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"Des moustiques génétiquement modifiés peuvent-ils éliminer la dengue ?", par Prof. Joe Cummins

Traduction et compléments de Jacques Hallard

mercredi 8 décembre 2010, par Cummins Professeur Joe

ISIS Santé Moustique OGM Dengue
Des moustiques génétiquement modifiés peuvent-ils éliminer la dengue ?
Can GM Mosquitoes Eradicate Dengue Fever
Une stratégie risquée est expérimentée aux Iles Caïman, à partir de moustiques génétiqument modifiés, OGM, sur des êtres humains non informés et sans leur consentement éclairé ; de plus, cette expérimentation est basée sur des données provenant d’études qui n’ont pas été publiées dans des revues scientifiques à relecture par des pairs, pour leur validation.
Prof. Joe Cummins

Rapport ISIS 08/12/10
L’article original en anglais avec toutes les références s’intitule
Can GM Mosquitoes Eradicate Dengue Fever ; il est accessible par les membres de l’ISIS sur le site suivant www.i-sis.org.uk/canGMMosquitosEradicateDengue.php
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Qu’est-ce que la dengue ?

La dengue est une maladie causée par un flavivirus à ARN et transmise par la piqûre des moustiques Aedes aegypti. Les symptômes comprennent la fièvre, des maux de tête, des éruptions cutanées, de fortes douleurs dans les muscles et les articulations, ainsi que des douleurs derrière les yeux.

La dengue classique est rarement mortelle, tandis que la dengue hémorragique est une maladie grave qui entraîne la mort dans environ 5 pour cent des cas. La dengue hémorragique est observée le plus souvent chez les enfants de moins de 15 ans. Elle est également rencontrée assez souvent chez les personnes atteintes de la fièvre et de symptômes gastro-intestinaux, suivis d’une hémorragie capillaire [1] ] (Terminator Mosquitoes to Control Dengue ? SiS 39).

L’incidence de la dengue a progressé de façon spectaculaire dans le monde ces dernières décennies. Quelque 2,5 milliards de personnes – soit deux cinquièmes de la population mondiale – sont désormais exposés à ce risque. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’il y a peut être de l’ordre de 50 millions d’infections par la dengue dans le monde chaque année [2]. Pour plus de détails, voir l’encadré ci-dessous et la rubrique ‘Dengue’ figurant dans ce même document dans la partie ‘Définitions et compléments’ in fine.

Des moustiques génétiquement modifiés ‘Terminator’ sont testés sur des populations de moustiques et des êtres humains

Des moustiques mâles Aedes aegypti, préalablement génétiquement modifiés (moustiques OGM), et désignés par OX513A, sont libérés dans une zone habitée par des populations humaines. L’organisme vivant modifié génétiquement (aussi désigné par OVM) qui est ainsi disséminé, contient un marqueur moléculaire fluorescent et une "construction génétique d’auto-limitation".

Lorsque des femelles de moustiques Aedes aegypti s’accouplent avec un moustique mâle OX513A, tous les descendants vont mourir, et donc empêcher l’émergence de la prochaine génération. Les moustiques Aedes aegypti mâles de type OX513A, qui sont élevés et développés par Oxitec Ltd, une société basée à Oxford au Royaume-Uni, portent un effet gène dominant létal à effet tardif [1].

Le gène dominant létal ne nécessite qu’une seule copie pour fonctionner et il est exprimé sous certaines conditions. Dans le cas de la création de la société Oxitec, la condition est l’absence de l’antibiotique tétracycline pour que les larves de moustiques portant ce gène dominant soient tuées. Les mâles élevés pour mettre fin à leur progéniture de larves, quand ils se sont accouplés avec des femelles de type sauvage, sont maintenus sur des milieux de culture contenant des antibiotiques. Les mâles sont des diploïdes homozygotes pour l’évènement génétique OX513A, de sorte que tous leurs descendants restent vivants en l’absence de l’antibiotique. Les facteurs létaux sont actifs dans les derniers stades larvaires de développement [3].

L’essai sur le terrain se fait sur l’île de Grande Caïman par la société Oxitec Limited, basée à Oxford, au Royaume-Uni. Les îles Caïman sont une démocratie parlementaire avec un pouvoir judiciaire exécutif et législatif. La Constitution actuelle, qui est entrée en vigueur le 6 Novembre 2009, font des îles Caïmans un territoire britannique d’outre-mer.

