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"Jérusalem héritière d’une longue histoire et ville en grande mutation urbanistique, centre incontesté des hautes technologies mais aussi avec des d’incertitudes politiques liées à l’aménagement problématique des territoires entre israëliens et palestiniens, ainsi qu’une aire avec de grandes inégalités sociales." par Jacques Hallard

vendredi 20 septembre 2019, par Rédaction d’ISIAS



ISIAS Monde juif

Jérusalem héritière d’une longue histoire et ville en grande mutation urbanistique, centre incontesté des hautes technologies mais aussi avec des d’incertitudes politiques liées à l’aménagement problématique des territoires entre israëliens et palestiniens, ainsi qu’une aire avec de grandes inégalités sociales. Compléments sur les inégalités en général

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS 18/09/2019

« Lorsque le présent politique n’offre pas d’espoir, il faut regarder au-delà et imaginer un avenir politique qui semble actuellement impossible ». Dror Mishani in ‘Israël doit être imaginé’ (Le Monde Idées 15-16/09/2019).

Vue sur Jérusalem - Crédits : Reuters – Source

Série « Divers aspects du monde juif et du judaïsme »

Partie 1 : ’Découverte de l’identité juive, de l’état d’Israël et d’une possibilité de paix au Proche-Orient en évoquant les fils d’Abraham : Ismaël et Isaac, d’après Gérard Haddad’ par Jacques Hallard , mercredi 31 juillet 2019

Partie 2 : ’Centième anniversaire de la naissance de Primo Lévi écrivain mémorialiste italien, survivant de l’extermination systématique ou génocide de très nombreux Juifs par l’Allemagne nazie (Shoah) - Avec un récit de trois survivantes du camp d’Auschwitz’ par Jacques Hallard , lundi 5 août 2019

Partie 3 : ’Les femmes juives dans l’Histoire et dans leur vie de tous les jours en Israël et dans quelques pays de la Francophonie’ par Jacques Hallard , vendredi 9 août 2019

Partie 4 : ’Quoi de neuf en Israël aujourd’hui ? – Défis, enjeux et solutions’ par Jacques Hallard (Monde juif et judaïsme ) , vendredi 23 août 2019

Partie 5 : Jérusalem héritière d’une longue histoire et ville en grande mutation urbanistique, centre incontesté des hautes technologies mais aussi avec des d’incertitudes politiques liées à l’aménagement problématique des territoires entre israêliens et palestiniens, ainsi qu’une aire avec de grandes inégalités sociales. Compléments sur les inégalités en général

Plan : Introduction Sommaire Auteur

Introduction

Ce dossier est le 5ème de la série « Divers aspects du monde juif et du judaïsme », postée sur le site ISIAS. Il comporte une sélection de 25 documents, à usage didactique, qui proposent d’examiner tout d’abord la situation de Jérusalem, à travers son histoire et dans notre monde actuel, en traitant principalement des questions d’urbanisme qui révèlent en fait la problématique de la coexistence des deux populations, israélienne et palestinienne en termes de géopolitique, sur les territoires de cette partie du Proche-Orient (Suivre les actualités sur https://www.lemonde.fr/proche-orient/ ).

Au-delà de cette ville, qualifiée par certains auteurs de « ville monde », ou encore de « ville sainte  », la question de la clôture de sécurité ou barrière de séparation israélienne, érigée en Cisjordanie, est également abordée et des auteurs se prononcent spécialement sur la politique d’urbanisme qui est menée par Israël en Palestine (Cisjordanie).

A côté de cet aspect sensible du conflit israélo-palestinien, un regard est aussi porté sue les vestiges de l’Empire ottoman dans la Jérusalem d’aujourd’hui, et sur trois réalisations architecturales qualifiées par ailleurs de remarquables à travers Israël. On peut approfondir le sujet de l’Empire ottoman avec la vidéo 5:10 ajoutée le 2 février 2018 : L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident - Collège de France.

Ce dossier est également une opportunité pour rappeler les échanges culturels et scientifiques entre la France et Israël, anciens, divers et fournis, ainsi que les classes communautaires d’enseignement de l’hébreu dans leshttp://archive.jewishagency.org/fr/...oulpanim (pluriel d’oulpan), qui sont destinées aux candidats à l’ Alyah et qui offrent des cadres d’étude de la langue hébraïque sous la responsabilité conjointe de plusieurs autorités israéliennes (Ministère de l’Alyah et de l’Intégration, Ministère de l’Education et Agence Juive). Selon Wikipédia, « L’Agence juive (הסוכנות היהודית en hébreu) est une organisation sioniste créée en 1929 sous le nom d’Agence juive pour la Palestine pour être l’exécutif de l’Organisation sioniste mondiale en Palestine mandataire britannique. À partir du début des années 1930, elle devient le gouvernement de fait de la population juive palestinienne, et est la matrice du gouvernement israélien proclamé en 1948. L’Agence juive est alors transformée en organe gouvernemental chargé de l’immigration juive en Israël (Aliyah), sous le nom de Agence juive pour Israël, ou AJPI (הסוכנות היהודית לארץ ישראל en hébreu)… »

Selon Wikipédia, « Alya, Alyah, ou encore Aliyah est un mot hébreu (עליה ou עלייה, pluriel alyoth) signifiant littéralement « ascension » ou « élévation spirituelle ». Ce terme désigne l’acte d’immigration en Terre d’Israël (Eretz Israël, en hébreu) par un Juif. Les immigrants juifs sont appelés olim. Au contraire, le fait pour un Juif d’émigrer en dehors de la Terre d’Israël est appelé yéridah (ירידה : « descente ») et les émigrants juifs sont les yordim… » Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alya

Quoi qu’il en soit des tensions permanentes entre les communautés en Israël et en Palestine, la « ville sainte » de Jérusalem [voir Jérusalem, une ville trois fois sainte 02 avril 2018], attire de nos jours beaucoup de spécialistes des technologies numériques (dont l’intelligence artificielle ou IA) et les autorités prévoient « l’arrivée de 500.000 travailleurs dans ce secteur d’ici dix ans » (voir le document 21).

A côté de cet aspect futuriste ettrès positif, Jérusalem apparaît aussi comme la ville la plus pauvre d’Israël, car «  plus de la moitié des pauvres sont arabes israéliens (52%) et une autre moitié (48%) sont juifs ultra-orthodoxes ou « haredim » (de l’hébreu « craignant Dieu ») ; voir le document 21). « On a l’habitude de présenter Israël comme la nouvelle ’start-up nation’. Pourtant, dans ce pays de 9 millions d’habitants, 1,8 million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 1 habitant sur 5 » (France Inter, 09 avril 2019). Sur ce plan là, concernant la pauvreté, Israël a des points communs avec la France ; voir « Plan pauvreté, un an après : ’Les 10% les plus pauvres restent les oubliés du quinquennatpar France Inter, Claire Chaudière publié le 10 septembre 2019 à 6h51).

Cette dure réalité se manifeste également à Tel Aviv, « fondée en 1909 à l’époque ottomane dans les faubourgs de la ville protuaire de Jaffa », par exemple par l’action de « soupes populaires » ou ‘Resto du cœur’ qui tentent de soulager des victimes de la pauvreté et de la précarité dans certaines villes. (Voir le document 22).

D’après Wikipédia, « La précarité est une forte incertitude de conserver ou récupérer une situation acceptable dans un avenir proche. C’est une notion développée et étudiée en sciences sociales. C’est aussi une notion subjective et relative, puisqu’elle est définie par rapport à une « situation acceptable », au sein d’une société donnée. La précarité est perçue et définie différemment d’une culture à l’autre. Les facteurs influençant la perception d’une situation de précarité sont étudiés en sciences sociales… ( Article complet à lire sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9carit%C3%A9

Voir entre autre sur ce thème : La précarité en Israël, face cachée du boom économique. Par L’Obs avec AFP - Publié le 11 septembre 2019 à 10h15 - Les territoires en Israël et en Palestine ne sont toutefois les seuls à présenter de grandes disparités et inégalités sociales dans le monde.

Pour l’écrivain et traducteur israélien Dror Mishani, à l’heure des élections législatives, « Israël doit être imaginé  » (voir le document 23), surtout face aux résultats des « Législatives en Israël : trois questions sur le casse-tête politique qui s’annonce après les résultats très serrés des élections » (‘franceinfo’ - France Télévisions, 18/09/2019).

En Israël, comme dans de nombreux autres pays dans le monde, les politiques libérales conduites sur le plan économique (voir Néolibéralisme), n’ont pas réglé tous les problèmes, loin de là, et certains politologues révisent leurs conceptions idéologiques, comme Guy Sorman, « un éditeur et essayiste franco-américain1 qui s’inscrit dans la filiation intellectuelle du libéralisme…) : il revient sur ses anciennes préconisations en constatant « une spirale de l’inégalité » dans une société déchirée par les « passions identitaires (voir le document 24).

Ce dossier se termine avec un document (25)
qui retrace un entretien que Christian Chavagneux (pour ‘Alternatives économiques’) a rédigé à l’occasion de la sortie d’un ouvrage de Thomas Piketty intitulé : « Capital et idéologie » ; « Oui, on peut combattre les inégalités ! », déclare cet auteur qui « analyse la formation des inégalités, … leurs justifications idéologiques… donnant dans ce grand entretien des pistes pour un horizon plus égalitaire… »

On peut prendre aussi connaissance de cette publication « Capital et idéologie » de Thomas Piketty sur les inégalités à l’aide des documents suivants :

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Sommaire

1. Jérusalem : histoire d’une ville-monde – ParKatell Berthelot, Vincent Lemire, Julien Loiseau et Yann Potin -Document ‘histoirealacarte.com’

2. Introduction par Wikipédia pour la découverte de Jérusalem

3. Politiques et conflit dans une ville au cœur de la discorde - L’urbanisme à Jérusalem sous gouvernement israélien - Jonathan Rokem - Translated by Judith Grumbach - 23 

4. L’impossible géographie de Jérusalem Publié le 12/12/2017 – Document ‘geoconfluences.ens-lyon.fr’

5. Jérusalem en 2020 sous l’œil des urbanistes - Irène Salenson - 16 

6. Jérusalem : une ville sainte au cœur d’un urbanisme conflictuel Par Vincent Lemire, le 06/05/2015 – Avec l’aimable autorisation de Lydie Rauzier Secrétaire de rédaction / Métropolitiques : www.metropolitiques.eu

7. Livre - Irène Salenson : Jérusalem. Bâtir deux villes en une ParLionel Francou - La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, coll. « Bibliothèque des territoires », 2014

7bis. [PDF] Préface au livre d’Irène Salenson : Jérusalem. Bâtir deux villes en une, par Eric Verdeil, chercheur au CNRS, Lyon.

8. Le schème de la clôture en Israël-Palestine Par Irène Salenson - Dans L’Espace géographique 2009/3 (Vol. 38), pages 207 à 221

9. Jérusalem ou la géographie de la ségrégation - Par Alexandra Schwartzbrod — 2 janvier 2015 à 19:06 – Document ‘liberation.fr’

10. L’impossible géographie de Jérusalem Publié le 12/12/2017 – Document ‘geoconfluences.ens-lyon.fr’

11.Haut du formulaire

A l’ombre du mur - Comment Israël confisque Jérusalem-Est Par Philippe Rekacewicz & Dominique Vidal - Février 2007, pages 16 et 17– Document ‘monde-diplomatique.fr’ >

12. Jérusalem - L’impossible capitale ParVincent Lemire dans Agrégation 2017 - Question d’histoire contemporaine – Non daté – Document ‘lhistoire.fr ‘

13. Politique d’urbanisme menée par Israël en Cisjordanie - 11e législature - Question écrite n° 4101 de M. Philippe Marini(Oise - RPR) publiée dans le JO Sénat du 06/04/2000 - page 1191

14. La barrière de séparation en Israël – Palestine d’après Wkipédia

15. Israël-Palestine. Le mur qui a bétonné une paix impossible - Patrick Angevin Publié le 14/05/2018 à 12h42 – Document ‘Ouest France’

16. Un avant-poste sur des terres du KKL après démolition de bâtiments palestiniens Par Jacob Magid 13 septembre 2019, 12:50 – Document ‘fr.timesofisrael.com’

17. Ces vestiges de l’Empire ottoman dans la Jérusalem d’aujourd’hui Par Aviva et Shmuel Bar-Am 6 septembre 2019, 16:32 – Document ‘fr.timesofisrael.com’

18. Trois réalisations architecturles remarquables en Israël - Par Harry Carasso – Document ‘immodurabilite.info’

19. Les échanges culturels et scientifiques entre la France et Israël Par Yaacov Ben Avraham 3 septembre 2019, 18:28

20. En France, les oulpanim ont la cote ! Par Olivier Chalautre 25 novembre 2017, 15:11

21. A Jérusalem, la ruée vers la ’tech sainte’ Par Jeanne Dussueil - 13/05/2018, 9:00 – Document ‘latribune.fr’

22. La précarité en Israël, un tour au Resto du coeur de Tel Aviv Par AFP 11 septembre 2019, 15:07 – Document ‘fr.timesofisrael.com’

23. Politique - Dror Mishani : « Israël doit être imaginé » Par Dror Mishani, écrivain israélien - Publié le 14 septembre 2019 - Document ‘lemonde.fr/idees’

24. Guy Sorman, le temps de l’autocritique Par Nicolas Truong Publié le 16 septembre 2019 à 16h53 – ‘Le Monde’ Article réservé aux abonnés

25. Entretien - Thomas Piketty : « Oui, on peut combattre les inégalités ! » Par Christian Chavagneux 12/09/2019 – Document ‘alternatives-economiques.fr’

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1.
Jérusalem : histoire d’une ville-monde - Katell Berthelot, Vincent Lemire, Julien Loiseau et Yann Potin sont historiens. Ils travaillent ensemble depuis longtemps à Jérusalem - Document ‘histoirealacarte.com’ – Référence : https://editions.flammarion.com/Catalogue/champs-histoire/jerusalem

Jérusalem n’est pas un champ clos sur lequel se rejouerait depuis des millénaires le « choc des civilisations », la guerre des identités religieuses ou nationales. En se tenant à distance de ces catégories douteuses pour raconter la longue histoire urbaine de Jérusalem des origines à nos jours, en restant attentif à l’esprit des lieux autant qu’aux cassures du temps, on découvre au contraire une ville-monde ouverte aux quatre vents, le berceau commun dans lequel se sont inventés tour à tour le judaïsme, le christianisme et l’islam, et dont les lieux saints emblématiques reflètent autant les échanges et les influences réciproques que les conflits et les confrontations.

Pour la première fois, cette synthèse rend accessible à un large public les toutes dernières découvertes archéologiques, des archives encore inédites et les débats historiques les plus récents, en guidant le lecteur grâce à une chronologie et à une cartographie entièrement renouvelées. Une lecture indispensable pour comprendre pourquoi le monde s’est donné rendez-vous à Jérusalem.

Douze cartes animées pour parcourir 3.000 ans de l’histoire de Jérusalem la ville trois fois sainte des juifs, des chrétiens et des musulmans. Les caractéristiques géographiques du site et le délicat problème de l’alimentation en eau ; les grands bâtisseurs de la ville : Salomon, Hérode, Soliman ; les lieux emblématiques : le Mont du temple devenu l’esplanade des Mosquées, le Mont Sion ; les murailles maintes fois détruites et reconstruites, les portes et les rues qui ordonnent la ville ...

Jérusalem biblique - le roi David – Salomon – Hérode - Mont du temple - Colline de Sion - Mont des Oliviers - Aelia Capitolina - al-Quds - Jérusalem franque - le Saint-Sépulcre - Haram Al-Sharif – Jérusalem ottomane – Soliman - Jérusalem hors les murs - Jérusalem divisée

Le site de Jérusalem

Le site sur lequel s’est développée Jérusalem est surplombé par deux collines : le mont des Oliviers à l’est et la colline de Sion au sud-ouest. Au centre sur le versant sud de la colline de l’Ophel le premier noyau urbain s’est fixé en haut d’un éperon rocheux

Jérusalem biblique

D’après la tradition biblique, Jérusalem était à l’origine habitée par une population cananéenne également connue sous le nom de « Jébusites ». C’est autour de l’an 1000 avant notre ère qu’elle passe sous contrôle israélite, lorsque le roi David s’en empare et s’installe dans la citadelle située sur l’éperon rocheux au sud-est de la vieille ville actuelle.

Jérusalem à l’époque hasmonéenne

En 168 avant notre ère, persuadé que les Judéens se révoltent, le roi Antiochos IV déclare illicites les pratiques juives traditionnelles, et déclenche ainsi la révolte dite des Maccabées, menée par Judas Maccabée et ses frères. Ces derniers vont s’emparer du temple et regagner le contrôle de la ville.

Jérusalem à l’époque d’Hérode

A partir de la prise de Jérusalem par le général romain Pompée en 63 avant notre ère, la ville et la Judée tout entière passent sous contrôle romain. Sous le règne d’Hérode et dans les décennies qui suivent, Jérusalem connaît un développement urbain inégalé.

Aelia Capitolina, Jérusalem romanisée (70-325)

En 129 de notre ère l’empereur Hadrien décide de rebâtir Jérusalem et d’y fonder une colonie romaine sous le nom de Aelia Capitolina. Cette décision est à l’origine de la dernière grande révolte juive contre Rome, la révolte dite de Bah Kohba ou de Ben Kossibla entre 132 et 135, qui conduit l’empereur à interdire la ville aux Juifs.

Jérusalem chrétienne et Byzantine

Au cours des premiers siècles de notre ère les communautés chrétiennes se multiplient à l’intérieur de l’empire romain notamment en Asie Mineure, en Syrie et en Palestine. A la suite de la conversion, au cours des années 320, de l’empereur Constantin, Aelia capitolina devient officiellement chrétienne, au sein de l’empire romain puis byzantin.

Jérusalem intégrée à l’empire de l’islam (années 630-11e siècle)

Dix ans après la mort du Prophète Muhammad en 632, les Arabes ont conquis l’ensemble du Croissant fertile. La ville de Jérusalem elle-même est conquise à une date mal connue entre 635 et 638.
À la différence d’autres épisodes militaires qui ont marqué son histoire la ville, ne connait pas de destructions importantes.

Jérusalem aux mains des Francs (1099-1187, 1240-1244)

Le 15 juillet 1099, l’armée de la première croisade fait une brèche dans le mur nord de Jérusalem et prend la ville d’assaut. Une part importante de la population est massacrée, tandis que de nombreux croisés rentrent chez eux après l’accomplissement de leur vœu de libérer la ville. À la fin 1099, Jérusalem ne compte plus que quelques centaines d’habitants, tous étrangers au pays.

Jérusalem devient une ville islamique (13e-16e siècles)

La prise de Jérusalem par les croisés en 1099 n’avait guère entraîné de réactions. Huit décennies plus tard, sa reconquête mobilise les musulmans. En 1187, Saladin s’empare de la cité et en bannit tous les Francs.
Ce retour de Jérusalem sous la Loi de l’Islam marque aussi le retour des Juifs, autorisés à s’établir dans la cité.

Jérusalem ottomane (16e – 19e siècles)

Après deux siècles et demi de domination mamelouke, Jérusalem passe en 1516 sous la bannière ottomane. Désormais, elle n’obéit plus aux ordres du Caire mais à ceux d’Istanbul. Le passage de la souveraineté mamelouke à la souveraineté ottomane est cependant marqué par une forte continuité, à l’image de l’embellissement harmonieux du Haram Al-Sharif

La ville sort de ses murs (1850-1948)

De 1850 à 1914 la population de Jérusalem passe de 15.000 à 70.000 habitants.
Trop a l’étroit à l’intérieur des murailles ottomanes, la ville s’étale peu à peu sur les collines alentours. En 1855 le premier quartier hors-les-murs est construit face à la porte de Jaffa à l’initiative du philanthrope juif britannique Moïse Montefiore.

Jérusalem depuis 1948 une ou deux capitales ?

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale la communauté internationale se penche une nouvelle fois sur le sort de la ville sainte. Selon le plan de partage voté par l’Organisation des Nations unies à l’automne 1947 la région Jérusalem Bethléem doit devenir une entité séparée des deux futurs Etats d’Israël et de Palestine.

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© 2018 Histoire à la carte – Source : https://www.histoirealacarte.com/Jerusalem-histoire-de-la-ville-biblique-a-nos-jours

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2.
Introduction par Wikipédia pour la découverte de Jérusalem

Jérusalem prononcé en français : /ʒe.ʁy.za.lɛm/ (ou Salem, également nommée Hiérosolyme ou Solyme en ancien français ; יְרוּשָׁלַיִם Yerushaláyim en hébreu [dénomination israélienne officielle] ; arabe : القدس al Quds ou اورشليم Ûrshalîm [dénomination israélienne officielle en arabe]) est une ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions juive, chrétienne et musulmane.

La ville s’étend sur 125,1 km2 pour une population de 901 300 habitants en 20171. La ville, chef-lieu du district de Jérusalem, est cosmopolite : s’y mêlent de nombreuses religions, peuples, groupes socio-économiques. La vieille ville, d’une superficie assez réduite ( moins de 1 km2), est historiquement composée de quatre quartiers avec : un quartier arabe, un quartier arménien, un quartier chrétien, et un quartier juif. Ces quartiers sont entourés de remparts dont la partie visible aujourd’hui a été érigée entre 1535 et 1538. La municipalité est située à 33 km du point le plus bas du globe.

Sommaire

Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%A9rusalem

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3.
Politiques et conflit dans une ville au cœur de la discorde - L’urbanisme à Jérusalem sous gouvernement israélien - Jonathan Rokem - Translated by Judith Grumbach - 23 

This article is a translation of : Politics and Conflict in a Contested City - Abstract | Index | Outline | Text | Bibliography | Notes | Illustrations | References | About the author

Résumé - L’urbanisme est un outil déterminant dans la conception d’une ville belle et fonctionnelle. Un système d’urbanisme fort permet d’équilibrer les intérêts des différents groupes (publics ou privés) et des différentes communautés de la ville, tout en protégeant l’intérêt public et en assurant la prospérité de la ville. A Jérusalem, où l’urbanisme et la politique ethnico-nationale se rejoignent, l’urbanisme a servi, ces dernières décennies, à atteindre les objectifs de la politique nationale israélienne, à dynamiser la population israélienne et à renforcer son emprise sur les sols urbains tout en limitant le développement urbain palestinien et en restreignant son contrôle des terrains. Cet article passe en revue les études faites sur les villes de conflit avant de présenter une analyse de l’histoire de l’urbanisme de Jérusalem ; cet article se termine par une analyse contemporaine de l’urbanisme et de la politique dans Jérusalem, une ville au cœur de la discorde.

Keywords : Jérusalem, urbanisme, ville de conflit, conflit israélo-palestinien

Introduction

Jérusalem dans le contexte des « villes de discordes ethnico-nationales »

Historique de l’urbanisme à Jérusalem

Historique de l’urbanisme à Jérusalem – la période contemporaine

Conclusion

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Introduction

1L’urbanisme est un instrument déterminant du développement d’une ville, instrument qui donne sa forme à l’espace construit. En général, l’urbanisme permet un bon aménagement de l’environnement et favorise les communautés viables au développement durable. Dans certains cas extrêmes, cependant, les conflits territoriaux priment sur l’urbanisme. C’est le cas notamment dans le Moyen Orient, avec le conflit israélo-palestinien en particulier. L’intérêt international soutenu et la couverture médiatique depuis cette région placent les questions géopolitiques locales sous les feux des projecteurs ; les conditions qui sous-tendent l’émergence de ce contexte mouvementé sont néanmoins rarement analysées. Cet article soutient que l’urbanisme a un impact fondamental sur le bon développement social et spatial des espaces urbains mais que dans certains cas extrêmes, comme celui de Jérusalem, les politiques de conflit donnent naissance à des conditions d’urbanisme différentes.

2Plusieurs facteurs distinguent Jérusalem d’autres villes. Tout d’abord, c’est un centre religieux important pour trois religions monothéistes mondiales ; deuxièmement, deux ennemis la revendiquent comme capitale nationale, plaçant cette dernière au cœur du conflit israélo-palestinien. Les désaccords sur cette ville concernent plusieurs dimensions et Jérusalem se retrouve alors dans une situation symbolique particulièrement difficile lorsqu’il s’agit de résoudre ses tensions internes et externes. Aujourd’hui, Jérusalem est la ville la plus grande et la plus pauvre d’Israël. Fin 2010, elle comptait 789 000 habitants. La population « juive et autres » de la ville se montait à 504 000 habitants et on y comptait 285 000 « Arabes » (Choshen et al. 2012). Les documents et les analyses ne manquent pas sur le tournant important dans les conditions géopolitiques du pays après juin 1967, Israël occupant alors Jérusalem-Est ainsi que les autres territoires. Malgré les objections de la communauté internationale, le gouvernement publiait alors le décret sur les municipalités (le Municipalities Ordinance [Amendment No. 6] Law, 5727-1967), étendant la loi israélienne à Jérusalem-Est (Lapidoth 2006). Ainsi, Israël annexait le territoire palestinien et déclarait Jérusalem capitale unifiée du pays.

3La surface totale annexée par Israël à Jérusalem en 1967 était de 71 km² (soit 18 000 hectares environ), dont 6,5 km² appartenait – avant 1967 – à la municipalité de Jérusalem-Est (sous autorité jordanienne) et incluait la Vieille ville. Le reste de l’espace fut pris sur les juridictions de vingt-huit villages palestiniens des alentours de la ville. Du fait de l’occupation et de l’annexion de ces territoires en 1967, les frontières municipales triplèrent, passant de 38 km² à 109 km². Cette surface municipale élargie s’agrandit encore d’avantage en mai 1993 pour atteindre 126 km² (environ 32 000 hectares) (pour plus de détails, voir Rokem 2010).

Jérusalem dans le contexte des « villes de discordes ethnico-nationales »

4Toutes les villes du monde connaissent une fragmentation à différents niveaux puisque les circonstances locales et globales produisent des divisions socio-économiques, culturelles et ethniques. Ce phénomène a fait l’objet d’étude dans quelques-unes des œuvres phare sur les villes. L’observation de la classe laborieuse de Manchester par Friedrich Engels en est l’un des exemples les plus anciens (cf. Engels 1844). Des analyses contemporaines analogues abondent, tel le « Fortress Urbanism » [l’urbanisme forteresse] de Mike Davies à Los Angeles (1990), la notion de « vivre ensemble dans la différence » de Marion Young ou l’analyse de l’exclusion sociale dans les villes européennes par Ali Madanipour (1998), pour n’en citer que quelques-unes. Cependant, ces chercheurs se focalisent sur des villes qui ne connaissent pas de divisions religieuses et ethno-nationalistes véritablement extrêmes. Ces caractéristiques n’existent que dans une minorité d’espaces urbains définis par Hasson et Kouba (1996 : 14) comme polarisés et politiquement divisés. Selon eux, les conflits dans ces villes sont pluridimensionnels et les grandes divisions ethnico-religieuses contiennent elles-mêmes des divisions nationales, une ségrégation géographique et une stratification économique. Pour Bollens (1998, 2000), bien qu’il existe des dynamiques de conflit complexes et fluctuantes dans les villes polarisées ethniquement parlant, les questions d’identité ethnique et de revendication de souveraineté nationale sur un territoire sont courantes dans ces mêmes villes. Kotek (1999 : 228) appellent ces espaces urbains des « villes frontières », différentes des villes « pluriethniques » ou « multiculturelles ». Par « frontière », Kotek veut dire que les divisions ne sont pas seulement ethniques ou économiques mais que ces villes se trouvent placées sur un ensemble de lignes de fracture entre diverses entités ethniques, religieuses et idéologiques. Cet ensemble de lignes de fracture pose un défi important aux politique et planification urbaines (Sharkansky 1996 ; Bollens 1998, 2000 ; Hasson 2002, 2005 ; Kmihi 2005 ; et al.).

5De plus, ces villes jouant un rôle dans des conflits nationaux, les événements qui les concernent ont des répercussions bien au-delà de leurs portes. Parmi les villes les plus connues, il faut citer Belfast, Nicosie, Berlin, Sarajevo, Beyrouth, Bruxelles ; mais toutes les études s’accordent à dire que Jérusalem représente l’un des territoires où l’urbanisme est des plus complexes et où l’espoir de résoudre le conflit reste ténu (Sharkansky 1996 ; Sennett 1999 ; Bollens 1998, 2000 ; Safier 2001 ; Sorkin 2002 ; Hasson 2003, 2005). Jérusalem est divisée à plus d’un titre : historiquement (Israël et Palestine), ethniquement et religieusement (Juifs et Arabes), d’un point de vue ethnico-national (Palestiniens et Israéliens) et sur le plan linguistique (hébreu et arabe). Les désaccords sur cette ville concernent plusieurs dimensions et Jérusalem se retrouve alors dans une situation symbolique particulièrement difficile lorsqu’il s’agit de résoudre ses tensions internes et externes. Les importants travaux effectués récemment sur les villes au cœur de conflits ethnico-nationaux ont surtout porté sur les questions de contrôle national et sur le territoire sans vraiment chercher à percer les dynamiques urbaines cachées sous les problèmes nationaux plus évidents (Benvenisti 1996 ; Dumper 1997 ; Bollens 2000 ; Yiftachel et Yacobi 2004).

Historique de l’urbanisme à Jérusalem

  • 1 Guerre d’indépendance (nom israélien) ou Naqba « le Désastre » (nom palestinien) ; pour simplifier, (...)
    6Afin de mieux comprendre la complexité du tissu spatial et social de Jérusalem, il convient de dresser un petit historique de cette ville au xxe siècle. En 1917, l’autorité sur Jérusalem passait de l’Empire ottoman au Mandat britannique. Ce changement de gouvernement allait modifier radicalement le statut de la ville qui, d’une bourgade provinciale aux confins du vaste Empire ottoman devenait la capitale du Mandat britannique en Palestine. La politique d’urbanisme du Mandat britannique renforça la position de la Vieille ville tout en développant la ville nouvelle en relation avec son cœur historique. Les Britanniques établirent de nouveaux plans d’urbanisme et firent construire plusieurs grands édifices dans Jérusalem. Ces plans d’aménagement pour le développement urbain étaient préparés par certains des plus grands urbanistes de l’époque : parmi les plans d’aménagement, il faut citer le Plan Ashbee et Geddes (1922), le Plan Holliday (1934) et le Plan Kendall (1944). Après trente années de Mandat britannique, à la création de l’Etat d’Israël suite à la guerre de 19481, Jérusalem fut divisée en deux : l’Est (du côté jordanien) et l’Ouest (du côté israélien). Lors des dix-neuf années qui suivirent, les deux parties de la ville se développèrent de manièrent indépendante, comme deux entités complètement séparées de chaque côté d’une zone-frontière militarisée située le long de la ligne de cessez-le-feu, au cœur historique de la cité, près des murs de la Vieille ville.

7Deux objectifs d’urbanisme très différents dominèrent l’aménagement israélien de la ville jusqu’en 1967. Dans un cas, Jérusalem était conçue comme une ville-frontière vulnérable à la limite du royaume hachémite de Jordanie, hostile à Israël. L’aménagement urbain devait donc s’effectuer vers l’ouest, sans prendre en compte le vieux centre historique alors divisé. L’autre objectif préconisait le renforcement de la partie ouest de la ville, centre de Jérusalem, qui symboliserait alors la capitale d’Israël. En général, la division de la ville était une réalité immuable : « la ligne de séparation s’installa dans l’esprit des gens » (Schwied 1986 : 109). Officiellement, Jérusalem devint une ville divisée. De chaque côté de la frontière, Israéliens et Jordaniens développèrent leur part de la ville. Les Jordaniens s’attachèrent à étendre leurs banlieues en dehors des murs de la Vieille ville, notamment vers le nord (Sharon 1973 : 132). En Israël, le Plan de 1950 – premier plan d’urbanisme israélien pour Jérusalem – prévoyait l’extension et le développement de la ville. Le Plan de 1959 (plan directeur) qui lui succéda reprit la plupart des règlements du Plan de 1950 ; ce plan est le dernier plan d’urbanisme autorisé faisant force de loi pour Jérusalem, jusqu’à aujourd’hui (des détails supplémentaires à ce sujet seront fournis dans le rapport concernant la période actuelle présenté plus loin dans cet article). Durant les dix-neuf années qui suivirent, les urbanistes s’attachèrent à développer de nouveaux quartiers à l’ouest de la ville, qui connut alors une croissance bien plus importante que le côté jordanien. Les zones proches de la frontière étaient des quartiers pauvres considérés comme dangereux à cause des tirs de sniper et de l’hostilité des Jordaniens. Les plans de 1950 et 1959 reflétaient bien la conviction des urbanistes que la ville resterait divisée sans aucune indication ni espoir de changement dans le statu quo.

8Le plan d’urbanisme de 1968, préparé par Hashimshoni, Schwied et Hasimshoni en 1966-67, avant l’issue de la guerre de 1967, prévoyait une Jérusalem unifiée à un moment où cela défiait tous les espoirs et les objectifs d’urbanisme ; ce plan allait ainsi à l’encontre de la vision généralement admise que Jérusalem resterait divisée à jamais (Hashimshoni et al. 1972). Lorsque le plan d’urbanisme de 1968 fut enfin prêt à être soumis à la municipalité, la guerre de 1967 avait pris fin et l’espace urbain se retrouvait à nouveau sous une seule autorité. La réalité géographique augmentait donc la potentialité du plan d’urbanisme : « Jusqu’en 1967, Jérusalem était une ville où il ne se passait rien. Ses problèmes étaient surtout des problèmes locaux, municipaux – des problèmes importants, certes, mais locaux. Après 1967, les problèmes étaient différents ; les problèmes devinrent politique nationale » (Schwied 1986 : 112).

  • 2 La guerre des Six Jours en 1967 entre Israël et ses voisins arabes prit fin avec l’occupation israé (...)
    9Avec la guerre de 19672 entre Israël et ses voisins arabes, le contrôle de la ville de Jérusalem repassa à une seule entité politique : Israël. Par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur et la municipalité de Jérusalem, le gouvernement israélien s’efforça sans attendre de façonner le tissu urbain au gré de ses besoins et de ses aspirations politiques. Ces quarante-cinq dernières années, Israël – par le biais du ministère de l’Intérieur et de la municipalité de Jérusalem, ses principales structures législatives – a été responsable de la planification et de la politique d’urbanisme à Jérusalem, conservant une nette séparation entre les zones d’habitation israéliennes et palestiniennes, comme le montre clairement la carte de 2008 présentée ci-dessous (fig. 1).

Figure 1 > Zoom Original (, 256k) - Carte des frontières municipales de Jérusalem (les quartiers palestiniens apparaissent en brun et les quartiers israéliens en bleu). Source : Société des études arabes – Service de cartographie et de système d’information géographique, 2008.

10Après la guerre de 1967, la politique d’urbanisme israélienne eut pour but une « réunification » générale de la ville en mettant l’accent notamment sur le centre historique dont les deux parties venaient d’être réunifiées. « Les premiers projets d’urbanisme envisageaient une réorientation qui mènerait, à terme, à relier les deux grands centres d’affaires de l’Est et de l’Ouest de Jérusalem » (Romann et Weingrod 1991 : 41). Le Plan de 1968, mentionné ci-dessus, comptait « établir la structure urbaine d’une ville unifiée, d’accès libre tant sur le plan national qu’international, et qui puisse faire office de capitale de l’Etat d’Israël » (Sharon 1973 :135). Le Plan de 1968, tout aussi sensible aux caractéristiques uniques de Jérusalem que les plans dessinés par les urbanistes du Mandat britanniques, limitait la construction autour de la Vieille ville afin d’y laisser des espaces ouverts. Il portait une attention particulière au cœur historique de la ville et, comme les plans précédents, il contrôlait la hauteur des bâtiments édifiés autour des murs de la Vieille ville.

11Le Plan de 1968 avait comme directive d’intégrer les infrastructures et le développement de la ville par le biais de sa politique d’urbanisme et de l’expansion de l’aménagement. Dans les jours qui suivirent la réunification de Jérusalem en 1967, la municipalité entreprit « l’intégration des services et des infrastructures » des deux côtés de la ville (Dumper 1993 : 81).

12Teddy Kollek, le maire de Jérusalem qui deviendrait, en vingt-cinq ans, la personnalité phare de la gestion et du développement de Jérusalem, réunit au début des années soixante-dix un panel d’experts chargé de revoir le Plan de 1968 et de poursuivre la construction d’une « Jérusalem réunifiée » (Wasserstein 2001 : 217). Le maire nourrissait de grands espoirs quant à l’aménagement et au développement du centre de Jérusalem :

Nous sommes complètement plongés dans l’aménagement de la ville afin d’en améliorer la qualité de vie. Actuellement, nos projets concernent la Vieille ville et ses proches environs. C’est à grands frais que nous aménageons une ceinture verte autour de la Vieille ville. Je crois que Jérusalem est la seule ville moderne dans laquelle une surface est achetée pour y créer un grand espace vert central, à l’image de ceux qui ont été préservés dans d’autres villes depuis plus d’un siècle : le Boston Common, Central Park à New York, Hyde Park à Londres et le Bois de Boulogne à Paris (Kollek1980 : 12).

