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"‘Zéro émission de carbone’ ou tempête de sable en Grande Bretagne ?" par Patrick Noble

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 28 juin 2010, par Noble Patrick

ISIS Agriculture Energie Biocarburants
‘Zéro émission de carbone’ ou tempête de sable en Grande Bretagne ?
’Zero Carbon Britain’ or Dust Bowl Britain ?
Rapport de l’ISIS en date du 28/06/2010
Un projet de développement basé sur une hypothèse fallacieuse concernant les ‘biocarburants’ ou agrocarburants. Par Patrick Noble.

L’article original en anglais, intitulé ’Zero Carbon Britain’ or Dust Bowl Britain ? ; est accessible sur le site d’ISIS
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Le Centre for Alternative Technology (CAT) vient de publier ce qui semble être son rapport définitif sur le thème ‘Zéro émission de carbone en Grande Bretagne’ [1].

Le rapport est basé sur l’hypothèse suivante : Si la biomasse est brûlée, la chimie est plus ou moins inversée, et l’énergie d’origine et des matières premières (CO2 et eau) sont dispersées. Il y a donc pas de gain net ni de perte de CO2 et c’est pourquoi les ‘biocarburants’ sont considérés comme « neutres en carbone ».

Malheureusement, cette hypothèse n’est vraie que si aucune énergie fossile n’est dépensée au cours de la croissance de la biomasse, pour produire les engrais, les pesticides et les autres intrants chimiques : elle n’implique pas la destruction des puits de carbone naturels et la création de sources de carbone énormes en réduisant les forêts et autres ressources naturelles lorsque que l’on transfome les écosystèmes en terres agricoles, et ainsi de suite ; sans considérer que l’on ne compte pas le déplacement des populations indigènes et la décimation de la biodiversité (voir [2], [3].fuels : Biodevastation, Hunger & False Carbon Credits , SiS 33 * , ’Land Rush’ as Threats to Food Security Intensify , SiS 46 ** , et de nombreux autres articles ISIS traiter le sujet).
* Version en français intitulée ‘Biocarburants : dévastation biologique, famines et crédits de carbone faussés’, accessible sur le site http://www.i-sis.org.uk/BiofuelsBiodevastationHungerfr.php
** Version en français intitulée "La ruée vers les terres fertiles constitue une menace pour la sécurité alimentaire qu’il faut, au contraire, consolider" par Dr. Mae-Wan Ho, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article4318

Cette idée a dû être lancée un jour et admise sans contestation, même parmi mes amis. Qui l’admettent facilement. Plus précisément, le Centre for Alternative Land Use, l’Institut des sciences biologiques, de l’environnement et des milieux ruraux, et même le GIEC, tous ces organismes reconaissent que c’est vrai. (L’Institut de la science dans la société, ISIS, est une exception notable (voir les rapports d’ensemble [4], [5],
Green Energies - 100% Renewable by 2050 * and Food Futures Now : *Organic *Sustainable *Fossil Fuel Free .)
* Version en français intitulée "Le pouvoir aux populations : 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050" par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur les sites http://yonne.lautre.net/spip.php?article3756 et http://www.i-sis.org.uk/PTTP100PCRfr.php

Par conséquent, tous les tableaux, graphiques et conclusions du rapport CAT sont suspects. Les "puits de séquestration" du CAT vont effectivement se vider un peu plus à chaque récolte, créant des pertes annuelles de CO2 dans l’atmosphère. Les "champs biologiques" invoqués par le CAT ne sont absolument pas neutres en carbone.
Une chose terrible est que l’Assemblée galloise est en passe d’adopter le plan ‘Zéro Carbone pour la Grande-Bretagne’ comme plan applicable pour le Pays de Galles. Cela m’a galvanisé pour parler et lancer un avertissement selon lequel nous pourrions nous trouver face à un ‘dust bowl’, une tempête de sable ou de poussières sur la Grande- Bretagne.
J’ai écrit à ce sujet il y a quelques années, immédiatement après que le premier rapport du CAT avait été publié [6], et j’avais envoyé ma note aux auteurs de ce rapport, mais je n’ai reçu aucun accusé de réception. Rien n’a changé dans son principe, même si les détails sont devenus plus sophistiqués.
J’utilise ici mon ancien rapport d’analyse du sujet, car il traite plus spécifiquement des superficies, des rotations, et il expose plus clairement la fausseté des hypothèses sous-jacentes du CAT.

