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"Crise écologique ou environnementale : Jean Jouzel, Bruno Latour et Christian Huglo nous parlent du climat ; du philosophe Paul Ricoeur à Emmanuel Macron ; passage de l’écologie à l’écosophie" par Jacques Hallard

dimanche 10 avril 2022, par Hallard Jacques


ISIAS Climat Ecologie Ecosophie

Crise écologique ou environnementale : Jean Jouzel, Bruno Latour et Christian Huglo nous parlent du climat ; du philosophe Paul Ricoeur à Emmanuel Macron ; passage de l’écologie à l’écosophie

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 07/04/2022

Plan du document  : Préambule Introduction Sommaire#ZUSAMMENFASSUNG Auteur


Préambule

Nouveau rapport du GIEC : quelles solutions face au réchauffement... - 06/04/2022

« Le 4 avril 2022, les experts du climat de l’ONU qui font partie du GIEC ont publié un nouveau rapport consacré aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces préconisations ont pour objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré celsius comme cela avait été convenu avec l’Accord de Paris en 2015 ». Source : https://www.vie-publique.fr/en-bref > « L’actualité quotidienne des politiques publiques et du débat public dans un format court et factuel ».

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« La cause environnementale a complètement disparu après seulement dix-huit mois du mandat d’Emmanuel Macron » - Chronique de Stéphane Foucart - Publié le 03 avril 2022 à 04h51 - Mis à jour le 03 avril 2022 à 05h12 - Article complet réservé aux abonnés du journal ‘Le Monde’

Que ce soit sur la question de la chasse, de l’agriculture intensive ou encore de la forêt et du climat, l’action politique entreprise au cours des cinq dernières années a été notamment marquée par le mépris du droit et des avis scientifiques, juge dans sa chronique, Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ». DébatsPlanète

Chronique. « Imaginez. Vous vous réveillez et quelque chose a changé. Vous n’entendez plus le chant des oiseaux (…), les paysages que vous avez jadis chéris sont désormais desséchés et toute vie en a disparu. L’air et l’eau, tout ce que vous respirez et qui permet la vie est altéré. (…) Le temps du déni est révolu. Nous ne sommes pas seulement en train de perdre la bataille contre le changement climatique, nous sommes en train de perdre notre bataille contre l’effondrement de la biodiversité. »

Relire, quatre ans plus tard, cette mise en garde d’Emmanuel Macron, postée sur les réseaux sociaux fin mars 2018, donne toute la mesure du grand reniement du quinquennat qui s’achève. La cause environnementale, qui semblait promise à en être un axe central, a complètement disparu après seulement dix-huit mois de mandat.

« Join the fight for nature, switch all your lights off. » #EarthHour https://t.co/V7F2s9DkVR - — EmmanuelMacron (@Emmanuel Macron)

Les tenants du président candidat ont trois décisions emblématiques à citer à son actif sur le front environnemental : les abandons des projets d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), de la mine de la Montagne d’or, en Guyane, ainsi que du complexe EuropaCity dans le Triangle de Gonesse (Val-d’Oise). Sans compter, il est vrai, quelques prises de position du chef de l’Etat sur la scène du théâtre diplomatique.

Pour le reste – quelle que soit la sympathie que peut inspirer ce président jeune et dynamique, libre du carcan des vieux partis –, l’exigence de vérité impose de le reconnaître : sur l’écologie, l’action politique entreprise au cours des cinq dernières années a été marquée par le clientélisme, la priorité au productivisme, le mépris du droit et des avis scientifiques, la privatisation des biens communs et la criminalisation de l’engagement militant.

Perméabilité au lobby de la chasse

La chasse en offre l’un des exemples les plus frappants. Prétendant annoncer lui-même, le 29 mars sur le site du Parisien, le programme du président candidat sur le sujet, le patron de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, l’a dit avec une sincérité désarmante. « [Emmanuel Macron] mettra toute son énergie pour répondre à nos demandes, a-t-il expliqué. J’ai sa parole. Il ne m’a pas déçu. Aucune loi ou amendement pouvant abîmer la chasse n’a été adopté dans ce quinquennat. A chaque fois qu’on a eu un problème à régler avec un ministre de l’écologie, il est intervenu. »

M. Schraen dit vrai. Le permis de chasse a vu son prix réduit de moitié, les porteurs de fusil siègent désormais au nouvel Office français de la biodiversité, le nombre d’espèces d’oiseaux chassables, dont une vingtaine est menacée, se situe à un niveau plus de deux fois supérieur à la moyenne européenne… C’est d’ailleurs la perméabilité du pouvoir au lobby cynégétique qui avait fini de convaincre Nicolas Hulot de quitter le gouvernement, en août 2018. Elle ne s’est jamais démentie. Au lendemain du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, organisé en grande pompe par la France trois ans plus tard, le gouvernement tentait de ré-autoriser les chasses traditionnelles non sélectives que le Conseil d’Etat venait pourtant de juger illégales…..

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Lire aussi - Article réservé à nos abonnés Environnement : le quinquennat de « petits pas » d’Emmanuel Macron

Lire aussi : Présidentielle 2022 : le soutien du président de la Fédération nationale des chasseurs à Macron critiqué par les candidats

Des centres d’accueil pour migrants d’un genre nouveau vont ouvrir à Calais

Source : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/03/la-cause-environnementale-a-completement-disparu-apres-seulement-dix-huit-mois-du-mandat-d-emmanuel-macron_6120337_3232.html

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Introduction

Avec le préambule, ce dossier revient une nouvelle fois sur la crise écologique ou crise environnementale.

Rappel sur le Crise écologique d’après Wikipédia

Photo - Effets du Dust Bowl : tempête de poussière dans le Texas en 1935.

En écologie, une crise écologique se définit en tant qu’érosion pérenne de la biodiversité d’un écosystème ou d’une espèce donnée dont l’impact sur le reste de l’écosystème considéré altère définitivement les ressources au sein de cet écosystème ou la résilience de cette espèce1. En particulier, l’atteinte de certains taxons clefs peut être déterminante dans la sévérité d’une crise écologique, parfois plus que la perte d’un nombre plus important de taxons mineurs2 (ainsi, les coléoptères forment l’un des taxons les plus diversifiés de la faune actuelle, pourtant la disparition des abeilles porterait un coup bien plus sévère à la survie de nombreux écosystèmes que la disparition de tous les coléoptères). On connaît les crises écologiques entre autres en tant qu’extinctions massives, qu’elles soient globales comme l’extinction Permien-Trias ou locales comme l’appauvrissement du lac Victoria à la suite de l’introduction de la perche du Nil. Une crise écologique survient lorsque le milieu de vie d’une ou plusieurs espèces ou d’une population évolue de façon défavorable à la survie des individus.

Depuis la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle, les crises écologiques se sont multipliées, pour former, avec le réchauffement climatique et la perte de biodiversité notamment, une crise écologique globale, dont les causes restent discutées. Quoi qu’il en soit, l’humanité est confrontée aujourd’hui à une « question écologique » à laquelle les générations présentes ont commencé à répondre par la prise en compte des exigences de développement durable et par des mesures de transition écologique et solidaire. À cette question, les générations futures devront aussi répondre… » _ Source de l’article complet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_%C3%A9cologique

Pour l’ONU, la crise environnementale menace gravement le respect des droits humains - Publié le 13 septembre 2021 à 14h00 par ‘letelegramme.fr’

Réchauffement climatique, pollution et perte de biodiversité : une triple crise environnementale provoquée par l’être humain est la principale menace pour le respect des droits humains. C’est l’Onu qui a lancé un nouvel avertissement ce lundi.

Photo - « Les crises interdépendantes liées à la pollution, au changement climatique et à la biodiversité multiplient les dangers », a lancé Michelle Bachelet ce lundi matin. (Salvatore Di Nolfi/EPA)

À quelques semaines de la Cop26 climat à Glasgow, en Écosse, début novembre 2021, la Haut-Commissaire de l’Onu aux droits de l’Homme Michelle Bachelet a réclamé une « action climatique plus ambitieuse ». « Les crises interdépendantes liées à la pollution, au changement climatique et à la biodiversité multiplient les dangers - amplifiant les conflits, les tensions et les inégalités structurelles, et rendant les gens de plus en plus vulnérables », a-t-elle déclaré à l’ouverture de la 48e session du Conseil des droits de l’homme à Genève (Suisse).

« En s’intensifiant, ces menaces environnementales constitueront le plus important défi pour l’exercice des droits humains de notre ère », a-t-elle affirmé. Cette « triple crise planétaire » a déjà, selon Michelle Bachelet, un impact direct sur toute une série de droits humains, tels que « les droits à une alimentation adéquate, à l’eau, à l’éducation, au logement, à la santé, au développement et même à la vie »….

Le Télégramme

Fichier:Logo du Télégramme.jpg — Wikipédia

Lire l’article complet sur ce site : https://www.letelegramme.fr/monde/pour-l-onu-la-crise-environnementale-menace-gravement-le-respect-des-droits-humains-13-09-2021-12825062.php

Le présent dossier comprend 3 rubriques codées A, B et C.

Rubrique A – Elle laisse la place à Jean Jouzel, Bruno Latour et Christian Huglo. Ces trois personnalités donnent la matière essentielle des contenus qui ont été sélectionnés pour ce dossier.

La contribution de Christian Huglo cite notamment Paul Ricoeur et introduit la notion d’écosophie, deux sujets qui sont abordés plus en détails à la suite. De plus, des informations plus personnelles sont ajoutées dans l’ Annexe sur ‘Huglo Lepage’.

On note en particulier que plusieurs jugements récents ont eu lieu en faveur du climat, en Hollande, en Allemagne et en France !

Rubrique B – Titrée « De Paul Ricoeur à Emmanuel Macron », cette rubrique propose des accès à un grand nombre de textes et de vidéos qui éclairent, d’une part, la personnalité et l’œuvre d philosophe Paul Ricoeur, et donne, d’autre part ,un aperçu sur les relations passées et les proximités entre ces deux personnalités.

Rubrique C – Elle indique, discute et suggère le passage souhaitable, sinon indispensable, de l’écologie à l’écosophie avec un choix de textes et de vidéos qui développent cette dernière notion relativement nouvelle, ou tout au moins insuffisamment connue.

Les documents sélectionnés pour constituer ce dossier ont été agencés et présentés avec leurs accès dans les 3 rubriques du sommaire ci-après.

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Sommaire


Rubrique A – Place à Jean Jouzel, Bruno Latour et Christian Huglo

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Rubrique A – Place à Jean Jouzel, Bruno Latour et Christian Huglo

  • Climat - Selon Jean Jouzel : « Imaginer que les solutions technologiques nous sauveront du désastre est d’un extrême égoïsme » - Entretien - 15 mars 2022 par Nolwenn Weiler – Document ‘basta.media’ - Photo - Écologie
    Le nouveau rapport du Groupe international d’experts sur le climat (GIEC) alerte avec force sur les conséquences du dérèglement climatique si rien n’est fait. Le silence des élites inquiète le climatologue français Jean Jouzel.

Basta ! : Le nouveau rapport du Giec, rendu public fin février, n’a pas suscité beaucoup de réactions. Comment expliquez-vous le silence qui entoure ces alertes sur le dérèglement climatique, qui concerne pourtant chacun.e d’entre nous ?

Jean Jouzel : J’espérais, compte tenu de l’échéance de l’élection présidentielle, que le sujet serait cette fois plus audible. Mais, hélas, la situation très critique en Ukraine a pris tout le devant de la scène médiatique. En même temps, c’est toujours un peu le problème avec cette question du dérèglement climatique. C’est une priorité mais qui passe toujours derrière d’autres priorités. La difficulté, c’est que, même si les conséquences se font déjà sentir, c’est un problème à long terme. Et nos politiques, comme nos médias, ont tendance à s’intéresser plutôt aux problèmes à court terme. Je comprends bien sûr les problèmes urgents que pose la guerre en Ukraine. Mais n’oublions pas qu’elle a une composante énergétique indéniable, et donc une certaine composante climatique dans la mesure où les combustibles fossiles sont les premiers contributeurs à l’effet de serre. La guerre nous rappelle l’urgence de la question de l’indépendance énergétique.

Je regrette que nos élites ne s’emparent pas de cette problématique du réchauffement climatique, qui est profondément politique

J’ajoute que, même avant le déclenchement de la guerre fin février, l’urgence climatique ne faisait pas partie des sujets à la Une des médias. Il était clair qu’on n’était pas partis pour une campagne électorale concentrée sur le changement climatique et les bouleversements environnementaux, et sociétaux que cela va provoquer. Ce serait pourtant tout à fait justifié que ce soit le cas. Le changement climatique va être au cœur du développement de nos sociétés dans les prochaines décennies. La neutralité carbone doit être inscrite dans notre développement.

https://basta.media/IMG/jpg/jean_jouzel_cr_pierre_jayet.jpg

Photo - Jean Jouzel est paléoclimatologue. Il a intégré le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en 1994 et assuré la vice-présidence du groupe de travail sur les bases physiques du changement climatique de 2002 à 2015. Dernier ouvrage paru : Climat, parlons vrai, avec Baptiste Denis. Éditions François Bourin, 2020.

Je regrette que nos élites ne s’emparent pas de cette problématique du réchauffement climatique, qui est profondément politique puisque c’est un véritable changement de société qui se profile derrière cette crédibilité accordée à la parole des scientifiques pour aller vers la neutralité carbone. L’une des raisons de ce désintérêt, c’est leur défaut d’éducation. Peu d’entre eux sont en mesure de bien comprendre ce qui se joue, et de l’expliquer. Il faut donc mettre ces questions au cœur de nos systèmes éducatifs. C’est déjà un peu le cas dans le primaire et le secondaire. Mais pas du tout dans le supérieur. Nous le soulignons dans un rapport que nous venons de remettre à la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal ; et nous espérons que le prochain gouvernement en tiendra compte.

Ce nouveau rapport confirme ce que l’on sait déjà depuis longtemps à propos du dérèglement climatique, de l’effet de serre et de la responsabilité des activités humaines. Qu’apporte-t-il de nouveau en termes de constat et d’alarme ?

Il n’y a rien de fondamentalement nouveau. C’est un peu malheureux, mais il y a une continuité dans les rapports du Giec. Cette fois-ci, comme les fois précédentes, les scientifiques s’accordent sur les constats d’événements climatiques extrêmes – sécheresses, canicules, pluies, inondations – qui deviennent plus fréquents et violents. Par contre, il est dit cette fois-ci que les conséquences du réchauffement ont sans doute été sous estimées dans les rapports précédents.

Les activités humaines apparaissent sans équivoque comme une menace pour notre humanité et la nature qui l’entoure. Notre fenêtre de tir est étroite. Il nous reste de moins en moins de temps pour mettre en place des solutions. Si l’on veut une société résiliente, il faut vraiment travailler sur l’adaptation ; avec par exemple des villes plus végétalisées pour mieux encaisser les canicules. Mais l’une des conditions de l’adaptation, c’est que le réchauffement soit atténué. Ce serait plus facile pour les jeunes d’aujourd’hui de s’adapter à un réchauffement de 1,5 °C, comme le stipule l’accord de Paris, que de 2°C. Or, là, on est sur des trajectoires qui nous emmènent vers un réchauffement de 3°C pour la seconde partie de ce siècle ! Ces dix prochaines années, les émissions risquent d’augmenter de 15 % alors qu’il faudrait qu’elles diminuent de 45 % pour avoir des chances d’aller vers cet objectif de 1,5 °C.

Il y aura bientôt des élections présidentielle et législative en France. Quelles seraient les premières mesures à mettre en œuvre par le président nouvellement élu et son gouvernement ?

On sait très bien que les premiers émetteurs sont les combustibles fossiles, puis la déforestation, la fabrication de ciment. Il y a aussi d’autres gaz à effet de serre comme le méthane et le protoxyde d’azote, causés par le secteur agricole et notamment l’élevage industriel. La France a beaucoup à faire de ce côté-là.

La loi « Climat et Résilience » (adoptée le 22 août 2021, ndlr) est là. J’y adhère complètement. Elle nous met sur la voie de la neutralité carbone. Au niveau européen, les ambitions sont encore plus élevées : l’objectif, c’est moins 55 % d’émissions carbone d’ici 2030. Mais les lois ne suffisent pas. Il faut concrétiser tout ce qui y est écrit. Or, côté français, le contenu de la loi n’est pas suffisant pour nous mettre sur la trajectoire affichée dans les objectifs. Par ailleurs, je regrette que cette loi ne s’appuie pas plus sur les travaux de la convention citoyenne, qui n’ont été pris en compte qu’à la marge. Les propositions de la convention, qui étaient très pertinentes et très ambitieuses, sont passées par les ministères et chacun d’entre eux disait que les propositions étaient très bien, tout en affirmant ne pas vouloir tenir compte de celles qui concernaient directement leur ministère. Et chacun d’entre eux a été entendu. Résultat : à la fin, il ne reste rien des travaux des citoyens. C’était pourtant une opportunité pour notre pays d’aller de l’avant.

Quelles autres échelles politiques pourraient être mobilisées ? Les solutions technologiques vous semblent-elles intéressantes à étudier ?

C’est d’un extrême égoïsme de la part de nos générations que d’imaginer que ces solutions technologiques nous sauveront du désastre.

Le gouvernement ne peut pas tout. Les échelles locale et régionale sont évidemment très importantes car c’est là que se fera l’essentiel de l’adaptation. Se loger, se nourrir, se déplacer : c’est au niveau local que cela se passe car les réalités ne sont pas les mêmes en bord de mer ou dans les Alpes pour ne citer que ces exemples.

Quant aux solutions technologiques, je n’y suis pas favorable. D’abord parce qu’elles nous font perdre un temps précieux en se plaçant dans cette logique qui prétend que quand le problème sera là, on trouvera une solution. C’est dangereux et c’est faux. Personne n’arrêtera l’augmentation du niveau de la mer, ni l’acidification des océans. Il faut arrêter d’imaginer que l’on va, sans cesse, dominer la nature, et s’en faire plutôt une alliée.

La géo-ingénierie est identifiée comme « à risque » dans le dernier rapport du Giec. Pensons par exemple au « management » du rayonnement solaire, que l’on pourrait atténuer par l’envoi d’aérosols dans la stratosphère. Si pour une raison quelconque, comme une guerre par exemple, on devait stopper l’envoie d’aérosols, le réchauffement repartirait immédiatement à la hausse, avec des conséquences terribles. C’est vraiment mettre une épée de Damoclès au-dessus de la tête des jeunes. C’est d’un extrême égoïsme de la part de nos générations que d’imaginer que ces solutions technologiques nous sauveront du désastre.

Bas du formulaire

On ne peut pas imaginer un monde dans lequel l’effet de serre continuerait à augmenter indéfiniment. La seule solution c’est d’atteindre la neutralité carbone. Et ce n’est pas dans 30 ans qu’il faudra s’y mettre. C’est tout de suite. C’est très clair. On parle quand même de la moitié de la population mondiale, c’est à dire 3 milliards d’habitants qui sont à risque à cause des évènements climatiques, dont 1 milliard dans les régions côtières à cause de l’élévation du niveau de la mer.

Sur le même sujet : Bruno Latour : « Tout le monde se sent trahi, on comprend bien que ce modèle n’est plus possible »

Propos recueillis par Nolwenn Weiler - Photo de Une : Déforestation à Madagascar, 2016, Cunningchrisw, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons - Photo de Jean Jouzel : ©Pierre Jayet

À lire aussi :

https://basta.media/Agriculture-ind...Climat9 mars 2022Marc Dufumier : « Si le gouvernement le voulait, on pourrait commencer la transition agricole la semaine prochaine »- Par Nolwenn Weiler - Le dernier rapport du groupe international d’experts sur le climat désigne l’agriculturecomme l’un des leviers à actionner pour mieux encaisser le réchauffement climatique. L’agronome Marc Dufumier nous explique l’urgence de la transition agricole.

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Source : https://basta.media/Ecologie-Climat-Giec-interview-Jean-Jouzel-rechauffement-geo-ingenierie-silence-des-elites

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  • Selon Bruno Latour : « Tout le monde se sent trahi, on comprend bien que ce modèle n’est plus possible » - Interview - 16 février 2022 par Barnabé Binctin – Document ‘basta.media’ – Photo
    La question climatique fait émerger une nouvelle lutte des classes, estime Bruno Latour. Si les anciens rapports de force sociaux demeurent, les manières de répondre, ou pas, à la crise écologique viennent bouleverser nos représentations politiques.

« Nul n’est prophète en son pays », dit la maxime, et à 74 ans, le penseur en sait quelque chose. Celui que le New York Times désigne comme « le plus célèbre et le plus incompris des philosophes français » jouit effectivement d’une reconnaissance plutôt tardive dans sa contrée natale. Sa pensée continue d’ailleurs de susciter de vifs débats à l’intérieur même de la grande famille de la gauche.

Ouvrage (1ère de couverfture) - « Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même ? » Tel est l’objet inscrit en sous-titre du Mémo sur la nouvelle classe écologique (éd. La Découverte, 2021), petit livre de notes incisives et précieuses que publie Bruno Latour, avec le doctorant Nikolaj Schultz.

Basta ! : Dans Mémo sur la nouvelle classe écologique, vous analysez la façon dont la crise écologique nous désoriente politiquement, en bouleversant nos repères traditionnels. Vous écrivez notamment : « L’écologie doit accepter de donner un sens nouveau au terme de classe. » En quoi la question écologique redéfinit-elle la notion de lutte des classes ?

Bruno Latour : Jusqu’à présent, les « classes » ont toujours été organisées et définies selon les rapports de production. Depuis le milieu du 19e siècle, tous les débats politiques s’articulent autour de deux questions fondamentales : comment développer les forces productives ? Comment partager et répartir les fruits issus de cette production ? Les libéraux, les sociaux-démocrates et les communistes se sont tous inscrits et affrontés dans ce même cadre de discussion. On s’aperçoit désormais que tout cela dépendait du charbon et du pétrole, et que ce « pacte » politique était donc fondé sur une circulation matérielle qui n’est plus viable. Tout le monde s’arrache désormais les cheveux face à cette nouvelle réalité – c’est ce que j’appelle le « nouveau régime climatique ». Cette situation appelle à formuler de nouvelles catégories politiques, un chantier actuellement en cours.

Qu’est-ce que ce « Nouveau régime climatique » ?

« Le Nouveau régime climatique, c’est cette pression qui s’exerce sur nous face à la certitude que l’on doit revoir toute l’organisation de notre monde matériel. Cela devient la question prioritaire. »

C’est cette pression qui s’exerce sur nous face à la certitude que l’on doit revoir toute l’organisation de notre monde matériel. La question climatique fait de l’habitabilité de la planète le problème essentiel, le centre de notre attention politique. Cela devient la question prioritaire, à laquelle toutes les autres questions politiques sont désormais soumises. Le Nouveau régime climatique introduit un renversement complet de cosmogonie, avec la découverte – stupéfiante, il faut bien le reconnaître, pour les modernes que nous sommes – que nous avons des propriétaires et que nous sommes donc des « squatteurs », en quelque sorte.

