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"Des artistes ont dénoncé les horreurs de la guerre et la guerre trop souvent déployée n’est que violences : ne vaut-il pas mieux s’attacher à la résolution des conflits, à préserver la paix avec Erasme et à recourir aux ressources de la démocratie ?" par Jacques Hallard

samedi 23 février 2019, par Rédaction d’ISIAS


ISIAS

Des artistes ont dénoncé les horreurs de la guerre et la guerre trop souvent déployée n’est que violences : ne vaut-il pas mieux s’attacher à la résolution des conflits, à préserver la paix avec Erasme et à recourir aux ressources de la démocratie ?

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 22
/02/2019

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Enfant de paix Mus Vin vidéo ajoutée le 12/10/2014

PLAN Introduction Sommaire Auteur


Introduction

Le rapport de force s’exprime couramment comme une relation de conflit ente des parties aux avis contraires ou aux intérêts opposés. Ce sujet a été abordé dans le dossier ’Rapports de force, pouvoirs et contre-pouvoirs’ par Jacques Hallard, samedi 2 juillet 2016 : « L’esprit de conquête abusive, de concurrence acharnée, de compétition non justifiée, de cupidité exagérée, de rivalités inutiles et de dominations inappropriées, contribuent à exacerber les comportements humains irrationnels, intolérants, brutaux et destructeurs… »

L’évolution des grandes sociétés mondiales du secteur des semences au cours des dernières décennies a été notamment marquée par des concentrations financières et organisationnelles qui s’impriment dans tout le système marchand au niveau mondial. Des formules comme ‘La guerre des semences’, puis ‘La guerre des graines  » ont caractérisé la nature des effets de dominance et des rapports de force exacerbés entre les opérateurs économiques pour « gagner des parts de marché » et « tailler des croupières » * aux concurrents ciblés, considérés comme des ‘ennemis’ … jusqu’à ce que les protagonistes décident de devenir éventuellement des « partenaires » plus ou moins contraints, sous la pression des ambitions stratégiques communes ou des contraintes financières insupportables. Voir aussi ’Le marché mondial des semences à travers les activités des entreprises dominantes dans le commerce solvable et profitable… et quelques autres actions et initiatives pour les semences aux Etats-Unis, en France et en Afrique de l’Ouest’ par Jacques Hallard, dimanche 20 janvier 2019.

* Tailler des croupières  : « au Moyen Age, cette expression signifiait que l’on faisait fuir un ennemi : on le pourchassait d’assez près pour couper la longe de cuir qui se glissait sous la queue du cheval et empêchait donc la selle de glisser de sa croupe. Depuis le XVIIe siècle, le sens est devenu plus figuré : tailler des croupières, c’est faire obstacle à des projets… » ou encore occasionner des difficultés, des embarras …

Dans un premier temps, nous avons réuni dans ce dossier à usage didactique, des informations à partir du domaine des arts visuels (peinture) et de l’esthétique sur les représentations des états guerriers : belligérance, conflit, combat, hostilité, lutte, guérilla, bagarre, désaccords, opposition, rivalité, affrontement, attaque, lutte, etc…

Après avoir introduit la représentation de la guerre dans l’art pictural d’après Wikipédia, nous avons emprunté à France Culture, un dossier sur six peintres qui ont dénoncé, chacun à sa manière, les horreurs de la guerre : Pablo Picasso (1881-191), David Olère (1902-1985), OttoDix (1891-1969), Fernand Léger (1881-1955), Francisco de Goya (1746) et Rubens (1577-1640)).

Dans un second temps, sont abordés des ouvrages et des auteurs qui ont écrit et commenté les situations guerrières avec des conseils appropriés et très détaillés, adaptés à leur époque : ‘L’art de la guerre’ selon le chinois Sun Tzu ou Sun Zi ou encore Souen Tseu (544–496 av. J.-C.), l’ouvrage allemand ‘Vom Kriege’ (‘De la guerre’) du général prussien Carl von Clausewitz (1780-1831), et enfin un court traité de stratégie militaire chinois dit ‘Les 36 stratagèmes’ dont la datation est plus incertaine. Les discussions d’experts sur les différents textes traduits sont aussi rapportées.

Dans un troisième temps, ayant examiné avec Jean-Luc Ginder « Comment éviter la guerre et protéger la paix », et ayant constaté avec B. Girard que « La guerre n’est pas la solution, elle est le problème », l’attention a été portée sur la nature, la prévention et les modes de résolution des conflits  ; à titre d’exemple est mentionné le travail de Florance Sturm sur la conduite d’un processus de paix et des transitions démocratiques comme cela a amené une pacification au Pays basque.

Dans un quatrième temps, il est fait appel au personnage historique d’Érasme de Rotterdam (1469-1536), théologien et homme de lettres, pédagogue avant tout, chrétien critique et engagé pour l’Europe, avec son humanisme et son pacifisme. Finalement, sont rapportés : une émission de France Culture sur les véritables ressources disponibles de nos jours pour contenir les violences, apaiser les situations conflictuelles par l’exercice de la démocratie, d’une part, et un rappel des textes fondateurs sur la démocratie établis lors de la formation d’ATTAC, « une association d’action citoyenne qui s’engage pour la justice sociale et environnementale et mène des actions contre le pouvoir de la finance et des multinationales », d’autre part.

L’accès à tous les documents sélectionnés est possible à partir du sommaire ci-dessous. Par ailleurs, tous nos articles et dossiers sur ISIAS et marqués par le mot-clé paix sont accessibles sur ce site : https://isias.lautre.net/spip.php?page=recherche&recherche=paix

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Sommaire

1. Représentation de la guerre dans l’art d’après Wikipédia

2. De Rubens à Picasso, six peintures qui ont dénoncé les horreurs de la guerre Par Hélène Combis 05/04/2018 – Document France Culture

3. Voir aussi  : la guerre dans l’art – Médiathèques{{}}_

4. Introduction à ‘L’art de la guerre’ selon le chinois Sun Tzu

5. Le traité chinois ‘L’Art de la guerre’ d’après Wikipédia

6. Traité allemand ‘De la guerre’du général prussien von Clausewitz d’après Wikipédia

7. Présentation par ‘1000-idees-de-culture-generale’ de ‘La guerre’ selon Clausewitz

8. Sun Tzu et Clausewitz : les différences de fondPublié le 25 janvier 2013

9. Joseph-Marie Amiot d’après Wikipédia

10. Le père Amiot a-t-il réellement traduit Sun Tzu ? Publié le 4 mars 2012

11. De l’imposture des traductions dites « du père Amiot » Publié le 13 février 2012

12. Accès à des archives sur les traductions de Père Amiot

13. Le management bienveillant dans « L’art de la guerre » de Sun Tzu Par Gaël Chatelain* - Publié le 2017/01/16

14. Traité chinois dit ‘Les 36 stratagèmes’ selon Wikipédia

15. ‘Les 36 stratagèmes’ 36 Ji

Table des matières– Document ‘wengu.tartarie.com’

16. Vidéo 1:02:06 ajoutée le 15 juillet 2017 sur ‘Les 36 Stratagèmes’ Preda

17. Comment éviter la guerre et protéger la paix ? Par Jean-Luc Ginderéconomiste. Document ‘Contrepoints’

18. La guerre n’est pas la solution, elle est le problèmePar B. Girard 15 juillet 2016

19. La résolution de conflit d’après Wikipédia

20. Résolution des conflits : ’Passer de la guerre à la paix, c’est opérer une forme de révolution’Par Florence Sturm 07/12/2017

21. (Re)découvrir Érasme grâce à Wikipédia

22. Érasme de Rotterdam :Dulce Bellum Inexpertis (1515) - La guerre est douce pour ceux qui ne l’ont pas faite [i.e. à ceux qui n’y connaissent rien] Publié le 24 mai 2015 par Bernard UMBRECHT

23. ÉrasmeLa complainte de la paix – Rubrique Aide aux dissertations de philosophie Par J. Llapasset – Document ‘philagora.net’

24. Erasme, l’Européen 59 minutes - 17/11/2018 – Dans le cadre de l’émission Savoirs- Concordance des tempspar Jean-Noël Jeanneney

25. Que nous dit Erasme aujourd’hui ?Publié le 23 août 2015 par admin – Document ‘HISTOIRES D’ALSACE’

26. Les ressources de la démocratie - 20/01/2019 – Dans le cadre des émissions Talmudiquespar Marc-Alain Ouaknin

27. Attac et la démocratie : retour sur les textes fondateurs samedi 9 février 2019, par Patrick Braibant * - Numéro 19 - Hiver 2019

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1.
Représentation de la guerre dans l’art d’après Wikipédia

En peinture et arts graphiques

Reproduction - L’apothéose de la guerre, Vassili Verechtchaguine 1871

Scènes de guerre

Ici, la guerre est représentée au moment même de son déroulement. Ces images sont généralement axées sur les individus, généralement des soldats mais parfois aussi des civils. Généralement ces scènes comprennent à la fois des personnages morts et vivants, cette dualité est souvent mise en avant dans la peinture de guerre. Le thème de la mort est très étroitement lié à celui de la guerre.

Au XVIIIe siècle, si les peintres néoclassiques représentent des scènes de guerre antiques, les peintres du mouvement romantique qui leur succèdent (Delacroix, Goya) réinscrivent leur travail dans l’actualité du moment, et représentent des scènes de guerre qui leur sont contemporaines.

Parmi les célèbres peintures représentant des scènes de guerre :

  • Pablo Picasso : Guernica, 1937, huile sur toile, 349,3 × 776,6 cm, musée Reina Sofia, Madrid
  • Eugène Delacroix : des Massacres de Scio, 1824, huile sur toile, 419 × 354 cm, musée du Louvre, Paris
  • Goya y Lucientes Francisco, Le 3 mai 1808, 1814, huile sur toile, 266 x 345 cm, El Prado, Madrid.
    Scènes d’après-guerre

Ici, l’image met en avant la destruction, les ruines, la catastrophe, la mémoire des lieux après le passage de la guerre.

En France, après la Grande Guerre, les municipalités érigent des monuments pour honorer les soldats tombés sous le feu ennemi. L’un des monuments aux morts les plus remarquables est celui de Strasbourg, créé par Léon-Ernest Drivier et inauguré le 18 octobre 1936. Une pietà laïque, qui figure l’humanité, tient ses deux fils : l’un regarde vers l’Allemagne, l’autre vers la France, mais devant la mort qui les saisit, ils se tiennent la main, sans arme et sans uniforme. Dans cette ville qui a combattu aux côtés de l’Allemagne défaite et qui se retrouve en 1918 du côté de la France victorieuse, la représentation de la guerre aboutit à l’un des rares monuments pacifistes connus.

Parmi les artistes célèbres représentant l’après-guerre, Anselm Kiefer, (1945), effectue un travail de peinture en lien étroit avec les destructions de la Seconde Guerre mondiale.

En photographie

Le choc des photos - Longtemps, la photographie de guerre a un rôle très important. Ses images ont un impact extrêmement fort sur l’opinion publique :

  • Lors de la guerre du Viêt Nam, deux clichés ont été particulièrement remarqués et ont contribué au retournement de l’opinion américaine sur la guerre :
  • Lors de la guerre en Irak, les images prises à la prison d’Abou Ghraib en 2005 ont fait scandale.
    Depuis cette période, les images de guerre sont devenues plus rares. Lors de la guerre du Golfe, les documents officiels présentés par l’armée au public sont généralement des images radars ou satellites. Abstraites, aseptisées, et déshumanisées, elles ne montrent pas la mort de manière directe.

Les rares images photographiques parvenant encore au public sont généralement des images prises par les témoins directs ou par les soldats eux-mêmes, à l’aide de leurs appareils individuels…

En littérature

Dans Les Silences du colonel Bramble André Maurois voit la guerre comme aussi inévitable que les mouvements d’un dormeur dans son sommeil : « Suite à un immobilisme prolongé, des parties du corps éprouvent des soucis qui se cumulent avec le temps d’approvisionnement en ressources, et la souffrance engendrée déclenche une tentative de retournement brutale. Après s’ensuit un nouveau calme, temporaire, à l’issue duquel le cycle recommence. »

Article détaillé : Première Guerre mondiale en littérature et Œuvre littéraire inspirée par la Seconde Guerre mondiale.

Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Repr%C3%A9sentation_de_la_guerre_dans_l%27art

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2.
De Rubens à Picasso, six peintures qui ont dénoncé les horreurs de la guerre Par Hélène Combis 05/04/2018 (mis à jour à 10:30) – Document France Culture

’Guernica’, la célèbre toile de Picasso, célébrait ses 80 ans en 2017. De Rubens et son allégorie de la guerre de Trente ans, jusqu’à David Olère brossant les camps de la mort, d’autres peintres ont dénoncé les monstruosités de la guerre. Six œuvres bouleversantes à redécouvrir.

David Olère, Goya, Picasso, Rubens... Quand les peintres dénoncent la guerre

Allégoriques, ou au contraire, extrêmement crues... Si les toiles représentant la guerre sont légion, celles qui la dénonçent ne sont pas si nombreuses. Nous en avons retenu six, alors que l’une des plus mythiques, le Guernica de Picasso, fait l’objet d’une exposition au musée Picasso, à Paris, jusqu’au 29 juillet 2018. D’Otto Dix et son triptyque La Guerre à l’allégorie de la guerre de Trente ans par Rubens, en passant par l’effroyable travail de David Olère qui a vécu l’horreur des camps de la mort.

1. ’Guernica’ de Picasso (1937) : ’Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensif et défensif contre l’ennemi.’

Reproduction - Guernica, 1937 • Crédits : Pablo Picasso / Archives Snark - AFP

Une semaine après le bombardement de la ville basque espagnole de Guernica par l’Allemagne nazie le 26 avril 1937, Pablo Picasso a la rage au cœur. Il s’empare d’un crayon et esquisse sur un petit bloc de papier bleu un taureau, un cheval, et une femme, inspirés des trois premières photos du drame qui étaient publiées dans le journal Ce soir, dirigé par Louis Aragon. Ces dessins, il les convertira en une gigantesque peinture cubiste, réalisée dans son atelier sous les toits de Paris. Un tableau destiné à l’Exposition universelle de 1937 et intitulé Guernica.

A réécouter :Picasso se doit de clamer sa révolte. L’événement le saisit, le bouleverse, l’empoigne furieusement.En octobre 2014, ’Les Nuits de France Culture’ proposaient une immersion sonore dans le chef-d’oeuvre politique de Picasso, ’la fresque des hurlements du XXe siècle’ :

Écouter : Guernica de Picasso, la fresque des hurlements du XXè siècle_Les Nuits de France Culture, 25/10/2014

Picasso, pour réaliser cette toile, s’était énormément documenté sur la guerre d’Espagne et son lot d’horreurs. C’est ce qu’affirmait la conservatrice du patrimoine Anne Baldassari, qui a dirigé le musée Picasso de Paris de 2005 à 2014 et que nous avions interviewée au sujet de Guernica en avril 2017 : 

On a beaucoup de photographies des gueules cassées de la guerre d’Espagne, de ses propres dessins, études, textes… Il a écrit un texte magnifique qui est pratiquement une bande-son de la destruction de Guernica, une sorte de poème qui est fondé sur le mot “cri”, c’est vraiment une sorte de répétition de sons, on sent la destruction avec le bruit des casseroles, l’explosion des objets familiers qui sont complètement pulvérisés, tout ce qui a trait à l’univers domestique, affectif...

2. ’Les inaptes au travail’ par David Olère (entre 1945 et 1962) : l’un des premiers témoignages des camps de la mort

Reproduction - ’Les inaptes au travail’, huile sur toile réalisée entre 1945 et 1962• Crédits : David Olère

Né dans une famille juive à Varsovie, en Pologne, en 1902, David Oler - il prit le nom d’Olère lors de sa naturalisation française, en 1937 - est arrêté en 1943 et interné à Drancy avant d’être déporté à Auschwitz. Il y reste jusqu’à la Libération. Employé dans une équipe du Sonderkommando chargée de gérer les fours crématoires, il est confronté de plein fouet à l’ignominie. Alors que les membres de cette équipe sont régulièrement exterminés, lui-même survit grâce à ses dessins, qu’admirent les gardiens SS.

Entre 1945 et 1962, il témoigne de sa traumatisante expérience des camps de la mort, en dessin, et en peinture. David Olère meurt à Londres en 1985, tourmenté par l’émergence de thèses négationnistes remettant en cause son travail et son témoignage. Ses œuvres ont servi de pièces à conviction dans plusieurs procès, et notamment celui de l’écrivain britannique négationniste David Irving, en 2000.

Son huile sur toile _Les inaptes au travai_l, dont on sait simplement qu’elle a été peinte entre 1945 et 1962, représente une famille venant d’arriver au camp d’Auschwitz-Birkenau par convoi. Les SS séparent les ’invalides’ (enfants, femmes, personnes âgées...) des ’valides’. A l’arrière plan, des déportés poussent des chariots de cadavres vers les fours crématoires.

A redécouvrir : en janvier 2017, nous avions consacré un article à la manière dont l’Holocauste avait été traité dans la bande dessinée. La journaliste Farah Keram y revenait sur le travail de David Olère.

3. ’La Guerre’ d’Otto Dix (1929-1932) : ’Il faut avoir vu l’homme dans cet état déchaîné pour le connaître un peu.’

Reproduction - La Guerre, d’Otto Dix, triptyque peint entre 1929 et 1932.

Comme une peinture religieuse, La Guerre est peinte sur trois panneaux de bois amovibles et n’a donc pas usurpé le nom de ’triptyque’. D’autant plus qu’Otto Dix a utilisé une technique de peinture ancienne basée sur l’émulsion, pour la réaliser : la tempara, utilisée principalement pour les œuvres religieuses. Engagé dans l’armée allemande durant la Première Guerre mondiale, il participe notamment à la bataille de la Somme, en France. Il sort de la guerre, traumatisé, victime de cauchemars. Il peint alors ce qui le hante, et notamment les ’gueules cassées’.

Lorsque les nazis s’emparent du pouvoir, ils qualifient Otto Dix d’’artiste dégénéré’, de ’bolchévique de la culture’, et le renvoient de son poste de l’académie de Dresde. On détruit une partie de son oeuvre, on l’oblige à rejoindre la Chambre des Arts du ministère de Goebbels, et à épargner le IIIe Reich dans ses peintures. Appelé de force sous les drapeaux durant la Seconde Guerre mondiale, il est capturé par les Français, et relâché en 1946.

À lire aussi : L’art dégénéré-A propos de son triptyque, il déclare en 1961 à la journaliste en art Eva Karcher :

L’artiste travaillera pour que les autres voient comment une chose pareille a existé. J’ai avant tout représenté les suites terrifiantes de la guerre. Je crois que personne d’autre n’a vu comme moi la réalité de cette guerre, les déchirements, les blessures, la douleur. [...] C’est que la guerre est quelque chose de bestial : la faim, les poux, la boue, tous ces bruits déments. C’est que c’est tout autre chose. Tenez, avant mes premiers tableaux, j’ai eu l’impression que tout un aspect de la réalité n’avait pas encore été peint : l’aspect hideux. La guerre, c’était une chose horrible, et pourtant sublime. Il me fallait y être à tout prix. Il faut avoir vu l’homme dans cet état déchaîné pour le connaître un peu.

A réécouter : Ce redoutable retable d’Otto Dix était le sujet de l’émission ’Les Regardeurs’, en juin 2015. Où il était notamment question de son expérience - pour reprendre les mots mêmes du peintre - du ’retour à l’animalité’.

Écouter : ’La Guerre’ d’Otto Dix, Les Regardeurs, 27 juin 2015

4. ’La partie de cartes’, Fernand Léger, 1917 : ’Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là...’

Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux.’ Sur cette toile de Fernand Léger, trois soldats attablés fument la pipe en jouant aux cartes. L’idée de cette oeuvre germe dans l’esprit de l’artiste alors qu’au front, où il est mobilisé comme brancardier de 1914 à 1917, il essaye de croquer une partie de cartes. Sous son crayon, l’homme apparaît homme-machine, déshumanisé. 

A cette époque, ses correspondances avec son ami Louis Poughon témoignent de l’expérience du soldat vue au travers de l’œil de l’artiste. Après une journée de combat à Verdun, (où il sera sévèrement gazé, au point d’être hospitalisé à l’hôpital de Villepinte) il lui écrit ainsi :

Il y a dans ce Verdun des sujets tout à fait inattendus et bien faits pour réjouir mon âme cubiste. Par exemple, tu découvres un arbre avec une chaise perchée dessus. Les gens sensés te traiteront de fou si tu leur présentes un tableau composé de cette façon. Pourtant il n’y a qu’à copier. Verdun autorise toutes les fantaisies picturales.

Reproduction - La partie de cartes, huile sur toile, 1917• Crédits : Fernand Léger

A réécouter : dès 1914, Fernand Léger semble avoir tout compris des mutations du vieux monde. En mai 1915, il écrit au critique et marchand d’art Adolphe Basler, mêlant sensations et analyses sur la guerre moderne : ’Sa lettre est aussi emblématique du moral des troupes, à un moment où les armées françaises et allemandes s’engagent dans une longue guerre de tranchées’, analysait l’écrivaine et journaliste Cécile Guilbert, qui proposait la lecture de cette lettre sur les ondes de France Culture à l’été 2013 :

Écouter : Fernand Léger à Adolphe Basler_La boîte à lettres, 30/07/2013

À écouter aussi 4 min La Boîte à lettres Fernand Léger à Adolphe Basler

5. ’Le trois mai 1808 à Madrid’, Goya (1814) : ’Perpétuer au moyen du pinceau les notables et héroïques actions...’

Reproduction - Le trois mai 1808 à Madrid, huile sur toile, 1814• Crédits : Francisco de Goya

C’est un tableau mythique, l’un des piliers de la peinture européenne, qui se démarque par sa composition. Cette scène tragique peinte par Goya, conservée au Prado à Madrid, est également connue sous le nom Les Fusillades du 3 mai.

Dans la nuit du 2 au 3 mai 1808, des soldats français exécutent environ 400 combattants espagnols en représailles du soulèvement du peuple madrilène du 2 mai, contre l’occupation de la ville par les Français. ’Le peuple de Madrid abusé s’est laissé entraîner à la révolte et au meurtre. [...] Du sang français a coulé. Il demande à être vengé’ déclare le 2 mai 1808 le maréchal d’Empire Joachim Murat, chef des armées de Napoléon en Espagne.

Cette rébellion signe le début de la guerre d’indépendance espagnole qui inspirera à Goya, peintre de la cour d’Espagne (et qui avait pourtant dû à ce titre prêter un serment de loyauté à Joseph Bonaparte), une série d’eaux-fortes très connue, intitulée ’Les Désastres de la guerre.’

A la même époque, envoyé à Saragosse par le général Palafox, héros de la guerre d’indépendance, Goya rend compte à travers sa peinture du siège de la ville, comme en témoignent les tableaux Fabrication de la poudre dans la Sierra de Tardienta et Fabrication de balles dans la Sierra de Tardienta, tous deux brossés en 1810.

C’est seulement en 1814, après l’éviction définitive des Français, que Goya peint le Tres de Mayo et le Dos de Mayo (qui représente la rébellion). Sans avoir omis de demander au préalable l’autorisation au gouvernement provisoire, de ’perpétuer au moyen du pinceau les notables et héroïques actions ou scènes de [la] glorieuse insurrection contre le tyran de l’Europe.

A réécouter : En 1976 sur France Culture, dans l’émission ’Présence des arts’, les journalistes et critiques d’art François Le Targat et Pierre Descargues se prêtaient à une analyse de ces deux tableaux de Goya El dos de Mayo et El très de Mayo :

Écouter : Un événement, un peintre : Goya_Présence des arts, 22/03/1976.

6. ’Les horreurs de la guerre’, par Rubens (1637) : ’Je suis un homme qui aime la paix’

Reproduction - Les horreurs de la guerre, 1637 • Crédits : Pierre Paul Rubens

De l’Espagne, passons à l’Italie pour terminer, et remontons de quelques décennies. La guerre de Trente ans déchire la Flandre. S’étant vu passer commande par un autre peintre flamand, Giusto Sustermans, Pierre Paul Rubens décide de représenter cette guerre sous les traits d’une femme en noir, la divinité Europe. Derrière elle, un enfant potelé serre son attribut entre ses mains : un globe translucide surmonté d’une croix symbolisant la chrétienté.

A gauche de la toile, est représenté le temple de Janus, dont la porte est ouverte - dans l’Antiquité, ce temple avait pour particularité d’être ouvert en temps de guerre, ce qui symbolisait le départ des dieux au combat. Presque nue, Vénus, la déesse de l’amour, cherche à retenir Mars, le dieu de la guerre, que l’on aperçoit casqué et armé au centre du tableau : elle l’attrape par le biceps pour tenter de le ramener vers le temple. A l’inverse, Alecto, l’une des Érinyes, déesses infernales, brandit une torche et cherche à tirer Mars en avant par un pan de son manteau rouge. Au pied de ce dieu persécuteur, une femme au luth brisé incarne littéralement l’harmonie rompue.

Lassé des conflits armés incessants, Rubens écrivait en 1635 à l’intellectuel Peiresc, qu’il comptait parmi ses amis : ’Je suis un homme qui aime la paix

A réécouter : En 1994, l’émission ’Une Vie, une oeuvre’ s’attachait aux pas de Pierre Paul Rubens, qui disait concevoir l’art comme ’un effort patient pour ne pas donner son consentement à l’ordre du monde’ :

Écouter : Pierre Paul Rubens_Une Vie, une oeuvre, 21/04/1994 - Hélène Combis

À découvrir :

La crise de l’œuvre d’art

Arts plastiques : Un autre œil, ’ce sont les œuvres qui parlent’

Le Talisman, de Sérusier : une toile brossée à la va-vite, devenue icône

Foujita sous l’oeil de Sophie Krebs

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Tags : Peinture - Source : https://www.franceculture.fr/peinture/six-peintres-qui-ont-denonce-les-horreurs-de-la-guerre

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3.
Voir également : « La guerre dans l’art » - 12 février 2015 https://www.mediatheques.strasbourg.eu/UserFiles/parcours_thematiques/actualite/pdf/biblio/2015/biblio_la_guerre_ds_art_20150212.pdf

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4.
Introduction à ‘L’art de la guerre’ selon le chinois Sun Tzu

L’art de la guerre requiert méthode et stratégie. Sun Tzu affirme dans L’art de la guerre que les bons principes stratégiques mènent inévitablement à la victoire, c’est pourquoi il est important de les étudier et de les mettre en pratique. Il insiste notamment sur la dimension psychologique de la guerre, grâce à laquelle le stratège habile peut obtenir la soumission de l’adversaire en économisant les ressources à sa disposition.

L’art de la guerre repose sur une réflexion claire et puissante. Sun Tzu affirme en effet que toute guerre commence dans la tête, dans la mesure où son issue dépend grandement du jugement du stratège. Celui-ci doit donc avoir l’esprit clair pour apprécier correctement les rapports de force et les questions diplomatiques. Cet enjeu intellectuel de la guerre est d’autant plus important qu’il est très rare qu’une armée puisse l’emporter directement. « Considérez, demande Sun Tzu, qu’avec de nombreux calculs on peut remporter la victoire, redoutez leur insuffisance. Combien celui qui n’en fait point a peu de chances de gagner ! » (L’art de la guerre).

Le stratège doit plus précisément porter sa réflexion sur cinq dimensions de la guerre : la doctrine, c’est-à-dire les valeurs qui unifient la pensée et donnent le courage de combattre ; le temps, afin d’agir au moment idoine ; l’espace, soit le terrain des batailles ; le commandement, pour réussir à s’attacher les hommes qui l’accompagnent ; la discipline, pour connaître l’étendue des moyens et des choix qui s’offrent à lui. En clair, pour Sun Tzu, le stratège doit avoir une connaissance très avancée de l’environnement, de l’ennemi ainsi que de lui-même. Ce savoir exhaustif doit selon lui garantir la victoire : « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux ».

L’art de la guerre de Sun Tzu demande de la rigueur et de la ruse

L’art de la guerre consiste à la préparer avec beaucoup de rigueur. Selon Sun Tzu, le principe phare de la stratégie réside dans la préparation rigoureuse de la guerre et dans l’évaluation précise de la situation. Le bon stratège n’attaque que quand toutes les conditions de la victoire sont réunies. « Le commandant habile, écrit Sun Tzu, prend une position telle qu’il ne peut subir une défaite ; il ne manque aucune circonstance propre à lui garantir la maîtrise de son ennemi. Une armée victorieuse remporte l’avantage, avant d’avoir cherché la bataille ; une armée vouée à la défaite combat dans l’espoir de gagner  » (L’art de la guerre).

Le stratège doit plus précisément se mettre en situation de déterminer les circonstances des combats (notamment le lieu et l’heure), afin de s’assurer un rapport de forces favorable là où la bataille aura lieu. Dans le détail, cinq conditions permettent de lui conférer cet avantage : la sanctuarisation de sa propre base logistique ; l’entraînement des troupes au mouvement, qui sert aussi à brouiller les pistes de l’adversaire ; la connaissance des données du combat (troupes, logistique, terrain, etc.) sur le bout des doigts ; un réseau d’espions et d’informateurs ; des simulations pour tester les réactions de l’adversaire. Enfin, Sun Tzu insiste sur la nécessité d’entretenir la cohésion des troupes en se montrant juste et en y excitant la haine de l’ennemi.

>> La guerre selon Clausewitz sur un post-it

L’art de la guerre a pour finalité idéale de vaincre sans combattre. Sun Tzu ne conçoit pas la victoire totale dans laquelle l’ennemi est anéanti comme le sommet de l’art de la guerre. Si le stratège à l’opportunité de détruire l’ennemi, il peut le faire ; mais le soumettre par la ruse est bien préférable. « Ne cherchez pas, prévient Sun Tzu, à dompter vos ennemis au prix des combats et des victoires […]. Il faut plutôt subjuguer l’ennemi sans donner bataille : ce sera là le cas où plus vous vous élèverez au-dessus du bon, plus vous approcherez de l’incomparable et de l’excellent  » (L’art de la guerre).

Idéal difficilement réalisable, la soumission de l’ennemi sans combat signifie toutefois que le stratège doit optimiser ses ressources en cherchant surtout à nuire à l’adversaire. Il doit ainsi rester insaisissable dans ses intentions et dans ses actions, tout en intoxiquant la réflexion adverse avec de fausses informations. La propagande est effectivement pour Sun Tzu une dimension cruciale de l’art de la guerre, car elle a le pouvoir de rendre l’ennemi incapable de combattre. Dès lors, aucune manipulation n’est trop immorale pour le stratège génial : instiller la détestation des chefs au sein de l’armée adverse, propager des rumeurs de trahison dans l’entourage du commandement, envoyer des espions, recruter des espions et des traîtres ennemis, etc.

>> Le machiavélisme de Machiavel sur un post-it

Source : https://1000-idees-de-culture-generale.fr/art-guerre-sun-tzu/

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5.
Le traité chinois ‘L’Art de la guerre’ d’après Wikipédia

« L’Art de la guerre » (chinois simplifié : 孙子兵法 ; chinois traditionnel : 孫子兵法 ; pinyin : Sūn Zǐ bīngfǎ ; littéralement : « Méthodes militaires de Maître Sun ») est un court traité de stratégie militaire chinois, datant de la période des Printemps et Automnes (chinois simplifié : 春秋时代 ; chinois traditionnel : 春秋時代 ; pinyin : Chūnqiū Shídài). Attribué au stratège Sun Zi (chinois simplifié : 孙子 ; chinois traditionnel : 孫子 ; pinyin : Sūn Zǐ, littéralement : « Maître Sun » ; souvent appelé « Sun Tzu » en Occident), le texte s’articule autour de 13 chapitres consacrés à l’analyse rationnelle des différentes dimensions de la guerre et qui dégagent les principes de la poursuite intelligente d’une guerre victorieuse : fondée sur une stratégie indirecte, toute d’économie, de ruse, de connaissance de l’adversaire, d’action psychologique, destinée à ne laisser au choc que le rôle de coup de grâce asséné à un ennemi désemparé.

