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"La bataille pour l’avenir de l’alimentation en Afrique" par Million Belay et Timothy A. Wise

Traduction et compléments de Jacques Hallard

samedi 23 novembre 2019, par Belay Million , Wise Timothy A.


ISIAS Semences

La bataille pour l’avenir de l’alimentation en Afrique : certaines politiques, fortement promues par la Fondation Gates, ouvrent l’Afrique aux multinationales des semences au nom de la modernisation, mais elles sapent la résilience au changement climatique et la sécurité alimentaire des petits agriculteurs africains

Le rapport original de Million Belay et Timothy A. Wise a été publié par GMWatchle 08 novembre 2019 sous le tire « The battle for the future of food in Africa  » ; il est accessible sur ce site : https://www.gmwatch.org/en/news/latest-news/19208-the-battle-for-the-future-of-food-in-africa

Pancartes des manifestantes : « Pour une justice mondiale dès maintenant ; qui contrôle les semences, contrôle aussi notre alimentation » - « Fondation Gates : arrêtez privatisation, dérégulation »

Ajouts du traducteur :

« Une privatisation est un transfert de la propriété d’une grosse partie, voire de la totalité, du capital d’une entreprise du secteur public au secteur privé. Après une privatisation, une entreprise peut rester sous le contrôle partiel ou complet de l’État si ce dernier choisit de rester actionnaire. Les privatisations des années 1980 ont été les plus importantes, visant d’abord des sociétés en concurrence puis des monopoles publics. Elles se sont traduites par une logique de rentabilité renforcée, afin d’alimenter les espoirs de progression des cours de la société en Bourse, qui a parfois mené à la suppression de services non rentables lorsque les États ne les subventionnaient pas. Des hausses de tarifs ou des fermetures de sites jugés pas assez rentables ont pu rendre certaines privatisations impopulaires ou pointées du doigt par les mouvements antilibéraux dans les pays en voie de développement… » Source

Dérégulation - Etymologie : du latin de, préfixe de cessation, et regula, règle, loi. « La dérégulation désigne une politique qui consiste à réduire ou à supprimer la régulation d’un secteur économique ou d’une profession, ou bien à rendre plus libre la fixation des prix. Elle a pour objectif de favoriser la concurrence et l’innovation en s’appuyant sur le postulat d’une dynamique naturelle des marchés en question et de leur capacité d’autorégulation. La dérégulation se traduit par une réduction des interventions de l’Etat dans l’économie, la privatisation d’entreprises publiques, l’abandon ou l’assouplissement de réglementations… Elle s’oppose à l’interventionnisme de l’Etat. Cette politique est fortement contestée, notamment par les altermondialistes, qui y voient un recul des Etats au profit du marché et au détriment des acquis sociaux… »

Voir aussi les termes connexes : Autorégulation - Déréglementation - Régulation - Citations : DérégulationSource

« La Fondation Bill-et-Melinda-Gates (Bill & Melinda Gates Foundation, BMGF) est une fondation américaine humaniste philanthropique créée en janvier 2000. À l’échelle mondiale, ses principaux objectifs sont d’améliorer les soins de santé et de réduire l’extrême pauvreté, alors qu’aux États-Unis, la fondation vise principalement à élargir l’accès à l’éducation et aux technologies de l’information. Elle est dirigée par ses trois administrateurs : Bill Gates, Melinda Gates ainsi que Warren Buffett ; parmi les autres principaux responsables, on peut également compter le coprésident William H. Gates, Sr. et la directrice générale Susan Desmond-Hellmann. BMGF s’efforce d’utiliser l’effet de levier en encourageant l’implication des personnalités politiques concernées. Sa devise « toutes les vies ont une valeur égale » ainsi que l’accent mis sur le rapport coût-efficacité de chaque intervention en font un des principaux acteurs du mouvement de l’altruisme efficace. Son siège se trouve à Seattle, aux États-Unis. Au 31 décembre 2017, la dotation de la fondation s’élevait à 50,7 milliards3. Son ampleur et la manière dont elle s’efforce d’appliquer les stratégies commerciales au domaine des dons caritatifs en font l’un des chefs de file de la philanthropie du risque (venture philanthropy), même si ses administrateurs sont les premiers à relever les limites des œuvres caritatives… » - « Notre rôle est de prendre des risques qui, s’ils sont payants, peuvent donner à des millions de personnes la chance de s’épanouir - Message de la Fondation 4 » - Source

Traduction de l’article

Le mois dernier (octobre 2019) au Ghana, Agnes Kalibata, présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Alliance for a Green Revolution in Africa), a félicité un illustre groupe de dirigeants d’entreprises et de gouvernements pour avoir ’fait le saut vers l’avenir’ dans leurs efforts de ’modernisation’ de l’agriculture africaine avec des semences commerciales à haut rendement, des engrais et d’autres technologies modernes.