Quand on s’intéresse uniquement à la production, on ne considère le reste du vivant et toutes ses entités physiques et biologiques que sous le statut de « ressources », des ressources dont nous serions les propriétaires. Mais si on change la perspective, en s’intéressant désormais aux conditions d’habitabilité, c’est tout l’inverse : on se rend compte que ce sont eux, ces êtres dont nous dépendons, qui nous possèdent. Cela change tout.

Cela a notamment pour conséquence de brouiller la carte du paysage politique et de ses frontières classiques, en créant des « fronts moins nets que par le passé entre les amis et les ennemis », écrivez-vous.

On assiste à une véritable recomposition, avec l’émergence de nombreuses contradictions à l’intérieur des anciennes classes. Nous ne sommes plus certains de la classe à laquelle nous appartenons, sous ce Nouveau régime climatique. Il y a maintenant des situations où les gens qui étaient unis par la notion de classe sociale se trouvent désormais désunis par la question écologiste. Car les enjeux varient sensiblement dès lors qu’on priorise l’habitabilité sur la production : c’est l’exemple classique des projets d’infrastructures avec tous ces gens qui défendent l’emploi plutôt que la préservation d’une zone humide. C’est ce qui explique aujourd’hui que les classes qui souffrent le plus de la crise écologique sont aussi celles qui considèrent le plus les écolos comme des « bobos diplômés ». Bien sûr, il ne faut pas se leurrer sur la part d’instrumentalisation politique du côté de la droite, c’est un outil classique de la bataille idéologique pour prétendre parler au nom de la population. Mais cela dit aussi l’urgence d’effectuer ce travail de reclassement, autour de nouvelles catégories politiques.

« Si on dit qu’on se bat pour l’écologie, la plupart des gens se vexent ou s’en foutent. Mais si on dit qu’on lutte pour bien manger, se loger correctement et se déplacer sans que cela coûte des fortunes, qui est contre ? »

Si on dit qu’on se bat pour l’écologie, la plupart des gens se vexent ou s’en foutent. Mais si on dit qu’on lutte pour bien manger, se loger correctement et se déplacer sans que cela coûte des fortunes, qui est contre ? Personne. L’enjeu de la vie « bonne », d’avoir des bonnes conditions d’existence, ce n’est certainement pas une problématique d’élite, au contraire, c’est un ressort important de la culture populaire ! Cela dessine de nouveaux accords possibles, avec des gens qui ne se diraient pas forcément « écolos » mais qui en réalité, se soucient de leur territoire et de le rendre habitable. Ce sont ces affiliations de classe traditionnelles qui se réorientent actuellement, sous le coup de toutes ces ruptures qui se multiplient avec le Nouveau régime climatique et qui pénètrent dans l’ensemble des foyers : le prix de l’énergie, en ce moment, tout le monde en prend conscience…

Quid du prolétariat ou de la bourgeoisie : ces classes n’existent-elles plus, selon vous ?

Si, elles sont encore là, elles continuent d’exister entre elles. Mais l’idéal de développement qui les a construites est comme suspendu, la bourgeoisie n’est plus aujourd’hui capable d’entraîner les classes populaires dans un tel projet. D’ailleurs, la bourgeoisie elle-même n’est pas forcément en très bon état, elle a été mangée par la globalisation et la finance, le capitalisme industriel français est complètement laminé. Tout le monde se sent trahi, on comprend bien que ce modèle n’est plus possible. Mais que faire, alors ? Cette espèce d’interruption dans le mouvement linéaire de l’Histoire, qui était supposé être celui de la modernisation, entraîne des réactions négatives qu’on voit très bien dans la prolifération des mouvements néofascistes, facilitée par ce sentiment de trahison. Il faut mesurer ce que cela signifie, cette perte du sens de l’Histoire.

« Les zadistes ou les autochtones au milieu de la forêt amazonienne n’apparaissent plus comme des archaïques, mais comme l’une des voies d’innovation à défendre pour maintenir la reproduction des conditions de vie sur Terre. »

[Zadiste. Personne qui milite en faveur de la protection et de la défense des ZAD (Zones à défendre). Un zadiste milite en squattant un lieu afin de repousser ou faire échouer sa destruction et la reconstruction prévue à sa place. Les zadistes défendent le .plus souvent des lieux environnementaux ou agricoles. 16 août 2021]

C’est ce qui a gouverné nos représentations politiques depuis le 19e siècle. En plaçant la flèche de ce qu’on appelle le « progrès » sur les questions d’habitabilité, on renverse des tas de position : les zadistes ou les autochtones au milieu de la forêt amazonienne n’apparaissent plus comme des archaïques, mais comme l’une des innombrables pointes de ce progrès, l’une des voies d’innovation à défendre pour maintenir la reproduction des conditions de vie sur Terre. Aujourd’hui, les écologistes sont un peu comme les canaris dans la mine, les lanceurs d’alerte sur cette nécessaire reformulation politique, mais c’est forcément un long chantier, qui prend du temps. Cette nouvelle lutte des classes doit encore cohabiter et composer avec l’ancienne.

Ce faisant, vous inscrivez aussi l’écologie d’un certain côté du spectre politique, écrivant qu’elle « prolonge et renouvelle les luttes traditionnelles de la gauche » et à qu’à ce titre, « elle est bien de gauche, et même au carré ». C’est important de continuer à revendiquer cette affiliation-là ?

Les écologistes cherchent tout simplement à quitter une situation intenable, c’est ce qui les place de fait dans le camp des progressistes. Au fond, ils poursuivent la résistance historique de la gauche à l’ « économisation » permanente de la société – c’est-à-dire à cette dérive qui a consisté à transformer un outil de calcul fort utile pour gérer le partage de ressources en grille de lecture pour gouverner le monde. Ce qui n’a évidemment aucun sens : l’économie ne peut pas couvrir tous les enjeux de nos relations avec le monde vivant. En cela, l’écologie a à voir avec la gauche. Mais le reclassement en cours bouleverse profondément les clivages traditionnels, entre ceux qui se revendiquent de droite mais peuvent nourrir des relations intéressantes au vivant, et ceux qui se disent de gauche mais dont on s’aperçoit qu’ils sont réactionnaires… Le principe du reclassement, c’est que des gens que vous croyiez vos amis s’avèrent vos ennemis, et inversement.

Un exemple ?

Prenez les chasseurs, qu’on oppose systématiquement aux écologistes dans une approche très binaire des choses. En réalité, les capacités de réorientation sont immenses selon le critère de « reclassement » : on ne fait clairement plus partie du même monde si l’objectif consiste à tuer le plus de sangliers possibles en deux jours de week-end qu’on vient passer en Mercedes depuis Paris, ou bien si l’on s’intéresse aux liens que ces sangliers entretiennent avec les écosystèmes, et aux enjeux de régulation, ce qui est le cas de nombre de petits chasseurs « ruraux ». Dans ce dernier cas, ils peuvent tout à fait se rapprocher d’une vision écologiste de l’habitabilité.

« la radicalité n’a rien à voir avec l’anticapitalisme ! L’anticapitalisme obsède les esprits de gauche depuis 70 ans, et pour quel résultat ?. »

Le Nouveau régime climatique, c’est exactement ça : à chaque fois, la pierre de touche, c’est se demander si les questions de condition d’habitabilité sont bien premières, par rapport à toutes les autres. Idem pour les ingénieurs : il ne fait aucun doute que nombre d’entre eux sont eux-mêmes victimes d’une vraie dépossession de leur capacité d’innovation, d’investissement et d’intelligence par le capital financier. Alors ce sont quoi, des alliés ou des ennemis ? Potentiellement des alliés, parce qu’ils souffrent exactement autant de la financiarisation de l’économie, et de l’extraterritorialité qu’elle induit, que les agriculteurs par exemple.

En fait, le clivage droite-gauche continue certes d’organiser les camps, mais il n’a plus aucune pertinence dans le contenu. Le problème, c’est qu’avec le discours du « ni droite, ni gauche », on verse dans des abîmes d’ambiguïtés. En écrivant que l’écologie est « de gauche au carré », il y avait une forme d’ironie, mais je sais que beaucoup plus de gens s’y reconnaîtront, de fait. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : à la fin de cette période de transition, cela ne ressemblera pas du tout à la gauche du 20e siècle.

Cela renvoie à une controverse dont vous êtes régulièrement l’objet : une frange d’intellectuels à gauche vous reproche notamment de ne jamais utiliser le terme d’ « anticapitalisme » [1].

C’est juste, je n’utilise jamais ce terme – Marx non plus, d’ailleurs, ferais-je remarquer au passage. Je n’ai aucune raison d’employer ce terme, qui ne décrit rien. Cela ne permet pas de penser la complexité du monde, au contraire c’est mettre dans un même paquet des milliers de décisions qui ne sont plus analysées si on parle d’un seul et même système capitaliste contre lequel il faudrait lutter.

L’anticapitalisme, c’est une forme d’ensorcellement, avec l’idée que c’est un système qu’il faudrait renverser d’un seul coup, dans un acte révolutionnaire magnifique. C’est un mantra, un « mot d’ordre » au sens de Deleuze, quelque chose qui paralyse l’attention et donc l’action. Cela crée un cadre indiscutable à l’intérieur duquel tout doit être situé, ce qui rend les gens naturellement impuissants, mais ils se consolent en pensant avoir raison… C’est la célèbre formule avec laquelle la droite ironise en parlant de la gauche : « Je perds, mais j’ai raison. »

Dans les faits, il existe tout de même bien une certaine matrice qui structure notre modèle économique et organise cette destruction de l’habitabilité de la planète…

Bien sûr. Mais les capitalismes n’existent que grâce à nos institutions publiques. Le terme capitalisme dirige l’attention vers l’économie, alors que ce sont très largement des décisions étatiques, y compris celles de la gauche mitterrandienne de 1983, qui les ont rendues possibles. Ces organisations de marché sont permises et autorisées par des réunions à Bercy, par une décision de Joe Biden ou de l’Union européenne. Il y a mille occasions d’agir contre cette mise en système que le paquet « anticapitalisme » invisibilise. Tous les endroits où des groupes de pression peuvent agir sont remplacés par une sorte de bouton rouge, comme dans les films de James Bond, sur lequel il suffirait d’appuyer pour tout faire sauter.

Pour autant, votre travail n’a pas manqué de se radicaliser ces dernières années, vous n’hésitez pas à évoquer un « état de guerre écologique », en expliquant que « parler de la nature, ce n’est pas signer un traité de paix, c’est reconnaître l’existence d’une multitude de conflits, sur tous les sujets possibles de l’existence et à toutes les échelles ».

« C’est une des particularités des écologistes de travailler par le bas, et j’admire l’énergie de tous ces activistes, leur travail sur le terrain. La France est aujourd’hui remplie de la multiplicité de ces initiatives. »

Mais la radicalité n’a rien à voir avec l’anticapitalisme ! C’est précisément ce champ de bataille qu’il dissimule. L’anticapitalisme obsède les esprits de gauche depuis 70 ans, et pour quel résultat ? Cela m’amuse assez qu’on décide de continuer à utiliser ce terme au 21e siècle. C’est une espèce de religion qui fait plaisir à M. Lordon et aux trois partis trotskystes qui représentent 2 % des voix… Cette gauche-là est complètement impuissante, mais elle continue de croire à cet idéal de remplacer le monde par un autre monde. Or ce n’est pas ça la politique : il ne s’agit pas de remplacer mais de retrouver la Terre, et ce n’est pas du tout la même chose ! Et c’est aussi ça, l’un des problèmes des écologistes en politique : il y a un problème de tonalité.

C’est-à-dire ?

Le problème des questions écologiques, c’est qu’elles sont déjà beaucoup trop moralisées. Or ce n’est pas ainsi que doit s’organiser la discussion. La vie politique consiste précisément à faire des arrangements, et c’est précisément ce qu’on ne peut pas faire quand on a une position morale. Les exigences morales sont estimables, bien sûr, mais le moralisme beaucoup moins, car il marque un point d’arrêt, il n’y a plus de modus vivendi autour duquel discuter. C’est utile pour faire des lignes rouges, mais ça paralyse la vie publique, qui est par définition constituée de négociations.

Prenez des questions comme le nucléaire, ou l’industrie agro-alimentaire : si vous remplacez ces questions d’ordre politiques, liées à l’habitabilité de la planète, par des enjeux moraux, vous ne faites que préparer la voie à toute une nouvelle gamme de guerre culturelle qui s’ajoute à toutes celles que la droite et l’extrême droite inventent déjà sur le « wokisme », etc… Et vous êtes cuits. C’est un problème assez français, où l’idée de la politique s’est enkystée dans ces idéaux révolutionnaires d’opposition et de renversement. Alors même que, par définition, réfléchir en termes de conditions d’habitabilité nécessite des arrangements assez subtils – même si ça paraît toujours décevant aux yeux des militants. Le Nouveau régime climatique impose donc une nouvelle manière de faire de la politique. Et dans ce contexte, exiger des gens qu’ils se disent d’abord anticapitalistes avant de passer à autre chose, c’est une erreur politique.

Aujourd’hui, « l’écologie est à la fois partout et nulle part » selon vous. Autrement dit, vous vous intéressez au paradoxe suivant : alors que l’écologie s’est imposée comme une préoccupation majeure en quelques années, sa traduction dans les urnes semble toujours aussi faible… Comment l’expliquez-vous ?

Tout le monde parle désormais d’écologie, et donc dans un sens, ça veut dire que ces idées ont potentiellement la capacité de remplacer ces vieux objectifs de modernisation et de développement qui se sont imposés depuis les années d’après-guerre. Mais pour que ce potentiel se transforme en majorité concrète, il reste beaucoup de boulot. D’une part, pour l’organiser dans un mouvement collectif alternatif capable de rivaliser avec ses adversaires. C’est une des particularités des écologistes de travailler par le bas, et j’admire l’énergie de tous ces activistes, leur travail sur le terrain. La France est aujourd’hui remplie de la multiplicité de ces initiatives, dont la représentation médiatique est par ailleurs très loin du compte, à mon sens. Il faut aussi reconnaître que ces expériences ne reçoivent pas le cadrage politique nécessaire : est-ce qu’EELV est véritablement capable de capter cela, de scénariser et de rendre cohérentes toutes ces luttes, et de leur donner un sens commun ? C’est une vraie question.

« C’est à nous de construire des affects plus mobilisateurs. Sinon, comment convaincre et transformer 65 millions de gens nourris et habitués aux idéaux du développement et de la modernisation ? »

D’autre part, il ne faut pas sous-estimer la résistance des adversaires en place. Les autres formations politiques n’ont pas vraiment intérêt à ce que l’écologie devienne la nouvelle matrice des décisions politiques, et on voit bien comment les écologistes sont régulièrement caricaturés ou stigmatisés. Là-dessus, ils profitent aussi d’un contenu conceptuel qui reste encore assez flou : de quoi parle-t-on quand on parle d’écologie, aujourd’hui ? Je suis effrayé de tous ces discours autour du bien-être animal, très réducteurs et moralisateurs, qui ne me semblent pas vraiment à la hauteur des enjeux. Il faut sortir du « ghetto » de ces quelques sujets repérés et étiquetés comme « écolo », et qui restent souvent bien trop étroits pour pouvoir être compréhensibles par le plus grand nombre. L’écologie n’est pas un sujet « en plus » des autres, mais celui qui les embrasse tous.

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De fait, votre livre est un petit camouflet pour EELV, que vous ne ménagez pas. Vous écrivez notamment que « les écologistes créent l’exploit de paniquer les esprits et de les faire bailler d’ennui ». Mais est-ce vraiment leur faute, au fond ? On pourrait vous opposer que par définition, la nature même de leurs revendications – réduire les consommations, reconsidérer l’idée de limite, le principe d’ « habitabilité », etc. – dessine un horizon de société moins désirable à défendre, comparé aux grandes promesses sur lesquelles jouent leurs adversaires.

C’est trop facile d’évacuer ainsi ! C’est à nous de construire des affects plus mobilisateurs. Sinon, comment imaginer qu’on parviendra à convaincre et transformer 65 millions de gens qui ont été ainsi nourris et habitués aux idéaux du développement et de la modernisation ? Cela suppose un vrai travail intellectuel, une analyse sur les mots autant que sur la psychologie – et je crois qu‘il y a encore un vrai déficit là-dessus. Le comité politique d’EELV lui-même reconnaît qu’il n’a pas beaucoup travaillé ces questions. Alors que l’extrême droite travaille depuis 40 ans, avec des think tanks, pour se positionner et construire un discours audible, et on voit le résultat.

Aujourd’hui, je mesure simplement la rapidité avec laquelle quelqu’un comme Zemmour est capable de mobiliser des affects, par rapport aux écologistes. Dans la bataille culturelle, cet enjeu des affects est incontournable. C’est comme quand on arrête de fumer : on ne le fait pas parce qu’on nous l’a répété des centaines de fois. C’est plutôt à l’occasion de changements plus existentiels, qui sont travaillés en longueur par d’innombrables canaux dans notre culture collective. C’est pour ça que le phénomène autour du film Don’t Look Up est intéressant, parce que c’est le genre d’objet qui permet sûrement d’émouvoir beaucoup plus de monde. Et au passage, de ré-orienter un peu la bande passante médiatique…

Propos recueillis par Barnabé Binctin

Notes - [1] Voir à ce sujet le billet critique de l’économiste et philosophe Frédéric Lordon, « Pleurnicher le Vivant » publié dans Le Monde diplomatique.

Sur le même sujet : Éric Vuillard : « La littérature ne doit pas être à côté du monde »

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Rapport du Giec5 avril 2022

Climat : « Croire que c’est l’individu qui doit porter la responsabilité morale de l’effort est une illusion »Par Barnabé Binctin - Peu abordé dans les débats qui agitent la campagne présidentielle, le changement climatique sera pourtant au centre de nos vies dans les prochaines années. Entretien avec la géographe Magali Reghezza-Zitt.

Politique17 mars 2022 -Rémi Lefebvre : « Il y a une aspiration à une vie plus sobre, plus fraternelle, la gauche peut s’appuyer là-dessus ! »- Par Ivan du Roy - Divisée et affaiblie, coupée des milieux populaires et en perte de collectif, la gauche est à la peine et peu audible. Le chercheur Rémi Lefebvre analyse ses erreurs, mais pointe aussi des atouts qui augurent un possible rebond. Entretien.

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L’écologie moderne ou politique se voulant rationnelle, ne sait pas encore parler aux consciences. Voulant imposer sa vision restrictive, elle se contente d’affirmer des constats souvent dogmatiques et toujours négatifs en alignant des chiffres aussi sérieux et aussi impressionnants qu’ils soient.

Il est indiscutable que les crises du réchauffement climatique et de la biodiversité sont consubstantielles. Elles s’interpellent et se mêlent les unes aux autres formant une situation exceptionnelle de grande ampleur qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer, car le phénomène auquel nous avons à faire face est à la fois invisible, global, non réversible et non réparable. Devant cette situation la question est de savoir si l’Homme va continuer à rester à la hauteur de ce qu’il y a de plus grand en lui, à savoir conserver une vraie dignité. Il faut que chacun, à son niveau, ressente le devoir impératif de déterminer le sens, c’est-à-dire la signification de cette crise, puis de mobiliser les moyens les plus adéquats pour en anticiper et réduire l’impact. Nous avons l’ardente obligation de nous adapter et répondre aux menaces de ce monde nouveau qui peut nous faire disparaitre. 

La franc-maçonnerie, ayant pour but de contribuer au bonheur moral de l’Humanité tout entière, est clairement concernée. Les réponses à la crise et à son impact sur les générations présentes et futures sont au cœur de ses valeurs fondamentales. Au-delà de l’analyse sociétale nécessaire et de l’analyse scientifique indispensable, son approche humaniste est essentielle, car sans elle rien ne pourra se faire. 

La situation juridique sur le plan international

On est bien obligé de partir d’un constat. Face à ce phénomène global et planétaire, ni les États ni le droit international n’ont pris les choses en main : c’est la société civile, en organisant les recours devant les tribunaux qui a permis l’élaboration d’un nouveau droit climatique.

La faiblesse du droit international est patente puisque la Convention de 1992 sur le climat qui devait rassembler 195 États comporte, en réalité, trois défauts majeurs. La première est la règle de l’unanimité, la deuxième est celle du principe des responsabilités communes, mais différenciées, et la troisième est celle résultant de l’article 3 § 5 de la Convention selon lequel la lutte contre le réchauffement climatique au niveau international ne doit pas contrarier le commerce international.

Si l’on ajoute qu’il n’existe pas de juridiction internationale compétente pour poursuivre les États, on peut comprendre que l’Accord de Paris, qui a essayé de fixer des limites au réchauffement et de mobiliser des moyens pour y parvenir, est totalement atypique en droit international. Ceci explique pourquoi certains, tout en reconnaissant son intérêt fondamental, discutent également de son caractère obligatoire.

À l’initiative de la société civile, plus de 1.500 procès sont en cours dans le monde entier dont certains dirigés contre les grandes entreprises, pour les obliger à abandonner une politique ou un comportement qui est ouvertement anti-climatique. Les jugements les plus importants sont ceux qui ont défini et mis en œuvre un principe fondamental : l’obligation climatique, qui doit s’imposer à tous et en particulier aux États.

Trois jugements récents en faveur du climat

1) La Cour Suprême de Hollande, dans la décision ‘Urgenda’ (20 décembre 2019), qui se fonde sur les articles 2 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui protège la vie et l’environnement, a enjoint au gouvernement néerlandais d’augmenter son devoir de diminution d’émissions de gaz à effet de serre.

2) Les arrêts du Conseil d’État rendus dans l’affaire dite de ‘Grande-Synthe’, cette commune qui est en dessous du niveau de la mer et risque d’être submergée à la fin du siècle. Elle a obtenu du Conseil d’État dans deux décisions du 19 novembre 2020 et du 1er juillet 2021 la reconnaissance du caractère impératif de la règle de la limite d’augmentation de 1,5° C à la fin du siècle. Cette règle a été reprise et développée par l’Union européenne dans son programme exceptionnel connu sous le nom de ‘Green Deal’, qui est une véritable révolution du droit de l’environnement classique.

3) La dernière décision des juges constitutionnels de la Cour de Karlsruhe qui a critiqué le plan allemand de lutte contre le réchauffement climatique. Elle s’est intéressée non pas à la période allant jusqu’à 2030, qui a été considérée comme conduite correctement, mais à la période 2030/2050 qui devrait être, en principe, celle de la neutralité des émissions face à nos capacités de compenser les émissions de carbone. Dans cette décision elle s’est appuyée sur le concept des générations futures.

L’apport de la franc-maçonnerie

Quand les fondateurs de la franc-maçonnerie voulaient la liberté, l’égalité et la fraternité entre et pour tous les hommes, il s’agissait d’une vision universelle devant s’appliquer aux générations futures grâce à la contribution de chacun. La pratique de ces valeurs permettait d’imaginer un monde vivant dans la paix et l’harmonie entre les hommes et avec la nature. 