La conception implicite de la guerre, telle qu’envisagée par Sun Zi, s’inscrit dans un monde où celle–ci se pratique au sein d’une même société, la Chine impériale, avec des buts limités et dans le cadre de règles généralement acceptées, avant les invasions barbares qui détermineront la stratégie défensive de la Chine derrière sa Grande muraille.

Premier des classiques militaires chinois dans la renommée et peut–être pour la date de composition, L’Art de la guerre est l’élément fondamental d’un riche corpus de réflexion stratégique compilé en 1078, à l’instigation de l’empereur Shenzong de la dynastie Song (chinois simplifié : 宋神宗 ; pinyin : Sòng Shénzōng ; littéralement : « Ancêtre spirituel des Song »), sous le titre des Sept classiques de l’art militaire (chinois simplifié : 武經七書 ; chinois traditionnel : 武经七书 ; pinyin : Wǔjīng qī shū).

L’Art de la guerre a exercé une influence considérable sur les traditions militaires chinoises et japonaises, et il est toujours enseigné en Chine, à Taïwan et dans l’ensemble des écoles militaires du monde sinisé ; il constitue le fondement de la pensée stratégique contemporaine en Asie.

L’œuvre est traduite en 1772 par le père jésuite français Amiot et connaît un grand succès avant de tomber dans l’oubli. La traduction en anglais par Lionel Giles en 1910, puis la victoire de Mao Zedong (chinois simplifié : 毛泽东 ; chinois traditionnel : 毛澤東 ; pinyin : Máo Zédōng) en 1949, ramènent l’attention sur ce manuel de stratégie indirecte. L’Art de la guerre devient un canon de la pensée stratégique occidentale, à son tour profondément influencée par ce traité qui analyse, avec une avance considérable, la guerre comme une affaire d’importance vitale pour les États, pouvant en tant que telle se prêter à une analyse rigoureuse et dont la paix dicte le sens.

Historique - L’œuvre

Comme pour tous les ouvrages de l’Antiquité chinoise, transcrits sur des lamelles de bambou reliées par des ligatures de soie, la datation de L’Art de la guerre tel qu’il nous a été transmis se révèle très incertaine. Selon Sima Qian (chinois simplifié : 司马迁 ; chinois traditionnel : 司馬遷 ; pinyin : Sīmǎ Qiān), dans ses Mémoires du grand historien (chinois simplifié : 史记 ; chinois traditionnel : 史記 ; pinyin : Shǐjì), Sun Zi, originaire de l’État de Qi, actuel Shandong, aurait offert son traité au roi Helü de l’État de Wu, actuel Zhejiang, en 512 avant notre ère. Cependant, le style du texte et la description des opérations militaires, d’une ampleur relativement importante, font pencher pour une date plus récente, sans doute la fin du Ve siècle av. J.-C. ou début du IVe siècle av. J.-C., à la transition entre la Période des Printemps et des Automnes et celle des Royaumes combattants (chinois simplifié : 战国时代 ; chinois traditionnel : 戰國時代 ; pinyin : Zhànguó Shídài), alors que les conflits se multipliaient entre des États de plus en plus vastes, organisés et puissants, et que la guerre avait perdu son caractère rituel et codifié1.

Cao Cao (chinois : 曹操 ; pinyin : Cáo Cāo), illustre seigneur de guerre, poète et écrivain, est l’auteur, au début du IIIe siècle, du premier commentaire de L’Art de la guerre, qu’il remanie, sans qu’il soit possible de déterminer dans quelle mesure précisément. Si la littérature historiographique chinoise référence systématiquement l’œuvre au cours des siècles qui suivent, la taille et la structure du traité varient d’une source à l’autre.

Paternité de l’œuvre

La légende, relatée par Sima Qian et toujours vivace en Chine, veut que Sun Zi ait fui l’État de Wu et que, recommandé par le général Wu Zixu (chinois : 伍子胥 ; pinyin : Wǔ Zǐxū), il ait offert ses services de conseiller pour les affaires militaires au roi Helü. À cette occasion, pour faire la démonstration de ses talents et illustrer ses principes, Sun Zi aurait demandé au roi de faire mettre ses concubines en rang, et donné un ordre simple après avoir désigné parmi elles deux officiers. Les concubines rirent sans obéir. Déclarant que si les ordres n’étaient pas suivis, c’est qu’ils n’étaient pas compris, Sun Zi donna un nouvel ordre en l’expliquant, et les concubines rirent de nouveau sans l’exécuter. Déclarant cette fois que si les ordres n’étaient pas suivis alors qu’ils étaient compris, c’est que les officiers étaient incompétents, et il fit exécuter les deux officiers, favorites du souverain. À ce dernier qui tentait de s’y opposer, Sun Zi déclara que, sur le champ de bataille, le général n’avait pas à obéir aux ordres du souverain. Par la suite, les concubines exécutèrent les ordres à la perfection, et le roi Helü fut impressionné par la capacité du stratège à former à l’art de la guerre même les individus les plus frivoles.

Au XIIe siècle, certains lettrés commencent à douter de l’existence historique du personnage de Sun Zi, au motif qu’il n’apparaît pas dans les Chroniques historiques de Zuo (chinois simplifié : 左传 ; chinois traditionnel : 左傳 ; pinyin : Zuǒ zhuàn ; littéralement : « Tradition de Zuo ») qui recense les figures notables de la Période des Printemps et Automnes. Le nom de Sun Wu (chinois simplifié : 孙武 ; chinois traditionnel : 孫武 ; pinyin : Sūn Wǔ), véritable patronyme de « Maître Sun », n’apparaissant nulle part avant les Mémoires du grand historien, l’idée émerge qu’il puisse être un sobriquet inventé par l’historien et signifiant « guerrier fugitif » ; le nom « Sun » étant lexicalement lié au terme « fugitif », tandis que le prénom « Wu » se rapporte à la vertu traditionnelle chinoise de vaillance au combat, l’un et l’autre renvoyant au rôle que joue Sun Zi dans le récit qui est fait de la vie du général Wu Zixu. Sun Bin (chinois simplifié : 孙膑 ; chinois traditionnel : 孫臏 ; pinyin : Sūn Bìn), qui apparaît avoir réellement existé et avoir effectivement été une autorité militaire, aurait servi d’inspiration à la création du personnage de Sun Zi par un processus d’évhémérisme. En 1972, les tablettes Han de Yuanqueshan (chinois simplifié : 银雀山汉墓 ; chinois traditionnel : 銀雀山漢簡 ; pinyin : Yínquèshān Hànjiǎn ; littéralement : « Tablettes Han de la Montagne du moineau argenté ») sont découvertes dans des tombes de la dynastie Han près de la ville de Linyi dans la province du Shandong. Parmi les tablettes exhumées se trouvent deux textes distincts : un premier, attribué à Sun Zi et correspondant à L’Art de la guerre tel que transmis à travers les époques ; un second, plus tardif, attribué à Sun Bin. Le texte de Sun Bin chevauche largement celui de Sun Zi et semble en être la continuation. Cette découverte laisse alors penser que le débat historique autour de la paternité de l’œuvre trouve son origine dans l’existence de deux textes ayant pu tous deux être appelés « Méthodes militaires de Maître Sun ». De nos jours, ils sont effectivement considérés comme deux traités distincts.

Contenu - Analyse

Le texte du traité de Sun Zi, dont 13 chapitres nous sont parvenus, aborde tout ce qui touche à l’élaboration de la stratégie et à la conduite des batailles. S’il présente l’étude de la guerre comme vitale pour la survie des États, il prend aussi en considération le coût économique, moral, et politique de la guerre ; il expose également les critères d’évaluation auxquels chaque prince et général doit recourir pour estimer l’adversaire et n’engager le combat qu’en étant sûr d’emporter la victoire. Certains éléments caractéristiques se dégagent qui sont l’autonomie du militaire – le général – par rapport au politique – le prince – une fois la décision de combattre prise, l’importance fondamentale de la ruse, et la nécessaire pratique de l’espionnage. Les préceptes stratégiques de Sun Zi sont de trois ordres.

D’abord, l’acmé de la stratégie militaire est d’obtenir la victoire sans effusion de sang. Ce premier point est la résultante directe de la prise en considération du coût économique, moral et politique de la guerre dans un monde où celle–ci se pratique au sein d’une même société, la Chine impériale, et vise à l’accaparement des ressources et l’assujettissement des vaincus. Nul intérêt, chez Sun Zi, de détruire les ressources convoitées ou de tuer ceux qui seront demain nos sujets. La notion d’ennemi héréditaire n’existe pas encore.

Ensuite, la guerre consiste fondamentalement en la recherche d’un avantage comparatif, et il s’agit moins d’anéantir l’adversaire que de lui faire perdre l’envie de se battre. Ce deuxième point implique de faire un usage de la force qui soit justement proportionné à la nature de l’objectif politique poursuivi. Il est fondamental, chez Sun Zi, de s’économiser, de ruser, de déstabiliser, et de ne laisser au choc que le rôle de coup de grâce assené à un ennemi désemparé.

Enfin, la connaissance de l’adversaire est le facteur–clef de toute victoire militaire. Ce troisième point est la projection directe dans les affaires militaires d’une philosophie traditionnelle chinoise qui tient en haute estime l’intelligence et le savoir en général. L’espionnage, chez Sun Zi, est le pinacle de l’action militaire ; procédé par lequel un chef de guerre peut avoir une vue d’ensemble de la situation et, le cas échéant, savoir à l’avance et sans craindre de se tromper qui gagnera et qui perdra la guerre.

Structure

Le texte s’articule autour de 13 chapitres consacrés à l’analyse rationnelle des différentes dimensions de la guerre et qui dégagent les principes de la poursuite intelligente d’une guerre victorieuse. La structure organisationnelle est toutefois relativement lâche sur le plan des idées, dans la mesure où certaines notions se retrouvent sous diverses formes dans plusieurs chapitres.

I. De l’évaluation (chinois simplifié : 始计 ; chinois traditionnel : 始計 ; pinyin : Shǐjì)

La guerre est une affaire d’importance vitale pour l’État, et cinq éléments doivent faire l’objet des continuelles méditations des officiers et de tous leurs soins : « la Doctrine » (ou le Tao) ; « le Ciel » (ou le climat) ; « la Terre » (ou la topographie) ; « le Général » (ou les qualités du dirigeant) ; « la Discipline » (ou la gestion des ressources humaines et matériels). Ces cinq facteurs déterminent ensemble l’issue d’un engagement militaire. La considération consciencieuse de ces données doit permettre au chef de guerre de calculer ses chances de victoire. Leur rejet ou leur omission, par ignorance ou par présomption, engendre la défaite.

II. De l’engagement (chinois simplifié : 作战 ; chinois traditionnel : 作戰 ; pinyin : Zuòzhàn)

Les principes fondamentaux de l’économie de guerre et la nécessité de remporter rapidement les engagements décisifs. Les campagnes militaires victorieuses exigent de limiter les coûts matériels et humains autant que faire se peut.

III. Des propositions de la victoire et de la défaite (chinois simplifié : 谋攻 ; chinois traditionnel : 謀攻 ; pinyin : Móugōng)

L’unité d’une armée, plutôt que son nombre, fait sa force. Le chef de guerre doit, à tout moment : savoir s’il peut combattre et quand il faut cesser ; savoir s’il faut engager peu ou beaucoup ; être reconnaissant envers les simples soldats comme envers les officiers ; savoir mettre à profit les circonstances ; avoir l’assurance que le souverain approuve tout ce qui est fait pour son service.

IV. De la mesure dans la disposition des moyens (chinois simplifié : 军形 ; chinois traditionnel : 軍行 ; pinyin : Jūnxíng)

L’art de pratiquer la défensive avec à–propos est un préalable indispensable à toute offensive victorieuse. Reconnaître les opportunités stratégiques quand elles se présentent, pour savoir quand avancer et quand reculer, sans ne jamais créer aucune opportunité pour l’ennemi en retour.

V. De la contenance (chinois : 兵势 ; pinyin : Bīngshì) ;

L’habileté dans le commandement des troupes repose sur un usage créatif et agile de leurs capacités et aptitudes respectives, ainsi que dans la distinction entre ce qui doit être fait en secret et ce qui doit être exécuté ouvertement. Elle consiste à créer des dynamiques et prendre l’ennemi par surprise.

VI. Du plein et du vide (chinois simplifié : 虚实 ; chinois traditionnel : 虛實 ; pinyin : Xūshí)

Les opportunités stratégiques qu’il convient de saisir sont des ouvertures que l’ennemi créé en réaction aux différentes pressions qui sont exercées sur lui ; le champ de bataille est en quelque sorte fluide.

VII. De l’affrontement direct et indirect (chinois simplifié : 军争 ; chinois traditionnel : 軍爭 ; pinyin : Jūnzhēng)

Les affrontements directs, limités ou généraux, sont risqués. L’engagement d’une bataille décisive suppose des préparatifs nombreux de même qu’une excellente connaissance de l’environnement et de l’ennemi. Il existe un certain nombre de stratagèmes relevant de l’affrontement indirect et dont le chef de guerre peut user pour se procurer un avantage face à un ennemi aussi prudent et vaillant que lui.

VIII. Des neuf changements (chinois simplifié : 九变 ; chinois traditionnel : 九變 ; pinyin : Jiǔbiàn)

Les neuf circonstances principales qui doivent engager le chef de guerre à changer la formation ou la disposition de son armée, à changer de situation, à aller ou venir, à attaquer ou défendre, à agir ou se tenir en repos. Les cinq dangers contre lesquels se prémunir : trop grande ardeur à affronter la mort ; trop grande attention à conserver la vie ; la colère précipitée ; les réactions d’orgueil ; trop grande complaisance avec ses soldats.

IX. De la distribution des moyens (chinois simplifié : 行军 ; chinois traditionnel : 行軍 ; pinyin : Xíngjūn)

Les différentes situations dans lesquelles une armée se trouve en progressant en territoire ennemi, et les changements de circonstances auxquels il faut savoir répondre. La clé du succès réside le plus souvent dans l’évaluation des intentions de l’ennemi.

X. De la topographie (chinois : 地形 ; pinyin : Dìxíng)

Les trois types de lieux où établir son campement pour avoir l’avantage sur l’ennemi, et les six manières de tromper ou d’être trompé qui découlent de ces prises de positions.

XI. Des neuf sortes de terrains (chinois : 九地 ; pinyin : Jiǔdì)

Les neuf sortes de théâtres qui peuvent être à l’avantage ou au détriment de l’une ou de l’autre armée : les lieux de division ou de dispersion (à la frontière des positions ennemies) ; les lieux légers (avancés derrière les lignes ennemis) ; les lieux qui peuvent être disputés (qu’il faut prendre ou défendre face à l’ennemi) ; les lieux de réunion (zones de repli que l’ennemi peut aussi envisager comme telles) ; les lieux pleins et unis (qui permettent l’utilisation par les deux armées) ; les lieux à plusieurs issues (à la jonction de plusieurs États et par où les secours de l’une ou l’autre armée peuvent arriver) ; les lieux graves et importants (qui sont situés en territoire ennemi et ont un fort intérêt stratégique) ; les lieux gâtés ou détruits (difficilement praticables) ; les lieux de mort (zones de danger critique).

XII. De l’art d’attaquer par le feu (chinois : 火攻 ; pinyin : Huǒgōng)

Les cinq manières de combattre par le feu : brûler les hommes ; brûler les provisions ; brûler les bagages ; brûler les arsenaux et les magasins ; utiliser des projectiles incendiaires. En cas d’attaque par le feu, il est fondamental de : laisser le feu faire son office plutôt que d’en profiter pour attaquer imprudemment ; ne pas laisser l’ennemi éteindre le feu ; observer les vents pour savoir où démarrer l’incendie ; anticiper les changements dans les vents ; ne pratiquer l’inondation qu’avec parcimonie.

XIII. De la concorde et de la discorde (chinois simplifié : 用间 ; chinois traditionnel : 用間 ; pinyin : Yòngjiàn)

L’utilisation intensive de l’espionnage est le moyen le plus sûr d’exploiter à son avantage les cinq types de discordes : discorde dans les villes et villages, ou comment s’attacher les populations qui sont la domination de l’ennemi ; discorde extérieure, ou comment avoir à son service les officiers ennemis ; discorde entre les inférieurs et les supérieurs, ou comment semer la défiance dans les rangs adverses ; discorde de mort, ou comment faire parvenir à l’ennemi de fausses informations sur l’état de notre armée ; discorde de vie, ou comment rémunérer les ennemis qui font défection pour se mettre à notre service.

Quelques citations

Chapitre I, Vers 18 et 19 : 兵者詭道也。(Bīng zhě guǐdào yě.)

故能而示之不能用而示之不用近而示之遠遠而示之近。(Gù néng ér shì zhī bùnéng yòng ér shì zhī bùyòng jìn ér shì zhī yuǎn yuǎn ér shì zhī jìn.)

« Toute campagne guerrière doit être réglée sur le semblant ; feignez le désordre, ne manquez jamais d’offrir un appât à l’ennemi pour le leurrer, simulez l’infériorité pour encourager son arrogance, sachez attiser son courroux pour mieux le plonger dans la confusion : sa convoitise le lancera sur vous pour s’y briser. »

Ce vers est communément usité en français sous une forme abrégée : « Toute guerre est fondée sur la tromperie. »

Chapitre II, Vers 3 : 久暴師則國用不足。(Jiǔ bào shī zé guó yòng bùzú.)

« On ne saurait tenir les troupes longtemps en campagne, sans porter un très grand préjudice à l’État. »

Ce vers est communément usité en français sous une forme abrégée : « Jamais guerre prolongée ne profita à aucun pays. »

Chapitre III, Vers 2 : 是故百戰百勝非善之善者也不戰而屈人之兵善之善者也。(Shì gù bǎi zhàn bǎishèng fēi shànzhī shàn zhě yě bù zhàn ér qū rén zhī bīng shànzhī shàn zhě yě.)

« Il faut plutôt subjuguer l’ennemi sans donner bataille : ce sera là le cas où plus vous vous élèverez au–dessus du bon, plus vous approcherez de l’incomparable et de l’excellent. »

Ce vers est communément usité en français sous une forme abrégée : « L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat. »

Chapitre III, Vers 18 : 故曰:知彼知己,百戰不殆;不知彼而知己,一勝一負;不知彼,不知己,每戰必殆。(Gù yuē : Zhī bǐ zhījǐ, bǎizhànbùdài ; bùzhī bǐ ér zhījǐ, yī shèngyī fù ; bùzhī bǐ, bù zhījǐ, měi zhàn bì dài.)

« Connais ton ennemi et connais–toi toi–même ; eussiez–vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi–même, tes chances de perdre et de gagner seront égales. Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi–même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites. »

Ce vers se retrouve sous une forme condensée dans un proverbe de la langue chinoise contemporaine : 知己知彼,百戰不殆。 (Zhī jǐ zhī bǐ, bǎi zhàn bù dài.) - « Connais ton ennemi et connais–toi toi–même, tu vaincras cent fois sans péril. »

Postérité

Dans la pensée stratégique occidentale - L’Art de la guerre reste enseigné dans les écoles militaires occidentales, où il fait le plus souvent l’objet d’études comparées avec les canons de la pensée stratégique européenne et nord–américaine, et notamment avec le plus influent d’entre eux : De la guerre, de Carl von Clausewitz.

Il y a, en apparence, un fossé entre C. von Clausewitz et Sun Zi. Le premier vit et écrit dans l’Europe du début du XIXe siècle, tandis que la vie et l’œuvre du second s’inscrivent dans la Chine impériale de l’Antiquité. Alors que De la guerre est un long corpus en prose, L’Art de la guerre se présente sous la forme d’une suite d’aphorismes. Le premier fait près de 600 pages, le second en compte un peu moins de 40. Les deux auteurs présentent en outre des préférences stratégiques différentes, de même que des vues divergentes sur le recours à la tromperie et à l’espionnage.

S’agissant des préférences stratégiques de chacun, il est à noter, d’abord, que Sun Zi érige la victoire sans effusion de sang comme idéal de la stratégie militaire, là où C. von Clausewitz argue que renâcler à l’usage de la force peut équivaloir à laisser l’ascendant à l’adversaire. Ensuite, Sun Zi conçoit la guerre comme la poursuite d’un avantage comparatif, et la victoire comme l’anéantissement de la volonté de se battre chez l’adversaire ; cette stratégie reposant largement sur la maîtrise de l’information et les actions psychologiques. C. von Clausewitz, au contraire, insiste sur les impondérables, les frictions, qui font que les campagnes militaires ne sont jamais aussi efficaces que prévues, et voit en l’anéantissement de l’adversaire le moyen le plus sûr de remporter la victoire.

S’agissant du recours à l’espionnage, Sun Zi peut être considéré comme optimiste, en cela qu’il considère, d’une part, que les actions psychologiques sont le moyen le plus efficace de prendre l’ascendant sur l’adversaire et, d’autre part, qu’une parfaite maîtrise de l’information permet de déterminer à l’avance l’issue d’une campagne militaire. C. von Clausewitz, pour sa part, est de l’avis que les rapports des espions sont le plus souvent au mieux incertains et au pire contradictoires, donc qu’il n’est pas raisonnable de fonder une stratégie militaire sur eux.

Bien que les deux stratèges offrent des regards diamétralement opposés sur la guerre, leurs œuvres demeurent les parangons de la stratégie militaire mondiale et occupent une place centrale dans la formation théorique des praticiens occidentaux. La raison en est, pour partie, qu’elles permettent d’aborder respectivement les notions d’approche indirecte et d’approche directe. L’histoire du XXe siècle montre, en outre, que d’aucuns pourront mettre à profit une lecture croisée des deux traités. Mao Zedong, notamment, s’inspirera d’eux pour vaincre en 1949 et, plus tard, théoriser la guerre révolutionnaire.

Dans la culture populaire

Le groupe de métal suédois Sabaton reprend cette œuvre dans son album Art of War. Il s’agit également d’une des chansons de ce même album. Au sein de celui-ci, chaque chanson comporte une introduction traduite en anglais mais néanmoins tirée du livre. La première piste est d’ailleurs intitulée « Sun Tzu Says ».

L’art de la guerre de Sun Tzu est fréquemment cité dans l’arc 2 « Battle Tendancy » de JoJo’s Bizarre Adventure…….

Consultez la liste des éditions de cette œuvre : L’Art de la guerre.

  • (en) Sun Tzu, The Art of War, préface et introduction par Samuel B. Griffith, Oxford University Press, 1963, nombreuses rééditions. Collection UNESCO d’œuvres représentatives ;
  • Jean Levi, Sun tsu, L’Art de la guerre [archive], Éditions nouveau monde, 2010. Avec interview du traducteur et un article de Philippe Sollers ;
  • Valérie Niquet, L’Art de la guerre de Sun Zi, traduction et édition critique, Éditions Economica, Paris, 1988 ;
  • Jean-François Phelizon, Relire l’Art de la Guerre de Sun Tzu, Éditions Economica, coll. « stratèges et stratégies », Paris, 2008, édition revue et corrigée, (1re éd. 1999) (ISBN 978-2-7178-5580-7) ;
  • Li Zhiqing (dessins) & Li Weimin (scénario), L’art de la guerre de SunTzu, éditions du temps 2004/2007, coll. « Toki » (ISBN 978-2-84274-378-9)). Adaptation en manhua du traité (prix international du manga 2007, décerné par le ministère japonais des affaires étrangères) ;
  • Yann Couderc, Sun Tzu en France, Nuvis, Paris, 2012 ;
  • Yann Couderc, Qui suis-je ? Sun Tzu, Pardès, 2017 ;
  • Pierre Fayard, Comprendre et appliquer Sun Tzu. La pensée stratégique chinoise : une philosophie en action, Éditions Dunod, 2004, (ISBN 2100484966). Approche vulgarisée du traité à travers le choix de 19 stratagèmes classiques chinois ;
  • Valérie Niquet, Les fondements de la stratégie chinoise, Éditions Economica, Paris, 2000.
    Liens externes

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6.
Traité allemand ‘De la guerre’ du général prussien Carl von Clausewitz d’après Wikipédia

‘De la guerre’ (allemand : Vom Kriege) est un traité de stratégie militaire écrit par le général prussien Carl von Clausewitz. Rédigée en majeure partie après les guerres napoléoniennes, entre 1816 et 1830, et laissée inachevée à sa mort en 1831, l’œuvre fut compilée et publiée à titre posthume entre 1832 et 1835 grâce aux soins de sa femme, Marie von Brülh.

De la guerre fait encore l’objet de redécouvertes périodiques. Les stratèges français et allemands avant la Première guerre mondiale ; Lénine et Mao Zedong méditant sur la guerre révolutionnaire ; Raymond Aron se penchant sur la stratégie à l’ère nucléaire : à chaque nouvelle époque stratégique les enseignements de l’écrivain prussien éclairent la théorie militaire. C. von Clausewitz a démontré avec force la compénétration du politique et du militaire dans l’acte de guerre. Sa seconde idée maîtresse est celle de la « guerre absolue » : la dialectique propre à la lutte militaire implique l’ « ascension aux extrêmes » et la recherche de l’anéantissement de l’adversaire. Idées qui n’épuisent pas la richesse d’un ouvrage, De la guerre, qui se signale comme l’un des traités de stratégie militaire les plus influents jamais écrits.

Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/De_la_guerre

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7.
Présentation par ‘1000-idees-de-culture-generale’ de ‘La guerre’ selon Clausewitz

La guerre équivaut à un duel amplifié. Dans De la guerre, Clausewitz la définit comme un acte de violence engagé pour, comme dans un duel, rendre l’adversaire incapable de toute résistance et ainsi le soumettre. Si la violence militaire bénéficie des inventions scientifiques, elle se fixe aussi des restrictions, sans toutefois s’affaiblir.

>> L’art de la guerre selon Sun Tzu sur un post-it

La réalité de la guerre n’est pas conforme à la théorie. Clausewitz affirme que les deux ennemis d’une guerre sont animés par une intention et des passions hostiles qui sont théoriquement susceptibles de les conduire aux extrêmes. Dès lors, l’objectif de chacun des belligérants est de désarmer et de terrasser l’autre. Comme chacun doit, pour ce faire, doser son effort en fonction de la résistance de l’autre, mais que celle-ci est difficile à estimer, les adversaires sont alors d’autant plus entraînés dans une surenchère. Cependant, ces réflexions abstraites ne correspondent pas à la réalité. « Comme les deux adversaires, explique Clausewitz, ne sont plus de purs concepts mais des États et des gouvernements individuels, la guerre n’est plus un déroulement idéal de l’action mais une action qui suit son propre déroulement. C’est alors à la réalité présente de fournir les données qui permettront d’estimer l’inconnu et de prévoir l’avenir » (De la guerre). Plus précisément, la montée aux extrêmes ne se produit pas parce que la guerre n’est jamais un acte isolé ; qu’elle ne consiste pas en une frappe unique et sans durée ; et que son résultat n’est jamais la victoire absolue d’une partie sur l’autre. Clausewitz montre que, dans la réalité, l’effort militaire est régi par les probabilités tirées des données du champ de bataille.

>> La dialectique du maître et de l’esclave de Hegel sur un post-it

Clausewitz insiste sur la finalité nécessairement politique de la guerre

La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. En confrontant la théorie à la réalité, Clausewitz fait réapparaître la nature politique des fins militaires. En pratique, celle-ci s’arrête lorsque le vainqueur est satisfait par ce qu’il a obtenu et qu’il est en mesure d’empêcher le vaincu de se réarmer. Dans le détail, les considérations politiques préconisent son interruption lorsque la supériorité de l’un des belligérants (souvent le défenseur) ne peut plus être renversée ou lorsque la situation ne peut plus être évaluée. Si le hasard et la dimension subjective de la guerre sont comparables à ceux d’un jeu, elle est cependant un moyen sérieux au service d’une fin sérieuse : elle a toujours un motif politique. « Nous voyons donc, écrit Clausewitz, que la guerre n’est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une continuation des relations politiques, un accomplissement de celles-ci par d’autres moyens. Ce qui demeure propre à la guerre relève purement de la nature singulière de ses moyens  » (De la guerre). Ainsi, la politique imprègne toujours l’acte militaire tout entier et l’influence en permanence. Clausewitz précise que plus la fin politique de la guerre est grandiose, plus le conflit sera purement militaire et se rapprochera de sa forme théorique ; en revanche, plus la tension est faible, et plus la guerre sera de nature politique.

>> La politique selon Max Weber sur un post-it 

La guerre se caractérise par sa fin et ses moyens. Clausewitz met en évidence trois objectifs généraux d’un conflit militaire. Il s’agit, en premier lieu, de détruire les forces armées de l’adversaire, c’est-à-dire de les rendre incapables de poursuivre le combat. Ensuite, il est nécessaire de conquérir le territoire pour y empêcher la formation d’une nouvelle armée. « Mais ces deux choses faites, ajoute Clausewitz, la guerre – c’est-à-dire la tension et l’action ennemies des forces hostiles – n’est pas achevée si la volonté de l’ennemi n’est pas également jugulée, c’est-à-dire si son gouvernement et ses alliés ne sont pas contraints à signer la paix ou le peuple forcé à se soumettre » (De la guerre). Pour autant, l’issue et le règlement ne sont pas toujours parfaits, car la conclusion de la paix ne parvient pas forcément à éteindre les dernières braises ardentes de l’hostilité. Clausewitz montre que la paix devient un objectif satisfaisant dans deux types de circonstances : lorsque le succès semble très improbable, ou lorsque son prix paraît trop élevé. Ce sont ces deux facteurs qui doivent guider chaque belligérant dans l’optimisation de ses forces militaires : influer, avant même de combattre, sur le calcul de probabilités de l’adversaire (par exemple, en s’adjoignant des alliés et en cassant les alliances adverses) ; se concentrer sur les objectifs qui lui coûteront le plus ; infliger un dommage considérable à ses territoires ; ou encore, l’user par le combat.

>> La machiavélisme de Machiavel sur un post-it

Sourcs : https://1000-idees-de-culture-generale.fr/guerre-clausewitz/

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8.
Sun Tzu et Clausewitz : les différences de fond Publié le 25 janvier 2013Représentation des deux personnages

Quelles différences entre Sun Tzu et Clausewitz ?

Nous allons dans ce billet nous intéresser à l’impression générale que dégage la lecture de chacun des traités de stratégie.

L’art de la guerre est un ouvrage à utilité opérationnelle immédiate. Il se présente un peu comme un livre de recettes, où à telle situation doit correspondre telle manœuvre. Bien sûr, il est également parfois nécessaire de creuser un peu le propos pour en dégager la véritable idée – l’existence de ce blog en témoigne. De la guerre est un ouvrage différent : l’ambition de Clausewitz était de développer une théorie scientifique de la guerre.

De cette théorie découlaient certains principes pratiques, mais ce n’était pas le centre de l’ouvrage. Ainsi, alors que Clausewitz tente une introspection au terme de laquelle il met à jour concepts et théories, Sun Tzu s’attache davantage à définir une pensée stratégique à proprement parler, voire une méthode. Il pense l’action, Clausewitz la comprend. Les démarches diffèrent donc radicalement. Hervé Coutau-Bégarie est sur ce point catégorique :

« Clausewitz a produit une théorie de la guerre articulée dans ses moindres détails, donc infiniment plus profonde que les simples pistes de réflexion proposées par Sun Tzu. »[1]

Nous pouvons toutefois considérer que si Clausewitz considère la guerre comme une science, mettant à jour un objet d’étude, Sun Tzu l’envisage plutôt comme un art, définissant ainsi une méthode stratégique. Pour Sun Tzu, toute bataille est en effet une recréation (« Un général ne cherche pas à rééditer ses exploits, mais s’emploie à répondre par son dispositif à l’infinie variété des circonstances », chapitre 6). 