13L’un des architectes impliqués dans l’aménagement du centre historique de la ville après 1967, David Guggenheim, remarque à propos des plans d’urbanismes du Mandat Britannique : « Ils cherchaient clairement à développer l’espace central, autour de la Vieille ville, pour en faire un pont entre l’Est et l’Ouest de Jérusalem et effacer la vieille ligne de fracture entre les deux côtés » (entretien avec David Guggenheim le 11 juin 2006). Les urbanistes avaient conçu l’aménagement du centre de la ville en tenant compte de la spécificité de Jérusalem et de la centralité de cette ville sainte, espérant créer une zone tampon sous la forme d’un espace archéologique ouvert autour des murailles de la Vieille ville (Turner 2003 : 97). Cependant, comme nous l’avons noté plus haut, la politique d’urbanisme israélienne de Jérusalem été largement influencée par le conflit politique national et, depuis 1967, cette politique d’urbanisme s’est caractérisée par la volonté d’unifier la ville sous la souveraineté israélienne, comme l’indique le Plan de 1968 (voir les détails dans la suite de cet article).

Historique de l’urbanisme à Jérusalem – la période contemporaine

14Comme nous l’avons dit dans l’historique de l’urbanisme ci-dessus, depuis 1967, la politique d’urbanisme a servi d’instrument pour asseoir la domination de la municipalité israélienne sur l’espace urbain et mieux affirmer la souveraineté de cette dernière. Malgré la rhétorique israélienne déclarant Jérusalem « ville unifiée », les politiques d’urbanisme ont été celles d’une ville coloniale : tant le gouvernement national que le gouvernement municipal ont suivi la même politique de judaïsation de la ville – c’est-à-dire l’expansion du contrôle politique, territorial, démographique et économique israélien sur Jérusalem (Yacobi 2012). Plus précisément, ces quarante-six dernières années, Israël a utilisé sa force militaire et sa puissance économique pour déplacer des frontières et en établir d’autres, accorder et refuser des droits et des ressources, déplacer des populations et donner une nouvelle forme aux territoires occupés afin d’assurer le contrôle juif. Dans le cas de Jérusalem-Est, Israël a eu recours à deux stratégies complémentaires : d’une part, la construction massive de quartiers juifs encerclant cette zone, dans lesquels réside actuellement plus de la moitié de la population juive de la ville ; d’autre part, le freinage du développement palestinien en démolissant les habitations, en interdisant légalement les constructions et le développement palestiniens et en empêchant l’immigration palestinienne vers la ville.

15Depuis la construction du mur de séparation (appelé également « barrière de sécurité »), Israël a annexé 160 km² des territoires occupés, en plus des 70 km² annexés immédiatement après l’occupation de Jérusalem-Est en 1967. Il s’agit des colonies de Maalé Adoumim et de Givat Zéev, du bloc d’implantations du Goush Etzion et de la colonie de Bétar Illit. Le mur renforce, dans les faits, les limites israéliennes de Jérusalem et en fait la plus grande ville d’Israël, d’un point de vue géographique. Par contre, ce mur nuit à la continuité géographique et à l’intégration fonctionnelle des quartiers palestiniens qui se retrouvent complètement détachés de leur hinterland (Yiftachel et Yacobi 2002).

16D’après Israël, ce mur a été érigé pour empêcher les auteurs d’attentat-suicide de pénétrer dans la ville depuis la Cisjordanie. Ce mur a fortement perturbé la vie quotidienne des populations palestiniennes qui résident en Cisjordanie et dépendent de Jérusalem-Est pour leur travail ou pour leurs activités commerciales. Aussi a-t-on assisté à une immigration en masse des Palestiniens qui ont quitté la Cisjordanie pour s’installer dans la municipalité de Jérusalem (du côté israélien du mur). La construction de ce mur a donc transformé l’équilibre démographique puisque le pourcentage d’habitants palestiniens de Jérusalem a augmenté ; ironiquement, cela va à l’encontre de l’objectif principal de la politique d’urbanisme israélienne de ces quarante-six dernières années : conserver une majorité juive dans la ville. Après l’expansion de la ville suite à la guerre de 1967, la population totale de Jérusalem se montait à 266 000 habitants, dont 74 % de Juifs et 26 % d’Arabes et autres (Chosen 2005 : 11). Depuis, contrairement à la population juive, la population palestinienne est en augmentation constante. On prévoit que d’ici 2020, la population juive tombera à 62,2 % tandis que les Arabes et autres constitueront 37,8 % de la population de la ville (Chosen 2005 : 15). L’équilibre démographique de Jérusalem n’a cessé de changer. L’augmentation de la population palestinienne contrecarre la politique du gouvernement israélien et de la municipalité de Jérusalem de conserver une majorité juive dans la ville et s’inscrit dans ce qu’on appelle la « bataille démographique » (Fenster 2004 : 96).

  • 3 La Cisjordanie, dans laquelle se trouve Jérusalem-Est, a été prise par Israël à la Jordanie lors de (...)
    17Une autre question problématique se pose, à Jérusalem : celle de la souveraineté (Benvenisti 1985 et al.  : 1 ; Baskin et Twite 1993 : 16 ; Klein 2003 : 54). La souveraineté est une des notions les plus complexes et les plus controversées du droit constitutionnel et du droit international. « La souveraineté fait généralement référence à une situation d’autorité politique absolue sur un territoire donné » (Baskin et Twite 1993 : 11). La plupart des pays du monde et la plupart des organisations internationales – y compris l’ONU – montrent une certaine réticence à reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël. Cela est dû au fait que la partie est de la ville est considérée comme un territoire occupé ne faisant pas partie d’Israël mais de la Cisjordanie3. Après la guerre de 1967, Israël accorda un statut particulier et la citoyenneté israélienne à la population de Jérusalem-Est, l’objectif déclaré étant d’intégrer cette population à la ville tout en soutenant qu’elle recevrait les mêmes droits que la population israélienne. Techniquement, ces habitants de Jérusalem-Est, ainsi différenciés de ceux de la Cisjordanie, ont le droit de vote pour les élections municipales et ont accès aux services sociaux de la ville. Dans l’ensemble, les Yérosolomitains de l’est soutiennent que la municipalité est illégitime et, depuis 1967, ils marquent leur opposition en s’abstenant de participer aux élections municipales (Romann et Weingrod 1991 : 193 ; Hasson et Kouba 1996 : 120).
  • 4 Plan d’urbanisme de Jérusalem de 2000 – Service d’urbanisme de la municipalité de Jérusalem (hébreu (...)
    18Depuis 1967, la politique municipale de Jérusalem a été marquée par le discours de la politique nationale israélienne. Ce dernier a principalement visé à « réunifier » Jérusalem sous la souveraineté israélienne alors que la population palestinienne de l’est de la ville voit l’intégration de Jérusalem-Est comme une « annexion » illégale. Dans les villes ethniquement divisées, la politique d’urbanisme joue un rôle prépondérant dans le renforcement des divisions spatiales et sociales (Bollens 2000). Le financement pour l’urbanisme et les projets de constructions est inégalement réparti entre l’est et l’ouest et la ville reste de ce fait divisée en deux pôles de croissance différents tandis que les quartiers-charnières et les vieilles zones frontalières, délaissés, constituent toujours autant de lieux de division entre les deux côtés. Jusqu’à aujourd’hui, l’urbanisme et le développement de Jérusalem ont suivi les directives du dernier plan d’urbanisme autorisé faisant force de loi à Jérusalem, plan qui remonte à 1959. Ce Projet de 1959, établi à une époque où la ville était divisée, ne concerne que la partie ouest de la Jérusalem d’avant 1967. Il ne peut donc pas véritablement déterminer l’urbanisme et le développement de la ville dans les conditions actuelles. Ainsi, en absence de mise à jour, pendant près de cinquante ans, la municipalité, le ministère de l’Intérieur et divers services gouvernementaux se sont occupé d’urbanisme et de développement sans plan ayant force de loi. Le « Plan d’urbanisme 2000 » (analysé plus en détail ci-dessous) a été publié en 2004 ; jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas été autorisé. Si aucun plan d’urbanisme n’a été autorisé, au fil des ans, c’est à cause des désaccords entre les responsables politiques. Par conséquence, le développement de Jérusalem s’est effectué sans grand rapport avec ce qui était prévu dans le Projet de 1959 et la ville s’est construite suivant des plans de quartier détaillés mais sans coordinations globale. D’où une incohérence et une ambiguïté dans la politique d’urbanisme qui n’a produit aucun plan général permettant de continuer d’aménager la ville. Comme nous l’avons dit, le nouveau plan d’urbanisme de Jérusalem – le « Plan d’urbanisme de Jérusalem de 2000 »4 (fig. 2) – est le premier plan exhaustif qui prend en compte l’Est et l’Ouest de Jérusalem et qui aborde la question du maintien de l’équilibre démographique dans une ville non divisée, suivant la politique du gouvernement israélien. Le principe sous-jacent à la politique d’urbanisme à Jérusalem est le développement d’une grande ville unifiée à majorité juive. L’objectif du plan est d’atteindre une population juive à 60 % et arabe à 40 %, et de conserver cet équilibre dans l’avenir.

19 – Figure 2 > Zoom Original (, 403k) - Plan d’urbanisme de Jérusalem de 2000. Source : Service d’urbanisme de la municipalité de Jérusalem

20Ce Plan d’urbanisme de Jérusalem de 2000 représente une amélioration par rapport aux plans existants. Néanmoins, les bénéfices que les Palestiniens pourront en tirer restent symboliques. En effet, si le plan offre de nouvelles possibilités en matière de projets résidentiels, il introduit en même temps un certain nombre de règlements de construction qui empêchent les résidents de profiter de ces possibilités.

21Ce plan d’urbanisme ne donne pas d’indication quant à l’utilisation des terrains et ne peut donc pas être utilisé pour délivrer des permis de construire, par exemple. Pour aménager les zones comprises dans ce projet, il faudrait un plan local plus détaillé réglementant l’utilisation des divers terrains, conformément à la loi, afin de délivrer des permis de construire. Or pour la plupart des quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, il n’existe aucun plan local et ces zones resteront inexploitées.

22La ratification de ce plan d’urbanisme de Jérusalem de 2000 a provoqué des dissensions entre divers responsables politiques. En 2004, la première version du plan était publiée afin d’être examinée. Dans cette version, une surface totale d’environ 11,8 km² était dévolue au développement de nouveaux quartiers de Jérusalem. Seuls 2,3 km² de cette surface (soit moins de 20 %) revenait aux quartiers palestiniens (alors que 9,5 km² étaient réservés aux quartiers israéliens).

23En avril 2007, le comité local de l’urbanisme de Jérusalem ratifiait le plan et le transférait au comité d’urbanisme régional pour qu’il l’approuve également. De 2007 à mai 2008, le plan fut l’objet de vives discussions au sein du comité d’urbanisme régional qui finit par le publier afin de le soumettre aux objections du public. Ensuite, les urbanistes devaient apporter au plan les modifications demandées avant de le soumettre à un examen final. Cela ne s’est pas encore fait.

24Les membres du conseil municipal de Jérusalem sont responsables de ce retard. Ils ont fait parvenir au ministère de l’Intérieur un document détaillé dans lequel ils soutiennent que le plan ratifié constitue une discrimination contre les Israéliens en faveur des Palestiniens. (Le ministère de l’Intérieur, en haut de la hiérarchie en matière d’aménagement du territoire, est le responsable général de la politique d’urbanisme.) Le ministère de l’Intérieur a demandé au directeur du bureau régional d’urbanisme de ne pas donner son accord tout de suite. Ainsi, si le Plan d’urbanisme de Jérusalem de 2000 n’a pas encore été ratifié, c’est à cause des désaccords entre les responsables politiques israéliens.

25Il faut noter que la plus grande mobilisation populaire israélienne contre la construction d’un projet de logements à Jérusalem (comptant 16 000 objections soumises à la commission d’urbanisme) a été organisée contre le « Plan Safdie » (Ebauche 37/1, prévoyant la construction de 20 000 logements sur une surface non bâtie de 26,6 km² à l’ouest de Jérusalem), notamment par des associations de protection de l’environnement ; depuis 2006, cette mobilisation a réussi à saborder le plan. La crise du logement à l’ouest de la ville pousse à l’exploitation des terrains à l’est pour y bâtir des habitations israéliennes ; le gouvernement a d’ailleurs approuvé les ébauches de plan concernant la zone « E 1 » (contestée) – un terrain relativement vide aux environs de Jérusalem-Est, en Cisjordanie. Cette zone est décisive car elle relie le nord et le sud de la Cisjordanie et peut jouer un rôle prépondérant dans la création d’un Etat Palestinien viable.

Conclusion

26La politique d’urbanisme de Jérusalem détermine la sphère sociale de manière explicite et donne forme à des pratiques sociales spécifiques. Ces pratiques sociales permettent à certains « locuteurs privilégies » (les responsables politiques israéliens) de gérer et de dominer la politique d’urbanisme et le développement de la ville.

27La recherche dans notre domaine véhicule la vieille idée que Jérusalem a peu de chance de devenir une ville réellement ouverte et unifiée. Dans cet article, nous admettons que dans les circonstances politiques actuelles, les espoirs de voir une véritable solution au problème de Jérusalem restent minces. Malgré tout, à propos de cette ville, il convient de citer Scott Bollens (2000), qui affirme que la politique d’urbanisme ne devrait pas attendre l’avènement d’un processus de paix global mais peut au contraire constituer un instrument important dans la gestion du conflit à l’échelle locale tout en jouant un rôle de facilitateur pour trouver des solutions politiques plus approfondies. Dans ce sens, il faudrait voir la politique d’aménagement et l’urbanisme comme des outils essentiels, à part entière, pour parvenir à une plus grande coopération, en l’absence de solutions politiques plus générales. Pourtant, durant ces quarante-six dernières années, la politique d’urbanisme de Jérusalem, sous l’égide de la municipalité soutenue par le gouvernement israélien, a servi à implanter et à maintenir une majorité juive dans la ville. Mais dans les faits, cet objectif est loin d’avoir été atteint.

28Le développement des quartiers juifs de Jérusalem continue, grâce à l’expansion des secteurs de logements, de commerce et de l’emploi, expansion qui se base sur des ébauches de plans locaux dans les parties est et ouest de la ville. Il n’existe par contre aucune ébauche de plan local ratifié en ce qui concerne les quartiers palestiniens et l’économie de Jérusalem-Est, sans perspective d’amélioration, dépendra toujours de celle de Jérusalem-Ouest.

29Il faut sans tarder faire appel à la politique d’urbanisme afin de promouvoir de véritables solutions à Jérusalem. Cela signifie que la politique d’urbanisme unilatérale israélienne actuelle doit faire place à une politique localisée et partagée. Dans un Moyen-Orient tourmenté, cela semble relever de l’utopie. Malgré tout, avant d’espérer une quelconque résolution générale, il faut se détourner d’objectifs d’aménagement unilatéraux et mettre en œuvre un urbanisme qui favorise le changement au profit de tous les résidents de la ville.

Bibliography

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Notes

1 Guerre d’indépendance (nom israélien) ou Naqba « le Désastre » (nom palestinien) ; pour simplifier, le terme « guerre de 1948 » sera utilisé dans le reste de cet article.

2 La guerre des Six Jours en 1967 entre Israël et ses voisins arabes prit fin avec l’occupation israélienne de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du plateau du Golan.

3 La Cisjordanie, dans laquelle se trouve Jérusalem-Est, a été prise par Israël à la Jordanie lors de la guerre de 1967.

4 Plan d’urbanisme de Jérusalem de 2000 – Service d’urbanisme de la municipalité de Jérusalem (hébreu) : http://www.jerusalem.muni.il/jer_sys/publish/HtmlFiles/13029/results_pub_id=24819.html

Référence : Jonathan Rokem, « Politiques et conflit dans une ville au cœur de la discorde », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem [Online], 23 | 2012, Online since 20 January 2013, connection on 01 September 2019. URL : http://journals.openedition.org/bcrfj/6902

Auteur : Jonathan Rokem - Jonathan Rokem est étudiant en doctorat au département de sciences politiques à l’Université Ben-Gurion dans le Néguev. Parallèlement, il poursuit ses recherches au Centre de recherche français à Jérusalem dans le cadre de la bourse Bettencourt Schueller. Il a une licence de philosophie et de géographie de l’Université hébraïque de Jérusalem et un master d’urbanisme de la London School of Economics and Political Science. Sa recherche porte sur l’analyse critique des villes du point de vue spatial et social.

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4.
L’impossible géographie de Jérusalem Publié le 12/12/2017 – Document ‘geoconfluences.ens-lyon.fr’ – Photo

Le mercredi 6 décembre 2017, le président des États-Unis Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël. Voir ce qu’il faut en retenir, par Le Monde, et cet article dans The Conversation  : 

  • Spyros Sofos et Vittorio Felci, « Jérusalem, le nœud gordien des Israéliens et des Palestiniens  », The Conversation France, 7 décembre 2017. (version originale en anglais) : « La décision de Trump méconnaît totalement la fragilité de la coexistence entre Israéliens et Palestiniens à Jérusalem. Elle fait fi aussi de la signification que revêt la cité pour l’identité palestinienne et pour ses aspirations nationales, ainsi que l’impact dévastateur qu’elle va avoir sur un processus de paix déjà moribond. »
    Quelques ressources pour faire le point :
  • Un article de la revue L’Histoire dont le titre a inspiré celui de cette brève : « L’impossible capitale » de Vincent Lemire, avec des cartes et une chronologie. 
  • Pierre Magnan, « Tel Aviv, Jérusalem : quelle est la vraie capitale d’Israël ?  », Géopolis, France TV info, 30 janvier 2017. La proclamation de Jérusalem « une et indivisible » par la Knesset en 1980 a été condamnée par le Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 476). L’auteur de l’article rappelle que « si Jérusalem n’est pas reconnu comme capitale d’Israël par le droit international, la ville abrite de fait les institutions politiques et étatiques israéliennes et tous les chefs d’État ou de gouvernement se sont rendus à Jérusalem pour rencontrer les autorités du pays, voire s’exprimer devant la Knesset. »
  • La résolution 476 de 1980 par l’Organisation des Nations Unies : « Déplorant qu’Israël persiste à modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle et le statut de la Ville sainte de Jérusalem » et « Gravement préoccupé par les mesures législatives entamées à la Knesset israélienne en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem. »
  • Hervé Amiot, « Jérusalem, une ville divisée chargée de symboles  », Les clés du Moyen-Orient, 9 octobre 2013, republié le 8 décembre 2017. « Ainsi, on voit que la vieille ville s’inscrit dans des rapports de force symboliques. Par exemple, les Israéliens mènent des fouilles archéologiques pour montrer que Jérusalem était la capitale du royaume de David. Mais les rapports de force sont aussi réels : les Israéliens acquièrent de plus en plus de logements dans le quartier musulman, souhaitant affirmer leur présence dans la vielle ville, face notamment à la démographie de la population (sic) musulmane (les chrétiens sont très peu nombreux). »
    Des cartes de Jérusalem

L’article évoqué ci-dessus propose trois cartes claires et pédagogiques :

De nombreux liens ici : Les conflits à Jérusalem par les cartes, brève de Géoconfluences, novembre 2014.

En vidéo : Le statut de Jérusalem expliqué en cartes, par le service cartographique du Monde : Jules Grandin, Delphine Papin, Charlotte Recoquillon et Olivier Clairouin, ci-dessous :  

Un livre

L’ouvrage d’Irène Salenson, Jérusalem. Bâtir deux villes en une, permet de faire un pas de côté en analysant, par l’urbanisme, la manière dont la ville et sa morphologie cristallisent le conflit.

  • Irène Salenson, Jérusalem. Bâtir deux villes en une. Éd. de l’Aube, 2014, 256 p. L’ouvrage a fait l’objet de plusieurs comptes-rendus, par exemple :
  • Compte-rendu d’Éric Verdeil, dans son carnet de recherches Rumor  : « Ce petit livre courageux synthétise une thèse très dense, soutenue en 2007 au terme d’un travail de terrain long et méticuleux, et actualisée ici sur certains points. L’auteure fréquente Jérusalem depuis quinze ans. Elle parle l’hébreu, comprend l’arabe […] »
  • Compte-rendu de Clémence Vendryes, dans Géocarrefour : « Depuis 1948, c’est en effet un problème de souveraineté et d’aménagement de l’espace qu’a cristallisé le conflit israélo-palestinien à Jérusalem. D’une part, l’approche urbanistique s’intéresse au contenu de ces unités contradictoires et, d’autre part, l’approche par les acteurs étudie les jeux d’addition, de soustraction et de division opérés par les bâtisseurs de Jérusalem. »
  • Compte-rendu de Benoît Montabone et Joni Aasi dans la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée : « [Irène Salenson] démontre que les trois stratégies de peuplement affichées (densification du centre, poursuite de développement des colonies, construction de nouveaux quartiers) répondent directement au sentiment de peur démographique des Israéliens. »
    Le regard d’un écrivain-géographe
  • Emmanuel Ruben « Jérusalem sous le ciel exactement », Libération, 10 décembre 2017. L’auteur raconte comment l’enfant qu’il était, persuadé que Jérusalem était la capitale indiscutable d’Israël, fut confronté à d’autres points de vue. « Donald Trump est un petit colon en culottes courtes, capricieux, assis seul sur son strapontin de président, dans le wagon bondé du XXIe siècle. Il regarde la carte du monde et il ne comprend pas toutes ces subtilités, toutes ces bigarrures qui l’inquiètent et ne collent pas avec l’image qu’il se fait de la réalité. » (Sur les écrivains-géographes, voir aussi notre brève du 6 décembre : Michel Bussi dans la lignée des écrivains géographes)
    Sur la dimension historique du conflit
  • Depuis 1967 : Samy Cohen, « Juin 1967, la guerre la plus longue  », The Conversation France, 14 juin 2017. Pour l’auteur, la guerre des Six jours a en fait duré cinquante ans, puisqu’elle ne s’est jamais terminée. La situation actuelle est pour l’auteur le résultat de cette victoire rapide qui s’est transformée, sur le long terme, en défaite de la paix.
  • Depuis 1900 : Vincent Lemire, Jérusalem 1900, la ville sainte à l’âge des possibles. Paris, Armand Colin, 2013, 251 pages. Compte-rendu d’Irène Salenson, dans Les Cahiers d’EMAM [En ligne], 27 | 2015,
  • Depuis 70 ap. J.-C. : Michaël Girardin, « Il y a 1 947 ans, les Romains détruisaient le temple de Jérusalem  », The Conversation France, 14 novembre 2017. L’auteur montre que la diaspora ne date pas de la destruction du Temple en 70, contrairement à une idée reçue. C’est en 135, avec la transformation de la province de Judée en Syrie-Palestine par le pouvoir romain, que le judaïsme prend conscience que le temple ne sera pas reconstruit, et opère une transformation importante.
    D’autres entrées pour explorer la géographie de Jérusalem




http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/revues-de-presse/jerusalem

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5.
Jérusalem en 2020 sous l’œil des urbanistes - Irène Salenson - Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem 16  p. 210-221

Résumé

Jerusalem in 2020 : A Planner’s View. – In September 2004, the municipal government of Jerusalem developed a new master plan for the city. This is of great significance since the last plan was approved back in 1959. Every planning document aims to both satisfy the residents current needs and to project those needs into the needs of the future, hoping to contribute to an improvement in living conditions. The task, always a delicate one, is essentially to define the common good, both for today and tomographe (see illustration, p. 212). Foreign and domestic political considerations always influence the decision-making process. In this case, the new master plan appears not to have restricted itself to meeting existing needs since it is also concerned with meeting a certain goal, one outlined in the government’s recommendations. That goal is the “consolidation of Jewish sovereignty over Jerusalem.” Planners were advised to strive for maintaining in the city the ethnic distribution that has existed since 1967 : 70% Jewish inhabitants and 30% Arab.

Surprisingly, the planners contested this, the plan projecting that, by 2020, the city would be 60% Jewish and 40% Arab, given natural growth. This figure would appear to be more fair than that of the government’s recommendation, but even it is not based on natural growth projections alone. For it requires that there be significant rise in Jewish immigration to the city and no Arab immigration, whereas at present there are number of Jews is declining.

This call for strong Jewish immigration has had a great influence on the urban vision contained in the master plan. As regards housing, Jewish neighbourhoods are to be extended while the growth of Arab neighbourhoods is to be restricted, both vertically and horizontally. Some new neighbourhoods are also projected and they all appear to be intended for Jewish residents alone (to the West, Har Harett, Rekhes Lavan, and Mitzpe Neftoah ; to the East, Har Homa D).

Even if the discriminatory inequities contained in the plan have been, and continue to be, a matter of intense discussion by Israelis and Palestinians, it must be said that the new master plan contains a number of decisions that are not at all connected to the Arab-Israeli conflict. Rather, they seem to be inspired by classical Western approaches to planning. These include the Central Business District (CBD) renewal, with its new towers and tram network, the protection of open spaces or green belts, and the conservation of a number of historic buildings.

Western influenced Jerusalem planning is nothing new ; indeed, it can be said to have originated with the British Mandate. Current legislation is thus but a part of the British heritage. Moreover, a good number of Israeli planners were educated abroad, particularly in North America and Europe. Finally, Israeli society in general is highly western and hence tends to favour western-urban development.

Plan

I. Un nouveau plan d’aménagement pour Jérusalem

II. Autoritarisme ethnico-démographique ?

III. Les nouveaux quartiers imaginés par le schéma directeur

IV. Un schéma d’inspiration occidentale

V. Portée et valeur d’un schéma directeur à Jérusalem

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I. Un nouveau plan d’aménagement pour Jérusalem

1En septembre 2004, la municipalité israélienne a publié un nouveau schéma directeur1 pour la ville de Jérusalem2. Il traverse en 2005 la phase d’enquête publique, avant d’être voté en conseil municipal. Ce document revêt une valeur considérable : le précédent schéma directeur approuvé et toujours en vigueur date de 1959.

2L’élaboration d’un document d’urbanisme est soumise, à Jérusalem comme ailleurs, à une tension entre la volonté de répondre aux besoins existants et le désir d’améliorer l’avenir des habitants. Ce type de document endosse les tâches délicates de la définition de l’intérêt général et de la conception de projections démographiques, sociales et économiques fiables. De même, le Plan local d’urbanisme (PLU) actuellement présenté par la mairie de Paris, propose d’accroître le nombre de logements sociaux dans tous les arrondissements, et de créer de nouvelles zones d’activités dans l’Est de la capitale afin de ré-équilibrer les dynamiques économiques. Ces deux desseins, bien que relevant des domaines économiques et sociaux, sont marqués par une coloration idéologique, socialiste et socialiste-libérale. Il s’avère difficile de démêler en eux la part de volontarisme et la part de nécessité. De même, à Jérusalem, il existe des déterminations urbaines non politiques, mais qui illustrent une doctrine particulière, et des enjeux politiques, internes et externes, locaux et internationaux.

Fig. 1 – Le nouveau schéma directeur pour Jérusalem > Zoom Original (, 284k)

3Il semble cependant que le nouveau schéma directeur pour Jérusalem exprime une volonté politique d’influer sur le développement dans un sens précis – consolider la souveraineté israélienne à Jérusalem – plutôt qu’une simple prise en compte des besoins existants.

II. Autoritarisme ethnico-démographique ?

4Dès l’introduction, les auteurs expliquent que la commande gouvernementale leur a assigné un objectif : mettre en œuvre des politiques urbaines qui confirment la place de Jérusalem comme capitale d’Israël et, dans cette optique, veiller au maintien d’une certaine distribution ethnique de la population : 70 % d’habitants juifs et 30 % d’habitants arabes3. Certains Palestiniens fustigent ce procédé en le qualifiant de raciste. Par ailleurs, des opposants israéliens au projet arguent que les documents d’urbanisme doivent se baser sur la croissance démographique naturelle et non fixer des limites

5Pourtant, l’histoire de la planification révèle que celle-ci impose souvent des programmes contraignants. Ainsi, en France, les schémas directeurs nationaux comme ceux de la région Ile-de-France depuis les années 1960 jusqu’aux années 1990 incarnaient l’intention de réduire la centralisation parisienne au profit de la province, avec des perspectives démographiques chiffrées4. Selon Pierre Merlin et Françoise Choay, l’aménagement est «  un ensemble d’actions concertées visant à disposer avec ordre les habitants, les activités, les constructions, les équipements et les moyens de communication sur l’étendue du territoire5 ». Cette définition sous-tend une idée de répartition spatiale équilibrée « sur l’étendue du territoire », qui nécessite une action volontariste « disposer avec ordre ».

6En 2000, la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) tentait d’exiger que chaque projet d’ensemble résidentiel réserve 20 % des logements à l’habitat social dans les grandes villes françaises6. Certes, ces mesures font preuve d’un souci d’équilibre, géographique dans le premier cas, social dans le second, et elles ne s’aventurent pas dans le domaine de la distribution ethnique. Néanmoins, elles manifestent un certain autoritarisme en matière de répartition de la population.

7Par ailleurs, la plupart des pays occidentaux établissent des restrictions à l’immigration qui portent en elles un caractère ethnique. Or, dans une certaine mesure, le gouvernement israélien considère de facto la Palestine7 comme un État et veut éviter l’immigration de Palestiniens en provenance de Cisjordanie vers Jérusalem, qui prend des allures de ville-frontière.

8Étonnamment, cependant, les auteurs du nouveau schéma directeur de Jérusalem contestent l’objectif tracé par l’État et en annoncent un autre, plus favorable aux habitants arabes : 60 % d’habitants juifs et 40 % d’habitants arabes en 2020. Ils affirment que les proportions envisagées par le gouvernement ne sont pas réalistes compte tenu des données de la croissance naturelle et produisent d’autres estimations démographiques8. En 1967, la distribution ethnique de la population hiérosolomitaine était de 74 % de Juifs, 26 % d’Arabes. Elle est en 2002 de 67 % de Juifs et 33 % d’Arabes9 : le poids de la population arabe a cru plus rapidement que celui de la population juive, essentiellement sous l’effet de la croissance naturelle, l’immigration arabe vers Jérusalem étant presque impossible. Les projections du schéma directeur (60 %-40 %) apparaissent plus « réalistes », plus « objectives » que la recommandation gouvernementale puisqu’elles sont basées sur les prévisions de la croissance naturelle. Pourtant, elles ne se fondent pas moins sur l’espoir d’un solde migratoire positif d’habitants juifs vers la Ville sainte, alors que ce solde est actuellement déficitaire. En d’autres termes, la croissance naturelle juive ne suffirait même pas à atteindre les 60 % en 2020. Jérusalem souffre d’un manque d’attractivité au sein de la population juive d’Israël. Les facteurs généralement évoqués par les analystes israéliens sont l’« orthodoxisation » de la société, qui fait fuir les laïcs, la situation sécuritaire10 et le manque d’emplois11. Dans les représentations collectives, les jeunes cadres dynamiques – laïcs – hiérosolomitains partent vers Tel-Aviv à la recherche d’un emploi mieux rémunéré12. La création de zones d’emplois constitue alors un enjeu primordial pour les aménageurs13.

9Or les statistiques nous apprennent que le solde migratoire de Tel-Aviv est également négatif14, et que les émigrants hiérosolomitains se dirigent principalement vers des villes satellites (Bet Shemesh, Maale Adumim, Beitar Illit), dont certaines sont largement peuplées par des haredim15. Les deux premières villes israéliennes connaissent une dynamique de redistribution de la population vers les villes de banlieues et vers les villes moyennes, comme en France entre les recensements de 1990 et de 1999, dynamique indépendante de la situation sécuritaire et de l’« orthodoxisation ». La cause principale de ces départs est la recherche d’un logement à meilleur prix, les coûts ayant augmenté dans le cœur de l’agglomération. Ce processus est classique et s’observe dans de nombreux autres pays. De plus, on recense un grand nombre de haredim parmi les émigrants : ceux-ci disposent en moyenne de faibles revenus, et sont plus touchés que les autres catégories sociales par la hausse du coût de l’immobilier.

III. Les nouveaux quartiers imaginés par le schéma directeur

10Les prévisions démographiques du schéma directeur visent à attirer davantage de Juifs israéliens dans la Ville sainte. Cette spéculation démographique trouve une traduction dans les projets urbains avancés par le document. Deux types d’extension urbaine apparaissent, une extension en « tâche d’huile » sur les franges des constructions existantes16 et un remplissage des interstices vacants entre les surfaces bâties. Or ces extensions sont dotées de plus vastes superficies autour des quartiers juifs existants qu’autour des quartiers arabes.

11De plus, trois nouveaux quartiers fleurissent dans les forêts occidentales, formant une interface avec les banlieues externes et réclamant l’agrandissement du périmètre municipal : Rekhes Lavan, Har Harett, Mitzpe Neftoah. Un autre occupe la dernière colline vierge de Jérusalem-Est, au sud-est de Har Homa, qui semble être guidé par des motivations politiques – empêcher le rapprochement entre Bethléem et les quartiers arabes de Jérusalem. Dans le même dessein, la juridiction de l’implantation de Maale Adumim porte désormais jusqu’à la bordure municipale de Jérusalem, coupant le nord et le sud de la Cisjordanie. Les autorités israéliennes considèrent cette politique non comme une discrimination voulue mais comme l’expression d’une lutte commune pour l’occupation de l’espace. Les autorités palestiniennes constatent que les nouveaux quartiers juifs empêchent la continuité urbaine de la Jérusalem arabe, mais du point de vue israélien, les nouveaux quartiers palestiniens empêchent la continuité de la Jérusalem juive. Précisons que la barrière de séparation ne figure pas sur le schéma : l’administration responsable de son tracé est le ministère de la Défense et non la municipalité17.

12La seconde illustration majeure des objectifs de répartition démographique dans le schéma directeur est la limitation horizontale et verticale du développement urbain palestinien. Tandis que les quartiers juifs bénéficient du droit de construire des bâtiments de six à huit étages en moyenne, et parfois jusqu’à 33 étages, les quartiers palestiniens sont limités à quatre étages, et six étages au nord de l’agglomération. Quant à la vieille ville, pour des raisons de protection du patrimoine et du paysage, il est pratiquement impossible d’y effectuer des ajouts, et le schéma directeur prévoit de résoudre les problèmes de logement en réduisant la densité de peuplement du quartier musulman, ce qui signifie qu’une partie des habitants sera forcée de quitter les lieux. Aucune solution de remplacement n’est proposée pour ces habitants par le schéma directeur.

13La limitation horizontale consiste à protéger les terres agricoles et les « espaces verts » sur les marges de certains espaces bâtis afin de contenir leur croissance18. En cela, ce document d’urbanisme n’émet rien de fondamentalement novateur, ni dans un sens ni dans l’autre, car il s’inscrit dans la droite ligne des politiques menées depuis 1967, qui attribuent au secteur arabe un coefficient d’occupation des sols (COS) variant entre 25 % et 50 %, et au secteur juif un COS de 120 % à 200 % en moyenne. Cependant, M. Cohen, responsable de l’équipe des planificateurs, pense que ce plan est révolutionnaire puisqu’il augmente pour la première fois les COS dans les quartiers arabes, et désigne de nouvelles superficies résidentielles, qui sont effectivement assez larges à Bet Hanina, Shu’fat et Tsur Baher19.

14L’influence de la majorité municipale haredit (ultra-orthodoxe) est-elle perceptible dans ce document ? Assez peu, car il a été élaboré par une agence d’architecture privée, qui a commencé ce travail de sous-traitance pour la municipalité en 2000, avant l’élection du maire actuel. De plus, les membres de cette agence sont des Israéliens laïcs, se situant plutôt à gauche sur l’échiquier politique. Toutefois, les élus haredim espèrent pouvoir tirer partie de ce plan. Lors de la réunion du conseil municipal du 16 février 2005, Y. Pollack, maire-adjoint et président de la commission locale de planification, a affirmé que la majorité des nouvelles zones résidentielles conçues par le schéma directeur seraient habitées par des ultra-orthodoxes. Il a ajouté qu’il n’était pas nécessaire que cela soit notifié dans le document, la croissance démographique naturelle et la localisation des nouvelles zones suffiraient à les « orthodoxiser20 ».

IV. Un schéma d’inspiration occidentale

15Ce schéma directeur n’a pas été construit uniquement dans le but de servir la compétition démographique et spatiale israélo-palestinienne. Il adopte plusieurs lignes semblables à celles des schémas directeurs européens actuels qui sont programmées plus ou moins indépendamment de la situation politique. Nous émettons l’hypothèse que les analyses occidentales portant sur l’évolution urbaine au Proche-Orient ont tendance à se focaliser sur les politiques liées au conflit, alors que cet enjeu n’est pas primordial pour les urbanistes israéliens, qui considèrent que la gestion du conflit relève de l’autorité du ministère de la Défense et non de celle des urbanistes. Dans ce contexte, les projets sont envisagés dans le cadre d’un statu quo politique, ou présentent une flexibilité potentielle utilisable en cas de changements politiques majeurs.

