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"Des pommes de terre génétiquement modifiées dont l’inocuité n’a pas été prouvée avant leur dissémination", par le Professeur Joe Cummins

Traduction et compléments de Jacques Hallard

jeudi 15 juillet 2010, par Cummins Professeur Joe

ISIS OGM
Des pommes de terre génétiquement modifiées dont l’inocuité n’a pas été prouvée avant leur dissémination
GM Potatoes not Proven Safe for Release
Les autorités chargées de la réglementation concernant les aliments en Europe, notamment au Royaume-Uni, autorisent la dissémination de pommes de terre génétiquement modifiées avec un mépris total des questions de sécurité et de sûreté.
Prof Joe Cummins

Rapport de l’ ISIS en date du 15/07/2010
L’article originale en anglais avec toutes les références est intitulé GM Potatoes not Proven Safe for Release ; il est accessible sur le site suivant : http://www.i-sis.org.uk/GM_potatoes_not_proven_safe.php
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Le laboratoire Sainsbury du Centre John Innes a commencé à réaliser des essais en plein champ avec des organismes génétiquement modifiés (OGM) de pommes de terre résistantes au mildiou (Phytophthora infestans) en utilisant des gènes de résistance provenant d’espèces voisines originaires de l’Amérique du Sud.
L’autorisation pour une expérimentation au champ sur une période de trois ans, devant se terminer le 30 Novembre 2012, a été accordée par le ministère britannique de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales (DEFRA) [1] et par la European Commission Institute for Health and Consumer Protection, l’ Institut de la Commission européenne pour la santé et la protection des consommateurs.
Le site d’essai ne doit pas dépasser 300 mètres carrés par an et il ne devrait pas comprendre plus de 400 plantes par an [2]. Les objectifs déclarés de l’essai sont les suivantes :
 1. Démontrer que les gènes de résistance transférés offrent une méthode utile pour contrôler le mildiou de la pomme de terre avec des moyens qui ne reposent pas sur des intrants agricoles (pesticides).
 2. Confirmer que le transfert des gènes de résistance continuent à fonctionner dans une « situation en conditions naturelles » (par exemple dans un champ, par opposition à un laboratoire ou à une serre).
 3. Exposer des plantes contenant les gènes nouvellement identifiés aux populations locales de mildiou afin de confirmer que ces plantes sont bien utilisables.
 4. Si une infection de mildiou venait à survenir, isoler la souche de l’agent pathogène correspondant.

Les pommes de terre génétiquement modifiées, dans leur version actuelle, contiennent des gènes de pommes de terre venant d’Amérique du Sud, qui sont des exemplaires uniques d’un groupe de gènes de résistance au mildiou ; d’autres sources de gènes figuraient dans des pommes de terre OGM de BASF qui furent testés au champ près de Cambridge en 2007 et 2008, et critiquées, en leur temps, par l’ISIS [3, 4] ( Universal Condemnation Meets UK Government’s Green Light for GM Potato Trials , ISIS report).

Type de modification génétique de la pomme de terre OGM

Les pommes de terre OGM contiennent des séquences d’ADN de deux plasmides bactériens, comprenant chacune un gène de résistance qui vise différentes souches de P. infestans.

Le plasmide pSLJ21152 contient le gène de résistance RPI-vnt1.1 provenant d’une pomme de terre sauvage d’Amérique du Sud, Solanum venturii, sous le contrôle de ses séquences originales pour son promoteur et pour la terminaison.
Le plasmide pSLJ21153 contient le gène de résistance RPI-mcq1.1 provenant de la pomme de terre sauvage Solanum mochiquense d’Amérique du Sud, également sous le contrôle de ses séquences originales pour son promoteur et pour la terminaison.

Le plasmide pSLJ21153 contient en outre une copie tronquée d’une résistance modérée (77 pour cent) avec une identité du gène RPI-mcq1.1 et on pense que cette résistance n’est pas fonctionnelle, car il semble lui manquer un promoteur.
L’insert du gène Rpi-vnt1.1 est accompagné du gène nptII issu de E. coli pour la résistance à la kanamycine, sous le contrôle d’un promoteur et d’un terminateur provenant du gène de nopaline-synthase de l’agrobactérie A. tumefaciens.

L’insert du gène RPI-mcq1.1 est accompagné du gène nptII sous le contrôle du promoteur 35S du CaMV (Cauliflower mosaic virus, le virus de la mosaïque du chou-fleur), avec le terminateur ocs 3’ (octopine synthase) de l’Agrobacterium tumefaciens [1, 2].

Le parasite et les gènes de résistance

Le mildiou est l’une des maladies des plantes les plus dévastatrices, causée par le champignon Phytophora infestans, un agent pathogène de la pomme de terre et, dans une moindre mesure, de la tomate. Dans la pomme de terre, Solanum tuberosum, il existe quatre principaux gènes dominants de résistance à l’infection par le mildiou, codifiés de R1 à R4.