Toutefois, tout n’est pas que mécanique chez Clausewitz : pour ce dernier, le mécanisme induit du principe de déséquilibre (nous y reviendrons dans le prochain billet) obéit à des règles certes étroites dans leur structure, mais au final très propices à la créativité et à la liberté de l’esprit ; le stratège est ainsi guidé sans être contraint.

Toujours sur la forme, Sun Tzu se réfère à des formes et à des niveaux de violence encore acceptables pour la psyché humaine : le guerrier y combat ses semblables à armes égales et l’intelligence, le courage physique et les valeurs morales font la différence. Cette conception est moralement considérée de nos jours en Occident comme une guerre à visage humain.

À l’inverse, Clausewitz serait le symbole de la guerre de masse et du massacre mécanisé et généralisé des XIXe et XXe siècles. Cet aspect pourrait être une des raisons de l’attrait de Sun Tzu par rapport à la « violence » de Clausewitz.

Pour conclure, nous pouvons observer que Clausewitz comme Sun Tzu évolue dans un monde où les anciennes conventions guerrières ont disparu. L’Europe de la Révolution et de l’Empire et la Chine des Royaumes Combattants ont ceci en commun que le monde policé de la guerre féodale est définitivement mort : c’est la guerre totale qui règne en maître, et l’objectif ultime est la domination globale. Toutefois, il est intéressant d’observer que là où le style de guerre napoléonien décortiqué par Clausewitz rompait avec l’ancien système de ruses et de stratagèmes, Sun Tzu au contraire est le héraut de ces procédés comme moyen de parvenir à ces fins.

[1] Hervé Coutau-Bégarie, Clausewitz au XXIe siècle, in De la guerre ? Clausewitz et la pensée stratégique contemporaine, éditions Economica, 2008, recueil de textes effectué sous la direction de Laure Bardiès et Martin Motte, p. 494.

Source de l’image : Infographie de l’auteur - Ce contenu a été publié dans Etudes générales sur le traité par Yann Couderc, et marqué avec Clausewitz 2013. Mettez-le en favori avec son permalien. Source : https://suntzufrance.fr/sun-tzu-et-clausewitz-les-differences-de-fond/

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9.
Joseph-Marie Amiot d’après Wikipédia

Gravure - Le père Joseph-Marie Amiot, jésuite et mandarin

Données clés
Naissance 8 février 1718

Toulon (France)

Décès 8 octobre 1793 (à 75 ans)

Pékin (Chine)

Nationalité française
Pays de résidence Empire de Chine
Profession Missionnaire jésuite
Activité principale Astronome, écrivain
Autres activités Sinologie, Histoire de Chine
Formation Philosophie et théologie, langue mandchoue

Compléments

Amiot fut le dernier survivant de la mission jésuite en Chine

Joseph-Marie Amiot, né le 8 février 1718 à Toulon (France) et décédé le 8 octobre 1793 à Pékin (Chine), est un prêtre jésuite, astronome et historien français, missionnaire en Chine. Il fut l’un des derniers survivants de la Mission jésuite en Chine1.

Premières années et formation

Amiot entra au noviciat de la Compagnie de Jésus à Avignon en 1737, et fut ordonné prêtre le 21 décembre 1746 à Lyon. Durant sa formation il avait demandé à être envoyé comme missionnaire en Chine. Cela lui fut accordé, et, en compagnie de deux novices (jésuites) chinois, il quitta le port de Lorient (France) en décembre 1749 pour arriver à Macao le 27 juillet 1750. L’année suivante il monta à Pékin où il entra le 22 août 1751. Il y resta jusqu’à sa mort, en 1793.

Atmosphère politique changée

Si les hommes de science et les intellectuels de l’Ouest étaient toujours les bienvenus à la cour impériale, l’atmosphère en Chine n’était plus ce qu’elle était au temps des Matteo Ricci, Ferdinand Verbiest et autres pionniers. Le christianisme y avait été interdit, et des persécutions avaient périodiquement lieu. Les jésuites résidant à la cour (dont Amiot) espéraient que leur présence et leur travail pour l’empereur permettraient une réhabilitation du christianisme ou du moins le rétablissement de la liberté religieuse.

Langues et activités scientifiques

Amiot étudia le chinois et le mandchou (alors langue officielle imposée par la dynastie Qing au pouvoir). Il est l’auteur d’une grammaire et dictionnaire mandchou. En fait il se passionna pour tout ce qui était chinois : coutumes, langues et dialectes, histoire et musique. Il prit à son service un jeune Chinois qu’il forma aux méthodes scientifiques européennes et c’est avec lui que pendant 31 ans il publia ses écrits.

Outre le travail habituel de la publication des bulletins astronomiques Amiot poussa la recherche dans le domaine du magnétisme et s’occupa de la formation d’hommes de science chinois.

Il a par ailleurs traduit et introduit en Europe en 1772 le livre, considéré comme fondateur de la stratégie, l’Art de la guerre de Sun Zi, sous le titre les treize articles.

Musique chinoise

En 1754 il envoie en France un mémoire, non signé, non daté, demeuré inédit, De la Musique moderne des Chinois, qu’il dit compléter par un autre envoi, perdu, sur la Musique que les Chinois cultivaient anciennement2. En 1779 ses Divertissements chinois, non édités, consistent en musiques notées à la chinoise et transcrites selon une notation mixte sur une portée. Quarante-et-un airs auraient dû être ainsi mis à la disposition de l’amateur européen. Des études ont montré qu’il ne s’agit pas de transcriptions d’oreille faites par un européen qui les auraient entendues, mais bien de partitions écrites en usage à la cour mandchoue. Il n’a pas été possible de retrouver le recueil qui servit de source à Amiot, et ses Divertissements constituent un témoignage précieux de la musique et de la danse chinoise de l’époque.

Tragiques développements

Comme beaucoup de membres de la Mission jésuite en Chine, Amiot a contribué à faire connaître la culture chinoise en Europe, même si cela n’était pas l’objectif premier de sa présence à Pékin. Avec ses compagnons jésuites Antoine Gaubil et Michel Benoist, il cherchait à obtenir un nouveau droit de cité pour la religion chrétienne et le retour de missionnaires en Chine. Il n’y réussit pas.

De plus, les nouvelles venant d’Europe étaient dramatiques. La Compagnie de Jésus était bannie de France en 1764. Amiot obtint alors de Henri Bertin, ministre d’État avec lequel il était en correspondance, que le roi de France, à titre personnel finance le travail des jésuites français à Pékin. Neuf ans plus tard, en 1773 la Compagnie de Jésus était supprimée par Clément XIV. Pour sauver ce qui restait de la Mission jésuite de Chine, Amiot obtint que les Lazaristes prennent leur place. Tout cela fut balayé par la Révolution française de 1789. Amiot fut ensuite profondément troublé lorsqu’il apprit que le roi Louis XVI avait été exécuté. Il semble bien qu’Amiot mourut le jour même où on l’informa de cette nouvelle : il célébra une messe pour le roi et mourut dans la nuit du 8 octobre 1793. Avec lui disparaissait le dernier jésuite de la grande épopée de la Mission jésuite en Chine. Sa stèle funéraire se trouve dans les jardins du temple bouddhiste Wutasi, ou temple des Cinq pagodes3.

Quelques œuvres

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Éloge de la ville de Moukden, trad. du chinois, 1770 ;
  • Art militaire des Chinois d’après L’Art de la guerre de Sun Tzu, en 1772 ; plusieurs ouvrages sur la Typographie et la Musique des Chinois ;
  • Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs et les usages des Chinois (par les missionnaires de Pékin), 15 vol., Paris, 1776-1789. tome 3 numérisé par Google [archive] tome 5 BNF [archive]
  • Mémoire de la Musique des Chinois tant anciens que modernes, envoyé en 1776, (Vol. VI des Mémoires, publié par l’abbé Roussier en 1779).
  • Divertissements ou concerts de musique chinoise, en deux fois trois cahiers, accompagnés d’un cahier de musique sacrée (prières catholiques en chinois mis en musique, envoyés à Mr. Bignon, bibliothécaire du Roi, demeurés inédits.
  • Vie de Confucius (formant le tome XII des Mémoires sur les Chinois) ;
  • Dictionnaire tatar-mandchou-français (2 vol.), Paris, 1789
  • Grammaire de la langue tatare-mantchoue.
    Sources et bibliographie
  • CD « Jésuites et courtisanes » & « Concert baroque à la cité interdite » par l’Ensemble baroque XVIII-21, dir. Jean-Christophe Frisch
  • Jean-Marie Amiot. Messe des Jésuites de Pékin = Mass of the Jesuits in Beijing. Ensemble Meihua Fleur de Prunus et Chœur du Centre catholique chinois de Paris, dir. François Picard, Ensemble XVIII-21, dir. Jean-Christophe Frisch. 1 CD Auvidis-Astrée, 1998. Réédition Naïve, 2007.
    Ce disque contient aussi la messe Psallite Domino d’Ambleville, présentée comme une pièce qui aurait pu être chantée dans la mission jésuite de Pékin à cette époque.
  • Camille de Rochemonteix, Joseph Amiot et les derniers survivants de la mission française de Pékin, Picard, 1915
  • Jim LEVY, ’Joseph Amiot and Enlightenment Speculation on the Origins of Pythagorean Tuning’, ’’’THEORIA,_University_of_North_Texas_Journal_of_Music_Theory’’’, Denton, 1989, 4 : 63-88.
  • Michel HERMANS, ’Joseph-Marie Amiot. Une figure de la rencontre de ’l’autre’ au temps des lumières’, in : Yves LENOIR et Nicolas STANDAERT (éds), Les Danses rituelles chinoises d’après Joseph-Marie Amiot, Namur-Bruxelles, Presses universitaires de Namur-Éditions Lessius, 2005, pp. 11-77.
    Voir l’article complet avec les liens externes, notes et références à la source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph-Marie_Amiot

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10.
Le père Amiot a-t-il réellement traduit Sun Tzu ? Publié le 4 mars 2012

Illustration - Les treize articles de Sun-Tse, 1772

Si le père Amiot a l’incontestable mérite d’avoir compris l’importance des Treize articles de Sun-Tse (titre qu’il avait donné à sa traduction de L’art de la guerre), le texte qu’il nous a livré se révèle relativement éloigné des traductions modernes. La différence saute aux yeux dès le premier regard : alors qu’une traduction moderne comme celle de Jean Lévi[1] compte 577 mots pour le premier chapitre, celle du père Amiot en utilise plus du double : 1204 !

La raison principale en est donnée par le père Amiot lui-même : « J’entrepris [ …] non pas de traduire littéralement, mais de donner une idée de la manière dont les meilleurs auteurs chinois parlent de la guerre, d’expliquer d’après eux leurs préceptes militaires, en conservant leur style autant qu’il m’a été possible, sans défigurer notre langue, et en donnant quelque jour à leurs idées, lorsqu’elles étaient enveloppées dans les ténèbres de la métaphore, de l’amphibologie, de l’énigme ou de l’obscurité. »[2]

A titre d’exemple des ajouts effectués par le jésuite, le chapitre 5 commence ainsi :

« Sun-Tse dit : Ayez les noms de tous les officiers tant généraux que subalternes ; inscrivez-les dans un catalogue à part, avec la note des talents et de la capacité de chacun d’eux, afin de pouvoir les employer avec avantage lorsque l’occasion en sera venue. Faites en sorte que tous ceux que vous devez commander soient persuadés que votre principale attention est de les préserver de tout dommage. »

Ce commandement ne se retrouve dans aucune traduction moderne[3]. Pire : il est en complète opposition avec l’esprit de Sun Tzu qui au contraire recommande de placer les hommes dans des situations désespérées pour les obliger à se battre avec l’énergie du désespoir :

« On les jette dans une situation sans issue, de sorte que, ne pouvant trouver le salut dans la fuite, il leur faut défendre chèrement leur vie. […] Quand il mène ses hommes au combat, c’est comme si [le général] leur retirait l’échelle sous les pieds après les avoir fait grimper en haut d’un mur. » (chapitre 11, traduction de Jean Lévi)

De même, à maints endroits, les propos de Sun Tzu se révèlent particulièrement dénaturés. Ainsi lorsque le père Amiot traduit au chapitre 6 :

« Si, lorsque [les bataillons ennemis] prennent la fuite, ou qu’ils retournent sur leurs pas, ils usent d’une extrême diligence et marchent en bon ordre, ne tentez pas de les poursuivre ; ou, si vous les poursuivez, que ce ne soit jamais ni trop loin, ni dans les pays inconnus. »

L’idée rendue par les traducteurs modernes est tout autre : là où le père Amiot explique la conduite à tenir face à un ennemi qui fuit, les autres traductions n’évoquent que le fait de savoir se replier rapidement :

« [Le parfait chef de guerre] se retire sans que [l’adversaire] puisse le poursuivre, tant ses mouvements sont rapides. »

Ces différences de sens fondamentales peuvent en partie s’expliquer par le fait que le père Amiot utilisait comme texte de référence une traduction de seconde main mandchoue -et non chinoise. Le texte original, en ancien chinois, lui restait en effet trop difficile de compréhension.

Mais bien au-delà de ces difficultés de traduction, la volonté du jésuite d’adapter les préceptes de Sun Tzu à la morale chrétienne était omniprésente. Parfois, il plaçait des commentaires en notes de bas de page clairement distincts du texte. Par exemple au chapitre 8 :

« Il n’est pas nécessaire que je dise ici que je désapprouve tout ce que dit l’auteur à l’occasion des artifices et des ruses. Cette politique, mauvaise en elle-même, ne doit avoir aucun lieu parmi des troupes bien réglées. »

Malheureusement, il lui arrivait aussi bien souvent d’incorporer directement dans le texte, sans que cela soit décelable, ce qui selon lui devrait être. Ainsi, au chapitre 11, là où les traducteurs contemporains traduisent :

« On pourvoit aux besoins en nourriture des troupes en pillant les campagnes fertiles. »

Le père Amiot donnait une injonction toute autre :

« Procurez-vous pacifiquement tous les secours dont vous aurez besoin ; n’employez la force que lorsque les autres voies auront été inutiles ; faites en sorte que les habitants des villages et de la campagne puissent trouver leurs intérêts à venir d’eux-mêmes vous offrir leurs denrées. »

Aussi, excepté pour l’historien désireux de connaître l’unique texte en vigueur durant deux siècles, cette traduction du père Amiot se voit donc aujourd’hui largement supplantée par celles « modernes » parues durant les deux dernières décennies, autrement plus fidèles au texte de Sun Tzu.

De manière paradoxale, il est amusant de constater que le père Amiot redoutait lui-même l’altération des textes originaux. Ainsi, il paraphait chacune des pages de traduction qu’il envoyait en France, car, écrivait-il :

« Il est arrivé plus d’une fois que sous prétexte de corriger ou de donner une nouvelle forme aux ouvrages qu’on reçoit des pays si éloignés, on les a tronqués ou défigurés, soit en retranchant ce qu’il fallait conserver, soit enfin en voulant donner le tout à sa manière, qu’on croit préférable à celle des auteurs ; […] Il me semble qu’on devrait se conduire à l’égard des écrits qui viennent de loin, comme on se conduit à l’égard des ouvrages qui sont déjà surannés et qu’on veut rajeunir : on ne se permet d’autres changements que ceux qui ont rapport aux expressions et au style. »[4]

Ainsi, pour attractives que puissent être les versions basées sur le texte du père Amiot car libres de droits (théoriquement), il est prudent de s’en écarter, excepté pour la personne réellement désireuse d’avoir une connaissance universitaire et historique de L’art de la guerre. Si en librairie de bien meilleures traductions sont aisément disponibles[5], les livres numériques sont en revanche à notre connaissance malheureusement tous basés sur une des versions du père Amiot.

Corollaire conclusif : L’art de la guerre ne se lit pas en numérique…

[1] Toutes les citations de cet article désignées comme « modernes » se basent sur la traduction de Jean Lévi : Sun Tzu, L’art de la guerre, éditions Hachette, 2000.

[2] Discours du traducteur in Art militaire des Chinois, 1772.

[3] Exceptée celle d’Alexis Lavis, mais à la raison que sa traduction était en fait particulièrement « inspirée » du texte du père Amiot…

[4] Propos du père Amiot rapporté par M. Deguignes dans son Avis préliminaire à l’Art militaire des Chinois.

[5] Nous recommandons pour notre part celle de Jean Lévi suscitée.

Source de l’image : photo de l’auteur

Ce contenu a été publié dans Etudes générales sur le traité par Yann Couderc, et marqué avec Amiot, Traduction. Mettez-le en favori avec son permalien.

Ce site est un carnet de réflexions (décousues et parfois livrées en vrac) sur L’art de la guerre de Sun Tzu. Le lecteur intéressé par une thématique précise aura donc tout intérêt à utiliser la barre de recherche ci-dessus.
Plus de précisions ?

Télécharger L’art de la guerre de Sun Tzu

Les versions numériques gratuites de L’Art de la guerre abondent sur Internet, aucune n’est de bonne qualité et toutes s’écartent grandement du véritable texte de Sun Tzu. Du côté des e-books payants, une unique version s’avère satisfaisante : celle de Jean Lévi.
Plus de précisions ici.

Source ! https://suntzufrance.fr/le-pere-amiot-a-t-il-reellement-traduit-sun-tzu/

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11.
De l’imposture des traductions dites « du père Amiot » Publié le 13 février 2012

Gravure - Le père Amiot

La traduction du père Amiot, toute première hors du monde asiatique, paraît en 1772. Libre de droits, toutes les éditions de L’art de la guerre à petit prix y recourent. Cette traduction est également celle que l’on trouve dans les différents recueils de textes stratégiques ou en format numérique (Kindle et autres).

Sauf qu’il s’agit d’une tromperie : à l’exception de deux cas particuliers[1], aucun de ces textes n’est réellement celui du père Amiot. Le plus ancien utilisé remonte à 1948, tandis que le plus récent est une composition datant de 2009 !

L’étude des traductions disponibles se réclamant « du père Amiot » fait apparaître trois textes différents : celui de Lucien Nachin (1948), celui de l’Impensé radical (1971) et celui de Gabriel Lechevallier (2009). En prenant l’exemple des livres papiers actuellement disponibles, l’édition des Presses Pocket se base sur le texte de Lucien Nachin, celle des 1001 nuits sur celui de l’Impensé radical, et celle des éditions de Vecchi sur celui de Gabriel Lechevallier.

Les versions sont-elles réellement différentes ?

Les écarts avec le texte de 1772 sont loin de se cantonner à une remise en forme en français moderne. Comparons à titre d’exemple le tout début du traité :

Texte de 1772

Lucien Nachin

Impensé radical 

Gabriel Lechevallier 

Article premier

Fondements de l’Art Militaire

Article premier

Fondements de l’art militaire

Article premier

De l’évaluation

De l’évaluation du conflit
Sun-Tse dit : les troupes sont la grande affaire d’un État ; Sun Tse dit : L’art de la guerre et l’organisation des troupes sont d’une importance vitale pour l’État. Sun Tse dit : La guerre est d’une importance vitale pour l’État. La guerre est d’une importance vitale pour l’Etat.
c’est d’elles que dépend la vie ou la mort des Sujets, l’agrandissement ou la décadence de l’Empire. La vie et la mort des sujets en dépendent ainsi que la conservation, l’agrandissement ou la décadence de l’Empire. C’est le domaine de la vie et de la mort : la conservation ou la perte de l’empire en dépendent ; il est impérieux de le bien régler. Sa mort ou sa survie en dépendent. Il est indispensable de ne s’y engager qu’après une longue réflexion.

Certes, l’idée générale est ici globalement conservée, mais nous voyons bien que les textes présentés sont au final réellement différents. De façon plus parlante, un simple comptage du nombre de mots du premier chapitre donne[2] :

  • 1204 pour le père Amiot
  • 1061 pour Lucien Nachin
  • 1360 pour l’Impensé radical
  • 771 Gabriel Lechevallier
    Pourquoi ces différences ?

Lucien Nachin est colonel en retraite lorsqu’il fait paraître en 1948 une version remaniée par ses soins[3] du texte du père Amiot dans le cadre d’un travail systématique de redécouverte des grands classiques de l’art militaire. Il justifiait ainsi son apport :

« Certaines expressions, en vieillissant, ont perdu de leur vigueur ; d’autres sont devenues désuètes ; pour la clarté, quelques-unes doivent céder la place à des termes plus modernes et dont le sens est admis par tous. Dans l’établissement du texte, il a paru qu’un livre destiné non seulement aux officiers, mais encore à toutes les personnes qui s’intéressent aux questions militaires, devait se tenir à égale distance d’un laconisme qui le rendrait hermétique et d’une abondance qui dénaturerait la pensée primitive. »

Le collectif ayant publié chez l’Impensé radical en 1971[4] n’a quant à lui fourni aucune explication concernant son besoin de remaniement du texte du père Amiot. Pour autant, leur contribution va bien au-delà de la simple ré-écriture du texte en français modernisé, car elle s’est enrichie de la consultation de nombreuses autres versions en langues étrangères (d’où l’augmentation du nombre total de mots). Ainsi, alors que le premier chapitre du père Amiot se termine par :

« Telles sont en général les réflexions que ma propre expérience m’a dictées, et que je me fais un devoir de vous communiquer. »

Celui de l’Impensé radical donne :

« Que chacun se représente les évaluations faites dans le temple, avant les hostilités, comme des mesures : elles disent la victoire lorsqu’elles démontrent que votre force est supérieure à celle de l’ennemi ; elles indiquent la défaite lorsqu’elles démontrent qu’il est inférieur en force. Considérez qu’avec de nombreux calculs on peut remporter la victoire, redoutez leur insuffisance. Combien celui qui n’en fait point a peu de chances de gagner ! C’est grâce à cette méthode que j’examine la situation, et l’issue apparaîtra clairement. »

Outre la phrase dans son ensemble, cette notion de « temple » est totalement absente chez le père Amiot, mais est présente dans toutes les traductions modernes, comme celle de Jean Lévi :

« La victoire est certaine quand les supputations élaborées dans le temple ancestral avant l’ouverture des hostilités donnent un avantage dans la plupart des domaines ; dans le cas contraire, si on ne l’emporte que dans quelques-uns, on va au-devant d’une défaite. Ainsi, qui additionne de nombreux atouts sera victorieux, qui en a peu sera vaincu, que dire de ceux qui n’en ont aucun ! C’est par ces considérations qu’il m’est possible de prévoir à coup sûr l’issue du combat. »

On le voit, la version de l’Impensé radical dépasse largement le cadre de la simple modernisation du texte.

Enfin, en 2009, Gabriel Lechevallier (pseudonyme de Pierre Ripert) publiait un ouvrage intitulé Décoder & comprendre L’art de la guerre, également censé se baser sur le texte du père Amiot. En réalité, Gabriel Lechevallier avait repris le texte de l’Impensé radical et l’avait largement remanié et simplifié (passage de 1360 à 771 mots…) afin de le rendre, selon lui, plus lisible :

« Les citations du présent ouvrage sont tirées de la traduction de Joseph-Marie Amiot. […] Certains paragraphes des Treize articles ont été réduits, ou supprimés : Sun Tzu, en bon pédagogue, y répète à plusieurs reprises la même leçon. »

En conclusion, à l’exception de deux cas particuliers cités précédemment[1], aucune des traductions se réclamant aujourd’hui « du père Amiot » n’est authentique. Les textes proposés peuvent avoir trois origines : Lucien Nachin (1948), l’Impensé radical (1971) ou, plus récemment, Gabriel Lechevallier (2009). Ces versions du texte ne relèvent donc absolument pas du domaine public. Mais comme ni les descendants de Lucien Nachin, ni un membre du collectif de l’Impensé radical ne sont venus réclamer leurs droits, la diffusion de ces versions continue à se propager et s’amplifier : chaque nouvel entrant éditeur cherchant une version libre de droits qu’il s’empresse de reproduire.

[1] Les deux seuls ouvrages où le texte original de la traduction du père Amiot est utilisé sont celui d’Adrien Beaulieu et le fac-similé des éditions Nabu Press. Au format numérique, Les treize articles peuvent également se trouver sur Gallica ou Google Livres, ou sur le site Chine Ancienne.

[2] Pour information, la traduction de Jean Lévi, à notre sens la plus juste, ne comporte que 577 mots…

[3] Lucien Nachin avait notamment pris en compte la traduction anglaise de Lionel Giles de 1910.

[4] Ce collectif était composé de Monique Beuzit, Roberto Cacérès, Paul Maman, Luc Thanassecos et Tran Ngoc An.

Source de l’image

Ce contenu a été publié dans Etudes générales sur le traité par Yann Couderc, et marqué avec Amiot, Traduction. Mettez-le en favori avec son permalien.

https://suntzufrance.fr/de-limposture-des-traductions-dites-du-pere-amiot/

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12.
Accès à des archives sur les traductions de Père Amiot

L’Art de la guerre, traduit par le père Amiot Publié le 12 septembre 2018

Reproduction - La véritable traduction du père Amiot

Une version de L’Art de la guerre traduit par le père Amiot vient de paraitre aux éditions… Amiot ! Quelle différence avec la masse de traductions en vente – ou en accès libre – se réclamant elles aussi du jésuite ?

Les lecteurs assidus de ce blog le savent : la quasi-totalité des versions numériques, et une grande partie des éditions papier, de L’Art de la guerre se revendiquent être des « traductions du père Amiot ». La raison en est que cette version ayant été publiée en 1772 (le père Amiot était un jésuite missionnaire en Chine sous Louis XV), elle est libre de droits. Or, la grande majorité de ces textes ne sont pas réellement du père Amiot, mais relèvent en fait d’un groupe de personnes ayant fait paraitre leur texte en 1971 aux éditions de L’impensé radical. Ce nouveau texte, théoriquement non libre de droits, est relativement éloigné de la traduction qu’avait réalisée le père Amiot, même si l’ayant pris pour base de composition.

Aussi, en réaction à cette erreur massivement diffusée et qui s’auto-entretient (il sort environ une nouvelle édition « du père Amiot » chaque mois), nous avons décidé de publier la véritable traduction du père Amiot. Nous en avons profité pour compléter l’ouvrage de précisions sur l’histoire de cette traduction (qui était le père Amiot ? pourquoi a-t-il traduit ce texte ? comment le traité a-t-il été reçu en France lors de sa sortie ? quelle suite a été donnée à cette traduction ? etc.). Nous avons également fait figurer une étude des divergences du texte livré par le père Amiot avec le véritable traité de Sun Tzu. Enfin, nous dressons un constat des différences existant entre les versions se réclamant du père Amiot (celle de L’impensé radical et celle de Lucien Nachin) et l’original du jésuite.
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La version la plus diffusée de L’art de la guerre n’est pas celle que l’on croit Publié le 28 novembre 2015

Reproduction - Le fautif : le texte publié par L’impensé radical, dans sa version de 1978

Nous avions vu que les traductions de L’art de la guerre se revendiquant du père Amiot peuvent en réalité correspondre à quatre textes différents. Le plus diffusé d’entre eux est celui de L’impensé radical : il représente plus de 95 % de ces traductions dites « du père Amiot », ainsi que la quasi-totalité des versions numériques – à commencer par celle de Wikimédia – et les deux versions audio disponibles à ce jour.

Dès le début, les personnes à l’origine de ce texte se montrèrent relativement discrètes, nous amenant à désigner le travail réalisé par le simple nom de la maison d’édition : « L’impensé radical ». La page de garde de la version parue en 1971 indiquait en effet seulement « Edition préparée par Monique Beuzit, Roberto Cacérès, Paul Maman, Luc Thanassecos et Tran Ngoc An ». Aucune autre mention de ces « auteurs » n’était faite par la suite (à l’exception de Tran Ngoc An, cité pour avoir « collationné à Tokyo les éditions japonaises de L’art de la guerre »). Nous ne disposons d’aucun renseignement concernant ces protagonistes – excepté Luc Thanassecos, qui devrait faire l’objet du prochain billet. Ils étaient peut-être étudiants rue d’Ulm à ce moment-là, mais nos recherches sommaires ne nous ont pas permis d’en retrouver la trace. Nous serions au passage très reconnaissants à qui pourra nous mettre sur la piste d’une de ces personnes (qui ne doivent plus être très jeunes : cela fait maintenant 45 ans que l’ouvrage est sorti…).

Si la mention de ces « auteurs » était déjà relativement discrète en 1971, elle disparut totalement de l’édition de 1978 ! Le nom même du père Amiot se trouva relégué au seul emplacement des mentions de copyright. Les raisons de cette éclipse, pour le moins cavalière, nous sont inconnues.

Ce texte de copyright était d’ailleurs relativement flou sur l’importance des modifications apportées au texte du jésuite :

« Edition refondue et augmentée tirée de la version établie en 1772 par le Père de la Compagnie de Jésus J.-J.-M. AMIOT (1718-1794) ».

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L’impensé radical n’a pas reproduit le texte du père Amiot Publié le 22 novembre 2015

Reproduction - N’en déplaise à l’éditeur, ce texte n’est pas du père Amiot - [Note : la couleur est nécessaire pour lire ce texte.]

Après avoir étudié les différences existant entre le texte originel du père Amiot et sa déclinaison par Lucien Nachin en 1948, étudions maintenant la reprise que fit L’impensé radical en 1971.

Le substrat est indubitablement le texte du jésuite : s’il se trouve bien quelques maximes reformulées, sans doute pour apparaitre dans un français plus contemporain, il ne s’agit toutefois ici que de modifications sporadiques, sans rapport avec l’ampleur des changements opérées par Lucien Nachin. Le texte de base est sensiblement identique à celui de 1772.

« De base », car il se voit affublé de nombreux ajouts d’origines diverses. Une partie provient d’insertions dans le corps du texte de commentaires que le père Amiot faisait figurer en notes de bas de page. Par exemple, au chapitre 11, alors que le texte originel de 1772 était :

Veillez en particulier avec une extrême attention à ce qu’on ne sème pas de faux bruits, coupez racine aux plaintes, aux murmures, ne permettez pas qu’on tire des augures sinistres de tout ce qui peut arriver d’extraordinaire ; aimez vos troupes, procurez-leur tous les secours, tous les avantages, toutes les commodités dont elles peuvent avoir besoin.

… celui de L’impensé radical devient :

Veillez en particulier avec une extrême attention à ce qu’on ne sème pas de faux bruits, coupez racine aux plaintes et aux murmures, ne permettez pas qu’on tire des augures sinistres de tout ce qui peut arriver d’extraordinaire. Si les devins ou les astrologues de l’armée ont prédit le bonheur, tenez-vous-en à leur décision ; s’ils parlent avec obscurité, interprétez en bien ; s’ils hésitent, ou qu’ils ne disent pas des choses avantageuses, ne les écoutez pas, faites-les taire. Aimez vos troupes, et procurez-leur tous les secours, tous les avantages, toutes les commodités dont elles peuvent avoir besoin.

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La version de Lucien Nachin n’est pas celle du père Amiot Publié le 1 novembre 2015

Reproduction - Un texte que l’on trouve aujourd’hui estampillé « traduit par le père Amiot » mais qui ne l’était pourtant pas lors de sa sortie en 1948

En 1948 paraissait un ouvrage intitulé Sun Tse et les anciens Chinois. La page de garde indiquait « présentés et annotés par Lucien Nachin » et, en dehors de l’introduction, nulle mention n’était faite du père Amiot. Et pour cause : le texte présenté ici était fort différent de celui paru en 1772.