16Une des lignes inspirées par l’urbanisme occidental consiste à stimuler la revivification du centre-ville de Jérusalem-Ouest. Des tours de bureaux vont être érigées le long des rues de Jaffa et Hillel, ainsi qu’à l’« entrée de ville » occidentale21. La zone piétonne sera étendue autour des axes Ben Yehuda-Agrippas-Jaffa. Le tramway apportera une nouvelle possibilité de transport public plus efficace que les autobus, et devrait améliorer la fluidité du trafic. Deux ouvrages d’art monumentaux, conçus par des architectes de renommée internationale, agrémenteront le paysage : le musée de la Tolérance (architecte : Franck Geries) et le viaduc du tramway (architecte : Juan Calatrava). Cette politique urbaine manifeste un désir de « rattraper l’Occident » et surtout de rattraper Tel-Aviv en se modernisant. Les urbanistes veulent que Jérusalem soit inscrite dans le cercle des grandes métropoles mondiales, et qu’elle puisse ainsi concurrencer la capitale économique du pays, Tel-Aviv.

17Un second axe prévoit une gestion équilibrée du développement urbain de banlieue. L’idée de polycentrisme est admise, à condition qu’elle ne se fasse pas au détriment du centre-ville traditionnel. Cette idée a provoqué de virulents débats, car elle implique la mise en œuvre du « projet Safdie » dans la périphérie occidentale de l’agglomération, qui prend des allures de véritable ville nouvelle, dotée de 100 000 unités de logement. Les opposants au projet affirment que celui-ci condamne le centre-ville au déclin22. Ce dilemme – renforcer l’hyper centre versus favoriser les centres satellites – a également été soulevé dans le cadre de la préparation du prochain schéma directeur d’Ile-de-France, et dans le cadre du Greater London Plan23.

18Une troisième ligne insiste sur la sauvegarde des espaces ouverts, qui représente pour le moins un sujet à la mode dans l’urbanisme occidental, avec la montée en puissance des préoccupations environnementales. Un large éventail de degrés de protection est exposé, du parc national à la réserve naturelle, en passant par les paysages ouverts, les terrains agricoles et les zones « à valeur religieuse24 ». Des quotas de surface ouverte minimale par habitant sont établis selon les normes en vigueur dans des pays occidentaux. Une ceinture verte externe et un réseau de coulées vertes interne est esquissé, qui n’est pas sans rappeler, une fois de plus, ceux qui ont été aménagés en Ile-de-France.

19Un quatrième axe prône la conservation du patrimoine bâti, toujours inspiré par les pratiques occidentales en matière de sauvegarde. Les critères de sélection sont architecturaux et historiques, les urbanistes s’intéressent principalement à l’héritage sioniste laïc (Rehavia, Nahlaot), mais la politique n’est pas discriminante25 car les demeures arabes traditionnelles (Baka, Moshava Germanit) et les innombrables églises et monastères font l’objet de respectueux égards.

20Un cinquième domaine, la politique de transports, ressemble étrangement à celles des grandes agglomérations européennes. Une rocade routière est tracée tout autour de l’agglomération, quatre lignes de tramway – aménagées sur le modèle des tramways de Strasbourg et Montpellier – sont prévues à l’horizon 202026, et des pistes cyclables apparaissent dans les quartiers centraux (il en existe déjà à Tel-Aviv).

21Un dernier aspect rapproche ce schéma directeur de ses homologues européens, celui de la méthodologie employée. La municipalité a mis en place un processus de participation du public par l’intermédiaire des comités de quartier, démarche nouvelle pour Jérusalem27. Néanmoins, les critiques sont vives car les aspirations des habitants n’ont pas été systématiquement prises en considération28.

22L’influence occidentale s’explique par de nombreux facteurs. Tout d’abord, la planification urbaine au sens moderne29 est apparue à Jérusalem à l’époque du Mandat britannique, et ses traces sont encore visibles aujourd’hui, tant dans le Code de l’urbanisme que dans le maintien de certains principes d’aménagement (protection du bassin visuel autour de la vieille ville, ceinture verte, zonage circulaire, façades en pierre, etc.30) Ensuite, à Jérusalem, la globalisation est en œuvre, la circulation des personnes et des idées entre Orient et Occident est très intense. Du point de vue d’un grand nombre de professionnels israéliens de l’urbain, l’architecture et l’urbanisme occidentaux incarnent la pointe du progrès. De très nombreux architectes sont formés en Europe ou aux États-Unis. L’actuel architecte en chef de la municipalité, ainsi que l’auteur du « projet Safdie », ont tous deux obtenu leur diplôme au MIT de Boston. Le lieu de leur formation n’a rien d’anecdotique car il a des répercussions sur les décisions en matière d’aménagement : l’architecte en chef prend fréquemment pour modèle de grandes villes américaines lorsqu’il expose sa vision de la future Jérusalem. À ce contingent de transnationaux s’ajoute celui des nouveaux immigrants arrivés en Israël après leurs études. Un des aménageurs les plus influents de la municipalité a importé son expérience de l’urbanisme rationnel britannique. Le directeur du département de géographie de l’Université hébraïque est l’un de ses compatriotes. Les cours de droit de l’urbanisme, ainsi que les cours de protection du patrimoine, sont assurés par des Américains ou des Britanniques d’origine31. Évidemment, certaines figures majeures parmi les enseignants d’études urbaines, qui travaillent également en tant qu’aménageurs, sont des Israéliens formés en Israël, mais leurs cours s’appuient autant, voire davantage, sur des exemples européens ou américains, que sur des exemples locaux32. En France, au contraire, les études urbaines universitaires restent largement européano-centrées.

23En effet, une grande partie de la population israélienne est tournée vers l’Occident et souhaiterait que l’État hébreu soit intégré à la Communauté européenne. Ceci contredit le poncif du « repli communautaire » ou du particularisme dont est parfois taxée la société israélienne. On constate une forte volonté de normalisation, qui, à nouveau, ne nous intéresse pas seulement sur le plan sociologique, mais parce qu’elle est perceptible dans la fabrique urbaine. Pour de nombreux Israéliens, les enjeux capitaux du développement urbain de Jérusalem ne reposent pas sur l’aménagement ou le non-aménagement des quartiers arabes, mais plutôt sur l’autorisation ou l’interdiction d’ériger d’immenses tours de bureaux en centre-ville, la protection des espaces verts de récréation à l’Ouest, l’ouverture d’autoroutes, la viabilité du tramway ou la hausse du coût du logement – problématiques identiques à celle du nouveau PLU parisien. Les habitants israéliens mettent assez peu en relation la fabrique urbaine à Jérusalem et le conflit israélo-palestinien.

V. Portée et valeur d’un schéma directeur à Jérusalem

24Une différence fondamentale apparaît néanmoins entre le schéma directeur de Jérusalem et ceux des grandes métropoles occidentales : la régularité et le mode d’utilisation de cet outil d’urbanisme. Il n’y a pas eu de schéma directeur pour Jérusalem depuis 46 ans. Cette lacune a engendré une forme de sacralisation de ce type de document, puisque le précédent est resté la référence suprême depuis presque un demi-siècle. Le fait même qu’aucun autre plan n’ait été approuvé, malgré plusieurs tentatives33, prouve la valeur et la force contraignante que les élus locaux confèrent à ce document.

25Toutefois, cet outil, qui émet des projections pour vingt ans, fige la direction que prendra le développement. Il peut alors paraître inadapté dans un contexte politique instable, sensible et incertain. C’est pourquoi les élus hiérosolomitains ont préféré utiliser des plans d’aménagement locaux, à l’échelle de quartiers ou de sous-quartiers, qui permettent une plus grande flexibilité. La procédure de modification d’un plan local est évidemment plus aisée que la révision d’un schéma directeur. En outre, bien que le document de 1959 ait force de loi, les pratiques illégales sont très répandues. Prenons l’exemple des activités économiques : la majorité des commerces de l’avenue Derech Bethléem à l’Ouest et des ateliers de Wadi Joz à l’Est ne détiennent pas de licence, car ces deux zones sont classées « résidentielles » dans le schéma de 1959 et dans les plans de quartiers. Les principes du schéma directeur comme ceux des plans locaux sont peu respectés, tant à Jérusalem-Ouest qu’à Jérusalem-Est, et il est probable que cette tendance se poursuive après l’approbation du nouveau schéma directeur.

26Enfin, rien ne garantit que ce schéma sera approuvé, tant sont nombreuses les demandes légales d’annulation ou de modifications qui seront déposées.

27Il s’agit donc de ne pas surévaluer la portée de ce type de document. En effet, malgré l’importance que lui attribuent les urbanistes, il semble, à Jérusalem comme ailleurs, que la fabrique urbaine effective se plie assez peu aux normes et aux orientations qu’un schéma directeur établit. Les dynamiques urbaines procèdent de multiples facteurs économiques, démographiques et politiques, qui sont par nature fluctuants, et que les aménageurs ne peuvent maîtriser entièrement.

Notes

1 Un schéma directeur est un document d’urbanisme réglementaire, chargé d’élaborer les grandes lignes d’aménagement, de répartition des activités, à l’échelle d’une agglomération, avec un horizon chronologique (15 à 20 ans plus tard).

2 Municipalité de Jérusalem, Schéma directeur d’aménagement local de Jérusalem 2000, Jérusalem, Municipalité de Jérusalem, 2004.

3 Le gouvernement prend comme référence la distribution ethnique qui existait en 1967 dans les frontières municipales établies après la conquête de Jérusalem-Est par l’État hébreu.

4 Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, Quarante ans d’aménagement en Ile-de-France, Etudes et Développement de l’IAURIF, 2001.

5 Pierre Merlin, Françoise Choay, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, Presses Universitaires de France, 1988.

6 Cette prescription concerne les communes de plus de 3 500 habitants situées dans une agglomération de plus de 50 000 habitants.

7 C’est-à-dire, du point de vue du gouvernement israélien, la Cisjordanie et Gaza, en excluant Jérusalem-Est, qui fait partie du périmètre de la Jérusalem municipale israélienne.

8 Projections démographiques calculées par S. Della Pergola, démographe, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem.

9 680 000 habitants au total.

10 Jérusalem est plus touchée par les attentats que les autres villes du pays : depuis la seconde Intifada (septembre 2000), 127 attentats ont eu lieu à Jérusalem, c’est-à-dire 22 % des attentats commis en Israël.

11 U. Schitrit, architecte en chef de la municipalité, lors de la conférence « Présentation du nouveau schéma directeur de Jérusalem au public », organisée par la Société des comités de quartiers de Jérusalem, Jérusalem, 9 mars 2005.

12 Les urbanistes israéliens eux-mêmes désignent comme « zone centrale » du pays l’agglomération de Tel-Aviv et ses environs, c’est-à-dire la région du Goush Dan. Cf. Avi Ben Basset, Yoram Mishar (eds), Opposition au Plan Local 37/1 (Plan Safdie), étude éconmique, présentée au Conseil national de l’aménagement et de la planification, et au Département de la planification du district de Jérusalem, le 25 juillet 2004 (non publiée).

13 Cf. Arieh Shachar « L’aménagement vers l’Ouest : levier de développement ou échec économique ? », in « Jérusalem risque-t-elle une crise économique ? », Jerusalem Institute for Israel Studies, 15 novembre 2004. Avi Ben Basset, Yoram Mishar (eds), Opposition au Plan Local 37/1 (Plan Safdie), étude éconmique, présentée au Conseil national de l’aménagement et de la planification, et au Département de la planification du district de Jérusalem, le 25 juillet 2004 (non publiée).

14 Solde migratoire en 2002 : – 6 600 personnes. La même année, le solde migratoire de Tel-Aviv était de – 1 400 personnes. Source : Statistical Yearbook of Jerusalem, Jérusalem, Jerusalem Institute for Israel Studies, 2003.

15 Haredim : Juifs ultra-orthodoxes.

16 Ramot, Pisgat Zeev, Neve Yakov, Ramat Schlomo, Kiryat Menahem, Gilo et Har Homa.

17 De plus, la production du schéma directeur a démarré avant que ne soit approuvé le projet de la barrière de séparation, et au moment de la publication du schéma, le conseil des ministres n’avait pas encore pris de décision définitive quant à son contour à Jérusalem-Est.

18 En particulier à A-Tur, Djebel Mukaber, Arab Es Sawahra, Um Tuba.

19 M. Cohen, architecte, concepteur du schéma directeur, et U. Schitrit, architecte en chef de la municipalité, lors de la conférence « Présentation du nouveau schéma directeur de Jérusalem au public », organisée par la Société nationale des comités de quartiers, Jérusalem, 9 mars 2005.

20 Ramat Schlomo, Neve Yakov, Pisgat Zeev. Cf. Ofer Matan « Colonisation rampante », in Kol Ha Ir, 18 février 2005. L’hebdomadaire Kol Ha Ir est un hebdomadaire local qui offre un supplément consacré aux actualités de l’aménagement urbain à Jérusalem.

21 Autour de la gare centrale et du Centre des congrès Binianei HaOuma.

22 Schlomo Hasson in M. Maoz, S. Nusseibeh, Jerusalem, points of friction – and beyond, The Hague, Kluwer Law International, 2000 ; et Maya Chosen, Schlomo Hasson, Israel Kimhi (eds), Sustainable Jerusalem, Development and Conservation Issues, (en hébreu) Jerusalem Institute for Israel Studies, 2004.

23 Sources : P. Louchart, S. Beaufils, L. Tiratay, « L’extension de l’aire urbaine de Paris n’est pas synonyme d’étalement urbain », Note Rapide Bilan du SDRIF n. 31, Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, mai 2003. L. Perrin « Le London Plan. Objectifs, contenu, processus d’élaboration », Note Rapide Territoires de l’Aménagement n. 5, Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, janvier 2003.

24 Mont Sion et mont des Oliviers, vallées du Kidron et du Hinnom (tombeaux saints, vestiges archéologiques…).

25 Cette remarque concerne la vieille ville et ses environs, l’absence de discrimination en matière de protection du patrimoine dans les quartiers périphériques étant plus discutable.

26 Entretien avec Amnon Elian, responsable du projet du tramway au ministère des Transports, Jérusalem, 17 mars 2004.

27 On en compte 24 dans le périmètre municipal, dont cinq seulement à Jérusalem-Est.

28 Entretien avec Yaira Wiesenthal, responsable de l’aménagement urbain dans la Société des comités de quartiers de Jérusalem, Jérusalem, 6 novembre 2003.

29 Production de documents d’urbanisme opposable au tiers.

30 Cf. Gideon Biger, Planification urbaine et renforcement de la réglementation de la construction : Jérusalem sous le Mandat britannique et aujourd’hui, Jérusalem, The Jerusalem Institute for Israel Studies, 1981. Arieh Sharon, Planning Jerusalem, the Old City and its Environ, Jérusalem, Weidenfeld and Nicholson, 1973.

31 Dennis Gouldman, Mike Turner.

32 Arieh Shachar, Eran Razin.

33En1965, en 1978, en 1997.

Irène Salenson, « Jérusalem en 2020 sous l’œil des urbanistes », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem [Online], 16 | 2005, Online since 17 September 2007, connection on 01 September 2019. URL : http://journals.openedition.org/bcrfj/68

L’auteure : Irène Salenson - Irène Salenson est agrégée de géographie, doctorante au laboratoire LADYSS (Laboratoire d’Etudes des dynamiques sociales et recomposition des espaces), Université de Paris-I-CNRS, UMR 7533, sous la direction de M. Pierre Merlin, Professeur émérite à l’Université de Paris-I Sorbonne. Elle est actuellement ATER en géographie-aménagement à l’Université François-Rabelais de Tours. Lauréate de la bourse Michel-Seurat du Centre national de la recherche scientifique, elle a été accueillie au Centre de recherche français de Jérusalem d’octobre 2003 à octobre 2005.
Irène Salenson has an “Agregation” (Teacher degree) in Geography. She is a PhD student at the LADYSS research center (Center for Social and Spatial Dynamics Studies), Paris I University–CNRS, under the supervision of Prof. Pierre Merlin, University of Paris I Sorbonne. She is an assitant teacher in Geography and Planning at the François-Rabelais University of Tours. Michel Seurat Scholarship student, French Foreign Ministry scholarship, she has been invited by the French Research Center of Jerusalem, from October 2004 to October 2005. isalenson@yahoo.fr

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6.
Jérusalem : une ville sainte au cœur d’un urbanisme conflictuel Par Vincent Lemire, le 06/05/2015 – Reproduit avec l’aimable autorisation de Lydie Rauzier Secrétaire de rédaction / Métropolitiques : www.metropolitiques.eu

Mots-clés : urbanisme | géographie urbaine | conflit | ségrégation | gouvernance locale | religion | géopolitique | politique locale | planification urbaine | Israël | Palestine | Jérusalem - Toutes les versions de cet article : [English] [français] - Photo - Télécharger Imprimer 

« Comment le conflit israélo-palestinien s’exprime-t-il dans l’aménagement de la ville de Jérusalem ? Fruit d’une enquête de terrain minutieuse, l’ouvrage d’Irène Salenson donne à voir les acteurs et les modalités multiples, complexes et contradictoires, d’un urbanisme conflictuel ».

Recensé : Irène Salenson, Jérusalem : bâtir deux villes en une, Paris, Éditions de l’Aube, 2014. 1èrede couverture

Version remaniée et synthétisée d’une thèse de doctorat soutenue en 2007, l’ouvrage que consacre la géographe Irène Salenson aux enjeux contemporains de la planification urbaine à Jérusalem apportera un souffle d’air frais à tous les observateurs assidus de la ville sainte. Sans jamais exclure de sa réflexion les enjeux politiques ou géopolitiques directement liés au conflit israélo-palestinien, Irène Salenson refuse de les convoquer comme facteurs d’explication uniques et définitifs des évolutions en cours. En privilégiant les analyses au ras du sol urbain, elle élabore une trame factorielle plus ouverte, diverse, parfois paradoxale, qui donne finalement au lecteur le sentiment de mieux saisir la complexité des stratégies et des interactions qui contribuent aujourd’hui à faire de Jérusalem une ville à la fois très singulière (poids global du facteur religieux, orthodoxisation dans la partie israélienne, démographie de résistance dans la partie palestinienne…) et très banale sous d’autres aspects (urbanisme globalisé, dévitalisation du centre-ville, gentrification…). Grâce à une longue expérience de terrain à Jérusalem-Ouest et à Jérusalem-Est, et sans pour autant céder aux sirènes asséchantes d’une impossible « neutralité », Irène Salenson manœuvre ainsi avec dextérité entre les deux fossés heuristiques qui menacent tout chercheur consciencieux travaillant sur Jérusalem : l’exceptionnalisme et la banalisation.

Observer Jérusalem « par en bas »

Dans sa préface à l’ouvrage, Éric Verdeil invoque la mémoire de Michel Seurat, chercheur de terrain toujours attentif aux écarts entre les discours et les pratiques, entre les ambitions « aménageuses » et les mobilisations sociales qui trament véritablement le tissu urbain. Cette référence est parfaitement méritée, non seulement parce que la thèse d’Irène Salenson a bénéficié du soutien de la bourse Michel-Seurat, mais surtout parce que, tout au long de l’ouvrage, elle adopte une posture de doute, de remise en cause des idées reçues, et même de soupçon – salutaire – face aux discours programmatiques des acteurs (urbanistes, politiques) qu’elle a pu rencontrer. Elle prend toujours soin de confronter les actions politiques surplombantes (sur lesquelles elle a enquêté de près, du côté israélien comme du côté palestinien) à ce qu’elle appelle « les marges d’action alternative, autonomes ou semi-autonomes » des habitants eux-mêmes.

Ce faisant, elle prend l’exact contre-pied de la grille d’analyse géopolitique proposée par Frédéric Encel notamment, omniprésent sur le plan médiatique et éditorial depuis près de 20 ans. Sa « Géopolitique de Jérusalem » (1998) se limite, en effet, à l’analyse abstraite et désincarnée d’un simple théâtre d’opérations, essentiellement bâtie sur l’analyse de discours, sans aucun détour par le travail de terrain. Irène Salenson a choisi de construire son expertise en travaillant directement au sein des institutions en charge de l’aménagement urbain, du côté israélien et du côté palestinien, dans une véritable démarche d’observation participante – démarche délicate, coûteuse en temps, périlleuse par certains aspects, mais infiniment fructueuse sur le plan des résultats. C’est de cette manière qu’elle peut identifier de façon très fine l’hétérogénéité des sociétés en présence, leur passivité parfois, les forces d’inertie, de repli sur la sphère domestique, de « laisser-faire » ou de « laisser-aller » qui traversent les quartiers ou les cellules familiales et qui font toute la complexité des tendances observées. C’est de cette manière qu’elle peut donner toute leur place aux facteurs socio-économiques, aux cadres réglementaires, aux mobilisations de quartier qui bien souvent se construisent en fonction de revendications très quotidiennes. Le cas de l’opposition au plan Safdie (finalement gelé par les autorités israéliennes en 2006) est, de ce point de vue, symptomatique du fameux syndrome « NIMBY » (« not in my back yard »), aujourd’hui bien identifié par les observateurs du développement urbain dans toutes les grandes agglomérations.

Un urbanisme autoritaire aux multiples acteurs

Le plan de l’ouvrage illustre bien le parcours de recherche d’Irène Salenson, depuis l’analyse des politiques urbaines israéliennes (chapitre 1) jusqu’aux diverses réactions possibles des acteurs palestiniens. Le cadre démographique est posé d’emblée : depuis l’annexion de Jérusalem-Est en 1967, la bataille démographique a été perdue par Israël. Jérusalem – dans les limites de la municipalité israélienne – comptait environ 75 % d’Israéliens en 1967, contre 63 % aujourd’hui et 60 % à l’horizon 2020. Souvent ignorés, ces chiffres montrent que la ville de Jérusalem est en réalité largement « répulsive » pour une majorité d’Israéliens sur le plan démographique et socio-économique, même si elle reste extrêmement valorisée sur le plan politique, religieux et symbolique. L’orthodoxisation galopante de la ville israélienne, qui s’accompagne d’une paupérisation d’une part grandissante de sa population (un tiers des ménages sous le seuil de pauvreté en 2011, contre un cinquième 20 ans plus tôt), montre bien que les tensions à l’œuvre ne relèvent pas exclusivement des facteurs géopolitiques externes mais qu’elles reflètent aussi les contradictions internes aux sociétés en présence.

Face à « l’autoritarisme démographique » déployé par les instances politiques israéliennes pour tenter de maintenir une majorité menacée, les habitants palestiniens sont essentiellement réduits à subir (chapitre 2). En étudiant minutieusement les procédures d’octroi de permis de construire et le périmètre des différents plans d’aménagement en cours à Jérusalem-Est, Irène Salenson conclut à un « confinement spatial du développement palestinien ». Pour autant, les causes directes et indirectes qu’elle met en avant ne sont pas forcément celles qui seraient attendues, puisqu’en 2014 plus de deux tiers des demandes de permis de construire déposés par des résidents palestiniens auraient été approuvées, selon les chiffres fournis par la municipalité. En réalité, c’est plutôt le coût de la procédure et le cadre réglementaire global qui conduit une grande partie des résidents palestiniens à éviter cette démarche : ainsi, à Jérusalem-Est, la plupart des COS (coefficients d’occupation des sols) définis par les plans d’aménagement locaux limitent la hauteur maximum des bâtiments à deux étages, sauf exception, contre quatre à huit étages à Jérusalem-Ouest. Une forme de contournement se met donc en place du côté palestinien, à la fois pour des raisons politiques et pragmatiques : on évite de déposer une demande de permis de construire parce que le cadre réglementaire ne correspond pas au projet envisagé. Cette politique de confinement spatial donne les résultats attendus sur le plan immobilier : au total, depuis 1967, un nouvel appartement a été créé pour 3 habitants à l’ouest, contre un appartement pour 7,6 habitants à l’est. Au-delà de la question du logement, Irène Salenson ne manque pas de souligner la pénurie d’équipements publics à Jérusalem-Est – 8 bureaux de poste (contre 42 à Jérusalem-Ouest), 4 bibliothèques publiques (contre 36), 102 écoles (contre 437) – ce qui contribue à accentuer le ressentiment des quartiers arabes, pour lesquels environ 10 % du budget municipal est dépensé alors qu’ils représentent plus de 35 % de la population.

La question des démolitions des bâtiments édifiés sans permis de construire est une des plus sensibles sur le plan politique et elle est traitée de front par Irène Salenson, qui estime que presque la moitié des unités d’habitation construites à Jérusalem-Est depuis 1967 auraient été réalisées sans permis. Face à cette réalité, les autorités israéliennes réagissent avec une sévérité accrue depuis les années 1990 : on passe d’une dizaine de maisons démolies par an au début des années 1990 à une centaine aujourd’hui ; dans le cas des démolitions effectives, la sanction est extrêmement lourde pour le propriétaire, qui perd le montant de ses investissements, doit régler une forte amende et assume, en plus, le coût de la démolition. Cette politique reste cependant essentiellement dissuasive puisqu’Irène Salenson estime que moins de 10 % des constructions non réglementaires sont finalement détruites à l’issue des diverses procédures.

Pour ce qui concerne les confiscations de terre, autre sujet sensible, Irène Salenson rappelle que la loi israélienne d’expropriation (1970) est basée sur une ordonnance de 1943 remontant à l’époque du mandat britannique et que c’est évidemment la notion d’intérêt public (au cœur de toute procédure d’expropriation) qui pose problème dans le cas de Jérusalem, puisque la quasi-totalité des nouveaux résidents des colonies installées dans les zones expropriées sont des juifs israéliens. Cette ségrégation socio-spatiale n’a pourtant pas besoin d’être explicitement instaurée par voie réglementaire puisque ce sont généralement les promoteurs privés qui ont toute latitude pour choisir ou rejeter les candidats à l’achat. Au total, ce panorama de l’urbanisme israélien permet de montrer que, dans le cadre d’une stratégie politique clairement définie, ce sont en réalité une multitude d’acteurs qui contribuent au résultat visé : ministère du logement, ministère de l’intérieur (pour les destructions des bâtiments érigés en zone déclarée « non constructible »), municipalité, armée, mouvements de colons (Elad à Silwan, le Gush Emunim dans l’ensemble de la Cisjordanie occupée), promoteurs privés… Loin d’être un handicap, cette diversité des acteurs – mobilisés chacun sur un terrain ou dans un contexte particulier – semble, au contraire, être une des forces de la politique israélienne à Jérusalem.

Un urbanisme palestinien alternatif ou autonome ?

Face à la puissance multiforme de l’urbanisme israélien, Irène Salenson s’interroge sur les possibilités d’un urbanisme palestinien « alternatif » ou semi-autonome (chapitre 3). Alors que les six « centres de quartier » de Jérusalem-Est (dont Wadi Joz, At‑Tur, Beit Safafa, Beit Hanina, Issawiyyah) sont parfois accusés de collaboration directe avec la puissance occupante, certaines ONG comme Bimkom (« au lieu de » en hébreu) choisissent de développer des plans d’aménagement alternatifs en s’appuyant prioritairement sur les vœux des habitants. Pourtant, malgré l’indéniable professionnalisation que permet ce genre d’association, les critiques ne manquent pas pour remettre en cause la « caution délibérative » qu’offre ce type d’initiative. En fait, souligne Irène Salenson, c’est une attitude pragmatique qui est choisie par la plupart des Palestiniens de Jérusalem-Est, acceptant de passer par les offices municipaux pour des services considérés comme indispensables et « apolitiques » (services sociaux et éducatifs, santé, activités sportives et culturelles) mais refusant autant que possible leur intervention dans les domaines considérés comme plus sensibles politiquement (questions foncières et immobilières notamment). En appui de sa démonstration, Irène Salenson convoque Aude Signoles, qui a illustré cette même distinction entre stratégie pragmatique de court terme et orientation idéologique de long terme.

La question d’un urbanisme palestinien véritablement autonome occupe le dernier chapitre de l’ouvrage (chapitre 4). Puisque Jérusalem a été exclu du champ de compétences de l’Autorité palestinienne par les accords d’Oslo (1994), cette autonomie ne peut se construire que par les marges. La première marge de manœuvre concerne la préservation du patrimoine architectural ancien, grâce notamment au classement de la vieille ville au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1981, et grâce également au fait que plus des deux tiers des propriétés foncières de la vieille ville relèvent de fondations pieuses musulmanes (waqf), en principe inaliénables. Des associations palestiniennes locales (comme Riwaq) ou internationales (comme la Welfare Association, basée à Genève), agissant en tant qu’ONG, tentent de mettre en œuvre un « plan de revitalisation de la vieille ville » visant à réhabiliter les logements et à encourager le maintien des activités commerciales palestiniennes, non sans un certain succès. En dehors de la vieille ville, c’est le CPL (Conseil palestinien du logement) qui tente de promouvoir des projets de logements sociaux pour les résidents palestiniens, quitte à les transférer ensuite au waqf islamique pour garantir que les propriétés resteront inaliénables et indivisibles. Car au-delà de la question du logement, c’est bien celle de la propriété foncière qui pose problème : la Maison d’Orient (jusqu’à sa fermeture par Israël en 2001) puis le Centre de recherche foncière aujourd’hui ont cherché à élaborer un registre cadastral palestinien qui puisse s’affranchir du cadastre israélien. Mais la position des bailleurs internationaux (ONU, PNUD, USAID…), qui ont tendance à se conformer de facto aux stratégies territoriales israéliennes pour garantir la faisabilité et la pérennité de leurs projets, rend cette tentative d’autonomisation toujours incertaine et fragile.

Au total, Irène Salenson conduit son lecteur à s’interroger sur le poids relatif du conflit israélo-palestinien au sein des évolutions en cours, qui conjuguent également l’amplification des tensions sociales internes aux deux sociétés et l’importation des modèles transnationaux. Dans sa conclusion, elle souligne que c’est bien le conflit qui occupe une position de centralité dans les dynamiques urbaines actuelles, mais que cette centralité n’est pas exclusive d’autres causalités : dans le contexte d’un conflit durable et dissymétrique, les stratégies des acteurs sont souvent contradictoires, variables, attentistes, fatalistes, voire contre-productives, comme si la complexité de la situation – son imprévisibilité, surtout – conduisait d’abord à une forme d’enlisement.

Bibliographie : Encel, Frédéric. 1998. Géopolitique de Jérusalem, Paris : Flammarion.

Source : https://www.metropolitiques.eu/Jerusalem-une-ville-sainte-au.html

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7.
Livre - Irène Salenson : Jérusalem. Bâtir deux villes en une Par Lionel Francou uclouvain.academia.edu/LionelFrancou - PhD candidate in sociology, CRIDIS (Center for Interdisciplinary Research Democracy, Institutions, Subjectivity), UCLouvain.

Publication commentée | Texte | Citation | Rédacteur1èrede couverture

Irène Salenson, Jérusalem : bâtir deux villes en une, La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, coll. « Bibliothèque des territoires », 2014, 254 p., ISBN : 978-2-8159-1014-9. Texte intégral PDF - Signaler ce document - © Lectures - Toute reproduction interdite sans autorisation explicite de la rédaction / Any replication is submitted to the authorization of the editors.

Source : https://journals.openedition.org/lectures/17128

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7bis.
[PDF] Préface au livre d’Irène Salenson : Jérusalem. Bâtir deux villes en une, par Eric Verdeil, chercheur au CNRS, Lyon. Source : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01075018/document

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8.
Le schème de la clôture en Israël-Palestine Par Irène Salenson - Dans L’Espace géographique 2009/3 (Vol. 38), pages 207 à 221 – 1èrede couverture - Mis en ligne sur Cairn.info le 11/09/2009 -

1 [Nous employons le terme de « barrière de séparation » parce qu’il correspond à l’appellation la plus courante en hébreu (geder ha-hafrada) et en arabe (jidar al fâsil). Notons cependant que « Jidar » en arabe signifie plutôt enceinte, muraille, que « barrière » (qui se dit « siyaj »). Le mur de Berlin était par exemple appelé « jidar Berlin ». En hébreu, on trouve « geder » qui signifie « barrière » et « homa » qui signifie « muraille ».]

Sous-titres et repères d’accès

Le schème de la clôture avant la création de l’État d’Israël, au tournant du xxe siècle 9

Un modèle partagé par les différentes communautés 10

Des raisons religieuses ? 14

Des motivations défensives à l’échelle des îlots ? 18

À l’échelle de localités rurales ou urbaines : protection physique 25

Le schème de la clôture dans les colonies post-1967 38

Les premières colonies militaires : finalité stratégique 39

Les colonies « forteresses », volontairement « intrusives » 40

Les colonies « de banlieue », clôturées comme des kibboutzim 42

Le schème de la clôture en Israël depuis les années 1980 45

Renforcement du sentiment d’insécurité dans les deux camps à partir des années 1990 50

Les résidences fermées du nouveau millénaire 53

Un modèle « mondialisé » 54

Succès des résidences fermées : combinaison de motivations sécuritaires et économiques 57

Ségrégation sociale, fragmentation urbaine ? 60

Conclusion 66 - Notes

© Cairn.info 2019 Conditions générales d’utilisation Conditions générales de vente Politique de confidentialité - Source : https://www.cairn.info › revue-espace-geographique-2009-3-page-207

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9.
Jérusalem ou la géographie de la ségrégation - Par Alexandra Schwartzbrod — 2 janvier 2015 à 19:06 – Document ‘liberation.fr’

Que faire de Jérusalem, le « nœud » du conflit israélo-palestinien, ville trois fois sainte et pourtant diabolique tant elle cristallise les haines et les rancœurs ? Politiques, économistes, sociologues, démographes… ils sont nombreux à avoir un avis sur le sujet mais il est une profession que l’on entend assez peu, le géographe. Or, c’est bien de géographie dont il s’agit à Jérusalem, ville coupée en deux entre populations israélienne et palestinienne qui, chacune, prétend faire du lieu sa capitale. Bref, comment bâtir deux villes en une, c’est le thème de l’ouvrage publié par la géographe Irène Salenson et son propos est fort utile alors que l’idée d’un Etat palestinien revient en force dans les instances internationales.

Salenson s’est intéressée à l’urbanisme de Jérusalem, seul moyen de comprendre les stratégies que déploient Israéliens et Palestiniens pour occuper l’espace. « Aujourd’hui, à Jérusalem, officiellement, la planification urbaine est uniquement du ressort des autorités israéliennes car, en 1967, l’Etat d’Israël a annexé Jérusalem-Est puis, en 1993-1995, les accords d’Oslo ont exclu la ville du champ de compétence de l’Autorité palestinienne, en l’attente des négociations finales », explique Irène Salenson. Or, la population de Jérusalem se répartit entre 63% de Juifs et 37% d’Arabes. « L’aménagement de quartiers mixtes israélo-palestiniens n’a pas été envisagé par les politiques urbaines israéliennes depuis 1967 », explique Irène Salenson. Au contraire, c’est « une stratégie de ségrégation spatiale qui a été mise en place » par la municipalité et l’Etat.

Une stratégie qui passe par la construction de colonies israéliennes au sommet des collines entre deux villages palestiniens, par un réseau routier réservé aux colons et interdit aux Palestiniens, par le tristement célèbre mur de séparation, et même par le fameux tramway (https://www.liberation.fr/monde/201...Libérationdu 27 décembre) qui vise à relier plus facilement le centre-ville israélien de Jérusalem aux colonies alentour. « Tout se passe comme si les autorités israéliennes ignoraient l’existence de la Jérusalem arabe mais surtout comme si elles ne savaient pas exactement quoi faire avec cette autre ville », conclut Irène Salenson. Une politique de « non-développement » pour la ville arabe qui favorise l’insécurité et, par ricochet, « l’enlisement dans une situation non satisfaisante pour les deux parties ».

Référence : Irène Salenson, « Jérusalem : bâtir deux villes en une ». Editions de l’Aube, collection Bibliothèque des territoires, 2014, 256 pp., 22,40 €.

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Source : https://www.liberation.fr/planete/2015/01/02/jerusalem-ou-la-geographie-de-la-segregation_1173153

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10.
L’impossible géographie de Jérusalem Publié le 12/12/2017 – Document ‘geoconfluences.ens-lyon.fr’

Le mercredi 6 décembre 2017, le président des États-Unis Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël. Voir ce qu’il faut en retenir, par Le Monde, et cet article dans The Conversation  : 

  • Spyros Sofos et Vittorio Felci, « Jérusalem, le nœud gordien des Israéliens et des Palestiniens  », The Conversation France, 7 décembre 2017. (version originale en anglais) : « La décision de Trump méconnaît totalement la fragilité de la coexistence entre Israéliens et Palestiniens à Jérusalem. Elle fait fi aussi de la signification que revêt la cité pour l’identité palestinienne et pour ses aspirations nationales, ainsi que l’impact dévastateur qu’elle va avoir sur un processus de paix déjà moribond. »
    Quelques ressources pour faire le point :
  • Un article de la revue L’Histoire dont le titre a inspiré celui de cette brève : « L’impossible capitale » de Vincent Lemire, avec des cartes et une chronologie. 
  • Pierre Magnan, « Tel Aviv, Jérusalem : quelle est la vraie capitale d’Israël ?  », Géopolis, France TV info, 30 janvier 2017. La proclamation de Jérusalem « une et indivisible » par la Knesset en 1980 a été condamnée par le Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 476). L’auteur de l’article rappelle que « si Jérusalem n’est pas reconnu comme capitale d’Israël par le droit international, la ville abrite de fait les institutions politiques et étatiques israéliennes et tous les chefs d’État ou de gouvernement se sont rendus à Jérusalem pour rencontrer les autorités du pays, voire s’exprimer devant la Knesset. »
  • La résolution 476 de 1980 par l’Organisation des Nations Unies : « Déplorant qu’Israël persiste à modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle et le statut de la Ville sainte de Jérusalem » et « Gravement préoccupé par les mesures législatives entamées à la Knesset israélienne en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem. »
  • Hervé Amiot, « Jérusalem, une ville divisée chargée de symboles  », Les clés du Moyen-Orient, 9 octobre 2013, republié le 8 décembre 2017. « Ainsi, on voit que la vieille ville s’inscrit dans des rapports de force symboliques. Par exemple, les Israéliens mènent des fouilles archéologiques pour montrer que Jérusalem était la capitale du royaume de David. Mais les rapports de force sont aussi réels : les Israéliens acquièrent de plus en plus de logements dans le quartier musulman, souhaitant affirmer leur présence dans la vielle ville, face notamment à la démographie de la population (sic) musulmane (les chrétiens sont très peu nombreux). »
    Des cartes de Jérusalem
L’article évoqué ci-dessus propose trois cartes claires et pédagogiques : {{}}
  • De nombreux liens ici : Les conflits à Jérusalem par les cartes, brève de Géoconfluences, novembre 2014.
  • Accessible à la source > En vidéo : Le statut de Jérusalem expliqué en cartes, par le service cartographique du Monde : Jules Grandin, Delphine Papin, Charlotte Recoquillon et Olivier Clairouin…
    Un livre

L’ouvrage d’Irène Salenson, Jérusalem. Bâtir deux villes en une, permet de faire un pas de côté en analysant, par l’urbanisme, la manière dont la ville et sa morphologie cristallisent le conflit.