Il faut rappeler, comme l’a magistralement écrit Paul Ricœur, que c’est « dans la conscience individuelle que l’humanité joue toujours son destin ». Nous devons pour cela reconnaitre nos limites ce qui devrait nous rendre libres, car, comme l’a écrit Corinne Pelluchon, « nous considérant comme une partie d’un tout nous voyons que le respect de la nature ne dépend pas seulement de normes, mais de la compréhension profonde de nos interactions avec elle, il faut donc changer de direction du regard ». Sur le plan de l’éthique, la crise liée aux risques engendrés par les bouleversements du climat et de la biodiversité implique, de la part de chacun, de se sentir responsable. Dans ce but il faut ajouter à une responsabilité horizontale immédiate, illustrée par cette interrogation : « qu’as-tu fait de ton frère ? », une responsabilité verticale qui peut être formulée de la façon suivante « qu’as-tu fais et que fais-tu pour ta descendance ? ». 

À la différence de la précédente, cette responsabilité est sans sanction directe ou indirecte de façon immédiate et même médiate ; en réalité, cette obligation s’inscrit dans un devoir décliné du précédent, qui n’est sanctionné que sur le plan moral. Reconnaissons que sa conception et sa pratique semblent avoir été ignorées ou pour le moins oubliées par le monde contemporain. 

Pour les raisons évoquées plus haut, la franc-maçonnerie peut et doit apporter les éléments de solution. N‘étant ni politique ni religieuse, elle est la seule à pouvoir efficacement corriger et rectifier la vision radicale généralement adoptée de la crise écologique en lui apportant une autre dimension.

Il ne faut pas se tromper. Penser seulement à sauver matériellement la planète est une erreur d’aiguillage du raisonnement. Sauver la victime d’une agression et la mettre à l’abri ne sert à rien, si le responsable identifié n’est pas empêché d’agir. Or, les travaux du GIEC (Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur la crise du réchauffement climatique de la planète Terre, nous apprennent que c’est l’Homme, par son nombre croissant et ses pratiques, qui en est le principal responsable. C’est donc lui qui est seul susceptible de changer les choses par son action propre. Or l’expérience passée nous apprend que celle-ci ne peut aboutir par le biais d’une révolution, mais plutôt par une conversion du regard et de l’action.

Notons que franc-maçonnerie et écologie ont des ennemis communs : le premier ennemi est celui de la stricte modernité fondée sur la seule confiance dans le progrès matériel et technique ; le deuxième est celui de la volonté de consommation effrénée et l’injustice en résultant pour tous ceux qui ne peuvent en bénéficier ; le dernier, et non le moindre, est celui de l’individualisme qui sépare et oppose les humains entre eux.

L’expérience de près de trois siècles de combats maçonniques contre ces ennemis du bien commun, montre que pour y répondre efficacement et convaincre, le discours doit être organisé et structuré. Pour répondre à cette crise, il doit s’appuyer sur des référents contenus dans une nouvelle éthique, celle du devoir vis-à-vis des générations futures. Une fois de plus, au nom de l’intérêt général, la primauté reconnue aux droits individuels doit s’effacer en raison et compte tenu de l’urgence de la situation actuelle. Dans ce cadre, la franc-maçonnerie, où il n’y a pas de droit, mais des devoirs, est la mieux placée pour construire et promouvoir cette nouvelle éthique.

La franc-maçonnerie, étant appelée à poursuivre le progrès moral de l’Humanité, est tournée tout entière vers l’universel. La méthode maçonnique peut aider à la recherche de la vérité, étant entendu que le contraire de la vérité n’est pas l’erreur, mais le mensonge. La tolérance vraie qu’elle pratique, permet le discours partagé sur les vraies questions à savoir ici l’adhésion à un principe fondamental qui est celui du maintien de la dignité humaine dans la reconnaissance d’autrui. À cette fin, nous devons faire débattre le sujet dans nos institutions, à travers et au-delà de nos obédiences, en vue de développer les bases d’une véritable écosophie liée à notre culture traditionnelle ; nous devons, vis-à-vis de la société, être une référence pour un discours complexe et organisé.

En conclusion, nous ne devons pas chercher à être un outil d’influence ou une caisse de résonnance. Nous devons, dans un premier temps, construire une relation fondamentale et discrète entre tous nos Frères et Sœurs pour mettre en évidence que nos symboles universels font référence à la construction harmonieuse de notre Maison Commune dans la durée et pour le futur. La crise met cette harmonie en péril. Ouvrons la voie à son rétablissement.

Franc Maçonnerie Magazine

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Source : https://www.fm-mag.fr/article/societe/lecologie-dans-la-franc-maconnerie-traditionnelle-2286

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  • En bref - Réchauffement climatique : l’État condamné pour préjudice écologique - Par La Rédaction - Publié le 21 octobre 2021 - Document ‘vie-publique.fr’
    L’État devra réparer les conséquences de ses manquements dans la lutte contre le changement climatique. Le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre en 2015-2018 devra ainsi être compensé d’ici le 31 décembre 2022. C’est ce que demande le tribunal administratif de Paris dans son jugement du 14 octobre 2021.

Le collectif ’L’Affaire du siècle’ en action sur les quais de Seine à Paris, le 14 janvier 2021. Avant la 1re audience contre l’État français pour inaction climatique.

Photo - Le tribunal estime que le dépassement illégal de la France cause un préjudice de 15 millions de tonnes de CO2 en trop dans l’atmosphère. © Thomas Samson/AFP

En mars 2019, quatre associations (Oxfam France, Notre Affaire à Tous, Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France) avaient saisi le tribunal administratif de Paris pour non-respect des engagements de la France dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Dans son jugement du 3 février 2021, le juge avait déjà décidé que l’État devait réparer le préjudice écologique causé par le non-respect des objectifs 2015-2018 fixés dans la stratégie nationale bas-carbone. Un supplément d’instruction avait toutefois été ordonné avant de déterminer les modalités de réparation.

Le 14 octobre 2021, le jugement du tribunal administratif de Paris sur la question du préjudice écologique(nouvelle fenêtre) donne raison aux défenseurs de l’environnement de ’l’Affaire du siècle’ : l’État doit réparer le préjudice, au plus tard, le 31 décembre 2022.

Un préjudice de 15 millions de tonnes de CO2

Le juge administratif constate que la France a dépassé le plafond d’émissions de gaz à effet de serre de 62 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (CO2) entre 2015 et 2018. Pour mémoire, les budgets carbone fixent des objectifs à court-moyen terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 2050, date prévue pour atteindre la neutralité carbone.

Le tribunal estime que ce dépassement illégal cause un préjudice de 15 millions de tonnes de CO2 en trop dans l’atmosphère. Le jugement souligne à cet égard que l’évaluation du dommage est faite à la date du jugement. Elle prend donc en compte ’la réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre en 2020’ bien qu’elle soit due à la pandémie de Covid-19 et non pas à une action spécifique de l’État.

Compenser ce dépassement d’ici fin 2022

Le tribunal administratif ordonne ainsi au gouvernement de prendre toutes les mesures sectorielles utiles pour réparer le préjudice. Il considère néanmoins que le choix des dispositions relève de ’la libre appréciation du gouvernement’ à laquelle il ne lui appartient pas de se substituer.

Le jugement souligne également le degré d’urgence de la réparation du préjudice. En effet, il estime que des dispositions doivent non seulement faire cesser les dommages mais aussi ’prévenir leur aggravation’ (le dépassement du budget carbone 2015-2018 venant s’ajouter aux autres émissions). Selon le tribunal, cela implique une réaction dans ’un délai suffisamment bref’.

L’État a donc jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard pour compenser cette pollution supplémentaire en CO2.

En bref > Stratégie énergie-climat pour 2028 : plus de renouvelables et moins de nucléaire

En bref > Climat : l’engagement de la France à réduire les gaz à effet de serre jugé insuffisant

Panorama des lois : Loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Vie publique : au coeur du débat public

Vie-publique.fr — Wikipédia

Source : https://www.vie-publique.fr/en-bref/282012-changement-climatique-la-france-condamnee-pour-prejudice-ecologique

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Rubrique B – De Paul Ricoeur à Emmanuel Macron



  • Paul Ricoeur, philosophe de tous les dialogues - Par Christian Delacampagne - Publié le 21 mai 2005 à 13h56 - Mis à jour le 23 mai 2005 à 16h15 - Document ‘lemonde.fr’
    Le philosophe, âgé de 92 ans, est mort vendredi 20 mai, à Châtenay-Malabry. Intellectuel aux vastes connaissances, il incarnait les déchirements qui ont affecté la pensée humaniste au XXe siècle.

Le philosophe Paul Ricoeur, âgé de 92 ans, auteur de ’Temps et récit’, est mort vendredi 20 mai, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).

Né à Valence (Drôme) le 27 février 1913 dans une famille de vieille tradition protestante, Paul Ricoeur perd ses parents alors qu’il est encore enfant. Pupille de la nation, il est élevé par ses grands-parents. C’est à son professeur de terminale, Roland Dalbiez (l’un des premiers, en France, à avoir écrit sur Freud), qu’il doit sa vocation philosophique. Devenu professeur à son tour après un travail de maîtrise sur ’le problème de Dieu chez Lachelier et Lagneau’ et après avoir été reçu à l’agrégation de philosophie, il est mobilisé en 1939. Fait prisonnier en mai 1940, il passe l’essentiel de la guerre dans un oflag en Poméranie. Après la Libération, il est nommé à l’université de Strasbourg où il enseigne de 1948 à 1957 : dix années qui, ainsi qu’il l’écrira plus tard dans son autobiographie, Réflexion faite (Seuil, 1995), demeurent ’les plus heureuses de (sa) vie universitaire’.

En 1957, il occupe la chaire de philosophie générale à la Sorbonne puis, en 1965, rejoint la toute jeune faculté des lettres de l’université de Nanterre, dont il devient doyen en 1969. Tout en faisant courageusement face à ses responsabilités administratives, Ricoeur, qui a déjà été choqué par Mai 68, vit assez mal les événements qui marquent les premiers mois de 1970 sur le campus de Nanterre, alors livré aux agissements de toutes sortes de factions violentes. Victime d’attaques injustes et même d’agressions physiques, déçu par l’incompréhension du gouvernement aussi bien que par l’impossibilité de moderniser les structures de l’enseignement supérieur français, il finit par démissionner de son poste de doyen (1970). Il s’exile alors pour trois ans à l’Université catholique de Louvain, avant de regagner Nanterre où il enseigne à nouveau jusqu’à sa retraite (1981).

Celle-ci lui permet de se consacrer plus intensément à sa seconde carrière, aux Etats-Unis, notamment à l’université de Chicago où, depuis le début des années 1970, il est invité chaque hiver. Il continue par ailleurs, jusqu’à la fin de sa vie, à consacrer une part importante de son temps à la Revue de métaphysique et de morale (qu’il a dirigée) ainsi qu’à l’Institut international de philosophie, et à recevoir de très nombreuses invitations émanant d’universités du monde entier (entre autres, plus de trente doctorats honoris causa).

Humaniste aux vastes connaissances, attentif à la littérature autant qu’aux sciences humaines (ainsi qu’en témoignent les textes réunis dans les trois volumes de Lectures publiés par le Seuil), voyageur ouvert à la culture anglo-saxonne aussi bien qu’à la tradition allemande, Paul Ricoeur est un homme difficile à enfermer dans une école ou un courant précis. Le christianisme, la phénoménologie, l’herméneutique, la psychanalyse, la linguistique et l’histoire ont, dans des proportions variables, contribué à la formation de sa pensée. Mais si celle-ci appartient, pour le dire vite, à la mouvance de l’existentialisme chrétien et du personnalisme, elle ne se laisse pas aisément réduire à un système.

Les premières influences qui s’exercent sur Ricoeur sont celles d’Emmanuel Mounier (1905-1950) et de Gabriel Marcel (1889-1973). Dès sa fondation par Mounier (1932), il devient un lecteur assidu de la revue Esprit, à laquelle il collaborera fréquemment après la guerre. Mais c’est d’abord chez Marcel que Ricoeur découvre le modèle d’une réflexion philosophique faisant une place centrale à la question religieuse sans pour autant renoncer à la rigueur conceptuelle. C’est grâce à Marcel, également, qu’il s’initie à partir de 1934 à la phénoménologie, en particulier à l’oeuvre d’Edmund Husserl ­ dont il traduit pendant ses années de captivité le premier volume des Idées directrices pour une phénoménologie pure (Gallimard, 1950) ­ et à celle de Karl Jaspers (1883-1969), auquel Ricoeur consacre son premier livre, Karl Jaspers et la philosophie de l’existence (Seuil, 1947), écrit en collaboration avec Mikel Dufrenne.

Puis, pour obtenir son doctorat tout en donnant à ses inquiétudes de chrétien préoccupé par le thème de la faute une réponse digne des exigences de la méthode phénoménologique, Ricoeur entreprend une vaste Philosophie de la volonté dont le premier tome (Le Volontaire et l’Involontaire) paraît en 1949, les deux suivants (L’Homme faillible et La Symbolique du mal) étant ultérieurement réunis sous un titre unique, Finitude et culpabilité (Aubier, 1960).

Au fil de ces trois volumes, les questions classiques dont part Ricoeur (comment peut-on vouloir le mal ? Qu’est-ce que la mauvaise foi ? Quel est le sens d’un acte involontaire ?), l’amènent peu à peu à explorer, derrière la couche superficielle de la conscience, les profondeurs de l’inconscient individuel aussi bien que celles de l’univers symbolique dans les termes duquel les grandes religions s’efforcent de penser le problème du mal. C’est ainsi qu’il rencontre simultanément psychanalyse et herméneutique.

A l’époque, ces deux disciplines d’origine germanique sont mal connues en France. De Friedrich Schleiermacher (1768-1834) à Hans-Georg Gadamer (1900-2002) en passant par nombre de théologiens protestants, l’herméneutique s’efforce d’appliquer les outils de l’exégèse biblique aux contenus de la philosophie morale. La psychanalyse, par d’autres voies, remet en question le narcissisme du cogito classique. De l’une comme de l’autre, ainsi que des travaux de son ami Mircea Eliade, Ricoeur retient l’idée que la réalité humaine est avant tout constituée de symboles dont le déchiffrement est en droit interminable. Et c’est cette intuition qu’il développe dans ses deux livres suivants ­ qui, sur le moment, ne sont pas toujours bien compris : De l’interprétation, essai sur Freud (Seuil, 1965) et Le Conflit des interprétations, essais d’herméneutique (Seuil, 1970).

Avec la question du symbolisme, Ricoeur (qui n’ignore pas l’enseignement de Lacan mais demeure étranger aux préoccupations antihumanistes du structuralisme) touche déjà le problème du langage. Il faudra cependant le poids d’une désillusion politique (liée aux obstacles rencontrés dans ses fonctions de doyen) pour que le philosophe, partiellement expatrié aux Etats-Unis, entreprenne de se consacrer plus à fond à l’étude des sciences linguistiques.

Progressivement accompli durant les années 1970, ce ’tournant’ lui permet d’être l’un des premiers Français à entamer le dialogue avec la philosophie analytique alors triomphante dans le monde anglo-saxon (notamment avec la ’philosophie du langage ordinaire’ inaugurée par John L. Austin et poursuivie par John R. Searle). Il débouche aussi sur deux ouvrages importants : La Métaphore vive (Seuil, 1975) et Temps et récit (trois volumes, Seuil, 1983-1985). Si le premier de ces deux travaux envisage la métaphore sous l’angle de la création de sens et de l’enrichissement qui en résulte pour le texte littéraire, Temps et récit, en revanche, dépasse de loin l’analyse linguistique. Au-delà de la réflexion sur l’écriture du passé qui s’y déploie, c’est la question même de la connaissance historique, de son statut et son apport de vérité qui s’y trouve posée.

Certes, un livre d’histoire relève toujours de la catégorie du récit, même lorsque son auteur entend ­ - tel Fernand Braudel ­ - pourfendre l’histoire événementielle pour lui substituer la ’longue durée’. Mais ce récit n’est pas une forme narrative pareille aux autres. Au-delà de la’mise en intrigue’ à laquelle s’exerce l’historien pour faire revivre le passé, c’est de notre réel qu’il nous parle. Le passé, en effet, ne nous appartient que dans la mesure où nous lui appartenons, où notre action présente s’inscrit dans la continuité d’une mémoire. Bref, dans la mesure où, pour les individus comme pour les peuples, l’identité n’est pas un donné mais une construction indéfinie, dont le temps est le seul médium possible.

Quelques années plus tard, Ricoeur s’attelle dans un livre difficile, Soi-même comme un autre (Seuil, 1990), à un effort héroïque pour sauver l’idée d’une philosophie universelle susceptible d’embrasser tous les aspects de l’agir humain. L’analyse ­ - sémantique et pragmatique ­ - de la notion de ’sujet’ et l’esquisse d’une ontologie de la ’personne’ (ou d’une ’herméneutique du soi’) que propose ce travail se rejoignent en effet pour se mettre au service d’une éthique dont la formulation demeure, pour Ricoeur, une exigence de la raison pratique. Cette exigence, le philosophe doit s’efforcer de la satisfaire sans pour autant renoncer à son indépendance vis-à-vis de sa propre foi aussi bien que de toute idéologie théologique ou politique : tâche ardue, dont les difficultés sont bien mises en évidence dans les dernières études consacrées par Ricoeur à John Rawls (1921-2002) et à Hannah Arendt (1906-1975), et réunies sous le titre Le Juste (éditions Esprit, 1995).

Il apparaît ainsi que l’étude du langage, bien loin d’avoir été une fin en soi, n’a jamais constitué pour l’auteur de Temps et récit qu’une autre façon de poser les questions qui le hantaient depuis longtemps : celles de l’être et de l’action. Nostalgique d’une ontologie que Nietzsche semblait pourtant avoir disqualifiée, aspirant à trouver dans la raison éthique les règles de la vie ’bonne’ , homme constamment soucieux de son époque même s’il s’est toujours méfié de tous les engagements, Paul Ricoeur aura en somme incarné jusqu’à leurs extrêmes conséquences les déchirements qui sont ceux de la pensée humaniste depuis le début du XXe siècle.

Cette authenticité tragique, qui éclaire d’un bout à l’autre son long parcours intellectuel, fait aussi de son oeuvre un témoignage exemplaire sur la’crise’ de notre modernité. Et sans doute est-ce sa valeur de ’témoignage’ q ui explique que cette oeuvre, après avoir été (comme celle de son ami Emmanuel Levinas) quelque peu méconnue par le monde intellectuel français, suscite depuis le milieu des années 1980 un regain d’intérêt particulièrement vif en France, et plus encore dans le reste du monde.

Christian Delacampagne

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Des centres d’accueil pour migrants d’un genre nouveau vont ouvrir à Calais

Source : https://www.https://www.lemonde.fr/a-la-une/art...https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2005/05/21/paul-ricoeur-philosophe-de-tous-les-dialogues_652552_3208.html /a-la-une/article/2005/05/21/paul-ricoeur-philosophe-de-tous-les-dialogues_652552_3208.html

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  • Accès aux nombreux documents de ‘France Culture’ sur le philosophe Paul Ricœur (1913-2005)

    Paul Ricoeur en 1990.Photo AFP. Crédits : Ulf Andersen/Aurimages

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Biographie de Paul Ricœur

Paul Ricœur est né en 1913 et se retrouve très tôt orphelin de père et de mère, sa mère décède peu après sa naissance et son père meurt au champ de bataille en 1915. Il se réfugie très jeune dans la littérature mais c’est vers la philosophie, découverte au lycée, qu’il bifurque et devient agrégé en 1935 à l’âge de 22 ans. Au sortir de la guerre, il enseigne la philosophie dans un collège cévenol puis une fois sa thèse sur la volonté achevée, il occupera différents postes dans plusieurs universités françaises à Strasbourg, à la Sorbonne, à la Faculté de théologie protestante de Paris puis à Nanterre avant de partir pour l’Université de Chicago en 1970. Son œuvre aborde des sujets variés comme la réflexion sur le temps avec la trilogie Temps et Récit (1983-1985), l’herméneutique avec Du texte à l’action puis aussi une philosophie du sujet exprimée dans Soi-même comme un autre (1990) et l’écriture historienne avec La mémoire, l’histoire, l’oubli (2000) qui pose la question des abus de mémoire et d’oubli. Paul Ricœur est une figure de l’intellectuel engagé dans son temps qui tente d’apporter un éclairage juste sur les événements. Il décèda le 20 mai 2005.

Les oeuvres de Paul Ricœur :

Soi-même comme un autre Paul Ricœur Seuil/ Points essais, 1996

Politique, économie et société Ecrits et conférences 4Paul Ricœur Seuil, 2019

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Vidéos disponibles :

  • APERÇU – Vidéo 52:27 Paul Ricoeur YouTube · KTOTV 28 nov. 2021 – Deux témoignages sur le philosophe Paul Ricoeur - Sortie le 28 novembre 2021 - KTOTV
    Il est probablement le plus grand philosophe de la fin du XXe siècle et plus d’une dizaine d’années après sa mort, son influence sur la philosophie ne se dément pas. Philosophe, Paul Ricoeur a fortement infuencé l’éthique et la morale, la manière dont on lit les textes bibliques, et la manière dont on se comprend soi-même. Protestant, il a favorisé le dialogue entre la philosophie et la religion. Qui était donc Ricoeur et pourquoi sa pensée est-elle si cruciale pour le chistianisme du XXIe siècle ? Avec Olivier Abel et Pierre-Olivier Monteil.

[Olivier Abel, né le 15 mai 1953 à Toulouse, est un philosophe français, professeur de philosophie et d’éthique à la faculté de théologie protestante de Montpellier…). [Source].->https://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Abel]

Pierre-Olivier Monteil est chercheur associé au Fonds Ricœur. Il enseigne l’éthique appliquée à l’ESCP Europe et à l’université Paris-Dauphine. Il a récemment publié Macron par Ricœur. Le politique et le philosophe (Lemieux, 2017) ainsi qu’Éthique de la pratique ordinaire (Pocket, 2021)….). [Source].

Source : https://www.youtube.com/watch?v=iMV29eOMFM0

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  • Une Vie, une œuvre : Paul Ricœur (1913-2005) – Vidéo 59:24 - YouTube · « Rien ne veut rien dire - 18 février 2017 - 18 février 2017 - Par Françoise Estèbe et Anne-Pascale Desvignes.
    Émission diffusée pour la première fois sur France Culture le 02.03.2013. Paul Ricoeur aurait cent ans. Né en 1913, orphelin de mère puis de père - son père sera tué au combat en 1913, Paul Ricoeur, élevé par sa famille paternelle, recevra une éducation sévère dans un climat austère de religiosité calviniste. Très tôt enclin à la spéculation, il se réfugie dans la lecture. Les livres comme exorcisme au malheur de son enfance. Sur ce manque initial, il construit sa personnalité par les textes qui lui ouvrent l’accès au réel. ’L’identité narrative’ est en germe dans cette enfance studieuse et solitaire. Paul Ricoeur conçoit la philosophie comme un dialogue ininterrompu et illimité avec l’autre. Penser avec les autres, pour les autres, dans une visée de justice sociale.