Nous avions précédemment constaté que la version de Lucien Nachin était 20 % moins longue que l’original du père Amiot (19 190 mots contre 24 969). La raison en est que l’ancien militaire élaguait ce qu’il jugeait inutile ou redondant. Le chapitre 11 s’achève par exemple ainsi :

Père Amiot : « Avant que la campagne soit commencée, soyez comme une jeune fille qui ne sort pas de la maison ; elle s’occupe des affaires du ménage, elle a soin de tout préparer, elle voit tout, elle entend tout, elle fait tout, elle ne se mêle d’aucune affaire en apparence. La campagne une fois commencée, vous devez avoir la promptitude d’un lièvre qui, se trouvant poursuivi par des chasseurs, tâcherait, par mille détours, de trouver enfin son gîte, pour s’y réfugier en sureté. »

Lucien Nachin : « Quand la campagne n’est pas commencée, soyez comme une jeune fille dans sa maison. Quand la campagne est entamée, ayez du lièvre la promptitude et l’ennemi ne pourra tenir devant vous. »

Au-delà de cette compression, Lucien Nachin a surtout reformulé une grande partie du texte de 1772 :

« Certaines expressions, en vieillissant, ont perdu de leur vigueur ; d’autres sont devenues désuètes ; pour la clarté, quelques-unes doivent céder la place à des termes plus modernes et dont le sens est admis par tous. » (Introduction de Lucien Nachin à l’édition de 1948)

La « modernisation » est loin d’être anodine pour le texte. Comparons, à titre d’exemple, la fin du chapitre 1 pour les deux versions : Continuer la lecture

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« Traduction du père Amiot » : de quoi parle-t-on ? Publié le 25 octobre 2015

Reproduction - Pierre tombale du père Amiot, en Chine. 200 ans après sa mort, le jésuite publiait toujours de nouveaux textes…

L’intégralité des versions de L’art de la guerre disponibles gratuitement, et une bonne partie des payantes, affirment être des traductions du père Amiot. Ce n’est pourtant le cas que d’un très petit nombre d’entre elles, toutes les autres étant des textes produits à partir de la version de 1772, mais s’en éloignant au final suffisamment pour que l’on ne puisse plus considérer qu’il s’agisse du même texte. Trois voire quatre textes différents se réclament ainsi « du père Amiot ».

Le premier est l’original. Continuer la lecture - Publié dans Etudes générales sur le traité | Marqué avec Amiot | Source : https://suntzufrance.fr/tag/amiot/

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13.
Le management bienveillant dans « L’art de la guerre » de Sun Tzu Par Gaël Chatelain* - Publié le 2017/01/16 par La Rédaction - Gouvernance et culture organisationnelle/Outils de gestion

Illustration - « Windows on the War » : An exhibition of Soviet TASS Posters during WWII, at the Art Institute of Chicago. Licence Creative Commons.

À la guerre comme en entreprise, la gestion de l’humain est centrale. 600 ans avant Jésus Christ, Sun Tzu parlait déjà de bienveillance dans la gestion des troupes pour gagner une guerre.

Je le sais, associer « guerre » et bienveillance semble audacieux. Cependant, lorsque l’on y réfléchit, il est assez commun de parler de « guerre économique », de concurrence, de stratégie de conquête… autant de termes qui font référence à l’art militaire. Si tel est le cas, c’est que de fait, depuis que les entreprises existent, elles se livrent bataille. Si l’on y réfléchit bien, en entreprise comme à la guerre, que ferait-on sans être humain ?

Il est assez fascinant de constater qu’un essai parlant de stratégie militaire écrit par un homme né au VIIe siècle av. J.-C. puisse nous sembler aussi pertinent du point de vue des problématiques du bien-être et de la bienveillance, si actuelles aujourd’hui. Pour résumer l’ensemble du livre, l’objectif principal de Sun Tsu est d’expliquer que le combat n’est pas une finalité en soi. Le général talentueux est celui qui remporte la guerre sans combattre.

Mais pour cela, il faut avoir des troupes bien gérées. Et sur ce dernier point, il pourrait tout aussi bien conseiller le PDG d’un grand groupe industriel ou d’une PME, cela fonctionnerait tout aussi bien. Vous ne me croyez pas ? Je vais prendre 4 exemples tout simples :

Sun Tzu dit : » Faites en sorte que tous ceux que vous devez commander soient persuadés que votre principale attention soit de les préserver de tout dommage ».

Se sentir protégé par son patron est assez fondamental même si ce n’est pas nécessairement le sentiment donné par les managers. Le management bienveillant, c’est aussi cela : mettre à l’abri de toute crainte ses troupes. Un collaborateur ne doit pas avoir peur de faire une erreur par exemple ; le manager bienveillant assume les erreurs de ses équipes comme si c’était les siennes.

J’ai connu une entreprise où la mode des managers était de se défausser sur ses équipes si les résultats n’étaient pas bons… vous imaginez aisément l’ambiance qui en résultait. Au contraire, le manager qui agit tel un parapluie et protège ses équipes de toute « agression » extérieure et inutile, celui-là aura des troupes loyales prêtes à se battre pour lui si besoin est.

Sun Tzu dit : » J’entends par commandement, l’équité, l’amour pour ceux en particulier qui nous sont soumis et pour tous les hommes en général ».

Manager sans aimer ses troupes est voué à l’échec… voilà ce qui est dit. Mais cela va plus loin puisque Sun Tsu parle de « tous les hommes en général ». Le management bienveillant c’est également cela : considérer l’être humain avant de voir le professionnel. Imaginer que chaque collaborateur, lorsqu’il passe la porte de l’entreprise, devient une sorte de robot sans cœur ni âme tout dévoué qu’il est aux résultats de la société est une erreur. Ce qui est dit, c’est que pour commander, il faut aimer sincèrement les hommes, mais également être équitable.

Photo de Wally Gobetz (2006). Licence Creative Commons

Et c’est le fait que l’on aime qui rend cette équité possible et juste. Ne pas prendre en considération les évènements personnels pour juger de la performance d’un collaborateur n’est par exemple pas envisageable. Je me rappelle de l’une des dernières mesures que Patrick Le Lay avait mis en place lorsqu’il était à la tête de TF1. Il avait décidé que toute femme revenant de congé maternité avait, sans aucune discussion possible, l’augmentation annuelle maximale autorisée. Et je peux vous le dire, en tant que commandant en chef, Le Lay était une référence pour ses troupes.

Sun Tzu dit : » Ayez les noms de tous les officiers tant généraux que subalternes ; inscrivez-les dans un catalogue à part, avec la note des talents et de la capacité de chacun d’eux, afin de pouvoir les employer avec avantage lorsque l’occasion en sera venue ».

Connaître ses collaborateurs. Une évidence ? Bien souvent, les managers se contentent de connaître leur numéro 1, mais en dessous… c’est vague. Être bienveillant, c’est connaître chacun et, surtout, y accorder une importance équivalente. Le parallèle avec l’art de la guerre prend tout son sens ici.

Si le Général connaît le chef des archers, mais qu’il n’a absolument aucune idée de qui sont ceux qui tirent réellement les flèches, sa stratégie risque d’en prendre un coup. Il en va de même pour un Directeur Général qui ne connaitrait que son Directeur Commercial et n’accorde aucun intérêt à ceux qui sont sur le terrain.

De temps en temps, aller sur le terrain, connaître les opérationnels… c’est utile. Autant pour construire sa stratégie que pour valoriser le travail de chacun. La bienveillance en entreprise c’est également faire sentir à tous que, sans chaque individu, l’entreprise ne peut pas tourner.

Sun Tzu dit : » Admirateurs de vos vertus et de vos capacités, les officiers généraux placés sous votre autorité vous serviront autant par plaisir que par devoir ».

Le manager doit être exemplaire, en tout. Sans cette exemplarité, aucune chance d’avoir des équipes motivées et, surtout, impossible de pouvoir compter sur leur loyauté. Trop de managers considèrent que du fait de leur statut, ils n’ont plus à se soumettre à certaines règles : arriver à l’heure, dire bonjour, ne pas prendre des pauses déjeuner de 3 heures, fumer dans son bureau… tous ces petits détails qui, dans leur esprit, marquent leur statut, leur importance. Ce que rappelle Sun Tsu, c’est que l’éthique et la compétence vont de paire pour asseoir la crédibilité et la légitimité du chef.

Le management bienveillant ne concerne pas uniquement les collaborateurs que l’on encadre ; il concerne avant tout sa propre personne. Il me semble complexe de pouvoir mettre en place un management bienveillant si l’on est pas soit même irréprochable et exemplaire, que ce soit au travail ou dans sa vie personnelle. Certes, personne n’est un saint en entreprise, mais s’il s’agit de porter des valeurs d’empathie, d’attention portée aux autres, d’entraide, il n’est pas possible de cloisonner vie personnelle et vie professionnelle.

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D’ailleurs, en la matière, quel intérêt y aurait-il à le faire ? Si je demande à mes enfants de ne pas mentir, autant que faire se peut, je ne vais pas mentir au quotidien à mes collaborateurs, mais au contraire essayer d’installer un dialogue transparent, source de motivation en général.

Oui, l’humain est au centre de tout. Richard Branson, le Président fondateur du groupe Virgin, disait que si vous souhaitez que vos salariés prennent soin de votre entreprise, il faut prendre soin d’eux avant tout. Mais Sun Tsu, au-delà de ses propres soldats, dit qu’il faut également prendre soin de ses ennemis vaincus. La bienveillance envers ces derniers assurera une victoire pleine de promesses.

* Ce texte à préalablement été publié sur le blogue personnel de l’auteur le 5 octobre 2016. Pour suivre ses publications : https://www.gchatelain.com/

* À propos de l’auteur : Gaël Chatelain possède 20 années d’expérience dans les médias (TF1, CANAL+, NRJ et quelques autres dont l’INA). Entrepreneur, musicien, romancier mais, avant toute chose, manager et observateur de la nature humaine, avec passion.

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Convergence : l’Association des archivistes du Québec : https://archivistesqc.wordpress.com/page/20/

Image associée

Source : https://archivistesqc.wordpress.com/2017/01/16/management-bienveillant/

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14.
Traité chinois dit ‘Les 36 stratagèmes’ selon Wikipédia

‘Les 36 stratagèmes’ (ou stratégies) est un traité chinois de stratégie qui décrit les ruses et les méthodes qui peuvent être utilisées pour l’emporter sur un adversaire. Le traité a probablement été écrit au cours de la dynastie Ming (1366 à 1610)[réf. nécessaire]. Les stratagèmes sont applicables à une action militaire ou à un conflit de la vie quotidienne.

Histoire du traité

En 1939, sur un marché de Chine du nord, un officiel du Guomindang découvre un livre de recettes d’immortalité. À la fin de l’ouvrage se trouve un court traité de stratégie militaire : Les 36 stratagèmes. Ce recueil secret datant probablement de l’époque de la dynastie Qi du Sud, dont l’auteur est un général d’armée chinois, Tan Daoqi (?-436), offre un tableau exhaustif de toutes les ruses et stratagèmes militaires de l’époque. Ce petit traité inspiré du livre des mutations et de la philosophie des légistes propose des solutions pour faire face à toutes les batailles, même les plus critiques1.

Le texte classique des 36 stratagèmes révèle l’influence profonde d’autres ouvrages de premier plan de la littérature chinoise comme les fables de Han Fei Zi, l’Histoire des Trois Royaumes ou encore les proverbes Chengyu qui servent de titres aux chapitres du traité.

Découpage du texte

Le traité est introduit par une courte préface intitulée « Six par six : trente-six » qui révèle les influences de la numérologie chinoise dans le choix du découpage en chapitre du texte qui suit. Ainsi, le corps du document est découpé en six chapitres, eux-mêmes subdivisés en six sous-chapitres. Chaque sous-chapitre est introduit par une courte maxime, suivie d’un commentaire explicatif qui en donne l’interprétation.

  • 0. 六六三十六 Six par six : trente-six
  • I. 勝戰計 Plans pour les batailles déjà gagnées
    1. 瞞 天 過 海 « Traverser la mer sans que le ciel le sache » : Ce qui est familier n’attire pas l’attention. Plutôt que de se protéger, user des représentations des autres pour mettre un projet en sécurité. Une application de ce principe peut être remarqué dans La Lettre volée d’Edgar Allan Poe.
    2. 圍魏救趙 « Assiéger Wei pour secourir Zhao » : Construire la victoire en se réglant sur les mouvements de l’ennemi. L’offensive de Wei sur Zhao crée l’occasion d’une attaque dans le vide de la défense de sa capitale2. Plutôt que de se soumettre aux passions et aux initiatives de l’autre, être en réaction… profiter des vides, qui appellent des pleins, dans le système de forces de l’autre.
    3. 借 刀 殺 人 « Assassiner avec une épée d’emprunt » : Si tu veux réaliser quelque chose, fais en sorte que d’autres le fassent pour toi. Plutôt que de faire le travail en s’exposant à des contres de la part des autres, user des logiques d’autres acteurs et les orienter (les composer) pour qu’elles travaillent pour soi sans qu’ils le sachent.
    4. 以逸待勞 « Attendre en se reposant que l’ennemi s’épuise » : Le stratège attire l’ennemi, il ne se fait pas attirer par lui. Le président sortant, candidat à sa réélection, attend que les prétendants épuisent leurs cartouches avant de se déclarer en connaissance de cause et de l’emporter. Plutôt que de se hâter dans une confrontation pleine d’ardeurs, de dispositifs offensifs et de… attendre la décrue des attaques pour s’avancer en terrain connu et dégagé (sans surprise).
    5. 趁火打劫 « Profiter de l’incendie pour piller et voler » : La première tâche consiste à se rendre invincible, les occasions de victoire sont fournies par les erreurs adverses. Un politique ambitieux s’engage dans le camp défait (vide) car plus porteur à terme que celui de la victoire (plein). Plutôt que de s’exposer et se risquer dans l’attaque d’acteurs installés, profiter des moments de faiblesse pour s’emparer des valeurs.
    6. 聲東擊西 « Bruit à l’est ; attaque à l’ouest » : Celui qui sait quand et où s’engager, fait en sorte que l’autre ignore où et quand se défendre. La cité assiégée impatiente qui attend depuis longtemps de connaître la direction de l’offensive n’est plus critique sur les signaux qu’elle reçoit enfin. Plutôt que de se soumettre aux attentes des autres en leur envoyant les signaux qu’ils attendent, exacerber leurs conditions d’attente de sorte qu’ils ne soient plus à même d’être critiques lorsqu’une information leur est livrée.
  • II. 敵戰計 Plans pour les batailles indécises
    7. 無中生有 « Créer quelque chose ex nihilo »
    8. 暗渡陳倉 « L’avancée secrète vers Chencang »
    9. 隔岸觀火 « Regarder le feu depuis l’autre rive »
    10. 笑裡藏刀 « Dissimuler une épée dans un sourire »
    11. 李代桃僵 « La prune remplace la pêche dans l’impasse »
    12. 順手牽羊 « Emmener la chèvre en passant »
  • III. 攻戰計 Plans pour les batailles offensives
    13. 打草驚蛇 « Battre l’herbe pour effrayer le serpent »
    14. 借屍還魂 « Faire revivre un corps mort »
    15. 調虎離山 « Attirer le tigre hors de la montagne »
    16. 欲擒故縱 « Laisser s’éloigner pour mieux piéger »
    17. 拋磚引玉 « Se défaire d’une brique pour attirer le jade »
    18. 擒賊擒王 « Pour prendre des bandits d’abord prendre leur chef »
  • IV. 混戰計 Plans pour les batailles à partis multiples
    19. 釜底抽薪 « Retirer le feu sous le chaudron »
    20. 混水摸魚 « Troubler l’eau pour prendre le poisson »
    21. 金蟬脫殼 « Le scarabée d’or opère sa mue »
    22. 關門捉賊 « Verrouiller la porte pour capturer les voleurs »
    23. 遠交近攻 « S’allier avec les pays lointains et attaquer son voisin »
    24. 假途伐虢 « Demander passage pour attaquer Guo »
  • V. 併戰計 Plans pour les batailles d’union et d’annexion
    25. 偷樑換柱 « Voler les poutres, échanger les piliers »
    26. 指桑罵槐 « Injurier l’acacia en désignant le mûrier »
    27. 假癡不癲 « Jouer l’idiot sans être fou »
    28. 上屋抽梯 « Monter sur le toit et retirer l’échelle »
    29. 樹上開花 « Sur l’arbre les fleurs s’épanouissent »
    30. 反客為主 « Changer la position de l’invité et de l’hôte »
  • VI. 敗戰計 Plans pour les batailles presque perdues.
    31. 美人計 « Le piège de la belle »
    32. 空城計 « Le piège de la ville vide »
    33. 反間計 « Le piège de l’agent double »
    34. 苦肉計 « Faire souffrir la chair »
    35. 連環計 « Les stratagèmes entrelacés »
    36. 走為上計 « Courir est le meilleur choix »

Notes et références

Liens externes : « Les 36 stratagèmes : répertoire de proverbes tactiques liés au Yi Jing et aide-mémoire pour se tirer de situations conflictuelles » [archive], sur wengu.tartarie.com

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_36_stratag%C3%A8mes

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15.
‘Les 36 stratagèmes’ 36 Ji

Table des matières– Document ‘wengu.tartarie.com’

Répertoire de proverbes tactiques liés au Yi Jing et aide-mémoire pour se tirer de situations conflictuelles. Trad. Doc Mac Jr (fr) et Vestappen (en)

I. Plans pour les batailles déjà gagnées123456
II. Plans pour les batailles indécises 7 8 9 10 11 12
III. Plans pour les batailles offensives 13 14 15 16 17 18
IV. Plans pour les batailles à partis multiples 19 20 21 22 23 24
V. Plans pour les batailles d’union et d’annexion 25 26 27 28 29 30
VI. Plans pour les batailles presque perdues. 31 32 33 34 35 36

6 x 6 = 36

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Des nombres d’abord, puis une forme en surgit,
une forme qui est seulement un arrangement de nombres
(car l’art et le tour de main, ici, reposent sur des calculs précis).

Quand le grand carré a été réparti en paires Yin et Yang
(de formations complémentaires sur ses quatre faces ou sur ses quatre angles)
un « petit reste » demeure dans l’espace, au centre et attend l’occasion

(Qu’en faire ? Nul ne peut le savoir encore ...)
et il est inutile d’échafauder le stratagème auparavant.
Il manquerait son but.

Ref : Kircher p.21

Présentation

« En 1939, sur un marché de Chine du Nord, un officiel du Guomindang découvre un livre de recettes d’immortalité. A la fin de l’ouvrage se trouve un court traité de stratégie : Les 36 stratagèmes. Ce recueil secret datant probablement de l’époque de la dynastie des Ming (1366-1610) offre un tableau exhaustif de toutes les ruses et des différentes méthodes, accompagnées de commentaires, qui permettent de les interpréter en termes de stratégie militaire. Manuel de guérilla ou traité de philosophie inspiré du Livre des mutations (Yijing), il permet de faire face à toutes les situations conflictuelles, et de l’emporter sur l’adversaire, jusque dans les batailles presque perdues : Rien dans les mains / Rien dans les poches / Ruse des mauvais jours / Ruse des ruses / Le Yiking dit : « A la frontière en force et faiblesse. » Cf. la traduction française de François Kircher.

Reconnue le plus souvent pour sa littérature philosophique, morale ou poétique, la Chine a produit aussi une importante littérature militaire, dont l’Art de la Guerre de Sun Zi est le représentant le plus illustre. Il peut sembler à l’amateur que les sinologues ont rarement inclus ce terrain dans leur recherches. Pourtant, les businessmen ou les joueurs d’aujourd’hui, outre quelques proverbes faussement attribués à Confucius, connaissent de la Chine avant tout le Sunzi, et l’ont lu. Tous les chemins sont bons pour qui découvre une autre culture. La lecture de ce petit « recueil d’exceptions », de ce vade-mecum de ruses passablement diaboliques, incarnées chacune dans un proverbe courant se référant la plupart du temps à une vieille anecdote de l’Histoire militaire chinoise ; l’approfondissement nécessaire à sa compréhension mèneront le lecteur vers diverses autres parties de la culture chinoise, comme le fameux Livre des Mutations, la rude philosophie légiste et ses fables machiavéliques répertoriés par Hanfei Zi, ou bien l’Histoire des Trois royaumes (un des quatre plus fameux romans en langue commune, avec le Voyage en Occident, le Rêve dans le Pavillon rouge et Au bord de l’eau, magistralement traduit par Jacques Dars). On peut aussi orienter ses recherches vers les Chengyu, ces innombrables proverbes en quatre caractères dont s’émaille aujourd’hui encore la langue écrite et parlée, qui sont comme des résidus de la distillation par les siècles de la culture chinoise, et qui servent de titres aux trente-six stratagèmes.

Dans les romans d’aventures, on lit souvent que « des trente-six stratagèmes, le meilleur est le dernier » ou encore qu’« entre trente-six solutions, la meilleure est la fuite », ce qui relève d’une sagesse pragmatique. Si trente-six choix équivalents s’offrent à vous, c’est certainement qu’aucun n’est le bon... Cependant, des Trente-six Stratagèmes proposés ici, on peut préférer le tout premier, intitulé « 6 × 6 = 36 » et servant de préface (voir ci-dessus), que François Kircher interprète comme une allusion à un petit reste, un espace vide permettant à tout l’appareil de fonctionner harmonieusement, bref : un jeu au sens mécanique du terme. Marcel Granet décrit en détail une « tendance si souvent rencontrée d’ajuster les ensembles et de déterminer les proportions en réservant toujours le jeu d’une unité. » (La Pensée chinoise p. 220). Cette imprécision assumée d’une unité permet par exemple d’égaler 80 (8 × 10) et 81 (9 × 9), puis de construire une cosmologie des nombres (incluant la théorie des cinq éléments) qui décrive adéquatement le monde, et permette aussi de construire une gamme musicale. Ce « petit rien qui fait tout » rappelle aussi ce vide au milieu du moyeu qui permet à la roue de tourner, proposé à la méditation par Lao-tseu, ainsi que la conception du « non-agir » donnant au roi sa pleine puissance.

Le commun des lecteurs n’étant pas roi, ni même général, il pourra se contenter de consulter cet étrange opuscule en y cherchant matière à réflexion sur, par exemple, le hacking, la pratique du jeu de Go, des arts martiaux, les stratégies commerciales, l’infinie réversibilité de la tromperie, la crudité de la condition humaine, ou même sur les problèmes actuels de géopolitique.


Confer - Sources

  • Original text in traditional Chinese characters was found at http://www.gchjs.com/bftl/36j.htm but link is broken, text can also be found in Chinese wikisource.
  • English translation, from Verstaffen, with full introduction, is available at www.chinastrategies.com.
  • La traduction française de ’Doc Mac Jr’, avec une introduction développée, est disponible à spinoza.lautre.net.
    Other translations / autres traductions : French, François Kircher, Les 36 stratagèmes, Editions du Rocher, 2003, ISBN 2268039056.

Links / liens : Wikipedia : Thirty-Six Strategies (en).

La bataille en question est celle de Mikata-Ga-Hara, le 25 janvier 1573. Koskov – 10/12/2007

La technique de la ville vide fut aussi utilisée par Tokugawa Ieyasu au XVIe siecle pour dissuader les Takeda de l’attaquer alors que selon la légende il aurait fui avec seulement cinq samurais. Voir l’article sur Nobunaga et Tokugawa dans wikipedia. Anon. – 10/12/2007

Cette technique a été utilisé par Zhou Yu lors de la bataille de Chi Bi, il avait fouetté Huang Gai en public, par la suite, ce dernier déclara vouloir rejoindre le camp adverse mais une fois arrivé dans le camp ennemi, il y mit le feu et assura la victoire face à Cao Cao. Neosis – 36ji 34 – 31/10/2006

La technique de la ville vide a été utilisé par Zhuge Liang contre Sima Yi. Neosis – 36ji 32 – 31/10/2006

Voir aussi : http://en.wikipedia.org/wiki/Wade-Giles

36 Ji

Table des matières- Les 36 stratagèmes – Chinois on/off – Français/English
Alias Thirty-Six Strategies, Thirty-Six Stratagems, Secret Art of War, Les 36 stratagèmes, Les Trente-six stratégies - Le Canon des Poèmes, Les Entretiens, La Grande Étude, Le Juste Milieu, Les Trois Caractères, Le Livre des Mutations, De la Voie et la Vertu, 300 poèmes Tang, L’Art de la guerre, Trente-six stratagèmes - Bienvenue, aide, notes, introduction, table. IndexContact] – Source : http://wengu.tartarie.com/wg/wengu.php?l=36ji&lang=fr

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16.
Vidéo 1:02:06 ajoutée le 15 juillet 2017 sur ‘Les 36 Stratagèmes’ Preda

Premier Acte (cahier) : Stratagèmes de la guerre victorieuse 1. 02:35 Traverser la mer à l’insu du Ciel 2. 04:20 Attaquer le Wei pour secourir le Tchao 3. 05:31 Éliminer un adversaire avec un couteau d’emprunt 4. 07:53 Attendre dispos un ennemi épuisé 5. 08:59 Se livrer au pillage à la faveur de l’incendie 6. 12:21 Faire du bruit à l’est pour attaquer à l’ouest.

Deuxième Acte : Stratagèmes de la guerre de résistance 7. 13:31 Créer de l’être à partir du rien 8. 15:23 Déboucher à Tch’en-ts’ang à l’improviste 9. 15:34 Contempler l’incendie depuis la rive opposée 10. 18:48 Cacher un couteau derrière un sourire 11. 20:48 Laisser le prunier se dessécher à la place du pêcher 12. 22:12 S’emparer d’une brebis au passage.

Troisième Acte : Stratagèmes de la guerre offensive 13. 24:05 Frapper les herbes pour débusquer le serpent 14. 24:21 Emprunter un cadavre pour y loger une âme 15. 25:49 Faire sortir le tigre de la montagne 16. 26:35 Laisser filer l’adversaire pour mieux le capturer 17. 27:40 Jeter une brique pour ramasser un jade 18. 27:50 S’emparer du chef pour capturer la bande.

Quatrième Acte : Stratagèmes de la guerre confuse 19. 29:36 Retirer le combustible de dessous le chaudron 20. 30:06 Pêcher en eaux troubles 21. 30:11 Se dépouiller de son enveloppe telle une cigale aux ailes d’or 22. 31:03 Fermer toutes les issues pour prendre le voleur 23. 31:12 S’allier avec le pays lointain, attaquer son voisin 24. 34:53 Demander le droit de passage pour attaquer le Kouo.

Cinquième Acte : Stratagèmes de la guerre de conquête 25. 36:25 Retirer la poutre faîtière et remplacer le pilier de soutènement 26. 43:21 Montrer du doigt le mûrier pour sermonner le sophora 27. 46:16 Jouer au simple mais non au fol 28. 47:29 Retirer l’échelle après avoir fait grimper l’autre au toit 29. 48:00 Couvrir les arbres de fleurs 30. 49:55 D’invité se transformer en maître de céans.

Sixième Acte : Stratagèmes de la guerre perdue 31. 52:09 Le Stratagème des jolies femmes 32. 52:56 Le Stratagème de la ville vide 33. 53:54 Le Stratagème des agents retournés 34. 54:27 Le Stratagème des sévices corporels 35. 54:35 Le Stratagème en chaîne de l’ennemi enchaîné 36. 56:15 Mais la fuite est encore le mieux... Pour rester au courant de mes prochaines vidéos. Me suivre sur Youtube : https://www.youtube.com/channel/UC5Fk... Me suivre sur Twitter : https://twitter.com/PredaDaily Bye et merci ;) – Catégorie : Éducation – Source : https://www.youtube.com/watch?v=CsxMcQ7RTa0

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17.
Comment éviter la guerre et protéger la paix ? Par Jean-Luc Ginderéconomiste. Document ‘Contrepoints’, un journal en ligne qui couvre l’actualité sous l’angle libéral. Illustration - Kevin Dooley - CC BY 2.0

L’heure n’est plus aux mascarades pour la conquête d’un pouvoir. Si nos dirigeants installent dans les esprits la notion « nitroglycérine », du « moi d’abord », du « chacun pour soi », la haine grandira emportant la pensée et la liberté.

Nous nous dirigeons vers une extraordinaire accélération des tensions et selon toute vraisemblance vers une guerre si nous ne décidons pas de l’éviter. Nous créons et mettons en place une future guerre massive. Une dialectique dangereuse s’installe dans laquelle il nous faut choisir notre camp car l’autre a tort. Et comme nous avons raison, il nous faut imposer notre façon de penser.

Les luttes à tous niveaux sont entretenues par des velléités de pouvoir et toutes les raisons se valent… Les peuples européens ont envie d’en découdre, les manifestations publiques se multiplient, les événements tragiques se succèdent. La haine, qui se trouve toujours une bonne raison d’être, nous fait tomber dans le piège du doute, de la violence.

Éviter la violence

Il semblerait qu’il y ait une volonté de purger les animosités par la violence. Sombre volonté et mort de l’intelligence.

L’Histoire nous raconte qu’en 1910 certains pensaient que la guerre de 1914 pouvait être évitée par la création de la SDN (Société des Nations). La SDN fut créée non pas en lieu et place de la guerre mais après la guerre. L’Histoire nous rappelle également que l’ONU ne fut pas mise en place à la place de la deuxième guerre mondiale mais bien après.

Aujourd’hui l’Histoire de demain est à écrire. L’évidence est que la catastrophe doit être évitée. Les potentialités démographiques de la France sont immenses et par le biais de la francophonie le développement de l’Afrique est un enjeu économique majeur pour notre pays. Et sur notre territoire il est impératif de relancer l’industrie indispensable à notre équilibre social.

Rétablir la paix

La guerre se profile. Il est de notre devoir d’éviter cette catastrophe. Il est de notre responsabilité de dire que les conflits ne sont pas nécessaires pour rétablir la paix. Personne ne gagne jamais dans les conflits. La peur engendrée par l’idée de la guerre n’a rien à voir avec l’intelligence.

Sans entrer dans les détails mathématiques et sociaux, c’est la technique des artefacts qui apporte la prédiction de ce sinistre et terrible événement aux spécialistes. Le principe de prédiction de notre avenir, même s’il y a danger est et reste une condition nécessaire (mais pas suffisante) à notre liberté. Même si les spécialistes se trompent. Même s’ils ne savent plus traiter les informations qui arrivent. Même s’ils n’osent pas quantifier la part d’intelligence et de bienveillance qui sera nécessaire pour une société apaisée.

Économie collaborative et communs

Certains confrères pensent que l’évitement de la guerre passera naturellement par l’économie collaborative et des « communs ». Ce sont de grands inconnus, et pourtant nous vivons tous grâce à eux. Ils sont au fondement même de notre vie collective. Ce sont les biens communs. L’air, l’eau, les savoirs, les logiciels, les espaces sociaux, la connaissance qui rendent possible la vie quotidienne et un fonctionnement de l’économie.

Sont-ils assurés de ne pas se tromper ?

Les communs ne sont pas, comme on peut le penser un concept dans lequel tout est gratuit. Les communs correspondent à une économie née au XIème siècle et qui a perduré jusqu’au XVIIème siècle. C’est une forme d’économie extraordinairement organisée et sophistiquée et une réglementation très précise réglait les droits et les devoirs entre seigneurs et paysans. Les insurgés ont fait basculer cet ordre économique lorsque la notion de propriété privée s’est développée.

Définir le droit de propriété

Cela amènerait à prouver que les théories visant à indiquer le retour des communs avec mise à disposition gratuite sont une illusion si une réglementation ne définit ni le droit de propriété ni ce qui est commun et ce qui ne l’est pas.

Nous fonçons à toute allure vers une société de plus en plus fragile, de plus en plus vulnérable. Le problème majeur de cette fin d’année sera d’éviter cette guerre effroyable qui se dessine.

Ne pas se laisser entraîner

Le Brexit est une illustration récente du dysfonctionnement de l’organisation de nos sociétés.

Les inégalités sont de plus en plus criantes et se transforment en poudre.

Le déclassement systémique se fait arme.

Français, la poudre vient à nous et nous allons vers elle. Ne nous laissons pas entraîner, nous sommes les acteurs de notre futur et nous nous devons d’oser rêver encore et toujours.