Les résultats des expériences d’Oxitech, qui prétendent prouver l’innocuité et les avantages des moustiques de type ‘Terminator’, ont été rapportés lors d’une conférence de presse à Londres, au Royaume-Uni [4], et lors d’une réunion de l’Association américaine d’hygiène tropicale à Atlanta, Géorgie, aux États-Unis [5] ; mais les résultats des recherches n’ont pas encore fait leur apparition dans une revue scientifique.

Comme les Iles Caïman sont sous juridiction britannique, l’expérimentation humaine, comportant une exposition aux moustiques OGM, semble avoir été entreprise sans le consentement éclairé qui devrait être normalement requis d’après la loi britannique.

La construction des moustiques OGM, génétiquement modifiés

Le moustique OX513A a été construit en utilisant un transposon (gène sauteur) LA513 piggyBac isolé de Baculovirus, un virus à ADN commun des végétaux se trouvant dans les sols. LA513 est un transposon non autosomique, basé sur piggyBac, de 8,4 kb. Les moustiques transgéniques sont facilement identifiés par fluorescence rouge due à l’expression de DsRed2, une protéine fluorescente rouge synthétisée au départ dans un microbe marin.

La construction génétiquement modifée contient tTAV, codant pour un activateur transcriptionnel répressible par la tétracycline, sous le contrôle de son site de liaison, tetO, un promoteur minimal de la protéine 70, dite de choc thermique, présente chez la drosophile 70, ainsi qu’une séquence 3’UTR (répétition non traduite) du gène fs(1)K10, issu d’un autre gène de la drosophile.

En l’absence de tétracycline, tTAV se lie à tetO et amène à une expression supérieure de tTAV, dans une boucle de rétroaction positive. En présence de tétracycline, tTAV se lie à la tétracycline ; la forme liée de la tétracycline ne se lie pas à tetO et il en résulte donc que tTAV n’est pas exprimé. Par conséquent, cette construction donne des niveaux élevés de l’expression de tTAV en l’absence de tétracycline, mais seulement une expression minimale faible en présence de tétracycline. L’expression d’un haut niveau de tTAV est toxique, ce qui peut-être du à des interactions de sa séquence VP16 dans l’activation de la transcription des gènes létaux : ainsi cette construction fournit un système létal, répressible de la tétracycline [3].

La séquence VP16 est aussi la séquence d’activation de la transcription de la protéine VP16 du virus de l’herpès et elle est une caractéristique commune des protéines d’activation de la transcription. Il semble clair que l’absence de l’antibiotique déclenche une augmentation des facteurs de transcription, menant à la létalité. Toutefois, le produit final - ou plusieurs produts - causent une mort tardive au stade intermédiaire entre larve et pupe ; ce produit ou ces produits n’ont pas été identifiés, ce qui aurait certainement dû être fait avant que les populations ne soient exposées aux moustiques transgéniques.

Le transposion piggyBac et le transfert horizontal de gènes

Le transposon piggyBac a été découvert dans des cultures cellulaires de la teigne Trichopulsia, également connue sous le nom de chenille arpenteuse du chou. Les cellules avec des boucles ont provoqué un grand nombre de mutations dans l’insecte Baculovirus. Le transposon est largement utilisé car il agit comme un vecteur de transfert de gènes pour un certain nombre d’insectes non apparentés. Les transposons sont proches des virus, mais ils n’ont pas la capacité d’être enfermés dans un virion, avec une enveloppe protéique ou capside.

Le transposon piggyBac est flanqué de courtes répétitions inversées qui initient l’insertion non réplicative dans le chromosome des insectes, médiée par une enzyme appelée transposase qui cible la séquence TTAA sur le chromosome. Lorsque les transposons s’insèrent dans une séquence de gène, ils peuvent provoquer une mutation, ou bien encore, le transposon peut agir comme un site de recombinaison conduisant à la duplication ou/et à la suppression de séquences dans les chromosomes.
Le transposon est généralement multiplié en laboratoire par insertion dans un plasmide bactérien. Les plasmides portant le transposon sont injectés très précocement dans des embryons d’insectes, où ils peuvent s’insérer dans le génome des cellules germinales et s’y maintenir pour donner une lignée provenant de ces cellules germinales. Les plasmides injectés dans un embryon incluent le transposon portant le ou les gènes à transférer et manquant d’une transposase, afin de "désactiver" le transposon et l’empêcher de bouger, de se mouvoir par lui-même.