Une autre série de sept gènes supplémentaire ont été identifiés, dont cinq sont des allèles du locus R3 complexe (pour un total de 11 gènes R dominants). Les hybridations avec les espèces sauvages du Mexique ont commencé en 1909 et elles se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, en dépit des efforts constants, le champignon P. infestans a toujours rapidement développé des souches qui ont surmonté la résistance génétique initiale.

Des fongicides chimiques ont été développés pour lutter contre le mildiou mais ceux-ci ont ‘succombé’, se montrant inefficaces face à la polyvalence du champignon.

Le champignon a deux types de reproduction : les types de reproduction fongique sont basés sur les sexes du champignon, les produits des gènes des types d’accouplement permettent aux deux types de fusionner, puis de former des noyaux diploïdes qui subissent la méiose, conduisant à des échanges de gènes pour former une descendance avec apparition de plusieurs génotypes.

Donc le champignon P. infestans a deux types de reproduction (A1 et A2), qui sont tous deux apparus en premier lieu au Mexique. Seul le type sexuel A1 était présent dans les pommes de terre européennes jusqu’en 1978, lorsque le type sexuel A2 est apparu en Grande-Bretagne ; avant cette date, en Grande Bretagne, le champignon n’avait pas de phase sexuée. La présence des deux types sexuels favorise grandement l’échange de gènes, ce qui conduit à une accélération de la perte de la résistance génétique et du contrôle de la maladie par des applications de fongicides [3, 4].

Les deux types principaux de la résistance au mildiou qui ont été décrits chez la pomme de terre sont la résistance au champ, d’une part, et la résistance conditionnée par les gènes de la série R.

La résistance au champ (aussi appelé résistance quantitative) est souvent attribuée aux principaux locus de caractères quantitatifs (QTL), plus quelques locus mineurs. La résistance au champ est considérée comme plus durable que la résistance conférée par les gènes R. Cependant, la résistance partielle (l’effet produit par un exemplaire d’un seul gène d’un caractère quantitatif) est également fortement corrélée avec le type de maturité de la plante (le résistance partielle à P. infestans coïncide toujours avec un dessèchement tardif du feuillage) et, par conséquent, cela rend plus difficile les travaux de sélection pour la résistance.

De même, les positions génétiques des QTL correspondent souvent à des régions de regroupement des gènes de résistance spécifique R ; la résistance est donc basée sur les gènes majeurs R dominants.

Au début, lors des programmes de sélection de la première moitié du XXe siècle, 11 gènes R (R1 à R11) avaient été identifiés dans Solanum demissum, une espèce sauvage originaire du Mexique. Les gènes de S.demissum R1, R3 et R10 ont été fortement sollicités pour la résistance au mildiou dans les principaux programmes de sélection en Europe.

Cependant, l’introgression des gènes R de S. demissum dans des clones de pommes de terre cultivées, a abouti au fait que la résistance initiale a été surmontée par de nouvelles souches pathogènes qui sont virulentes sur des hôtes précédemment résistants.

Cette capacité du champignon P.infestans à surmonter rapidement les gènes R, limite la durabilité de toute résistance reposant sur un seul gène R. Bien que certains des gènes de S. demissum, tels que R5, R8, R9, n’aient pas été utilisés dans des cultivars européens, des isolats de P. infestans qui surmontent ces gènes sont connus.

Toutefois, il est possible que, par le déploiement de multiples gènes R dans une culture génétiquement uniforme par ailleurs, la capacité de P. infestans de surmonter ces gènes, puissent être altérée [5]. Selon les estimations récentes d’un projet de séquençage des pommes de terre, il est suggéré que cette espèce cultivée contient au moins 180 gènes R et des homologues de ces gènes R [1].

Les deux gènes R de pomme de terre qui figurent dans les pommes de terre OGM du Centre John Innes qui sont en experimentation, sont dominants quant à leur expression, et ils font partie d’une riche famille de gènes de résistance à des ravageurs de végétaux, appelés des éléments répétés riches en leucine, assurant les liaisons entre nucléotides (nucleotide-binding site leucine-rich repeat (NBS-LRR) ; ces deux gènes R appartiennent à la sous-famille ‘superhélice’ (CC-NBS-LRR).

Les gènes NBS-LRR codent pour des protéines qui contrôlent l’état des autres protéines ciblées par l’agent pathogène [6]. Ces gènes sont similaires quant à leurs séquences à des gènes qui sont impliqués dans la régulation du système immunitaire inné chez les mammifères.

Problèmes posés avec les expérimentations ouvertes en plein champ

La proposition du Laboratoire Sainsbury de disséminer ce matériel dans des expérimentations au champ, soulève plusieurs inquiétudes : l’une est liée au faible niveau d’expression des gènes insérés. On lit, dans la proposition, les commentaires suivants : « Compte tenu des faibles niveaux d’expression observés, nous espérons que les gènes insérés sont présents sous forme d’une ou deux copies ». Evidemment, le nombre de copies de l’insert aurait dû être déterminé avant que les pommes de terre génétiquement modifiées ne soient lâchées dans l’environnement.