Les dirigeants en place et à venir devront définir et affirmer leur vision globale de notre futur. L’heure n’est plus aux mascarades pour la conquête d’un pouvoir. S’ils installent dans les esprits la notion « nitroglycérine », du « moi d’abord » du « chacun pour soi » la haine grandira emportant la pensée et la liberté.

La France est une grande et belle nation. J’attends de nos responsables une bienveillance vraie à son égard.

Des chiffres

20% est le taux de pauvreté des jeunes de 18 à 24 ans en France. Une proportion trois fois plus importante que chez les 65-69 ans.

Les chômeurs supplémentaires en France entre 2009 et 2016 pèsent 1 333 000 vies.

Nos dossiers spéciaux : Économie collaborative Economie des communs Guerre

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18.

La guerre n’est pas la solution, elle est le problème Par B. Girard 15 juillet 2016 - Blog : Histoire, Ecole et Cie – Référence : ‘blogs.mediapart.fr’

Hasard du calendrier : hier, suite à l’affligeante parade militaire sensée symboliser l’unité nationale, le président de la république dissertait gravement sur la « très grande puissance » qu’est la France. Une très grande puissance, défilant comme à la parade mais qui s’avère incapable de protéger sa population. On peut continuer à s’aveugler, tant que le peuple en redemande...

A partir de combien d’attentats, de combien de victimes vont-ils prendre conscience qu’ils ont tout faux ? Ils, c’est-à-dire les décideurs et les faiseurs d’opinion publique. La barbarie, le mal absolu à éradiquer, la France en guerre etc…, ces mêmes paroles qui tournent à vide depuis Charlie Hebdo, les mêmes postures martiales, les mêmes mouvements du menton.

L’état d’urgence ? Il n’a pourtant pas manqué d’observateurs pour pointer du doigt son détournement : des milliers de policiers réquisitionnés contre les mouvements sociaux, des arrestations arbitraires sans rapport avec le terrorisme, une surveillance généralisée de la population totalement à côté de la plaque, une opération Sentinelle de pure communication. On peut bien sûr continuer à accuser, en vrac, les services de renseignement belges, Schengen, les réfugiés, l’Europe, l’Education nationale qui ne sait plus former de bons Français, le communautarisme, l’islam incompatible avec « nos » valeurs. La liste est infinie, jamais close, mais il ne faut surtout pas poser d’autres questions.

Comme, par exemple, celle de savoir pour quelle raison la France est une des cibles privilégiées du terrorisme. Parce qu’avec sa conception de la laïcité, elle constituerait une sorte de modèle universel qu’il conviendrait d’abattre ? Parce que son engagement militaire un peu partout la ferait redouter et désigner comme l’ennemi à abattre ? On peut continuer à s’aveugler avec ces certitudes, jusqu’au prochain attentat, jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’un régime politique encore plus brutal et tout autant inefficace face au terrorisme. Une récupération sordide qui n’a d’ailleurs pas tardé, celle, par exemple, à laquelle s’est livré Estrosi, le maire de Nice, tout fier de la vidéo-surveillance de sa ville et des tourniquets qu’il prétend faire installer à l’entrée des établissements scolaires de la région. Une fierté justifiée, vraiment ?

Depuis janvier 2015, la France « est en guerre », elle fait la guerre. La guerre, comme solution à tous les problèmes, alors qu’elle est le problème : la guerre portée au Moyen Orient et en Afrique – pas seulement par la France certes – avec son cortège de victimes innocentes ; la guerre entretenue par de mirobolants contrats d’armement ; la guerre intérieure avec une mise en accusation permanente, d’une violence insupportable mais tellement banalisée contre toute une partie de la population. Bien sûr que ce n’est pas l’explication unique au terrorisme – seuls les irresponsables qui nous gouvernent croient à l’unicité des causes – mais pourquoi refuse-t-on obstinément de prendre ces éléments en considération ?

Hasard du calendrier : hier, suite à l’affligeante - et combien dérisoire - parade militaire sensée symboliser l’unité nationale, le président de la république dissertait gravement sur la « très grande puissance » qu’est la France. Une très grande puissance, défilant comme à la parade mais qui s’avère incapable de protéger sa population. On peut continuer à s’aveugler, tant que le peuple en redemande...

Le Club est l’espace de libre expression des abonnés de Médiapart. Ses contenus n’engagent pas la rédaction. L’auteur : B. Girard

’Au lieu de se surveiller, l’éducateur surveille les enfants et c’est leurs fautes qu’il enregistre et non les siennes.’ (J. Korczak)

Le blog : Histoire, Ecole et Cie ; mots-clés ; attentat terrorisme

Image associée

Source :https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/150716/la-guerre-nest-pas-la-solution-elle-est-le-probleme

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19.

La résolution de conflit d’après Wikipédia

La résolution de conflit est un concept associé aux relations humaines, principalement lié au management et aux méthodes et outils d’aide à la prise de décision. Elle consiste dans le choix d’une solution à un affrontement et sa mise en œuvre. Lorsqu’il s’agit de pratiques en regard du système judiciaire ou d’une décision étatique, il est question de modes alternatifs de résolution des conflits. Le conflit est une situation sociale durant laquelle des acteurs en interdépendance, soit poursuivent des buts différents, défendent des valeurs contradictoires, ont des intérêts divergents ou opposés, soit poursuivent simultanément et compétitivement un même but.

Le conflit existe entre deux personnes au moins. Le concept de situation sociale renvoie à celui de lien et de seuil au-delà duquel une relation est établie (on ne peut être en conflit avec un inconnu sauf quand celui-ci est en lien avec nous). Le conflit naît dans un système qui s’apparente à un ensemble d’éléments interdynamiques ayant une même finalité, dont tous les éléments participent à l’atteindre. Le conflit est donc une divergence dans la finalité.

Mode de résolution

La résolution d’un conflit ne peut être envisagée en dehors du conflit lui-même : sa nature, ses causes, les personnes qui le vivent, le contexte dans lequel il se passe... Tout mode de résolution qui serait proposé de manière transversale, sans tenir compte des spécificités internes à la situation conflictuelle ne saurait être efficace.

La négociation est une manière de considérer l’approche d’un conflit au travers de l’idée que le différend repose sur des problématiques négociables. Elle consiste en une prise en charge de la relation fondée sur les intérêts ou les enjeux ; c’est une pratique pour concilier des points de vue opposés. Elle possède plusieurs dimensions :

  • distributive (ce que l’un gagne, l’autre le perd) : permet que la négociation soit profitable pour tous et fait qu’elle soit un jeu équitable
  • intégrative : elle doit intégrer la problématique et la vision du litige des autres acteurs en opposition (résoudre ensemble le conflit sans gagner le maximum).
  • contributive : elle vise, après une médiation, à permettre aux parties de s’engager dans le soutien de l’autre partie.
    Ici, il convient de faire abstraction des conflits de lois, désignant une opposition ou une contradiction entre des textes législatifs issus de systèmes juridiques concurrents et du conflit d’intérêt ; lequel est fondé sur des relations économiques, avant d’être sur le terrain de l’affectivité relationnelle. Mais cela ne suffit pas. La façon dont est envisagée l’action même de la résolution d’un conflit, va dépendre aussi de la place qu’on accorde au conflit dans la dynamique relationnelle. Et là, deux points de vue s’opposent :
  • le conflit est considéré comme une sorte de catastrophe qui intervient dans le cours d’une relation harmonieuse ; dans ce cas, le « résoudre », c’est le contrer, le vaincre, l’éliminer (quitte à ce qu’il revienne plus tard, similaire ou sous une autre forme).
  • Ou bien les conflits « ne sont pas des aberrations de la communication interpersonnelle mais une de leurs issues possibles au même titre que la bonne entente [...] et qu’il est tout aussi normal de se disputer que de vivre en harmonie1 ».
    Dans le premier cas, des méthodes ponctuelles sont mises en œuvre pour combattre un phénomène qui se produit à un moment donné. Dans le second cas, des outils de gestion à long terme sont mis en place. Résoudre un conflit est avant tout permettre aux protagonistes de comprendre ce qu’ils vivent et les aider à trouver en eux-mêmes et par eux-mêmes les solutions pour le gérer et en maîtriser les effets dans l’instant de la crise, mais aussi chaque fois que des problèmes ou des souffrances surgiront.

Méthodes et moyens

Il existe plusieurs manières de considérer qu’un conflit peut être résolu. Trois manières se distinguent et, avec différentes nuances, incluent la contrainte (dans laquelle des individus se disputent puis discutent, en utilisant la persuasion), la soumission ou la fuite2. A priori, une résolution de conflit permet d’éliminer un conflit. L’atténuation d’un conflit n’est pas sa résolution. La résolution implique la recherche d’une solution. Mais une recherche intentionnelle visant la pacification relationnelle des protagonistes, n’est pas une conception de la résolution des conflits qui fasse l’unanimité ; puisque nombreux sont ceux qui agissent de manière agressive (vengeance, condamnation à mort, guerre, massacre, internement, etc.), en affirmant vouloir résoudre un conflit. La résolution de conflit n’est donc pas forcément pacifique ou pacificatrice.

Deux modèles de structure : l’interaction de type asymétrique ou complémentaire qui suppose l’inégalité des forces des interlocuteurs (chef et exécutants souvent argument-objection) ; ou l’interaction de type symétrique suppose elle l’égalité (argumenter, contre-argumenter). Une négociation doit parfois débuter par la définition de ces statuts (exemple : réunion de syndicats). Un conflit peut être mis en sommeil par la contrainte, la domination / soumission, la fuite, mais il n’est pas résolu pour autant. Le fait qu’un conflit trouve une issue n’implique pas qu’il ait été résolu ; Un conflit peut disparaître avec les protagonistes ou se transmettre à leur lignée (ex : vendetta). S’il « disparaît » de cette manière, on ne pourra dire qu’il a été résolu. S’il y a écrasement de l’une des parties, cette solution ne résout pas le conflit. Celui-ci devient larvé, latent.

Certains auteurs (ex : Alliot J.M. & al.3) ont proposé des outils logiciels ou des bases informatiques d’aide à la résolution de conflits.

Autres méthodes

Les rapports de force, la soumission, la fuite, la stratégie - le principal étant que le conflit s’arrête - quitte à ce qu’il reprenne plus tard, mais qu’il s’arrête au moins un temps significatif. Voici une liste de manières, par ordre alphabétique :

  • l’Aïkido Verbal
  • l’application d’une règle tacite ou explicite (loi, règlement, convention, traité...) à laquelle les parties adhèrent.
  • la conciliation,
  • le contentieux, c’est-à-dire le recours à un tribunal, via une procédure fixée par les textes,
  • la domination,
  • le duel,
  • la guerre,
  • la facilitation,
  • la médiation,
  • la négociation,
  • la réconciliation,
  • la reconnaissance, laquelle peut consister à reconnaître la force de son adversaire qui est venu chercher à la prouver4
  • la vengeance
    Prévention

Faire la morale n’est généralement pas efficace. Cela comporte implicitement un jugement moral (un jugement de valeur) qui risque de heurter l’ego d’un allié potentiel. Prévenir les conflits consiste donc à former les personnes à des approches de sensibilisation aux différents modes de fonctionnement humain. Les méthodes peuvent varier entre philosophiques, psychologiques, religieuses, relationnelles et juridiques. Ces approches ont pour but principal de doter les participants d’un référentiel culturel commun. Ainsi en va-t-il de formations à l’esprit d’entreprise dans les organisations, de développement personnel, etc.

Les approches les plus répandues en matière de résolution des conflits ont pour objectif de doter chacun(e) de savoir-faire comportementaux de contrôle de soi et de compréhension des autres.

Résolutions de conflit et de problème

La résolution de conflit se distingue de la résolution de problèmes par son côté relationnel : dans un cas il s’agit de faire disparaître un différend entre personnes, dans l’autre cas il s’agit de faire disparaître une situation non désirée par une personne. Cette définition n’exclut pas les problèmes relationnels : un conflit est souvent vécu comme un problème, sans réciproque. Dans tous les cas, il faudra analyser la cause du conflit en utilisant la méthodologie de résolution de problèmes :

  • analyse des causes du conflit (trois types : de communication, de groupe, de pouvoir)
  • préparation de la négociation suivant la cause retenue et le contexte (intégration des problématiques de l’autre)
  • discussion (tour de table, symétrie, improvisation)
  • conclusion
    Conflits et groupes

Groupe

En psychologie sociale, un groupe est un ensemble d’individus ayant entre eux des relations réciproques, réunis sur la base de critères qui peuvent être :

  • la poursuite d’un but commun (association) ;
  • un sentiment d’interdépendance (famille) ;
  • des relations affectives (amis).
    En cas de conflit il faut analyser le critère d’origine du groupe qui pourrait être à l’origine de ce dysfonctionnement. Dans ce cas, il existe des conflits :
  • constructifs : lorsqu’il entraîne de l’expérience qui permet d’éviter les futurs conflits. Ce qui entraîne un climat coopératif lorsqu’il :
    • place les buts du groupe avant les objectifs personnels,
    • améliore le niveau des évaluations,
    • est source de production d’idées créatives,
    • permet le réexamen des opinions et des buts,
    • permet l’accroissement des prises de risque,
    • augmente la cohérence du groupe.
  • destructifs : lorsqu’il entraîne un climat compétitif.
    On peut voir les conflits comme des mécanismes de régulation, inévitables mais qu’il faut affronter et qui doivent être néanmoins le moins visible pour l’extérieur (comme dans le problème de la qualité).

Nature des conflits

Deux types de conflits sont distingués, selon le chercheur John-M Gottman5 :

  • conflits de situation : le conflit porte sur un ou des aspects (valeur(s), besoins et priorités, règles, choix des critères…). Mais la relation à l’autre n’est pas en cause.
  • conflits de personne : la personnalité tout entière de l’autre est remise en cause. L’autre n’est pas ou n’est plus apprécié. (Préjugé sur l’autre ; cumul de plusieurs conflits de situations, jamais évoqués ou mal résolus avec l’autre ; légitimité d’appartenance, de qualification...).
    Pouvoir

Le pouvoir se définit comme la capacité de A d’obtenir que B fasse quelque chose qu’il n’aurait pas fait sans l’intervention de A. Deux sortes de pouvoir sont distingués :

  • Le pouvoir de coercition, avec l’emploi possible de la force.
  • Le pouvoir d’influence, dont les pouvoirs de position (hiérarchie), de récompense (reconnaissance ou avantage tangible), de connaissance (compétence, information), d’autorité naturelle (charisme).
    Négociation

Ce processus de communication vise à conclure un accord avec des interlocuteurs ayant des intérêts opposés. Il stimulera la recherche des intérêts des participants, plutôt que la défense de leurs positions. L’équité ne signifie pas l’équité mathématique, mais le juste équilibre des deux parties (exemple : dans l’entreprise la hausse des salaires doit tenir aussi compte des besoins de l’entreprise, en investissements). La négociation fait parfois appel à un médiateur neutre. En négociation, l’accent est mis sur la volonté de recherche d’un accord entre les parties, plutôt que sur des règles ou de procédures pré-établies.

De plus en plus, la négociation est utilisée comme arme psychologique pour déstabiliser l’adversaire en dehors de toute rationalité. La posture du refus de négocier en fait partie, en particulier dans les situations dites captives où les deux parties sont prisonnières d’un problème sans autre possibilité de trouver un accord ou de tout perdre.

Néanmoins, ne devraient pas être négociables :

  • les valeurs morales et croyances (ce qui serait une remise en cause de l’individu) ;
  • le passé ;
  • l’objectif de la négociation.
    Pour une négociation constructive, recenser ce qui est un obstacle à la négociation peut être utile :
  • sa propre réaction (camper sur une position, avoir des préjugés...) et celle des autres (prendre la porte, la colère...) ;
  • les émotions des interlocuteurs (peurs, tristesse, dégoût, honte, surprise, colère) ;
  • le non-respect du principe de ’ménagement des faces’ ;
  • le pouvoir et les prises de pouvoir.
    Une négociation intégrative peut être obtenue par :
  • le contournement des obstacles naturels à la négociation (exemple : dans les situations délicates, faire le contraire de ce que nos instincts nous disent de faire, afin de nous empêcher de réagir de manière symétrique) ;
  • la synchronisation ;
  • le questionnement ;
  • la reformulation.
    La négociation peut se dérouler selon le schéma suivant :
  • le diagnostic de la situation (atouts, compétences, détection des positions de l’interlocuteur...) ;
  • la préparation (données disponibles, mise au point des tactiques, identification des marges de manœuvre, définition des butées, positions de repli possibles) ;
  • la discussion (poser tout sur la table, lever l’implicite, identifier les moyens à mettre en œuvre, garder une position ferme non négociable) ;
  • la conclusion (synthèse, bilan, définition de la mise en œuvre opérationnelle, dédramatisation).
    Parfois, la peur de perdre la face est importante dans une négociation, expliquant l’entêtement des protagonistes dans la poursuite de leurs objectifs premiers.

Les outils à utiliser sont procéduraux, mais aussi comportementaux (PNL, par exemple).

Notes et références

  • Rousseau Pierre, Comprendre et gérer les conflits dans les entreprises et les organisations, éditions Chronique Sociale, Lyon, 1990
  • Lascoux J.L. Pratique de la médiation, une méthode alternative à la résolution des conflits, éditions ESF, 2007 (4° éd.)
  • Picard D. et Marc E., Petit traité des conflits ordinaires, éditions du Seuil, 2006

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20.
Résolution des conflits : ’Passer de la guerre à la paix, c’est opérer une forme de révolution’ Par Florence Sturm 07/12/2017 (mis à jour à 08:12)

Entretien | Six ans après l’annonce par ETA de l’arrêt de la lutte armée, entretien avec Jean-Pierre Massias, professeur de droit, spécialiste des processus de paix et des transitions démocratiques sur le processus de paix au Pays basque et les exemples étrangers.

Illustration - Journée du désarmement de ETA, à Bayonne, le 8 avril 2017. Près de 20 000 personnes étaient venues saluer le geste des ’artisans de la paix’, mouvement issu de la société civile • Crédits : Iroz Gaizka - AFP

Le samedi 9 décembre 2017 marquera une nouvelle étape dans le processus de paix porté par des acteurs de la société civile du pays basque français. Ils réclament le rapprochement des prisonniers basques de leurs familles, et plus largement l’implication des gouvernements français et espagnol pour obtenir la résolution ’définitive’ du conflit basque. Jean-Pierre Massias est professeur de droit, spécialiste des processus de paix et des transitions démocratiques. Il évoque la problématique actuelle autour de ETA et élargit d’un point de vue historique à des exemples comme l’Afrique du sud ou la Nouvelle-Calédonie.

En octobre 2011, l’organisation indépendantiste basque ETA annonce qu’elle renonce à la lutte armée. Où en est-on du processus de paix six années plus tard ? 

Le processus a connu bien des difficultés et bien des hésitations. Il y a d’abord eu une longue période durant laquelle les partisans de la paix ont tenté de faire appliquer la feuille de route élaborée avec la participation de plusieurs acteurs internationaux, notamment Kofi Annan, quelques jours avant la déclaration de ETA. Et cela n’a pas marché. Le gouvernement espagnol n’a pas voulu entrer dans la négociation ni mettre en place un processus de traitement de la question des armes et de celle des prisonniers qui étaient les premiers points de cet agenda. Et malgré les conférences, les mobilisations, le processus s’est interrompu avant d’être relancé à l’hiver 2016 avec l’initiative d’une nouvelle organisation, ’les Artisans de la Paix’ (côté français NDLR), qui a commencé par organiser la destruction d’une partie du stock d’armes de ETA. La police est intervenue. Cinq personnes ont été arrêtées avant d’être rapidement relâchées. ’Les Artisans de la Paix’ ont poursuivi leur activité en organisant en avril 2017, à Bayonne, une Journée du désarmement ainsi que la restitution de l’intégralité du stock d’armes de ETA aux autorités françaises. Dès lors, le gouvernement français et le gouvernement espagnol se trouvent placés devant leurs responsabilités, de continuer à accepter ce processus de paix qui leur est, en quelque sorte, imposé par la société civile. 

À écouter aussi https://www.franceculture.fr/emissi...4 min Le Reportage de la rédaction Pays basque : le processus de paix et la question des prisonniers toujours en question

Mais l’approche est différente à Paris et à Madrid ? 

Côté espagnol, rien n’a changé. Madrid considère ETA comme un mouvement terroriste, vaincu par la démocratie et qu’il faut dissoudre en imposant aux militants de demander pardon à leurs victimes. C’est donc une approche strictement pénale. Le gouvernement français est dans une posture un peu différente, même s’il a longtemps soutenu la position espagnole. Lui ne s’oppose pas au processus tel qu’il est organisé. Bernard Cazeneuve, en tant que ministre de l’Intérieur, avait considéré la restitution des armes plutôt comme une bonne nouvelle. Et l’on observe donc deux dynamiques différentes : celle du gouvernement espagnol, campé sur son rigorisme, de ne jamais négocier, ne jamais voir la dimension politique des problèmes, et celle du gouvernement français, qui commence à amorcer une évolution avec un regard plus politique. 

Mais cela peut-il suffire ? 

En tout cas, c’est déjà une révolution. Mais cela ne peut pas suffire car le cœur du problème reste en Espagne et que l’Espagne a montré, dans une actualité récente, qu’elle n’était pas un gouvernement de négociations, que les revendications soient exprimées de façon violente ou non violente. Aujourd’hui, le processus tel qu’il existe place le gouvernement espagnol devant ses responsabilités mais certainement aussi devant ses contradictions, entre une société civile basque qui soutient un processus de sortie d’un conflit, et un gouvernement qui ne veut pas entendre parler d’une quelconque négociation. 

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Que faudrait-il pour parvenir à la pacification ’définitive’ du conflit basque ? 

Pour parvenir à une situation pérenne, je crois qu’il faudrait s’inspirer des exemples étrangers. On ne connaît pas de processus équivalent qui ne se soit pas terminé par une négociation. C’est la logique. Même si l’on condamne le terrorisme, la violence, et que l’on refuse de négocier quand la violence est en cours, on ne peut pas nier que la question basque est d’abord une question politique, qu’elle renvoie à des problématiques extrêmement importantes pour la société espagnole, que ce soit sa mémoire historique, son ancrage territorial et la crise catalane a montré de ce point de vue-là, l’étendue des difficultés. 

Pourquoi faire référence à la crise catalane ? 

Sur la crise catalane, au fond, les problèmes se déclinent de manière très différente mais ils sont de la même nature. Il y a en Espagne, depuis la transition démocratique, une partie de l’opinion d’un certain nombre de territoires qui veut plutôt sortir de la souveraineté espagnole. C’est le cas du Pays basque, c’est le cas de la Catalogne. Sans porter de jugement sur le bien-fondé ou pas de cette revendication, il faut juste considérer qu’elle est exprimée avec beaucoup de force, avec beaucoup de vigueur démocratique en Catalogne -les indépendantistes ont gagné les élections - et que la seule réponse du gouvernement espagnol, c’est d’abord la répression le jour du référendum, ensuite, l’incarcération et le droit pénal. Or, on ne règle pas aujourd’hui en Europe les questions politiques par le droit pénal seul. Que ce soit la revendication basque ou catalane, tout cela est d’essence révolutionnaire. Ils veulent sortir du territoire et de la juridiction de la constitution espagnole. On ne peut pas juste dire : la Constitution interdit la révolution ! Aujourd’hui on sait, et les Espagnols devraient être les premiers à le savoir parce que cela appartient à leur histoire, que tout cela se règle par la négociation. Et si le gouvernement espagnol a été, dans les années 75, tout à fait capable de négocier avec des criminels de guerre qu’étaient les franquistes, au détriment du principe d’imprescriptibilité des crimes de guerre, il pourrait aujourd’hui le faire. La crise catalane, même si elle n’a pas beaucoup de rapport avec ETA, soulève quand même la question de la capacité de négociation d’un pouvoir espagnol qui se raidit sur sa Constitution, qui en fait une sorte d’avenir indépassable, ce qui est à mon sens, politiquement dangereux. 

A partir d’autres conflits que vous avez étudiés, que faut-il pour parvenir à ce que vous appelez ’la paix positive’ ? 

La paix positive est un concept d’abord développé par le politologue norvégien Johan Galtung (connu comme le fondateur de l’irénologie, la science de la paix, NDLR) : pour faire la paix, il ne suffit pas de mettre fin à la violence, il faut tenter d’éradiquer un certain nombre d’éléments qui ont été à l’origine de cette violence. Ce qui distingue la paix négative - on ne se bat plus - de la paix positive : on ne se bat plus et on a tenté de régler les questions qui ont fait que l’on s’est battu. Cela renvoie d’ailleurs aussi à la théorie de la justice transitionnelle. Pour arriver à ce résultat, et c’est l’actualité de la Colombie ou de l’Irlande, il ne suffit pas de condamner le terrorisme, de mettre un terme à la violence, il faut aussi mettre en place des conditions qui permettront aux anciens combattants d’être réintégrés dans la société, et aux problèmes politiques soulevés par la violence, d’être traités par des voies pacifiques. Cela suppose par exemple, pour les prisonniers basques, une politique carcérale qui ne soit pas exclusivement répressive, mais une politique carcérale de réintégration. Si l’on fait une comparaison avec la Colombie, les membres des FARC ont été réintégrés en grande partie dans la société, les FARC sont devenues un parti politique. C’est un processus équivalent qu’il faudrait mettre en place aujourd’hui. Cela a été le cas aussi en Irlande, en Nouvelle Calédonie. Tout cela passe par la négociation la volonté de réinsérer pacifiquement les acteurs de ce qui a été une crise violente. Faire exactement au fond ce qu’ont fait les Espagnols avec les franquistes. 

Avec le recul, qu’est-ce qui a bien fonctionné ailleurs ? Quelles leçons tirer de l’histoire ? Existe-t-il une sorte d’universalité dans la manière de gérer les conflits ? 

Il existe une universalité dans les principes qui sont utilisés pour mettre fin et de manière durable au conflit, même si chaque situation appelle des processus et des solutions particuliers. Ce qui a pour l’instant mal fonctionné, si l’on replonge dans l’histoire du conflit basque, c’est l’incapacité des acteurs à pouvoir négocier en même temps, avec des raidissements dans les deux camps. Ce qui explique un très grand nombre d’échecs avant le processus actuel. Comme une absence totale de culture de la négociation. D’ailleurs, on observe que le règlement du conflit avance, mais il avance par initiatives unilatérales, portées notamment pas le mouvement des Artisans de la paix. On ne peut pas imaginer dans une démocratie que le conflit ne se règle pas par la négociation. Ce qui n’implique pas pour autant une amnistie totale. 

Quelles sont les démocraties qui ont réussi à tourner définitivement la page des conflits armés ? 

La Grande-Bretagne avec le conflit irlandais. Même si l’accord du Vendredi Saint peut connaître un certain nombre de difficultés, même si tout n’est pas réglé en Irlande, cet accord reste une démonstration de ce que l’on peut faire par la négociation. On peut aussi prendre l’exemple de la France avec la Nouvelle-Calédonie. Entre 1985 et 1988, on était dans une situation de quasi guerre civile. Les mois d’avril-mai 88 avaient été particulièrement violents avec la prise d’otages de la gendarmerie puis de la grotte d’Ouvéa. Finalement, tout cela s’est inversé extrêmement rapidement parce que le Premier ministre de l’époque, Michel Rocard, a diligenté une mission de dialogue qui a abouti à un accord, parfois en tordant un peu le bras à la Constitution française (notamment avec la détermination du corps électoral pour le référendum). On a finalement révisé la Constitution française en 2007 pour la rendre un peu plus conforme à ces principes mais on a parfaitement réussi dans ces deux situations-là. 

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Et que dire de l’Afrique du Sud ? 

C’est un conflit qui s’est résolu par la démocratisation. Le pouvoir autoritaire blanc, s’appuyant sur l’apartheid, a été vaincu dans les années 90. Une démocratie pluraliste a été rétablie. La population noire a pu accéder au pouvoir et aux élections, mais cela s’est fait aussi par la négociation et par un accord de réconciliation. C’est à cette occasion que l’on a créé la commission ’Vérité et réconciliation’, qui a permis de ’traiter’ les crimes sans nécessairement condamner les auteurs, et sans faire un trait sur le passé. Le problème du conflit basque, c’est qu’il renvoie à la mémoire violente de l’Espagne, de la période démocratique, mais aussi de la période franquiste, et il laisse des plaies qui n’ont pas été réglées. Une commission ’Vérité-réconciliation’ pourrait être un excellent instrument de traitement de la question. Passer de la guerre à la paix, c’est opérer une forme de révolution, changer radicalement le cours des choses. Mais aujourd’hui, les révolutions ne se font plus par la violence, elles se font par la négociation. C’est au fond, le grand apport de Nelson Mandela que de montrer que l’on peut faire une révolution en utilisant des moyens basés sur le compromis. 

Il existe une autre dimension à prendre en compte, c’est la place des victimes... 

C’est toujours une grande difficulté de ce genre de processus. Les victimes sont des acteurs incontournables et ne doivent jamais être négligées. Et souvent, elles le sont. Dans le conflit basque, les victimes sont très clivées. Les victimes de ETA (828 morts en 43 ans NDLR) en ont été encouragées, soutenues, aidées, avec raison, par le gouvernement espagnol. Mais il y a, dans l’autre camp, des victimes qu’il faut aussi prendre en compte. Le problème se pose aussi d’un déni de souffrance, de déséquilibre dans la reconnaissance des victimes... Il ne s’agit pas de dire ’tout le monde doit être amnistié’ et les crimes seront oubliés. Mais juste dire que le conflit est un conflit politique et de favoriser son règlement politique par une politique carcérale adaptée, qui peut être une politique de rapprochement, de libération conditionnelle. En tout cas, pour ce qui est de la France, une politique tout simplement d’application de la loi. Il faut donner la parole aux victimes, les laisser décider aussi de ce qui doit être fait. En 2015, lors d’une conférence à l’Assemblée nationale, on a pu assister à des dialogues parfois très impressionnants entre les victimes de ETA et les victimes du GAL (Groupe antiterroriste de Libération, commandos para-policiers et para-militaires espagnols, responsables de la mort de 34 personnes). C’est aussi par là que se construit un processus. 

Dans d’autres conflits, quel rôle précisément ont pu jouer les victimes ? 

Le risque est toujours qu’elles constituent un blocage. Il ne faut pas négliger leur souffrance. La paix est parfois une manière d’atténuer l’hommage rendu à ces souffrances, en tout cas en apparence. Les victimes ont souvent été associées, d’abord parce qu’on les a prises en charge. On les a aidées, intégrées dans le processus. Mais il y a aussi nécessairement une forme d’éducation. Quand on veut tenter de bâtir la paix, il ne faut pas uniquement penser à la génération qui a fait la guerre. Il faut aussi penser à la génération de l’après-guerre, comme en France après la deuxième Guerre mondiale. La société française avait alors toutes les raisons du monde de ne pas se réconcilier avec l’Allemagne : trois guerres successives dont une extraordinairement meurtrière. On n’a pas pour autant pensé que le général de Gaulle, quand il s’est rapproché d’Adenauer ne respectait pas les victimes, même si parfois on a pu lui reprocher. Les victimes sont certes un aspect très important du processus de paix, mais pas un aspect exclusif des processus de paix. Il faut aussi penser aux sociétés en devenir. Florence Sturm

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Source : https://www.franceculture.fr/societe/resolution-des-conflits-passer-de-la-guerre-a-la-paix-c-est-operer-une-forme-de-revolution

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21.
(Re)découvrir Érasme grâce à Wikipédia

Érasme, également appelé Érasme de Rotterdam (Desiderius Erasmus Roterodamus), né dans la nuit du 27 au 28 octobre1, en 1467n 1 (ou en 1466, ou en 1469) à Rotterdam, et mort le 12 juillet 1536 à Bâle, est un chanoine régulier de saint Augustin, philosophe , humaniste et théologien des Pays-Bas bourguignons, considéré comme l’une des figures majeure de la culture européenne. Reproduction : Desiderius Erasmus, peinture de Hans Holbein le Jeune.