La fonction transposase est assurée par un plasmide auxiliaire qui a un transposon avec le gène de la transposase, mais elle est par ailleurs également désactivée, car elle ne possède pas la courte répétition terminale, qui lui manque donc, de sorte qu’il lui est impossible de s’insérer dans le chromosome [6] (piggyBac a name to remember, ISIS report).

Le risque majeur de transfert horizontal du transposon piggyBac a été pris en compte dans un précédent rapport de l’USDA, pour s’opposer à la libération et à la dissémination du ver rose du cotonnier en 2001 et à nouveau dans notre mémoire récent, destiné à s’opposer à la diffusion des moustiques OGM, ou transgéniques, dont il est actuellement question [1].
Nous avons fourni la preuve que le vecteur "désactivé" portant le transgène, même lorsqu’il est ‘démonté’ au strict minimum sur les bordures de répétitions, a néanmoins été en mesure de se répliquer et de se propager, essentiellement parce que la fonction transposase permet aux inserts piggyBac de se déplacer ; ce vecteur "désactivé" peut être, par l’intermédiaire des transposons, potentiellement présent dans tous les génomes, y compris dans celui du moustique.

La principale raison de l’utilisation des transposons comme vecteurs dans le contrôle des insectes, c’est précisément parce qu’ils peuvent propager rapidement les transgènes d’une façon ‘non-mendélienne’ dans une population, c’est à dire en reproduisant des copies et en sautant dans les génomes [de façon aléatoire], y compris dans ceux des hôtes mammifères.
Bien que chaque transposon ait ses spécificités propres, comme enzyme transposase, qui reconnaît ses répétitions terminales, l’enzyme peut également interagir avec les répétitions terminales des autres transposons, et les preuves suggèrent "une vaste diaphonie entre les familles différentes de transposons, mais distinctes " dans un simple génome d’eucaryote.

L’utilisation du transposon piggyBac a été en proie à des problèmes d’instabilité dans le moustique Aedes aegypti transformé [7]. Par ailleurs, de grands inserts en tandem et instables du transposon piggyBac ont été répandus [8].

En dépit de l’instabilité et de la génotoxicité qui en résulte, le transposon piggyBac a été beaucoup utilisé également en thérapie génique humaine [9]. Un certain nombre de lignées cellulaires humaines ont été transformées, et même des cellules T primaires, en utilisant piggyBac [10]. Il a été démontré que le transposon piggyBac peut induire de larges mutations d’insertion dans le génome par insertion, perturbant ainsi les fonctions des gènes chez la souris lorsqu’ils sont activés [11].

Les moustiques mâles Aedes aegypti s’accouplent en règle générale avant de prendre un premier repas de sang par piqûre [12]. Ainsi du sang humain vivant se trouvera exposé à piggyBac, porté par la femelle accouplée. Que faudrait-il pour activer le transposon d’origine des moustiques pour infecter du sang humain ? Rien de plus que la rencontre avec le Baculovirus qui pourrait entrer par le biais de coupures ou des plaies, ou encore avec de la poussière inhalée.

La construction génétiquement modifiée du transposon piggyBac pourrait bien faire des ravages dans le génome humain, provoquant ainsi de nombreuses mutations d’insertion et d’autres dommages innombrables et imprévisibles.

Encadré - Cycle de réplication du virus et l’infection de la dengue

L’infection par le virus de la dengue commence quand le moustique femelle prend son repas de sang et que le virus est introduit dans l’hôte. Le virus se lie et pénètre dans une cellule d’un hôte permissif par l’intermédiaire d’une endocytose. La fusion des vésicules de l’endosome membranaire et du virus permet au virus nu de pénétrer dans le cytoplasme, dans lequel son génome est encore dépouillé de son enveloppe protéique ou capside. La traduction du brin d’acide nucléique codant pour des protéines a alors lieu ; après quoi, le virus passe à la synthèse d’un brin intermédiaire négatif (non codant) qui forme un cercle et sert de matrice pour la production de copies multiples du brin positif d’ARNv viral (ARNv).