Le rapport initial dit qu’il y a 18 millions d’hectares de terres agricoles en Grande-Bretagne, et il propose ce que beaucoup peuvent accepter comme tel : une réduction du nombre d’animaux d’élevage, une augmentation des terres arables et de l’horticulture intensive, ainsi qu’une augmentation des forêts, au détriment des pâturages permanents (passant de 6 millions à 1 millions d’hectares), d’une part, et des pâturages pauvres (de 6 à 2 millions d’hectares), d’autre part.

Toutefois, le rapport suggère également que 4 millions d’hectares de forêts à rotations plus ou moin longues, soient utilisés comme bois-énergie, ainsi que le tiers des rotations de terres arables (avec des cultures de crucifères et de Miscanthus) qui devraient également subir le même sort. Cela signifie que les productions de 40,5 pour cent des terres agricoles de la Grande-Bretagne devraient servir comme sources d’énergie.

Il n’y a aucune suggestion quant au fait de savoir par quoi seront remplacés les nutriments et les minéraux perdus pour les terres cultivables, mais le rapport mentionne que "les méthodes biologiques" vont augmenter la séquestration du carbone.

Sous le régime de l’agriculture selon le CAT, les terrains agricoles britanniques vont inexorablement se muer en déserts et la vie dans les sols sera progressivement réduite chaque année, donc il en résultera en fait que de moins et moins de carbone pourra être séquestré.

Les lois des bonnes pratiques agricoles sont très simples, bien que les effets de nos pratiques soient complexes au-delà de toute classification.

“You’ll not get ow’t from now’t”. Nous n’allons pas entrer dans ces détails maintenant.

La rotation suggérée pour les terres arables est de douze ans : années 1-3, Miscanthus (ou roseau de Chine ou ‘herbe aux éléphants’), destiné à être brûlé ; année 4, légumineuses en jachère ; année 5, navets (ou autres crucifères) comme source d’énergie ; année 6, blé ou pommes de terre ; année 7, ‘biocarburant’ à partir d’huile de colza ; années 8, légumineuses à graines (pois ou haricots) ; année 9, engrais verts, année 10, céréales ; année 11, engrais verts, et année 12, céréales de printemps, avec un semis de trèfle en dessous.
Selon cette proposution, toute la paille dans ces rotations est brûlée pour produire de l’énergie ; donc non seulement les cultures de quatre ans sur une rotation de douze années seraient détruites par le feu (ou transformées en ‘biocarburants’), mais rien n’est retourné au sol sous forme de gaz inerte et de cendres : ainsi toute la paille des trois années de culture des céréales est consommée pour de l’énergie.

En tant qu’agriculteur, je peux vous dire qu’après ces douze années, les rendements agricoles de la Grande-Bretagne auront chuté de façon spectaculaire et que la plupart d’entre nous n’auront pas assez à manger.
Le rapport propose que par l’ajout de matière organique dans le sol, grâce à l’agriculture biologique, suivant ses principes essentiels, fournira également un puits de carbone. Mais, il suggère en même temps que nous brûlerons une grande partie de la matière organique extraite du sol, et que cela constituera la biomasse cultivée.

Le CAT suggère que les cultures de plantes énergétiques en ‘bio’ vont agir en tant que cultures de rupture pour maintenir la santé du sol. Il suggère que "pour diverses raisons" non déclarées, les récoltes successives de Miscanthus épuisent très peu les nutriments du sol et qu’elles améliorent aussi la structure des sols.

Toutefois le ’Dust bowl’, la poussière de sable et de poussières, se produira un peu plus lentement en Grande-Bretagne, compte-tenu que dans le nouveau rapport, la digestion anaérobie de l’ensilage de végétaux sera introduite pour atténuer la combustion qui dévore toute la matière végétale. Mais il n’y a aucune mention concernant les eaux usées qui en résulteront.