Très tôt, Ricoeur se tourne vers le militantisme, aiguillonné par le sentiment de l’injustice. Toute sa vie il sera un philosophe engagé dans la vie de la Cité. ’ Se confronter à l’obstacle, toujours’, tel était le précepte de Dalbiez, son maître en philosophie, qui deviendra la règle d’or de son parcours philosophique de la phénoménologie de l’agir du’ sujet capable’ quoique faillible, à l’herméneutique, l’interprétation des textes fondamentaux de la culture, textes littéraires, religieux, philosophiques, qu’il fore, réinterprète dans une dynamique tournée vers le futur, cet horizon d’attente riche des promesses non tenues du passé. Ricoeur, qui fut le doyen malmené de la Faculté de Nanterre pendant les événements de 1970, est en prise direct avec son temps et les grands débats culturels qui traversent la société.

En confrontation constante avec les sciences humaines et sociales, il pense le Mal jusque dans sa dimension politique, le Totalitarisme, la Justice, le Droit, le Politique, l’Histoire. En l’an 2000, au cœur des polémiques sur le devoir de mémoire, son ouvrage ’La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli’ milite pour une juste ’représentance’ du passé. Paul Ricoeur, c’est une posture philosophique de dialogue et d’ouverture du sens, une méthode de pensée de rebonds en rebonds, efficientes en ce début du XXI siècle pour penser le monde et agir sur la société. Au centre de sa pensée, l’imagination comme voie de l’exploration du monde et de ses possibles. Et la voix de P. Ricoeur Archives INA –

Sites sélectionnés par Annelise Signoret , de la Bibliothèque de Radio France : http://www.fondsricoeur.fr/intro.php Site du Fonds Ricoeur « Recherches et dialogues autour de Paul Ricœur » http://ricoeur.iaf.ac.at/FR/ Site académique Paul Ricoeur http://agora.qc.ca/Dossiers/Paul_Ricoeur Dossier Paul Ricoeur sur le site de l’encyclopédie québécoise, Agora http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/... « Devenir capable, être reconnu » texte de Paul Ricoeur, à lire sur le site Diplomatie.gouv http://www.erf-auteuil.org/conference... Conférence de François Dosse sur Paul Ricoeur http://www.barbier-rd.nom.fr/M.Brugvi... Paul Ricoeur, une présence très contemporaine, interview de Michel Brugvin http://pierre.campion2.free.fr/ricoeu... Paul Ricoeur : temps et récit, communication de Pierre Campion, à l’IUFM de Rennes http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits... Paul Ricoeur, ami de philosophes et de dissidents tchèques, à écouter sur le site de la Radio Tchèque http://www.bibl.ulaval.ca/doelec/pul/... La question herméneutique et la nécessité selon Paul Ricoeur de sa reformulation critique

Intervenants : François Dosse : Historien et philosophe Professeurs des universités à Paris 12 et à l’IEP de Paris. Olivier Mongin : sociologue, directeur de la rédaction de la revue Esprit Olivier Abel : Professeur de Philosophie Ethique à la Faculté de Théologie Protestante de Paris Michaël Foessel : philosophe, professeur à l’école Polytechnique….

Source : https://www.youtube.com/watch?v=g3NoJ3SqPAc

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Musique utilisée dans cette vidéo : En savoir plus - Écoutez de la musique sans publicité avec YouTube Premium - Titre : Die Stücke der Windrose : No. 1, Osten - Artiste : Schönberg Ensemble, Reinbert De Leeuw - Album : Mauricio Kagel : 5 Stücke der Windrose, Phantasiestück - Concédé sous licence à YouTube par Believe Music (au nom de naïve classique).

Source : https://www.youtube.com/watch?v=mIAQtA5aHcY

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Il s’inscrit dans les courants de la phénoménologie et l’herméneutique, en dialogue constant avec les sciences humaines et sociales. Il s’intéresse aussi à l’existentialisme chrétien et à la théologie protestante. Son œuvre est axée autour des concepts de sens, de subjectivité et de fonction heuristique de la fiction, notamment dans la littérature et l’histoire1.

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    Paul Ricoeur, le mentor du jeune Macron – Par Alexis Lacroix - Publié le 06/10/2017 à 07:30 - Document ‘lexpress.fr’ ; extrait - Actualité Politique
    L’historien François Dosse, qui a présenté le jeune Emmanuel Macron à Paul Ricoeur, raconte dans Le Philosophe et le Président, la complicité intellectuelle qui a lié les deux hommes.

https://www.lexpress.fr/

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https://www.lexpress.fr/hebdo

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Emmanuel Macron en février 2003, à côté du philosophe.

Photo - Emmanuel Macron en février 2003, à côté du philosophe. Collection particulière

Pendant la campagne de l’élection présidentielle, la rumeur s’est faite insistante : on a prétendu qu’Emmanuel Macron exagérait après coup sa proximité et sa complicité avec le philosophe Paul Ricoeur

Des universitaires comme Etienne Balibar ont prêté, à la fin des années 1990, leur voix et leur crédit à cette vaste démythification, en précisant n’avoir aucun souvenir de Macron thésard. D’autres s’agacèrent d’une ’mise en scène’ jugée trop avantageuse. Qu’en est-il ? 

Le nouveau livre de l’historien François Dosse, Le Philosophe et le Président (Stock), porte une pièce inédite au dossier. Une pièce décisive. D’abord parce que Dosse est celui qui a présenté le jeune Macron à l’auteur de Temps et récit. Ensuite -et surtout- parce que s’y trouvent minutieusement documentées l’intimité véritablement maïeutique de Ricoeur avec son assistant ainsi que leurs longues discussions dans la pénombre des Murs Blancs, à Châtenay-Malabry. Morceaux choisis. 

[Extraits]

Après la mort de son épouse Simone dans les tout premiers jours de janvier 1998, Ricoeur retrouve ce sentiment de solitude qu’il redoute depuis son enfance d’orphelin et qui subsiste malgré la consécration sociale qu’il connaît. Il lui manque désormais ce rapport de dialogue quotidien avec sa compagne qui lui était si précieux pour faire le récit de ce qu’il ressentait, de ce qu’il vivait comme expériences nouvelles : ’Ce dont je souffre le plus dans la solitude, ce n’est pas l’isolement, l’absence de compagnie, de mouvement autour de moi, mais l’absence de vis-à-vis à qui raconter ce qui m’arrive, ce que je fais, ce que je vis. Jusqu’au bout Simone m’a entendu et répondu. Et maintenant je n’ai plus personne.’ En même temps, il ressentait profondément le désir de poursuivre son oeuvre, de ne pas céder un pouce à la tentation mélancolique.[...] 

ENQUÊTE >> Macron, la nuit 

Je me suis trouvé abasourdi lorsque, peu après notre première rencontre, début 1998, toujours par l’intermédiaire de Thérèse Duflot, Ricoeur demande à me voir et me propose de le conseiller dans les méandres du paysage historiographique. Alors en pleine préparation de son ouvrage qui paraîtra en 2000, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, il se donnait pour tâche de lire les travaux des historiens et pas seulement les publications des philosophes sur l’histoire [...] 

’Des nains sur les épaules de géants’

Peu après, Ricoeur me demande si je connaissais un étudiant qui pourrait lui apporter une assistance éditoriale dans la réalisation de son grand ouvrage sur l’histoire qu’il publiera en septembre 2000, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli. J’ai apporté sans hésiter une réponse à sa demande, ayant un étudiant à Sciences po particulièrement brillant, curieux, à l’agilité intellectuelle sidérante et de plus fort sympathique, chaleureux, c’était Emmanuel Macron, qui avait alors 21 ans. 

A chaque cours, j’étais admiratif de la manière dont il était capable de faire la synthèse des cours précédents pour en tirer d’ingénieuses conclusions dans un domaine qu’a priori il ne connaissait pas du tout, celui de l’historiographie, soit l’histoire de l’écriture de l’histoire. 

Emmanuel Macron, n’ayant pu entrer à l’Ecole normale supérieure, s’était inscrit en philosophie à l’université de Nanterre et à Sciences po lorsqu’il entre en relation avec Ricoeur : ’J’étais censé m’occuper du travail de secrétariat et d’archivage et progressivement il m’a fait lire tous ses textes. [...] Période pendant laquelle j’ai participé à l’accouchement de La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, qu’il venait de commencer lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois. C’est Paul Ricoeur qui m’a enseigné la philosophie, et qui m’a fait lire les classiques. Il avait cette idée que nous sommes des nains sur les épaules de géants, et qu’en commentant les grands auteurs, on continue leur pensée. [...]’ 

Refaire le monde à Châtenay-Malabry

Cette rencontre a été décisive et est donc allée bien au-delà de la demande initiale qui n’était qu’ancillaire : ’Je n’oublierai jamais nos premières heures passées ensemble aux Murs Blancs à Châtenay-Malabry. Je l’écoutais. Je n’étais pas intimidé. C’était, je dois l’avouer, à cause de ma complète ignorance : Ricoeur ne m’impressionnait pas, puisque je ne l’avais pas lu. La nuit tombait, nous n’allumions pas la lumière. Nous restions à parler dans une complicité qui avait commencé à s’installer. De ce soir-là commença une relation unique où je travaillais, commentais ses textes, accompagnais ses lectures.’[...] 

Photo - De gauche à droite, Paul Ricoeur, François Dosse, Antoine Garapon et Emmanuel Macron. COLL. CATHERINE GOLDSTEIN

En fait, lorsque Emmanuel Macron rencontre Ricoeur, il a déjà un fort intérêt pour la philosophie. Il a déjà été marqué par sa lecture de Kant, Aristote et Descartes, des classiques. Séduit par la capacité que donne la spéculation philosophique de modeler un rapport au monde différent, il s’engage en même temps dans la réalisation d’un DEA (diplôme d’études approfondies) sur Hegel sous la direction d’Etienne Balibar, dont il suit les cours à l’université de Nanterre. 

INTERVIEW >> Christophe Castaner : ’Au pouvoir, vous n’êtes pas censé dormir’  

Il réalisera un travail sur Machiavel, s’orientant de plus en plus vers la philosophie politique. Sa préoccupation est de mieux comprendre le monde pour pouvoir agir sur lui et le transformer dans le sens d’une émancipation de l’humanité.[...] 

Dans l’entretien qu’il donne en 2015 à l’ancien directeur du Monde, Eric Fottorino, Emmanuel Macron souligne l’importance qu’a représentée pour lui au plan intellectuel sa rencontre avec Ricoeur : ’J’ai ensuite rencontré Paul Ricoeur qui m’a rééduqué sur le plan philosophique.’ Marqué par l’enseignement althussérien de Balibar, Emmanuel Macron se libère de ses apories grâce à Ricoeur qui le fait repartir de zéro. Il devient le familier des Murs Blancs où il prend connaissance du manuscrit de Ricoeur sur l’histoire, en discute avec lui et lui fait part de ses ’notes d’orientation’. 

’Dialogue intergénérationnel’

Sans complexe, il prodigue à Ricoeur des conseils éditoriaux : ’Vous parlez trop tôt de l’architecture ; cela court-circuite votre raisonnement’ ; ’Définir plus précisément le concept de chronosophie’ ; ’Note 40 : destin fatal est une forme de pléonasme. Peut-être destin funeste ?’ [...] Il lui suggère aussi des références bibliographiques : ’Ne peut-on pas citer, au sujet de l’événement, Paul Veyne et son discours inaugural au Collège de France ?’ [...] 

Alors que Ricoeur se trouve dans sa maison de vacances à Préfailles en l’été 1999, Emmanuel Macron lui écrit le 15 juillet une lettre qui atteste la force du lien qui unit le philosophe et son jeune assistant éditorial qui n’a alors que 22 ans. Il lui prodigue encore quelques conseils éditoriaux. [...] 

Ricoeur est alors coupé de la relation avec la jeunesse étudiante. Trouver avec Emmanuel Macron un dialogue si riche et porteur de créativité est pour lui un bain de jouvence. Il se réjouit de chacune des occasions de le voir, d’échanger avec lui sur l’oeuvre en train de se réaliser dans un dialogue intergénérationnel d’une intensité particulièrement forte. [...] 

De son côté, Emmanuel Macron, durant toute sa campagne présidentielle, ne cessera d’évoquer l’exceptionnelle complicité intellectuelle qu’il a nouée avec Ricoeur au cours de leurs deux années de collaboration. Il voit dans ce compagnonnage, comme il le nomme, un moment décisif qui l’a transformé en lui apprenant à penser l’Histoire et le cours du monde ’dans un va-et-vient entre la théorie et le réel’. [...] 

Ricoeur contre les ’déclinistes’ ?

[...] Lorsque Emmanuel Macron définit ce qu’il entend par l’identité française, il la définit comme une volonté : ’Notre pays, pour faire face à ses défis, ne peut tenir uni, réconcilié, que par une volonté. Une volonté qui donne un mouvement, dessine des frontières qui en même temps rassemblent et donnent un sens à ce qui nous dépasse. Oui, la France est une volonté.’ 

LIRE AUSSI >> Emmanuel Macron à La Rotonde : petit dîner, grand bruit 

Même dans des moments de désolation, d’amoindrissement de ses forces, il ne faut pas renoncer à la capacité de faire, à la puissance d’être. C’est la leçon de la pensée de Ricoeur, mais Emmanuel Macron la tire aussi de ses lectures d’enfance, comme ce beau texte du philosophe qui a incarné le radicalisme en France, Alain, écrivant en janvier 1935 en plein hiver, en pleine froidure et sommeil des énergies, ce petit appel à l’optimisme : ’Penser printemps’ et dont Emmanuel Macron donne lecture à son auditoire de Clermont-Ferrand le 7 janvier 2017 : ’A répéter : ’Bonne année !’ on finira par se réveiller soi-même à ce qu’on dit.[...] Ce qu’on dit, c’est qu’il faut choisir de la penser bonne, cette année nouvelle.[...] Je vous souhaite de penser printemps.’ [...] 

Philosophie du ’même temps’

On s’est beaucoup gaussé sur ce qui est apparu à certains comme un tic de langage et pour d’autres comme l’expression de son indécision et de son incapacité à choisir, et d’autres encore, parfois les mêmes, une forme de démagogie, à propos du fameux ’en même temps’ du candidat à la présidentielle. 

Stigmatisé, il a été l’objet de l’ironie de beaucoup de commentateurs qui ont cru déceler là son indétermination, son incapacité à choisir. Tout au contraire, ce ’en même temps’ renvoie aux exigences d’une pensée tensive qui privilégie le ’et’, comme le fait Ricoeur, en cherchant des médiations pour penser ensemble et articuler des situations de double contrainte, des pôles irréductibles, incommensurables l’un l’autre. 

A son meeting de Bercy, Emmanuel Macron reprend à son compte ce qui fait la risée de certains, et la foule de reprendre son expression, après qu’il se fut repris en soulignant : ’J’ai dit en même temps’, en scandant ’En même temps’ comme l’étendard de son programme. Il y a dans cette expression le refus de penser de manière ‘grillagère’ dans des cases préétablies, mais surtout la prise de conscience que les problèmes à traiter ne se réduisent pas à un dilemme entre le blanc et le noir, à un manichéisme réducteur et appauvrissant : [...] ’Je choisis la liberté et l’égalité. Je choisis la croissance et la solidarité. Je choisis l’entreprise et les salariés. Je choisis l’amour de notre histoire et l’ambition du changement ; la France forte et l’Europe ambitieuse ; les racines et les ailes.’ 

[...] On retrouve dans cette formule du ’en même temps’ la conjonction ’et’ chez Ricoeur, cette manière de penser le paradoxe, la complexité, d’appréhender le politique de manière syncrétique et d’affirmer que le choix ne se fait pas de manière simple mais, comme le disait de plus en plus Ricoeur sur la fin de sa vie, entre le gris et le gris ...]. 

[...] Emmanuel Macron s’est totalement approprié cette manière de penser, de prendre en considération la complexité du réel et la nécessité de penser ensemble des pôles qui peuvent apparaître contradictoires en faisant sienne cette pensée tensive qui s’exprime chez lui par le fameux ’en même temps’ qui lui a été reproché comme un tic de langage. 

Les intertitres sont de la rédaction. 

Sur le même sujet : Se méfier des ’tuteurs’, alertait Mendès France en 1958

Le Philosophe et le Président, par François Dosse. Stock, 164 p., 19€. Alexis Lacroix

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    Que reste-t-il de Paul Ricœur chez Emmanuel Macron  ? - Publié le vendredi 1er décembre 2017 - Nicolas Dutent – Document ‘humanite.fr’
    Table ronde avec Michaël Fœssel, philosophe, professeur à l’École polytechnique, François Dosse, professeur d’histoire contemporaine, biographe de Paul Ricœur et Jean-Louis Schlegel, directeur du comité de rédaction de la revue Esprit, sociologue des religions.

La pensée de Paul Ricoeur comporte une dimension politique. Photo : Patrick Nussbaum

PHOTO - La pensée de Paul Ricoeur comporte une dimension politique. Photo : Patrick Nussbaum

Rappel des faits. Profitant de la publication d’un numéro d’ Esprit sur « Paul Ricœur, penseur des institutions justes » et de l’essai le Philosophe et le Président (Stock), trois spécialistes de cette œuvre éclairent et précisent ici la polémique.

La filiation, réelle ou supposée, entre Paul Ricœur et Emmanuel Macron a fait couler beaucoup d’encre. Si la complicité entre les deux hommes est peu discutable, certains soupçonnent que cet héritage a été gonflé, d’autres conçoivent à l’inverse une forme de continuité d’ordre philosophique. Du point de vue de la théorie, inséparable ici des actes, l’actuel président de la République vous apparaît-il comme un continuateur probant de Paul Ricœur ?

Saint denis, le 15/11/2012. Michaë l Foessel. Photo Pierre Pytkowicz Michael Foessel« Michaël Fœssel est un philosophe français né en 1974 à Thionville (Moselle) ». Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Micha%C3%ABl_F%C5%93ssel

Michaël Fœssel - Je ne vois pas en quel sens un dirigeant politique pourrait être le continuateur d’un philosophe. Aucune philosophie n’est destinée à être simplement mise en œuvre de manière programmatique. Ou alors les expériences en la matière (Platon qui manque d’être assassiné après avoir voulu conseiller le tyran de Syracuse) sont suffisamment catastrophiques pour qu’on les envisage avec méfiance. Pour ce qui est de la pensée de Paul Ricœur, il est vrai qu’elle comporte une dimension politique. Mais au sens où il aborde le pouvoir comme un phénomène qui mêle inextricablement rationalité et violence (c’est ce qu’il appelle le « paradoxe politique »). Définir le pouvoir comme le lieu d’une confrontation entre le droit et la force implique déjà de rompre avec la croyance selon laquelle la politique serait une mise en application de principes philosophiques parfaitement rationnels. J’ignore ce que pense l’homme Emmanuel Macron de ce genre d’approche du politique, même si je présume qu’il la connaît. En revanche, pour ce qui est de son action comme président, il est préférable de l’évaluer politiquement sans s’appuyer sur la pensée de Ricœur, que ce soit pour l’encenser ou pour la disqualifier. Même ce que dit Ricœur des institutions justes ou de la politique de la mémoire n’est pas soluble dans un programme. Sa position philosophique est essentiellement réflexive.

https://www.humanite.fr/sites/default/files/styles/media_thumbnail/public/images/53761.HR.jpg?itok=AZPAV9nn{{« François Dosse, né le 21 septembre 1950, est un historien et épistémologue français, spécialisé en histoire intellectuelle… » - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Dosse

François Dosse - En premier lieu, il faut affirmer haut et fort, j’en ai été témoin, qu’il y a bien eu une relation intense et durable entre Ricœur et Macron, contrairement à ce qu’ont pu insinuer certains esprits chagrins qui ont prétendu que Macron aurait usurpé un titre qu’il n’avait pas auprès de Ricœur pour se pousser du col. En second lieu, soulignons qu’il ne peut y avoir de disciples de Ricœur qui n’aimait pas les chapelles. Son œuvre philosophique ne faisant pas système, elle ne peut être instrumentalisée comme modèle. Ricœur préférait avoir des proches que des disciples, et Macron faisait partie de ses proches. Cela dit, il y a bien un héritage de la pensée de Ricœur et, sur ce plan, on ne peut qu’être sidéré par l’importance de cet héritage chez Macron, tout en faisant bien la différence, mais cela relève du truisme, entre le domaine philosophique d’un côté et ce qui ressort de l’action politique de l’autre. L’ancrage ricœurien est multiple et la première source d’inspiration est bien évidemment sa conception de l’histoire nationale et de ses rapports avec les mémoires. Rappelons que Macron a aidé Ricœur à la finalisation de la Mémoire, l’Histoire, l’Oubli. Il en tire l’idée d’une identité nationale changeante, non éternelle, ancienne mais toujours en transformation selon les aléas de ce que Ricœur appelle « l’identité narrative », toujours exposée à l’altérité et aux changements du temps. Autre thématique majeure, celle de l’homme capable, de l’articulation nécessaire entre le dire et le faire, de la capabilité, une conception optimiste qui refuse de se laisser enfermer dans le déclinisme, le repli sur soi, le décadentisme. Rappelons que Ricœur a soutenu sa thèse en 1950 sur la volonté, thématique qui revient comme un leitmotiv chez Macron.

https://www.humanite.fr/sites/default/files/styles/media_thumbnail/public/images/53763.HR.jpg?itok=i8smBCLu{{« Jean-Louis Schlegel est un ancien jésuite, philosophe, éditeur, sociologue des religions et traducteur français né en 1946… - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Schlegel

Jean-Louis Schlegel - Ce qui est indiscutable, c’est l’aide active (documentation, discussions…) apportée en 1999-2000 par Emmanuel Macron à Paul Ricœur lors de la rédaction de son dernier grand livre, la Mémoire, l’Histoire et l’Oubli. Il en est né une réelle estime et amitié mutuelle. Pour le reste, je m’en tiens à la position du conseil scientifique du fonds Ricœur, composé de spécialistes de son œuvre : il y a certainement une philosophie politique de Ricœur, mais elle ne dit rien des mesures politiques concrètes que pourrait ou devrait prendre un pouvoir élu. Tout ce qui se dit en pour ou en contre sur ce point (la continuité ou non entre Ricœur philosophe et Macron président) est interprétation (et, naturellement, dans tout ce qui est paru, certaines sont plus pertinentes que d’autres). Au fond, dans toute cette affaire de filiation ou d’inspiration ricœurienne de Macron, lui seul pourrait dire ce qu’il a réellement retenu et ce qui l’inspire encore. Par exemple, j’ai parfois eu le sentiment que le thème ricœurien de l’« homme capable » était très présent dans la confiance basique que semble avoir Macron quant à la capacité de chacun de s’en sortir, de s’élever (par-delà le contexte de ses origines ou de sa condition). Dans ce cas, est-il fidèle au philosophe, ou ce dernier ne parlait-il pas de quelque chose de plus fondamental, de plus éthique, que de cette conception très matérielle des capacités de chacun à « s’en tirer » socialement ?