[Voir Opinion : Africa : Leapfrogging into the future 09/09/19 2:56 PM By Marshall Matz ].

Malheureusement, de telles politiques dépassent de loin les petits agriculteurs africains. Nous n’avons constaté aucun progrès de ce type sur le terrain en Afrique. Non seulement ces politiques ne parviennent pas à lutter contre la pauvreté chronique et la faim en milieu rural, mais elles ne font guère pour améliorer la nutrition, la santé, etc…, ni pour la résilience face aux dérèglements climatiques.

Les agriculteurs africains ont une meilleure idée : s’ancrer dans leurs propres expériences et leurs difficultés croissantes pour produire de la nourriture, face aux changements climatiques ». L’agriculture écologique, utilisant moins d’intrants chimiques que d’autres pratiques agricoles, nous montre la voie à suivre. Les coûts, l’augmentation de la fertilité des sols, la production de cultures vivrières plus diverses, bonnes pour la santé et adaptées aux conditions locales et l’adaptation de leurs exploitations au changement climatique.

La Fondation Bill et Melinda Gates a lancé en 2006 le dernier effort de modernisation de l’agriculture africaine avec l’organisation ‘Alliance for a Green Revolution in Africa’ (AGRA), l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, dont l’objectif ambitieux était de doubler la productivité des cultures et les revenus de 30 millions de familles d’agriculteurs d’ici 2020. Il y a peu de chances que l’AGRA puisse parvenir à atteindre ces objectifs.

Alimentés par de fortes doses de subventions gouvernementales pour les semences commerciales et les engrais synthétiques, les résultats observés suggèrent que l’AGRA a encouragé lamonoculture de quelques cultures de base, réduit la diversité des plantes cultivées et donc des régimes alimentaires, sapé la fertilité des sols cultivables et généré des gains décevants de productivité et de revenus pour les agriculteurs.

Selon les classements d’après l’Indice de la faim dans le monde (IFM), (en anglais ‘Global Hunger Index’), les scores pour les interventions de l’AGRA, sont restés dans les catégories « graves » ou « alarmantes » pour 12 des 13 pays concernés.

La productivité des cultures agricoles a augmenté très lentement, même pour les cultures de base classées comme prioritaires par l’AGRA. Parmi les cinq principaux producteurs de maïs d’Afrique, le Nigeria et le Kenya ont vu leurs rendements diminuer. Même lorsque la production a augmenté, comme enZambie, ces gains ne se sont pas traduits par une réduction de la pauvreté rurale : environ 78% des Zambiens vivant en milieu rural, se trouvent encore dans une pauvreté extrême.

Les subventions ont poussé les agriculteurs à réduire la production des cultures vivrières locales plus nutritives et plus résistantes à la sécheresse. Dans les pays d’action de l’AGRA, les terres consacrées au mil, une céréale indigène résistante, ont chuté de 35%.

Cela rend les petits agriculteurs plus vulnérables, et non pas moins, au changement climatique, car ils risquent de s’endetter pour acheter les intrants, qui souvent n’augmentent pas suffisamment la production pour payer les semences et les engrais de l’année suivante. Les agriculteurs perdent la diversité de leur régime alimentaire et mettent en péril la sécurité alimentaire de leurs familles en cas de perte de cette culture traditionnelle. Leurs sols deviennent moins fertiles, plus acides, du fait de leur emploi et leur dépendance excessive aux engrais synthétiques.