On peut maintenir la vie dans la sol par deux méthodes : d’abord par un bon élevage animal sur la ferme, produisant du compost par utilisation des matières et effluents d’élevage, d’une part, et par un retour efficace des excréments humains sur les terres agricoles, d’autre part.

Sans reconsidérer, par une révolution à l’échelle industrielle, l’ensemble de nos systèmes d’égouts des habitations des villes, afin de revenir à une restitution des déchets humains vers les terres cultivées, nous ne serons pas en situation d’être bien nourris, par une fourniture alimentaire suffisante et diversifiée.

Le traitement des eaux usées des logements des villes [et des zones urbanisées] est un élément essentiel du cycle complet de l’agriculture qui a été perdu de nos jours. Comme le rappelle le Dr.Mae Wan Ho, une économie circulaire est la seule voie pour un développement durable (voir [4, 5, [7]] Sustainable Agriculture, Green Energies and the Circular Economy , SiS 46) *
Version en français intitulée "L’écologisation de la Chine : L’agriculture durable, les énergies vertes et l’économie circulaire" par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur le site : http://yonne.lautre.net/spip.php?article4296&lang=fr

A travers l’histoire, les agriculteurs ont compris que nous ne pouvons récolter que si nous retournons, dans le sol, la matière organique issue de la vie. Les villes existent parce que nous avons appris cela. Les villes se sont construites à partir des activités agricoles.

Mais aujourd’hui, le monde moderne n’a pas le sens de la différence qui existe entre le vivant et le non-vivant. Par exemple, la bio-carbonisation - la transformation de la biomasse en charbon de bois destiné à être enterré dans le sol, proposée à tort comme un moyen de séquestrer le carbone (voir [8]] Beware the Biochar Initiative , SiS 44) - réduit effectivement la masse de la matière vivante dans le sol et donc au-dessus du sol, en ralentissant les fermentations microbiennes et la minéralisation qui régénèrent et permettent normalement le développement des plantes alimentaires.

La chaudière à copeaux de bois réduit essentiellement une masse totale vitale en atonie totale. La combustion du saule, [de toute matière ligneuse] ne sera jamais en état de permettre une croissance et un développement à son niveau antérieur.

Le rapport ‘Zero Carbon en Grande-Bretagne’ est inquiétant pour ce qui concerne la vie et à cause de l’instabilité qu’il entraîne pour le carbone : il ignore totalement que c’est la vie dans le sol qui engendre la vie au-dessus du sol. Sur la page 205, en rapport avec le projet ‘biochar’, le rapport du CAT [6] déclare : « Le problème crucial avec la plupart des formes de la matière organique appliquée, ou retournée à la terre, c’est qu’elles sont instables. Ils sont des matériaux "alimentaires"riches en énergie, qui sont facilement attaqués par les organismes décomposeurs, principalement d’origine microbienne, ce qui peut facilement les dégrader et disperser le CO2 stocké ».

Le seul outil dont nous disposons pour retourner le dioxyde de carbone à son niveau d’avant l’ère industrielle, c’est de laisser la biosphère le pomper pour nous à partir de l’atmosphère“James Locelock on biochar : Let the Earth remove CO2 O2 for us”, James Lovelock, The Guardian, 24 March 2009, http://www.guardian.co.uk/environment/2009/mar/24/biochar-earth-c02, dit (à juste titre) le créateur du Daisy World [un concept emprunté à l’auteur James Lovelock ; voir à Daisyworld dans la rubrique ‘Définitions & Compléments’ in fine].

Mais le rapport en question abandonne le Daisy World en soutenant le projet ‘biochar’, en proposant de séquestrer le carbone dans l’océan profond en conditions anaérobies, ce qui tout à fait la négation de la force de travail de la pompe du concept Daisy. Comment la pompe Daisy peut continuer à fonctionner sans ces créatures vivantes instables et indisciplinées, "pour la plupart d’origine microbienne", comme l’écrit le CAT, ces créatures qui minéralisent les composés organiques pour fournir des nutriments pour les plantes ?