Les cycles successifs de la traduction vont alors produire des niveaux élevés de protéines virales ; puis la protéine de structure de la capside ou coeur (C), la prémembrane (prM) et l’enveloppe (E) des protéines, ainsi que l’ARN viral ou ARNv, sont assemblés dans les virions de la génération suivante ou descendants, qui sont ensuite transportés à travers le compartiment de Golgi et finalement sécrétés [13].

L’infection par la dengue, avec l’un des quatre sérotypes du virus de la dengue, peut produire une gamme complète de symptômes de la maladie, allant de légers symptômes non spécifiques, à la dengue classique, jusqu’aux formes plus graves : la dengue hémorragique (DH) et la dengue avec syndrome de choc (DSS). La moitié des infections sont asymptomatiques et une personne peut être infectée par la piqûre d’un moustique infecté.

La dengue hémorragique est caractérisée par l’apparition soudaine de symptômes semblables à ceux de la grippe apparaîssant de 3 à 14 jours après une morsure. La phase fébrile comprend une température élevée (> 38,3 ° C) et, éventuellement, des maux de tête au niveau du front, des rougeurs du visage et les muscles, des douleurs articulaires, des douleurs derrière l’orbite de l’œil, des éruptions cutanées, des nausées, une anorexie et des douleurs osseuses.

Un test du lacet positif (pour les capillaires fragiles) augmente le risque de dengue. Le diagnostic définitif nécessite la détection des anticorps spécifiques de la dengue ou l’isolement du virus. Les manifestations hémorragiques sont des pétéchies (taches rouges ou violacées sur le corps causées par la rupture des capillaires), des hématomes (des gonflements remplis de sang, des saignements du nez et des gencives. Un état de faiblesse et de malaise peut persister pendant plusieurs semaines.
La dengue hémorragique (DH) et la dengue avec syndrome de choc (DSS) peuvent mettre la vie en danger. La phase critique de dengue hémorragique DH commence 24 à 48 heures après disparition de la fièvre et elle est définie par quatre critères : (A) Une fièvre récente ou un état fiévreux durant 2 à 7 jours ; (B) Un signe ou un symptôme hémorragique ; (C) Une thrombopénie (un nombre anormalement bas de plaquettes dans le sang) et (D), la preuve d’une augmentation de la perméabilité des vaisseaux sanguins.

Des vomissements persistants, des douleurs abdominales intenses et des difficultés respiratoires peuvent se développer. Des variations marquées de la température corporelle (hypo- et hyperthermie) et des changements de l’état mental peuvent se produire. Les symptômes hémorragiques graves peuvent évoluer vers des saignements vaginaux ou intracrâniens. Dans les cas de dengue hémorragique légère à modérée, les symptômes commencent à disparaître dès que la fièvre tombe [14].

Pour conclure

La dengue est une menace croissante pour la santé humaine. Le problème est aggravé par l’absence de vaccins efficaces. Cependant, comme nous l’avons souligné [1], il existe des solutions récentes de rechange qui sont sûres, efficaces, abordables, pour le contrôle de l’insecte vecteur.
En revanche, la dissémination actuelle de moustiques mâles de type ‘terminator’ sur les Îles Caïman constitue une stratégie risquée.
Pour ajouter l’insulte au dommage, il n’y a pas eu d’avertissements adressés aux touristes et la plupart des résidents du territoire ne semblent pas avoir donné leur consentement éclairé avant d’être exposés aux moustiques génétiquement modifiés : ceci est en violation flagrante des droits de l’homme, en ce qui concerne les expérimentations concernant les êtres humains.

Si la stratégie a réussi, comme cela a été affirmé, les insulaires ont alors pu bénéficier d’un répit temporaire de l’insecte vecteur de la dengue, bien que les moustiques vecteurs de remplacement sont susceptibles de s’être propagés dans des îles voisines, presque immédiatement, et que les moustiques OGM, génétiquement modifiés s’y disséminent à partir des Îles Caïman.

Le gouvernement britannique ne semble pas avoir exercé sa compétence juridique appropriée à la situation, sur l’expérimentation conduite sur les êtres humains dans ce territoire, tandis que la communauté scientifique se doit de condamner l’utilisation de données pour justifier l’expérience à partir des études qui n’étaient pas passées par un examen et une validation par les pairs concernés.

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Définitions et compléments en français :

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
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