Les agriculteurs africains ont une meilleure solution

L’agroécologie fournit aux agriculteurs le type d’innovation dont ils ont besoin, et l’agriculture avec le respect de la nature peut promouvoir des pratiques de reconstitution des sols vivants que la ’modernisation de l’agriculture’, sape trop souvent. Plusieurs plantes vivrières sont cultivées dans le même champ. Compost, fumier et biofertilisants - pas des combustibles fossiles. Les chercheurs travaillent avec les agriculteurs pour améliorer la productivité de leurs semences plutôt que de les remplacer par des semences commerciales que les agriculteurs doivent acheter chaque année et fournir en engrais pour faire pousser leurs cultures.

L’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) a documenté l’efficacité de l’agroécologie, qui est maintenant largement promue parmi ses organisations membres.

AuKenya, les agriculteurs ont créé un réseau de banques de semences communautaires afin d’identifier, de sauvegarder et de distribuer des variétés nutritives et productives de cultures vivrières locales, comme celles perdues sous l’impulsion de la révolution verte.

Au Malawi, les agricultrices ont identifié 300 espèces et variétés de légumes et les ont semées et plantées en utilisant des techniques de la permaculture, une forme d’agroécologie très productive, ce qui a amélioré leur revenu, leur nutrition et leur santé.

En Ethiopie, dans la province du Tigré, des agriculteurs éthiopiens et des alliés locaux ont essayé d’améliorer leurs terres grâce à des techniques de conservation des sols et de l’eau, beaucoup plus efficaces que ceux utilisant des engrais chimiques. Ils ont également recours à des techniques de lutte antiparasitaire biologiques bien établies, comme les pratiques ‘push-pull’, ainsi qu’à d’autres techniques. Et ils ont augmenté leurs revenus et amélioré leur santé. En Éthiopie, le programme est maintenant accepté comme politique gouvernementale.

[Selon Wikipédia, « Le push-pull (le pousser-piéger), aussi appelé répulsion-attraction, est une approche de lutte biologique qui consiste à « chasser » les insectes ravageurs d’une culture principale et à les « charmer » vers la lisière du champ1. Cette méthode dépend de l’agencement pensé de plantes dotées de la capacité biologique ou chimique de repousser, attirer ou piéger les insectes, évitant l’utilisation d’insecticides de synthèse ou d’OGM. La technique fut développée au Kenya par l’entomologiste indien, Zeyaur R. Khan, de l’ICPE (International centre of insect physiology and ecology) et offre une utilité particulière en Afrique de l’Est, surtout au Kenya, pour lutter contre les insectes nuisibles pour le maïs2... » - Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Push-pull_(agriculture) ].

Suite de l’article traduit

Il est regrettable que nombre de ces innovations prometteuses soient menacées par des politiques semencières nationales qui menacent d’interdire aux agriculteurs le droit de conserver, d’échanger et de vendre des semences. Ces politiques, vivement encouragées par la Fondation Gates, ouvrent l’Afrique aux multinationales des semences du monde au nom de la modernisation, mais ils sapent la résilience au climat et la sécurité alimentaire des petits agriculteurs africains.

Au lieu de payer les gouvernements africains pour qu’ils utilisent des semences et des engrais commerciaux, dépassant de loin leurs propres agriculteurs, la Fondation Gates devrait inciter les gouvernements à incorporer l’agroécologie dans leurs plans prescrits d’adaptation au climat. C’est la voie durable recommandée face à un avenir incertain.

Million Belay est le coordinateur de l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (Alliance for Food Sovereignty in Africa). Timothy A. Wise dirige le programme ‘Droits des terres et des denrées alimentaires’ (the Land and Food Rights Program) du ‘Small Planet Institute’, basé aux États-Unis, et est chercheur principal à l’Institut mondial pour le développement et l’environnement (Global Development and Environment Institute) de la Tufts University. Timothy A.Wise est l’auteur de ‘Eating Tomorrow : Agribusiness, Family Farmers, and the Battle for the Future of Food’ (The New Press) ; « Manger demain : l’agroalimentaire, les exploitations familiales et la bataille pour l’avenir de l’alimentation ».

Cet article a d’abord été publié sur le site Web ‘Common Dreams’. Il est republié sur GMWatch sous une licence Common Dreams website. Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0.

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Traduction avec ajout de compléments d’informations et intégration de liens hypertextes : Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant

21/11/2019

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

http://www.isias.lautre.net/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS Semences The battle for the future of food in Africa French version.2

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