  • Irène Salenson, Jérusalem. Bâtir deux villes en une. Éd. de l’Aube, 2014, 256 p. L’ouvrage a fait l’objet de plusieurs comptes-rendus, par exemple :
  • Compte-rendu d’Éric Verdeil, dans son carnet de recherches Rumor  : « Ce petit livre courageux synthétise une thèse très dense, soutenue en 2007 au terme d’un travail de terrain long et méticuleux, et actualisée ici sur certains points. L’auteure fréquente Jérusalem depuis quinze ans. Elle parle l’hébreu, comprend l’arabe […] »
  • Compte-rendu de Clémence Vendryes, dans Géocarrefour : « Depuis 1948, c’est en effet un problème de souveraineté et d’aménagement de l’espace qu’a cristallisé le conflit israélo-palestinien à Jérusalem. D’une part, l’approche urbanistique s’intéresse au contenu de ces unités contradictoires et, d’autre part, l’approche par les acteurs étudie les jeux d’addition, de soustraction et de division opérés par les bâtisseurs de Jérusalem. »
  • Compte-rendu de Benoît Montabone et Joni Aasi dans la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée : « [Irène Salenson] démontre que les trois stratégies de peuplement affichées (densification du centre, poursuite de développement des colonies, construction de nouveaux quartiers) répondent directement au sentiment de peur démographique des Israéliens. »
    Le regard d’un écrivain-géographe
  • Emmanuel Ruben « Jérusalem sous le ciel exactement », Libération, 10 décembre 2017. L’auteur raconte comment l’enfant qu’il était, persuadé que Jérusalem était la capitale indiscutable d’Israël, fut confronté à d’autres points de vue. « Donald Trump est un petit colon en culottes courtes, capricieux, assis seul sur son strapontin de président, dans le wagon bondé du XXIe siècle. Il regarde la carte du monde et il ne comprend pas toutes ces subtilités, toutes ces bigarrures qui l’inquiètent et ne collent pas avec l’image qu’il se fait de la réalité. » (Sur les écrivains-géographes, voir aussi notre brève du 6 décembre : Michel Bussi dans la lignée des écrivains géographes)
    Sur la dimension historique du conflit
  • Depuis 1967 : Samy Cohen, « Juin 1967, la guerre la plus longue  », The Conversation France, 14 juin 2017. Pour l’auteur, la guerre des Six jours a en fait duré cinquante ans, puisqu’elle ne s’est jamais terminée. La situation actuelle est pour l’auteur le résultat de cette victoire rapide qui s’est transformée, sur le long terme, en défaite de la paix.
  • Depuis 1900 : Vincent Lemire, Jérusalem 1900, la ville sainte à l’âge des possibles. Paris, Armand Colin, 2013, 251 pages. Compte-rendu d’Irène Salenson, dans Les Cahiers d’EMAM [En ligne], 27 | 2015,
  • Depuis 70 ap. J.-C. : Michaël Girardin, « Il y a 1 947 ans, les Romains détruisaient le temple de Jérusalem  », The Conversation France, 14 novembre 2017. L’auteur montre que la diaspora ne date pas de la destruction du Temple en 70, contrairement à une idée reçue. C’est en 135, avec la transformation de la province de Judée en Syrie-Palestine par le pouvoir romain, que le judaïsme prend conscience que le temple ne sera pas reconstruit, et opère une transformation importante.
    D’autres entrées pour explorer la géographie de Jérusalem

Par les cimetières : Clémence Vendryes, « Jérusalem, une guerre pour l’éternité. Conflits territoriaux autour des cimetières musulmans et juif de Bab ar-Rahma, Yosefiya et Har HaZeitim », Géoconfluences, décembre 2016 (illustration ci-contre). Résumé : À la porte orientale de la vieille ville de Jérusalem, s’étendent des cimetières juifs, chrétiens et musulmans. Dans un contexte d’extension territoriale et de réappropriation de sa capitale réunifiée, Israël cherche à investir l’espace des champs funéraires chrétiens et musulmans. L’article interroge les moyens mis en œuvre pour conquérir l’espace des morts, de l’échelle du mont des Oliviers jusqu’à l’échelle de la tombe. 

Par le tramway : David Amsellem, et Carine Dupeyron, « La cartographie pour anticiper, appréhender et convaincre : l’affaire du tramway de Jérusalem », Sécurité et stratégie, vol. 16, n° 1, 2014, p. 27–34. Le conflit autour de la construction, par des entreprises françaises, d’une ligne de tramway traversant des colonies israéliennes et des quartiers arabes, est l’occasion de montrer les usages possibles de la cartographies dans un conflit d’acteurs urbain. 

Par le genre : Valérie Pouzol, « 

Par la langue : Elsa Grugeon, « L’islam en ses langues. Réalités et enjeux des usages linguistiques sur l’Esplanade des mosquées à Jérusalem », Les carnets de l’Ifpo, mai 2014. L’accès à l’Esplanade des mosquées, encadré par les autorités israéliennes, est parfois difficile pour les arabophones. Entre pèlerinages et mise en tourisme, l’article rappelle brièvement les enjeux géopolitiques autour de ce lieu saint et montre la variété des langues utilisées par les visiteurs musulmans.

Photo : Au premier plan, la borne du chemin est identifiée par le code couleur bleu et blanc, qui reprend les couleurs symboliques du judaïsme, présentes aussi sur le drapeau israélien. Le sentier s’avance vers le sud, rejoignant des sites d’intérêt archéologique tout en ignorant le quartier palestinien de Ras al-Amud visible à gauche à l’arrière-plan. Sur la droite, l’itinéraire prend de la hauteur pour rejoindre la route qui mène à la porte des Lions vers le nord ou à la porte des Déchets (accès au Kotel) vers le sud.

Source : Clémence Vendryes, « Jérusalem, une guerre pour l’éternité. Conflits territoriaux autour des cimetières musulmans et juif de Bab ar-Rahma, Yosefiya et Har HaZeitim », Géoconfluences, décembre 2016.

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Source : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/revues-de-presse/jerusalem

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A l’ombre du mur - Comment Israël confisque Jérusalem-Est Par Philippe Rekacewicz & Dominique Vidal - Février 2007, pages 16 et 17– Document ‘monde-diplomatique.fr’ > > Février 2007, pages 16 et 1

Arrivée à la mi-janvier en Israël et en Palestine « sans proposition ni plan », la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice s’est contentée, à l’issue de ses entretiens, d’annoncer pour février un sommet avec MM. Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas. En attendant, sur le terrain, la colonisation israélienne des territoires palestiniens s’accélère, en premier lieu à Jérusalem-Est, littéralement confisquée.

De Tel-Aviv, la route principale file à peu près droit, puis, passé l’aéroport Ben-Gourion, elle commence à onduler en grimpant vers Jérusalem, entre des collines dont la conquête par les forces juives, en 1948, fit couler tant de sang. A 700 mètres d’altitude, elle pénètre dans la ville sainte par l’ouest. Les Israéliens comme les étrangers n’ont en fait que l’embarras du choix : ils peuvent atteindre le centre-ville par bien d’autres routes, au nord comme au sud.

Pour les Palestiniens de Cisjordanie, gagner la ville trois fois sainte est une autre histoire. S’ils ont franchi les checkpoints intérieurs, ils buteront sur le plus brutal des obstacles jamais inventés pour contrôler et limiter les déplacements dans les territoires occupés : un mur d’une dizaine de mètres de hauteur, qui enveloppera bientôt entièrement la partie orientale de la cité, effaçant le paysage et interdisant les accès traditionnels. Il coupe même net les deux grands axes historiques – Jérusalem-Amman (route 417) et Jénine-Hébron (route 60). Le monstrueux serpent ne s’interrompt plus – pour les Cisjordaniens – qu’en quatre points : Qalandiya au nord, Shuafat au nord-est, Ras Abou Sbeitan à l’est et Gilo au sud. Encore devront-ils, pour y parvenir, se livrer à maints détours, laisser leur voiture et traverser à pied, les véhicules palestiniens (à plaques vertes) étant strictement interdits à Jérusalem...

Longtemps chargé par le ministère israélien de la défense de concevoir, tracer et construire la « barrière de sécurité » (selon la terminologie officielle), le colonel Danny Tirza, colon de Kfar Adoumim, est surnommé « seconde Nakba (1) » par les Palestiniens. Au terme de son projet grandiose, il promet à Jérusalem 11 checkpoints semblables à des « terminaux d’aéroport ». Ce n’est pas l’impression que laisse un passage, même bref, par celui de Gilo. Partout les panneaux sermonnent : « Entrez un par un », « Attendez patiemment votre tour », « Laissez cet endroit propre », « Retirez votre manteau », « Obéissez aux instructions ». Quant aux couloirs grillagés en haut comme sur les côtés, ils ressemblent aux tunnels conduisant les fauves jusqu’à la piste du cirque...

Mais ici, pas de Monsieur Loyal : une fois franchi le portillon, dont une petite lumière indique s’il est ou non ouvert, une voix métallique exige qu’on soumette ses bagages au détecteur. Derrière des vitres blindées et teintées, on devine quelqu’un. Enfin une présence : un soldat débraillé, les pieds sur la table et le pistolet-mitrailleur Uzi en bandoulière, contrôle les papiers, chuchotant ou aboyant – au faciès. A la sortie, d’autres pancartes souhaitent aux « usagers », en trois langues, la « bienvenue à Jérusalem » (pourtant à 4 kilomètres). « Et que la paix soit avec vous »...

Le plan de partage onusien de 1947 avait doté la ville d’un « régime international particulier », qui demeure, en 2007, son seul statut mondialement reconnu. Mais la guerre de 1948 déboucha sur sa division entre la Jordanie et Israël, lequel installa sa capitale dans la partie occidentale avant de s’emparer, en 1967, de la partie orientale et de l’annexer. En 1980, une loi fondamentale proclama « Jérusalem entière et réunifiée capitale éternelle d’Israël ». A défaut d’éternité, la politique de tous les gouvernements israéliens, depuis, a consisté à préserver l’hégémonie juive sur la ville et à empêcher sa division ainsi que, ce faisant, la naissance d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale.

« La clé, précise M. Khalil Toufakji, directeur du département de cartographie de la Société des études arabes, conseiller de la délégation palestinienne jusqu’aux négociations de Camp David, c’est la démographie. Imposer une large majorité juive a toujours été la priorité absolue des Israéliens. Mais les Palestiniens, de 20 % de la population en 1967, sont devenus 35 % et pourraient être majoritaires en 2030 (2). » Cette poussée résulte du différentiel de natalité, mais aussi du départ de Juifs chassés par le chômage, la crise du logement et... le climat intolérant créé par les religieux ultraorthodoxes.

Au point qu’un tabou de soixante ans vient de tomber : le schéma directeur pour 2020 réaffirme certes le ratio politique 70 %-30 %, mais en « envisage » un autre, pragmatique, de 60 %-40 % (3). « Comme s’il y avait un bon pourcentage ! », s’exclame Meron Benvenisti, sans doute le meilleur spécialiste de Jérusalem, pour qui c’est « du racisme pur et simple. Nous vivons dans la seule ville au monde où un pourcentage ethnique tient lieu de philosophie ». Moins bouillant, M. Menahem Klein – lui aussi ex-conseiller à Camp David, mais côté israélien – ajoute : « Les pragmatiques constatent, les politiques se battent : nous assistons au plus grand effort israélien depuis 1967 pour annexer Jérusalem. »

Historiquement, le premier instrument de cet effort fut l’extension illégale des frontières municipales. Résumé d’Amos Gil, directeur de l’association Ir Amim (La Ville des peuples) : « La vieille ville ne fait que 1 km2 ; avec les quartiers arabes l’entourant, elle atteignait du temps de la Jordanie 6 km2. Israël a annexé, en 1967, 64 km2 de terres cisjordaniennesdont 28 villagespour atteindre 70 km2. Lorsque le mur sera terminé, il ceindra à l’Est quelque 164 km2. En revanche, à Jérusalem-Ouest, le plan d’extension, dit Safdie, a provoqué une levée de boucliers écologiques. »

« Il y a une couleur qui n’existe qu’ici : le vert politique. » Meir Margalit, coordinateur du Comité israélien contre les destructions de maisons (Icahd), rappelle que, lorsque le chef du parti de gauche Meretz, Ornan Yekutieli, s’indigna de la construction de la colonie de Har Homa à la place d’une magnifique forêt palestinienne, le maire de l’époque, Teddy Kollek, récemment décédé, rétorqua : « Ce n’est vert que pour les Arabes. » Apartheid écologique : ces zones « plutôt jaune poussière et remplies de détritus », se moque l’architecte Ayala Ronel, interdisent aux Arabes de construire, mais permettent aux Juifs de coloniser...

La colonisation constitue le deuxième instrument de la stratégie israélienne. Architecte et dirigeant de l’association Bimkom, qui se bat pour le droit de tous à planifier la ville, Shmuel Groag récapitule : « Le premier anneau se composait de 7 grandes colonies : Gilo, Armon Hanatziv — Talpiot-Est, French Hill, Ramat Eshkol, Ramot, Ramot Shlomo, Neve Yaacov. Le second en comprenait 2, Pisgat Zeev et Maale Adoumim. Le troisième en a rajouté 9 : Givon, Adam, Kochav Yaacov, Kfar Adoumim, Keidar, Efrat, Betar Illit, Har Homa et les colonies du Goush [bloc] Etzion. Au total, elles regroupent la moitié des 500 000 colons que compte la Cisjordanie. »

Fondateur du Centre d’information alternatif et figure majeure du mouvement pacifiste, Michel Warschawski organise volontiers des « tours » militants, afin de montrer concrètement « le principe qui guide la colonisation : créer une continuité territoriale juive qui brise la continuité territoriale arabe ». Et de brandir une feuille tombant en lambeaux à force d’avoir été manipulée. C’est une citation de l’ancien maire de la colonie de Karnei Shomron, qui entend « garantir que la population juive de Yesha (4) ne vive pas derrière des barbelés, mais dans une continuité de présence juive. Si l’on prend par exemple la région qui se trouve entre Jérusalem et Ofra, et qu’on y ajoute une zone industrielle à l’entrée de la colonie d’Adam et une station d’essence à l’entrée de Psagot, alors nous avons un axe de continuité israélien ».

Le troisième instrument, c’est la maîtrise totale des voies de communication pour disloquer l’espace palestinien, réduire la mobilité de la population et oblitérer les chances de développement. Non seulement Israël s’est emparé des grands axes existants qu’il a rénovés et élargis, mais il en a construit de nouveaux afin que les colons puissent arriver à Jérusalem le plus rapidement possible – c’est aussi un des objectifs du futur tramway (voir « Un tramway français nommé schizophrénie »).

Le tout forme un impressionnant réseau de routes à quatre voies, éclairées la nuit, au long desquelles les arbres ont été coupés, des maisons dites « dangereuses » détruites et des murs de protection érigés – au nom, bien sûr, de la « sécurité ». Reliant les colonies entre elles, ces « routes de contournement » sont interdites à la circulation palestinienne, rejetée sur un réseau secondaire de mauvaise qualité, peu ou pas entretenu, et verrouillé par de nombreux checkpoints, fixes ou volants.

Nous voici au barrage dit Container, au sud d’Abou Dis, qui commande – et souvent ferme – le dernier axe majeur palestinien reliant le nord au sud de la Cisjordanie. Il porte bien son nom de Wadi Nar, « vallée du feu », et, par extension, « vallée de l’enfer » : sa chaussée est par endroits si étroite que deux camions s’y croisent difficilement – à supposer qu’ils parviennent à monter et descendre ses pentes vertigineuses. En revanche, non loin, la large voie express offerte par Itzhak Rabin aux colons leur permet de foncer droit sur les colonies de Goush Etzion et d’Hébron... sans rencontrer un seul Arabe.

Cet « apartheid qui ne dirait pas son nom » – formule du chef négociateur palestinien Saëb Erekat (5) – devient explicite avec le projet de « circulation fluide » cher au colonel Tirza : là où Juifs et Arabes doivent vraiment se croiser, ils ne se verront pas, grâce aux ponts et aux tunnels... « Pour désenclaver les villages palestiniens de Bir Nabala et Al-Jib, explique sur place l’architecte Alon Cohen-Lifschitz, de Bimkom, les Israéliens construisent, sur 2 km, à 10 m au-dessous du niveau du sol, une route encaissée et grillagée, 2 tunnels et 1 pont ! » En matière de ségrégation, il y a plus infâme : à compter du 19 janvier 2007, un ordre militaire devait interdire à tout Israélien ou Palestinien « résident » de transporter un habitant non juif de Cisjordanie... Il a suscité des protestations telles que son application a été « gelée »...

Quatrième instrument, l’infiltration de la vieille ville et du « bassin sacré ». « Pour les colons, Jérusalem est comme un oignon : le meilleur, c’est le cœur », plaisante Margalit. Récupération d’anciens biens juifs, confiscations en vertu de la loi des absents et achats via des collaborateurs se multiplient à un tel rythme que le journaliste Meron Rappoport a pu parler de « République d’Elad (6) » – du nom de l’organisation de colons à laquelle les autorités ont très inhabituellement délégué la gestion de la « Cité de David (7) ».

A partir de cette implantation à caractère historique, on mesure – au nombre de maisons arabes arborant des drapeaux israéliens et de « gorilles » armés déambulant dans les rues – combien la colonisation la plus triviale s’empare de Silwan, descend vers Boustan (où 88 bâtiments sont menacés de destruction), puis remonte vers Ras Al-Amoud (Maale Zeitim) et Jabal Mukaber (Nof Zion). Et les deux premières maisons de Kidmat Zion défient déjà, par-dessus le mur, le Parlement palestinien, terminé mais vide, d’Abou Dis. La carte confirme que toutes ces métastases dessinent une véritable diagonale d’épuration ethnique...

« Ne vous arrêtez pas aux chiffres, insiste M. Fouad Hallak, conseiller de l’équipe de négociation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Les 17 points de colonisation de la vieille ville et de ses alentours immédiats comptent certes à peine 2 600 habitants sur 24 000, mais ils s’inscrivent dans une stratégie tenace de “dépalestinisation”. »

La judaïsation, cinquième instrument de la stratégie israélienne, commence par des symboles. Un ami palestinien indique ces signes qui plaquent sur la Jérusalem arabe le décor de la ville juive. « Du plus spectaculairecomme ces mémoriaux aux héros des guerres d’Israël et ces bâtiments publics installés à l’Estau plus discret : pavés, lampadaires, corbeilles. Sans oublier les noms de rue. » Place de Tsahal, rue des Parachutistes, carrefour du Quartier-Général : « Ces appellations ont été données après l’annexion de Jérusalem-Est en 1967, observe le journaliste Danny Rubinstein (8), apparemment pour que les Arabes n’oublient pas qui a gagné. »

A Paris, des amis nous avaient prévenus : « La vieille ville est en train de se vider. » Jamais, hélas, en trente ans elle ne nous était apparue aussi triste. « Les Israéliens voudraient en coloniser l’essentiel et réduire le reste à quelques rues folkloriques, comme à Jaffa », lâche le nouvel ambassadeur palestinien à l’Unesco Elias Sanbar. Qui vient de déjouer une manœuvre à peine croyable : un tour de passe-passe israélien pour obtenir l’inscription de la vieille ville arabe sur la liste du patrimoine... de l’Etat juif !

Voir la carte

La judaïsation passe aussi par la remise en cause du libre accès aux Lieux saints, pourtant principe commun à tous les textes internationaux depuis le traité de Berlin (1885). « Voici des années que les musulmans et les chrétiens de Cisjordanie n’ont plus accès à Al-Aqsa ou au Saint-Sépulcre, proteste le directeur du Waqf (9) Adnan Al-Husseini. Quant aux résidents de Jérusalem, ils doivent avoir 45 ans pour venir y prier. Sans parler des humiliations infligées par les quelque 4 000 soldats déployés lors des grandes fêtes. » Et les excavations pratiquées sous l’Esplanade ? « Je n’ose envisager ce qui se passerait si les fous qui rêvent de “reconstruire le Temple” endommageaient nos mosquées. »

Non moins inquiets, les patriarches et chefs des Eglises chrétiennes à Jérusalem ont publié, le 29 septembre 2006, une déclaration réaffirmant l’exigence d’un « statut spécial » garantissant notamment « le droit humain de liberté de culte pour tous, individus et communautés religieuses ; l’égalité devant les lois de tous les habitants en conformité avec les résolutions internationales ; le libre accès à Jérusalem pour tous, citoyens, résidents ou pèlerins ». Ils insistaient pour que « les droits de propriété, de garde et de culte que les différentes Eglises ont acquis à travers l’histoire continuent à être détenus par les mêmes communautés ». Et d’en appeler à la communauté internationale pour faire respecter le « statu quo des Lieux saints (10) »...

On a beau savoir l’incroyable violence dont tout occupant – juif, chrétien ou musulman – est capable, la destruction au bulldozer d’une maison, sous les yeux de ses habitants, est un spectacle insupportable (11). Que, depuis l’an 2000, la municipalité et le ministère de l’intérieur ont répété 529 fois – sans parler des amendes imposées aux propriétaires, 22,5 millions d’euros (12) ! Répression très inégale : selon Betselem, l’organisation israélienne de défense des droits humains, en 2005, les 5 653 infractions constatées à l’Ouest ont donné lieu à 26 démolitions partielles ou totales, tandis que les 1 529 enregistrées à l’Est en ont entraîné 76 (13) !

Pour Margalit, la municipalité « vit dans la hantise que la souveraineté israélienne sur Jérusalem soit en danger. Dans cette mentalité paranoïaque, chaque maison, chaque arbre et même chaque plante en pot devient partie prenante d’une conspiration politique mondiale ». Des arguments que n’invoque même pas M. Yigal Amedi : pour ce maire adjoint, les démolitions « exceptionnelles » se justifient puisqu’elles frappent des « bâtiments construits illégalement ». Curieusement, alors qu’il fait partie du Comité pour la planification et la construction, il assure ignorer que, dans bien des cas, les inspecteurs de sa municipalité procèdent aux destructions en violation d’une décision de justice. « La municipalité, plaide-t-il, s’efforce de mettre un peu d’ordre dans ce chaos. »

Riche idée ! Car l’« illégalité » de 40 % des maisons de Jérusalem-Est – 15 000 sur 40 600 – tient à ce que la mairie n’accorde qu’au compte-gouttes les permis aux Palestiniens : de 2000 à 2004, 481 sur 5 300 immeubles bâtis. Et une demande coûte cher : plus de 20 000 euros et des mois de démarches pour une bâtisse d’environ 200 m2... Mais surtout la superficie constructible s’est rétrécie comme peau de chagrin. Après 1967, Jérusalem-Ouest totalisait 54 km2 et Jérusalem-Est 70 km2, dont 24 furent expropriés au profit des colonies. Sur les 46 restants, 21 n’ont pas fait l’objet d’un plan d’urbanisation. Parmi les 25 planifiés, 16 sont réservés aux espaces verts, bâtiments publics, routes, etc. Les 9 km2 constructibles pour les Palestiniens représentent donc... 7,25 % de la superficie totale de la ville !

Architecte et militante de Bimkom, Efrat Cohen-Bar brandit l’énorme volume du nouveau « master plan ». « Malgré quelques progrès, l’inégalité de traitement demeure. D’ici à 2020, nos planificateurs accordent 3 nouveaux kilomètres carrés constructibles aux 158 000 Palestiniens supplémentaires et 9,5 km2 aux 110 000 Juifs supplémentaires. » La géographe Irène Salenson évoque de plus une « limitation horizontale et verticale du développement urbain palestinien » : l’Est pourra bâtir en moyenne jusqu’à 4 étages (au lieu de 2 actuellement), mais l’Ouest 6 à 8 (14) !

Cette inégalité n’est qu’une des facettes d’une politique globale de discrimination qui constitue le sixième et dernier instrument de l’hégémonie d’Israël. Ne sont citoyens que les Juifs (et 2,3 % des Palestiniens). Titulaires d’une carte d’identité verte, les Palestiniens de Cisjordanie n’ont aucun droit, même plus celui de venir en ville, sauf autorisation de plus en plus rarement accordée. Les « résidents permanents », avec leur carte d’identité bleue, bénéficient, eux, de prestations sociales et du droit de vote aux élections locales, qui ne se transmettent automatiquement ni au conjoint ni aux enfants.

Le fameux rapport européen dont la censure par le Conseil des ministres des Vingt-Cinq fit scandale fin 2005 révèle une autre dérive : « Entre 1996 et 1999, Israël a mis en place une procédure intitulée “centre de vie”, en vertu de laquelle ceux qui détiennent une carte d’identité bleue et dont le domicile ou le travail se trouve en dehors de Jérusalem-Est, à Ramallah par exemple, perdent cette carte d’identité. Une vague de détenteurs de ces cartes s’est pour cette raison repliée sur Jérusalem-Est (15). »

Discriminatoire, le budget de la ville ne l’est pas moins : Jérusalem-Est, avec 33 % de la population, ne s’en voit allouer que 8,48 %. Chaque Juif obtient en moyenne 1 190 euros, et chaque Arabe 260. Rien d’étonnant si, précise Betselem, 67 % des familles palestiniennes vivent sous le seuil de pauvreté, contre 29 % des familles israéliennes (16). Issu lui-même d’un quartier pauvre, M. Amedi ne nie pas les « retards dont souffrent, en matière d’infrastructures et de services, les quartiers arabes et ultraorthodoxes ». Il assure toutefois que la ville, lorsque son maire s’appelait Ehoud Olmert, a « plus investi que jamais pour combler ces fossés », et égrène les projets en cours. « Des gouttes d’eau dans l’océan, reconnaît-il. Mais il faut bien commencer quelque part. »

Force est de constater que, pour l’heure, tout commence et finit par la construction du mur, qui mobilise les plus gros moyens : 800 000 euros du kilomètre – et il y en aura 180, dont 5 seulement sur la Ligne verte. C’est dire que l’argument de la sécurité ne tient guère. Les attentats kamikazes – 171 victimes en six ans – ont traumatisé la ville. Mais ici, le mur, sur l’essentiel de son tracé, ne sépare pas Israéliens et Palestiniens : il coupe les Palestiniens de leurs écoles, de leurs champs, de leurs oliveraies, de leurs hôpitaux et de leurs cimetières...

« Le mur est un outil que le gouvernement utilise pour contrôler Jérusalem et non pour assurer la sécurité des Israéliens », tranche Menahem Klein. De fait, il représente la quintessence de tous les outils de domination évoqués jusqu’ici. Il multiplie la surface de Jérusalem-Est par 2,3 en dessinant une sorte de trèfle qui inclut les nouvelles colonies avec leurs zones de développement : au nord, Beit Horon, Givat Zeev, Givon Hadasha et le futur « parc métropolitain » de Nabi Samuel ; au sud, Har Gilo, Betar Illit ainsi que l’ensemble du Gouch Etzion ; à l’est, enfin, Maale Adoumim.

Une annexion rampante{{}}Philippe Rekacewicz Consulter la carte

On prend mieux conscience depuis le belvédère de l’hôpital Augusta-Victoria de la menace mortelle que le chantier en cours à l’est représente pour le futur Etat palestinien. La colonie elle-même occupe 7 km2. Mais le plan municipal du « bloc de Maale Adoumim » couvre une superficie totale, encore largement déserte, de 55 km2 (plus que Tel-Aviv, 51 km2). La poche s’étend presque jusqu’à la mer Morte et coupe donc en deux la Cisjordanie. Au nord, la fameuse zone E1 représente avec ses 12 km2 (12 fois la vieille ville !) le dernier espace de croissance possible pour Jérusalem-Est. Or même l’opposition – formelle – de Washington n’a pas empêché la construction du nouveau quartier général de la police pour la Cisjordanie, en attendant logements, centres commerciaux, hôtels, etc. Quant aux Bédouins Jahalin, voici leurs pauvres baraquements sur la colline où ils ont été « transférés » et qui domine... la décharge.

Le plus possible de terres palestiniennes avec le moins possible de Palestiniens : ce vieux principe a dirigé le tracé du mur qui, s’il inclut des colonies juives, exclut aussi des quartiers arabes. Ainsi rejette-t-il en Cisjordanie, du nord au sud, la localité de Qafr Aqab, à côté du camp de réfugiés de Qalandiya, la moitié de Beit Hanina, le gros d’Al-Ram, Dahiyat Al-Bared, Hizma, le camp de Shuafat, Dahiyat Al-Salam, Anata, Ram Khamzi et, tout au sud, Walaja. Une première : 60 000 des 240 000 Palestiniens de Jérusalem en ont été expulsés... sans avoir bougé ! Avec des pertes en chaîne.

Perte de temps : « Avant, j’allais à la fac à pied en dix minutes, témoigne Mohammed, un étudiant de Ramallah inscrit en médecine à l’université Al-Qods. Depuis, il me faut quatre-vingt-dix minutes en voiture. » Perte de revenus : si les commerçants du « mauvais » côté d’Al-Ram déplorent une baisse de 30 % à 50 % de leur chiffre d’affaires, ce dentiste a dû fermer purement et simplement son cabinet, tandis que le propriétaire de cet immeuble avec vue imprenable sur le mur n’a plus un seul locataire. Perte de personnel : entre un tiers et la moitié des médecins et des infirmières, mais aussi des enseignants ne peuvent plus venir travailler à Jérusalem. Perte annoncée de la « résidence » : quiconque ne justifiera plus d’un logement et d’un travail à Jérusalem, lors du renouvellement de sa carte d’identité bleue, en sera privé. Perte, enfin et surtout, pour Jérusalem-Est de son rôle de métropole palestinienne.

« Chacun sait que les prochaines négociations partiront des “paramètres de Clinton”, et notamment la partition de la ville pour faire place à deux capitales, résume Menahem Klein. Voilà ce que le mur cherche à éviter, en cassant Al-Qods comme centre métropolitain, en la déconnectant de son hinterland économique, social et culturel palestinien. Mais, si nos dirigeants espèrent profiter de la faiblesse des Palestiniens, ils font un calcul à courte vue : la jeune génération redressera la tête. Que restera-t-il alors de l’ambition de Sharon et d’Olmert de “relibérer Jérusalem” ? »

D’autres interlocuteurs relient l’escalade israélienne et l’état du processus de paix. Ainsi l’ambassadeur Sanbar, selon qui les choses se sont accélérées « à partir du moment où Jérusalem a été officiellement inscrite à l’ordre du jour de la négociation. Afin qu’à force de faits accomplis il ne reste rien à négocier ». Pour M. Wassim H. Khazmo, conseiller de l’équipe de négociation palestinienne, « Sharon a profité de la faiblesse de la communauté internationale pour prendre ce que M. George W. Bush lui avait promis dans sa lettre du 14 avril 2004les blocs de colonies. »

Quelle ne sera pas, d’ailleurs, notre surprise, en entendant M. Toufakji renoncer à revendiquer ces « blocs », au nom du réalisme. « Même Maale Adoumim ? » « Oui. » « Même la zone E1 ? » « Oui. » Comme en réponse à cet abandon, M. Hasib Nashashibi, de la Coalition pour Jérusalem, évoquera la « crise de leadership » dans l’OLP : « Les Israéliens exploitent évidemment nos divisions et nos erreurs. » Et Amos Gil de pointer « l’argument majeur que les attentats kamikazes ont donné pour justifier le mur ».

En les découvrant, on pense à Kafka ou à Ubu roi : ce sont les Palestiniens des enclaves de Biddu (35 500 personnes), Bir Nabala (20 000) et Walaja (2 000) pris au piège du mur ou de la barrière, qui les encercle entièrement. Et la famille Gharib est assurément la victime expiatoire. Un à un, les colons de Givon Hadasha ont construit, sur des terres privées palestiniennes, des maisons autour de la sienne, qu’ils ont transformée en mini-enclave, reliée par un chemin à son village originel, le tout ceinturé d’un grillage bientôt électrifié et surveillé par une caméra... Sympathiques voisins : en nous voyant, l’un d’eux hurla depuis sa fenêtre : « J’ai une arme, je vais vous descendre ! » Paroles en l’air ? Ils ont déjà tué un de ses fils. Persécutés, les Gharib résistent néanmoins depuis plus de vingt ans...

Comment ne pas penser à l’envolée, la veille, de Benvenisti : « Le mur ? Mais c’est le monument du désespoir total ! Regardez Bethléem : d’un côté, l’église de la Nativité, de l’autre, le bunker construit autour du tombeau de Rachel. C’est l’arrogance de l’occupant prétendant définir et redéfinir les communautés à sa guise : comme si la “barrière” triait les “bons” Arabes, acceptés à Jérusalem, des “mauvais”, qui en sont exclus. Les inventeurs de cette horreur raisonnent avec la même logique coloniale du XIXe siècle que vous, les Français, lorsque vous vous accrochiez à l’Indochine et au Maghreb. Mais ça ne marchera pas mieux ! Le mur de Jérusalem finira comme celui de Berlin. »

Philippe Rekacewicz - Dominique Vidal - Journaliste et historien, dirige avec Bertrand Badie la publication annuelle L’État du monde, La Découverte, Paris.

(1) La Nakba désigne la disparition de la Palestine et l’exode forcé de 800 000 de ses habitants en 1948. Quant au colonel Tirza, il n’a pas vu son contrat reconduit après avoir ouvertement menti à la Cour suprême afin de justifier le tracé de son mur.

(2) Fin 2006, on estimait le nombre d’habitants de Jérusalem à quelque 700 000 : 470 000 Juifs et 230 000 Palestiniens.

(3Bulletin du Centre de recherche français de Jérusalem, n° 16, p. 212-213, 2005.

(4Haaretz, Tel-Aviv, 17 juillet 1996. « Yesha » est la contraction de Yehuda ve Shomron (Judée et Samarie), nom donné par les colons à la Cisjordanie.

(5) Dans l’excellent Un mur en Palestine de René Backmann, Fayard, Paris, 2006.

(6Haaretz, Tel-Aviv, 26 avril 2006.

(7) Le roi David y aurait fondé sa capitale vers l’an 1000 avant J.-C.

(8Haaretz, Tel-Aviv, 26 novembre 2006.

(9) Autorité chargée de la gestion des biens religieux musulmans.

(10http://paxchristi.cef.fr/docs/jerus...

(11Cf. « Les bulldozers en action », Lettres de..., Les Carnets du Monde diplomatique.

(12Discriminations in the Heart of the Holy City, IPCC, Jérusalem, 2006. Les chiffres qui suivent, sauf indication contraire, en sont tirés.

(13A Wall in Jerusalem, Betselem, Jérusalem, 2006.

(14Bulletin..., op. cit., p. 216.

(15) Voir www.france-palestine.org. Si la Sécurité sociale pousse à retirer leurs cartes d’identité aux résidents de Jérusalem se trouvant à l’extérieur de la ville pour des raisons avant tout financières, le ministère de l’intérieur et surtout la municipalité, soucieux de réduire le nombre de Palestiniens vivant effectivement à Jérusalem, préfèrent qu’ils conservent leur carte d’identité hors des limites municipales.

(16A Wall in Jerusalem, op. cit.

Voir aussi :

Tolérance à l’israélienneAmnon Kapeliouk Aperçu

Un tramway français nommé schizophréniePhilippe Rekacewicz & Dominique Vidal Aperçu - Il ne roulera qu’en 2009, mais s’affiche déjà sur les murs de Jérusalem : des publicités multicolores montrent un tramway cheminant le long de la muraille de la vieille ville. La plus étrange l’associe à un (...)https://www.monde-diplomatique.fr/2...

Comment Israël confisque Jérusalem-EstPh. Re. & D. V.

En perspective :

Jérusalem, l’erreur fondamentale du président américainCharles Enderlin, janvier 2018 Aperçu - En brisant le consensus international sur le statut de Jérusalem, ville sainte pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, le président Donald Trump a conduit son pays à l’isolement. Une large majorité de l’Assemblée générale des Nations unies dénonce une décision faisant obstacle à la paix. Mais, sur le terrain, la politique du fait accompli continue.https://www.monde-diplomatique.fr/2...