«  Macron, cest peut-être en partie du Ricœur, mais sans le socialisme  », écrivait récemment Jean-Claude Monod, chercheur et philosophe, dans une tribune parue dans Libération. Emmanuel Macron, ce serait donc un peu de Ricœur, moins le socialisme, fût-il ouvert ? Un père ou une référence dont on aurait oblitéré la parole politique ?

Michaël Fœssel - On touche ici à ce que furent les engagements personnels de Ricœur, qu’il a toujours pris soin de ne pas présenter comme une simple application de ses thèses philosophiques. Sur ce point, on peut dire deux choses. 1/Par définition, ces engagements (qui ont, du reste, évolué) furent ceux de son temps. On doit les méditer, mais il est périlleux de les projeter dans un présent duquel Ricœur est absent. 2/Il est vrai que Ricœur s’est toujours référé au « socialisme », un terme qui a reçu des significations très diverses au cours du XXe siècle. On peut dire, en simplifiant, que c’est la dimension démocratique du socialisme qui a reçu ses faveurs, autrement dit une conjonction entre liberté politique et justice sociale. La politique menée par Emmanuel Macron s’inscrit-elle dans ce cadre ? Il est permis d’en douter tant l’accent est mis sur les bienfaits « spontanés » de la liberté économique. Or, dans la dernière période de sa vie, au cours d’un entretien avec Michel Rocard consécutif à la chute du mur, Ricœur en appelait à initier une « critique du capitalisme en tant que système de distribution qui identifie la totalité des biens à des biens marchands ». Ricœur est un penseur de l’autonomie du politique, donc un critique constant de sa dissolution dans l’économie.

François Dosse - Monod touche juste sur la crise d’avenir, de projet d’émancipation universel. Il faut en effet faire le travail de deuil d’un désastre historique dont on n’est pas vraiment remis. Nous vivons une crise d’historicité, un champ de ruines des espérances passées. Sur ce plan, Macron est l’héritier de la pensée antitotalitaire. On ne peut reprendre les vieilles recettes. Tout est à reconstruire et Macron essaie de retrouver une dialectique entre passé, présent et avenir en se démarquant des déclinistes, des réactionnaires qui pensent que c’était mieux avant. Il adopte la position de Camus lorsque, en 1957, à l’occasion de son prix Nobel, il déclare à Stockholm qu’à défaut de pouvoir refaire le monde, la tâche de sa génération est « d’empêcher que le monde ne se défasse ». Il rouvre les portes de l’avenir en redonnant toute leur importance à l’action et au temps politique avec la volonté de restaurer un climat de confiance entre les citoyens et leurs représentants grâce à une meilleure articulation entre verticalité et horizontalité permettant de réaliser une véritable révolution démocratique. Avec audace, il se fait partisan d’une souveraineté européenne en préconisant une refondation de l’Europe à l’heure des replis identitaires. Il définit par là un nouvel imaginaire social-historique qui permet de penser un être-ensemble ouvert sur le monde, sur l’altérité et les échanges culturels.

Jean-Louis Schlegel - Le «  et en même temps » du programme d’Emmanuel Macron semble, au début de sa présidence en tout cas, pencher nettement à droite, tandis que Ricœur est resté jusqu’au bout « de gauche », non partisan certes mais solidaire de la gauche dans ses engagements et ses appels publics. Sur le fond, on le voit déjà dans un de ses premiers livres, Histoire et vérité (1955), où il propose une réflexion fondamentale sur « le politique », et encore dans le tout dernier paru, Philosophie, éthique et politique (2017), un recueil posthume d’interviews données durant les vingt dernières années de sa vie (dont une, très belle, au journaliste de l’Humanité Arnaud Spire en 1994), où le souci de la justice, de l’égalité, de l’exclusion est omniprésent. La dissonance entre le philosophe et le président se reflète sans surprise sur les réseaux sociaux, où j’ai pu lire plus d’une fois la réflexion, sans doute un peu immédiate et naïve mais significative : « Mais qu’aurait dit Ricœur (devant la politique économique et sociale de Macron, perçue comme libérale et favorable aux riches) ? » Pourtant, sauf mesure intolérable, Ricœur, pour la raison donnée ci-dessus et conscient de l’extrême difficulté de l’exercice concret du pouvoir aujourd’hui, aurait sans doute refusé de s’exprimer sur la politique concrète de Macron. Je n’exclus pas qu’il eût été heureux de certaines inflexions (mais je ne veux pas me hasarder à parler à sa place). De toute façon, il ne se serait pas considéré comme son « père en politique », comme Macron ne se considère pas comme son « fils », lié à sa parole.

Qu’il s’agisse de sa réflexion éthique, des traces philosophiques, que devons-nous à Paul Ricœur ? Quels aspects de sa pensée demeurent à vos yeux les plus saillants, féconds ?

Michaël Fœssel - De Ricœur, on ne peut pas retenir des thèses sans se soucier de sa méthode. Sur des questions comme le mal, le langage poétique, le pouvoir ou la mémoire, il a apporté des aperçus tout à fait originaux, mais en suivant toujours la même méthode : explorer des positions contradictoires afin de proposer une thèse alternative. C’est une méthode aporétique qui consiste à mettre en dialogue des conceptions opposées : temps et récit s’ouvrent, par exemple, sur l’opposition entre le temps objectif du monde et le temps subjectif de l’âme. À partir de là, Ricœur propose une solution originale pour sortir de l’aporie (en l’occurrence, l’expérience humaine du temps passe par la mise en récit, la narration). Cette solution n’est pas un mixte entre les thèses opposées : Ricœur n’est pas le penseur consensuel du « en même temps ». Il vient toujours un moment, dans les dialogues qu’il met en scène, où il fait valoir le tranchant de sa propre position. Il dit à maintes reprises : « Ici je me tiens. » Cela veut dire que la philosophie n’est pas seulement faite de synthèses, mais qu’elle recèle une affirmation où elle expose sa propre responsabilité. Le meilleur de Ricœur se trouve dans cette manière d’aborder frontalement le conflit et de l’intérioriser pour faire paraître sa position singulière.

François Dosse - D’abord, une pensée de l’agir qui réfléchit à ce qui nous tient ensemble. Une disponibilité et une ouverture d’esprit accueillant tous les savoirs pour éclairer l’action. On lui doit surtout une démarche qui est celle de penser les impasses en échappant aux dilemmes réducteurs. On retrouve là le « en même temps », non pas comme pensée réconciliatrice et molle, mais au contraire qui tienne les deux extrêmes de la tension pour préconiser un projet d’avenir. Ricœur propose des médiations imparfaites qui permettent d’échapper aux fausses alternatives. Il aura ainsi proposé des concepts duels qui se corrigent mutuellement de leurs excès : le travail mais avec la parole, la critique mais avec la conviction, l’éthique avec la morale, l’amour avec la justice, l’histoire avec la mémoire, l’idéologie avec l’utopie. Ricœur reste toujours tourné vers le futur, vers un horizon d’attente à construire, vers un projet à redéfinir et une espérance à retrouver dans un avenir différent et émancipateur, vers une utopie concrète à rebâtir.

Jean-Louis Schlegel - Ricœur « donne à penser », à « réfléchir » au sens fort du mot, encore et encore, sur de très nombreuses questions qui nous importent vitalement mais sont remplies d’« apories » et d’incertitudes : je pense à l’interprétation des textes, aux liens entre histoire et mémoire, aux rapports entre la justice et l’égalité, entre ce qui est légal et ce qui est bon. Toujours avec le souci de penser les « médiations », ce que certains lui reprochent ou ne supportent pas. Mais on a eu beaucoup de « déconstruction », tandis qu’en un certain sens, lui « construit » (sans tomber dans la facilité pour autant) et, dans un monde « détruit » de toutes parts, beaucoup s’y retrouvent.

Vient de paraître  : Paul Ricœur, penseur des institutions justes, revue Esprit, 20 euros ; le Philosophe et le Président, Ricœur et Macron, de François Dosse, Stock, 256 p., 19 euros ; Anthologie Paul Ricœur, textes choisis et présentés par Michael Foessel et Fabien Lamouche, Le Seuil, coll. « Points-Essais », 431 p., 11 euros.

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La Bretagne dans sa diversité appelle à une autre réforme ferroviaire. | Joël Labbé, sénateur du MorbihanJoël Labbé, sénateur du Morbihan

Source : https://www.humanite.fr/en-debat/debats/que-reste-t-il-de-paul-ricoeur-chez-emmanuel-macron-646501

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Rubrique C – De l’écologie à l’écosophie

Écosophie signifie « la sagesse de la nature » et donc la connaissance de ce qui nous entoure. Cela intègre l’idée que nous faisons partie de la nature, il s’agit donc d’un nouveau contrat que l’on doit trouver avec elle ». 1er février 2019

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    Qu’est-ce que l’écosophie ? – Traduction du 07 avril 2022 par Jacques Hallard d’une étude intitulée « What is Ecosophy ? Par Manola Antonioli - École nationale d’architecture Paris La Villette (France), LAA – UMR 7218 LAVUE CNRS — Contact : ntonioli.manola@wanadoo.fr - Published : 2018-10-01
    Une partie de cet article a été publiée dans Manola Antonioli, “What is Ecosophy ?”, in Constantin V. Boundas, Schyzoanalysis and Ecosophy (London : Bloomsbury, 2017).

Photo Shin Takamatsu, SYNTAX, 1990

Le terme ’ écosophie ’ apparaît presque en même temps (sans connaissance précise de l’influence entre les deux écoles de pensée) dans les travaux du philosophe norvégien Arne Naess et de Félix Guattari1 :

’Ecosophie’ est composé du préfixe ’éco-’ que l’on trouve dans ’économie’ et dans ’écologie’, et du suffixe ’-sophie’ que l’on trouve dans ’philosophie’ [...] La sophia n’a aucune prétention scientifique spécifique, contrairement aux mots composés de logos (’biologie’, ’anthropologie’, ’géologie’, etc. ), mais toute vue de l’esprit dite ’sophique’ doit être directement pertinente pour l’action [...] La sophia signifie le savoir intuitif (acquaintance) et la compréhension, plutôt que la connaissance impersonnelle et abstraite2. [’Ecosophie’ est composé du préfixe ’eco-’ que l’on retrouve dans ’économie’ et ’écologie’, et du suffixe ’-sophie’ que l’on retrouve dans ’philosophie’ [...] La sophia n’a pas de prétention scientifique particulière, contrairement aux mots composés logos (’biologie’, ’anthropologie’, ’géologie’, etc.), mais tout point de vue ’sopique’ doit être directement pertinent pour l’action [...] La sophia signifie le savoir intuitif (acquaintance) et la compréhension, plutôt que la connaissance impersonnelle et abstraite].

Le préfixe ’eco’ fait également référence au grec oïkos, qui désigne la maison, le foyer, l’habitat et, par extension, nos environnements. Sur la base du suffixe sophia, Guattari décrit alors l’écosophie comme une articulation éthico-politique complexe (on pourrait ajouter, comme nous le verrons, esthético-philosophique) ’entre les trois registres écologiques (l’environnement, les relations sociales et la subjectivité humaine)3’. Dans un livre récent, intitulé Pour une écologie de l’attention, l’intellectuel suisse Yves Citton a le mérite d’attirer l’attention sur l’orientation fondamentale commune de ces deux approches de l’écosophie : ’la concaténation nécessaire de plusieurs niveaux essentiellement interdépendants’ et la ’compréhension centrale que les individus ne préexistent pas aux relations qui les façonnent4’, ce qui est également une affirmation fondamentale de la philosophie de Deleuze-Guattari :

’Le relationnisme a une valeur écosophique car il réfute la croyance selon laquelle les entités ou les personnes peuvent être isolées de leur environnement. Parler d’interaction entre les entités et leur environnement conduit à des idées fausses, car une entité est une interaction5’.

En opposition au discours standardisé sur le ’développement durable’, qui met l’accent (souvent de manière moralisatrice et culpabilisante) sur les relations entre les ’individus’ et leur environnement, l’écosophie (surtout dans sa variante guattarienne, à laquelle je me réfère spécifiquement ici) attire notre attention sur la pluralité des écologies, des environnements, des habitats, qui ne nous ’entourent’ pas comme un récipient envelopperait son contenu, mais qui nous définissent et que nous définissons et reconfigurons constamment dans un réseau de relations.

Tout d’abord, nous devons souligner la pluralité des écologies. D’une part, il existe une écologie ’managériale6’ qui vise à économiser nos ressources et à réduire l’impact environnemental de nos modes de production et de consommation. Son objectif est de prolonger (de manière supposée plus ’durable’ et ’soutenable’) les mêmes modes de vie et de production adoptés par le monde occidental depuis les révolutions industrielles successives, dans le but de les étendre aux pays dits ’émergents’. Dans ce ’capitalisme vert’ ou ’éco-business’, on ne voit aucune remise en cause de la finalité et de la nécessité de la production marchande de biens matériels ou immatériels (comme la connaissance et la culture), aucune véritable sagesse (sophia) environnementale, mais plutôt une dernière tentative (que l’on sait désormais inévitablement vouée à l’échec) de sauver le système économique et les valeurs associées aux idéaux de ’développement’ (qu’ils soient durables ou non), de ’croissance’, de ’consommation’.

Une autre écologie, plus radicale, dont l’écosophie est issue, considère que ’la crise écologique renvoie à une crise sociale, politique et existentielle plus généralisée’ et qu’elle ne peut être résolue par des mesures ad hoc de sauvegarde des milieux naturels. Selon Guattari, les questions politiques, sociales et économiques d’aujourd’hui, échappent de plus en plus à la ’politique des partis’ et nécessitent la réforme des pratiques sociales qui sont mieux adaptées aux problèmes planétaires locaux et globaux. Cette perspective ne consiste pas seulement à transformer le contexte de l’économie capitaliste traditionnelle de manière ’durable’, mais aussi à développer des ’conditions de vie’ alternatives qui nous permettent d’échapper à la ’nature non seulement non durable, mais aussi non désirée d’un système de développement qui encourage la ’fabrique de l’infélicité’’ 7. Ce projet, à l’échelle mondiale, implique la promotion de toutes les nouvelles pratiques (ralentissement, cycles courts, mise en commun des connaissances et de la créativité, réduction des effectifs, nouveaux paradigmes de production et de consommation) qui permettent de ’s’en sortir’.

Une autre écologie, plus radicale, dont l’écosophie est issue, considère que ’la crise écologique renvoie à une crise sociale, politique et existentielle plus généralisée’ et qu’elle ne peut être résolue par des mesures ad hoc de sauvegarde des milieux naturels. Selon Guattari, les questions politiques, sociales et économiques d’aujourd’hui, échappent de plus en plus à la ’politique des partis’ et nécessitent la réforme des pratiques sociales qui sont mieux adaptées aux problèmes planétaires locaux et globaux. Cette perspective ne consiste pas seulement à transformer le contexte de l’économie capitaliste traditionnelle de manière ’durable’, mais aussi à développer des ’conditions de vie’ alternatives qui nous permettent d’échapper à la ’nature non seulement non durable, mais aussi non désirée d’un système de développement qui encourage la ’fabrique de l’infélicité’’ 7. Ce projet, à l’échelle mondiale, implique la promotion de toutes les nouvelles pratiques (ralentissement, cycles courts, mise en commun des connaissances et de la créativité, réduction des effectifs, nouveaux paradigmes de production et de consommation) qui nous permettent de ’renforcer les liens entre nous et avec notre environnement8’.

Selon Guattari, la conscience environnementale ne concerne pas seulement les milieux naturels, les espaces bâtis ou les territoires physiques, mais aussi la réinvention des ’ territoires existentiels ’ individuels ou collectifs, en fonction du lien intrinsèque entre l’humanité et la biosphère, toutes deux dépendantes de la ’ technosphère ’ de plus en plus complexe qui les entoure. Ce changement global des finalités des activités humaines dépend largement de l’évolution des villes (où vit une grande partie de la population mondiale), comme Guattari tente de le démontrer dans son essai intitulé ’ Pratiques écosophiques et restauration de la cité subjective9 ’.

Partout dans le monde, les aires urbaines ressemblent de plus en plus à un ’archipel de villes’, dont les composantes sont reliées par toutes sortes de flux et de réseaux, un éparpillement de villes-monde déterritorialisées. Cette mise en réseau mondiale des aires urbaines a, d’une part, homogénéisé les équipements, les moyens de communication et de transport, les modes de vie et les mentalités des élites mondialisées, d’autre part, elle a exacerbé les différences entre les zones d’habitat. L’ancienne structure centre-banlieue a été profondément transformée et a donné lieu à une triple segmentation entre des zones urbaines suréquipées et surconnectées, des zones résidentielles de classe moyenne sans éclat, et des ceintures de pauvreté de plus en plus répandues dans le monde entier (banlieues des grandes villes européennes, bidonvilles ou favelas en Amérique du Sud et en Asie, sans-abri dans les rues et les parcs de toutes les villes des pays dits ’riches’). La déterritorialisation du capitalisme avancé a produit, au niveau urbain, une reterritorialisation généralisée basée sur la polarisation : riches/pauvres, intégration/désintégration.

Selon Guattari, la réponse à ces problèmes dépasse largement les domaines traditionnellement assignés à l’architecture, l’urbanisme, l’économie, pour engager un grand nombre de pratiques et de réflexions sociopolitiques, écologiques, éthiques et esthétiques. Nous ne pouvons donc pas séparer les problèmes liés aux infrastructures physiques, à la communication, au transport et aux services fournis par les fonctions ’existentielles’ en milieu urbain. Le phénomène urbain est au cœur des enjeux économiques, sociaux, écologiques et culturels et, à ce titre, ne peut être réduit à la question (pourtant essentielle) des nouvelles techniques de construction et à l’introduction de nouveaux matériaux permettant de lutter contre toutes les formes de pollution et de nuisances.

Guattari suggère alors que les futurs programmes de rénovation urbaine impliquent systématiquement, dans le cadre de contrats de recherche et d’expérimentation sociale, non seulement les architectes, les urbanistes, les politiques, mais aussi les chercheurs en sciences sociales et surtout les futurs habitants et usagers des sites. L’objectif est alors d’anticiper, par une démarche collective, l’évolution du cadre bâti, mais aussi des nouveaux modes de vie (pratiques de voisinage, éducation, culture, activités sportives, transports, accueil des enfants ou des personnes âgées, etc...) :

’ Ce n’est que dans un climat de liberté et d’émulation que pourront être expérimentées les voies nouvelles de l’habitat, et non à coups de lois et de circulaires technocratiques 10. ’

Les architectes et les urbanistes sont ainsi invités à devenir des ’artistes polysémiques et polyphoniques’, ne travaillant pas dans des contextes universels, destinés à être reconfigurés en réponse à des besoins dits de base définis une fois pour toutes (comme dans l’urbanisme et l’architecture moderniste), même si ces besoins sont désormais élargis pour intégrer les exigences de préservation de l’environnement, de ’confort’, de ’bien-être’ ou de santé des habitants. Les projets qui souhaitent initier une reconversion écosophique devront pousser à l’élaboration de nouveaux paradigmes de vie esthétiques, écologiques et sociaux, fondés sur des singularités définies par des procédures collectives d’analyse et de dialogue.

Toujours dans le cadre de l’écologie politique et philosophique française, André Gorz utilise à plusieurs reprises l’adjectif ’écosophique’, dans son livre Misère du présent. Richesse du possible 11, en se référant explicitement à Félix Guattari dans un chapitre consacré aux mutations nécessaires de la ville du futur et en mentionnant la proposition guattarienne de ’Cité subjective’. Selon Gorz 12, une nouvelle politique urbaine est également nécessaire pour que s’installe un projet de société alternatif : à travers l’organisation de l’espace social et des activités, les aménagements paysagers, les équipements, les sites qui peuvent être mis à la disposition des habitants, ’la politique de la ville appelle les auto-activités à se développer, leur en donne les moyens, les reflète à elles-mêmes comme étant non pas des improvisations éphémères ni des palliatifs subalternes adoptés faute de mieux, mais bien ce qu’une société qui demande à naître attend de tous et de chacun : projet commun proposé à tous, porteur de liens sociaux nouveaux 13. [La politique de la ville appelle les auto-activités à se développer, leur donne les moyens de le faire, les renvoie non pas comme des improvisations éphémères ou des palliatifs utilisés faute de mieux, mais comme ce qu’une société émergente attend de tous et de chacun : projet commun proposé à tous, porteur de liens sociaux nouveaux ’.

Curieusement, la plupart des projets actuels de conversion urbaine semblent ignorer ou sous-estimer l’importance de la demande collective d’une nouvelle ’ nature urbaine ’ qui s’exprime dans des pratiques aussi diverses que la prolifération des parcs publics et des potagers partagés, la guérilla, la permaculture ou la culture urbaine, la fonction du paysage, l’art, la recherche sur la biodiversité urbaine 14.... L’introduction d’organismes vivants est généralement limitée aux plantes, plus pour leur fonction esthétique que pour leur importance éthique, sociale et politique, alors que la présence d’animaux dans la ville15 est rarement prise en compte.

Dans de nombreux ouvrages, la géographe Nathalie Blanc a souligné à plusieurs reprises la nécessité de repenser les catégories urbain et rural, ville et nature quant à leur rôle dans l’environnement bâti et non bâti, dans nos représentations sociales et politiques et de renoncer à la notion environnementale ancrée de nature ’ rurale ’, ’ vierge ’ ou ’ indomptée ’, alors que nos vies sont toujours plus ancrées dans les villes :

’C’est là qu’il y a besoin d’un réaménagement des catégories. [Cest là qu’il y a besoin d’un réaménagement des catégories]. Ce qui ne veut pas dire faire l’impasse sur la ’nature rurale’ ou la ’nature sauvage’, bien sûr, mais repenser leur place en l’articulant avec celle de ’nature urbaine’ [...] Et c’est là un vrai enjeu intellectuel. Il faut l’affirmer avec force 16. [Ce qui, bien sûr, ne veut pas dire négliger la ’nature rurale’ ou la ’nature sauvage’, mais repenser leur place en même temps que celle de la ’nature urbaine’ [...] Et c’est là un vrai enjeu intellectuel. Il faut l’affirmer avec force]. Il faut l’affirmer avec force].

