis 250 ans.
Celui qui fait l’Homme libre en déliant les chaînes qui tiennent sa raison. Les chaînes de l’assignation identitaire, les chaînes des intérêts sociaux, les chaînes des malheurs privés et de la pauvreté, les chaînes des dogmes et des asservissements politiques, chaînes des fatalités et des événements. Ce sont ces chaînes qu’il faut briser. Et d’autres liens, ceux noués au sein de l’école, de la Nation, d’une société apportant le progrès réel et l’élévation sociale, d’un monde fondé sur les règles et le droit, qu’il faut, au contraire, faire vivre.
Mesdames et messieurs,
Aussi longtemps que la franc-maçonnerie sera au travail, la République sera en éveil. J’ai tâché ici de redire vos mérites, votre histoire et votre haute contribution à la France et à notre République, mais aussi de dire quelques-uns de nos défis communs qui supposent de reprendre la bataille des idées et de défendre avec force, audace, les méthodes et les principes qui sont les vôtres.
Conservons ce lien séculaire sans embarras et sans excès, dans le plein respect de nos valeurs respectives, sans les confondre, mais en joignant leur force.
Si je puis me permettre, j’ai dit. Vive la République. Vive la France.
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Catholicisme - Le pape, la franc-maçonnerie et Turin - Par Marie-Lucile Kubacki - Publié le 17/11/2023 à 11h28, mis à jour le 17/11/2023 - Par Marie-Lucile Kubacki – Document ‘lavie.fr’
[Chroniques romaines] - L’actualité vaticane sous l’œil de notre correspondante romaine. Ce que le pape François a en tête quand le Vatican rappelle l’impossibilité d’être catholique et franc-maçon.
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Il n’est pas possible d’être catholique et franc-maçon. La position de l’Église catholique sur le sujet était déjà connue ; elle a été réaffirmée le 15 novembre 2023 dans un document du préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, Victor Manuel Fernandez, approuvé par le pape François. Pourquoi revenir sur un sujet déjà tranché ? Précisons d’abord qu’il s’agit d’une réponse à la question d’un évêque philippin, confronté à l’augmentation du nombre de fidèles de son diocèse adhérant à une loge.
Celui-ci interrogeait le « gardien de la doctrine » sur la meilleure attitude à adopter envers ces derniers. Après avoir rappelé l’impossibilité de cette double appartenance sur le plan doctrinal, en s’appuyant sur une déclaration de 1983 de son prédécesseur le cardinal Ratzinger, et sur les grandes lignes proposées par la conférence épiscopale des Philippines en 2003, Fernandez propose aux évêques philippins de « développer une catéchèse populaire dans toutes les paroisses, au sujet de l’incompatibilité entre la foi catholique et la maçonnerie. » Une position claire et tranchée.
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La maçonnerie, « carrefour de toutes les hérésies »
Dans une époque marquée par la propension à jeter des anathèmes pour semer le discrédit, la publication de cette réponse peut être aussi interprétée comme une manière de couper court aux rumeurs courant dans certains milieux complotistes qui accusent régulièrement le pape François et son entourage d’affinités avec la maçonnerie et le modernisme (condamné par Pie X, en 1907, comme « carrefour de toutes les hérésies »), les deux courants étant parfois confondus dans un même procès en progressisme et hétérodoxie.
C’est une position que l’on trouve sur les réseaux sociaux et sur un certain nombre de blogs, où un débat a fait rage autour de la croix pectorale du pape, dans laquelle certains avaient vu des clins d’œil à la symboliquehttps://www.liberoquotidiano.it/new...maçonnique. Plus récemment, au moment du synode, l’ancien préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, le cardinal Gerhard Müller, a livré une déclaration publiée par Lifesite dans laquelle il affirmait combattre le « pseudo-modernisme » depuis 10 ans - soit la durée du pontificat de François.