Aux Etats-Unis, M. Ariel Sharon n’a que des amisSerge Halimi, juillet 2003 L’idée qu’un lobby pro-israélien oriente la politique américaine au Proche-Orient est désormais presque caduque. C’est l’ensemble des milieux dirigeants américains qui ont construit et consolidé unsystèmepro-israélien à ce point ancré dans la vie politique, sociale et culturelle des Etats-Unis qu’une défaite de sa part est devenue presque inconcevable.https://www.monde-diplomatique.fr/2...

Colonisation Conflit israélo-palestinien Israël Palestine (Jérusalem)

Traductions de cet article :

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Source : https://www.monde-diplomatique.fr/2007/02/REKACEWICZ/14411

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12.
Jérusalem - L’impossible capitale Par Vincent Lemire dans Agrégation 2017 - Question d’histoire contemporaine – Non daté – Document ‘lhistoire.fr ‘ – Photo : En juin 1968, un an après la guerre des Six-Jours, des tanks et des soldats israéliens défilent dans l’ancien no man’s land qui séparait les secteurs israélien et jordanien. Ted Spiegel/National Geographic/Getty images

A l’issue de la guerre des Six-Jours, Jérusalem, divisée entre Israéliens et Jordaniens depuis 1949, se trouve de facto réunifiée. Pourtant, l’État hébreu n’a pas réussi à imposer la ville comme capitale exclusive et indivisible.

Cinquante ans après la conquête militaire de Jérusalem-Est lors de la guerre des Six-Jours, Israël n’a toujours pas réussi à faire accepter par la communauté internationale ses revendications sur la Ville sainte. Alors que Jérusalem a été déclarée capitale « indivisible » d’Israël par une loi fondamentale votée à la Knesset le 30 juillet 1980, la totalité des grandes ambassades demeurent aujourd’hui à Tel-Aviv et Jérusalem-Est reste considérée comme un « territoire occupé » du point de vue du droit international. Encore tout récemment, le 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2334 qui condamne fermement et explicitement les actions unilatérales d’Israël dans la ville : « La création par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable. »

Par ces termes l’ONU ne fait que répéter la position constante et unanime de la communauté internationale, reprise par exemple solennellement par l’Union européenne en 2008 ou par le secrétaire d’État américain John Kerry, le 28 décembre 2016, dans une de ses dernières prises de parole sur le sujet : Jérusalem doit être la capitale de deux États souverains, Israël et la Palestine.

Pourquoi Israël, malgré une volonté politique unanime de ses dirigeants et des investissements ininterrompus depuis 1967, n’a-t-il pas réussi à faire de Jérusalem sa capitale exclusive ? Contrairement aux apparences, l’échec ne tient pas seulement à la position de la communauté internationale.

1967 : opération réunification

L’opération de réunification de la ville n’a pas pu être préparée, et pour cause puisque la guerre des Six-Jours (5-10 juin) n’a pas été anticipée et ne devait être, au moment où elle a été déclenchée, qu’une guerre éclair contre la seule armée égyptienne (cf. Alain Dieckhoff, p. 46).

Mais le traité de défense mutuelle signé avec l’Égypte le 30 mai et les fausses informations victorieuses volontairement diffusées par Nasser conduisent le roi Hussein à déclencher des bombardements intensifs contre Jérusalem-Ouest à la fin de la matinée du 5 juin, touchant la Knesset (le Parlement israélien) et la résidence du Premier ministre.

Dans la soirée du 5 juin, il n’y a pas encore de consensus au sein du cabinet israélien concernant la Ville sainte : certains ministres comme Menahem Begin plaident pour une conquête immédiate, mais le Premier ministre Levi Eshkol craint une réaction internationale et souhaite temporiser. Les quartiers est sont conquis par les généraux Moshe Dayan et Yitzhak Rabin et par les troupes parachutistes israéliennes commandées par Uzi Narkiss sans qu’il y ait eu d’ordre politique et malgré le vote à l’unanimité du Conseil de sécurité, le 5 juin (6 juin vers 1 heure du matin à Jérusalem), d’une demande de cessez-le-feu immédiat. La bataille de Jérusalem n’aura duré qu’à peine trois jours, du lundi 5 au mercredi 7 juin.

Les témoignages des habitants de Jérusalem-Est sont rares mais ils permettent de comprendre à la fois l’angoisse qui a saisi les populations arabes de la ville au moment de la conquête et en même temps leur prévention contre une fuite vers la Jordanie ou vers d’autres pays d’exil. De ce point de vue, le souvenir de la guerre de 1948 est encore dans tous les esprits, car chacun sait que les 700 000 réfugiés palestiniens n’ont jamais pu retourner dans leurs maisons.

Ibrahim Dakkak, un jeune ingénieur palestinien vivant à Jérusalem, se souvient des sentiments mêlés qui l’ont traversé quand, terré chez lui avec sa femme et son fils, « le bulletin météo pour Jérusalem fut donné par Radio Israël et non plus par Radio Amman » [1] : « Nous savions que Jérusalem était tombée aux mains des forces israéliennes. Que faire ? L’histoire allait-elle se répéter ? Est-ce que cela allait se passer comme en 1948 ? [...] Des voitures équipées de haut-parleurs parcouraient les rues de Jérusalem pour appeler ceux qui souhaitaient quitter la ville par le pont Allenby, sur le Jourdain, à se diriger vers les autobus mis à leur disposition à cet effet. Un appel lourd de significations. Attirant et insistant à la fois. Le passage du pont était gratuit, sans aucune condition pour personne. » Ibrahim Dakkak prit la décision de rester, comme la plupart des 70 000 habitants que comptait alors Jérusalem-Est.

A la différence de ce qui s’était passé en 1948, aucune stratégie d’expulsion n’avait été planifiée par l’armée israélienne. Ce sont bien ces résidents palestiniens demeurés obstinément chez eux qui ont fait obstacle, jusqu’à aujourd’hui, à la réunification de la ville. Comme le souligne explicitement Ibrahim Dakkak dans ses souvenirs, « dans la mesure où les habitants étaient demeurés sur place, l’annexion de la ville, qui concernait la terre mais pas les personnes, mettait les Israéliens dans l’embarras ».

1948 : de facto coupée en deux

De quoi se sont emparés les soldats israéliens au matin du 7 juin 1967 ? Quel est l’état de Jérusalem-Est quand le rabbin Shlomo Goren, aumônier de l’armée israélienne, pénètre sur l’esplanade des Mosquées et prononce les premières prières devant le Mur occidental (Mur des lamentations) ? A l’issue de la guerre de 1948, alors qu’Israël a proclamé son indépendance, la ligne de cessez-le-feu, la « ligne verte », coupe Jérusalem en deux, à l’ouest les Israéliens, à l’est (incluant la vieille ville) les Jordaniens.

L’histoire de la Jérusalem jordanienne, entre 1949 et 1967, est fort mal connue. On peut dire globalement que la monarchie jordanienne a tout fait pour brider son développement et pour marginaliser la partie orientale de la Ville sainte, considérée comme une menace potentielle pour la stabilité du régime. De façon significative, lorsque le roi Abdallah s’est fait proclamer « roi de Palestine » le 1er décembre 1948, c’est à Jéricho que la cérémonie a été organisée, dans la vallée du Jourdain, et surtout pas à Jérusalem. Les préventions de la dynastie hachémite sont confirmées lorsque le même Abdallah est assassiné à Jérusalem devant la mosquée Al-Aqsa le 20 juillet 1951, par un jeune militant palestinien.

En 1964, l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) a tenu son congrès fondateur à Jérusalem et la Jordanie s’inquiète de plus en plus des risques de soulèvement qui pourraient embraser la capitale revendiquée par les nationalistes palestiniens. En janvier et février 1967, des plasticages nocturnes visent des bâtiments officiels jordaniens, et des caches d’armes sont découvertes dans la vieille ville. Les autorités jordaniennes se méfient de Jérusalem et font tout pour la maintenir en position marginale au sein du royaume.

En conséquence, lorsque les Israéliens s’en emparent, Jérusalem-Est est une ville peu développée qui ne s’étend que sur 6 km2 dont moins de 3 km2 sont effectivement construits ; la population plafonne à 70 000 habitants, à peine plus qu’en 1949.

1950 : Jérusalem-Ouest proclamée capitale

Jérusalem-Ouest, à l’inverse, a bénéficié pendant la même période d’un investissement massif et continu de la part des autorités israéliennes. Proclamée capitale du nouvel État le 23 janvier 1950, la ville a connu un développement intensif : elle s’étend en 1967 sur 38 km2 et sa population a plus que doublé depuis 1949, atteignant 190 000 habitants juste avant la guerre des Six-Jours.

Le fossé qui sépare encore aujourd’hui Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest vient en grande partie de ce « décrochage » des années 1949-1967. Dans la partie occidentale, tout a été fait pour accélérer son développement : la Knesset et tous les ministères s’y installent dès 1950 ; l’université hébraïque est inaugurée sur la colline de Givat Ram en 1953 ; la même année et sur une colline voisine est fondé le mémorial de Yad Vashem consacré aux 6 millions de morts de la Shoah, qui est inauguré en 1957 ; en 1961, encore un peu plus à l’ouest, c’est l’immense et prestigieux hôpital Hadassah qui ouvre ses portes, suivi en 1965 du Musée d’Israël. La capitalisation de Jérusalem-Ouest est en marche : la ville n’est pas reconnue comme capitale d’Israël par la communauté internationale, mais elle est de facto la capitale politique, administrative et culturelle du nouvel État, et elle profite pleinement de ce nouveau statut.

Cela dit, du point de vue du tissu urbain dans sa globalité, ce développement à marche forcée aura une conséquence lourde à long terme : ces investissements et ces bâtiments publics sont logiquement érigés à l’écart de la ligne de front, à 2 km à l’ouest de la vieille ville, ce qui contribue à dévitaliser encore l’ancien centre urbain et à creuser davantage le fossé entre Jérusalem-Ouest et Jérusalem-Est. Le tissu urbain de la Ville sainte, déjà polarisé par les affrontements intercommunautaires des années 1930 [2], coupé en deux par la ligne de démarcation de 1949, se désagrège donc encore plus profondément dans les années 1949-1967. En 1962, un an après la construction du mur de Berlin, un mur est construit sur la ligne verte, matérialisant une séparation étanche. Quand les Israéliens s’emparent de Jérusalem-Est en juin 1967, deux entités urbaines totalement disjointes et divergentes se font face.

1967-1977 : réunifier à tout prix

Dès le lendemain de la conquête, au sein de la municipalité de Jérusalem-Ouest, deux acteurs majeurs s’engagent avec ferveur dans un projet volontariste de réunification de la Ville sainte : Teddy Kollek, le maire travailliste de la ville depuis 1965, et son jeune adjoint Meron Benvenisti, historien de formation, médiéviste et arabisant (dont les archives personnelles viennent d’être versées à l’institut Ben-Zvi de Jérusalem). Pourtant, à la ferveur des premiers mois succède rapidement la désillusion : le rêve de la réunification, loin de se concrétiser avec le temps, ne fait au contraire que s’éloigner, que ce soit sur le plan des institutions municipales, des relations politiques locales ou du droit international.

Au niveau municipal, la stratégie de Kollek consiste à écarter les conseillers municipaux élus tout en essayant d’introduire des ingénieurs issus de l’ancienne municipalité jordanienne. En renonçant à toute intégration politique et en privilégiant une simple intégration technique, il obtient d’abord le ralliement de certains fonctionnaires de Jérusalem-Est, comme Yussuf al-Budeiri, ingénieur en chef de l’ancienne municipalité ; mais celui-ci démissionne dès 1972, pour dénoncer l’inégalité de traitement dont les quartiers de Jérusalem-Est sont victimes dans les dépenses municipales.

Quelques années après la conquête, la municipalité de la Jérusalem « réunifiée » se réduit déjà de facto à l’ancienne équipe municipale de Jérusalem-Ouest. Lors des élections municipales d’octobre 1969, aucun Palestinien ne se porte candidat et les habitants de Jérusalem-Est respectent massivement les appels au boycott. Le journaliste israélien Gideon Weigert peut ainsi écrire dès 1973 dans le Jerusalem Post : « L’espoir, la coopération et l’enthousiasme se sont évanouis, laissant la place au désespoir et à l’amertume. »

Concernant les perceptions politiques des habitants eux-mêmes, on peut dire que la surprise et la sidération des premiers mois font rapidement place à la rancoeur et au ressentiment. Du côté israélien d’abord, on découvre l’ampleur des destructions et des profanations que les lieux saints juifs situés à l’est ont subi pendant la période jordanienne. Le consul de France en témoigne lui-même dès le 13 juillet 1967 : dans le camp militaire de la Légion arabe d’Al-Azarié, « les fondations, le dallage, les enceintes, les routes et les chemins intérieurs jusqu’aux lieux d’aisance [...] ont été construits dans une très grande mesure avec des pierres tombales juives provenant du mont des Oliviers et portant, bien visibles, les inscriptions funéraires ». Dans la vieille ville de Jérusalem, plus de 30 synagogues ont été incendiées et détruites par les Jordaniens lors de la guerre de 1948.

Symétriquement, les Palestiniens de Jérusalem-Est protestent contre la destruction du quartier des Maghrébins, fondé au XIIe siècle, et qui jouxtait le Mur occidental (cf. p. 39). En outre, l’expulsion brutale de 3 000 réfugiés arabes, qui avaient élu domicile dans l’ancien quartier juif après 1948, souleva l’émotion. Localement, une résistance souterraine mais efficace se met en place contre l’occupation israélienne. La société civile palestinienne, par l’intermédiaire des associations professionnelles d’ingénieurs, d’avocats, d’enseignants, se mobilise pour mettre en échec les tentatives de normalisation impulsées par la municipalité israélienne : le réseau des écoles, des hôpitaux et des dispensaires jordaniens se maintient et se développe, le taux de natalité des familles palestiniennes ne cesse de grimper, comme si la réponse à l’occupation se jouait avant tout sur le terrain social et démographique (cf. Youssef Courbage, p. 42).

Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) d’obédience marxiste, fondé en août 1967, et l’OLP organisent les premières opérations armées à Jérusalem, avec un attentat à la bombe déjoué de justesse au cinéma Zion le 8 octobre 1967, puis l’attaque d’un autobus israélien le 18 août 1968, et enfin l’attentat à la voiture piégée qui tue 12 personnes sur le marché de Mahane Yehuda, au coeur de Jérusalem-Ouest, le 22 novembre 1968. La situation se détériore encore lorsqu’un chrétien fondamentaliste australien pro-sioniste incendie la mosquée Al-Aqsa le 21 août 1969, en appelant à « la reconstruction du troisième temple ».

La condamnation internationale de l’occupation israélienne, d’abord mesurée, se précise et s’amplifie au fil des ans. Ainsi le cas de Jérusalem n’est pas évoqué spécifiquement dans la fameuse résolution 242 votée par le Conseil de sécurité le 22 novembre 1967, qui demande le retrait des « territoires occupés au cours du récent conflit ». La première condamnation des mesures israéliennes « qui tendent à modifier le statut de Jérusalem » apparaît avec la résolution 252 votée le 21 mai 1968. Mais c’est le 3 juillet 1969 qu’est votée la première résolution (267) spécifiquement consacrée à Jérusalem, y compris par le représentant des États-Unis (il s’était abstenu jusque-là) et qui dénonce cette fois-ci les « expropriations et confiscations » de propriétés et les « démolitions » de bâtiments « occupés » à Jérusalem. Deux ans après la conquête militaire, cette condamnation internationale unanime vient finalement sanctionner l’échec de la réunification qui s’est jouée avant tout sur le terrain.

1977 : la colonisation commence

Au cours des années 1970 un certain nombre d’éléments aggravent encore la situation. En 1973, l’attaque surprise des armées arabes le jour de la fête de Kippour a accentué la défiance des Israéliens. A Jérusalem, les attentats revendiqués par l’OLP se poursuivent, toujours plus meurtriers (14 morts le 4 juillet 1975 dans un attentat à la bombe rue Ben-Yehuda). L’arrivée de la droite au pouvoir lors des élections de 1977 marque un tournant : favorable à la colonisation des territoires occupés, y compris à Jérusalem-Est, le nouveau gouvernement Likoud de Menahem Begin place la municipalité travailliste de Jérusalem en porte à faux. Meron Benvenisti, maire adjoint chargé de l’intégration des quartiers palestiniens depuis juin 1967, démissionne avec fracas en 1978.

Le rêve d’une réunification authentique s’est définitivement évanoui, laissant place aux projets de colonisation, dans une logique pleinement assumée de confrontation avec les résidents palestiniens. Le 2 juin 1980, un groupe de colons issu du Gush Emunim (« Bloc de la foi ») tente d’assassiner les maires palestiniens de Naplouse, Ramallah et El-Bireh ; des membres du même groupe sont arrêtés en 1984 alors qu’ils préparaient activement le dynamitage du Dôme du Rocher, sur l’esplanade des Mosquées.

C’est dans ce contexte d’extrême tension que la loi fondamentale « Jérusalem capitale d’Israël » est votée par la Knesset le 30 juillet 1980 : face à l’échec de la réunification, la droite israélienne s’engage dans une fuite en avant unilatérale, considérant finalement que la reconquête effective de Jérusalem-Est reste encore à mener. Le 2 août 1980, le général Danny Matt annonce une politique de la « main de fer » dans les territoires occupés, y compris à Jérusalem-Est. L’ingénieur et militant palestinien Ibrahim Dakkak, qui a échappé lui aussi à une tentative d’assassinat en 1980, est arrêté puis assigné à résidence fin 1981 ; avec lui de nombreux syndicalistes palestiniens sont arrêtés ou expulsés, des journaux fermés, des organisations politiques dissoutes. L’heure n’est plus aux accommodements mais à l’affrontement délibéré, qui conduira au soulèvement palestinien (la première Intifada) en 1987.

A Jérusalem, la colonisation a deux conséquences bien distinctes : à une dizaine de kilomètres du centre-ville, une ceinture de colonies est créée (Efrat, Gilo, Har Homa, Maale Adoumim, Bet El, Psagot...) pour encercler les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est et empêcher leur développement. Tous les outils juridiques du zonage sont mobilisés alternativement pour éviter l’expansion des quartiers palestiniens et favoriser celle des colonies : par exemple, la colline de Jabal Abu-Ghneim, située en périphérie de Jérusalem sur la route de Bethléem, est déclarée « zone verte protégée » en 1969, avant d’être transformée en « zone résidentielle » en 1996 pour y construire la colonie de Har Homa (littéralement « la barrière de montagne ») qui compte aujourd’hui près de 15 000 habitants.

La colonisation se développe également dans le centre-ville, même si les effectifs mobilisés sont considérablement moins importants. En 1978 est créée l’association Ateret Cohanim qui milite explicitement pour la reconstruction du troisième temple et pour la « reconquête » de la vieille ville de Jérusalem, maison par maison. En décembre 1987, au moment même du déclenchement de l’intifada palestinienne, Ariel Sharon s’installe dans la rue Al-Wad (« la vallée » en arabe), artère centrale du quartier musulman de la vieille ville, témoignant ainsi de l’appui gouvernemental au projet des colons.

Les affrontements armés se multiplient dans les rues de Jérusalem ; les attentats palestiniens sont suivis par une répression toujours plus brutale de l’armée israélienne. Le 8 octobre 1990, 20 Palestiniens sont tués sur l’esplanade des Mosquées. En septembre 1996, c’est le percement d’un tunnel archéologique sous le quartier musulman [3] qui déclenche des émeutes meurtrières, causant la mort de 74 Palestiniens et de 16 soldats israéliens.

En septembre 2000, la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade déclenche la seconde Intifada. Le nom qui lui est attribué, « intifada Al-Aqsa », démontre que Jérusalem et ses lieux saints sont désormais au coeur de l’affrontement israélo-palestinien.

Teddy Kollek, le maire travailliste de Jérusalem depuis 1965 qui avait longtemps cru au rêve de la réunification, est sèchement battu lors des élections municipales de 1993 par le candidat de la droite (Likoud) Ehud Olmert. Celui-ci est lui-même battu par l’ultraorthodoxe Uri Lupolianski en 2003, avant que le Likoud ne reprenne la mairie en 2008. Ce basculement de la municipalité de Jérusalem vers la droite et vers les partis ultra-orthodoxes est symptomatique de l’échec de la réunification espérée après la conquête de 1967. A son ancien adjoint Meron Benvenisti, Teddy Kollek confie alors avec amertume que « la coexistence est morte », avant d’ajouter : « Nous n’avons vraiment rien fait pour les Arabes. »

Ce constat acerbe et désabusé, de la part de celui qui aura incarné un moment les espoirs d’une véritable intégration des deux parties de la ville, témoigne d’une réalité. Jérusalem est plus que jamais coupée en deux : les 300 000 habitants palestiniens de Jérusalem-Est (40 % de la population) ne participent ni aux scrutins locaux ni aux scrutins nationaux et moins de 15 % du budget municipal leur est consacré. Au-delà de ces chiffres, il suffit de se promener dans les rues et d’être attentif à quelques indices convergents pour comprendre que la frontière entre Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest reste profondément ancrée dans les esprits et dans les habitudes de ses habitants (cf. Irène Salenson, p. 54).

Surprenant paradoxe, Jérusalem a été proclamée « capitale une et indivisible » d’Israël, défini depuis sa fondation comme « État juif et démocratique » ; or elle est non seulement la moins démocratique mais aussi, sur le plan démographique, la moins juive des grandes villes israéliennes. Elle compte aujourd’hui près de 40 % de résidents palestiniens (contre un peu plus de 25 % au lendemain de la guerre de 1967). La population palestinienne de la ville a été multipliée par 4 depuis cinquante ans, quand la population juive n’a été multipliée que par 2,5. Autre chiffre surprenant et rarement cité : dans la vieille ville, on ne dénombre que 4 000 résidents juifs israéliens, sur une population totale de 35 000 habitants.

Ainsi, si Israël n’a pas réussi à faire de Jérusalem sa capitale exclusive, ce n’est pas à cause du Conseil de sécurité de l’ONU mais, sans doute, plus simplement et plus logiquement, en raison de l’histoire de la ville elle-même.

Capitale revendiquée par un État existant, Israël, et par un État encore à venir, la Palestine, la situation de Jérusalem est finalement aujourd’hui le résultat de son histoire : ville-monde, berceau universel des traditions monothéistes, elle ne peut pas être la capitale exclusive d’un seul État-nation. Ce constat rappelle une vérité historique fondamentale, bien exprimée par Uzi Narkiss, le chef des commandos parachutistes israéliens qui est entré le premier dans Jérusalem-Est le 7 juin 1967 au matin : « Le fait de marquer une ligne d’annexion sur la carte ne crée pas automatiquement des faits sur le terrain. »

Maître de conférences à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée, Vincent Lemire a notamment publié Jérusalem 1900. La Ville sainte à l’âge des possibles (Armand Colin, 2013 ; rééd. Seuil, « Points histoire », 2016). Il vient de diriger Jérusalem. Histoire d’une ville-monde (Flammarion, « Champs histoire », 2016).

1. Jérusalem. Le sacré et le politique, textes réunis et présentés par F. Mardam-Bey et E. Sanbar, Arles, Sindbad-Actes Sud, 2000.

2. Une grande révolte arabe éclate en 1936 et dure jusqu’en 1939. Elle pousse les Britanniques à imposer une limitation de l’immigration juive en Palestine.

3. Cette excavation de 400 mètres, qui longe le Mur occidental, permet aux archéologues d’accéder aux fondations du Temple d’Hérode. On l’appelle « tunnel hasmonéen » car les vestiges trouvés sont largement de cette époque (168-37 av. J.-C.).

À savoir

Le plan de 1947

Le plan de partage de 1947 prévoit la création d’un État juif et d’un État arabe et fait passer Jérusalem sous contrôle de l’ONU, en tant que corpus separatum.

Carte de Jérusalem : Ouest vs Est

Alors que le plan de partage de l’ONU, en 1947, prévoyait une internationalisation de Jérusalem, la guerre de 1948 conduit à son occupation par les Israéliens, d’un côté, par les Jordaniens, de l’autre, et à sa partition le long de la « ligne verte ». Jérusalem-Ouest devient capitale officieuse, avec le Parlement (la Knesset), les ministères, etc. Le statu quo est remis en cause en 1967 : Israël occupe désormais l’ensemble de la ville.

À savoir

Le temple

Au Xe siècle av. J.-C., un temple fut construit à Jérusalem. Détruit en 587 av. J.-C., l’édifice fut reconstruit au VIe-IVe siècle puis embelli sous Hérode, avant d’être incendié par les Romains en 70. Centre religieux doublé d’un établissement financier, il est aussi le symbole politique de l’existence d’un État unifié.

CHRONOLOGIE

1947, novembre : Le plan de partage de la Palestine par l’ONU prévoit la constitution de la région de Jérusalem-Bethléem en corpus separatum.

1948, 14 mai : Fin du mandat britannique. Proclamation de l’État d’Israël à Tel-Aviv. Ben Gourion ne prononce pas le nom de Jérusalem. Le 15 mai, l’Égypte, la Jordanie, l’Irak, la Syrie et le Liban entrent en guerre. Les chars israéliens pénètrent dans Jérusalem.

1949, avril : Jérusalem est partagée entre Israël et la Jordanie par la ligne verte. En 1950, Israël déclare officiellement Jérusalem-Ouest comme sa capitale.

1967, 5 juin : Début de la guerre des Six-Jours. Le 7, les parachutistes israéliens s’emparent de Jérusalem-Est.

1967-1994 : Politique de confiscation des terres arabes à grande échelle : un tiers des 71 km2 annexés en 1967 est exproprié.

1980, 30 juillet : La loi fondamentale adoptée par la Knesset réaffirme le statut de capitale de la Jérusalem « unifiée ».

1993 : Accords d’Oslo. Naissance de l’Autorité palestinienne. Jérusalem reste la capitale d’Israël.

1996 : Jérusalem fête ses 3 000 ans d’existence comme capitale d’Israël. Ouverture d’un nouvel accès au « tunnel des Hasmonéens ». Les émeutes dégénèrent en bataille causant la mort de 74 Palestiniens et de 16 soldats israéliens.

2000-2003 : Seconde Intifada.

2003 : Élection d’un maire ultraorthodoxe, Uri Lupolianski.

2011 : Inauguration du tramway qui traverse la ville - la décision avait été repoussée depuis 1910.

2017 : Le statut de Jérusalem reste soumis au règlement final de l’accord israélo-palestinien.

Le mur de la discorde

Un soldat israélien devant le Mur occidental, dit Mur des lamentations (appellation chrétienne), juste après la guerre des Six-Jours. C’est le seul vestige du mur d’enceinte du temple d’Hérode, détruit en 70 par Titus. Les Juifs y étaient interdits d’accès depuis 1949. Le soldat retire une inscription arabe « El-Bouraq », le nom arabe du mur. Le Bouraq est la monture ailée qui aurait porté le Prophète de La Mecque à Jérusalem, en une nuit. Mahomet l’aurait attaché à ce mur à son arrivée.

Mots clés

Intifada

Nom donné au soulèvement général des Palestiniens qui enflamma les territoires occupés par Israël de 1987 à 1993 ; la seconde Intifada se déroule de la fin septembre 2000 à 2003.

Knesset

En hébreu « assemblée ». C’est la Knesset qui élit le président de l’État. Créée en 1949, elle s’est réunie pour la première fois à Tel-Aviv, avant d’être transférée à Jérusalem en 1950.

Ligne verte

Ligne fixée par les accords d’armistice conclus entre Israël et la Jordanie en 1949. Selon la Cour internationale de justice en 2004, elle définit la séparation légitime entre Israël et la Palestine.

Dans le texte

« La politique des ’faits accomplis’ »

La ville devait désormais affronter la menace brutale de bulldozers mis en branle par une volonté nationale aux ressources inépuisables. La guerre des Six-Jours à peine terminée et avant même que le gouvernement ait pu discuter de l’avenir politique de l’Est, on déposait déjà les demandes d’implantations juives dans les territoires nouvellement occupés. Les autorités et tous les responsables israéliens s’accordaient sur la nécessité de la politique des ’faits accomplis’ territoriaux et démographiques. Pour pallier la confusion qu’engendraient la multiplicité des déclarations et des projets, et les ’faits accomplis’ d’initiative privée, le gouvernement se devait d’intervenir.

A partir du moment où le Premier ministre a pris la responsabilité ’d’accélérer la construction et le peuplement du Grand Jérusalem’ en août 1967, planification et développement sont nationalisés, et dès lors les programmes de construction relèvent désormais de l’autorité souveraine de l’État. L’autorité municipale, les collèges d’urbanisme, les considérations de qualité de la vie, d’environnement et les problèmes de fonctionnement des services lui sont subordonnés. Les véritables décideurs ne sont plus ni le maire, ni le conseil municipal, les responsables du plan, les architectes ou les historiens, mais les ministres secondés par des fonctionnaires à la fois complices et tout-puissants ainsi que des conseillers occultes.

Le but de ce style d’urbanisme, aux méthodes quasi militaires, était d’assurer à l’État d’Israël la suprématie sur le terrain.’

Meron Benvenisti (photo), adjoint du maire travailliste de Jérusalem Teddy Kollek de 1967 à 1978, Jérusalem. Une histoire politique, Arles, Solin-Actes Sud, 1996, p. 147.

Une ceinture de colonies Voir la carte

A partir des années 1980, des Israéliens s’installent dans des zones palestiniennes. Jérusalem-Est est entourée d’une ceinture de colonies ; dans le centre-ville également des habitations passent aux mains d’Israéliens. Un mur de séparation (de 6 à 8 mètres de haut) a été partiellement édifié autour de la ville, l’isolant de la Cisjordanie.

lhistoire.fr

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Source : https://www.lhistoire.fr/limpossible-capitale

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13.
Politique d’urbanisme menée par Israël en Cisjordanie - 11e législature - Question écrite n° 4101 de M. Philippe Marini(Oise - RPR) publiée dans le JO Sénat du 06/04/2000 - page 1191.

M. Philippe Marini appelle l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la préoccupante politique d’urbanisme menée par Israël en Cisjordanie, à l’égard des Palestiniens. Le Gouvernement israélien, malgré l’opposition exprimée par certains de ses ministres et par de nombreuses associations tant palestiniennes qu’israéliennes, continuerait d’appliquer, de façon discriminatoire, des lois relatives à l’urbanisme. Cette attitude est préoccupante et met en danger la poursuite du processus de paix au Moyen-Orient. Il lui demande, en conséquence, de bien vouloir lui préciser son sentiment sur cette question et de lui faire savoir si le Gouvernement français entend s’exprimer face à cette situation.

Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée dans le JO Sénat du 15/06/2000 - page 2134

Réponse. - Le Gouvernement français désapprouve la politique israélienne d’urbanisme dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem, qui se traduit notamment par la construction de colonies israéliennes et la confiscation de terrains appartenant à des Palestiniens. Cette politique est contraire à la IVe Convention de Genève sur la protection dse populations civiles en temps de guerre, dont la conférence des hautes parties contractantes a réitéré, le 15 juillet 1999, l’applicabilité aux territoires palestiniens. Les accords conclus entre Palestiniens et Israéliens, y compris à Wye River en octobre 1998 et à Charm el-Cheikh en septembre, proscrivent également ’ tout acte unilatéral de nature à modifier la situation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ’, dans l’attentre de la conclusion d’un accord sur le statut permanent des territoires palestiniens. Le Gouvernement français ne manque pas de rappeler aux autorités israéliennes sa précoccupation à cet égard, et de marquer la nécessité d’un gel de la colonisation israélienne des territoires occupés, pour entretenir avec les Palestiniens un climat propice aux négociations de paix. Les pourparlers en cours sur le statut permanent des territoires palestiniens rendent plus pressant encore le gel des cette politique israélienne. La France a soutenu la création d’un ’ observatoire européen de la colonisation ’, qui publie tous les trois mois les atteintes israéliennes au droit international en la matière. Lors de son récent voyage en Israël et dans les territoires palestiniens, à la fin du mois de février, le Premier ministre a exprimé à nouveau cette position à ses interlocuteurs israéliens.

Source : https://www.senat.fr/questions/base/2000/qSEQ000424101.html

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14.
La barrière de séparation en Israël – Palestine d’après Wkipédia

La barrière de séparation israélienne (BSI) est une construction le long de la ligne verte. Longue de plus de 700 km, elle est en cours d’édification par Israël en Cisjordanie depuis l’été 2002, sous les noms officiels de גדר ההפרדה (Geder HaHafrada en hébreu ; littéralement : grillage de séparation), ou de « clôture de sécurité » (« security fence »).

La barrière est initialement construite au cours de la seconde Intifada comme mesure nécessaire « pour sauver la vie à des israéliens en empêchant physiquement les terroristes palestiniens ». Après la mort de 800 civils israéliens dans des attaques terroristes lors du conflit, le gouvernement israélien se donne l’obligation de protéger ses citoyens1,2. Le nombre d’attentats-suicide passe de 73 (de 2000 à 2003) à 12 (de 2003 à 2006), au cours de la construction de la barrière3.

L’existence et le tracé de cette construction incluant plusieurs grands blocs de colonies israéliennes sont contestés sur des aspects politiques, humanitaires et légaux. L’Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 21 octobre 2003, une résolution condamnant la construction d’un « mur » empiétant sur le « territoire palestinien occupé » par 144 voix pour et 4 contre4. La Cour internationale de justice, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004, informe que la construction du mur est contraire au droit international.

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Source de l’article complet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Barri%C3%A8re_de_s%C3%A9paration_isra%C3%A9lienne

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15.
Israël-Palestine. Le mur qui a bétonné une paix impossible - Patrick Angevin Publié le 14/05/2018 à 12h42 – Document ‘Ouest France’

Photo – Sur un tracé de 708 km, environ 500 km de murs ont été réalisés Il s’agit à 95 % d’une haute clôture, mais dans les endroits urbains, comme ici à Bethléem, le mur est en béton et atteint 9 m de haut. | AFP

Israël fête les soixante-dix ans de sa naissance. Depuis les années 2000, la politique menée par le gouvernement de Benjamin Nétanyahou s’est durcie et a réduit les chances de concrétiser la solution de deux États. Le mur commencé il y a quinze ans a bétonné une paix impossible

Il y a quinze ans, Israëllançait la construction d’une « barrière de sécurité » provisoire… Elle a durablement enraciné l’annexion de territoires. Un État palestinien n’apparaît plus viable.

Les raisons du mur

L’idée émerge au plus fort de la seconde Intifada (2000-2006). Israël est confronté à des attentats-suicides très meurtriers, perpétrés par des kamikazes palestiniens venus de Cisjordanie et de Gaza. L’objectif est d’ériger une barrière hermétique le long de la « ligne verte » d’armistice, reconnue par l’Onu, qui sépare Israël des territoires occupés en 1967 (Gaza et Cisjordanie).

Réticente, la droite du Premier ministre d’alors, Ariel Sharon, qui ne veut pas que cette barrière entérine la frontière avec un futur État palestinien, finit par s’y résoudre. Dès le départ, il est prévu d’intégrer, côté israélien, près de 10 % de la Cisjordanie, notamment des colonies, situées jusqu’à 23 km derrière la « ligne ».Face au tollé dans le monde (on parle d’un « mur de l’apartheid »), Israël répond qu’il s’agit d’un ouvrage défensif, et « provisoire », admis par le droit international.

Plus de grillage que de béton

Sur un tracé de 708 km, environ 500 km ont été réalisés presque en totalité à l’intérieur de la Cisjordanie. Il s’agit à 95 % d’une haute clôture renforcée de barbelés et équipée de capteurs. Tout le long, une route militaire permet à l’armée israélienne d’intervenir rapidement. Dans les secteurs urbains (Qalqilya, Bethléem, Jérusalem…), la barrière prend la forme d’un mur de béton qui peut aller jusqu’à 9 m de haut.

Photo - De provisoire en 2003, la ’barrière de sécurité’ entre l’Etat hébreu et les territoires palestiniens est devenu un mur de séparation qui fixe aussi les annexions. | OUEST-FRANCE/REUTERS

Une efficacité limitée

Le nombre de civils tués par des Palestiniens des territoires n’a cessé de reculer au fil des années de la construction. Preuve de son utilité et de son efficacité, pour Israël, où l’édifice fait consensus à l’exception d’une petite minorité de gauche. Ses détracteurs relèvent que la baisse des attentats est d’abord due à la fin de l’Intifada et que le mur n’a pas empêché des attaques meurtrières.

Un enfer pour les Palestiniens

On estime que 50 000 Palestiniens vivent du côté israélien du mur, physiquement coupés de la Cisjordanie, à moins de passer par des check points à l’ouverture aléatoire. Au nom de la sécurité d’Israël, des paysans ont vu le mur se dresser entre leurs villages et leurs champs. Le mur s’ajouteaux 150 colonies juives qui mitent la Cisjordanie, et contribue à la fragmentation méthodique du territoire palestinien.

Un condensé de l’inextricable

Après l’occupation de la partie Est de la ville en 1967, Israël a fait de « Jérusalem réunifiée » sa capitale, que les États-Unis de Trump s’apprêtent à reconnaître, en opposition au consensus international.