Il reste essentiellement connu aujourd’hui pour sa declamatio satirique Éloge de la folie (1511) et, dans une moindre mesure, pour ses Adages (1500), anthologie de plus de quatre mille citations grecques et latines, et pour ses Colloques (1522), recueil d’essais didactiques aux thèmes variés, bien que son œuvre, bien plus vaste et complexe, comprenne des essais et des traités sur un très grand nombre de sujets, sur les problèmes de son temps comme sur l’art, l’éducation, la religion, la guerre ou la philosophie, éclectisme propre aux préoccupations d’un auteur humaniste.

Onomastique

Les noms de famille, à l’époque, n’étaient pas forcément stabilisés. Il appelle lui-même son père (en latin) Gerardus, et son frère aîné Petrus Gerardus ; d’autre part, un bref du pape le désigne comme Erasmus Rogerii. On en déduit que son père devait s’appeler en néerlandais Rotger Gerrit ou Gerrits. Erasmus est son nom de baptême, venant de celui de saint Érasme, l’un des saints auxiliateurs. Il l’a d’abord orthographié Herasmus, jusqu’à ce que l’apprentissage du grec ancien lui indique que le H était de trop. Il a ensuite pris conscience que la véritable forme grecque était Erasmios, et il se nomme parfois Erasmius, par coquetterie ; son filleul (né en 1516), fils de l’imprimeur Johann Froben, a été baptisé Johannes Erasmus, mais a toujours été appelé ensuite Erasmius. Desiderius est un autre nom qu’il s’est choisi lui-même et qu’il emploie pour la première fois en 1496 ; il est possible qu’il lui ait été suggéré par sa lecture assidue de la Correspondance de saint Jérôme, dont l’un des correspondants s’appelle ainsi. « De Rotterdam » se dit en latin Rotterdammensis, mais pour des raisons esthétiques il a préféré lui-même écrire, d’abord Roterdamus, ensuite Roterodamus (parfois en grec οτερόδαμος)2.

Biographie résumée

Érasme est né en 1466 ou 1467 ou 1469, selon les biographes, à Rotterdam. Il est le fils illégitime d’un prêtre et d’une fille de médecin. Selon certains, son nom d’origine était Geert Geerts, ou encore Gerhard Gerhards3, mais cela n’est pas prouvé4. Bien qu’il soit né à Rotterdam, sa famille était sans doute plutôt de Gouda.

En 1488, il prononce ses vœux chez les chanoines réguliers de saint Augustin à Steyn. Ordonné prêtre le 25 avril 1492, il obtient, par la même occasion, une dispense de cours. L’évêque de Cambrai l’ayant invité à le suivre dans ses déplacements comme secrétaire, à partir de 1493, il quitte le couvent et séjourne, entre 1495 et 1499, à Paris, où il aurait appris le grec. Il semble qu’il y ait également rencontré de nombreux humanistes.

Il écrit, dans le même temps, l’Enchiridion militis christiani (Le Manuel du soldat chrétien), sous l’inspiration du franciscain Jean Vitrier, alors gardien (supérieur) du couvent de Saint-Omer.

Entre 1499 et 1514, Érasme parcourt l’Europe. En 1499, il séjourne pour la première fois en Angleterre, où il fait la connaissance de John Colet, chanoine de Saint-Paul, et de Thomas More, autre humaniste. Il se rend de nouveau en Angleterre entre 1505 et 1506. Séjournant en Italie entre 1506 et 1509, il y devient docteur en théologie à l’université de Turin. Il fait, à partir de 1509, son troisième séjour chez Thomas More, en Angleterre, où il écrit l’Éloge de la Folie, publié à Paris deux ans plus tard.

En 1514, il va à la rencontre de l’imprimeur Johann Froben à Bâle et écrit l’Éducation d’un prince à l’intention du duc de Croÿ, précepteur du futur Charles Quint, puis devient le conseiller de ce souverain entre 1517 et 1521, séjournant principalement à Louvain, où il dirige le collège des Trois Langues nouvellement fondé. En 1517, Léon X le dispense de porter l’habit monastique. En mars 1519, Luther, fondateur du luthéranisme, invite Érasme à le rejoindre, mais ce dernier refuse5.

Entre mai et octobre 1521, Érasme passe cinq mois à Anderlecht chez son ami le chanoine Pierre Wichmans, dans ce qui est aujourd’hui la maison d’Érasme. Puis, entre 1521 et 1529, il séjourne à Bâle, où il publie la majeure partie de son œuvre (éditions et commentaires de presque tous les Pères de l’Église). En 1522, c’est la première édition des Colloques et la publication du De conscribendis epistolis (manuel d’épistolographie).

En 1524, Érasme attaque Martin Luther dans son De libero arbitrio (Essai sur le libre arbitre). En 1526, Luther y répond par le De servo arbitrio, mais la polémique va se poursuivre bien plus longtemps.

En 1528, Érasme publie Ciceronianus (Le Cicéronien), critique du purisme de certains auteurs de son époque, comme Pietro Bembo, qui figent la langue et refusent d’user d’un vocabulaire autre que celui de Cicéron pour décrire les réalités modernes. En 1529, la ville de Bâle étant entièrement acquise à la Réforme, il préfère s’installer à Fribourg-en-Brisgau, où il écrit son dernier grand ouvrage : L’Ecclésiaste. En 1535, il fait son retour définitif à Bâle. La même année, le pape Adrien VI lui offre le cardinalat, qu’il refuse6.

Il meurt le 12 juillet 1536 à Bâle.

Biographie - Introduction

« Prince des humanistes », il est l’âme de la « République des Lettres » qui se met en place en Europe au début du XVIe siècle. Chanoine régulier et prêtre hollandais, il améliore sa formation à Paris, puis auprès des humanistes anglais. Il avait été nommé en 1516, conseiller à la cour de Bourgogne7 à Bruxelles auprès du prince Charles, titre qu’il conserva quand celui-ci devint empereur des Romains. Il se fixe à Bâle de 1521 à 1529, jusqu’à son départ pour Fribourg-en-Brisgau8 auprès de son éditeur. Il quittera Bâle, à la suite de désordres religieux, pour Fribourg, où il restera jusqu’en 1535. Il retourna enfin à Bâle en 1535 chez Froben pour surveiller son édition d’Origène. Il renonce à la carrière ecclésiastique pour se consacrer aux études. Il est en contact avec les savants de toute l’Europe par ses voyages et sa correspondance. Extrêmement critique envers l’Église, dont il écrit qu’elle a « été fondée par le sang, confirmée par le sang, accrue par le sang » (Éloge de la folie, LIX), il refuse cependant de suivre les protestants parce qu’ils nient le libre arbitre de l’homme.

Enfance

Érasme était un enfant illégitime9. Son père Roger Gerard (en hollandais Geert), qui avait été calligraphe et copiste à Rome, se vit refuser le mariage du fait de sa condition et plus tard est devenu prêtre à Gouda. Sa mère, Margaretha Rogerius, est née à Anvers (Rutgers) et est fille d’un médecin de Mons. Toutefois, selon d’autres sources, entre autres une note du médecin Renier Snooy (1478-1537), Érasme serait né à Gouda. Trois ans avant sa naissance, son père et sa mère avaient eu un autre enfant, Pierre10. Plus tard, lui-même romancera le tout en prétendant que cette relation a eu lieu avant l’ordination de son père, que celui-ci était parti à Rome, qu’on l’a trompé en lui annonçant par courrier la mort de sa bien-aimée, etc ; il est certain qu’il savait lui-même que tout cela était faux. La famille était nombreuse (le père avait neuf frères tous mariés), mais aucun cousin ou neveu survivant en cette époque de précarité et exerçant sans doute des métiers éloignés du monde des lettres ne s’est jamais réclamé de sa célébrité venue certes tardivementn 2.

Après avoir passé les quatre premières années de sa vie à Rotterdam, Érasme habite avec sa famille à Gouda. On lit sur une image gravée sur bois : « Goudæ conceptus, Roterodami natus » (conçu à Gouda, né à Rotterdam). C’est à Deventer qu’il suit, de 1475 à 1484, des études dans l’école la plus célèbre de Hollande, l’école du chapitre de Saint-Lebuinus, dirigée au début de sa scolarité par Johannes Synthen, des Frères de la vie commune, puis par Alexander Hegius von Heek, un ami de Rudolph Agricola, célèbre humaniste qu’Érasme rencontra dans cette école et qui lui fit grande impression. Cet établissement renommé eut une grande influence sur ses qualités d’humaniste par ses méthodes de travail et d’éducation. Cependant, il exprimera plus tard le souvenir d’un établissement encore « barbare » et de manuels médiévaux inadaptés. Sa scolarité à Deventer est, un moment interrompue, par une période où il est enfant de chœur à la cathédrale d’Utrecht.

Années de formation

Sa mère meurt lors d’une épidémie de peste en 1483, et son père le rappelle à Gouda ainsi que son frère Pierre ; mais lui-même meurt peu de temps après. Les deux frères sont confiés à trois tuteurs, dont Pierre Winckel, maître d’école à Gouda. Érasme gardera un très mauvais souvenir de cette tutelle. Son frère et lui sont envoyés dans une école de Bois-le-Duc qu’il décrit comme complètement barbare, destiné à plier les jeunes à la discipline monastique. Mais une épidémie de peste les ramène à Gouda. Leurs tuteurs font tout pour les pousser à entrer au couvent. Pierre céda le premier et entra au couvent des chanoines réguliers de Sion (nl), près de Delft. Quelque temps plus tard, Érasme lui-même prononce ses vœux au monastère de Stein, sans doute en 1488. Le 25 avril 1492, il est ordonné prêtre par l’évêque d’Utrecht, David de Bourgogne, mais il dit lui-même qu’il n’a que rarement célébré la messe. Plus tard, le monachisme a été la cible principale de ses attaques lorsqu’il s’en prendra aux maux de l’Église11.

En 1493, il peut quitter le monastère de Stein : grâce à sa réputation de brillant latiniste, il se voit proposer le poste de secrétaire d’Henri de Bergues, évêque de Cambrai, un personnage considérable. Il séjourne avec lui notamment à Bruxelles et fréquente la bibliothèque du prieuré de Groenendael, où il découvre l’œuvre de saint Augustin. En 1494 ou 1495, il obtient la permission de l’évêque d’aller étudier à l’Université de Paris.

Il est recommandé par l’évêque à Jean Standonck, le très austère principal flamand du collège de Montaigu, qui avait été formé par les Frères de la vie commune à Gouda. L’ascétisme qui régnait dans l’établissement fit horreur au jeune homme et il n’y resta pas longtemps. Paris était alors le centre principal des études scolastiques, mais subissait aussi l’influence de la Renaissance italienne : des Italiens comme le poète Fauste Andrelin y enseignaient les belles-lettres. Érasme devient très ami de Fauste Andrelin. Il se présente aussi à Robert Gaguin, chef de l’humanisme parisien qui l’accueille avec bienveillance.

Comme étudiant, Érasme choisit de mener une vie indépendante, sans se sentir lié par une nationalité, par des liens académiques, par des coteries religieuses - tout ce qui aurait pu entraver sa liberté de pensée et d’expression littéraire. La langue latine, qui était alors d’un usage universel en Europe, lui permet de se sentir partout chez lui. Il exerce surtout son activité à Paris, à Louvain, en Angleterre et à Bâle. Son premier séjour en Angleterre, en 1499, sous l’impulsion de son élève William Mountjoy, lui permet de nouer des amitiés durables avec les principaux maîtres de la pensée anglaise à cette époque agitée du règne d’Henri VIII : John Colet, Thomas More, Thomas Linacre et William Grocyn (les échanges de lettres entre Érasme et Thomas More, empreintes d’un grand humour, sont d’un ton étonnamment moderne) ; il séjourne au Queens’ College de Cambridge, où il est même possible qu’il ait été étudiant.

Vie active

Reproduction - Érasme, par Quentin Metsys, 1517.

Reconnu depuis toujours comme l’un des plus grands humanistes de la Renaissance, Érasme a toute sa vie défendu une conception évangélique de la religion catholique. Il a maintes fois critiqué l’attitude du clergé et des papes, dont les comportements lui semblaient en opposition avec les évangiles.

Auteur de nombreux écrits notamment de dialogues, dont le fameux Éloge de la Folie, Érasme a longuement voyagé en Europe, notamment en Angleterre et en Italie pour s’enrichir et développer sa conception humaniste du christianisme. Bien que ses idées et ses critiques à l’encontre du pape fussent proches de celles de Martin Luther, il n’a jamais voulu adopter ni encourager la réforme protestante, ne souhaitant pas créer de schisme à l’intérieur de l’Église, fidèle, par là, à son idéal de paix et de concorde.

Alors qu’il prépare le doctorat de théologie de la Sorbonne de 1495 à 1499, il gagne sa vie en travaillant comme précepteur. Il compose pour ses étudiants latinistes des modèles de lettres, et travaille à l’élaboration d’une rhétorique épistolaire, tout d’abord en accord avec celle des humanistes italiens, mais appelée à connaître un développement extraordinaire qui aboutit en définitive à l’élévation de la lettre au rang de prose d’art. Influencé par les débats contemporains entre tenants du formalisme médiéval et partisans du néo-classicisme, et en réaction à la publication de la correspondance d’Ange Politien (1498), Érasme entreprend d’illustrer sa propre conception du genre. Ses manuels d’épistolographie, maintes fois plagiés à partir de 1499-1500, s’inscrivent dans la mouvance évolutive d’une synthèse des traditions classique et médiévale que le De conscribendis epistolis (1522) allait réaliser plus tard. L’attention accordée à l’épistolaire dans son Cicéronien (1528), dialogue satirique sur l’imitation vétilleuse de Cicéron, témoigne également de l’importance que revêt le genre à la Renaissance.

Épistolier infatigable, Érasme écrit des lettres à tout ce que l’Europe compte de princes, de grands ecclésiastiques, d’érudits renommés ou de disciples novices. Il affirme consacrer la moitié de ses journées à sa correspondance. On compte aujourd’hui plus de 600 correspondants dans toute l’Europe. En 1515-1516, résidant à Anderlecht, il rédige L’Institution du prince chrétien, destiné au jeune Charles de Habsbourg né à Gand et qui va devenir Charles Quint. De 1516 à sa mort, il publie plus d’une douzaine de recueils différents où sont associées ses propres lettres et celles de ses correspondants. Au total, c’est près de douze cents lettres qu’il donne à voir au public, pêle-mêle et sans égard pour la chronologie, ambitionnant d’illustrer à travers elles les ressources expressives du genre et ses prises de position au sein de la République des Lettres.

Grand admirateur des Elegantiæ de Lorenzo Valla, il compose à son tour un recueil d’expressions et de proverbes latins puisés chez les auteurs anciens, les Collections d’Adages (Collectanea Adagiorum), dont il se sert comme vade-mecum personnel, avec 818 adages lors de leur première publication à Paris en 1500 chez l’éditeur Jean Philippe. À ce petit recueil, qui continuera d’être publié sous le nom de Collectanea Adagiorum, feront suite les Chiliades d’Adages12 (Chiliades Adagiorum, publiés à Venise en 1508), et qui comporteront jusqu’à 4151 adages dans l’édition de 1536. Chaque expression est diversement commentée, et cet exercice, qui permet à Érasme d’illustrer les rapports entre la littérature latine et grecque, est prétexte pour l’auteur à proposer ses analyses sur l’homme, la religion ou les sujets d’actualité. La première édition du recueil (1503) est régulièrement révisée par l’auteur (d’autant que des éditions parallèles voient rapidement le jour) et le recueil final comporte plus de quatre mille articles. Il vient d’en être donné une réédition complète avec traduction française en regard (Les Belles Lettres, 2011, voir ci-dessous).

Il est également l’auteur d’un manuel de Savoir-vivre à l’usage des enfants, aussi connu sous le nom de La Civilité puérile (De civilitate morum puerilium, 1530), destiné au prince Henri de Bourgogne. Cet ouvrage, qui a servi de référence pendant plusieurs générations, donne un bon témoignage de l’état des mœurs dans l’Europe du XVe siècle13.

Revenu à Bâle pour surveiller la publication de l’Ecclésiaste, il se voit offrir de devenir cardinal par le pape Paul III. Il refuse.

Érasme est très affecté par l’exécution sur l’échafaud de son grand ami Thomas More, en août 1535. « Dans l’exécution de More je meurs moi-même un peu », écrit-il à un ami. « Nous étions deux amis ayant une seule âme entre nous »14. Lui-même meurt dans la nuit du 11 au 12 juillet 1536. Il est enterré dans la cathédrale de Bâle, aujourd’hui protestante. Le 19 janvier 1543, ses livres sont brûlés publiquement à Milan en même temps que ceux de Luther.

La devise d’Érasme

Érasme s’était choisi comme devise15 « Nulli concedo » (« Je ne fais de concessions à personne ») ou « cedo nulli16 » mais lorsqu’on lui en faisait le reproche, car elle semblait bien orgueilleuse, il répondait bien subtilement que ce n’était pas la sienne mais celle de Terminus, dieu antique représentant la mort ou le terme de la vie, et que c’était la mort et non Érasme qui parlait. En fait, Érasme portait comme sceau sur sa bague, une gemme antique représentant le dieu Bacchus, cadeau de son élève l’archevêque Alexandre Stuart, mais Érasme avait cru qu’il s’agissait du dieu Terminus, beau prétexte à une devise sans doute à double sens. Ce « memento mori » est représenté sur des gravures et elle figure entre autres sur la médaille où Quentin Metsys représenta Érasme17.

Œuvre et pensée- ‘L’Éloge de la Folie’ - Article détaillé : Éloge de la Folie.

Illustration de Hans Holbein le Jeune en marge de l’édition Froben, 1515, de L’Éloge de la Folie.

Il s’agit d’une fiction burlesque et allégorique, qui doit peut-être quelque chose à l’œuvre De triumpho stultitiae de l’humaniste italien Faustino Perisauli de Tredozio (près de Forlì)18. Érasme y fait parler la déesse de la Folie et lui prête une critique virulente des diverses professions et catégories sociales, notamment les théologiens, les maîtres, les moines et le haut clergé, mais aussi les courtisans dont nous avons une satire mordante. Cet auteur a excellé dans le genre satirique. Ainsi, il est l’auteur des Colloques, piquante satire des mœurs de son époque qui souligne l’indépendance de son esprit. Mais dans l’Éloge de la Folie, la satire s’élargit et dépasse l’époque de son auteur pour atteindre la société humaine en général. L’ouvrage sera mis à l’Index en 1557 lors de la Contre-Réforme.

Elle commence avec un savant éloge imité de l’auteur satirique grec Lucien, dont Érasme et Thomas More avaient récemment traduit l’œuvre en latin, un morceau de virtuosité dans le délire. Le ton devient plus sombre dans une série de discours solennels, lorsque la folie fait l’éloge de l’aveuglement et de la démence et lorsqu’on passe à un examen satirique des superstitions et des pratiques pieuses dans l’Église catholique ainsi qu’à la folie des pédants. Érasme était récemment rentré profondément déçu de Rome, où il avait décliné des avances de la Curie. Peu à peu la Folie prend la propre voix d’Érasme qui annonce le châtiment. L’essai se termine en décrivant de façon sincère et émouvante les véritables idéaux chrétiens.

Érasme et l’Europe

Érasme a milité pour la paix en Europe. Cet engagement européen est fondé sur son cosmopolitisme : « Le monde entier est notre patrie à tous », proclame-t-il dans la Querela pacis. Il est également fondé sur son pacifisme. La discorde sanglante qui divise les Anglais, les Allemands, les Français et les Espagnols lui semble une absurdité. « Pourquoi ces noms stupides nous séparent-ils, puisque le nom de chrétien nous unit ? ».

Dans la biographie qu’il a consacrée à Érasme, Stefan Zweig commente : « au lieu d’écouter les vaines prétentions des roitelets, des sectateurs et des égoïsmes nationaux, la mission de l’Européen est au contraire de toujours insister sur ce qui lie et ce qui unit les peuples, d’affirmer la prépondérance de l’européen sur le national, de l’humanité sur la patrie et de transformer la conception de la Chrétienté, considérée en tant que communauté uniquement religieuse, en celle d’une chrétienté universelle, en un amour de l’humanité humble, serviable, dévoué »19.

L’édition en grec et la traduction du Nouveau Testament

Page de titre de la première édition à Bâle du Novum Instrumentum omne.

De son vivant, Érasme est déjà reconnu, en Europe occidentale, comme l’un des grands penseurs de son temps. Particulièrement instruit, il maîtrise le latin et le grec. Sa connaissance du grec le persuade que certaines parties de la Bible présentes dans la Vulgate latine, n’ont pas été correctement traduites. Il décide donc de faire imprimer le Nouveau Testament grec (Novum Instrumentum omne), malgré les objections de ses amis, comme Marteen Van Dorpn 3 pour qui ce serait miner la fondation de l’Église, déjà alors en si mauvais état. Pour réaliser ce Nouveau Testament (1516) grec, Érasme dispose de manuscrits grecs au nombre de six ou sept (Minuscule 1, 2, 817, 2814, 2815, 2816, 2817)20. Il en fait une nouvelle traduction latine pour faire voir les différences avec la Vulgate. Par la suite la famille d’imprimeurs de Leyde, les Elzevier, utilisent le texte grec d’Érasme en écrivant au-dessous du titre Textus Receptus. Cette publication rejoint en grande partie les critiques sur lesquelles repose la réforme de Luther : l’Église catholique l’accuse, lui et ses partisans, de connivence avec Luther. À ce reproche d’avoir pondu l’œuf de l’hérésie, il répond que ce n’était pas son intention et que ce n’était pas lui le responsable de l’éclatement de l’Église.

Cette édition érasmienne servit de base à presque toutes les traductions en langues modernes du Nouveau Testament du seizième au dix-neuvième siècles.

Dans l’établissement de son texte grec basé sur l’examen de nombreux manuscrits, la plupart du XIIe siècle, Érasme usa parfois d’un procédé surprenant, en retraduisant en grec des passages de Jérôme ne figurant pas dans les manuscrits consultés. Le manuscrit unique de l’Apocalypse dont il avait pris connaissance était lacunaire, il y manquait la dernière page contenant les six derniers versets et il n’hésita pas à traduire en grec le texte latin de Jérôme. Mais le volume consulté était de qualité inférieure et au lieu de ’ligno vitae’ (Apoc. XXII, 19) il contenait ’libro vitae’. Dans d’autres passages de l’Apocalypse il usa du même procédé. Ainsi F. H. A. Scrivener a fait remarquer21 que dans Apocalypse, XII, 4, Érasme a même créé un nouveau mot grec : ἀκαθάρτητος (selon le modèle de τὰ ἀκάθαρτα). Dans les actes des apôtre IX, 6, il recompose en grec d’après le texte de la Vulgate la question que pose Paul au moment de sa conversion sur le chemin de Damas : Τρέμων τε καὶ θαμβῶν εἲπεν κύριε τί μέ θέλεις ποιῆσαι (’tremblant et plein de stupeur il dit : Seigneur que désires-tu que je fasse ?’). La grande virtuosité d’Érasme le rendait capable d’user d’un procédé que la science philologique actuelle n’accepte plus.

Érasme mystificateur ?

En 1530, Érasme, dans sa quatrième édition des œuvres de saint Cyprien, introduit un traité De duplici martyrio ad Fortunatum, qu’il attribue à saint Cyprien et présente comme ayant été retrouvé par hasard dans une ancienne bibliothèque. Ce texte, proche des ouvrages d’Érasme, aussi bien pour le fond (hostilité à la confusion entre vertu et souffrance) que pour la forme, et dont on ne connaît aucun manuscrit, contient des anachronismes flagrants, comme une allusion à la persécution de Dioclétien, persécution bien postérieure à la mort de saint Cyprien. En 1544, le dominicain Henricus Gravius dénonce l’ouvrage comme inauthentique et en attribue la paternité à Érasme ou à un imitateur d’Érasme. Au XXe siècle, l’hypothèse d’une fraude d’Érasme était rejetée a priori par la plupart des grands érasmiens, par exemple Percy S. Allen, mais elle est adoptée par des universitaires comme Anthony Grafton22.

Hommages

Photo - Statue d’Érasme de Hendrick de Keizer, devant l’église Saint-Laurent de Rotterdam.

Le programme européen d’échange pour les étudiants et les enseignants ERASMUS est un rétroacronyme signifiant, en anglais, le Programme d’action européen pour la mobilité des étudiants.

Érasme est considéré par la ville de Rotterdam comme le plus célèbre des Rotterdamois23,24. Pour la population rotterdamoise, le philosophe est également considéré comme une « icône de la tolérance » de la ville24. La statue d’Érasme qui se dresse devant l’église Saint-Laurent de Rotterdam est la plus ancienne statue non religieuse des Pays-Bas, représentant une personne23. Fondée en 1328, l’ancienne école paroissiale de l’église Saint-Laurent, qui devient, en 1581, une école latine, puis un gymnase, est rebaptisée Stedelijk of Erasmiaansch Gymnasium (c.à.d. gymnase municipal ou érasmien) en 184225,26. À Rotterdam, le nom d’Érasme est utilisé pour désigner le nom de l’université de la ville, la Erasmus Universteit. Inaugurée sous sa forme actuelle en 1973, elle est alors la première université à porter le nom d’une personne aux Pays-Bas27. Le pont Érasme a été inauguré à Rotterdam en 1996 et joue une grande importance dans le paysage urbain de la ville dont le marketing urbain est basé sur la modernité et l’originalité de son architecture28. Le centre médical universitaire de la ville prend le nom de Erasmus Medical Center ou Erasmus MC lors d’une importante réorganisation en 200229.

La bibliothèque d’Érasme est conservée à Emden, où, en 1993, l’Église évangélique réformée et la paroisse évangélique réformée d’Emden ont créé la ’Fondation Bibliothèque Jean de Lasco - Grande Église d’Emden’. La bibliothèque d’Érasme avait été acheté par l’intellectuel et réformateur protestant polonais Jean de Lasco, qui vint ensuite s’établir à Emden30.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89rasme

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22.
Érasme de Rotterdam : Dulce Bellum Inexpertis (1515) - La guerre est douce pour ceux qui ne l’ont pas faite [i.e. à ceux qui n’y connaissent rien] Publié le 24 mai 2015 par Bernard UMBRECHT – Document ‘lesauterhin.eu’

Commençons par un petit clin d’œil à l’actualité. J’ignorais qu’il y avait en France tant d’amateurs, d’amoureux du latin. Je sens que j’ai bien fait de garder mon « Gaffiot », qui n’est pourtant pas dans mon expérience le symbole d’un gai savoir. J’ai observé en effet qu’il sert au moins pour les « manifs » en attentant l’invention du lancer de« Gaffiot ».

Voici donc le début, en latin (et grec), du texte dont il sera question aujourd’hui. On se rassure : la traduction et quelques phrases de plus suivent :

3001.IV, I, 1.Dulce bellum inexpertis

« Et elegans cum primis et multorum litteris celebratum adagium est :Γλυκùς ἀπείρῳ πόλεμος , id est Dulce bellum inexperto. Id ita reddit Vegetius libro De re militari III, capite XIV : Nec confidas satis, si tyro proelium cupit ; inexpertis enim dulcis est pugna. Citatur ex Pindaro : Γλυκù δὲ πόλεμος ἀπείροισιν, ἐμπείρων δέ τις ταρβεĩ προσιόντα νιν καρδίᾳ περισσὦς, id est Dulce bellum inexpertis, ast expertus quispiam horret, si accesserit cordi supra modum …. »

Desiderius Erasmus Roterodamus Adagia, Chiliades IV (Source)

« Il est particulièrement intéressant et répandu dans les lettres, l’adage Γλυκυς απειρψ πολεμος, c’est-à-dire la guerre est douce pour celui qui ne l’a pas faite. C’est Végèce qui, dans son livre sur l’Art de la guerre, III, chap. XIV, le cite ainsi : Ne te fie pas trop au jeune soldat qui désire se battre, car le combat est doux pour ceux qui ne savent pas ce que c’est. C’est tiré de Pindare : Γλυκυ εστι πολεμος απειροισιν, εμπειρων δε τις ταρβει προσιοντα νιν καρδια περισσως, c’est-à-dire la guerre est douce pour ceux qui ne l’ont pas faite, mais qui la connaît en éprouve, dès qu’il s’en approche, une horreur extrême.
Parmi les affaires humaines, il s’en trouve dont on ne peut concevoir, sans en avoir fait l’expérience, ce qu’elles contiennent de malheurs et de maux.

Douce est aux ignorants la fréquentation
D’un ami puissant, mais qui en a goûté
S’en méfie ».

Une anthologie numérique sur le pacifisme

Je veux d’abord rendre hommage à une initiative qui s’est tenue du 13 au 16 mai 2015, dans le cadre des Rencontres de Genève Histoire et Cité qui avaient pour thème « Construire la paix ». Pendant trois jours, une équipe de volontaires, sous la coordination d’infoclio.ch et de la Bibliothèque numérique romande, avec la Faculté des Lettres de Genève, s’est donnée pour mission de produire de A à Z une anthologie de textes relatifs au pacifisme et de la mettre à disposition d’un large public.

Les Rencontres de Genève veulent mettre en relation le monde académique et le grand public sur le thème de l’histoire plus précisément autour de la question : À quel avenir est promis le passé dans nos sociétés connectées ? Son originalité est de poser la question des humanités digitales. infoclio.ch a pour objectif de développer une infrastructure numérique pour les sciences historiques en Suisse.

Une quinzaine de participants ont abordé toutes les étapes de production d’un livre numérique : choix des textes, numérisation, mise en page, correction des épreuves, et la réalisation finale d’une Anthologie sur le pacifisme en différents formats de téléchargement. Un exemple à suivre. Cette anthologie de 235 pages vient d’être publiée. On trouvera les références et les liens à la fin de ce texte. Immanuel Kant, Victor Hugo, Diderot, Tolstoï, Jaurès, Romain Rolland et son célèbre Au dessus de la mêlée, la lettre de Freud à Einstein, Gandi, Camus, Mandela ….. y figurent.

J’ai choisi pour aiguiser l’appétit quelques extraits d’un texte d’Érasme, d’abord parce le Prince des humanistes a eu comme terrain d’action l’espace rhénan et s’imposait pour le Sauterhin mais aussi en raison de son originalité comme du lieu ainsi que de la date de sa publication : à Bâle en 1515, l’année de la bataille de Marignan. Érasme qui avait voyagé en Italie, était docteur en théologie de l’Université de Turin et édité à Venise ne pouvait pas ignorer les guerres d’Italie dans laquelle les mercenaires des Confédérés suisses, la France, le Pape et Venise étaient impliqués.

Le texte dont il est question fait partie des Adages publiés par Erasme entre 1500 et 1536 en 16 éditions différentes dont un format de poche. Le 3001ème adage fait partie de l’édition de 1515. Les adages sont « un des plus grands succès de librairie de la Renaissance » explique Isabelle Diu de l’École nationale des Chartes (Paris) dans un très beau texte dont je recommande la lecture, en ligne. Elle ajoute :

« Les raisons en sont faciles à comprendre : d’un accès aisé, presque ludique, composé comme en passant, l’ouvrage semble véhiculer une sorte de sagesse populaire ; pourtant, il s’appuie sur les autorités les plus prestigieuses, révèle de hautes qualités rhétoriques et s’avère ancré dans la réalité la plus contemporaine. Bien loin de n’être qu’une simple compilation à usage éthique, l’œuvre ressortit à la catégorie des essais rhétoriques et esthétiques. D’un même mouvement, il met à portée du grand nombre, avec un réel talent pédagogique, les trésors de la sagesse antique, sous une forme nouvelle et proprement humaniste : en restituant la lettre même des textes. Cette sorte d’anthologie de la littérature antique est donc aussi une forme de manifeste de l’humanisme lettré. »

Isabelle Diu / École nationale des Chartes (Paris) Une lecture des Adages d’Érasme, entre bibliographie rêvée et bibliothèque idéale

Les Adages sont ce que l’on appellerait aujourd’hui un work in progress. Ils ont même quelque choses de nos blogs, les délais de publication en plus bien sûrs. Ils contiennent l’idée d’une collection de maximes de l’antiquité commentées dans un « jardin d’auteurs variés » selon l’expression d’Érasme lui-même, un butinage qui forme une sorte de livre de lecture d’une bibliothèque idéale. L’édition est accompagnée d’un appareillage de lecture sous forme de deux index : l’un d’auteurs, l’autre thématique.