On comprend mieux pourquoi, interrogé sur les critiques dont il faisait l’objet par le journal Crux, Mgr Victor Manuel Fernandez avait ainsi répondu juste après sa nomination : « Je ne suis ni un franc-maçon, ni un allié du Nouvel Ordre Mondial, ni un espion de Soros infiltré dans l’Église. Ce sont de pures fantaisies. J’essaye d’être une personne honnête, je me confesse souvent, j’aime l’Église et sa doctrine, beaucoup de mes écrits portent sur la spiritualité et la prière. Je ne peux concevoir ma vie sans Dieu. (Mes critiques) devraient avoir confiance, il vaut mieux (pour eux) aller chercher des ennemis de la foi ailleurs. »
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Turin, berceau de la franc-maçonnerie
Sur la franc-maçonnerie, le pape François, n’a jamais mâché ses mots. Ses propos les plus personnels, il les a tenus devant des Turinois. Pour cause. Cette ville du Piémont, dans le nord de l’Italie, est considérée comme un des berceaux de la franc-maçonnerie et de l’occultisme dans la péninsule, au point qu’on l’intègre à la fois dans le « triangle de la magie blanche » avec Lyon et Prague, et dans le « triangle de la magie noire » avec Londres et San Francisco.
Cité qui vit naître Victor Emmanuel II, Cavour et Garibaldi, héros de l’indépendance italienne - ce dernier était à la tête du Grand Orient italien -, et qui a lancé le Risorgimento, acte de naissance de l’Italie moderne, qui aboutit à la chute des États pontificaux en 1870, dans un climat d’anticléricalisme. Ville et époque que le pape connaît bien puisque c’est là que vient sa famille. Sa grand-mère Rosa, dont il fut si proche, y avait rencontré son mari et passé une bonne partie de sa vie, avant d’embarquer pour l’Amérique latine, avec leur fils de 20 ans, Mario José, le père du pape, né à Turin en 1908.
Un combat spirituel
Mais la capitale du Piémont est aussi considérée comme une ville de « saints », à l’instar de Pier Giorgio Frassati. Lors d’une visite pastorale à Turin en 2015, le pape avait déclaré aux jeunes : « Sur cette terre — et je l’ai dit aussi à la Famille salésienne — à la fin du XIXe siècle, les conditions les plus mauvaises pour la croissance de la jeunesse étaient rassemblées. C’était l’époque de la franc-maçonnerie, même l’Église ne pouvait rien faire, il y avait les anticléricaux, il y avait les satanistes… Ce fut l’une des périodes les plus terribles et l’un des lieux les plus terribles de l’histoire d’Italie. Mais vous, si voulez faire un beau devoir à la maison, allez voir combien de saints et combien de saintes sont nés à cette époque ! Pourquoi ? Parce qu’ils se sont aperçus qu’ils devaient aller à contre-courant de cette culture, de cette façon de vivre. »
Ou encore, à la congrégation de Saint Joseph, congrégation enseignante et missionnaire, fondée le 19 mars 1873, par saint Léonard Murialdo : « (Celui-ci) l’a fondée à cette époque, dans le « feu » - disons -, au centre de la franc-maçonnerie, à Turin, dans le Piémont, où il y a eu tant de saints, tant de saints ! Et nous interroger sur cette époque. Pourquoi, en plein centre de la franc-maçonnerie, il y a eu des « prêtres », des saints, et beaucoup, pas un, beaucoup. »
François, qui déteste par ailleurs tout ce qui relève des cercles d’initiés, ne fait pas que soutenir l’impossibilité de la double appartenance. Il l’analyse par le prisme du combat spirituel. Comme une tentation que l’Église catholique doit aider combattre, ce que confirme la recommandation pastorale de la récente note du Dicastère pour la doctrine de la foi, qui, du fait de sa publication, dépasse le cadre du petit diocèse des sud des philippines pour lequel elle a été émise.
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Source : https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/le-pape-la-franc-maconnerie-et-turin-91532.php
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