À Jérusalem aussi, le mur ne suit pas le tracé de la ligne verte et empiète sur les territoires palestiniens (infographie). Il ne respecte pas non plus la propre limite municipale fixée par Israël lors de son annexion de 1980 ! Il exclut ainsi 80 000 Palestiniens de Jérusalem, qui vivent à Kufr Aqab (lire ci-dessous) ou dans l’ex-camp de réfugiés de Shuafat.La barrière défensive apparaît de plus en plus comme un nouveau tracé frontalier.

Le gouvernement israélien hésite à achever la partie qui inclut d’énormes blocs de colonies, comme Maale Adoumim à l’est de Jérusalem. «  Terminer la barrière reviendrait à enfoncer un dernier clou dans le cercueil dun État palestinien  », préviennent les ONG israéliennes B’Tselemou Machsom Watch, qui documentent la colonisation.

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© Ouest-France - Source : https://www.ouest-france.fr/monde/israel/israel-palestine-le-mur-qui-betonne-une-paix-impossible-5758641

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16.
Un avant-poste sur des terres du KKL après démolition de bâtiments palestiniens Par Jacob Magid 13 septembre 2019, 12:50 – Document ‘fr.timesofisrael.com’ - Photo - Les forces de sécurité israéliennes démolissent un bâtiment à proximité de Beit Jala en Cisjordanie, le 26 août 2019. (Wisam Hashlamoun/Flash90)

L’administration civile dit avoir connaissance de structures illégales sur le site près de Bethléem et les démolira ’conformément à ses priorités’

Un avant-poste israélien illégal a été installé sur un terrain appartenant au Fonds national juif KKL-JNF quelques jours seulement après que les autorités ont démoli la maison et le restaurant d’une famille palestinienne qui s’y trouvait depuis près de 15 ans, a confirmé jeudi un responsable de la défense.

Un groupe d’Israéliens est arrivé sur le site près de Bethléem moins d’une semaine après la démolition du 26 août et a commencé à travailler la terre, a déclaré un fonctionnaire de la défense au Times of Israel, confirmant une information antérieurement annoncée par le quotidien Haaretz. Un certain nombre de structures temporaires et de véhicules de construction ont été transportés sur le site désormais clôturé.

L’administration civile, un organisme du ministère de la Défense qui autorise la construction en Cisjordanie, a reconnu que les structures avaient été érigées illégalement sans les permis nécessaires et a déclaré qu’elles seraient démolies « conformément à ses priorités ».

Le terrain, situé entre les villages de Battir et Beit Jala au sud de Jérusalem, a été loué par le KKL-JNF à l’implantation voisine de Neve Daniel à des fins agricoles, selon la société foncière propriétaire.

Une carte montrant le lieu où des maisons palestiniennes ont été détruites par Israël, le 26 août 2019. (Crédit : Peace Now)

Le 26 août, les forces de sécurité israéliennes ont démoli la maison et le restaurant de la famille Cassia, mettant fin à une bataille juridique de près de 15 ans contre la population locale palestinienne menée par Himanuta, une filiale du KKL-JNF connue pour son achat de terres en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

Le rasage de ce complexe de la famille palestinienne a fait suite à un arrêt de la Haute Cour de justice du mois dernier qui a rejeté une requête de dernière minute contre les ordres de démolition.

Les installations sont situées dans la zone C de Cisjordanie, où Israël exerce un contrôle civil et militaire.

La famille Cassia prétend être propriétaire des lieux depuis des générations. Pour prouver la propriété, ils ont fourni aux autorités israéliennes un document appelé malia, qui montre le paiement des impôts fonciers depuis l’époque où la Jordanie contrôlait la Cisjordanie.

Photo - Des forces de sécurité israélienne détruisent un bâtiment à côté de Beit Jala en Cisjordanie, le 26 août 2019. (Wisam Hashlamoun/Flash90)

Cependant, le ministère de la Défense a rejeté à plusieurs reprises au cours des deux dernières décennies leurs demandes de permis de construire, affirmant que le document fiscal n’était pas suffisant pour prouver la propriété selon la loi israélienne.

Néanmoins, en 2005, la famille a entrepris la construction d’une grande maison, d’un restaurant et d’une ferme sur des terres agricoles qui existaient depuis longtemps. L’administration civile a émis des ordres de démolition et rasé plusieurs structures au cours des quinze années qui ont suivi, mais la maison et le restaurant sont restés debout pendant que les Cassia combattaient les ordres devant les tribunaux.

En 2017, l’organisation Himanuta s’est jointe aux efforts juridiques de l’État contre les Cassia en présentant des documents prouvant qu’elle avait acheté le terrain en 1969, ce que le tribunal a accepté comme légitime.

L’ONG de gauche La Paix maintenant a mis en doute l’achat d’Himanuta, citant l’insistance de la famille sur le fait qu’ils n’avaient jamais vendu la terre à qui que ce soit. En outre, l’ONG a fait valoir dans un communiqué dimanche que la zone située entre Bethléem et Jérusalem n’a pas de registre foncier et que les rares transactions immobilières qui ont eu lieu ces dernières décennies ont été effectuées selon des listes inexactes, ce qui a souvent entraîné des erreurs dans le tracé des limites des propriétés.

Dans un communiqué en réponse à une question du Times of Israel, le KKL-JNF a déclaré qu’il « continuerait à protéger ses droits sur les terres qui lui appartiennent ».

« Dans une série de décisions de justice israéliennes, dont la dernière a été rendue il y a un peu plus d’une semaine, le 18 août, il a été déterminé sans équivoque que ces propriétés avaient été construites illégalement et sans permis sur des terrains privés du KKL-JNF. Le KKL-JNF défend ses droits légitimes », conclut le communiqué.

En savoir plus sur : Israël et Ses Voisins Destruction de maison Fonds National Juif (JNF/KKL) Beit Jala Cour suprême israélienne Peace Now Extrême-gauche Autorité des Terres d’Israël Ministère de la Défense Administration civile Zone C

The Times of Israëlhttps://fr.timesofisrael.com

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Source : https://fr.timesofisrael.com/un-avant-poste-sur-des-terres-du-kkl-apres-demolition-de-batiments-palestiniens/?utm_source=A+La+Une&utm_campaign=a-la-une-2019-09-13&utm_medium=email

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17.
Ces vestiges de l’Empire ottoman dans la Jérusalem d’aujourd’hui Par Aviva et Shmuel Bar-Am 6 septembre 2019, 16:32 – Document ‘fr.timesofisrael.com’ - Photo - Un marché dans la First Station historique de Jérusalem (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Les structures historiques dans toute la capitale ont été restaurées et offertes à l’usage public, apportant les arts, la culture, l’éducation et la couleur à la ville

Le 30 octobre 1946, les membres des réseaux clandestins en Palestine avaient fait exploser la salle d’attente de la gare de Jérusalem. Cette dernière était considérée comme une cible légitime, les trains étant utilisés par les Britanniques pour redéployer leurs forces. Et les Britanniques, qui dirigeaient alors le pays, empêchaient des survivants désespérés de la Shoah d’entrer en Palestine. Quand la bombe avait été activée, la structure avait été partiellement détruite et un policier arabe ainsi qu’un sapeur-pompier britannique avaient perdu la vie.

Inaugurée le 26 septembre 1892, la gare de Jérusalem avait été un projet conjointement mené par la France et les Allemands pour les tous premiers trains ralliant la ville sainte à la côte (et vice versa). Et tandis que le voyage durait alors presque quatre heures, l’inauguration du réseau ferroviaire avait entraîné l’euphorie générale.

Selon un journal de l’époque, HaOr (la lumière), il y avait eu « une foule massive rassemblée à Emek Refaim [une rue avoisinante]… Des Juifs, des Arabes, des Grecs, des Européens, des Asiatiques… Des voitures qui allaient et venaient… Et la place, presque toujours désolée, remplie d’individus aux visages radieux… avec des voix qui criaient : ‘La locomotive à moteur arrive ! Jérusalem est connectée au monde’ ! »

La First Station (tahana harishona)

La gare historique de Jérusalem était restée en fonctionnement jusqu’à l’été 1998. Pendant quelques années, elle avait été ensuite laissée à l’abandon – jusqu’au début des travaux de restauration, en 2010, dans ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de tahana harishona.

Ouverte sept jours sur sept, c’est l’un des sites les plus populaires de la ville et elle accueille des restaurants, des divertissements gratuits, des bazars, une grande variété d’activités et un parcours de course à pieds/bicyclette/ marche le long des anciennes voies qui fait sept kilomètres de long.

Et la tahana harishona n’est que l’une parmi des nombreuses structures remarquables qui avaient été construites à Jérusalem au cours de l’ère ottomane en Palestine (1517-1917) et qui sont utilisées aujourd’hui par différents secteurs de population. Edifiées au 19e et au début du 20e siècle par les Juifs, les Arabes, les Ethiopiens, les Allemands, les Français, les Anglais et les Italiens, leurs histoires, leur fonction et leur architecture sont très variées.

Photo : La First Station de Jérusalem avait été inaugurée en 1892, fermée en 1892 et rouverte après travaux de restauration en 2010 (Crédit : Shmuel Bar-Am)

L’Atelier d’imprimerie de Jérusalem

Parmi ces bâtiments, il y a l’Atelier d’imprimerie de Jérusalem, qui se trouve au 38 de la rue Shivtei Yisrael, l’une des toutes premières constructions ayant été dressées aux abords des murs de Jérusalem. Datant de 1965 et imaginé par un architecte arabe, il a été érigé en deux phases. Et il a accueilli, au fil des ans, toutes sortes de résidents fascinants.

Le premier était Hassan Bey Turjeman, un riche entrepreneur, qui exploitait au rez-de-chaussée une usine de fabrication de carrelage. Plus tard, les habitants devaient inclure un Juif nord-africain vivant à Paris, qui en avait fait sa résidence secondaire pour la période estivale ; un survivant des pogroms atroces de Kishinev connu sous le nom du Rabbin rouge (dans la synagogue duquel trônaient de grands portraits de Lénine et de Marx) ; un atelier clandestin qui fabriquait des vêtements pour les enfants et des imitations de jeans ; et le dortoir de l’école pour filles située de l’autre côté de la rue. Pendant la guerre d’Indépendance et plus tard, lors de la guerre des Six jours, cette belle structure avait été ravagée par les balles et partiellement détruite.

Photo : L’Atelier d’imprimerie de Jérusalem, à but non-lucratif, est installé dans un bâtiment construit en 1865 (Crédit : Shmuel Bar-Am)

En 1976, quand l’artiste Arik Kilemnik a acheté le bâtiment pour l’Atelier d’imprimerie de Jérusalem, une organisation à but non-lucratif, la bâtisse était dans un terrible état, menaçant presque de s’écrouler.

Kilemnik explique qu’il y a une longue tradition d’imprimerie sur la terre d’Israël, qu’il a voulu faire perdurer. L’organisation invite donc des artistes locaux et internationaux qui créent des imprimés et des livres d’artistes en finançant la totalité du processus créatif. Elle utilise même de vieilles machines à imprimer – et notamment celle, historique, qui avait été assemblée en Italie en 1854 et grâce à laquelle Moshe Yoel Salomon devait publier le premier journal en hébreu dans le pays, le Levanon.

Les créations d’artistes sont présentées dans les deux galeries de l’Atelier – mises en valeur par l’intérieur voûté de la structure. Actuellement, c’est un imprimeur écossais, Stuart Duffin, qui présente ses ouvrages qui mélangent gravures et mezzo-tinto – majoritairement consacrés à Jérusalem. Une seconde exposition permet de découvrir les oeuvres d’un groupe d’artistes utilisant une grande variété de techniques. Si vous comptez vous rendre là-bas, n’oubliez pas de jeter un coup d’oeil aux portes originales dotées d’une poignée très inhabituelle.

Beit Davidoff

Situé au nord-ouest du quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim, le quartier de Bukhara a été fondé en 1891 par de riches immigrants originaires de Bukhara (ville d’Ouzbékistan, un pays du centre de l’Asie). Il voulait offrir des habitations spacieuses sur des boulevards bordés d’arbres, avec des artères principales de taille généreuse (10,5 mètres de largeur) et des rues adjacentes de cinq mètres de largeur.

Traditionnalistes, les fondateurs du quartier avaient nommé ce dernier Rehovot (Espaces vastes) en s’inspirant du puits creusé par Isaac dans la vallée de Gerar : « Il se transporta de là, et creusa un autre puits, pour lequel on ne chercha pas querelle ; et il l’appela Rehovot, car, dit-il, l’Eternel nous a maintenant mis au large, et nous prospérerons dans le pays » [Genèse 26:22].

Il reste très peu de choses aujourd’hui du quartier d’origine, la majorité des bâtiments élégants ayant été détruits ou se trouvant à l’état de ruines. Les descendants des habitants initiaux ont déménagé et ils ont presque entièrement été remplacés par les Haredim. Même certains noms de rue ont changé (peut-être de manière non-officielle). Lors de notre dernière visite, nous avons appris ainsi que la rue Rehovot Habukharim était devenue la rue David.

Toutefois, il reste au moins un joyau dans les vestiges des habitations du quartier. Construit par Joseph Davidoff in 1914, il est connu pour être une copie de son élégant domicile familial à Bukhara. La maison porte le nom de Beit Davidoff.

Photo -Des Juifs au mur Occidental en 1900 environ (Crédit : Archives de l’empire ottoman/via Israel Daily Picture)

Les fenêtres sont bordées de petites colonnes, avec à leur sommet des pignons joliment sculptés. A l’extérieur, des motifs floraux et un tuyau de gouttière inhabituel, fabriqué à base de pierre et non d’étain. Un modèle de fenêtres asymétriques et d’étoiles de David décorent ce bâtiment fabuleux, qui a hébergé le premier lycée hébreu de Jérusalem dans les années 2020. Le plus exceptionnel reste toutefois le toit en tuiles rouges sur deux couches qui s’élève au-dessus de la demeure.

Après avoir été négligé pendant des décennies, Beit Davidoff a été restauré et est devenu le centre Moksel, chargé de la préservation soigneuse des artisanats ethniques. Aujourd’hui, la maison héberge le centre communautaire Geula Bukarim et sert 55 000 résidents haredim.

Photo - Beit Davidoff est l’une des dernières structures ayant survécu dans le quartier Bukhara de Jérusalem, qui a été établi à la fin du 19ème siècle (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Une excellente exposition permanente, dans le bâtiment, raconte cette histoire ainsi que celle des quartiers adjacents. Le centre Paam pour les visiteurs offre une grande variété de visites guidées, ainsi que des enregistrements, des cartes et des écouteurs pour une visite audio du quartier de Bukharan.

Ponts pour la paix

A moins de deux kilomètres, l’édifice adorable du 7 de la rue Shmuel Adler avait été construit par la famille royale éthiopienne au tout début du 20e siècle. Il aurait pu servir de palais d’hiver pour la reine mais devait ensuite être transformé en appartements dont la location allègerait le fardeau de la pauvreté pesant sur les épaules des Ethiopiens chrétiens de Jérusalem.

En 1999, la structure a été louée à une ONG chrétienne appelée Bridges for Peace (Ponts pour la paix) et elle accueille aujourd’hui le siège international du groupe. Bridges for Peace avait été fondé en 1976 par le docteur G. Douglas Young, qui avait antérieurement créé l’Institut d’études en terre sainte sur le mont Sion (devenu aujourd’hui le Jerusalem University College).

Photo  : Le bâtiment hébergeant l’ONG Bridges for Peace avait été construit par la famille royale éthiopienne au tout début du 20ème siècle (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Selon la directrice-générale Rebecca Brimmer, Bridges for Peace se bat pour offrir aux chrétiens du monde entier une nouvelle perspective sur Israël.

« La majorité des gens, hors des frontières d’Israël, ne savent que ce qu’ils lisent ou ce qu’ils voient dans les médias », explique-t-elle.

« Ils ne sont jamais venus ici, ils ne connaissent pas d’Israéliens et parfois, ils n’ont même pas rencontré un seul Juif. Les informations positives ne franchissent jamais les frontières de ce pays », ajoute-t-elle.

Bridges for Peace collecte des fonds par le biais de ses bureaux dans neuf pays du monde, qui sont chargés de distribuer un journal pro-israélien plein de dynamisme. L’organisation est responsable de la venue de milliers de touristes dans le pays chaque année et, en travaillant avec des dizaines de municipalités et conseils locaux, elle propose une Banque alimentaire aux Israéliens dans le besoin. De plus, chaque année, le groupe prend en charge la scolarité – des repas aux fournitures, en passant par les excursions – de 400 enfants israéliens.

« Nous nous efforçons véritablement de combler l’abîme créé entre les chrétiens et les Juifs au cours de 1 700 ans d’histoire malheureuse. Nous ne pouvons pas changer les injustices terribles qui ont été commises envers les Juifs dans le passé », dit Brimmer, « mais nous pouvons en revanche changer le présent et l’avenir ».

Geula Bukharim est ouvert du dimanche au jeudi de 9 heures à 21 heures. Les horaires d’ouverture de l’Atelier d’imprimerie de Jérusalem sont de 8 heures à 15 heures, du lundi au jeudi. Les visiteurs et les dons faits à l’ONG sont les bienvenus.

Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides de langue anglaise à Israël.
Shmuel Bar-Am est un guide agréé qui fournit, des visites privées personnalisées en Israël pour les individus, les familles et les petits groupes.

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18.
Trois réalisations architecturles remarquables en Israël - Par Harry Carasso – Document ‘immodurabilite.info’

Un court voyage d’agrément en Israël – presque 15 ans après le précédent – m’a fait découvrir trois réalisations architecturales remarquables, plus une curieuse initiative locale, me rappelant une vieille anecdote juive.

Le pont de Calatrava à Jérusalem

Séfarade fidèle, mais non pratiquant, je me rends souvent en Espagne pour y passer une partie de l’hiver ou découvrir des choses nouvelles. Il y a à peu près deux ans, peu après l’inauguration de la Journée du Souvenir (de l’Holocauste), en présence du couple royal et du Premier Ministre d’Espagne, j’avais découvert à Valencia l’extraordinaire Cité des Sciences, bâtie par le génial architecte local Santiago Calatrava.

Né en 1951, empêché par Mai 68 de suivre les cours de l’Ecole des Beaux-Arts en France, il y a construit – entre autres – la Gare de Lyon-Satolas et le Pont de l’Europe, à Orléans. En Italie, il vient d’inaugurer, le 11 septembre, le quatrième pont sur le Grand Canal, à Venise (1). Dans sa ville natale, il a réalisé dans le lit d’un fleuve détourné, la fantastique Cité des Arts, avec un Opéra qu’on croirait issu du mariage d’un dinosaure avec un dauphin, plus un Musée Océanographique doté d’un restaurant immergé dans un immense aquarium où les poissons contemplent les commensaux, en attendant de finir dans leurs assiettes…

Il a été choisi pour les futures fondations du Ground Zero, à Manhattan. Son instrument de travail est l’ordinateur !
Cet homme extraordinaire a lancé un véritable défi aux ponts classiques à arche unique, faisant supporter presque tout leur poids par un seul pylône, muni d’une câblerie sophistiquée. Ils ne sont pas les uniques du genre, mais il n’hésite pas à rendre hommage aux traditions.

Quelle ne fut ma surprise en découvrant, du sherout qui m’emmenait depuis l’aéroport Ben Gourion, une formidable arche blanche un peu en serpentine, dominant l’entrée Nord-Ouest de Jérusalem ! On aurait dit une espèce de Luna Park, augmentée par un éclairage féerique. Je me suis écrié : « Mais on dirait du Calatrava ! » « C’EST du Calatrava » me répondit un voisin, « il ne passe pas sur une rivière, mais sur du trafic urbain… ».

Le lendemain, chez un ami, j’ai appris que ce pont avait été construit sans trop présager de son usage final, probablement le passage du tramway plus une passerelle pour piétons. Inauguré le 25 juin, il ne sera terminé que dans un an. Les habitants des alentours ne l’aiment pas trop, et l’ont baptisé « L’Eléphant Blanc », mais tout le monde est d’accord que son pylône en forme de harpe et lyre symbolise les instruments préférés du roi David. Il a déjà coûté plus de 50 millions d’euro, ce qui est beaucoup pour une ville sans industries, finalement assez pauvre et qui ne manque pas de monuments.

Le surlendemain, j’ai voulu le revoir de près. Parti du centre de Jérusalem-Ouest, actuellement éventré par la construction de la future ligne de tramway, je n’ai pas trouvé l’autobus qu’il fallait et j’ai finalement accepté l’offre d’un sherout partant vers Tel Aviv. Une fois déposé sur ce cirque, je n’ai pas appris grande chose des ouvriers du chantier, sauf la hauteur du pylône (120 m.) et la longueur du tablier (360m.). Je me suis dit que je trouverai des photos sur Internet et j’ai pris un taxi pour le Kotel.

Le tunnnel des Asmonéens

Construit un siècle avant l’ère chrétienne par la dernière souveraine asmonéenne, la reine Salomé Alexandra, peut-être pour rencontrer ses amants hors de son palais, ce tunnel passe sous la Vieille Ville, mais nullement sous l’Esplanade des Mosquées, comme en témoignaient des croquis publiés par TIME, LE POINT et le peu pro israélien LE MONDE, en 1997. Mais presque toute la presse occidentale s’était empressée de proclamer la thèse palestinienne, selon laquelle l’ouverture du tunnel que proposait alors Benjamin Netanyahu, Premier Ministre israélien, aurait pu provoquer l’effondrement de la Mosquée Al-Aksa, et du Dôme du Rocher ! J’ai entendu M. Daniel Bilalian, d’Antenne 2, l’affirmer à plusieurs reprises, depuis une conférence internationale à Sharm-El-Sheikh.

Pourquoi ces média voulaient-elles fausser l’information, au point de mettre le feu aux poudres ? Il est incontestable que M. Netanyahu a agi un peu légèrement, mais il avait pensé que son accès sur la Via Dolorosa serait bien accueilli par les commerçants du quartier. En agissant ainsi, les média ont fait remplacer les pierres de l’Intifada par les balles réelles de la police palestinienne, qui avaient au moins transité par Israël, en vertu des accords d’Oslo, dont les signataires croyaient bien faire en mettant la question de Jérusalem entre parenthèses. On pensait que le temps allait résoudre le sort de cette ville, dont il suffit de s’approcher par l’ancienne route de Latrun pour en ressentir le caractère universellement sacré.

Mais moi, en cette matinée d’août, je me sentais animé uniquement par le désir de visiter ce tunnel, qui m’avait beaucoup préoccupé en 1997, après les heurts violents entre manifestants arabes, police israélienne et prieurs du Mur des Lamentations. Le spectacle présent de ces derniers, toujours aussi hallucinants pour un néophyte, contrastait avec la confusion qui régnait au guichet d’entrée, la majorité de ces touristes ignorant que la visite du tunnel ne pouvait être faite que sur réservations, ou prétendant avoir retenu par téléphone. Devant le guichetier un peu saoûlé par ces protestations, je lui ai dit simplement : « je suis âgé, seul, et je repars demain ». Il me glissa immédiatement un ticket, valable pour l’entrée immédiate !

Ce tunnel est une réalisation tout à fait remarquable, surtout lorsqu’un conférencier explique comment des blocs de pierre de six tonnes avaient été manipulées comme par les concepteurs des Pyramides, devant une maquette géante (10x5m environ) du Second Temple. Explication complétée par un dessin animé très bien fait, où j’ai reconnu la patte de Ari Folman, réalisateur de VALSE AVEC BACHIR, très apprécié à Cannes, et visionné juste avant le départ.

Seule déception : il n’y avait pas de sortie sur la Via Dolorosa ! mais j’ai fait le détour par le Kotel, achetant un chapeau mieux équipé contre la chaleur à un commerçant palestinien. Il me demandait 120 shekels, je lui en ai offert 50 et il a répondu : O.K. ! Où sont les temps du plaisir de marchander ? les négociants du Temple ont dû se retourner dans leurs tombes…

En sortant de la Vieille Ville, j’ai découvert une allée piétonnière flambant neuve et surplombant les créneaux de son enceinte murale, entre la Porte de Jaffa et la Porte Neuve, dotée de magasins de luxe et de restaurants originaux. J’y ai déjeuné, d’une salade grecque géante et d’un « mitz », mais quelle ne fut ma surprise lorsque le caissier, après avoir pris ma commande et encaissé la somme – très convenable - me demanda… mon prénom ! Cinq minutes plus tard, alors que je venais de me frayer une place à l’ombre, un haut-parleur m’appela, pour retirer mon plateau !

La gare routiere de Haifa

Ayant pris pour base la seule ville d’Israël où l’on parle français (Netanya), je suis allé un jour à sa gare étudier le meilleur moyen de rendre visite, à Haïfa, à une amie d’enfance.
Lors de mon dernier voyage, je lui avais téléphoné mon arrivée depuis le train de Jérusalem, mais cette année il fallait changer à Binyamina. La gare était de toutes façons très excentrée, et les nouveaux horaires n’étaient pas encore imprimés.
Je me décidai alors pour le bus, mais il n’y avait qu’un sherout, dont le chauffeur enfilait ses « tefilim » Je ne sais pas s’il avait compris que je voulais revenir à mon point de départ, mais il me demanda en anglais si j’étais Juif, et pourquoi je n’avais pas de « tefilim ». Devant ma réponse hésitante (je ne suis pas pratiquant), il ouvrit son coffre, en extirpa un nouvel assortiment de courroies et dès en cuir, dont il m’enveloppa prestement. Après m’avoir fait réciter toute une série de formules en hébreu, il déclara que j’avais passé ma « Bar Mitzva », et que j’étais désormais un bon Juif. Et de m’offrir, en prime, la photo de son mentor : le rabbin Loubavitch !

Je pris donc le bus, dans la sordide gare routière de Netanya : très confortable, il parcourut les 60 kilomètres en 45 minutes, pour la modique somme de 11 shekels (2.20 euro, soit le prix du RER entre la Défense et Saint-Germain-en-Laye !)

Un vieux dicton dit qu’à Jérusalem on étudie, à Tel Aviv on s’amuse, mais à Haïfa, on travaille. J’avais déjà admiré la splendeur du Carmel et le reste, mais je demeurai pétrifié de stupeur en descendant dans sa Gare Centrale Routière : je n’en ai vu nulle part une si belle !

En général, les gares routières sont souvent des endroits où il n’est pas recommandé de s’attarder. Mais dans celle-là, tout était nickel et verre ; sur les planchers de marbre, on aurait pu manger ; il y avait une cinquantaine de portes de départ, rafraîchies par une climatisation excellente. Plusieurs restaurants, des magasins de toutes sortes, et un service d’informations très précis, qui distribuait des horaires détaillés jour par jour !
Il y a longtemps, Abba Hushi, le meilleur des Maires de Haïfa, répliquant aux religieux de Mea Shearim, qui lui demandaient d’interdire les transports en commun le jour du Shabbat, leur avait répondu : « Chez vous, vous faites ce que vous voulez, chez moi, je fais ce que je dois faire. « J’ai pu ainsi arriver à l’heure chez mon amie et passer une après midi agréable, mais pour attraper le dernier bus pour Netanya, il me fallait un taxi.

Appelée par téléphone, une voiture propre et confortable arriva assez vite, mais conduite par un jeune chauffeur russe, qui ne parlait que sa langue ! Mon amie put néanmoins lui faire comprendre (du moins nous le crûmes) où je voulais aller (Gare Centrale des Bus, à Bat Galim) et qu’elle avait l’habitude de payer 35 shekels. Et ce Farinov démarra sur les chapeaux de roues, pour s’arrêter, un quart d’heure après, devant…le Port de Haifa ! Je crus qu’il avait compris mes objections, malgré une hausse de 15 shekels, car le temps filait.

Un autre quart d’heure après, il s’arrêtait…devant la Gare de Haïfa ! Lorsqu’un autre Russe lui fit comprendre qu’il me fallait LE BUUUS ! il redémarra et m’amena où je voulais, cinq minutes seulement avant le départ du bus pour Netanya. Lorsque je lui tendis un billet de 100 shekels, il ne voulut m’en rendre que 30 ! Et ce n’est qu’après l’avoir menacé d’appeler la Police (mot heureusement compréhensible dans toutes les langues), qu’il me rendit, en bougonnant, les 20 shekels récalcitrants.
Cette aventure a gâché l’excellente première impression de l’arrivée à Haïfa, mais on dit bien « nobody is perfect !

Les hoteliers de Tel Aviv se « rebiffent »

Lors de la préparation de mon voyage, j’avais eu un mal fou à obtenir un logement à Tel Aviv. Une agence m’avait réservé trois jours dans un hôtel bien situé à Jérusalem, plus deux jours au DEBORAH, à Tel Aviv, mais ce dernier fut annulé le lendemain, avec l’excuse qu’ « à l’occasion du 60ème anniversaire de la création d’Israël, les hôteliers de Tel Aviv avaient décidé, à l’unanimité, de n’accepter pas des réservations de moins de 7, voire 10 jours ».

A l’Office du Tourisme d’Israël à Paris, le directeur m’avait dit qu’Israël est un pays démocratique où tout le monde est libre de faire ce qu’il veut. Une semaine plus tard, il m’avouait qu’il était submergé de coups de fil désespérés, depuis ma visite ! Il a beaucoup ri lorsque je lui ai raconté une histoire juive vieille d’environ 50 ans, inspirée par le film antiraciste d’Elia Kazan, GENTLEMEN’S AGREEMENT :

Un cadre bien sous tous rapports entre dans un hôtel 5 étoiles, et dit avoir réservé une chambre. L’hôtelier s’empresse de lui proposer une suite, mais pâlit lorsqu’il lit sa signature : GOLDBERG. Et d’inventer toutes sortes de subterfuges, avant de dire clairement à ce client inopportun que son établissement n’acceptait pas les Israélites.

 Mais qui vous dit que j’en suis un ? Je suis catholique, moi !

 Puis-je alors vous poser quelques questions ?

 Allez-y.

 Dites-moi où est né le Christ.

 A Bethlehem !

 Et où exactement, à Bethlehem ?

 Dans une étable.

 Et pourquoi dans une étable ?

 Parce que les hôteliers de Bethlehem étaient tous des sales antisémites, qui refusaient les Juifs !

Le directeur de l’Office n’a pas voulu me dire s’il classait les hôteliers de Tel-Aviv parmi les antisémites, mais mon expérience personnelle ne manque pas de piquant !

Finalement, j’ai réussi à trouver une sorte d’hôtel pour hommes d’affaires, situé rue Ben Yehouda, mais qui n’avait à m’offrir qu’une suite, plutôt exiguë pour son prix. Et ils insistèrent pour que je m’y présente avant midi, car c’était un Vendredi et le personnel partait pour le Shabbat. J’en profitai pour y inviter la famille qui m’avait accueilli à Netanya, et ils proposèrent d’y offrir un repas du Vendredi soir, acheté chez un traiteur. Nous arrivâmes à l’heure, on nous monta avec les bagages et les « delicatessen » à la « suite », mais voulant aller à la plage vers 14 heures, on constata qu’on ne nous avait pas remis de clé !

La réception était fermée, mais sur la porte il y avait pas moins de quatre numéros de téléphone, à appeler en cas d’urgence. Après les avoir tous composés sur mon portable, je réussis à obtenir le directeur, et il me dit « qu’il allait s’en occuper ». Effectivement, la porte d’à côté s’ouvrit presque immédiatement, et l’employé qui m’avait accueilli à l’arrivée me remit la clé, sans un mot d’excuse. Mais alors que je remerciais le directeur pour sa promptitude, je me fis répondre, sur un ton très sec : « Ne m’appelez plus au téléphone, un jour de Shabbat ! » « Même s’il y avait le feu dans la maison ? » « Ne m’appelez JAMAIS, un jour de Shabbat !

Mes soucis n’étaient pas finis ; en retrouvant mes hôtes de Netanya, ils m’apprirent que le réfrigérateur peinait sérieusement, et que notre repas du Shabbat semblait en danger de fondre ! Je redescendis chez le concierge, qui prit très mal la chose, et me dit d’un air très agressif que « les frigidaires israéliens n’étaient pas conçus pour des températures aussi basses qu’en Europe, et que si nous n’étions pas contents, nous n’avions qu’à rester chez nous ! »

Finalement, le repas fut sauvé, mais il semble que malgré la Guerre du Kippour, d’octobre 1973, les Israéliens n’ont pas encore compris que Dieu a autre chose à faire qu’à surveiller en permanence les faits et gestes de son peuple élu. Seul Tevye, le laitier du VIOLON SUR LE TOIT, lui a dit un jour : Tu es bien gentil, mon Dieu, mais de temps en temps, tu ne peux pas élire quelqu’un d’autre ? Et l’aventure israélienne se termina en apothéose, avec des danses sur la colline de Yafo à faire pâlir les danseurs de Bob Fosse !

Annexes : les Ponts de Calatrava (Jérusalem et Venise) à consulter à la source.

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Souece : http://www.immodurabilite.info/pages/Trois_realisations_architecturales_remarquables_en_Israel-736186.html

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19.
Les échanges culturels et scientifiques entre la France et Israël Par Yaacov Ben Avraham 3 septembre 2019, 18:28 – Photo : Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahu pendant une conférence de presse conjointe au Palais de l’Elysée, le 5 juin 2018. (Crédit : PHILIPPE WOJAZER/AFP)

Entre les saisons culturelles croisées, les oulpanim et les recherches universitaires, Jérusalem et Paris ne s’ennuient pas.

Les relations entre la France et Israël ne sont pas seulement politiques ou commerciales. Les échanges culturels et scientifiques entre les deux pays, anciens et intenses, y tiennent une place importante.

Le programme Horizon 2020

La France est le cinquième partenaire d’Israël en matière scientifique et technologique. La coopération dans ces domaines est fondée sur un accord bilatéral datant de 1959, et un Haut conseil pour la recherche et la coopération scientifique et technologique suit régulièrement les actions en cours.

Des partenariats universitaires, comme celui existant entre le laboratoire commun de l’Inserm de Nice et le Technion de Haïfa, encouragent des échanges de jeunes scientifiques.

Par ailleurs, des chercheurs français souhaitant faire un doctorat ou un post-doctorat en Israël peuvent postuler à un emploi de « Volontaire international » (VI).

Dans les deux pays, la recherche scientifique ne mobilise pas seulement les services de l’Etat. Elle est d’abord l’affaire des laboratoires et des entreprises qui peuvent bénéficier d’un puissant soutien européen dans le cadre d’Horizon 2020, programme-cadre de recherche-développement doté de 80 milliards d’euros de crédits (sur sept ans).

Depuis plus de 20 ans, Israël bénéficie de ce dispositif dans les mêmes conditions qu’un Etat membre de l’Union. Fin 2018, on recensait 1 062 projets dans lesquels des partenaires israéliens ont bénéficié de 742 millions d’euros de subventions de l’UE.

En sus des financements, les projets Horizon 2020 encouragent les relations entre chercheurs et l’établissement de partenariats.

Photo - Le Premier ministre Binyamin Netanyahou et José Manuel Barroso, alors président de la Commission européenne, en 2014, lors de l’accession d’Israël au programme Horizon 2020. (Autorisation)

Ainsi, le centre Volcani de recherche agricole et la société israélienne Fluence se sont associés à des partenaires français, allemands, chypriotes, espagnols, italiens et portugais dans un projet sur les techniques d’irrigation utilisant des eaux usées tout en préservant l’environnement et la santé et en utilisant le minimum d’énergie.

En français et en hébreu

Les échanges culturels, eux aussi, mobilisent des acteurs publics et privés. A mi-chemin entre l’intervention publique et l’initiative privée, le campus francophone du collège universitaire (mikhlala) de Netanya propose à ses adhérents un programme très riche : conférences, films et pièces en français.

L’enseignement de la langue française en Israël est une action forte et continue assurée depuis longtemps par l’Institut français de Tel-Aviv et ses antennes de Haïfa et de Nazareth, ainsi que par les établissements scolaires où l’on enseigne en français. Des institutions et des personnes privées interviennent aussi dans le travail de promotion de la langue de Molière. Le collège français, entreprise privée d’enseignement, intervient depuis des décennies dans une dizaine de villes israéliennes.

En France, l’enseignement de l’hébreu, en dehors des établissements de l’Education nationale, est principalement assuré par des institutions privées : les écoles juives ou encore le centre communautaire de Paris, le plus grand oulpan d’Europe où chaque année 700 personnes de tous âges apprennent l’hébreu.

A LIRE : En France, les oulpanim ont la cote !

Artistes français en Israël, israéliens en France

Des artistes français se produisant en Israël et des artistes israéliens intervenant en France apportent une contribution décisive et très visible aux échanges culturels entre les deux pays.

Il ne s’agit pas seulement de manifestations ayant pour objectif de distraire, même si leur dimension festive est importante. Ces échanges culturels ont une signification profonde. La France et Israël, confrontés à la globalisation culturelle, sont soucieux de préserver leur identité, et entendent la faire connaître à leur partenaire. Il s’agit pour le public français et le public israélien de mieux connaître la culture de l’autre. Cet autre qui, lui aussi, vivant sur une terre chargée d’histoire, est soucieux de cultiver sa mémoire, d’enrichir son patrimoine, et de diffuser un message de dimension universelle.

C’est dans cet esprit qu’en 2018, soixante villes des deux pays ont accueilli dans le cadre de la saison croisée France/Israël plus de 400 manifestations – expositions, concerts, cinéma, théâtre … – qui ont réuni quelque 900 000 spectateurs.