L’expression des gènes de résistance Rpi-vnt1.1 et Rpi-mcq1.1 dans les plantes transgéniques qui vont être disséminées, est réglée par leurs promoteurs et terminateurs d’origine. Il a déjà été démontré que les gènes R de la même catégorie (NB-LRR), présentent une très faible activité. [1]. Par conséquent, la faible expression des transgènes n’est pas surprenante.

Malgré leur très faible niveau d’expression, les plantes transgéniques sont considérées comme résistantes à des souches de P. infestans qui sont capables de provoquer des maladies sur les plantes témoins non transgéniques [1].
En règle générale, il est très imprudent d’exposer un pathogène microbien de faible niveau d’agressivité à tout agent témoin, qu’il soit un produit chimique ou un agent biologique.

Ces faibles niveaux favorisent la sélection de mutants pathogènes résistants. Un gène CC-NBS-LRR appelé RB, a été trouvé dans Solanum bulbolbocastanum : il y a une corrélation entre l’abondance de la transcription du gène et le niveau de résistance au mildiou chez la pomme de terre [7] et, par ailleurs, une augmentation du nombre de copies du transgène RB, produit un renforcement des transcriptions et une résistance au mildiou. [8].
La faible activité de la transcription du gène CC-NBS-LRR chez les pommes de terre disséminées par le Laboratoire Sainsbury, peut favoriser par la suite l’évolution vers une moindre résistance au mildiou dans les conditions naturelles au champ.
Les commentaires de la proposition [1] précisent que les plantes de pomme de terre ne sont pas censées exercer des effets toxiques, allergisants ou encore d’autres effets nocifs sur la santé humaine parce que les gènes introduits font partie d’une classe de gènes de résistance qui sont « déjà connus pour être fréquents dans les génomes des plantes de pommes de terre et chez d’autres espèces », d’une part, et que ces gènes font partie d’une classe particulière de gènes R qui contient la majorité des gènes R plantes identifiées à ce jour, et que « chacun d’eux possède la même structure protéique », d’autre part. Ces commentaires peuvent ne pas être exacts, car il doit y avoir des différences dans la structure des protéines des gènes R, pour assurer une protection vis-à-vis des différents agents pathogènes.

En outre, comme les transgènes sont obtenus à partir de diverses espèces - Solanum venturii et Solanum mochiquense - les produits protéiques transgéniques peuvent tout à fait être différents de ceux qui sont synthétisés naturellement et ils ne sont donc pas équivalents aux produits non-transgéniques.
Il convient de rappeler que le transfert de gènes entre des espèces étroitement apparentées peut effectivement conduire à des protéines qui sont susceptibles de provoquer des réponses immunitaires puissantes (parfois mortelles) [9, 10] (Transgenic Pea that Made Mice Ill, SiS 29).
Version en français à lire à partir de l’article suivant : "OGM : de sérieux risques d’allergie" un dossier de Jacques Hallard, vendredi 9 décembre 2005 avec l’article de l’ISIS : « De sérieuses réactions immunitaires à une protéine transgénique ont été observées au niveau des poumons chez des souris expérimentales nourries avec de la farine d’un pois transgénique créé pour présenter une résistance à un bruche qui ravage les gousses et les graines chez cette espèce… ». Document 2 de la note : OGM - De sérieuses réactions immunitaires à une protéine transgénique. Accessible sur le site suivant : http://yonne.lautre.net/spip.php?article1503

Des essais sur le terrain ont commencé avec des gènes NBS-LRR à large spectre, avec des souches résistantes au mildiou. Une grande palette de souches résistantes de ravageurs de riz, de maïs, de soja et de nombreuses autres cultures vivrières vont bientôt suivre. Il est impératif que la sécurité de ces modifications génétiques pour l’homme et pour l’environnement soit pleinement et correctement évaluée avant que les plantes génétiquement modifiées ne soient commercialisées.
En outre, la sécurité relative au gène de résistance à la kanamycine est fortement contestée (voir [11] GM DNA Does Jump Species , SiS 47). *
* Version en français intitulée ; "L’ADN génétiquement modifié passe effectivement entre les espèces vivantes. La résistance aux antibiotiques n’est pas le seul risque" par le Dr. Mae-Wan Ho ; traduction, définitions & compléments de Jacques Hallard : accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article4276

Conclusion

L’évaluation en matière de sûreté et d’inocuité de la pomme de terre OGM a été notablement insuffisante et l’autorisation accordée pour sa dissémination démontre un mépris total de la sécurité alimentaire et constitue une violation du principe de précaution.

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Définitions et compléments en français :

A lire sous PDF à demander à yonne.lautre@laposte.net en spécifiant le titre de l’article (service bénévole et gratuit)

Traduction, définitions et compléments :
Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire.
Adresse : 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS OGM GM Potatoes not Proven Safe for Release French version.4