Les poumons de la Terre se développent tant que la biomasse se développe, pour fournir de l’oxygène pour les organismes aérobies, telle que l’espèce humaine (voir [9]
O2 Dropping Faster than CO2 Rising , SiS 44) *, et que les substrats des nuits de Londres sont retournés aux jardins de la vallée de la Tamise. L’économie du genre humain n’est pas un système distinct. Il fait partie d’un plus grand métabolisme de la nature. Quand l’économie et l’écologie sont parfaitement imbriquées, l’économie tourne à une vitesse optimale et pour le bénéfice des populations et de la Plénète. Mais quand ils ne sont pas en contact entre eux, la planète va tout à la fois ralentir leurs cycles, broyer la biomasse et dsissiper la chaleur perdue des activités économiques.
*
(Note ajoutée par l’éditeur - Ou bien l’économie va faire faillite au mépris total de l’écologie, comme cela se produit de temps à autre.)

Les biocarburants ne sont pas neutres vis-à-vis du carbone. Ils ont un plus grand effet [de réchauffement] atmosphérique que les combustibles fossiles, selon les preuves les plus fiables [2-5, 7]. Plus précisément, si nous brûlons la vie [la matière organique issue des êtres vivants], nous ajoutons du CO2 atmosphérique et nous réduisons également la masse de la matière vivante qui absorbe le CO2, ce qui fait que les ‘biocarburants’ aggravent encore plus la situation que la combustion des carburants et des combustibles fossiles.
Lorsque nous brûlons des combustibles fossiles, nous ajoutons au CO2 de l’atmosphère mais la masse de la matière vivante continue de vivre et de respirer, et donc de régénérer de l’oxygène.

Nous devons donc éteindre autant de feux inutiles que nous pouvons et tenter de faire repousser et croître la biomasse de la Terre. Cela, tous les agriculteurs le savent bien. Cette croissance augmente aussi la force de travail de la pompe Daisy, selon la conception de James Lovelock.


Patrick Noble est un agriculteur biologique de Denbigh, dans le North Wales ou Galles du Nord, par ailleurs auteur de ‘Romantic Economics’, ‘L’économie romantique’. info@bryncocynorganic.co.uk


The Institute of Science in Society, The Old House 39-41 North Road, London N7 9DP
telephone : [44 20 7700 5948] [44 20 8452 2729]
Contact the Institute of Science in Society www.i-sis.org.uk/

Définitions et compléments en français et anglais

A lire sous PDF à demander à yonne.lautre@laposte.net en spécifiant le titre de l’article (service bénévole et gratuit)

Traduction en français, définitions et compléments :


Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire
Adresse : 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS Agriculture Energie Biocarburants ’Zero Carbon Britain’ or Dust Bowl Britain ? French version.4


[1Zero Carbon Britain 2030, A New Energy Strategy, The second report of the Zero Carbon Britain Project, Centre for Alternative Technology, 2010, http://www.zcb2030.org/

[2Ho MW. Biofuels : biodevastation, hunger & false carbon credits. Science in Society 31, 36-39, 2007.

[3BioHo MW. ‘Land-rush’ as threats to food security intensity. Science in Society 46, 42-45, 2010

[4Ho MW, Cherry B, Burcher S and Saunders PT. Green Energies, 100% Renewables by 2050, ISIS/TWN, London/Penang, 2009, http://www.i-sis.org.uk/GreenEnergies.php

[5Ho MW, Burcher S, Lim LC, et al. Food Futures Now, Organic, Sustainable, Fossil Fuel Free, ISIS/TWN, London/Penang, 2008, http://www.i-sis.org.uk/foodFutures.php

[6Zero Carbon Britain Report, Centre for Alternative Technology, 2007, Chapter 7, http://transitionculture.org/2007/08/10/cats-zero-carbon-britain-report/

[7Ho MW. Sustainable agriculture, Green energies & the circular economy. Science in Society 46, 8-13, 2010.

[8[Ho MW. Beware the biochar inititative. Science in Society 44, 14-17, 2009.

[9Ho MW. O2 dropping faster than CO2 rising. Implications for climate change policies. Science in Society 44, 8-10, 2009.