L’appel à la ’nature urbaine’ et à de véritables ’projets paysagers’, la recherche de nouveaux espaces communs, les démarches participatives, fondées sur le dialogue et l’appropriation (non réductible au concept de ’propriété’) apparaissent aujourd’hui comme autant de pistes pour une ville ’écosophique’ et l’affirmation de la nécessité d’un partage du sensible, où les critères environnementaux sont pris en compte dans le cadre d’un projet politique et esthétique plus large.

Sujets

La section Écosophies du Journal européen des pratiques créatives dans les villes et les paysages, recherche des contributions qui remettent en cause la dichotomie spéculative et pratique, en abordant la question de la ville, de son environnement et de la vie mentale de ses habitants comme une ’science nomade’. Une science nomade ne procède pas par hypothèses universelles, ni par prescriptions pratiques bureaucratiques ou politiques. L’écosophie suit plutôt un paradigme éthico-esthétique, fondé sur une dimension sensible, opérant par affects et singularités.

NB. La section lance un appel à contributions sur les thèmes suivants :

Pratiques non-managériales et conditions de vie alternatives. Au-delà du paradigme du ’développement durable’ qui souhaite sauver le modèle existant de production et de consommation, quelles sont les pratiques qui le remettent véritablement en question ? Au-delà des concepts universellement valables d’’innovation’, de ’durabilité’ ou de ’participation’, peut-on penser à des pratiques qui produisent des formes alternatives d’organisation et de territorialisation ?

La culture et le paradigme esthétique. L’écosophie appelle à ce que Félix Guattari a défini comme un ’paradigme esthétique’. Dans ce cas, ’esthétique’ ne doit pas être compris comme le domaine spécifique de l’art, réservé à quelques privilégiés, mais plus généralement au sens étymologique d’aesthesis, sensibilité, dimension sensible, fonctionnant par affects et singularités, base de toute science ’mineure’. Dans un sens plus large, est-il possible de comprendre la culture comme un ensemble de pratiques esthétiques à travers lesquelles nous exprimons des subjectivités individuelles et collectives ?

Des technologies pour la ville subjective. Félix Guattari a opposé l’utopie de la ’Jérusalem céleste’ aux possibilités de la ’Cité subjective’, dans laquelle la triste déterritorialisation de la vie sous le capitalisme, et ses faux antidotes dans le nationalisme et le fondamentalisme religieux, sont défiés par un nomadisme existentiel dans lequel nous réapprenons différentes lignes de ’déterritorialisations machiniques, communicationnelles et esthétiques’. Quels sont les outils permettant d’activer ces processus de subjectivation ? Comment le rôle des figures professionnelles - architectes, urbanistes, psychologues, sociologues, etc. - évolue-t-il face aux défis posés par la ville subjective ?

Écosophies, pouvoir et savoir. Les Trois écologies de Guattari ont été publiées à titre posthume en 1995. Aujourd’hui, certaines des idées radicales qu’il contient, telles que la participation, la nature urbaine, l’espace commun, l’inclusion du genre, etc., sont devenues - au moins formellement - partie intégrante des directives politiques de nombreuses villes, et sont incorporées dans des projets de recherche et des cours universitaires. Quelle est la relation entre l’écosophie et les autres ’sciences royales’ ? Quelles sont les relations de pouvoir impliquées dans la capture de l’écosophie par les appareils du gouvernement municipal ?

Références  : à retrouver au site source > https://iiraorg.com/2021/10/12/what-is-ecosophy/

Institute for Interdisciplinary Research into the Anthropocene - Contact

« But : Le moment présent exige une action collective et des efforts unifiés de la part des universitaires, des décideurs politiques et des activistes de la communauté mondiale. La désignation de cette époque comme l’Anthropocène signale les changements considérables qui résultent de l’occupation anthropocentrique de la Terre. Plutôt que d’adopter une approche moraliste ou limitée de cette habitation et de son avenir, l’Institut de recherche interdisciplinaire sur l’anthropocène (IIRA) a pour objectif principal d’encadrer ces processus, de réfléchir à leurs conséquences et de décider de ce qui peut être fait… ».

Copyright © 2018 Manola Antonioli - This work is licensed under the Creative Commons BY License. https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/ - October 12, 2021 - Published by David R Cole - View all posts by David R Cole

Source : https://iiraorg.com/2021/10/12/what-is-ecosophy/

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« L’homme ne se situe pas au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrit au contraire dans l’écosphère comme une partie qui s’insère dans le tout. » - Arne Næss, Écologie, communauté et style de vie1

C’est autour de ce constat que va se développer l’écosophie comme un courant de pensée du mouvement écologiste depuis les années 1960.

Ce courant est proche de celui de l’éthique de l’environnement qui remet en cause l’homme comme mesure de toute chose, ou comme sommet absolu de l’évolution, s’autorisant à puiser sans limite dans les ressources naturelles.

L’écosophie inclut dans son idéologie et ses conceptions philosophiques une forme de morale sociale écosophique. Le socius2 écosophique est défini d’après un système apyramidal écosocial sans stratifications sociales prédéterminées.

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    Écosophie : pour parler moins d’écologie mais en faire (beaucoup) plus - Par L’ADN - Le 1er février 2019 – Document ‘ladn.eu’ - Photo - © Dimitris66 via Getty Images
    Même si notre conscience écologique s’affirme, la réalité est que nous vivons cela comme une contrainte et que nous peinons à l’inscrire dans nos actes.

Comment répondre aux urgences environnementales si nous n’agissons pas – collectivement et individuellement – pour les résoudre ? Dans le podcast Vlan, le sociologue Michael Dandrieux nous propose un nouveau contrat : l’écosophie.

De l’écologie à l’écosophie… de l’importance de la nuance des mots

Étymologiquement, écologie signifie « le discours sur la nature » . Or, ce discours n’arrive pas à convaincre en masse, ni à mobiliser concrètement nos actions individuelles.

Or, l’urgence des questions de l’environnement nous contraint à ne plus seulement parler d’écologie mais à agir. C’est ici que le concept d’écosophie a toute sa pertinence. Écosophie signifie « la sagesse de la nature » et donc la connaissance de ce qui nous entoure. Cela intègre l’idée que nous faisons partie de la nature, il s’agit donc d’un nouveau contrat que l’on doit trouver avec elle.

Comme le souligne Michael Dandrieux : « Entre les insuffisances des actions institutionnelles et les “gouttes d’eau dans l’océan” que semblent apporter parfois en vain les plus volontaires d’entre nous, émergent, disparaissent et renaissent des phénomènes latents : cafés concepts parisiens, magasins bio, épiceries en vrac qui apparaissent dans nos quartiers sont autant des signes annonciateurs d’un changement des mentalités que de réactions plus opportunistes à des modes passagères » .

L’écosophie pour changer les comportements face à l’enjeu écologique

Nous revenons sans cesse à cette question. Comment faire basculer nos comportements sans que cela soit vécu comme une contrainte car personne ne choisira la contrainte si on lui donne le choix ?

À l’inverse de l’écologie, l’écosophie n’est pas punitive, elle est enveloppante puisqu’elle te dit « tu es ton environnement » et elle va te récompenser (cela peut être aussi bête qu’une gamification) quand tu fais des gestes qui vont dans le sens de cette symbiose. C’est un petit pas de côté mais qui peut tout changer.

Ce jeu ne doit pas venir uniquement de l’État, mais aussi des individus au sein de petites structures. Par ailleurs, cette transformation doit également être portée par des entreprises. Ces structures ont aujourd’hui la puissance de faire évoluer les mentalités par la publicité mais aussi et surtout par leur engagement sociétal. Si le RSE a pu être un département en désamour, il est aujourd’hui le plus important dans les entreprises.

Les consommateurs les plus avertis demandent cet engagement de la part des marques dont certaines comme Patagonia ou Chobani prennent les devants. Elles doivent nous aider à repenser notre rapport à notre environnement, voire même à notre corps qui est souvent considéré comme une simple « machine ».

Comme le souligne Michael Dandrieux dans le podcast, il faut repenser notre rapport à l’habitat. Qu’est-ce que signifie habiter son quartier, sa ville, sa maison, son emploi, son corps, sa pratique du sport… C’est la seule voie que doit emprunter l’humanité pour relever le défi de son existence sur la planète.

Pour aller plus loin... >

L’ADN les séquences de l’innovation

Site Ladn.eu – ACPM

Source : https://www.ladn.eu/wp-content/uploads/2019/02/ecosophie-ecologie-1140x476.jpg?v=202204

Informations sur L’ADN GROUPE - Révéler le meilleur de l’époque - Créer des liens durables -

L’ADN est le média mutant pour une société qui se réinvente absolument. Parce que la rupture écologique & les accélérations technologiques nous adressent un défi inédit, et parce qu’avec leur grand pouvoir, vient aux entreprises une grande responsabilité, nous nous engageons pour l’avènement d’une économie nouvelle : fondée, non plus sur l’exploitation, mais bien sur la régénération de nos ressources naturelles & notre énergie humaine.

L’ADN parie sur l’esprit de conversation pour nous comprendre et nous changer. Parce que la société est façonnée par des mondes qui trop souvent s’ignorent, nous recréons les liens essentiels entre les experts, les entreprises & les citoyens et mettons en résonance : les pratiques des organisations, l’actualité des technologies & sciences, l’intuition des artistes & artisans, l’ébullition des nouveaux médias, et les stratégies inventives des consommateurs que, par ailleurs, nous sommes tous.

L’ADN révèle le meilleur de l’époque pour hâter l’émergence d’un avenir alternatif. Parce que nous reconnaissons que le progrès se réalise un pas, décidé, après l’autre, nous rassemblons et transmettons les outils, concepts & expériences qui permettent aux intuitions de se muer en action pour le bien commun. Nous sommes à la fois ouverts aux réalités des entreprises & fermes sur nos engagements — engagement en faveur d’une économie qui n’exclut pas, d’une industrie qui ne pollue plus, et d’une communication qui ne wash rien, ainsi participons-nous, activement, au grand récit que notre temps appelle : cet élan partagé vers un avenir encore et toujours habitable.

Nous voulons, à L’ADN GROUPE, accompagner l’émergence de cette nouvelle économie.

En racontant les meilleurs concepts et expérimentations avec

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En la rendant sensible avec

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En accompagnant les entreprises par le récit avec :

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En participant à la transformation du business model des entreprises, avec :

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    Les deux écosophies – Par Manola Antonioli - Dans Chimères 2015/3 (N° 87), pages 41 à 50 – Diffusé par ‘cairn.info’
    1 Le terme « écosophie » apparaît presque en même temps chez le philosophe norvégien Arne Naess et chez Guattari [1][1] Arne Naess, Écologie, communauté et style de vie (1989),… : « ‘Écosophie’ est composé du préfixe ‘éco’ que l’on trouve dans ‘économie’ et dans ‘écologie’, et du suffixe ‘sophie’ que l’on trouve dans ‘philosophie’ (…). La sophia n’a aucune prétention scientifique spécifique, contrairement aux mots composés de logos (‘biologie’, ‘anthropologie’, ‘géologie’, etc.), mais toute vue de l’esprit dite ‘sophique’ doit être directement pertinente pour l’action (…). La sophia signifie le savoir intuitif (acquaintance) et la compréhension, plutôt que la connaissance impersonnelle et abstraite » [2][2] Arne Naess, op. cit., p. 72..

2 Le préfixe « éco » renvoie à son tour au grec oïkos, qui indique la maison, la maisonnée, l’habitat et, par extension, nos environnements. Guattari décrivait ainsi l’écosophie comme une articulation éthicopolitique « entre les trois registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine » [3][3] Félix Guattari, op. cit., p. 12-13.. Dans un ouvrage récent, Yves Citton a souligné l’orientation fondamentale commune à ces deux visions de l’écosophie : « la nécessaire concaténation de plusieurs niveaux essentiellement solidaires » et l’« affirmation centrale que les individus ne préexistent pas aux relations qui les constituent » [4][4] Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Seuil, 2014, p.…, qui est aussi un acquis fondamental de la philosophie de Deleuze-Guattari : « Le relationnisme a une valeur écosophique parce qu’il permet de faire disparaître la croyance selon laquelle les organismes ou les personnes sont des choses isolables de leur milieu. Parler d’interaction entre les organismes et le milieu nourrit de fausses idées, parce qu’un organisme est une interaction » [5][5] Félix Guattari, op. cit., p. 33 et p. 66..

3 Contre les discours standardisés sur le « développement durable », qui mettent l’accent (souvent moralisateur et culpabilisant) sur les relations entre les « individus » et l’environnement, l’écosophie attire l’attention sur la pluralité des écologies, des environnements, des milieux, qui ne nous « entourent » pas comme un contenant envelopperait un contenu mais qui nous constituent et que nous ne cessons de constituer et de reconfigurer dans un faisceau de relations.

4 Tout d’abord, il s’agit de mettre l’accent sur la pluralité des écologies. Il existe une écologie « gestionnaire » [6][6] Yves Citton, op. cit., p. 156. (et que Naess appelle, par opposition à la deep ecology, « écologie superficielle ») qui vise à économiser nos ressources, à réduire l’impact environnemental de nos modes de production et de consommation, voire à rechercher les solutions à la crise environnementale exclusivement dans l’innovation technologique. Sa finalité est celle de prolonger (de façon prétendument plus « durable » et « soutenable ») les mêmes modes de vie et de production adoptés par le monde occidental depuis les révolutions industrielles successives, dans la perspective de les étendre aux pays dits « émergents ». On ne voit émerger dans ce « capitalisme vert » ou « éco-business » aucun questionnement sur la finalité et la nécessité de la production marchande de biens matériels ou immatériels (comme la connaissance et la culture), aucune véritable sagesse (sophia) environnementale, mais plutôt une dernière tentative (que l’on sait désormais vouée à l’échec) pour sauver le système économique et les valeurs associées aux idées de « développement », de « croissance », de « consommation ».

5 Une autre écologie, plus radicale, dont relève l’écosophie, considère que la crise écologique renvoie à une crise plus générale du social, du politique et de l’existentiel et qu’elle ne pourra être résolue par des mesures ponctuelles de sauvegarde des environnements naturels. Les enjeux politiques, sociaux et économiques actuels, affirme Guattari, échappent de plus en plus à la « politique politicienne » et exigent la refondation de pratiques sociales qui soient mieux adaptées aux problèmes de terrain locaux et aux problèmes planétaires d’ordre global. Il ne s’agit donc pas seulement de modifier dans un sens « durable » le cadre classique de l’économie capitaliste, mais de concevoir des « formes de vie » alternatives qui nous permettent d’échapper au caractère « non seulement insoutenable, mais surtout indésirable, d’un mode de développement accouchant d’une ‘fabrique de l’infélicité’ » [7][7] Ibid., p. 157. Yves Citton emprunte l’expression « fabrique de…. Ce projet, bien plus global, implique de promouvoir les nouvelles pratiques (de ralentissement, de circuits courts, de mise en commun des savoirs et de la créativité, de décroissance, de nouvelles formes de production et de consommation) qui nous permettent de « revaloriser les liens qui nous attachent les uns aux autres ainsi qu’à notre environnement » [8][8] Ibid., p. 156..

Deep ecology

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6 Après une carrière universitaire en Norvège qui a duré plus de trente ans, consacrée à des recherches sur la sémantique, la philosophie des sciences, la pensée de Spinoza et Gandhi, Naess abandonne son poste de professeur de philosophie en 1968 et se consacre à une réflexion ininterrompue sur la menace de l’écocatastrophe et les moyens d’y remédier, à l’aide d’une pensée qui puisse devenir un support pour l’action. En 1973, il énonce les principes directeurs de l’écologie profonde (deep ecology) dans un article intitulé « The shallow and the deep : long-range ecology movements » [9][9]L’article a été traduit en français par Hicham Stéphane…. Il essaiera par la suite de fonder une nouvelle approche, métaphysique et systématique, de la problématique environnementale qui soit en mesure de dépasser la seule dimension éthique. Il s’agit ainsi de fonder une nouvelle ontologie dans laquelle l’existence de l’humanité est conçue comme inséparable de l’ensemble de la nature et qui puisse devenir un point de départ pour une action collective dans le domaine écologique. L’enseignement principal de l’écologie scientifique et de ses concepts fondamentaux de « complexité », « diversité » ou « symbiose », consiste selon Naess à faire émerger l’existence de relations entre les entités « comprises comme des composantes essentielles de ce que ces entités sont en elles-mêmes » [10][10] Arne Naess, op. cit., p. 70.. Naess appelle ainsi « écophilosophie » un domaine d’études qui se situe à l’intersection de l’écologie et de la philosophie, domaine descriptif et analytique qui n’opère aucun choix de priorité de valeurs fondamentales : afin de trouver des solutions face aux situations pratiques et politiques dans lesquelles nous sommes impliqués, il est nécessaire de développer des « écosophies », qui puissent contribuer à orienter le mouvement international de l’« écologie profonde » et sa volonté de transformation des structures sociales et politiques anti-écologiques.

7 L’écosophie ne prétend pas au statut de « science », mais à celui d’une forme de « sagesse » qu’on pourrait rapprocher du statut des sciences nomades, itinérantes, mineures, décrit par Deleuze et Guattari dans Mille plateaux[11][11] Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux, Minuit, 1980,…. Il s’agit d’un genre de science (ou mieux d’une approche alternative des sciences et des savoirs) caractérisé par l’affect, la singularité, la variation, qui ne se réduit pas à un ensemble de « techniques » mais qui ne procède pas non plus par « théorèmes ». Elle préfère se déployer à travers des projets singuliers toujours centrés sur des « problèmes-événements ».

8 Les sciences nomades se distribuent (comme les machines de guerre) dans un espace ouvert occupé par des « choses-flux » ou des « choses-événements », alors que les sciences majeures ou royales conçoivent des espaces fermés pour des choses et des savoirs linéaires, structurés et solides. Mais les cas les plus intéressants (dans la science, comme dans la philosophie, l’art et la politique) sont toujours les cas de frontière, ceux où les formes d’organisation et de savoir nomades exercent une pression sur les savoirs ou les formes de pouvoir de type molaire et sédentaire qui s’efforcent de les conjurer sans jamais y parvenir et qui finissent ainsi (bien trop souvent) par se les approprier et les transformer.

9 Les sciences mineures, ambulantes ou nomades ne cherchent pas à prendre un pouvoir, mais subordonnent l’ensemble de leurs opérations aux dimensions sensibles de l’intuition et de la construction, où il s’agit de suivre les singularités d’une matière, de tracer et raccorder des actions dans un espace-temps lisse. Forme de « connaissance approchée », toujours orientée par des évaluations sensibles plutôt que par des lois rationnelles, elles posent toujours plus de problèmes qu’elles ne peuvent en résoudre : l’écosophie pourrait être interprétée comme une de ces sciences, techniques, savoirs de frontière qui se situent non pas en opposition mais dans un dialogue incessant avec les sciences institutionnelles ou « majeures » (dans ce contexte, l’écologie dite « scientifique » ou les différentes démarches labellisées « développement durable »). Naess élabore ainsi une « plateforme de l’écologie profonde » (qu’il appelle Écosophie T, où le T renvoie de façon personnelle et autobiographique au refuge de montagne à Tvergastein, en Norvège, où il a passé une grande partie de sa vie) qui a pour but de préciser les caractéristiques communes à tous les mouvements, pluriels, qui se revendiquent de l’écologie profonde, au-delà ou en deçà des nombreuses divergences qui subsistent entre eux du point de vue philosophique, éthique, religieux ou politique. Cependant, beaucoup d’autres écosophies (A, B, C…) pourraient être conçues et développées, dans une vision pluraliste des problèmes environnementaux et des méthodes d’action possibles pour y faire face [12][12] Les huit formules de la plateforme de l’Écosophie T ont été….

Soi-même comme un autre…

10 La première composante de l’écosophie dans la version de Guattari est la nécessité d’une nouvelle « écologie mentale », à laquelle il a consacré une grande partie de son existence dans son travail à la clinique de La Borde où se pratique une psychothérapie institutionnelle. À partir d’une critique de l’inconscient freudien et lacanien, Guattari a développé la vision d’un inconscient schizoanalytique ou machinique, ouvert aux interactions sociales et économiques, aux événements historiques et politiques et non plus exclusivement axé sur l’enfance individuelle et le contexte familial. Cette vision de l’inconscient permet de mieux comprendre que les anciens territoires du Moi, de la famille, de la profession, de la religion, de la culture et des appartenances à des groupes sociaux ou ethniques se déterritorialisent sous l’impact des mass-médias, de la communication et de l’information, des nouvelles technologies, et qui ne peuvent pas être considérés simplement comme des facteurs extra-psychiques mais comme des composantes essentielles de ce que Deleuze et Guattari appellent une « production de subjectivité », irréductible aux sujets constitués : « L’inconscient, j’y insiste, n’est pas quelque chose que l’on rencontre uniquement en soi, une sorte d’univers secret. C’est un nœud d’interactions machiniques, à travers lequel nous sommes articulés à tous les systèmes de puissance et à toutes les formations de pouvoir qui nous entourent » [13][13] Félix Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ? op. cit., p. 195..

11 Inspiré à la fois par sa connaissance de la philosophie de Spinoza et par les travaux des psychologues de la Gestalt du début du xxe siècle (Wolfgang Kölher et Kurt Lewin, entre autres), Arne Naess insère pour sa part ce niveau de l’« écologie mentale » dans une vision psychologique et ontologique à la fois : l’écosophie exige une conversion de notre regard sur le monde, dans lequel nous pourrions nous percevoir comme une composante parmi d’autres d’ensembles interconnectés, comme une partie du monde et de la nature, au-delà de l’opposition traditionnelle entre sujet et objet.

Naess pense ce processus d’identification avec tous les aspects de la nature dans les termes d’une « réalisation de Soi » non autocentrée, un processus en devenir au sein duquel nous percevons progressivement nos actions comme faisant partie d’une gestalt de plus en plus étendue. « Considérée dans cette perspective, la philosophie de la ‘deep ecology’ nous semble consister essentiellement en l’articulation des trois thèses majeures suivantes :

  • 1. la thèse selon laquelle l’acquisition de sa propre identité implique de repousser les limites traditionnelles de l’individuation personnelle et conduit à une identification avec toutes les autres formes de vie (thèse de l’identification) ;
  • 2. la thèse selon laquelle cet élargissement de la conscience par lequel chacun s’éprouve lui-même comme un élément de la vie universelle correspond à une réalisation de soi (Self-realization), comprise comme développement de ses propres potentialités (thèse de la réalisation de soi) ;
  • 3. La thèse selon laquelle l’interdépendance constitutive de toute chose implique de rejeter toutes les approches analytiques de la réalité qui conçoivent les entités comme étant séparées les unes des autres, au profit de l’idée qu’il n’y a pas de coupure ontologique dans le champ de l’existence (thèse du holisme métaphysique) » [14][14] Hicham-Stéphane Afeissa, postface à l’édition française de Arne….
    Technologie et écologie sociale

12 Bien que Naess affirme à plusieurs reprises ne pas vouloir céder à la tentation mystique d’une fusion des « moi » individuels dans le Moi plus étendu de la nature, son projet de « réalisation de Soi » semble réduire l’importance des médiations sociales et techniques pour aboutir à une relation intuitive entre le « Soi » et la « Nature ». Dans cette approche, la technique et surtout la technologie font l’objet d’une vision essentiellement négative, en tant qu’obstacles au « style de vie » recherché par l’écosophie [15][15] Arne Naess, Écologie, communauté et style de vie, op. cit., p.…. L’alternative proposée au gaspillage qui caractérise les technologies industrielles et à l’impersonnalité des relations encouragée par les technologies administratives est le modèle nordique de la fritlufsliv traditionnelle, du séjour en hutte et du retour à la nature que Naess lui-même a expérimentés pendant une grande partie de sa vie dans son refuge de montagne. Même si Naess considère que les objectifs de l’écologie profonde n’impliquent aucune dépréciation radicale de la technologie ou de l’industrie pour prôner un contrôle culturel général de leur développement et l’introduction de « technologies légères » plus respectueuse des équilibres humains et naturels, la réflexion sur les techniques reste néanmoins très marginale dans sa version de l’écosophie. Tout autre est la dimension « machinique » de l’écosophie guattarienne qui associe toujours l’homme, la nature, la technique et la société et qui ne cesse de réfléchir aux perspectives d’une évolution technologique qui ne soit pas simplement une entreprise illimitée de maîtrise, de toute-puissance, d’asservissement et d’exploitation.