Photo - La compagnie Bat Sheva dans le cadre de la Saison France/Israël a attiré 40.000 spectateurs. (Autorisation)

On doit noter l’importance des activités associatives ou professionnelles qui encouragent la diffusion de la culture française en Israël et celle de la culture israélienne en France.

En Israël, des associations d’immigrants francophones, comme la MAFTA (Maison francophone de Tel-Aviv) organisent des manifestations culturelles qui connaissent un grand succès : diffusion de films israéliens sous-titrés en français, concerts de chansons françaises …

Depuis quelques années, des professionnels du théâtre installés en Israël, comme Evelyne et Marc Chaouat, organisent des tournées pour des pièces françaises dans les villes où il y a un public pour cela : Jérusalem, Tel-Aviv, Ashdod, Netanya, Raanana …

En France, nombre d’associations juives organisent des manifestations autour de la culture israélienne : salons littéraires, festival du film, expositions d’artistes venus de l’autre côté de la Méditerranée.

Un travail de professionnels

A une plus large échelle, des producteurs comme Steve Suissa font venir en Israël des vedettes de la scène française : Pierre Arditi, François-Xavier Demaison, Patrick Timsit, Laurent Ruquier, Richard Berry, Francis Huster, Fanny Cottençon … A noter que certains spectacles produits dans le cadre du désormais traditionnel festival du théâtre français en Israël sont traduits en hébreu. Comme le souligne Steve Suissa, ces spectacles ne sont pas destinés exclusivement aux Franco-Israéliens et doivent acquérir une dimension internationale.

A LIRE / Interview de Steve Suissa

Le célèbre producteur voit plus loin : il compte créer une « Villa Médicis » à Mitspé Ramon qui deviendrait un lieu de création pour les artistes français voulant venir en Israël.

Photo - Le musicien de jazz Avishai Cohen, qui s’est produit à New York, Londres et en Inde, sera au Mekudeshet 2018 (Avec l’aimable autorisation de Mekudeshet)

En France, où le nombre de personnes parlant hébreu est somme toute limité, la diffusion de la culture israélienne vise d’emblée le grand public, juif ou non. Des producteurs spécialisés organisent des tournées d’artistes israéliens dans l’Hexagone.

Nombre de ces chanteurs, musiciens ou acteurs ont ainsi l’occasion de conforter la dimension internationale de leur carrière : Avishaï Cohen dans le monde du jazz, ou encore Yaël Abecassis et la regrettée Ronit Elkabetz dans celui du cinéma.

Photo - Ronit Elkabetz et Yaël Abecassis (D) – Soirée en hommage aux victimes des attentats de Paris le 25 novembre 2015. (Crédits : Marine Crouzet / Ambassade de France en Israël)

On l’aura compris : la coopération scientifique et les échanges culturels entre la France et Israël stimulent la recherche et la création dans les deux pays. Les artistes y trouvent leur compte. Le public aussi.

En savoir plus sur : Israël et Ses Voisins Relations Israël-France

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20.
En France, les oulpanim ont la cote ! Par Olivier Chalautre 25 novembre 2017, 15:11

Rares et chères jusqu’en 2015, les classes communautaires d’enseignement de l’hébreu se sont généralisées et démocratisées en un temps record grâce à une convention passée entre le Consistoire, le FSJU et l’Organisation sioniste mondiale

Photo - Une classe d’oulpan dans les locaux de la synagogue-école confessionnelle Yavné, dans le 13ème arrondissement de Marseille (Crédit : autorisation OSM).

S’il existe une activité en phase nettement ascensionnelle dans un paysage communautaire déprimé (le judaïsme organisé perd peu à peu ses forces vives depuis 2012 du fait de l’alyah), c’est bien celle des classes d’oulpan.

L’enseignement de l’hébreu moderne pour adultes a fait un bond en avant spectaculaire. Grâce à un accord passé il y a environ deux ans entre le Consistoire, qui fédère la plupart des synagogues, et l’Organisation sioniste mondiale (OSM), les étudiants se sont multipliés. Le Fonds social juif unifié (FSJU) est également partenaire pour plusieurs centres culturels dont il a la responsabilité directe ou indirecte.

La convention permet d’offrir aux participants trente cours d’une heure et demi, soit quarante-cinq heures réparties d’octobre à mai, pour un tarif modique : cent quatre-vingts euros et parfois moins si la situation sociale des intéressés s’avère être difficile. Auparavant, les oulpanim[classes pour apprendre l’hébreu] étaient rares et… plus chers : près de cinq cents euros pour l’année.

Les classes accueillent en moyenne dix à quinze élèves. Il y a jusqu’à quatre niveaux par oulpan. Quand la communauté locale concernée compte suffisamment d’inscrits, elle peut ouvrir autant de classes que de niveaux, avec une cohérence pédagogique propice à un apprentissage rapide.

Pour cette saison 2017-2018, la rentrée, dans la majorité des cas, a eu lieu le dimanche 15 octobre. En province, on recense désormais une trentaine de classes dans onze villes. Certaines sont particulièrement dynamiques, comme Bordeaux où fonctionnent déjà trois classes pour un nombre de familles juives assez faible dans l’agglomération. En Ile-de-France, le rabbin Haï Bellahsen, chargé de la vie locale au Consistoire de Paris, rapporte qu’une centaine de classes seraient proposées au public sur au moins trente-cinq sites différents.

Photo - Une classe d’oulpan dans la communauté consistoriale d’Issy-les-Moulineaux, près de Paris (Crédit : autorisation OSM).

Retour aux sources

De fait, la convention a pallié un besoin criant. Aux futurs Israéliens se joignent ces dizaines de milliers de Juifs français qui ont des proches – parfois très proches – en Terre Sainte et souhaitent communiquer facilement lorsqu’ils se rendent sur place.

Par ailleurs, le renouveau identitaire relatif auquel on assiste dans l’Hexagone se traduit dans un premier temps, chez les peu pratiquants, par une curiosité intellectuelle et culturelle. Beaucoup veulent connaître la langue historique du peuple juif dont ils sont issus. Cela les amène par la suite à mieux comprendre les textes liturgiques et parfois à se rapprocher des traditions cultuelles.

Photo - Capture d’écran Joel Mergui (Crédit : BFMTV)

Du coup, le succès des oulpanim a pour conséquence de repeupler quelque peu des salles de prière en perte de vitesse. Une manifestation de l’ « alyah interne » ou retour aux sources que le président du Consistoire, Joël Mergui, appelle de ses vœux.

Sonia Barzilaï, conseillère pédagogique pour l’OSM, suit depuis Paris la formation des professeurs, lesquels s’inscrivent occasionnellement aux sessions gratuites de perfectionnement dispensées à Jérusalem pendant les congés estivaux.

L’Université hébraïque dispose en effet d’une antenne francophone dédiée aux enseignants en oulpanim. Cela dit, ce suivi est jugé insuffisant ou plutôt inégal sur le terrain : la qualité des prestations est très variable d’une classe à l’autre. Les cadres des lieux juifs et synagogues – élus, permanents administratifs, rabbins – sont plus ou moins disposés à consacrer du temps à l’organisation des cours. L’OSM apporte certes des subsides indispensables mais il n’existe nulle instance fédératrice vraiment opérationnelle. Dans certaines communautés, professeurs et étudiants sont laissés à eux-mêmes et plusieurs classes ont dû fermer au printemps 2017.

Ailleurs, le boom est salué par tous.

Crise de croissance

Une crise de croissance somme toute classique. Reste l’oulpan « historique » du Centre communautaire de Paris (rue La Fayette, dans le 10ème arrondissement), dénommé depuis 2014 Espace culturel et universitaire juif d’Europe. Lié au FSJU, cet organe pédagogique est plus « ouvert » que les synagogues puisqu’il accueille, entre autres, un public très éloigné de la religion ou… non-juif.

Il croulerait sous la demande, selon son directeur, Jean-François Strouf. Ce serait, aujourd’hui encore, la plus grande structure d’enseignement de l’hébreu du pays avec un total de cinquante classes et près de six cents élèves (le double d’il y a sept ans).

Ici, on met l’accent sur la qualité : il existe onze niveaux différents, ce qui assure une remarquable homogénéité des connaissances et du rythme de progression par groupe d’apprentissage. Les subventions proviennent notamment de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, qui soutient – comme son nom ne l’indique pas – toutes sortes de projets d’intérêt juif.

La multiplication récente des offres consistoriales ou les cours d’hébreu sur Internet ne chagrinent nullement Raphy Marciano, patron du bâtiment de la rue La Fayette depuis des lustres et qui s’apprête à prendre sa retraite. « Nous sommes au service de la communauté dans son ensemble, nous dit-il, et la notion de concurrence n’a guère de sens pour nous ».

Photo - Une classe d’oulpan dans le centre de la rue La Fayette, dans le 10ème arrondissement de Paris (Crédit : Autorisation Espace culturel et universitaire juif d’Europe).

Ce qui rend fier Raphy Marciano, c’est surtout la « rigueur professionnelle » des seize professeurs qu’il emploie et dont l’hébreu est bien sûr la langue maternelle.

« Sans oublier la formation permanente que nous leur délivrons, ajoute-t-il. Elle est axée sur les méthodes les plus innovantes, sous la houlette de notre responsable pédagogique israélienne, la docteure en psychologie, Ayelet Lilti ».

Classes virtuelles

Des classes virtuelles seront créées au premier trimestre 2018 par Jean-François Strouf afin de répondre aux sollicitations en ligne d’étudiants potentiels résidant en banlieue ou en province, ou encore d’olim considérant leurs progrès trop lents dans le cadre de l’oulpan qu’ils fréquentent depuis leur arrivée dans l’Etat juif.

Dans le parcours classique, on peut opter ici pour deux heures de cours par semaine toute l’année, renforcées éventuellement par une heure de « conversation ». Cerise sur le gâteau : la fameuse session « super intensive » de juillet, à raison de trois heures par jour.

Le tarif de base est de quatre cent quatre-vingt-dix euros pour soixante heures annuelles. C’est prohibitif et même dissuasif pour beaucoup. « Au prix horaire, ce n’est pas vraiment plus onéreux que les formules low-cost des synagogues, car la durée totale des cours est moindre dans les lieux de culte consistoriaux », plaide Jean-François Strouf.

De plus, l’oulpan donne automatiquement droit, sans supplément, à la plupart des activités proposées par l’Espace culturel de la rue La Fayette. La structure d’enseignement est d’ailleurs en train de changer de nom. Il faut l’appeler à présent Maison de l’hébreu à Paris, avec un accès libre dès début 2018 au nouveau ciné-club israélien, à des conférences en « hébreu facile » ou des initiations à la sémiologie sémitique.

En savoir plus sur : Le Monde Juif Langue hébreu Oulpan Juifs de France Alyah Alyah des Français France Israéliens dans le monde Paris Consistoire Joël Mergui

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21.
A Jérusalem, la ruée vers la ’tech sainte’ Par Jeanne Dussueil - 13/05/2018, 9:00 – Document ‘latribune.fr’ -https://static.latribune.fr/full_wi...Photo (Crédits : Reuters).

La ville sainte revendique 600 startups, 18 fonds de capital-risque, 12 accélérateurs. Si Tel-Aviv incarne la modernité de la « startup nation », la très croyante Jérusalem se veut le temple de la high-tech « made in Israel ». La cession de Mobileye à Intel dope la ville du roi Salomon, en quête d’un nouveau Graal. La fièvre de la tech touche toutes les communautés, juifs orthodoxes comme Arabes israéliens. Mais elle est encore loin de parvenir à accélérer le processus d’intégration. Pour l’heure, dans la ville la plus pauvre du pays, les dividendes de la tech se font attendre.

Il est étroitement suivi par ses deux gardes du corps dont l’un porte l’arme automatique en bandoulière. Dans la nouvelle capitale d’Israël récemment reconnue par les États-Unis de Trump, mais pas par la communauté internationale, Ze’ev Elkin, le ministre des Affaires et de l’Héritage de Jérusalem, jubile :

« Chrétien, juif, ou musulman, peu importe votre religion, l’un de vos ancêtres a certainement foulé ces dalles qui remontent vers le mont du Temple jusqu’au mur des Lamentations. »

Ce jour-là, le ministre fait visiter aux journalistes un chemin souterrain, « véritable témoin des trois mille ans d’histoire juive ». Son inauguration au printemps doit célébrer les 70 ans de l’indépendance d’Israël, et rappeler les 50 ans de l’unification de Jérusalem. Pourtant, Ze’ev Elkin l’assure :

« L’Histoire de la ville sainte appartient à tous. »

`Ministre et élu au Parlement, il est chargé des fouilles archéologiques, mais aussi de la renommée internationale de Jérusalem comme « capitale de la tech de premier choix », vantait-il encore deux semaines plus tôt à des investisseurs lors d’une conférence « Mind The Tech » à New York.

« En 2015, Jérusalem était 37e sur la liste des 50 villes les plus innovantes du monde. Elle est déjà remontée à la 27e place en 2017. Croyez-le ou non, elle est sur le point d’entrer dans la liste des 20 villes les plus innovantes du monde », affirmait Ze’ev Elkin.

L’électrochoc Mobileye

Fière de ses civilisations passées dans ses sous-sols, en surface, Jérusalem veut aujourd’hui à tout prix partager une autre histoire : celle du XXIe siècle et des nouvelles technologies. Longtemps, la ville « de cuivre et d’or » a d’abord attiré les secteurs du logiciel médical, de la biotechnologie et de l’imagerie. Mais avec le rayonnement mondial de la tech made in Israel, - un territoire équivalent à deux départements français -, les ambitions de la ville sainte s’aiguisent. Et pour cause. En vingt ans, la part du secteur des technologies dans l’économie a presque doublé, pour peser 11,4% du PIB en 2014, selon un récent rapport de l’OCDE.

Plus que jamais, face à la grande soeur Tel-Aviv, capitale originelle de la célèbre « startup nation », Jérusalem veut jouer sa propre carte. Un train prévu fin 2018 reliera même les deux cités en vingt-huit minutes. De la très libérale et laïque Tel-Aviv, terre des Gafa, aux portes des saints et des communautés religieuses... Trois mille ans après le roi Salomon, c’est d’ailleurs une startup emblématique que l’on célèbre aujourd’hui à Jérusalem, tel un prophète annonçant le début d’une nouvelle ère. Son nom : Mobileye.

En 2017, ce spécialiste des solutions pour la voiture autonome a été racheté pour 15 milliards de dollars par Intel. Douze mois plus tard, ce record est encore vécu comme un électrochoc par le tissu économique local. Depuis, au-dessus des vestiges, c’est tout un quartier au nord de la ville qui s’est transformé pour l’accueillir, avec la licorne OrCam (filiale de Mobileye) qui développe de l’intelligence artificielle (IA) au service des malvoyants, ou encore le groupe Regus. Avant eux, les premiers bâtisseurs de l’ère pré-tech furent Intel, Groupe Merck ou Medtronic, dans la cité de David depuis les années 1970. Plus loin, les Cisco, Kaspersky ou le Britannique BAE Systems dans l’aérospatial et la défense, font aussi partie des anciens.

Mais Mobileye, le messie moderne, a sonné le tocsin d’une nouvelle quête. De 20 entreprises tech en 2012, elles seraient aujourd’hui près de 600 dans la ville sainte, d’après le ministère.

« En un an, lesfinancements en capitaux propres ont été multipliés par quatre à Jérusalem, de 13 millions d’euros en 2016, à plus de 57 millions d’euros (250 millions de shekels) », se félicite le ministre de l’Héritage.

La conquête de la tech donne la fièvre au secteur immobilier. Au-delà des murs d’enceinte, les chantiers poussent de manière chaotique à l’Ouest, comme les idées dans une réunion brainstorming en plein air. « Jérusalem est passé d’un écosystème startup complètement mort à un boom fulgurant, contrairement à Tel-Aviv qui, de son côté, a connu une croissance sur le long terme en attirant les sièges de multinationales », résume Rachel Wagner Rosenzweig, de l’ONG Made in Jerusalem.

De fait, entre les deux villes, les contrastes sont vertigineux. Un fossé économique sépare Tel-Aviv, deuxième ville du pays et véritable poumon économique, où résident les adeptes du progrès, de la très croyante Jérusalem. Grâce à son moteur, Israël n’a pas connu une seule année de récession, avec une croissance moyenne de 3,3 % depuis quinze ans. Le taux de chômage général est « historiquement bas », à 4 %. Mais à Jérusalem, il atteint 6,1 %. Pire, dans la partie Est, arabe, si les chiffres ne sont pas disponibles, le chômage est cité comme étant « le plus élevé de Palestine ».

La ville la plus pauvre d’Israël

Les disparités sont encore plus fortes à Jérusalem même, en dehors des quartiers touristiques. À peine cinq kilomètres séparent ainsi les bureaux connectés autour de la Hebrew University, nichée sur sa colline verdoyante aux allures zen, des maisons du quartier Shuafat, à l’Est, dont certaines n’ont pas d’accès régulier à l’eau. Jérusalem rappelle un peu partout une cruelle réalité : avec un taux de pauvreté qui touche près de 50% de la population, selon les chiffres de 2014 du Bureau central des statistiques, elle est la ville la plus pauvre d’Israël. Elle plombe le taux de pauvreté national (à 18%, selon l’OCDE, 22% selon d’autres rapports).

À Jérusalem Est, côté arabe, le taux atteindrait 82%. La pauvreté touche aussi les ultra-orthodoxes dont la tradition est de n’occuper aucun emploi pour pouvoir étudier la Torah. Ainsi, au niveau national, plus de la moitié des pauvres sont arabes israéliens (52%) et une autre moitié (48%) sont juifs ultra-orthodoxes ou « haredim » (de l’hébreu « craignant Dieu »). Plus préoccupant, si rien n’est fait, la vague de pauvreté risque d’enfler puisque les deux minorités assurent en grande partie le renouvellement des générations, avec respectivement 6,5 enfants par femme juive et 4,5 côté arabe. D’ici 2065, la part des haredim aura ainsi triplé, pour représenter 32 % de la population. Celle des Arabes israéliens passera de 21 à 19%.

Si, depuis la fin de la seconde intifada en 2006, une paix, toute relative, règne à Jérusalem, elle reste à elle seule la plaie ouverte des inégalités. Conséquence directe de cette déchirure, nombreux sont ceux qui passent encore complètement à côté de la locomotive technologique. Qu’il s’agisse des juifs ultra-orthodoxes qui comptent sur le troc et la communauté pour survivre, des Arabes qui ne parlent pas hébreu pour 60% d’entre eux, mais aussi des femmes, dont la part ne pèse que 25% des salariés du secteur high-tech, note l’OCDE.

Au problème de la pauvreté à Jérusalem, véritable enjeu national, vient s’ajouter une autre grande difficulté : la pénurie de main d’oeuvre qualifiée, que l’essor de la tech vient accélérer. Car Israël et Jérusalem font face à un terrible paradoxe : tandis que la startup nation s’étend, les travailleurs du numérique destinés à venir grossir ses rangs dans l’IA ou dans la voiture autonome viennent à manquer cruellement. Résultat, depuis 2010, et à cause de cette carence, l’embellie de la high-tech s’affaiblit, note l’OCDE. Si « l’usine à solutions », décrite par l’auteur de Start-up Nation : l’Histoire du miracle Économique d’Israël (2009), Saul Singer, tourne, les réserves de talents s’amenuisent. Or, pour le pays qui s’est construit sur la prise de contrôle des eaux du lac de Tibériade dans les années 1950, il n’est pas question de voir la source de croissance se tarir.

Il y a donc urgence à amener les minorités de Jérusalem sur les chemins de la foi dans le numérique. Et, dans la capitale, la ruée vers la tech, autant que la question de la pauvreté, est l’autre enjeu politique national.

« Si rien n’est fait, le revenu moyen par habitant sera de 30 % inférieur à la moyenne de l’OCDE », ont conclu les chercheurs.

500.000 travailleurs dans la tech d’ici dix ans

Mais derrière la crise de compétences, pointe aussi la lueur d’un miracle ou d’un espoir : celui de l’intégration par la tech. Dans un pays où les principaux indicateurs économiques sont au vert (la dette publique est « maîtrisée », à 73% du PIB), l’OCDE poursuit : « Ces perspectives excellentes offrent à Israël une opportunité unique de se préparer aux défis du futur, en prenant des mesures pour augmenter la productivité, améliorer la cohésion sociale, et garantir une haute qualité de vie pour tous les Israéliens », anticipe, optimiste, Alvaro Pereira, chef économiste. Autrement dit, si le besoin urgent de compétences numériques ouvre la voie vers de nouveaux emplois à tous les Israéliens, le miracle de l’intégration par la tech est-il possible ? Dans un pays en proie aux conflits, la tech peut-elle devenir l’arme d’inclusion massive par excellence ? D’autant qu’en Israël, où l’on célèbre les succès, on ne voit pas dans l’arrivée de l’Intelligence artificielle un destructeur d’emplois, comme en France, mais un vecteur d’opportunités.

Pour l’heure, la tâche s’annonce toutefois particulièrement longue et complexe. À ce jour, seulement 14.500 Hiérosolymites [habitants de Jérusalem, Ndlr] sont employés dans la tech, sur un total de 270.000 emplois dans le secteur, essentiellement basés à Tel-Aviv. Jérusalem ne fournit qu’un peu plus de 5% de compétences numériques à l’économie nationale. C’est largement insuffisant, pour l’Israel Innovation Authority, chargée de distribuer les subventions et allègements fiscaux pour les entreprises innovantes. Elle compte bien y remédier avec l’objectif fixé de 500.000 travailleurs dans la tech d’ici dix ans, soit l’équivalent des salariés du numérique de l’Île-de-France. Sauf qu’Israël ne compte que 8,5 millions d’habitants...

Pour atteindre son objectif, Jérusalem doit mener une véritable évangélisation pour intégrer de nouveaux talents issus des « minorités » dans son écosystème bourgeonnant. Elle doit aussi le faire dans une ville où juifs et musulmans s’évitent soigneusement et où les premiers sont terrifiés à la simple idée de marcher dans la partie Est, arabe. Un serpent qui se mord la queue : les inégalités socio-économiques ne sont pas près de s’inverser.

Arabes et haredim vivent aussi loin des locomotives du progrès que sont Tel-Aviv et bientôt Jérusalem.

« Ils ont leurs propres écoles, vivent dans d’autres villes, et ne font pas leur service militaire » (de deux ans obligatoires minimum en Israël), souligne l’étude de l’OCDE. De l’autre côté, « lorsqu’ils le peuvent, les Arabes israéliens formés acceptent des postes en Jordanie, en Arabie Saoudite et même en Europe. Cette fuite des cerveaux est réelle », explique Rachel Wagner Rosenzweig de Made in Jerusalem.

L’impulsion vient du privé

Pour les populations arabes, les femmes surtout, rejoindre Jérusalem n’est pas chose aisée. « Israël souffre d’un important déficit d’infrastructures », note l’OCDE. À l’Est où dans les villes voisines, les voies d’accès à l’emploi sont rares et la perspective d’un meilleur niveau de vie lointaine.

« Notre salaire moyen est de 37 000 dollars annuel, mais à une heure des centres-villes, il peut tomber à 27 000 », explique Erel Margalit, le président fondateur de JVP, l’un des principaux incubateurs et fonds d’investissement à Jérusalem.

Sur le papier, il n’est donc pas certain que la tech puisse irriguer de telles tranchées culturelles et accélérer le processus d’intégration.

« On ne peut comprendre la complexité du Moyen-Orient tant qu’on n’y vit pas, tout comme personne ne peut prédire si l’avenir sera fait de paix », observe Tal Rabina, consultant israélien spécialisé dans les relations entre l’Europe et Israël. Dans les sphères politiques, les Israéliens eux-mêmes se déchirent sur le sujet de l’intégration. Sur la tech comme moteur d’inclusion, « les partis de gauche diraient qu’en donnant plus aux Palestiniens, il y aura de l’espoir. La droite leur répondrait que nous n’aurons rien en retour de ces efforts », poursuit Tal Rabina.

La Israel Innovation Authority, créée en 2016, assure « faire tout son possible » pour intégrer les « femmes, les Arabes, les haredim ou les travailleurs âgés ». Mais cette intégration d’employés qualifiés doit se faire à l’aune des caps fixés par l’autorité publique que sont « l’IA, la voiture autonome » et l’attractivité auprès « des centres R&D des multinationales ». D’autres aides à la création et au développement peuvent également provenir du ministère de l’Absorption des Immigrants, mais elles sont destinées aux juifs s’installant en Israël.

Aussi, la route de la tech sainte s’écrit moins par l’action politique que par des initiatives privées, dont certaines reçoivent d’ailleurs le soutien de l’État. C’est à Nazareth que le mélange est plus visible, avec notamment l’ONG arabo-juive Tsofen soutenue par des privés, par l’UE et par l’État israélien. La ville, située au nord, en Galilée, a même dépêché l’armée et la prestigieuse unité d’élite « 8200 », en collaboration avec le ministère de l’Économie, pour s’associer au Nazareth Business Incubator Center, qui accompagne les entrepreneurs arabes israéliens.

Côté privé, en 2016, c’est aussi Citibank qui finance un programme pour promouvoir l’entrepreneuriat social auprès des populations arabes à Haïfa et à Jaffa, avec Presentense, un accélérateur « à but non lucratif » basé à Jérusalem. Mais ce type de soutien n’est pas sans risque pour les Arabes. Lors de la création du hub « Jest » (Jerusalem entrepreneurs society and technology) à Jérusalem, ses deux fondateurs arabes israéliens auraient reçu des pressions de la part de leaders palestiniens pour fermer ce lieu financé en partie par l’ennemi juré.

Du coté des juifs ultra-orthodoxes, dont la majeure partie refuse de faire son service militaire, il est tout aussi difficile d’aller dénicher de futurs développeurs de licornes, ou les futurs cyber-agents que Tsahal, l’armée nationale, affectionne tant. Avant de pouvoir leur parler de code informatique, il faut leur enseigner « comment se servir de Gmail », « comment se servir d’un ordinateur », « comment faire son CV », sans compter les cours d’anglais. C’est la mission que s’est fixée le centre Kivun à Jérusalem, qui revendique 7000 jeunes déjà placés en entreprises. Situé au même étage que l’incubateur Bizmax pour les haredim, Kivun surprend par ses salles de classe atypiques, où des rangées de « tsitsit » (les tresses que portent les hommes à la taille) et de « payess harosh » (les « papillottes »), en noir et blanc, font face aux écrans d’ordinateur. À ce jour, seuls 17% des haredim s’inscrivent à des cours et à des formations, selon un rapport de The Israel Democracy Institute de 2016.

Chez les femmes, la part monte à 30%. Car, de plus en plus, elles trouvent un bon équilibre entre le fait d’exercer des tâches informatiques et leur rôle de mère de famille.

Pour augmenter la force de travail numérique, l’État n’oublie pas non plus de convertir à la tech les 44 % de juifs « modernes », séculaires et laïcs (parmi 75 % de juifs) et les 2 % de chrétiens que compte le pays. Pour eux, il a par exemple mis en place dès 2013, avec l’Armée de défense d’Israël (IDF), le programme Magshimm Leumit, qui a déjà formé 1 000 lycéens aux algorithmes et à la cybersécurité, pendant trois ans, deux après-midi par semaine. Objectif : recruter les ingénieurs et soldats de demain.

L’art de l’entraide

Si les quartiers de Jérusalem ne communiquent guère entre eux, avec la tech, l’idée est surtout de les décloisonner. Depuis 2004, l’association Meet réunit ainsi les jeunes entrepreneurs israéliens et palestiniens sur des jeunes pousses qui « résolvent les problèmes du monde réel ». Du reste, culturellement, la tech commence aussi à porter des fruits. Côté israélien, la maturité de la startup nation et de ses multiples « exits » (sorties en capital) fait que l’on commence à chercher du sens dans ce que l’on entreprend. D’autant qu’à Jérusalem plus qu’ailleurs, on cultive l’art du « Firgun » (de l’hébreu qui signifie « entraide » ou « bienveillance »). « 

C’est donner un compliment sans rien n’attendre en retour », explique un entrepreneur, par opposition à la voisine Tel-Aviv « où l’on demande quelles sont les dernières performances réalisées ».

« Une société qui laisse des gens au bord de la route n’a pas de sens, et j’ai besoin de sens », affirme Erel Margalit, acteur central de l’écosystème avec son fonds d’investissement JVP. À cheval entre le modèle du VC [venture capital : capital risque, ndlr] et celui de l’accélérateur depuis sa création en 1993, le fonds ne craint pas la contradiction, entre son bilan de « 1 milliard de dollars levés, son 1,2 milliard de valeurs générées, ses 12 IPO [Initial public offering : introduction en Bourse, ndlr] cotées au Nasdaq », mais aussi ses investissements dans la cybersécurité dans le sud du pays, et son engagement pour le projet « Eco Peace » de distribution d’eau « équitable, sur la rivière Jourdain ». Tout en assurant « chercher les meilleurs retours sur investissement », le fondateur s’enflamme : « L’innovation apporte la coexistence. »

Religions en réalité virtuelle

Quitte à s’en servir comme d’un outil de stratégie géopolitique : « l’innovation est la langue de la diplomatie », poursuit Erel Margalit qui a serré les mains de Nicolas Sarkozy et d’Emmanuel Macron. Il se murmure d’ailleurs qu’il préparerait une future carrière à la Knesset.

« Oui la tech permet de cohabiter et d’intégrer les minorités, mais c’est d’abord le business », souffle Kfir Alon, business development analyst au sein de l’ONG lancée en 2013 par Erel Margalit pour « étendre la startup nation à tous les secteurs et toutes les régions du pays ».

Israël creuse les sillons de l’innovation, mais en suivant d’abord le courant.

Aujourd’hui, à Jérusalem, la seule façon de vivre la Pâque juive dans la ville sainte quand on est musulman, ou de partager le ramadan près de la mosquée d’Al-Aqsa en étant juif, c’est la réalité virtuelle. Celle que propose la société de production israélienne Blimey. tv, hébergée au Tower of David Innovation Lab (ToD). Situé à la porte de Jaffa, cet incubateur a ouvert fin 2017 au coeur du musée de la vieille ville pour stimuler les jeunes pousses de la réalité virtuelle (VR), de la réalité augmentée (AR) et de la réalité mixte (MR) [qui mélange le réel et le virtuel, Ndlr].

« La ville est devenue inaccessible dans certains endroits pour les trois religions », explique Nimrot Shanit, le directeur de Blimey. La startup veut donc offrir la possibilité de « voir la ville du point de vue musulman, de suivre le ’Feu sacré’ des orthodoxes russes, etc. », le tout grâce à un casque de réalité virtuelle que l’on passe « à la maison ».

Dans ce musée-incubateur où se côtoient la pierre calcaire millénaire de Jérusalem et les amplificateurs wi-fi pour franchir les murs, on est unanime : « La réalité virtuelle est un langage pour le xxie siècle. » Si le mot « paix » reste imprononçable dans les rues de Jérusalem, où on lui préfère « coexistence », il y a bien l’espoir que la tech devienne un jour une langue commune. Celle qui servira à écrire la nouvelle histoire partagée.

Startup à Jérusalem : l’impossible conquête de l’Est ?

En 2017, Jérusalem revendique 600 startups, 18 fonds de capital-risque, 12 accélérateurs tech, selon les chiffres communiqués par le ministère.

La carte ci-dessous a été réalisée par l’organisation Made in Jerusalem. Elle montre que la plupart de ces structures se trouvent à l’Ouest, contre un seul accélérateur à l’Est, côté arabe. De même, près de 90 % des startups sont localisées côté Ouest. Aucun fonds d’investissement n’est recensé à l’Est.

Israël, la « startup nation » atteint ses limites

La France deviendra-t-elle vraiment une « startup nation » ?

Jérusalem : Trump a-t-il mis le feu aux poudres ?

Jérusalem, ’capitale d’Israël’ : Trump déroute la communauté inter...

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Source : https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/a-jerusalem-la-ruee-vers-la-tech-sainte-778158.html

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22.
La précarité en Israël, un tour au Resto du coeur de Tel Aviv Par AFP 11 septembre 2019, 15:07 – Document ‘fr.timesofisrael.com’ - Photo - Des personnes défavorisées déjeunent à Lasova, une soupe populaire à Tel Aviv, le 8 septembre 2019. (Crédit : MENAHEM KAHANA / AFP)

La ’start-up nation’ fait piètre figure en matière d’égalité sociale : les Arabes et les Juifs ultra-orthodoxes trônent au sommet de l’échelle de la pauvreté depuis des années

Avec le taux de chômage le plus faible en Méditerranée, Israël donne l’impression d’un « miracle économique ». Mais cette croissance cache son côté sombre comme dans les villes périphériques et les quartiers pauvres de Tel Aviv où la cherté de la vie fait des ravages.

Il est 10h30 au centre Lasova (« rassasié » en hébreu) de Tel Aviv, les retraités affluent, tirent un shekel (25 centimes) de leur poche, puis s’assoient à table. Au menu : pâtes, soupe, salade, petit pain rond, morceau de poulet et verre de soda.

Les pales des ventilateurs tournoient. L’ancienne synagogue se rafraîchit. Et Mazal fait son entrée.

Petite, rousse, lunettes carrées en plastique, bagues prisonnières de ses doigts boudinés, Mazal se met à raconter sa vie, la pauvreté, son petit ami à Londres qui lui envoie des messages écrits en anglais et traduits en hébreu via Google traduction.

A LIRE : SpareEat, une application israélienne contre le gaspillage alimentaire

Chaque mois, Mazal touche une retraite de 2 600 shekels (670 euros). Elle fait aussi des ménages, pour 2 200 shekels (565 euros) de plus. « Mais ce n’est pas assez ! Il faut payer l’appartement, l’électricité, le téléphone et tout le reste », déplore-t-elle. A Tel-Aviv, un studio se loue minimum 4 000 shekels (plus de 1 000 euros).

Photo - Des personnes défavorisées déjeunent à Lasova, une soupe populaire à Tel Aviv, le 8 septembre 2019. (Crédit : MENAHEM KAHANA / AFP)

Divorcée, 66 ans, mère de deux filles et grand-mère, Mazal s’est retrouvée il y a quelques années sans domicile fixe. Les autorités lui ont fourni un logement social. Mais plusieurs fois par mois, elle revient à Lasova, pour échapper à la solitude et manger un bout.

« Je dois aider mon frère, qui a le cancer, et mes filles. Ce n’est pas possible de vivre comme ça. Je voudrais me payer des vêtements, sortir », soupire-t-elle.

Les « invisibles »

Chaque jour, des centaines de repas sont servis à Lasova, sorte de « Resto du coeur » israélien où se mêlent retraités, immigrants africains, chômeurs, gagne-petit et SDF, sous les auspices de la gérante du centre, Ravit Reichman.

« Ici, vous voyez les invisibles d’Israël », lance Mme Reichman, cheveux courts peroxydés, tatouages et bottes en cuir.

Photo - Un quartier défavorisé d’Ashkelon, le 8 septembre 2019. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

A deux pas du centre, deux tours sont érigées vers le ciel. Au loin, les gratte-ciels poussent sur les bords de mer.

L’innovation a contribué à doper l’économie israélienne depuis quinze ans, le pays s’est détaché du peloton de tête des pays industrialisés en termes de croissance et d’emploi.

En juillet, le taux de chômage a encore baissé, à 3,7 %. Et le salaire moyen progressé, pour atteindre 11.175 shekels nets par mois (plus de 2.800 euros).

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Mais selon l’agence nationale de la sécurité sociale, près de 1,8 million sur les 9 millions d’habitants du pays vivent sous le seuil de pauvreté. D’après l’OCDE, la « start-up nation » fait piètre figure en matière d’égalité sociale.

« C’est paradoxal puisqu’on est en train de vivre les 15 ans de l’âge d’or économique d’Israël, le revenu par habitant a quasiment doublé et dépassé certains pays européens », explique Gilles Darmon, directeur de l’ONG Latet qui collecte des vivres pour les redonner à des associations comme Lasova.

« Travailleurs pauvres »

Deux groupes sociaux trônent au sommet de l’échelle de la pauvreté depuis des années : les Arabes et les Juifs ultra-orthodoxes – deux groupes à la démographie grandissante.

Photo - Un ultra-orthodoxe donne de la monnaie à une mendiante le long de l’escalier qui mène du quartier juif de la Vieille ville à Jérusalem au mur Occidental, le 26 février 2017. (crédit : Hadas Parush/Flash90)

Chez les premiers, nombre de femmes restent au foyer pour élever les enfants ; chez les seconds les hommes travaillent peu, et se consacrent à l’étude du Talmud, note John Gal, coauteur d’un rapport sur la pauvreté en Israël pour le centre de recherche Taub.

« A partir du moment où vous avez deux ou trois enfants, votre situation devient problématique. Même si les soins de santé, l’éducation et les transports sont moins chers que dans d’autres économies avancées, le coût de la vie reste très élevé », explique-t-il.

Photo - De jeunes Israéliens près de tentes montées sur l’avenue Rothschild de Tel Aviv. Las des prix du logement dans le pays, des milliers de personnes ont dressé une ville de tentes en jurant d’y rester jusqu’à ce que le gouvernement présente une solution, en août 2011 (Crédit :Liron Almog/Flash90/File)

En 2011, des dizaines de milliers d’Israéliens étaient descendus dans les rues pour dénoncer le mal-logement. Mais à la veille des élections du 17 septembre, le sujet reste hors radar des campagnes, axées sur la sécurité, les questions sur la relation entre l’Etat et la religion, et la popularité des chefs.