Mais cette bibliothèque « échappe au réel, sa richesse devenant métaphore des ressources morales de son possesseur ».

Isabelle Diu forme l’hypothèse que « bibliothèque et bibliographie forment les espaces nécessaires à la création de nouveaux textes, qui existent indépendamment de l’accumulation des livres à l’intérieur de la bibliothèque, indépendamment des canons établis, mais pourtant par la grâce de leur existence ».

Cela s’inscrit aussi dans notre réflexion sur la question des essais et celle à venir sur les bibliothèques

ÉRASME de Rotterdam : Dulce Bellum Inexpertis (1515) – Extraits

Dans le plaidoyer pour la paix d’Érasme écrit dans une période où l’on pensait pouvoir flirter impunément avec la mort et, rappelons-le, pendant laquelle en Suisse, à Bâle, on faisait commerce du sang des mercenaires, j’ai choisi quelques extraits dans lesquels il met en évidence la discordance entre l’homme et la guerre. Alors que l’homme est doué d’empathie, le tableau de la guerre ne correspond pas à cette image. Pour convaincre ceux qui approuvent la guerre sans rien y connaître, c’est un peu comme nos enquêtes d’opinion dans lesquelles les gens savent tout sur tout sauf sur la réalité à laquelle se rapporte la question, Érasme s’emploie à la décrire comme Urs Graf, lui-même mercenaire, s’est employé à la dessiner. Le troisième extrait est une tentative d’explication psycho sociale des mécanismes de la guerre.

Reproduction - Urs Graf, la bataille de Marignan

La guerre est indigne de l’homme.

« Si, au nombre des affaires humaines, il en est une qu’il convienne d’entreprendre avec hésitation ou plutôt qu’il faille fuir, conjurer par ses prières, repousser par tous les moyens, c’est certainement la guerre : rien n’est plus impie, plus calamiteux, plus largement pernicieux, plus obstinément tenace, plus affreux, bref, plus indigne de l’homme, pour ne pas dire d’un chrétien. Et, chose étonnante à dire, on l’entreprend aujourd’hui un peu partout avec une telle légèreté, un tel manque de discernement ! avec quelle cruauté et quelle barbarie la font, non seulement les païens, mais aussi les chrétiens, non seulement les laïcs, mais aussi les prêtres et les évêques, non seulement les hommes jeunes et inexpérimentés, mais aussi les vieillards qui l’ont vécue bien souvent, non seulement le peuple et la foule naturellement changeante, mais surtout les princes dont le devoir serait d’apaiser par sagesse et raison les mouvements inconsidérés de la sotte multitude. Et il ne manque pas de jurisconsultes ni de théologiens qui cherchent à attiser leurs torches de semblables abominations et, comme on dit, les aspergent d’eau froide. Si bien que, de nos jours, la guerre est à ce point admise que les hommes s’étonnent de trouver quelqu’un à qui elle ne plaise pas ; à ce point approuvée qu’il est impie, et je dirais presque hérétique, de désapprouver cette entreprise entre toutes la plus criminelle, la plus malheureuse aussi.
Comme il serait mieux fondé de s’en étonner et de se demander quel mauvais génie, quel fléau, quelle calamité, quelle Furie a fait pénétrer pour la première fois dans l’esprit de l’homme le besoin, resté jusqu’alors animal, qui pousse cet être pacifique, créé pour la paix et la bienveillance – le seul que la nature ait fait naître pour le salut de tous – à se ruer avec une folie si bestiale et des violences si délirantes vers le massacre mutuel ! Et ce fait stupéfiera plus encore quiconque se sera détourné des opinions généralement reçues, pour observer l’essence même des choses et leur nature et examiner quelque peu, avec l’œil du philosophe, d’une part, l’image de l’homme et, d’autre part, le tableau de la guerre ».

Après avoir décrit l’homme comme doué d’empathie, fait pour l’amitié, Érasme y oppose en dissonance le tableau de la guerre, ce qui suppose – il s’adresse à ceux qui n’y ont jamais été – un effort d’imagination, une imagination d’abord partiellement auditive :

« Imaginez donc que vous vous trouvez au milieu de cohortes barbares que leurs visages mêmes et le son de leurs voix rendent horribles, d’armées bardées de fer, rangées en bataille, parmi le fracas et l’éclat effrayants des armes, l’agitation odieuse d’un très grand nombre d’hommes, leurs regards menaçants, les appels rauques des cors, le son terrifiant de la trompette, les roulements de bombardes, aussi impressionnants que ceux du tonnerre, mais plus malfaisants, les clameurs folles ; imaginez que vous voyez le choc furieux, la monstrueuse boucherie, le sort cruel tant des tueurs que des tués, les cadavres entassés, les plaines gorgées et les fleuves teintés de sang humain. Il arrive même parfois que le frère fonde sur son frère, le parent sur son parent, l’ami sur son ami et, au moment où la fureur commune se déchaîne, enfonce le fer dans les entrailles de celui qui ne l’avait jamais blessé, fût-ce même d’un mot. Une tragédie semblable contient une telle somme de malheurs que le cœur humain se détourne avec horreur de sa description même. Pour ne pas rapporter ces maux tout ordinaires au regard de ceux que je viens de citer : moissons foulées partout, fermes en cendres, villages incendiés, troupeaux razziés, vierges violées, vieillards traînés en captivité, églises saccagées, brigandages, déprédations, violence et confusion partout. Je tairai de même ces malheurs qui suivent d’ordinaire une guerre, fût-elle la plus heureuse et la plus juste : le menu peuple dépouillé, les riches chargés d’impôts, tant de vieillards laissés seuls et anéantis par le massacre de leurs enfants plus misérablement que si l’ennemi leur avait enlevé, avec la vie, la faculté de souffrir, tant de vieilles femmes privées de leurs biens et supprimées ainsi plus cruellement que par le fer, tant de femmes veuves, tant d’enfants orphelins, tant de maisons remplies de deuil, tant de riches réduits à la misère. À quoi rime-t-il, en effet, de parler du bouleversement moral, alors que personne n’ignore que c’est de la guerre que sort la démoralisation générale de la vie ? C’est d’elle que naît le mépris du devoir, l’indifférence à l’égard des lois, l’audace de concevoir n’importe quel crime. De cette source jaillit un torrent de brigands, de voleurs, de sacrilèges, d’égorgeurs. Et – c’est là le plus grave de tout – cette pestilence si funeste ne sait se contenir dans ses propres limites, mais, née dans un coin quelconque, non seulement elle envahit, comme une épidémie, les régions voisines, mais encore elle entraîne les plus éloignées dans le désordre et le bouleversement général, par des nécessités commerciales ou à la faveur d’une alliance ou d’un traité. Bien plus, la guerre est engendrée par la guerre, une vraie guerre naît d’un semblant de guerre, la plus importante sort de la plus insignifiante et il n’est pas rare qu’il lui arrive alors ce qui, dans les fables, nous est raconté du monstre de Lerne ».[…]

Érasme essaye ensuite de comprendre ce qui a fait de l’homme un être capable de meurtres

« Et toujours les plus grands maux se sont glissés dans la vie des hommes sous le masque du bien. Autrefois donc, quand les hommes primitifs, nus, sans remparts et sans toit, vivaient dans les forêts il arriva plusieurs fois qu’ils furent attaqués par des bêtes sauvages. Ce fut donc à elles que l’homme déclara d’abord la guerre, et l’on tenait pour courageux et l’on prenait comme chef celui qui avait protégé l’espèce contre la violence des fauves. Il paraissait parfaitement justifié de les égorger lorsqu’ils vous égorgeaient, de les massacrer quand ils vous massacraient, surtout s’ils vous assaillaient sans qu’on les eût attaqués. Comme ces actions étaient portées aux nues (c’est pour cela qu’on fit un dieu d’Hercule), la jeunesse ardente se mit à chasser les fauves à l’envi et à se parer de leurs dépouilles comme d’un trophée. Ensuite, non contents de les avoir égorgés, les jeunes gens se couvrirent de leurs peaux pour se défendre contre les rigueurs de l’hiver. Tels furent les premiers meurtres, telles, les premières dépouilles. Après quoi ils poussèrent plus loin, ils osèrent une chose que Pythagore a jugée résolument impie et qui pourrait nous paraître extravagante si l’habitude ne nous en empêchait, l’habitude dont la force est telle que, chez certains peuples, on a considéré comme un devoir pieux de précipiter dans une fosse un père âgé, après l’avoir battu à mort, et d’enlever la vie à celui de qui on l’avait reçue ; qu’on tenait pour saint de se nourrir de la chair de ses amis intimes ; qu’on jugeait beau de prostituer une vierge dans le temple de Vénus et bien des choses plus absurdes encore que celles-ci, dont le simple récit serait pour tous un objet d’abomination. Ainsi donc rien n’est assez criminel, assez atroce pour ne pas être approuvé si la coutume le veut. Quel crime osèrent-ils donc commettre ? Ils ne craignirent pas de se nourrir du cadavre des animaux tués, de lacérer de leurs dents la chair morte, d’en boire le sang, d’en sucer la lymphe et, selon l’expression d’Ovide, d’enfouir les entrailles au fond de leurs entrailles. Cet acte, tout inhumain qu’il parût à ceux dont l’esprit était plus civilisé, l’usage et la facilité le sanctionnèrent. On se plut même à regarder l’aspect d’un cadavre, on y prit un plaisir sensuel. Les chairs sont ensevelies dans des boîtes, conservées avec des aromates ; on inscrit en épitaphe « Ci-gît un sanglier, ici a été enterré un ours ». Cadavéreuses voluptés ! On alla plus loin. Des bêtes nuisibles, on en arriva aux animaux innocents. On s’en prit un peu partout aux moutons,

Animal sans ruse ni dol, on s’en prit au lièvre, pour la seule raison qu’il était de chair délicate. On n’eut même pas pitié du bœuf domestique qui avait nourri longtemps, par ses sueurs, la famille ingrate ; on n’épargna aucune espèce d’oiseau, aucune espèce de poisson et la gourmandise devint à ce point tyrannique qu’aucun animal ne se trouva plus nulle part à l’abri de la cruauté humaine. Et l’habitude fit encore qu’on resta insensible à la violence exercée contre toute forme de vie, du moins tant qu’on s’abstînt d’abattre des hommes ».

Ce qui n’était au début qu’un corps à corps devient combat de bande puis l’innovation technique transforme le brigandage en guerre :

« Mais tandis que la férocité croît par l’usage, tandis que les colères grandissent, tandis que l’ambition s’enflamme toujours plus, ils arment leur fureur grâce à leur ingéniosité. On invente toute espèce d’armes défensives, on invente des armes offensives pour faire périr l’ennemi. Bientôt les hommes commencèrent à se heurter un peu partout, en troupes plus nombreuses et armées. Cette évidente folie ne manque pas d’honneurs. On la nomma « guerre » et l’on voulut que le courage résidât dans le fait de protéger, au péril de sa vie, ses enfants, sa femme, son troupeau, son gîte contre les violences des ennemis. Et ainsi, peu à peu, l’art de combattre se développant avec la civilisation, on entreprit de se déclarer la guerre de cité à cité, de région à région, de royaume à royaume. Pourtant, dans une entreprise fort cruelle en soi, subsistaient encore des vestiges de l’ancienne humanité : on réclamait satisfaction par l’entremise de parlementaires, les féciaux ; on en appelait au témoignage des dieux ; on préludait au combat par un assaut d’injures. L’affaire se réglait au moyen des armes ordinaires et par le courage, non par la ruse. Il était sacrilège d’assaillir l’ennemi avant le signal du combat ; il n’était pas permis de combattre après que le général avait fait sonner la retraite. Bref, on faisait assaut de valeur et de gloire plutôt qu’on ne cherchait à s’occire. On ne prenait les armes que contre les étrangers qu’on nommait, pour cette raison, « hostiles » (autrement dit, les « hôtes »). De là sont nés les empires : aucun ne fut jamais créé dans aucune nation si ce n’est au prix de beaucoup de sang humain. À partir de ce moment, les guerres s’enchaînent sans interruption : à tour de rôle, on se chasse du pouvoir et on le revendique. Ensuite, comme le commandement était tombé aux mains des pires scélérats, on tourna bientôt ses armes contre le premier venu, à sa fantaisie ; et les plus menacés par les périls de la guerre ne furent plus dorénavant les êtres malfaisants mais les gens bien rentés, le but du combat ne fut plus la gloire mais un butin sordide ou bien quelque profit plus criminel encore. Je ne doute pas que Pythagore, dans sa grande sagesse, ait prévu cela quand, par son enseignement philosophique, il détournait la masse inexpérimentée des hommes de l’abattage des animaux. Il se rendait compte que celui qui, sans avoir subi de dommage, se serait accoutumé à répandre le sang d’une bête inoffensive, ne craindrait pas, une fois mû par la colère et piqué par l’offense, de se débarrasser d’un homme. Qu’est-ce que la guerre, en effet, sinon un meurtre multiplié et réciproque, un banditisme d’autant plus scélérat qu’il s’accomplit sur une plus large échelle ? Mais ce sont là objets de plaisanterie, divagations de scolastiques pour les seigneurs grossiers de notre temps qui, n’ayant d’humain que la forme, n’hésitent pas à se prendre pour des dieux.

Et cependant, c’est en partant de là qu’on en est arrivé, nous le voyons, à ce point d’insanité de ne rien faire d’autre toute la vie. Nous sommes constamment en guerre, nation contre nation, royaume contre royaume, cité contre cité, prince contre prince, peuple contre peuple et – chose que les païens mêmes considèrent comme impie – allié contre allié, parent contre parent, frère contre frère, fils contre père, enfin – ce que je trouve plus atroce que tout cela – des chrétiens luttent contre des hommes, et j’ajouterai à contre-cœur, car c’est le fait le plus atroce, des chrétiens font la guerre contre des chrétiens. Aveuglement de l’esprit humain : personne ne s’en étonne, personne ne s’en indigne ! » […]

Texte tiré de Margolin Jean-Claude, Guerre et paix dans la pensée d’Erasme, Paris, Aubier Montaigne, 1973, pp. 112-148.

1èrede couverture : LA PAIX - Anthologie numérique sur le pacifisme
Infoclio.ch, Maison de l’Histoire de l’Université de Genève et Bibliothèque numérique romande, 2015. 235 p. ISBN 978-3-906817-01-9

Téléchargements aux formats PDF, ePub, Mobipocket : sur le site d’Infoclio.ch

J’en profite pour vous présenter les Bourlapapey (bourla-papey, brûle-papiers en langage du pays de Vaud) de la Bibliothèque numérique romande

Les bourlapapey (bourla-papey, brûle-papiers en langage du pays de Vaud), étaient des révoltés paysans qui, pour s’opposer au rétablissement des impôts féodaux dans ce qui était alors, en 1802, le canton du Léman de la République Helvétique mirent le feu aux archives de plusieurs châteaux, centres de gouvernement, afin d’empêcher l’application de ces impôts. Leurs leaders d’abord condamnés furent amnistiés quelques mois plus tard et les impôts abolis.

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23.
Érasme La complainte de la paix – Rubrique Aide aux dissertations de philosophie Par J. Llapasset – Document ‘philagora.net’

  • ’Si j’étais haïe par les créatures privées de langage, j’attribuerais leur haine à leur ignorance, me disant qu’elles sont dépourvues de cette force de l’intelligence qui seule est capable d’apprécier les avantages que je leur offre.’ La complainte de la paix. (1469 (environ) - 1536)
    Esquisse niveau prépas : http://www.philagora.net/ph-prepa/dissert-prepas/ - Site Philagora, tous droits réservés

Tableau de définitions 

haïr

la haine est une passion qui veut la disparition de... Ici de la paix.
créatures ...de Dieu : important, nous sommes dans une pensée religieuse.
privées de langage à l’époque, cela désigne bien entendu les animaux.
j’attribuerais ici signifie : j’expliquerais sans m’étonner.
ignorance parce qu’ils n’ont pas la raison et l’intelligence comme faculté de trouver des rapports, de comparer : le bon sens.
me disant me rappelant que...
capable d’apprécier que la paix est la source de tous les biens et qu’elle n’a donc pas de prix : ’quel que soit le prix payé, la paix est toujours bon marché.’ Mai Lequan, La paix, Corpus, page 104.

 => La haine de la paix est une passion, un effet de l’ignorance des avantages offerts par la paix. C’est donc un paradoxe qu’un homme ’doué de raison et capable d’exercer une intelligence d’origine divine ... un homme engendré pour être sensible à la bienveillance et à la concorde’ (Érasme) puisse haïr la paix.
Quelle petite cervelle n’attribuerait- on pas à l’homme en le voyant dépenser tant d’argent, gaspiller tant de temps, d’inventions, risquer tant de périls ... pour se plonger dans les malheurs de la guerre !
Pourtant, une simple comparaison, grâce à sa raison, son bon sens, ne devrait-elle pas l’éclairer et le sauver !=> Si la guerre produit des malheurs, des crimes, se fait au profit du petit nombre par une perversion de la nature de l’homme, comment la préférer à la paix qui éclaire tout d’une lumière, qui met en valeur chaque bien et permet donc de tout apprécier, et d’exercer la vertu : ne fait-elle pas le bonheur du plus grand nombre, ne convient-elle pas à un être raisonnable sensiblement affecté : apprécier la paix est bien le résultat d’un effort intellectuel.=> Remarquer que l’on ne vous demande pas si apprécier la paix est le résultat d’un effort intellectuel mais en quoi c’est le résultat d’un effort intellectuel. Vous pouvez distinguer à la suite d’Érasme le point de vue de la nature, de la raison, de la religion.
Ce qui ne vous interdit pas de remarquer que, quelque soit l’effort intellectuel de pensée qui est fait, toute appréciation suppose une existence, une réalité. Or la paix est une idée de la raison et pour apprécier la paix, encore faut-il faire la paix...=> Quoi qu’il en soit, vous lirez le contexte de votre citation à la page 105 La paix, Mai Lequan, Corpus , GF Flammarion, N° 3026, en particulier :
Tu te demanderas, après mure réflexion, s’il est avantageux de remplacer la paix par la guerre.’
Mais ne s’agit-il pas plutôt, et c’est tout le problème de remplacer la guerre par la paix !..D’aller la chercher au ciel des idées...?=> Pour ce qui est de l’effort intellectuel, il s’agit de :- Revenir sur la guerre et la paix pour pouvoir comparer les horreurs de la guerre et les bienfaits de la paix ;
- Comprendre que la paix a une telle valeur qu’elle justifie tous les sacrifices et en particulier celui de la guerre et de ses passions ;
- Distinguer un bien particulier et la source de tous les biens qui est la paix : dès lors elle mérite qu’on l’achète au prix de tout ce qui n’est pas elle et un tel échange est toujours une excellente affaire.
=> Intelligence : ici, faculté d’organiser des rapports entre des objets : la guerre et la paix ; balance intérieure, pouvoir de comparaison, bon sens comme utilisation de la raison donnée par le créateur à tous les hommes. Voir : http://www.philagora.net/ph-prepa/la-paix/ |

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24.
Erasme, l’Européen 59 minutes - 17/11/2018 – Dans le cadre de l’émission
Savoirs-
Concordance des tempspar Jean-Noël Jeanneney le samedi de 10h00 à 11h00 – Document France Culture

Qu’est-ce que cet homme, très illustre en son temps, peut encore avoir à nous dire aujourd’hui ? Il développa, par-dessus tout, une réflexion durable sur les horreurs de la guerre et sur les moyens de préserver la paix, cette paix toujours menacée, en son temps comme au nôtre.

Reproduction - Erasmus von Rotterdam, peint par Hans Holbein (1528).• Crédits : Getty

J’ai rencontré l’autre jour deux étudiants qui se montraient fort heureux de tirer avantage d’Erasmus, ce précieux programme d’échanges universitaires d’un pays à l’autre en Europe. Ils étaient persuadés que ce nom correspondait à un de ces nombreux sigles que les administrations excellent à inventer et qu’ils s’avouèrent d’ailleurs incapables de décrypter eux-mêmes.

Cela m’a été un signal d’alerte sur une nécessité intellectuelle et civique : celle de restituer à Érasme, dans cette émission, et en perspective des prochaines élections au Parlement de Strasbourg, sa haute figure d’humaniste européen. De rechercher ce que cet homme, très illustre en son temps, à la rencontre des XVe et XVIe siècles, peut encore avoir à nous dire, au fil de son destin spécifique, au fil dune œuvre puissante et de vaste dimension qu’enrichissent tous les procédés de l’érudition, de la conviction, de la chaleur et de l’ironie.

Ce qu’il peut nous dire quant à la circulation, sur notre continent, des idées et des écrits, des espérances et des angoisses, des générosités et des haines.

Il porta une foi religieuse qui était ardente à préserver, contre toutes les formes du cléricalisme, les exigences d’une pensée libre. Il marqua le souci d’une pédagogie qui se dégageât des vieux oripeaux d’un conformisme répétitif. Il incarna la conviction que seule une culture de longue main s’abreuvant aux sources magnifiques de l’Antiquité pouvait porter l’Europe à son meilleur.

Il développa, par-dessus tout, une réflexion durable sur les horreurs de la guerre et sur les moyens de préserver la paix, cette paix toujours menacée, en son temps comme au nôtre, et qui semblait à Érasme le plus précieux des biens de l’humanité. 

Afin d’évoquer tout cela, j’ai invité Marie Barral-Baron. Maître de conférences en histoire moderne à l’Université de France-Comté, à Besançon, où elle est rattachée au Centre Lucien Febvre, elle a consacré récemment un ouvrage reconnu à notre grand personnage. Il s’agit de L’Enfer d’Érasme, l’humaniste chrétien face à l’Histoire, un titre qui paraît bien destiné, d’entrée de jeu, à stimuler la curiosité.

À écouter aussi 52 min La Fabrique de l’Histoire Figures de l’internationalisme (2/4) : Erasme, premier internationaliste ?

Archives sonores

- Extrait du texte « Le soldat et le Chartreux » d’Érasme (Colloques, 1522), lu par Bernard Noël et Henri Virlojeux, dans l’émission Dialogues de Madeleine Ricaud sur France culture, le 21 décembre 1967.

- Lettre d’Érasme à Thomas More (Oxford, 1499), lecture extraite de l’émission « A vous le ciel, à nous la terre : chronique de la Renaissance (1466-1522) » de Roland Auguet, diffusée sur France culture le 2 septembre 1993, suivie d’une lettre de Thomas More à Érasme, extraite de l’émission « Hommage à Erasme » de Georges Charbonnier, diffusée sur France culture le 7 octobre 1965. 

- Extrait de L’éloge de la Folie d’Érasme (1508), lu par Pierre Delbon dans l’émission « L’usage de la folie » de Michel Foucault, sur France culture le 5 janvier 1963. 

- Extrait de l’Institution d’un du Prince chrétien d’Erasme (1516), lu par Jean Leuvrais dans l’émission « Érasme, témoin de son temps » de Jean-Claude Margolin, sur France culture le 9 décembre 1969.

- Extrait d’Essai sur le libre arbitre d’Erasme (1524), lu par Pascal Mazzotti dans une émission de Georges Charbonnier consacrée à Érasme, sur France culture, 28 octobre 1965.

- Texte d’Érasme à propos de ses censeurs, écrit en septembre 1524, lu par Jean Leuvrais dans l’émission « Érasme, témoin de son temps » de Jean-Claude Margolin, diffusé sur France culture le 12 décembre 1969.

Bibliographie

- Marie Barral-Baron, L’Enfer d’Érasme. L’Humaniste chrétien face à l’Histoire, Droz, 2014.

- Marie Barral-Baron, « Érasme et la guerre juste », dans Guerre juste, juste guerre. Les justifications religieuses et profanes de la guerre de l’Antiquité au XXIe siècle, éd. par Marie-Françoise Baslez, Corinne Peneau, André Encrevé et Rémi Fabre, éditions Bière, 2013, p. 181-199.

- Érasme, Éloge de la Folie, traduit et édité par Jean-Christophe Saladin, Les Belles Lettres, 2018.

 Léon E. Halkin, Érasme, Fayard, 1987.Léon E. Halkin, Erasme, Fayard, 1987.

- Carlo Ossola, Érasme et l’Europe, Le Félin, 2014.

- Jean-Claude Margolin, Érasme par lui-même, Seuil, 1966.

- Jean-Claude Idée, Érasme et Pantagruel, Amandier, 2009.

- Jean-Claude Idée, Trois hommes pour toutes les saisons, Erasme, Thomas More, Rabelais, Bruxelles, Editions Samsa.

Bibliographie

1èrede couverture Erasme et l’EuropeCarlo Ossola Le Félin, 2014

1èrede couvertureL’Enfer d’Erasme. L’Humaniste chrétien face à l’HistoireMarie Barral-BaronDroz, 2014

Intervenante : Marie Barral-Baron, historienne

Tags : Erasme Guerre Europe Thomas More Martin Luther Histoire

L’équipe – Production : Jean-Noël Jeanneney – Réalisation : Yaël Mandelbaum- Avec la collaboration de Jeanne Guérout

logo france culture

Source : https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/erasme-leuropeen

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25.
Que nous dit Erasme aujourd’hui ? Publié le 23 août 2015 par admin – Document ‘HISTOIRES D’ALSACE’- Reproduction / Erasme

 

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Reproduction - Étrange paradoxe que celui d’Erasme de Rotterdam, homme de l’automne du Moyen Age et de l’aube de la Renaissance dont on parle encore comme s’il nous avait à peine quitté. Celui que l’on a appelé le prince des humanistes et qui fut tour à tour éditeur, traducteur, commentateur, prosateur et poète a vécu il y a un demi-millénaire. Homme d’un autre temps, d’un autre monde, qu’aurait-il encore à nous dire, lui qui n’a fondé aucune religion, gouverné aucun pays, remporté aucune victoire militaire, ingrédients habituels de la notoriété, des distinctions et des consécrations.

Le temps d’Erasme

Son temps n’est pas le moindre des temps historiques. A cheval sur un tragique quinzième siècle et un XVIe siècle qui s’est paré de toutes les modernités sans se soustraire pour autant aux fléaux que furent les violences de la guerre, de la famine et des épidémies. Les pestes y furent aussi nombreuses qu’autrefois, régulières et mortelles. Et les affrontements physiques mais aussi idéologiques d’une intensité quasi barbare. Pourtant, nous nous évertuons à en faire un âge d’or, une aube nouvelle, celle de la Renaissance, de la Réforme aussi et de l’humanisme enfin. Et comble de vanité, nous nous efforçons parfois de comparer nos propres siècles, car nous aussi nous sommes à cheval sur deux séquences, à ces siècles-là.

Point d’histoire sans chronologie. Sans le rappel de quelques dates qui permettent de nous situer. Erasme, nous y reviendrons, naît en 1469 et meurt en 1536. Autrement dit, s’il n’a pas connu la chute de Constantinople, autre date charnière de notre comput historique, intervenue en 1453, il se situe à son lendemain à peine, dans les effets de son traumatisme sur l’ensemble de l’Occident. Au point que certains en ont fait la date de la fin du Moyen Age. Mais il se situe aussi à la même aube qui vit Gutenberg vers 1453-54 inventer l’imprimerie dont il fit, lui Erasme, plus tard ample moisson et Christophe Colomb découvrir l’Amérique en 1492, autre date pour signifier la fin d’une époque ou le commencement d’une ère nouvelle. Il fut aussi le contemporain de trois monarques qui ont marqué l’histoire de l’Europe et nos mémoires défaillantes dont nous avons retenu quelques bribes d’histoire (s) : François Ier à qui nous relie une date obsessionnelle définitivement inscrite dans nos gênes : Marignan-1515 et quelques châteaux de la Loire et Henri VIII d’Angleterre, sorte de géant aussi débonnaire que cruel, un peu Barbe bleue dans notre imaginaire, dont on sait au moins quand on ne sait rien qu’il fut marié cinq fois et exécuta deux de ses épouses comme il exécuta d’ailleurs son excellent et très érasmien conseiller, le chancelier Thomas More, en 1535.

Mais son empereur à lui ce fut Charles-Quint qui comme lui naquit au Pays Bas et dont l’empire résulta en grande partie d’héritages à la suite d’une habile politique d’alliances matrimoniales. En 1515, Charles-Quint prend le gouvernement des Pays-Bas qui est héritage bourguignon de Charles le Téméraire, comprenant l’Artois, la Flandre, le Brabant, le Luxembourg et la Franche Comté. L’année suivante, il reçoit l’héritage espagnol maternel : les royaumes de Castille, d’Aragon, de Naples et de Sicile, et surtout les colonies d’Amérique du Mexique actuel jusqu’au Chili. Quand il devient empereur du Saint-Empire, en 1519, il règne sur une grande partie de l’Europe qui s’étend désormais à l’est jusqu’en Silésie et en Hongrie ; mais c’est un empire menacé par la puissance ottomane qui sous la conduite de Soliman le magnifique s’approche, après la victoire de Mohàcs en Hongrie en 1526, jusqu’aux portes de Vienne. Ceux qui sont un peu au fait des histoires schismatiques savent enfin que c’est en 1517 que Luther afficha ses thèses sur l’Eglise de Wittenberg, provoquant un séisme qui allait ébranler l’édifice de l’Eglise d’Occident, déchirant, pour la deuxième fois, la robe sans couture du Christ.

L’espace d’Erasme, ce fut donc l’Europe. Les Flandres où il naquit et débuta, la France où il fut étudiant, l’Italie et l’Angleterre où il s’affirma, l’Allemagne et la Suisse où il se réalisa. Soit une partie de l’Europe occidentale telle que nous la connaissons aujourd’hui. Le royaume de France, le Saint Empire romain germanique et le royaume d’Angleterre en constituaient déjà les fers de lance politiques, antagonistes parfois( guerres d’Italie opposant Charles-Quint à François Ier) et l’Italie continuait d’exercer une forme de domination culturelle, plastique et littéraire dont émergea l’humanisme, ce retour aux sources culturelles de l’antiquité (« reditus ad fontes ») qui de l’Italie gagna toute l’Europe.

Erasme en son temps

Voilà pour la géographie érasmienne, il nous faut maintenant pour mieux le cerner dire les étapes importantes de sa vie. Démarrons avec le mystère de ses origines. Il est le fils illégitime d’un prêtre et d’une fille de médecin, on ne connait pas vraiment sa date de naissance : 1466, 1467 ou 1469, date finalement retenue pour la célébration, en 1969, du demi-millénaire de sa naissance. Il est né à Rotterdam et il a un frère Peter, de trois ans son ainé.

Sa prime enfance, il la passe à Gouda dans l’école de Peter Winkel son oncle. Puis probablement à l’école du chapitre de la cathédrale d’Utrecht. De 1478 à 1485, il rejoint l’école latine des frères de la vie commune de Deventer, réputée pour sa spiritualité, son lien privilégié avec la devotio moderna qui concilie la vie active et la contemplation, l’enseignement de la Bible et celui des auteurs de l’antiquité païenne : l’un des premiers foyers de l’humanisme au nord de l’Europe. A la recherche d’une forme de sécurité, voilà qu’il entre au couvent des Augustins à Steyn, il y prononcera ses voeux en 1488 et y séjournera, pas vraiment convaincu, jusqu’en 1492, date où il est ordonné prêtre avant de rejoindre l’évêque de Cambrai qui le prend pour secrétaire.