13 Comme le souligne Stéphane Nadaud dans sa préface aux textes de Guattari réunis dans le volume Qu’est-ce que l’écosophie ?, l’écosophie telle que Guattari la « fabrique » (en procédant, comme toujours, par bricolage à partir de ses lectures, de ses rencontres, de ses engagements militants) n’est pas réductible à l’écologie telle qu’on nous la présente habituellement : éco-sophie est plus proche de philo-sophie que d’écologie, dans la mesure où les oïkos, les environnements desquels il faut se soucier sont au moins trois (écologie mentale, sociale et environnementale) mais en réalité beaucoup plus nombreux (environnement économique, environnement médiatique, environnement technologique, environnement urbain, tous impliqués dans un questionnement autour de la préservation des équilibres naturels, psychiques et sociaux).

14 Par ailleurs, il n’existe pas de « bon vieux temps », d’âge d’or de l’harmonie entre homme et nature qui se situerait avant l’avènement de la technique. En écologiste atypique, depuis toujours animé par une véritable « passion des machines », Guattari considère (dans la perspective qui associe « capitalisme et schizophrénie ») que « les nouvelles technologies sécrètent, dans le même mouvement, de l’efficience et de la folie » [16][16] Félix Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ? op. cit., p. 433. et que le pouvoir de Big Brother présente d’innombrables fissures qui constituent des marges de manœuvre pour des usages alternatifs des nouveaux médias et des nouvelles technologies. « La question de l’éthique des médias et de l’orientation prospective des nouvelles technologies de communication, d’intelligence artificielle et de commande continue est, avec la problématique écologique, un des deux axes de recomposition d’une pensée de progrès pour la planète aujourd’hui » [17][17] Ibid., p. 439.. Une nouvelle « éthique des médias » et des composantes technologiques de la subjectivité individuelle et collective est ainsi aussi indispensable qu’une nouvelle « éthique environnementale ».

15 L’amour d’Arne Naess pour la montagne norvégienne et son intérêt pour la préservation d’espaces naturels à l’état « sauvage » (wilderness) laisse également en arrière-plan le niveau de ce que Guattari appelle l’« écologie sociale », l’analyse de l’impact de pratiques peu soucieuses des environnements sur les relations sociales et politiques. Ce niveau finit par être noyé dans l’élaboration des principes généraux susceptibles de mener à l’élaboration d’une éthique environnementale et dans la perspective métaphysique et ontologique de sa vision de l’écosophie.

C’est par ailleurs le reproche principal qui a été adressé à cette version de l’écosophie par Murray Bookchin, fondateur de l’écologie sociale  : « Pour le dire de manière abrupte, la deep ecology, en dépit de toute sa rhétorique sociale, n’a pas vraiment pris conscience de l’enracinement de nos problèmes écologiques dans la société et dans les problèmes sociaux. Elle prêche un évangile où il est question d’une sorte de ‘péché originel’ dont serait responsable une espèce aux contours mal dessinés appelée ‘humanité’ – comme s’il n’y avait pas de distinction à faire entre les hommes de couleurs et les hommes blancs, entre les hommes et les femmes, entre le Tiers-Monde et les pays développés, entre les pauvres et les riches, entre ceux qui exploitent et ceux qui sont exploités » [18][18] Murray Bookchin, cité par Hicham-Stéphane Afeissa dans sa….

Communauté et agencements, écologie profonde et écologie intégrée

16 On retrouve par ailleurs chez Naess l’attitude régressive qui caractérise plusieurs courants du mouvement écologiste et qui se traduit notamment par la nostalgie à l’égard de formes de communautés locales « désirables » et de petite taille. Les critères positifs censés caractériser ces « communautés vertes » sont les suivants [19][19] Cf. Arne Naess, Écologie, communauté et style de vie, op. cit.,… : des communautés enracinées dans une dimension locale (en réaction à la dimension mondialisée de la modernité), organisées selon des formes de démocratie directe, d’une extension géographique assez réduite pour qu’on puisse parcourir leur territoire par des moyens de transport « légers » (comme le vélo ou la marche à pied), dotées d’une culture et d’un artisanat qui se caractérisent par un haut degré de « couleurs locales ». Cette nostalgie est entièrement absente de la proposition écosophique de Guattari, pour laquelle les dynamiques de territorialisation et de déterritorialisation, l’échelle locale et l’échelle globale ne sont jamais exclusives l’une de l’autre. Dans ce cadre, loin de toute fusion instinctive et immédiate avec la « Nature », le projet écosophique doit être construit par l’invention d’agencements à la fois sociaux, politiques, économiques, technologiques et sensibles qui non seulement prennent en charge « les problèmes des rapports sociaux antagonistes, mais qui prennent aussi en compte les devenirs de la biosphère, les devenirs animaux, végétaux, l’avenir de l’atmosphère, et puis l’avenir des dimensions incorporelles de l’écologie, des formes culturelles, des formes de sensibilité » [20][20] Félix Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ? op. cit., p. 94., dans le contexte global d’une critique d’une économie orientée seulement par les exigences du marché.

17La distinction introduite par Naess entre une « écologie profonde » et une « écologie superficielle », bien qu’elle ne soit jamais présentée comme une dichotomie irréductible, fait intervenir par ailleurs la dimension surplombante du regard transcendant du philosophe capable de dicter de nouveaux présupposés philosophiques, scientifiques et religieux à une humanité égarée et oublieuse de son lien avec la nature, position incompatible avec l’immanence dans laquelle s’inscrit selon Guattari la praxis écosophique destinée à réinventer (par l’art, la politique, l’analyse, par de nouveaux usages de la technologie) le « commun » fait de nouvelles relations entre la vie inorganique de la Terre, la vie organique des végétaux, des animaux, des humains et l’évolution des techniques qui donnent forme à leur subjectivité individuelle et collective à travers les âges.

Voir toutes les Notes à la source d’origine : https://www.cairn.info/revue-chimeres-2015-3-page-41.htm

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Vidéos >

Source : https://www.youtube.com/watch?v=BViopoP2hyU

A propos d’Hervé Naillon - ’Quand tu auras cessé d’espérer, je t’apprendrai à vouloir’ Sénèque - Paris, Île-de-France, France+ de 500 relations - Inscrivez-vous pour entrer en relation- Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - À propos de lui - Spécialiste des questions de développement durable dans une approche systémique. Travail avec les ingénieurs projets (ACV, écologie industrielle) - Orientation stratégique - Planning stratégique – Marketing – Communication – Environnement – Stratégie - Marketing/communication – Source : https://fr.linkedin.com/in/herv%C3%A9-naillon-6bb68230

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    Écosophie : une nouvelle sagesse de l’écologie exposée par François Flahault – Vidéo 25:01 - 03 juillet 2018 - Espace Éthique
    François Flahault, Philosophe, directeur de recherche émérite au CNRS, il anime un séminaire d’anthropologie générale à l’EHESS Captation de la soirée Les nouveaux mots & concepts de la bioéthique : quel monde pour demain ?, organisée le 6 juin 2018 à la Mairie du IVème arrondissement de Paris, à l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Sébastien Claeys « De disruption à prosommateur : 40 mots-clés pour le monde demain » (Ed. du Pommier).

Retrouvez sur notre chaîne Youtube toute l’actualité de l’Espace éthique Île-de-France : les colloques, films, rencontres, et entretiens réalisés par les équipes. Réalisation : Patrice Dubosc Vous pourrez également retrouver ces vidéos, ainsi que de nombreuses ressources, sur le site de l’Espace éthique Île-de-France : www.espace-ethique.org Suivez-nous sur les réseaux sociaux : Facebook : www.facebook.com/espace.ethique Twitter : www.twitter.com/EspaceEthique

Source : https://www.youtube.com/watch?v=wsG7cnTV2rI

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    Passer de l’écologie à l’écosophie et de la parole à la sagesse avec Michael Dandrieux - Vlan #71 : vidéo 21:12 - 18 décembre 2018 - Vlan
    Michael Dandrieux est sociologue de l’imaginaire et nous parlons avec lui du passage de l’écologie à l’écosophie. Vous ne connaissez pas ce concept ? Moi non plus je ne le connaissais pas jusqu’à ce qu’il me le fasse découvrir et me l’explique. Je suis donc ravi de partager cela avec vous aujourd’hui. En cette période de fêtes et par conséquent de surconsommation, on peut se mettre les mains devant les yeux et continuer à vivre de la même façon ahurit par le quotidien, mais il est difficile d’ignorer que nous vivons une urgence écologique.

Je crois qu’on peut désormais tous accepter l’idée que cette urgence aura des impacts, l’idée est de savoir à quel points et comment réagir pour que la claque soit moins violente le jour où elle viendra nous toucher. Michael, qui est déjà venu sur ce podcast, propose de passer de l’écologie (parler de la nature) à l’écosophie (une nouvelle sagesse avec la nature). Allez Vlan ! C’est parti !

Source : https://www.youtube.com/watch?v=M82BpxkW6XE

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Annexe sur ‘Huglo Lepage’

« Huglo Lepage se renouvelle » - Arnaud DUMOURIER - 03 janvier 2018

https://www.lemondedudroit.fr/images/stories/1-UNES/huglo-lepage.jpg

Vie des cabinets

A la suite de la *scission avec leurs quatre anciens associés, Corinne Lepage et Christian Huglo renouvellent et renforcent le développement du cabinet Huglo Lepage Avocats.

C’est une page qui se tourne pour le cabinet Huglo Lepage, créé en 1978 par Corinne Lepage et Christian Huglo, à la suite de la *scission avec leurs quatre anciens associés (Alexandre Moustardier, Marie-Pierre Maître, François Braud et Julien Girard) qui ont décidé de créer le cabinet Atmos Avocats.

Le cabinet Huglo Lepage Avocats, lancé par Corinne Lepage et Christian Huglo, est composé d’une équipe de 12 avocats et juristes. Il et est installé au 42, rue de Lisbonne dans le 8ème arrondissement de Paris.

Huglo Lepage Avocats bénéficie d’une expertise reconnue en droit de l’environnement depuis 40 ans. Le cabinet conseille des collectivités locales, des institutions publiques et exerce la plus grande partie de son activité de contentieux dans le domaine du droit public et notamment du droit public des affaires.

Innovation juridique

En se réinventant, Huglo Lepage Avocats a pour ambition de concevoir et mettre en œuvre des stratégies juridiques innovantes. « L’anticipation des normes est un atout économique pour les entreprises. Ce n’est donc pas du tout les servir intelligemment que de les aider à contourner la législation. Notre travail de juriste est d’anticiper, de faire de la stratégie et d’utiliser la transition écologique, énergétique et juridique pour en faire un atout pour nos clients », explique Corinne Lepage, Associée-Fondatrice du cabinet.

Activité Doctrinale

Par ailleurs, le cabinet poursuit son activité doctrinale. Le cabinet est toujours l’auteur du code commenté de justice administrative aux éditions Litec. Il est également à la pointe de la doctrine dans le domaine de l’environnement. Christian Huglo co-dirige le jurisclasseur environnement et le cabinet est aussi l’auteur du code de l’environnement commenté aux éditions Litec. Christian Huglo va également publier un ouvrage sur la justice climatique au printemps 2018.

De nouveaux axes de développement 

Huglo Lepage Avocats projette l’ouverture d’un cabinet à Marseille, à Montpellier et à Strasbourg. Le cabinet veut aussi se développer à l’international avec un projet d’implantation à Casablanca mais aussi en se rapprochant du réseau ClientEarth.

Arnaud Dumourier (@adumourier)

*Rectificatif : Dans notre numéro du 3 janvier 2017, c’est par erreur que nous avons indiqué le départ d’Alexandre Moustardier, Marie-Pierre Maître, François Braud et Julien Girard du cabinet Huglo Lepage Avocats, et indiqué qu’il avait été créé en 1978 par Corinne Lepage et Christian Huglo. En effet, ce sont Corinne Lepage et Christian Huglo qui ont en réalité quitté le 31 décembre 2017 la Selarl Huglo Lepage & Associés, qu’Alexandre Moustardier, Marie-Pierre Maître, François Braud et Julien Girard ont renommé ATMOS Avocats. Corinne Lepage et Christian Huglo créent de leur côté à compter du 1er janvier 2018 un nouveau cabinet, la Selas Huglo Lepage Avocats, distinct de la Selarl Huglo Lepage & Associés renommée Atmos Avocats.

Source : https://www.lemondedudroit.fr/vie-des-cabinets/55230-huglo-lepage-se-renouvelle.html

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« Christian Huglo – Le viking du droit environnemental » 

Publié par ariane | Oct 7, 2020 | A NE PAS RATER, DES HOMMES, EN VRAC, NOS COUPS DE COEUR, NOS PORTRAITS |

Photo

CHRISTIAN HUGLO –LE VIKING DU DROIT ENVIRONNEMENTAL 

Il existe des monstres sacrés…

L’histoire se souvient d’eux comme s’ils étaient une légende.

Le visage de Victor Hugo et ses misérables, ou celui d’un Jean Gabin avec sa fameuse réplique « t’as d’beaux yeux, tu sais ». La main experte de Leonard de Vinci et sa Joconde, ou encore Jean Jaurès fondateur du parti socialiste. La réflexion de Claude Lévi-Strauss influenceur majeur sur les sciences humaines et sociales, et Simone Veil qui a tant changé la vie des femmes, ou encore la voix inégalable de Maria callas.et bien d’autres encore.

Leurs facettes sont si multiples qu’il est bien difficile d’en résumer l’axe principal.

Bien sûr que l’on dira que l’un est un grand écrivain ou acteur ou artiste ou homme politique, anthropologue mais quand on aura dit tout cela, est-ce que l’on aura donné l’explication de la légende ?

Non le mystère restera entier !

Essayons de soulever doucement le voile sur celui en droit environnemental qui parle de la nature et du droit à l’oreille, Maître Christian Huglo.

Christian Huglo encastré dans un fauteuil qui semble l’aider à la réflexion, un sourire bienveillant traversant une barbe blondie.

Christian Huglo se penche vers vous et d’un regard bleu océan pose la réponse muette à la question comment devient-on avocat dans cette spécialité ?

En le regardant c’est évident ! Christian Huglo est une nature libre, forte, pensante (bien) qui est partie sur son drakkar.

Alors quittant son cabinet d’avocats de Paris à la découverte de pans juridiques non explorés dont il a fait des évidences et des bases pour l’avenir.

On dit que les français ont beaucoup de défauts mais autant d’imagination !

Sans contexte ce français-là a créé une logique originale nouvelle et avant-gardiste dont tout le monde ne sait pas encore jusqu’où elle pourra aller.

Christian Huglo a la chance d’avoir une équipe de collaborateurs convaincus pour l’aider. Cette formidable équipe orchestrée par l’ancienne Ministre de l’environnement son épouse Corinne Lepage.

Notre civilisation a intégré un virage humain qui la dépasse et qui est le risque climatique, ses énigmes et sa profondeur.

Le droit peut-il en délimiter les contours universels grâce à la pratique et la recherche de celui qui est un pioner français dont il suffit de citer le nom des dossiers défendus pour mesurer l’évolution que chacune de ses affaires a apporté aux droits de tous.

Comme la déclaration universelle des droits de l’humanité et les devoirs que nous avons à défendre notre vie pour nos enfants. Il est également à l’origine des premiers cours du droit environnemental.

Mais c’est aussi plus de 40 dossiers défendus comme :

  • L’Amoco Cadiz
    Le 16 mars 1978, l’AMOCO CADIZ, pétrolier libérien de 220 000 tonnes en route vers le port de Rotterdam s’échoue et perd sa cargaison de pétrole brut sur les côtes de la Bretagne Nord, à Portsall.

Les faits ont démontré que les causes du naufrage étaient dues à la fois à la mauvaise conception, et surtout au mauvais entretien de l’appareil à gouverner. S’en suit une marée noire gigantesque étendue sur plus de 400 kilomètres de côtes. Les dommages écologiques sont sans précèdent.

  • Tchernobyl
    Le 26 avril 1986, l’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) explose. En quelques jours, les éléments radioactifs rejetés dans l’atmosphère contaminent une bonne partie de l’Europe sans que toutes les précautions puissent être prises.

En effet, les autorités soviétiques attendront 48 heures pour reconnaître l’accident. Plus de 100 000 personnes vivant dans un rayon de trente kilomètres autour de la centrale de Tchernobyl sont évacuées. Une catastrophe d’une telle ampleur qu’aujourd’hui encore on ne peut connaitre les chiffres exacts des victimes qui ont été contaminées par les ondes radioactives à distance et à long terme.

  • La saga du pont de l’île de Ré
    Réaliser un pont entre la Rochelle et l’île de Ré pour permettre de développer un tourisme de masse et d’attirer davantage de résidents secondaires telles étaient les volontés des instigateurs de ce projet. L’intervention médiatisée du Commandant Cousteau a été très puissante.

Ainsi, pour mobiliser l’opinion publique, celui-ci n’a pas hésité à inviter la presse sur les quais de Seine. Truelle et ciment à la main il pose quelques briques destinées à construire un pont sur la Seine. Ainsi il a immortalisé son intervention puisque la construction d’un pont n’était soumise à aucune autorisation…

Mais, l’affaire du pont de l’île de Ré ne devait pas s’arrêter là. En effet, Michel Polac décida de consacrer une émission de droit de réponse à cette affaire. Cette émission devait être sa dernière.

Sur le plateau pour la première fois de l’histoire de la télévision française, la question de la corruption était ouvertement abordée. Certains élus étant accusés d’avoir touché des pots-de-vin. Donc pour Maitre Huglo quand vous entamez un procès il faut le gagner !

Avant d’écouter son parcours et d’en connaitre un peu plus sur ses gouts personnels, posons-nous juste cette question !

Il y a-t-il une justice climatique ? 

Si oui, quel avocat doit la défendre et quelle juridiction doit la protéger et quel lanceur d’alerte doit être concerné ?

Un homme Christian Huglo le fait depuis plus de 60 ans.

Christian Huglo livre exclusivement aux lecteurs de lautremag.news quelques sentiments inédits sur son parcours incroyable !

Au début …

Christian Huglo est né à Châteaubriant et il a 78 ans, aujourd’hui. Il est le dernier d’une famille de 11 enfants, 7 frères et 3 sœurs. Des parents industriels, fabricants d’aspirateurs.

Dans cette famille, on est de père en fils soit industriel soit moine soit curé.

C’est à l’âge de 16 ans qu’il va se retrouver seul et la passion pour la philosophie va l’aider à surmonter la mort de son père.

Christian Huglo va faire des études de droit dans la ville de Strasbourg. Une Ville merveilleuse pour les étudiants. Mais c’est aussi la ville où se trouve le siège du Conseil de l’Europe et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Christian Huglo va devenir secrétaire stagiaire dans les années 1960 là-bas. C’est  cette tranche de vie qui déterminera sa vocation et sa passion pour le droit.

Petites anecdotes le concernant 

  • C’est lors de son entretien pour sa candidature au poste de stagiaire au près de la cour européenne des droits de l’homme, que le Président du jury alors Ministre de la justice du Luxembourg l’ayant vu se promener la pipe à la main lui dira. - vous fumez la pipe ? Christian Huglo lui répondra oui Monsieur le Président ! Et le Président « vous fumez la pipe, vous êtes fortement sympatique, allez je vous prends ! ».
  • Et c’est également durant un rendez-vous professionnel, Rue de Madrid à Paris 8 eme, avec un brillant avocat qui veut absolument travailler avec Christian Huglo que son avenir va se dessiner. Lorsqu’il va lui demander où il habite et qu’il lui répondra dans le 14eme. Il lui dira que s’il veut réussir il faut être dans le 8 eme. Et qu’il est prêt à lui fournir un appartement pendant 6 mois gratuitement pour qu’il puisse travailler avec lui sereinement. Ainsi être à la hauteur de son avenir prometteur.
    Le facteur chance est important dans la vie, la preuve encore.

Monsieur Christian Huglo sort du moule habituel d’une famille nombreuse où on reste ensemble. Christian quitte la ville d’Amiens où ils habitent alors pour venir vivre à Paris en 1963. Il se marie très tôt, et aura 2 filles, Nathalie et Delphine.

Sa rencontre avec Corinne Lepage est professionnelle au départ.

Ils travaillent ensemble dans le meme cabinet d’avocats, sur un dossier d’une autre grande catastrophe écologique causée par Total, le naufrage de l’Erika.

Et c’est lors du diner des anciens où ils vont etre assis côte à côte que tout va commencer. D’un coup, Corinne et Christian se sentent comme s’ils etaient seuls au monde. Ils s’émerveillent de leur découverte mutuelle et ne vont plus se quitter. Ensemble ils ont un enfant, Benjamin. Corinne, de son côté à une fille.

Pour eux la chose la plus importante est de réunir tous ces enfants et de rassembler des familles qui a priori pouvaient être considérées comme dispersées.

Pour lui de toutes façons et dans tous les cas de figure, sa rencontre avec Corinne Lepage est exceptionnelle. Tout comme au premier jour, leur relation continue à les émerveiller et à les surprendre encore.

Que savons-nous de ses passions ?

Un homme aux goûts extrêmement clairs et précis. Ils touchent d’un côté la philosophie, et de l’autre la théologie. Christian a eu la chance d’avoir comme professeur de philosophie un des assistants du Père de Lubac (jésuite, théologien catholique et cardinal français.).

il va l’initier à Mircea Eliade, Teilhard de Chardin, Nietzche. Cela le conduit à suivre les cours en auditeur libre de Gusdorf à la faculté de théologie de Strasbourg. Mais il faut savoir qu’il suivra en parallèle ses études de droit. Ce qui ne lui a jamais posé de problème particulier tant sa soif de connaissance était grande et insatiable.