Pourtant, l’OCDE signale la « part croissante » en Israël des « travailleurs pauvres ». Après son repas à Lasova, Alexander, un intermittent de 45 ans, retourne dans la rue, le ventre plein et un shekel en moins.

« Il me reste quatre shekels sur moi. C’est vraiment dur », lance l’homme au visage anguleux.

« Une fois mon loyer payé, il ne me reste plus rien. Et c’est la même chose pour mes amis qui gagnent 4.000 – 5.000 shekels par mois ». Et les
élections ? « C’est une joute entre des mecs pour savoir qui est le plus fort. »

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23.
Politique - Dror Mishani : « Israël doit être imaginé » Par Dror Mishani, écrivain israélien - Publié le 14 septembre 2019 à 02h17 - Mis à jour le 14 septembre 2019 à 06h58 – Document ‘lemonde.fr/idees’ Tribune

« Lorsque le présent politique n’offre pas d’espoir, il faut regarder au-delà et imaginer un avenir politique qui semble actuellement impossible » - Sous-titre du ’Monde Idées’

Dans le cadre de la campagne pour les élections législatives du 17 septembre 2019, où il semble qu’aucun projet n’apporte de réel changement, l’écrivain israélien s’interroge, dans une tribune au « Monde », sur le sens du vote.

Tribune. Les prochaines élections seront probablement les plus déprimantes de l’histoire de l’Etat d’Israël. Ce n’est pas un hasard si l’on s’attend au taux de participation le plus bas jamais observé. Pour ma part, je ne voterai pas, et ce pour la première fois de ma vie. Ce n’est pas par désespoir mais parce que je ne serai pas là le jour du scrutin. Cela dit, serais-je prêt à tout pour être présent en Israël et voter, s’il y avait le moindre espoir ? Article réservé à nos abonnés.

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Benyamin Nétanyahou est l’unique sujet de cette campagne électorale – restera-t-il ou non premier ministre ? – et aucun parti n’a proposé de projet porteur d’espoir pour l’« après-Nétanyahou ».

Cet après-Nétanyahou est-il d’ailleurs possible ? A l’approche des élections, il est clair qu’il a lui-même du mal à imaginer qu’il puisse les perdre et doive renoncer à son siège de premier ministre. En l’entendant déclarer que les résultats vont être falsifiés (mais par qui exactement ?) et insinuer qu’il risque d’être victime d’un coup d’Etat fomenté par les médias, les grandes fortunes israéliennes et le pouvoir judiciaire, il est permis de penser qu’il aura du mal à reconnaître que sa défaite reflète un choix légitime de la population, s’il est battu.

Un véritable champ de bataille

Mais les Israéliens semblent, eux aussi, avoir des difficultés à concevoir leur vie sans Nétanyahou, le premier ministre qui sera resté au pouvoir le plus longtemps dans l’histoire d’Israël, et ce depuis 2009. L’une des raisons en est que la révolution introduite par Nétanyahou dans le discours israélien est si profonde qu’à l’évidence, même après lui, son influence continuera de s’exercer longtemps, peut-être même pour toujours, sur le pays : ce ne sera plus un « melting-pot », comme il se définissait avant, mais un véritable champ de bataille sur lequel les groupes sociaux s’affronteront dans un conflit continu. Ce ne sera pas davantage une société capable de s’unir facilement autour de ses symboles nationaux – même l’armée ou la guerre ne sont plus capables de fédérer Israël comme avant –, mais une société qui nourrira de profonds soupçons à l’égard de toutes les instances dirigeantes.

Il est également possible qu’Israël ne veuille pas imaginer l’après-Nétanyahou parce que la situation de nombreux Israéliens n’est pas si mauvaise que cela. Après tout, les tensions au sein de la société sur lesquelles il a construit son pouvoir et qui lui servent de combustible politique n’ont pas été créées par lui ; il s’est contenté de les accentuer ou de les intensifier. Et sa campagne anti-élitiste est un projet auquel de nombreux Israéliens peuvent s’identifier. De plus, la situation matérielle de beaucoup d’entre eux s’est améliorée ces dernières années : la crise économique mondiale de 2008 n’a pas été aussi grave chez nous qu’ailleurs ; la valeur de l’immobilier a considérablement augmenté et les Israéliens propriétaires de leur appartement font désormais partie des riches  ; le shekel [la monnaie israélienne] est plus fort que jamais ; il y a moins de victimes du terrorisme qu’avant son avènement ; et, comparé à de nombreux dirigeants d’autres pays à travers le monde que nous voyons à la télévision, n’apparaît-il pas comme le capitaine qu’il nous faut ?

Le vrai problème est que les concurrents qui se présentent comme une alternative n’offrent pas davantage d’espoir. La plupart prônent une politique de haine comparable à la sienne – haine des Arabes, haine des ultraorthodoxes, haine de Nétanyahou et de ses partisans –, et aucun n’apporte une nouvelle réflexion sur l’avenir de la société israélienne et sur les moyens de résoudre ses problèmes, que ce soit à l’intérieur du pays ou avec ses voisins.

Pour qui voter ? Ou plutôt : comment voter ?

D’ailleurs, le moment le plus tragique de cette campagne électorale, qui pourrait symboliser la perte d’espoir de la société israélienne, a été celui où Ayman Odeh, le chef de la Liste arabe unie (association de trois partis arabes, dont le parti arabo-juif, le Front démocratique pour la paix et l’égalité), a annoncé pour la première fois qu’il pourrait soutenir une coalition de centre-gauche dirigée par Benny Gantz, le chef du parti Bleu Blanc et rival principal de Nétanyahou. Bien qu’une telle adhésion, historique (aucun parti arabe n’a jamais fait partie du gouvernement), soit une condition quasi essentielle au remplacement de Nétanyahou et à l’instauration d’un gouvernement non droitier en Israël, Benny Gantz, ancien commandant de l’armée, et d’autres membres de son parti (prétendument libéral !) ont rejeté la proposition. Et c’est ce parti-là l’alternative à Nétanyahou ?

Alors, pour qui voter ? Ou plutôt : comment voter dans le cadre d’une campagne électorale où il semble qu’aucun projet n’apporte de réel changement ? Certains pensent que le vote juste, dans ces circonstances, est un « vote tactique » pour le candidat ou le parti qui semble « le moins pire », et qui pourrait conduire au remplacement de Nétanyahou.

A mon avis, lorsque le présent politique n’offre pas d’espoir, il faut essayer de l’imaginer. Il faut regarder au-delà du présent et imaginer un avenir politique qui semble actuellement impossible.

Une vie fondée sur la coopération et le respect mutuels

Pour le philosophe Herbert Marcuse, la littérature devient esthétiquement efficace non pas lorsqu’elle décrit le monde tel qu’il est, mais quand elle l’écrit tel qu’il pourrait être, tel qu’il doit être. Peut-être est-ce ainsi que nous devrions voter : ni « tactiquement », ni pour « le moins pire », mais pour ce qui n’est pas encore possible, ce qui n’apparaît même pas à l’horizon, à l’heure actuelle, mais qui pourrait exister dans le futur.

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N’est-ce pas ce qu’évoque le mot « horizon » : ce que nous ne pouvons pas encore voir clairement ? Si l’on considère ce qu’est Israël aujourd’hui, il n’est pas facile d’imaginer un pays jouissant d’une cohabitation politique judéo-arabe, d’une vie fondée sur la coopération et le respect mutuels, un pays qui lutte contre le racisme, contre la haine et qui tente de remplacer le discours de haine par un discours de coexistence dans l’égalité et de solidarité politique.

Et pourtant, cet Israël doit être imaginé. Et nous devons agir politiquement, voter, comme si cet Israël était toujours possible.

Dror Mishani est écrivain et professeur de littérature à l’université de Tel-Aviv. Son prochain roman, Une, deux, trois, paraîtra en mars 2020 chez Gallimard.

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Source : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/14/dror-mishani-israel-doit-etre-imagine_5510293_3232.html

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24.
Guy Sorman, le temps de l’autocritique Par Nicolas Truong Publié le 16 septembre 2019 à 16h53 – ‘Le Monde’ Article réservé aux abonnés - IdéesVie des idées

« L’optimisme libéral » est en panne, résume-t-il. Les pauvres restent pauvres et « les riches naissent riches »

L’essayiste, ancienne plume du « Figaro Magazine », fut parmi les défenseurs les plus zélés du néolibéralisme. Et dénonce aujourd’hui une « spirale de l’inégalité » dans une société déchirée par les « passions identitaires », dans une tribune au « Monde ».

Il arrive que les propagandistes d’une idée en deviennent presque les fossoyeurs. Et que l’histoire transforme les promoteurs d’une pensée en leurs plus surprenants contempteurs. L’essayiste et entrepreneur Guy Sorman est de ceux-là. Après avoir accompagné la « révolution conservatrice américaine » dans les années 1980 et promu la « solution libérale » en France, dans les colonnes du Figaro Magazine (de 1983 à 1993), au sein de l’équipe de campagne de Raymond Barre (en 1988), de Jacques Chirac (en 1995) et du gouvernement d’Alain Juppé auprès de qui il fut, de 1995 à 1997, président de la mission de prospective, le voici qui annonce son obsolescence, son déclin, presque son échec. « Le temps est venu de l’autocritique », explique-t-il au Monde.

Guy Sorman détaille les « six erreurs d’interprétation » du libéralisme dont il fut l’un des défenseurs les plus zélés et enthousiastes. La mondialisation – dont les libéraux ont sous-estimé les « effets destructeurs » – a certes accéléré l’innovation et « sorti de la pauvreté de masse des peuples autrefois misérables », mais elle a « anéanti » les cultures traditionnelles, « arasé » des écosystèmes et fait « disparaître » des métiers, leur fierté et le monde qui les sous-tendait. La fameuse « destruction créatrice », théorisée par l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950), qui suppose qu’une innovation déstructure un marché mais le recompose avec les entreprises qui savent s’adapter, « devient fausse » en Occident lorsque « les emplois disparaissent et, avec eux, les traditions qui les accompagnaient ». Et de reconnaître qu’« un emploi intérimaire n’est pas un destin acceptable ». En un mot, « l’optimisme libéral » est en panne, résume Guy Sorman. « Emportés par une spirale de l’inégalité », les pauvres restent pauvres et « les riches naissent riches », regrette-t-il. On croirait entendre Thomas Piketty. Pourtant, Guy Sorman ne partage pas l’approche de l’économiste, qu’il trouve « trop fiscaliste ».

« Une peur d’enfant »

Plus « dérangeant » encore, soutient-il, « les libéraux classiques n’ont pas anticipé le retour du sentiment national, religieux ou communautaire ». La sixième erreur les inclut toutes et constitue plus qu’une mise en doute : à force de croire que les individus ne sont que des citoyens du monde, le libéralisme a porté « une certaine indifférence à la souveraineté nationale », reconnaît-il.

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter - Abonnez-vous à partir de 1 €—[BLOC_RESTREINT_ABO]] - <source : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/16/guy-sorman-le-temps-de-l-autocritique_5511071_3232.html

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Compléments sur les inégalités en général et leurs justifications idéologiques

25.
Entretien - Thomas Piketty : « Oui, on peut combattre les inégalités ! » Par Christian Chavagneux 12/09/2019 – Document ‘alternatives-economiques.fr’ – Photo. Pour passer directement à l’entretien, cliquer ici

Dans son dernier ouvrage, « Capital et idéologie », Thomas Piketty analyse la formation des inégalités et leurs justifications idéologiques. Et donne dans un grand entretien des pistes pour un horizon plus égalitaire.

« C’est la première fois que je deviens président de quelque chose ! », souriait Thomas Piketty en juillet dernier. Ses pairs viennent de l’élire à la tête d’Ecineq, une société savante destinée à lutter contre les inégalités. L’économiste profitait de son discours « présidentiel » pour présenter en avant-première quelques-unes des idées fortes de son dernier livre, Capital et idéologie, publié aujourd’hui en France en attendant une sortie aux Etats-Unis au printemps 2020.

Il sait qu’il est attendu au tournant. Après les 2,5 millions d’exemplaires vendus de son précédent ouvrage, les lecteurs critiques se demandent s’il est capable de se renouveler. Et l’effet de surprise du « phénomène » Piketty jouera moins. « Pourtant, c’est mon meilleur livre ! », argumente le chercheur dans son bureau de l’Ecole d’économie de Paris en cette rentrée. Que trouve-t-on dans ce nouvel opus imposant de 1 200 pages ?

Un bilan historique 

il faut revenir sur ce qui a fait le succès du livre précédent : le constat empirique de la dynamique des inégalités sur une longue période. Le propos est à la fois plus historique – on remonte jusqu’au XVIIIe siècle – et plus large, couvrant de nombreux pays européens, en particulier la France et le Royaume-Uni, mais aussi les Etats-Unis, avec de longs passages sur l’Inde et la Chine, des excursions au Brésil, en Russie, en Iran et dans bien d’autres pays. Bref, une approche moins occidentalo-centrée que le précédent, qui portait essentiellement sur la France et les Etats-Unis.

On constate alors que la Révolution française n’a pas changé grand-chose à la concentration des richesses. En fait, à la veille de la Première Guerre mondiale, la France, comme le Royaume-Uni, est plus inégalitaire que sous l’Ancien Régime ! La véritable révolution a lieu au cours du XXe siècle avec l’émergence d’une classe moyenne patrimoniale : les 10 % les plus riches perdent du poids au profit des 40 % qui suivent. Une bonne partie du livre est consacrée à expliquer les raisons de cette dynamique historique.

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Au-delà des chiffres 

Mais le livre va au-delà des chiffres. Les lecteurs curieux pourront retrouver un article publié par Thomas Piketty en 1995 dans le Quarterly Journal of Economics, une revue pure et dure d’économistes scientifiques. Le texte suit les canons de l’orthodoxie de l’époque, un travail uniquement théorique « avec agents rationnels » qui cherche à répondre à la question suivante : pourquoi des gens de même niveau de revenus votent-ils différemment ? La réponse était que les idées auxquelles ils sont confrontés au cours de leur vie jouent un rôle.

Durant les vingt-cinq années qui ont suivi, le jeune économiste s’est mué en collecteur de données pour établir le constat le plus juste possible sur l’évolution des inégalités. Cela a donné un premier livre, Les hauts revenus en France au XXe siècle, publié en 2001, avant son best-seller mondial de 2013 : Le capital au XXIe siècle.

Dans Capital et Idéologie, le chercheur n’a pas oublié son questionnement des années 1990 : la partie la plus originale du livre propose une analyse socio-électorale des votes en fonction des niveaux de diplôme, de revenus et de patrimoine. Il montre que les partis sociaux-démocrates en France, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et dans d’autres pays, aussi différents soient-ils, ont tous connu la même évolution : alors que des années 1950 à 1980, ils rassemblaient les votes des moins qualifiés et des plus pauvres, ils sont devenus le parti des plus diplômés.

Abandonnant les moins favorisés à leur sort, ils ont enfourché l’idéologie « propriétariste » célébrant le droit de propriété, s’appuyant sur sa dimension émancipatrice – tout le monde a le droit de posséder quelque chose et de bénéficier de la protection de l’Etat pour le conserver –, mais en oubliant son aspect inégalitaire, les plus riches accumulant sans limite. Plusieurs chapitres démontrent que c’est le retour d’une idée développée au cours du XIXe siècle.

Les moins favorisés abandonnés 

Avant cela, la social-démocratie a développé l’Etat-providence au cours du XXe siècle, l’impôt progressif et la protection des chômeurs, les systèmes de retraites et le salaire minimum. Thomas Piketty ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. Mais il reproche aux partis de gauche d’avoir abandonné la défense des moins favorisés. Ces derniers se sont alors de plus en plus réfugiés dans l’abstention ou le soutien à l’extrême droite.

Et c’est bien dans ce sens-là que cela s’est produit : ce sont les partis de gauche qui ont abandonné ceux du bas, pas ceux du bas qui ont abandonné les partis de gauche. Le mouvement a démarré avant la montée des partis d’extrême droite en Europe et il a aussi eu lieu dans les pays sans clivage migratoire.

Aussi, la montée d’un électorat « social-nativiste », selon le terme de Thomas Piketty pour désigner ceux qui se posent en défenseurs des petits contre les élites et les immigrés, n’a rien d’inéluctable. Si les partis de gauche renouent avec des programmes de lutte contre les inégalités et remettent en cause l’accumulation sans limite de la propriété, ils pourront espérer regagner l’électorat populaire.

Un nouveau socialisme

Comment faire ? Toute la fin du livre met sur la table plusieurs « éléments pour un socialisme participatif ». Le capitalisme étant assimilé à la glorification de la propriété privée, le chercheur veut montrer qu’« il est possible de dépasser réellement et durablement le capitalisme ». Il n’existe pas de formule magique, ou mathématique, permettant de définir le niveau « optimal » d’inégalités. Toute l’analyse historique et géographique du livre était là pour repérer les idéologies qui servent à justifier les inégalités et trouver dans le champ des expériences historiques les pistes qui pourraient être efficaces pour les réduire.

Et il y en a plusieurs : donner plus de pouvoir aux salariés dans les entreprises, revenir à une fiscalité très progressive, à taux élevé, comme celle qui avait cours entre les années 1930 et les années 1980, et profiter des recettes pour distribuer à chacun une dotation en capital, une sorte d’héritage pour tous. Il faut aussi un fort investissement éducatif pour lutter contre l’injustice scolaire, une Europe plus démocratique qui remette en cause la libre circulation des capitaux et se donne les moyens de les contrôler pour savoir qui possède quoi.

Comme rarement dans les livres d’économistes, le ton est humble, les propositions avancées avec prudence, mises en débat plus qu’en catéchisme. Humbles mais fermes sur le fond de l’analyse qui les nourrit : il n’existe aucun droit à une propriété privée inviolable. L’accumulation est le fruit d’un processus social, pas individuel. « Dans ces conditions, il est parfaitement logique que les personnes ayant accumulé des détentions patrimoniales importantes en rendent une fraction chaque année à la communauté. »

Qu’elles plaisent ou non, il va falloir faire avec les idées de Thomas Piketty. A 48 ans, l’économiste en est déjà à son deuxième livre majeur. « Et ce n’est pas fini ! », lâche-t-il dans un grand éclat de rire.

Votre regard historique et transnational montre que toutes les sociétés peuvent connaître de longues phases d’inégalités élevées. Elles sont justifiées au niveau le plus général par « l’idéologie propriétariste ». C’est-à-dire ?

C’est une idéologie politique qui place la propriété privée comme mode de régulation central des relations sociales permettant d’obtenir la prospérité et l’harmonie de la société. Elle se présente en opposition aux sociétés ternaires, que l’on trouve en France sous l’Ancien Régime, en Inde, dans les sociétés musulmanes, etc., fondées sur une partition en trois entre une classe cléricale, la noblesse et les roturiers. La propriété privée est présentée comme une source d’émancipation individuelle dans la mesure où tout le monde peut, en théorie, devenir propriétaire. Il y a une telle foi dans cette idée après la Révolution française que le XIXe siècle pousse le niveau de protection de la propriété à un niveau de sacralisation quasi religieux. Prenez l’exemple de l’abolition de l’esclavage : on procède alors à l’indemnisation financière des propriétaires d’esclaves mais pas des esclaves eux-mêmes pour les traitements qu’ils ont subis !

La chute du communisme dans les années 1990 a joué le même rôle que celle des sociétés d’ordre au XVIIIe siècle, permettant le développement d’un « néopropriétarisme » qui justifie l’accumulation de droits de propriété sans limite. Quel que soit le niveau de fortune atteint, on ne doit pas le remettre en cause et les dettes publiques doivent être intégralement remboursées, quitte à grever le destin de plusieurs générations nées au mauvais endroit.

Historiquement, pour les pays riches, le XIXe siècle a été celui des inégalités les plus fortes. Pourquoi ?

Il y a eu des débats sur une possible remise en cause de la propriété au moment de la Révolution française. Des projets d’impôts sur les successions, avec des taux de l’ordre de 70 %, voire 80 % pour les plus élevées, sont discutés, mais ils n’ont pas été adoptés. Les événements ont fait que les défenseurs de l’idée propriétariste ont repris le contrôle et on n’a pas eu le temps d’expérimenter ces politiques. Tout au long du XIXe siècle, l’imposition des successions restera à 1 %. Il faudra attendre 1902 pour que la France commence à mettre en œuvre un impôt progressif en la matière, et il restera limité, avec un taux qui ne dépasse pas 6,5 % en 1910.

Au final, en 1914, la France affiche un niveau très élevé de concentration de la propriété, avec quasiment 60 % du patrimoine détenu par le 1 % les plus riches, une part encore plus élevée qu’au moment de la Révolution et presque aussi forte qu’au Royaume-Uni, dont les inégalités proviennent d’une extrême concentration de la propriété des terres. Il y a une grande hypocrisie de la bourgeoisie française de la Belle Epoque (1880-1914) qui avance l’idée selon laquelle la France, contrairement à l’Angleterre, est une république et n’a pas besoin d’un impôt progressif tel qu’il est mis en place outre-Manche. A cette instrumentalisation politique s’ajoute, il faut le reconnaître, le fait que les expériences pratiques de fiscalité progressive manquaient à l’époque. Les conservateurs avaient beau jeu de dénoncer la machine infernale et spoliatrice de l’imposition progressive des revenus et du patrimoine.

La véritable révolution historique majeure, c’est le XXe siècle. Avec une baisse de la valeur des propriétés et une réduction de leur concentration. Sur la valeur, d’abord, est-ce le résultat direct des destructions dues aux deux guerres ?

Ce n’est ni le seul, ni le principal facteur. Regardez le Royaume-Uni, qui n’a pas été touché par des destructions massives et dans lequel on assiste à la même évolution. En Allemagne et en France, ces destructions expliquent en gros un quart de la baisse de la valeur des propriétés. Ce n’est pas négligeable, mais les trois quarts restent à éclaircir.

Une grande partie de l’épargne privée s’est investie dans le financement de la guerre par l’achat de titres de dettes publiques. L’inflation et des taxations exceptionnelles sur le capital au sortir des conflits vont quasiment ramener cette épargne vers zéro. Le poids de la dette publique en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) est en gros divisé par dix en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. On fait alors le choix de ne pas rembourser une dette publique jugée trop importante pour l’avenir des pays. Ceci explique en gros un tiers à la moitié de la baisse des patrimoines privés.

Le reste s’explique par les évolutions politiques qui visent à limiter les droits des propriétaires. Par exemple, l’encadrement des loyers, qui réduit le prix des propriétés ; la montée du pouvoir des salariés dans les conseils d’administration (en Allemagne et dans les pays nordiques), qui réduit la valeur en Bourse des entreprises du fait de droits plus forts donnés aux salariés sur les actionnaires.

Le XXe siècle est également marqué par une forte diminution de la concentration des patrimoines.

Un élément explicatif tient à l’importance prise à la veille de la Première Guerre mondiale par les portefeuilles étrangers. C’est d’autant plus vrai que l’on se situe dans le haut de la distribution des patrimoines. Ce sont donc eux qui seront les plus pénalisés par l’effondrement de la valeur des actifs un peu partout entre 1914 et les années 1950. Le sommet inégalitaire de 1880-1914 était celui d’un monde propriétariste et colonial.

L’évolution des politiques publiques domestiques joue également un rôle central, avec la mise en place d’une fiscalité très progressive sur les revenus et les successions. Toutes ces évolutions représentent un choc qui impose à ceux qui vivaient de leurs rentes de réduire considérablement leur train de vie.

Pour autant, après la Seconde Guerre mondiale, l’accumulation du capital, celle qui est nécessaire à la croissance, se poursuit, mais elle est le fait de nouvelles couches sociales : les classes moyennes. Grâce à l’éducation, l’accumulation est bien plus large que dans les sociétés propriétaristes d’avant le premier conflit et de manière bien plus efficace avec des taux de croissance plus élevés.

C’est vraiment dans l’émergence d’une classe moyenne patrimoniale qui prend la place des plus riches que se produit une révolution. Car la situation évolue peu pour les 50 % du bas.

Tout à fait, je veux insister sur ce point : les sociétés sociales-démocrates d’après-guerre comportent, en dépit de toutes leurs réussites, une limite importante. La moitié la plus pauvre de la population n’a jamais vraiment accédé à la propriété. Les 50 % les plus pauvres n’ont jamais possédé plus de 10 % des propriétés, tandis que les 10 % les plus riches n’ont jamais possédé moins de 50 % des propriétés.

Depuis les années 1980, les inégalités repartent à la hausse. Dans tous les pays riches, les partis de gauche au pouvoir ne les ont pas remises en cause. Pourquoi ?

Trois facteurs sont à l’œuvre : l’absence d’ambition éducative, l’absence de volonté de faire circuler la propriété et l’absence de réflexion pour trouver des solutions en dehors des territoires nationaux dans une période de mondialisation.

Sur l’éducation, lorsque l’on étudie le vote pour les partis sociaux-démocrates en Europe ou aux Etats-Unis, on s’aperçoit qu’ils sont devenus des partis de diplômés, et non plus de travailleurs. Dans les années 1950-1980, ce sont les moins diplômés qui votent pour eux, alors que dans les années 1990-2020, ce sont les plus diplômés. C’est un processus graduel au fil des décennies qui manifeste que les gagnants du système éducatif, notamment ceux du supérieur, sont devenus la cible privilégiée des partis sociaux-démocrates, alors que le reste de la population se sentait abandonnée.

Il est vrai que jusqu’aux années 1980, la voie à suivre était plus facile : amener une classe d’âge à un niveau d’éducation primaire, puis secondaire. Une fois cela réalisé, il est plus difficile d’amener toute la population au niveau master ou doctorat ! Mais cela n’empêchait pas de penser des politiques plus justes pour l’accès au supérieur, ce que les sociaux-démocrates n’ont pas suffisamment fait. On continue par exemple à dépenser plus d’argent dans les collèges et les lycées plus privilégiés que dans les autres, ou dans les filières sélectives du supérieur qu’à l’université. Et tout cela se fait dans un contexte général de baisse de l’investissement éducatif, qui est passé de 1 % du revenu national au début du XXe siècle à un peu plus de 6 % dans les années 1990, avant de stagner, voire d’être orienté à la baisse depuis, en dépit de la forte augmentation du nombre d’étudiants. Ce qui, soit dit en passant, explique en partie l’abaissement de la croissance. Les sociaux-démocrates ont ainsi perdu le vote des moins diplômés en même temps que les plus riches continuent à voter pour les partis plus conservateurs, même s’ils ont tendance à se rapprocher des élites diplômées.

Et sur les politiques publiques concernant la diffusion de la propriété ?

La promesse d’égalité des sociaux-démocrates n’a pas été tenue. En partie parce qu’ils sont devenus des partis de diplômés. Mais la chute du communisme a joué son rôle. Les socialistes français et les travaillistes britanniques en sont restés à une approche centrée sur les nationalisations jusqu’aux années 1980, avant de passer sans coup férir aux privatisations. En Allemagne ou dans les pays nordiques, qui avaient eu recours à la propriété sociale et à la cogestion dès les années 1950, cette voie n’a pas été approfondie autant qu’elle aurait pu. Et sur le plan fiscal, les systèmes d’imposition progressive de la propriété et de circulation du patrimoine n’ont pas été sollicités comme ils auraient dû.

L’absence de proposition face à la mondialisation a également joué un rôle dans la faible réponse des partis sociaux-démocrates à la progression des inégalités.

La construction européenne aurait pu être leur réponse. A partir du moment où l’on accepte un cadre économique et financier transnational, il est normal que les régulations publiques économiques, fiscales et environnementales prennent une dimension transnationale. Il est frappant de constater combien les sociaux-démocrates ont peu progressé sur le sujet. Ils ne se sont jamais véritablement demandé comment sortir de la règle de l’unanimité fiscale en Europe. Ils ont accepté la libre circulation des capitaux sans réclamer des systèmes d’échange d’informations entre pays sur qui détient quoi, ce qui empêche de taxer correctement ces patrimoines et leurs revenus.

Il est frappant de voir à quel point Hannah Arendt leur faisait le même reproche en 1951 dans Les origines du totalitarisme : les sociaux-démocrates de l’entre-deux-guerres étaient un peu perdus car ils tentaient de penser leur projet politique presque uniquement dans le cadre de l’Etat-nation. Par comparaison, les idéologies colonialiste, bolchévique, nazie ou le projet américain cherchaient à penser la régulation de l’économie-monde à un niveau explicitement transnational.

Les voies qui consistent à penser des souverainetés communes de manière démocratique ne sont pas faciles, mais je pense qu’il en existe. Il est urgent de faire des propositions en ce sens. J’essaie d’y contribuer.

Cela signifie-t-il, à l’inverse, qu’aucune solution nationale n’est efficace ?

Non, je reste convaincu qu’en matière éducative, de circulation de la propriété, sur le plan fiscal, etc., on peut faire beaucoup de choses au niveau national. Regardez l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en France : ses recettes sont passées d’environ 1 milliard d’euros en 1990 à 5 milliards au moment de sa suppression, une multiplication par cinq pendant que le PIB était multiplié par deux. Si l’ISF avait été modernisé, avec des déclarations préremplies pour les patrimoines, comme il en existe pour les salaires, alors il aurait pu rapporter bien plus, de l’ordre de 10 milliards.

De la même façon, la taxe foncière reste extrêmement régressive, elle ne prend pas en compte l’état de vos dettes (celui qui dispose d’un logement de 200 000 euros avec 190 000 euros de dettes paie le même montant que celui qui a hérité du même logement et qui n’a aucune dette à rembourser), ni la détention d’un patrimoine financier (celui qui en plus de son logement possède 2 millions d’euros de patrimoine financier paie la même taxe que celui qui n’en a pas). On peut avancer sur toutes ces questions. La montée des inégalités n’est pas une fatalité. Des politiques publiques peuvent être mises en œuvre pour lutter contre le propriétarisme ambiant.

Quelles sont vos propositions ?

Elles suivent deux grands axes : la propriété sociale et la propriété temporaire. La propriété sociale, c’est distribuer, pour toutes les entreprises, la moitié des droits de vote aux conseils d’administration aux salariés, comme cela se fait en Europe germanique et nordique depuis des décennies. On peut également expérimenter le fait de plafonner les droits de vote des actionnaires les plus importants. Si l’on veut réduire les inégalités, il faut évoluer vers une plus grande propriété sociale.

L’autre piste, c’est la propriété temporaire : un impôt progressif annuel sur la propriété et sur les successions. Actuellement, le patrimoine moyen par adulte en France est d’un peu moins de 200 000 euros. Si vous êtes en dessous de la moyenne, la taxe sur la propriété serait très faible, de l’ordre de 0,1 % de la valeur du bien, soit bien inférieure à la taxe foncière actuelle. En revanche, pour les détentions plus importantes et, surtout, pour les très importantes, dépassant la centaine de millions ou le milliard d’euros, on pourrait passer à des taux d’imposition allant jusqu’à 90 % pour les patrimoines de plus de 10 000 fois le patrimoine moyen, soit au-delà de 2 milliards d’euros.

Le barème que je propose mettrait fin aux énormes détentions tout en laissant la possibilité de détenir un patrimoine de plusieurs millions, voire de plusieurs dizaines de millions d’euros, pour les plus riches. L’idée qu’une seule personne puisse posséder plusieurs milliards d’euros est difficile à justifier. Je propose de revenir à des taux d’imposition qui ne sont pas radicaux. Ils ont existé jusqu’aux années 1980 et l’expérience historique a montré qu’ils ne représentent pas un obstacle à la croissance.

Avec les recettes fiscales récupérées, on pourrait établir une dotation universelle en capital, un héritage pour tous, distribuée à chacun à 25 ans, de l’ordre de 120 000 euros. Actuellement, si le patrimoine moyen est de 200 000 euros, la moitié des gens ne reçoivent rien du tout. Cette circulation de la propriété permettrait également de la rajeunir. Dans nos sociétés vieillissantes, le pouvoir économique est en effet de plus en plus contrôlé par les plus âgés. Cette socialisation de l’héritage permettrait à chacun de recevoir des capitaux au moment où il en a le plus besoin dans sa vie, pour acheter un logement, créer son entreprise, etc., voire pour investir dans l’entreprise où l’on travaille.

Vous prônez effectivement le développement de l’actionnariat salarié. Mais si votre entreprise va mal, vous pouvez perdre à la fois votre emploi et votre épargne.

L’actionnariat salarié ne convient pas dans tous les cas, mais il peut parfois représenter un complément à la propriété sociale. En plus de 50 % des voix données aux représentants des salariés, ces derniers pourraient également détenir une partie des actions de l’entreprise pour y exercer plus de pouvoir. Ce n’est pas un modèle universel, chacun reste libre de l’utilisation qu’il souhaiterait faire de sa dotation universelle. On entend souvent la critique selon laquelle même avec 50 % des voix pour les salariés, à la fin, ce sont toujours les actionnaires qui décident de tout. Avec une petite partie d’actionnariat salarié, on pourrait s’assurer de faire basculer le pouvoir de leur côté.

Plutôt qu’intervenir sur la redistribution, est-ce qu’il ne faudrait pas intervenir avant, sur la répartition primaire, en appelant par exemple à une hausse des salaires ?

Le pouvoir de négociation apporté aux salariés va avoir cet effet-là. L’une des conséquences sera de permettre de rééquilibrer le partage salaires-profits. On peut jouer sur plusieurs paramètres, notamment une montée du salaire minimum, mais on ne peut pas agir que par le bas. Il me semble que le plus important est de donner une vraie place aux salariés dans la direction des entreprises.

Vous abordez peu les questions de régulation financière. Or, dès qu’une crise survient, les autres débats passent à la trappe. De plus, la finance est également responsable de la montée des inégalités.

Le développement de la finance depuis les années 1990 résulte, d’abord, de la libéralisation des flux de capitaux sans régulation. C’est là qu’il faut agir. De ce point de vue, en Europe, on sera obligé, à un moment ou à un autre, de dénoncer les traités en vigueur qui permettent cette libre circulation sans contrôle. L’hypertrophie financière est en partie le fruit des mouvements de capitaux sans limite, un monde dans lequel tout le monde possède tout le monde, même si une partie de ces transactions sont fictives et représentent des tentatives de contournement fiscal et réglementaire. Contrôler la circulation des capitaux qui attaque la souveraineté des Etats est à mon sens le bon moyen pour remettre le mauvais génie de la finance dans la bouteille.

L’autre piste à creuser est l’établissement d’un taux d’intérêt commun pour l’ensemble des membres de la zone euro. Disposer d’une monnaie unique et de dix-neuf taux d’intérêt ouvre la porte à la spéculation. On peut avancer dans cette voie sans procéder à une mutualisation des dettes publiques et à des transferts entre Etats. Ce combat-là peut être gagné.

Le répertoire des idées est premier. Les idées disponibles peuvent faire basculer les trajectoires historiques, écrivez-vous. Mais seule l’expérimentation pratique réussie change la donne en faisant évoluer les rapports de force politico-idéologiques. Que conseilleriez-vous à un jeune : devenir chercheur ou homme politique ?

Les deux ! Il n’y a pas une seule bonne vie possible, cela dépend des aspirations de chacun. Sur le plan des idées, je pense que l’une des raisons de notre désarroi démocratique tient à l’autonomie trop forte de la sphère et de l’expertise économique et financière par rapport au reste de la société. Ce n’est pas une matière facultative. Tout le monde devrait s’approprier les questions économiques. J’essaie d’y contribuer.

Pour ma part, ma trajectoire repose sur le métier de chercheur parce que c’est ce que j’aime faire et je pense que c’est ce que je fais le mieux. Les idées sont premières et elles doivent diffuser le plus largement possible. Cela dit, au moment des élections, je ne reste pas dans ma tour d’ivoire et je me force à m’engager, y compris quelques fois à accompagner des candidats qui ne sont pas entièrement satisfaisants… Je le fais quand même car cela me paraît important et je continuerai à le faire !

Capital et idéologie, par Thomas Piketty, Seuil, 25 euros, 1232 pages. Le nouveau Piketty expliqué en 10 graphes Par Christian Chavagneux 13/09/2019

Dans son nouvel ouvrage … , l’économiste retrace la dynamique historique des inégalités. Son propos s’appuie sur un traitement de données conséquent, restitué en pas moins de 160 graphiques ! Alternatives Economiques en a sélectionné 10 pour vous aider à entrer dans ce monument.

Dans les 1.200 pages de Capital et idéologie, le nouveau livre de Thomas Piketty, on trouve plus de 160 graphiques et une dizaine de tableaux ! L’économiste, collectionneur de chiffres, bâtit ses analyses sur une impressionnante quête de données qui permettent de raconter autrement deux siècles et demi d’histoire des inégalités et des idées avancées pour les justifier. Après notre grand entretien avec Thomas Piketty, voici une autre façon d’entrer dans ce monument.

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Auteurs : Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 18/09/2019

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

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Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

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Mis en ligne par Pascal Paquin de Yonne Lautre, un site d’information, associatif et solidaire(Vie du site & Liens), un site inter-associatif, coopératif, gratuit, sans publicité, indépendant de tout parti.

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