Un goût très prononcé pour la musique dès son plus jeune âge, sa famille étant très musicienne. Un frère ainé Michel Huglo véritable sommité de la musique Grégorienne. Certains jouent de l’orgue mais tous chantent.

Il se met au clavecin à l’âge de 20ans, s’arrêtera plusieurs fois et quelques reprises notamment récemment. Pour Christian la musique est une excellente école de modestie et d’humilité car la grande musique ne supporte pas la médiocrité.

Le livre préféré : S’agissant de ses lectures, c’est surtout la philosophie contemporaine, et tout ce qui touche autour de la philosophie de l’environnement. Il donne en exemple Olivier Rey, Dominique Bourg, Corinne Pelluchon. Son livre de base étant « Les fables de la Fontaine ».

Son film préféré : Les films de Bergman en général. De Persona, ou Le septième sceau à La honte et le Silence et bien d’autres chefs-d’œuvre pour l’époque.

Son peintre favori : Christian n’est pas un fanatique de peinture mais il choisit Vincent Van Gogh.

La personnalité : Il a eu la chance de rencontrer des gens exceptionnels comme le grand éditeur José Corti qui éditait Gracq, Bachelard, et les préromantiques. Il recommande pour les romantiques l’ouvrage qu’il a publié « L’âme romantique et le rêve » d’Albert Beguin.

Le Doyen Georges Vedel, une personnalité hors du commun qui l’a beaucoup influencé, et l’a considérablement aidé dans sa vie professionnelle.

Celui-ci l’ayant accompagné lors du procès de Chicago dans l’affaire de l’Amoco Cadiz. Tous les juristes vous diront que cet homme était le plus brillant de sa génération.

L’artiste : Parmi les artistes évidemment il y a les musiciens et notamment son professeur de musique Mario Raskin, disciple de Raphael Puyana et de bien d’autres.

La table : La cuisine exotique chinoise, vietnamienne, cambodgienne sont pour lui des finesses mais la cuisine française reste un summum.

Le lieu : Celui où nous allons en été avec mon épouse dans le Gard.

Qu’est-ce qui faisait rêver Christian Huglo enfant ?

Pour l’enfant qu’il était c’était la musique classique qui l’enchantait, la découverte de Bach et Mozart grâce aux 78 tours et aux 33 tours. Mais cela va de soi, comme tous les garçons de 10 ou 12 ans il voulait être pilote d’essais.

A quel moment avez-vous décidé de vous lancer dans l’aventure défendre le droit de l’environnement ?

Christian Huglo comprend très vite en étant collaborateur d’avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation que le droit représentait une puissance. Il va suivre de très près le droit public. Or, en 1968, année où Christian Huglo prête serment, tous ses confrères ignorent le droit public et le droit administratif. Alors il va s’en faire une spécialité, étant soutenu par de grands avocats. Ils le prennent sous leur aile, le défendent et l’aident dans le développement de sa carrière.

Il cite Maitre Jean-Louis Lachaud et Maitre Jean-Marie Michaux.

Son choix pour le droit de l’environnement, il dira que c’est l’affaire qui spécialise l’avocat ! Il va se plonger avec des avocats corses, en particulier, Philippe Raccat, dans l’affaire Montedison.

Un dossier sur l’intense pollution de la mer par la société Montedison dans l’affaire dite des « boues rouges » qui a donné lieu à des procès retentissants à Livourne d’abord et à Bastia ensuite.

Ce procès est extrêmement important parce qu’il approuve le pouvoir du juge sur la mer internationale et donc son environnement. La démonstration a pu être faite du dommage écologique causé à la mer. C’est pour lui le mariage entre la science et le droit. C’est une nouvelle interdiscipline passionnante qu’il a toujours voulu développer à travers :

  • la Rocade de la Baule,
  • l’étude d’impact écologique,
  • la pollution du Rhin, procès qui a duré 30 ans pour les Hollandais contre les Mines de Potasse d’Alsace à chaque fois pour faire la preuve d’une pollution,
  • travailler avec les scientifiques.
    Peut-être que cette idée que l’on peut faire un peu changer le droit pas la jurisprudence, est ce qu’ils continuent à faire avec Corinne Lepage dans l’état actuel des choses.

Son point de vue sur la situation politique actuelle en France :

Son analyse de la situation politique du point de vue où il se place, est tout à fait désastreuse. Il y a un énorme fossé qui s’est creusé entre le pouvoir et l’autorité.

L’autorité semble avoir quitté le pouvoir et le pouvoir n’est pas à la hauteur des grands enjeux de notre société et pas seulement qu’en France. Il a confiance dans la société civile et il poursuit son engagement en soutenant diverses actions en justice pour la justice climatique. Il est certain que cela fera avancer le droit malgré le retard et la mauvaise volonté des Etats.

Racontez-nous un peu une journée type d’un grand avocat défenseur de l’environnement ?

La profession d’avocat est effectivement de travailler la doctrine, travailler la jurisprudence. Christian Huglo dirige des revues et des ouvrages scientifiques, ce qui est une grande partie de son activité.

Il travaille avec ses collaborateurs qui suivent les dossiers de près. Sa matinée est consacrée à l’étude, la publication de nombreux articles. Puis l’après-midi se passe avec son équipe au bureau et avec le service de documentation. Des journées bien pleines pour ce faux retraité.

Comment voyez-vous l’avenir de la France avec le commerce ?

L’avenir de la France avec le commerce est une chose assez délicate puisque la mondialisation a reçu un coup d’arrêt. Christian Huglo se range à la même position que celle du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat.

Cette position est de dire qu’effectivement le commerce n’est pas supérieur à la protection de la vie. C’est ce que Christian pense profondément. Celui-ci travaille actuellement sur un ouvrage qui s’intitule « Liberté et responsabilité face à la Covid 19 et au réchauffement climatique ».

S’agissant du droit européen, les juridictions européennes sont les leaders en matière de développement des grands principes de l’environnement. Ce qui est salvateur c’est actuellement en France on doit considérer qu’il y a une régression très importante en droit de l’environnement.

La nouvelle loi Action publique, projet du Gouvernement de permettre des dérogations au droit de l’environnement, est une véritable catastrophe mais heureusement que l’Europe est là, dira-t-il.

Son plus bel engagement ?

Cela a été évidemment l’engagement pour le procès de l’Amoco Cadiz qu’il a entièrement mis en place. Il a rassemblé toutes les victimes, personnes publiques et personnes privées.

Il a dû alors abandonner la politique puisque tres impliqué et mêlé de près à la déclaration du mouvement écologique dans les années 1976. il a dû choisir entre la procédure, le droit et la politique. Tenant absolument à faire condamner les multinationales responsables des pollutions marines, et cela ne peut aboutir que si vous vous consacrer à cette cause 24H sur 24 H.

Pour lui, la politique n’est pas le pire engagement de l’homme. C’est une chose très importante et elle devrait l’être si les hommes qui la pratiquent étaient à la hauteur, et pour lui c’est rarissime.

Comment vit-on d’être le mari de l’Ex-Ministre de l’environnement Madame Corinne Lepage ?

Tout d’abord, Christian Huglo rappelle une chose « ancien ministre » c’est mieux que ministre. Cela dure beaucoup plus longtemps et donc, par conséquent, c’est une chose à laquelle il s’est habitué.

Il y a entre eux une sorte de partage du travail. Il a choisi de rester dans le droit et dans la procédure plutôt que la politique. Son épouse, Corinne Lepage étant capable de faire les deux à la fois n’a pas hésité à aller dans cette direction. Lorsque Corinne a été nommée ministre il a ressenti de façon indirecte toute l’importance de la responsabilité d’un tel poste.

Leur vie ne pouvant pas être tout à fait la même ayant conscience de cette grande fonction et de la discrétion qui doit l’accompagner.

Le mot de la fin ?

Tout d’abord, il dira comme Flaubert que « toute conclusion est bêtise ».

Pour les nombreux lecteurs qui suivent lautremag. news, la curiosité de lire les lignes qui précèdent, la seule chose qui est importante ce n’est pas ce que l’on dit, c’est que l’on fait.

Ce n’est pas ce que je suis c’est ce que j’ai essayé de faire. Mettre en avant le droit de l’environnement, faire le commentaire des codes de l’environnement, de justice administrative, diriger les collections de droit, s’occuper des étudiants, déclencher des vocations sont les choses les plus importantes dans notre période trouble.

Ce qui est délicat c’est la transmission et la transmission suppose de relier le passé et l’avenir. Dans mes réflexions récentes je crois que nous avons face aux grands défis qui nous attendent toutes les ressources utiles grâce à notre passé pour faire face.

La principale ressource étant celle du sentiment de la dignité humaine qui ne peut en aucune façon abandonner l’espérance, il faut que les écologistes ne soient pas dogmatiques, la seule exaltation de l’écologie ne suffit et c’est un thermomètre redoutable si une limite est dépassée nous y passerons tous.

C’est pourquoi il faut lutter, espérer, continuer à agir, désespérer, remonter en faisant attention aux autres et en les entrainant par conviction et fraternité et je les remercie de leur attention.

Avec la même simplicité que Christian Huglo nous a accueilli dans sa demeure en famille près d’Uzès, il nous offre une belle citation : « c’est lorsque l’on connait ses limites qu’on peut les dépasser ».

Source : https://www.lautremag.news/christian-huglo-le-viking-du-droit-environnemental/

Autres sources d’information :

Christian Huglo : biographie, actualités et émissions France ...https://www.franceculture.fr › personne-christian-huglo -Biographie de Christian Huglo. Avocat au Barreau de Paris, associé fondateur du cabinet Huglo Lepage Associés Conseil…

Christian Huglo - Biographie - France Interhttps://www.franceinter.fr › Christian Huglo

12 octobre 2013 — Né le 15 mars 1942 à Châteaubriant en Loire-Atlantique, Christina Huglo est avocat à la cour de Paris, docteur en droit…

Introduction de l’article que Wikipédia consacre à Corinne Lepage : « née le 11 mai 1951 à Boulogne-Billancourt, est une avocate et une femme politique française. Engagée dans la protection de l’environnement, elle est notamment ministre de l’Environnement dans les gouvernements d’Alain Juppé (1995-1997) et députée européenne (2009-2014). Présidente de Cap21, elle recueille 1,88 % des suffrages exprimés à l’élection présidentielle de 2002. Avec Jean-Marc Governatori, elle préside aujourd’hui Cap écologie.

Photo de Corinne Lepage en 2014.

Sommaire

Que devient Corinne Lepage, ancienne candidate écologiste à la présidentielle de 2002 ? - Propos recueillis par Édouard LAMORT – Document ‘ouest-france.fr’ – Photo

https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/12989971f2fb2a0fa2823bb6e589e56d-microsoftteams-image.png?client_id=cmsfront&sign=ac4d6e9b4cd7c192e16ceaeb8b5895c2af8c92c8078882ab62cca1d764296632

Candidate écologiste (Cap 21) à l’élection présidentielle de 2002, Corinne Lepage avait obtenu 1,88 % des voix au premier tour. Que devient-elle, vingt ans plus tard ? Quel regard porte-t-elle sur le monde et le paysage politique d’aujourd’hui ? Entretien.

C’est une Corinne Lepage au sourire bienveillant qui nous ouvre les portes de son bureau d’avocate dans le VIIIe arrondissement de Paris, lorsque nous la rencontrons en cette fin janvier 2022. C’est ici, au premier étage d’un immeuble haussmannien cossu, que l’ancienne candidate écologiste à l’élection présidentielle de 2002, sous la bannière de son parti Cap 21, continue son combat pour l’écologie.

Si l’ex-ministre de l’Environnement entre 1995 et 1997 est dorénavant en retrait de la vie politique, elle continue de servir l’écologie à travers son métier d’avocate et ses livres engagés. Pour l’édition du soir d’Ouest-France, l’actuelle coprésidente de Cap Écologie a accepté de se replonger dans ses souvenirs pour raconter la campagne présidentielle de 2002 et livrer sa vision de celle de 2022.

« Je n’ai aucune ambition politique personnelle »

Corinne Lepage, que devenez-vous depuis 2002 et votre candidature à la présidentielle ?

En 2022, mon activité principale, c’est de faire du droit. Je suis avocate. J’essaie de faire progresser par le droit les sujets environnementaux, car je pense que le droit est devenu un outil aussi efficace que la politique. Je n’ai aujourd’hui aucune ambition politique personnelle. Je ne veux plus de mandats. J’estime que j’ai un âge où il faut faire autre chose. Mais j’essaie d’avoir toujours une voix sur l’échiquier politique d’une écologie républicaine.

Photo - Corinne Lepage, ici en 2015, est avocate spécialiste en droit de l’environnement. (Photo : Guillaume Souvant / AFP)

Qu’est-ce que l’écologie républicaine, selon vous ?

Pour faire la transition écologique, il faut convaincre le maximum de personnes et je pense que des postures extrêmement clivantes comme celles adoptées par certains écologistes sont des repoussoirs. Ce n’est pas tant Yannick Jadot lui-même qui provoque cela, car lui et moi nous sommes plutôt sur la même ligne. Le problème vient de son entourage, l’appareil écolo composé de Julien Bayou, Sandrine Rousseau et consorts. Ils ont des positions volontairement très clivantes, et les gens considèrent que c’est complètement hors du temps, que ce sont des objectifs hors d’atteinte, et que ça n’intéresse personne en réalité.

N’avez-vous pas plutôt envie de tout arrêter et de profiter de la vie, à 70 ans ?

Quand on a la chance d’être en bonne santé, d’avoir un certain âge et une certaine expérience, on doit quelque chose aux autres. Je ne vais pas rester chez moi à ne rien faire, à attendre que la mort arrive… J’ai une organisation de ma vie qui fait que j’ai la chance d’avoir mes enfants et mes trois petits-enfants près de moi. Je garde mon petit-fils très fréquemment le week-end. J’ai une vie de grand-mère tout à fait normale, ce qui ne m’empêche pas d’avoir une vie professionnelle active. Je suis quelqu’un qui a eu de la chance dans sa vie donc je dois quelque chose à ma famille, à mes parents bien sûr, mais aussi à la société. J’ai envie de faire le maximum. Quand je ne pourrai plus, j’arrêterai. Pour le moment je peux, donc je fais.

« Une adrénaline incroyable »

Quel souvenir avez-vous de la campagne présidentielle 2002 ?

Je dois dire que cela reste un moment assez fantastique dans ma vie. Je garde en mémoire cette espèce d’adrénaline incroyable. Ce qui m’a plu le plus dans cette campagne, c’est aussi de voir autant de gens. Je pense que, quand vous êtes avocat ou responsable politique, vous devez aimer les gens. Si vous ne les aimez pas, ce n’est pas fait pour vous. Il faut changer.

Moi j’aime les gens, entendre leurs histoires et les comprendre. J’aime me mettre à leur place et essayer de les aider. Une campagne présidentielle, c’est ça aussi : c’est s’immerger, dormir chez l’habitant. En 2002, j’ai mené une campagne à l’économie. À l’époque, j’avais zéro moyen, car il m’était impossible d’emprunter. Il faut savoir qu’en France les banques ne prêtent pas à un candidat qui fait zéro dans les sondages. Cela n’existe pas. C’était donc une campagne « à la débrouille », mais c’est très bien, car ça apprend la France pour ceux qui ne la connaîtraient pas.

Photo - Corinne Lepage lors de la campagne présidentielle de 2002. (Photo : Jean-Michel Niester / Ouest-France)

Quel est votre pire souvenir de la campagne de 2002 ?

Le plus mauvais, c’est, sans hésiter, le soir du premier tour. Ce n’est pas mon score, qui n’était pas génial, mais compte tenu des circonstances, faire 1,88 % ça n’est pas si mal. C’est mieux que ce qu’a fait Dominique Voynet cinq ans plus tard, toute seule [seule candidate écologiste en 2007, Dominique Voynet a récolté 1,57 % des voix au premier tour, NdlR]. Non ce qui m’a le plus marquée, c’est Le Pen. J’ai tout de suite fait une déclaration pour rallier Jacques Chirac, car c’était tellement énorme de voir Jean-Marie Le Pen au second tour ! J’ai été la première à le faire. Ça ne faisait même pas un pli, c’était une évidence, même ! La question ne se posait même pas.

Quel est le déclencheur de votre engagement pour l’écologie ?

Ça ne date pas d’hier ! Il est d’abord intellectuel. En 1975, je dépose un sujet de thèse en droit public sur la notion de coût social, c’est-à-dire les externalités. Elle portait sur la manière dont les effets négatifs ou positifs des décisions impactaient leur légalité et la responsabilité de leurs auteurs. Partant de là, je suis évidemment tombée sur les externalités environnementales.

Cet engagement est aussi personnel. En 1977 je rencontre Christian Huglo, mon deuxième mari, qui a été un précurseur dans le droit de l’environnement. À l’époque, il fallait l’apprendre sur le terrain. C’était une toute nouvelle matière, où il fallait tout inventer. Le premier dossier que j’ai traité en 1977, c’était celui de la centrale nucléaire de Flamanville. Je ne suis pas venue à l’environnement par la nature au départ. J’y suis venue par le droit des gens, le cadre de vie et la santé environnementale. Ensuite je suis passée des gens à la biodiversité et au vivant.

« La question climatique est entrée dans les mœurs »

Corinne Lepage, deux décennies ont passé. L’écologie est-elle mieux prise en compte par les politiques aujourd’hui qu’en 2002 ?

La question écologique est indéniablement mieux prise en compte en 2022. Ce qui est très nouveau aujourd’hui, c’est que le monde économique comprend que le fait de ne pas prendre en compte l’environnement a un coût. Ça, c’est complètement nouveau. Jusqu’à maintenant, tous les sujets environnementaux, c’était la contrainte : « Ça coûte cher, ça nous sert à rien, c’est de la rupture de concurrence. » C’est très important, car on ne fera pas une transition écologique sans le monde économique. Alors oui il y a toujours le greenwashing, les gens qui se foutent du monde, des pétroliers qui font semblant pour une grande part, mais le monde économique et la finance changent.

Estimez-vous que les Français sont aujourd’hui mieux sensibilisés à l’écologie ?

La question climatique est complètement entrée dans les mœurs car les gens voient que c’est vrai. Quand j’ai commencé à parler du dérèglement climatique en 1995, les gens me regardaient avec des yeux ronds. À l’époque, on parlait d’un réchauffement de 1,5 °C en 2100. Qu’est-ce que vous voulez que ça leur fasse, aux gens, qu’il y ait 1,5 °C de plus un siècle plus tard ? Ils s’en fichent éperdument…

L’histoire de la prise en compte des générations futures, ce n’est pas vrai. L’égoïsme est quand même dominant et beaucoup de gens se disent : « J’ai fait ce que j’ai pu et mes enfants feront pareil… » Mais ça, ce n’est pas possible avec 5 °C en plus. Là on sait qu’on meurt. Donc les gens se rendent compte que c’est leur génération qui est impactée et que cela les concerne. Et ça change tout. Il y a une vraie prise de conscience.

Il ne reste plus que passer aux actes, et là, il y a deux difficultés majeures. La première : on a pris le grand public pour des crétins. Je pense notamment à la politique du tri des déchets. On a dit aux gens que les petits gestes c’était bien. D’accord, mais ça ne marche que s’il y a des grands gestes à côté. Deuxième difficulté : il y a un accroissement majeur des inégalités depuis vingt ans, et tant que l’on n’aura pas lié la question de la transition écologique à la question d’une plus grande égalité, ça ne marchera pas. Car la transition écologique est pensée par beaucoup comme un instrument d’inégalité supplémentaire.

Photo - Corinne Lepage a également été députée européenne de 2009 à 2014. (Photo : John Thys / AFP)

« Pour la première fois, je ne sais pas pour qui je vais voter »

Quel regard portez-vous sur la campagne de cette élection présidentielle 2022 ?

​Je suis catastrophée. C’est la première fois de ma vie que je ne sais pas pour qui je vais voter. Cela ne m’est jamais arrivé avant. J’irai voter, bien sûr, mais honnêtement c’est la première fois où je n’ai pas de choix évident. En 2017, j’ai soutenu Emmanuel Macron, non pas parce que je pensais que c’était un écologiste convaincu, mais parce que je me suis laissé embobiner par un discours très bien ficelé, très décentralisateur, et avec un homme qui a un charisme évident. Là, en 2022, franchement, si je vote pour lui, ça serait un vote par dépit, car on risque quand même un deuxième tour qui n’est pas possible…

Pour le reste je suis catastrophée de ce que devient le centre-gauche qui est ma famille politique naturelle. Pour moi, l’écologie républicaine et les libertés ce sont des thèmes majeurs. Quand je vois que la gauche est à fond la caisse pour la vaccination obligatoire et qu’une grande partie tombe dans le wokisme et l’intersectionnalité…

Lire aussi : C’est quoi le « wokisme », cette idéologie que Jean-Michel Blanquer dit vouloir combattre ?

On peut défendre ça, je ne suis pas contre, mais ça n’a rien à voir avec l’écologie. Faire passer ça avant l’écologie, c’est une manière selon moi de dégoûter les gens. Mon cœur est toujours au même endroit, mais je suis franchement désespérée par ce paysage politique avec près de 35 % d’intentions de vote pour l’extrême droite. Je ne comprends même pas.

Mais si l’écologie est si faible en France, c’est aussi notre faute à nous les écologistes car on n’a pas su convaincre. Tous les gens qui ont fait de la politique sont, pour une part, responsables de ce qu’il se passe aujourd’hui.

« Jean-Luc Mélenchon a un discours très construit »

Que pensez-vous d’Éric Zemmour ?

Il a banalisé Marine Le Pen. Il a été condamné, and so what ? Ça change quoi ? Après, tout le monde s’en fiche. Pour l’immense majorité des Français, ce n’est pas le sujet, donc oui, il y a une forme de banalisation de ce que l’on peut dire aujourd’hui. Globalement, il y a une droitisation des sociétés européennes.

Lire aussi : Présidentielle. Nicolas Bay, évincé du Rassemblement national, rejoint officiellement Éric Zemmour

Un candidat se démarque-t-il, selon vous ?

Actuellement, je dirais Jean-Luc Mélenchon, car tout d’abord il a un discours très construit. Il a bossé. Ce ne sont pas mes idées, mais je reconnais le travail, la capacité du tribun qui compte en France et, je dirais, la clarté des propos. Dans le fond, à bien des égards, c’est simpliste, mais je peux comprendre que cela puisse convaincre un certain nombre de personnes. À mon avis il y a beaucoup de gens orphelins politiquement, des gens modérés des deux rives, à droite comme à gauche, qui ne se retrouvent nulle part malgré le nombre de candidats…

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Référence / Internet : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-02-17/que-devient-corinne-lepage-ancienne-candidate-ecologiste-a-la-presidentielle-de-2002-c219d74c-be4c-4c6a-b703-b507039ed6f0

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