De 1495 à 1499, il étudie, dans des conditions matérielles difficiles, à Paris au collège Montaigu sur la montagne Sainte Geneviève pour obtenir son doctorat en théologie. Il donne des cours pour survivre et l’un de ses élèves, durant cette période, William Mountjoy, lui fait découvrir l’Angleterre, des intellectuels qui deviendront ses amis, John Colet, Thomas More, le prince Henri, futur Henri VIII. Des humanistes chrétiens, l’université d’Oxford, la cour royale, la haute société londonienne le révèlent à lui-même. Sa double voie est désormais tracée : ce sera celle du lettré et du théologien.

De 1500 à 1506, il alterne les séjours à Paris, en Angleterre et chez lui aux Pays-Bas. Il publie et se fait un nom, celui qu’il a adopté en 1496 : Desiderius Erasmus Roterodamus. En 1503, paraissent à Paris ses premiers Adages, un recueil d’expressions et de proverbes latins, puisés chez les auteurs anciens, régulièrement enrichis jusqu’à sa mort. La première édition en compta 818, la dernière 4250. Plus que des proverbes, ce sont des notes de lecture. Son choix est pédagogique et les sujets multiples.On y parle de philosophie, d’ethnologie, de musique, d’histoire, de littérature et de médecine, aussi bien de cuisine ou de vêtements (Jean-Christophe Saladin, 2012). Nous avons là une somme de la sagesse antique, une anthologie des meilleurs auteurs. Peu accessibles au lecteur d’aujourd’hui, (quoique ?) ils furent lus et relus des centaines de fois par les écoliers d’alors. Qu’y trouve-t-on la culture antique représentée par des citations.« Dans le formidable effort intellectuel de la Renaissance, écrit l’historien belge Léon Halkin, dans le mouvement général de retour aux sources, nul ne connait mieux qu’Erasme les institutions et la littérature de l’antiquité, nul n’en parle avec plus d’élégance. Les Adages contribuent puissamment à répandre l’esprit classique, et par là, leur auteur en renforce le caractère international de la culture. ( Lire : Ne pisse pas face au soleil ; Pour un malade , tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, in : Les Adages, Les Belles Lettres, 2012 )

La même année, paraît l’Enchiridion militi christiani (Anvers), le Manuel du soldat chrétien, oeuvre déjà essentielle de l’humanisme chrétien et plus précisément de l’érasmisme.

C’est en Italie, à Turin, qu’il obtient son bonnet de docteur en théologie, en 1506 ,et c’est à Venise, auprès du grand imprimeur Alde Manuce, de 1506 à 1508, qu’il s’initie aux techniques de l’imprimerie et où il approfondit sa connaissance du grec au contact des savants byzantin réfugiés. Retour à des années anglaises, à partir de 1509, d’autant plus que son ami HenriVIII vient d’accéder au trône d’Angleterre. C’est au cours de son séjour chez Thomas More qu’il aurait rédigé, en 1509, en quelques jours, son fameux ouvrage l’Eloge de la Folie, satire de toutes les folies humaines, devenue universellement célèbre et qui lui vaut quelques solides inimitiés de la part des gens d’église, de l’université de Louvain, de Paris, des moines espagnols. L’Encomium Moriae est un joyeux exercice de style où la folie s’exprimant à la première personne ose un sermon plein de paradoxes, d’audaces et de railleries pour à la fin épouser une forme de mysticisme s’identifiant à la folie de la croix. Ce texte célèbre et controversé, le plus connu d’Erasme , est d’abord celui d’un homme de foi libre. « C’est son chef-d’œuvre, un des grands livres de la Renaissance, un livre qui n’a pas vieilli ( Halkin, 1987, 118). Quoiqu’en dise l’auteur danss sa préface, c’est une déclamation satirique, rédigée d’une plume rapide, piquante, parfois cruelle. C’est aussi une déclaration lyrique exaltant la sage folie d’un christianisme authentique » ( Lire, Eloge de la Folie, Erasme, Laffont, 1992, 99)

A partir de 1514, le voilà de retour dans son pays natal, mais on le rencontre aussi à Bâle où il fait la connaissance de l’imprimeur Johannes Froben qu’il retrouvera bientôt. De retour au Pays-Bas, il publie l’Education d’un prince, conseillera le duc Charles, devenu roi d’Espagne, futur Charles-Quint, et participera activement à la création du collège trilingue de Louvain où l’on enseigne les langues mères des humanistes : l’hébreu, le grec et le latin. Mais la surveillance de ses écrits, la qualité de ses imprimeurs amis, en qui il a totale confiance, le pousse de plus en plus vers Bâle où va s’installer définitivement ou presque, jusqu’en 1529, au moins, et à partir de 1535 à nouveau, où il est revenu pour y mourir. En réalité, il n’avait jamais vraiment abandonné Bâle, se contentant lors du tumulte de la Réforme de s’installer à proximité dans la ville catholique de Fribourg en Brisgau, en attendant que la situation s’améliore.

Le fin lettré est aussi un fin théologien. En 1516, à Bâle, il fait imprimer le Nouveau Testament grec, en opposition à la Vulgate latine qui fourmille d’erreurs. Il recueille autant de succès que de ressentiments. A Louvain, les théologiens conservateurs lui sont hostiles. Ils goûtent peu ces humanistes hellénistes et hébraïsants partisans du recours direct à l’Evangile. Erasme n’est il pas en train de saper lui aussi les fondations de l’Eglise comme ce Luther qui rêva un temps d’enrôler Erasme sous sa bannière ? Ils s’opposeront et même violemment. Sur le plan théologique d’abord. En 1524, Erasme dans son essai sur le libre arbitre (De libero arbitrio) pourfend les thèses de Luther en défendant la possibilité pour l’homme de collaborer avec Dieu dans son propre salut sans opposer les oeuvres et la foi. Ce qui lui vaut, en 1525, une réponse cinglante de Luther, le de servo arbitrio, qui lui oppose la thèse de la totale passivité de l’homme dans les mains de Dieu, seul dispensateur de la grâce et aux oeuvres toute l’austère rigueur de la foi seule, sola fide. Erasme a choisi son camp : critique vis a vis de l’église mais pas en dehors d’elle. Il habite désormais Fribourg mais continue de publier à Bâle. En 1526, voici une nouvelle édition des Colloques, autre oeuvre récurrente comme les Adages, régulièrement enrichis, à la fois journal de bord, état des idées politiques, pédagogiques, économiques et social de l’auteur, et en même temps, véritable comédie humaine où apparaissent des personnages de toute condition. S’y côtoient les sages et les fous, les femmes honnêtes et les courtisanes, les moines pieux et les ignares, les adolescents fringants et les vieillards édentés, fanfarons et gens modestes. La forme utilisée est le dialogue, un dialogue qui nuance, une pensée aux aguets, jamais satisfaite, toujours en mouvement, celle d’un homme qui n’est pas celui d’une seule idéologie, d’une seule philosophie ; « ce qui ne peut manquer écrit Daniel Menager ( Erasme,1992,219-220) d’inquiéter les orthodoxes de tout bord, mais fait de lui le plus vivant des écrivains. Lire : Les hommes font aujourd’hui…, Erasme, 1992, 213)

La publication du Cicéronien (Dialogus Ciceronianus) en 1528 qui s’en prend à l’imitation servile des anciens lui vaudra quelques détracteurs supplémentaires. Mais les années passées à Fribourg ont un peu rogné ses ailes. Quelque chose a changé. Il songe à la mort et préfère désormais approfondir les dogmes plutôt que d’en dénoncer les abus : un essai sur la Concorde de l’église, l’Ecclesiastes (ou l’art du prédicateur), un commentaire du psaume 14 sur la Pureté de l’Eglise du Christ et une Préparation à la mort, datée de 1534, sont ses dernières oeuvres. Il revient à Bâle, ville désormais apaisée, en juin 1535. Il est logé dans une belle demeure près de la cathédrale, retrouve ses amis, en pleure d’autres, disparus, perd ses forces et sa santé, et meurt le 12 juillet 1536. Lui, le prêtre catholique, repose désormais dans la cathédrale protestante de Bâle, dernier pied de nez à l’histoire.

Mais qui donc est vraiment Erasme ?

Nous le cernons désormais un peu mieux. Nous pouvons davantage le situer dans l’espace et dans le temps, nous avons effleuré sans les analyser ses oeuvres, nous pressentons son importance mais le connaissons-nous vraiment ?

Dieu sait que beaucoup de monde ont, ou ont eu, une opinion sur lui. Tranchée le plus souvent. Longtemps après sa mort, on en a fait le « prince des humanistes » et plus récemment encore le « précepteur de l’Europe » (Jean-Claude Margolin). Il a connu les appréciations les plus dithyrambiques comme les épithètes les plus vulgaires. En voici un florilège : Gladiateur de la République des lettres, soldat du Christ, enfant terrible de l’église, ami du peuple, militant de la paix, honneur de l’Allemagne, Socrate allemand, Lucien Batave, Voltaire du XVIe siècle, précurseur et initiateur de l’esprit moderne, illustrissime théologien plein de sagesse, mais aussi : rat errant, anguille tortueuse, faune lubrique. Pour tel, il a l’oeil voilé par la paupière légèrement hypocrite, pour tel autre, « il est superstitieux, avare et amateur de jolies femmes ». On s’est gaussé de ses « passages lascifs, de sa déplaisante mendicité, de sa vie nomade et agitée ». On s’est interrogé- n’était-il pas prêtre- sur une possible homosexualité. Comme vous le voyez, beaucoup ont une opinion sur Erasme.

Certes sa personnalité n’est pas univoque. Il y a une complexité érasmienne. Il ne se laisse pas appréhender facilement, il garde ses distances et ses mystères, on dirait même qu’il est plein de pudeurs et de coquetteries. Bref, il apparait bien souvent contradictoire, séduit et agace en même temps. Orgueilleuse, en première lecture, est sa devise Nulli concedo (je ne cède à personne). Aurait-il un compte à régler ? A-t-il seulement un nom ? On sait que son père s’appelait Roger Gerard (Geert en hollandais) et que sa mère, fille de médecin et veuve avait pour prénom Margaretha. Il se baptisera lui-même, si je puis dire, bien plus tard, après avoir appris le grec et le latin, en jouant sur les mots : Geert signifiant en néerlandais le désiré, il le traduit en latin par Desiderius et y ajoute Erasmus qui veut dire « aimé » en grec (Erasmos) ainsi que Roterodamus pour rappeler son origine. Aimer, être aimé : n’est-ce pas ce qui lui aura manqué le plus dans sa plus tendre jeunesse, n’est-ce pas aussi sa quête perpétuelle toute sa vie ?

Mais Erasme ne se livre pas comme cela. Il donne à voir ce qu’il a envie de donner à voir. On dirait aujourd’hui qu’il maitrise parfaitement son image. De profil, tout en retenue, concentré sur sa tâche. Regardez les portraits que nous conservons de lui. Ceux de son contemporain et compatriote Quentin Metsys, la gravure de Dürer et les portraits d’un Erasme déjà vieillissant d’Holbein le jeune. Qu’ont-ils de commun sinon de le représenter à sa table, entouré de ses livres, en train de lire et d’écrire. C’est une mise en scène ou en espace, l’exaltation de l’intellectuel dans son cadre de vie. Avec un aveu, que l’on trouve sur la gravure de Dürer où l’on peut lire en belles lettres grecques : « ses écrits le montreront mieux ». Combien cela est vrai ! Sur la peinture de Holbein, où il pose tel un monument, voilà encore une allusion aux travaux d’Hercule, travaux auxquels il assimile volontiers son immense travail et labeur.

Il se dérobe, tout en livrant quelques indices. Ne trouvez-vous pas qu’il est toujours chaudement habillé ? C’est que « ce petit homme frêle, égrotant et propret » ( Lucien Fèvre) est de santé fragile, en proie toute sa vie à des maux d’estomac, à la gravelle, aux accès de la fièvre quarte (fièvre intermittente où les épisodes d’hyperthermie réapparaissent le 4e jour), à la terrible suette anglaise (apparue en Angleterre au XVIe siècle, où des périodes de sudation importantes avec des phases froides se traduisant, en outre, par des maux de têtes douloureux, des palpitations et débouchant sur un état d’épuisement général), aux crises de goutte ne supportant pas le poisson ce qui était fort fâcheux en temps de carême, convaincu, jeune encore, qu’il allait mourir bientôt et que l’on crut mort plusieurs fois, enfant malingre autrefois et adulte valétudinaire toute sa vie, tributaire de son corps chétif qu’il appelait corpuscule, faible dans son corps comme l’apôtre Paul, son apôtre de prédilection, bref un homme précaire qui semble avoir fait de sa précarité un mode de vie. Agé de moins de quarante ans, durant l’été 1507, le voilà submergé par la mélancolie, il s’interroge sur son existence passée, regrette les bagatelles auxquelles autrefois il s’ abandonna, et sur le ton d’une douce amertume écrit une Ode de la vieillesse. (Lire l’Ode de la vieillesse, Erasme, traduction Margolin).

Son état de santé a indéniablement eu des répercussions sur son caractère. La vie l’a changé mais « il n’a pas changé du tout au tout -écrit Léon Halkin, un de ses meilleurs connaisseurs- Il est marqué d’abord par ses origines et par sa pauvreté ; la gloire vient ensuite, et l’aisance, enfin l’échec relatif de ses projets, l’amertume puis l’apaisement des dernières années ». Ne faisons pas de la connaissance de son caractère un préalable ou absolu. Contentons-nous d’observer que sa psychologie révèle une sorte d’affectivité anxieuse que traduisent textes et comportement, que la mélancolie qui en est une composante est certes un obstacle mais surmontable. ( cf. Ode à la vieillesse )

« Ses écrits le montreront mieux » écrivait ou peignait Durer. C’est donc vers ses oeuvres et sa correspondance immense qu’il faut se tourner pour le définir mieux encore. Mais au fait, lui-même n’a-t-il pas une opinion sur ce qu’il voulait être ou ce qu’il fit. Voilà comment il se définit en 1526, dix ans avant sa mort : « Quant à moi, on ne peut le nier, j’ai favorisé l’étude des langues anciennes et des belles lettres. La théologie scolastique, dégradée par les subtilités des sophistes, je l’ai ramenée aux sources des livres saints et à l’étude des meilleurs théologiens de l’Eglise ancienne. Je me suis efforcé de réveiller le monde endormi dans les cérémonies pharisaïques pour le conduire à la vrai piété ». Ajoutez y son combat incessant pour la paix, et vous aurez une très belle synthèse sur ce que fut l’Erasmisme (Léon E. Halkin) et peut être aurez-vous aussi une réponse à cette lancinante question : mais qui est donc le véritable Erasme ?

Erasme : un écrivain humaniste

On l’a consacré prince des humanistes, autrement dit le premier d’un mouvement qui partant de l’Italie au XIV-XV°siècle va conquérir une grande partie de l’Europe jusqu’au XVIe siècle. De l’humanisme, je vous livrerai la définition d’un des meilleurs spécialiste s en France, le regretté Jean-Claude Margolin par ailleurs grand connaisseur d’Erasme : « Mouvement intellectuel et culturel caractéristique de la Renaissance, qui est parti de l’Italie et qui a ouvert la voie à une transformation de la vision du monde, à un renouvellement des modes et des types de connaissance, à un élargissement des sources d’inspiration littéraire et artistique, à une refonte de la pédagogie, à une critique libératrice des traditions et des institutions, à une image nouvelle de l’homme ». Tout y est ou presque. Autrement, dit l’humanisme c’est une réaction, une rupture par rapport à une pensée dominante, la scolastique, un système logique philosophique, inspiré d’Aristote, recyclé par l’église et notamment dans les universités italiennes par les ordres mendiants, où la dialectique était devenue plus important que la grammaire et la rhétorique dans le fameux trivium, les trois disciplines de base de l’enseignement médiéval.

Revenir aux sources, c’est retrouver le beau langage, les belles lettres, l’esthétique de la littérature antique. Mais l’humanisme c’est aussi une discipline scientifique, celle de la critique des textes qui passe par la recherche des originaux et la connaissance des langues anciennes. Bref, c’est un métier : celui de philologue.

Erasme s’inscrit pleinement dans cette démarche. Amoureux des belles lettres, il exalte les bonae litterae. Bonnes parce que belles, parce qu’elles permettent d’enseigner en même temps les bonnes moeurs. Rien ne remplace un texte lu dans sa langue d’origine : « Il est plus délectable le fruit que tu as cueilli de tes mains à l’arbre qui le portait. Elle est plus douce l’onde que tu as puisée à la source et plus agréable le vin tiré au tonneau. De même les textes sacrés ont une sorte de parfum naturel, ils exhalent un parfum intime quand on les lit dans la langue où ils ont été écrits jadis. »

Erasme n’ignore rien des auteurs classiques. Il les aura pratiqué toute sa vie avec gourmandise. Il est familier des Grecs : Platon, Aristote, Lucien de Samosate, Plutarque, Diogène Laërce, Demosthène et Hérodote. Il est intime des auteurs latins : Quintillien, Cicéron, Cesar, Virgile, Horace et Ovide sans oublier Sénèque. Il n’est pas dédaigneux des auteurs du quattrocento et notamment de Lorenzo Valla, esprit fraterne qui lui mit en quelque sorte le pied à l’étrier et lui a montré la voie. Valla aimait les belles lettres et pratiquait la critique des textes, annotant notamment l’Ancien Testament qui l’éloignait de plus en plus de la Vulgate.

Erasme baigne dans le latin dont il est expert, utilise le grec. L’hébreu, il l’a abordé trop tard pour le maîtriser pleinement. C’est un excellent écrivain qui s’est libéré de l’onction ecclésiastique comme de la pesanteur pédagogique. Il unit « la grâce du discours » à « l’universelle connaissance des choses » comme le dit l’un de ses contemporains. Il est aussi à l’aise dans la poésie religieuse que dans la prose satirique. Ah, l’admirable Eloge de la Folie ! (Lire Eloge de la Folie in Erasme 1992,14-15) Il excelle dans la dissertation, le dialogue et la lettre. Virtuose de tous les procédés stylistiques, il a le mérite d’être toujours clair. C’est que sa pensée l’est autant que son style. Si son oeuvre écrite plaide pour lui, ce sont ses lettres – il est un correspondant compulsif – qui le dévoilent et révèlent toute l’étendue de son génie de sa profonde humanité, de son étonnante proximité. Voici un exemple auquel je n’ai pu résister :

« A Bâle, j’ai eu l’occasion de boire du vin de Bourgogne. A la première lampée, il n’était pas tellement agréable au palais mais tout à coup mon estomac s’est trouvé vivifié et je me suis senti un autre homme. J’avais déjà bu auparavant du vin de Bourgogne mais plus chaud et plus sec. Celui-ci était d’une couleur très agréable, d’un rouge vif, d’une saveur ni sucrée, ni sèche, mais moelleux, et si doux à l’estomac, que même bu en abondance, il ne faisait pas de mal. Heureuse Bourgogne qui mérite bien d’être appelée la mère des hommes, toi qui portes dans tes mamelles un pareil lait ». Bâle, 1er février 1523, lettre à Marc Laurin)

 Un chrétien engagé

Il ne vous aura pas échappé qu’Erasme fut moine augustin pendant quelques années et qu’il resta prêtre toute sa vie. Il demeura dans l’église qu’il ne cessa de malmener. Sait-on qu’au soir de sa vie, le pape lui offrit même le chapeau de cardinal qu’il refusa ? Sa doctrine porte un nom : la philosophie du Christ.C’est une synthèse entre la théologie et la spiritualité, entre la connaissance et l’amour, nourrie par la méditation et la prière, débouchant sur l’union à Dieu, se traduisant par un retour aux sources et une approche personnelle de l’évangile.

Bien dans la ligne de l’humaniste philologue et l’adepte de la devotio moderna. « La philosophie du christ se réfugie dans les élans du coeur, et non sous les syllogismes écrit Erasme, elle est une vie, elle n’est pas l’objet de savantes discussions ». Cette sagesse divine n’est pas qu’intellectuelle, elle rend Dieu sensible au coeur. Par la force et la peur, nous essayons de faire croire aux hommes -écrit-il- ce qu’ils ne croient pas, de leur faire aimer ce qu’ils n’aiment pas, de les forcer à comprendre ce qu’ils ne comprennent pas. La contrainte ne peut s’unir à la sincérité et le Christ n’accepte que le don volontaire de nos âmes ». Erasme ne remet en cause aucun dogme, il croit ce que croit l’Eglise mais il rêve d’une religion moins crispée, plus proche de l’esprit des béatitudes que des injonctions du décalogue. Il n’est ni fanatique, ni triomphaliste, mais à la recherche perpétuelle d’une troisième voie qui aurait permis d’éviter la radicalité de la Réforme et l’intransigeance de la Contre-Réforme. Il préfère la concorde à l’anathème malgré les apparences.

C’est vrai qu’il n’est jamais aussi véhément que lorsqu’il dénonce une religion devenue pharisaïque, un cléricalisme étouffant, une piété formaliste et superstitieuse. Que demande-t-il sinon un changement d’esprit, un retour au christianisme primitif qui rassemble plus qu’il n’exclue, une réforme des institutions, une rénovation de la science théologique par un retour aux sources, c’est-à-dire aux écrits fondateurs dans leur langue d’origine ( cf. traduction du nouveau testament en 1516). Le philologue n’est-il pas le compagnon naturel du théologien ?

Bref, il s’est montré tolérant et oecuménique dans une période où il fallait choisir son camp. Il a irrité tout le monde et son irénisme de même que sa tolérance sont passés aux yeux de ses contemporains soit pour de la traitrise, soit pour de la lâcheté. Les dégâts pour lui-même furent importants : malmené par ses confrères, censuré par la Sorbonne et menacé par l’inquisition. Dès 1547, ses livres sont brûlés à Milan. A partir de 1559, ils seront mis à l’index pour trois siècles. C’est finalement cher payé pour quelqu’un qui s’est battu véhémentement pour sauver l’église d’un nouveau schisme.

Pédagogue avant tout

Erasme eut un souci constant de l’éducation de la jeunesse et des adultes. Lui qui n’enseignait pas directement fut un théoricien actif de la pédagogie. Tout tourne autour d’elle dans les correspondances comme dans ses Adages et Colloques. Ne parlons pas des livres dédiés comme le Manuel du soldat chrétien ou l’Institution du prince chrétien. Mélange de fermeté et de douceur qui laisse s’exprimer ses élèves, sa pédagogie est fondée sur la liberté. Erasme reconnaît en chaque individu la capacité de l’homme libre à disposer librement de sa raison et de son pouvoir d’affirmation.

Il sait l’homme artisan de son propre destin. Qui ne connait le propos d’Erasme « Les hommes ne naissent pas homme, ils le deviennent (Homines non nascuntur, sed funguntur) ? C’est la raison qui fait l’homme (Ratio facit hominem). « La grande idée écrit Jean-Claude Margolin qui commande non seulement à la psychopédagogie d’Erasme, mais à toute son anthropologie, c’est que l’homme à la différence de toutes les autres espèces naturelles et vivantes, végétales ou animales, n’est pas constitué en tant qu’homme dès sa naissance ». Autrement dit, notre avenir d’homme est commandé par la formation intellectuelle, affective, morale et même physique. Raison supplémentaire pour faire de l’éducation une priorité. L’ignorance pour Erasme est l’une des formes les plus dangereuses de la barbarie. Raison de plus aussi pour commencer l’éducation le plus tôt possible.

Cette qualité pédagogique lui a toujours été reconnue. Elle lui assure une part essentielle de sa gloire. Il est lu aux quatre coins de l’Europe et continuera à l’être après sa mort. Sous le manteau, le plus souvent, par les libraires et les jésuites notamment malgré les interdits. Les premiers ont bravé ces derniers aux risques de confiscation, d’amendes et de prison, pour conserver quelques exemplaires de ses oeuvres, les seconds, malgré leur fidélité, à Rome, ont continué à le lire et à se servir de ses livres pour leur enseignement. Probablement ne nait-on pas jésuite non plus mais on le devient… Il a fini, pour reprendre le beau titre de Jean-Claude Margolin, par devenir « le précepteur de l’Europe ». L’Allemagne luthérienne comme plus tard l’Allemagne de l’Aufklärung continueront à s’en inspirer. De même que les libertins français au XVIIIe s. Il sera même enrôlé sous l’étendard de la pensée libérale au XIXe siècle aux Etats-Unis. Le programme européen d’échange universitaire porte aujourd’hui son nom. Point d’allusion à la pédagogie sans faire référence à Erasme, « le maître à vivre ».

Le pacifisme d’Erasme

En des temps belliqueux où l’on s’étripe pour des idées, des religions et des nations, Erasme se distingue par un pacifisme constant et ouvertement proclamé. Ne cherchons pas les causes ailleurs que dans sa fidélité à l’évangile et à l’amour fraternel qui en découle. Par définition, un chrétien, en référence au message évangélique, ne peut se ranger du coté des belligérants. Le soldat du Christ selon Erasme est un militant de la paix et un défenseur de la liberté. La paix est un effet naturel de la charité. Le christ n’est-il pas le prince de la paix, l’évangile, aux yeux de l’apôtre Paul dont Erasme se sent tellement proche, l’évangile de la paix et l’injonction « paix sur la terre » une parole divine  ?

L’humaniste qui connait l’homme et ses faiblesses n’est pas dupe. Il sait que son pacifisme est une utopie et que la réussite est rarement au bout. Il n’a pas ménagé sa peine, conseillé les princes et les ministres en leur faisant comprendre que la guerre dévore la campagne, détruit les villes, épuise les finances et déstabilise les états. Bien sûr qu’il aura échoué et que, l’âge venant, il en tirera une forme d’amertume, celle que l’on ressent face à l’échec. « Je ne peux qu’exprimer des voeux, regrette-t-il, rien de plus ». Bien sûr que Machiavel aura été, en son temps, beaucoup plus efficace et davantage suivi, mais Erasme persiste et signe. N’oublions pas qu’il est un théologien pour lequel la quête perpétuelle de la paix est peut être un projet trop exigeant pour être réalisé en ce bas monde mais un idéal toujours stimulant pour inviter l’homme à s’élever. La théologie de la paix fait se rencontrer, en outre, la misère de l’homme et l’infinie miséricorde divine. Pour sauver la paix, il ne connait qu’une recette : changer le coeur de l’homme. C’est là un travail éducatif et nous revoilà en terre connue, celle du pédagogue.

On l’aura compris, Erasme est plus attaché aux êtres qu’aux institutions. Il se sent bien dans les pays qu’il traverse : « ubi bene, ibi patria ». Son patriotisme est à échelle variable et progressive : le pays natal d’abord, la patrie d’accueil ensuite, puis le monde chrétien et la république des lettres qui n’ont pas de frontière soit enfin l’humanité toute entière en attendant la patrie céleste : « Pour ceux qui se consacrent aux lettres, il est peu d’importance d’appartenir à un pays ou à un autre. Tout homme qui a été initié au culte des muses est mon compatriote » avait-il écrit. Inspiré par saint Augustin pour qui le chrétien est « un étranger qui n’a pas ici de demeure permanente », Erasme dira de même : « Je voudrais être citoyen du monde, compatriote de tous ou plutôt étranger à tous. Puissé-je enfin devenir citoyen de la cité du ciel. »

L’héritage d’Erasme

A le lire, à le fréquenter un peu, à le découvrir même, Erasme nous soumet à une tentation naturelle : celle de le récupérer, de l’annexer, de lui trouver surtout une singulière modernité. Erasme devient quasiment un homme de notre temps. N’a-t-on pas écrit, par exemple, que le concile Vatican II, il y a cinquante ans, était le premier concile érasmien ? On y retrouve effectivement beaucoup de ses idées mais… Avant d’en dire à notre tour (un peu) l’actualité, nous qui sommes en perpétuelle recherche de recettes et de références, j’aimerais insister (beaucoup) sur le fait qu’Erasme est d’abord un homme de son temps : soit le quinzième et le seizième siècle. Il faut donc avant que de se l’accaparer sans cesse le « contextualiser ». L’homme du Moyen-Age finissant, l’homme de la Renaissance n’est pas d’abord notre contemporain. Nous avons bien du mal à entrer dans sa peau et dans son univers mental. Ne regardons pas Erasme avec nos yeux d’aujourd’hui, ne portons pas sur lui des schémas actuels de pensée ou de représentations qui sont totalement anachroniques.

Ainsi dans le domaine des arts, il reste le fils spirituel de la dévotion moderne, plus sensible à la valeur éthique ou pédagogique qu’à sa charge d’émotion esthétique. il distingue la musique charnelle de la musique spirituelle, dénonce dans les églises et ailleurs, les vacarmes des tambourins qui excitent les humains à la rage et aux folles passions. Il s’emporte contre les moeurs musicales modernes, l’obscénité des paroles des chansons lascives, oppose l’intelligence chrétienne de la musique au brouhaha musical des polyphonies qui désormais envahissent les églises. S’il fait l’éloge du peintre Albert Durer qui fit son portrait, il condamne plus généralement et parfois véhémentement l’immoralité des peintures, italiennes surtout, qui multiplient les scènes de débauche, d’amours profanes et de choquantes nudités. Il préférera toujours l’oeuvre écrite à l’oeuvre jouée, chantée ou représentée. La peinture comme le chant éloigne des belles lettres. S’il ne s’y oppose pas toujours, il ne les encourages pas spécialement. Ce qu’il pense du chant, il le pense pour toutes les manifestations et expressions artistiques : « Chantons les psaumes en esprit, mais chantons-les en chrétiens. Chantons avec retenue, mais chantons-les plutôt en intelligence. Exprimons-nous dans les diverses langues, mais avec une certaine modération, prophétisons avec plus d’ardeur. » (Erasme et les Arts, in : Erasme, 1992, p.394-423 )

Malgré son désir d’être aimé n’en faisons pas un saint. Il était loin de l’être. Si nous devions avec nos loupes contemporaines le juger, nous devrions nous interroger sur son antisémitisme ou plutôt son antijudaïsme qu’un historien juif, Simon Markirch, a atténué en asimétisme – étranger au problème juif- ou sur son silence lors de la Guerre des Paysans où en Alsace, en 1525, on a massacré 25 000 rustauds sans qu’un humaniste dûment estampillé et il y en eut des dizaines fort érudits et bien renseignés, ne levassent le petit doigt. Il y a au moins deux hommes contradictoires en lui, comme d’ailleurs chez son maitre, l’apôtre Paul. « D’un côté un intellectuel parfois douillet, soucieux de son confort et imbu de principes d’ordre qui s’imposent de plus en plus aux humanistes eux même et un autre homme qui s’inquiète peut-être du conformisme du premier, cherche la liberté dans de fréquents voyages et pense qu’on en peut pas faire l’économie de l’expérience, celle-ci dût elle faire perdre du temps et de l’argent ». ( Daniel Ménager, Erasme 1992, 218).

Erasme continue autant à diviser qu’il ne réunit. Une thèse récente de Marie Barral Baron, soutenue à Genève en 2009, pose la question s’il ne s’est pas simplement fourvoyé en revenant aux sources du christianisme et en négligeant l’apport du Moyen Age et de la tradition ecclésiastique qui garantit la solidité de l’édifice chrétien. N’a-t-il pas par là, de manière involontaire, favorisé la rupture d’une unité chrétienne à laquelle il tient tant ?

Mais voilà, Erasme est toujours là. Son ami anglais John Colet avait prédit « Le nom d’Erasme ne périra jamais ». « Abeille laborieuse et témoin engagé » (Jean-Claude Margolin), éducateur invétéré dont la pédagogie n’a pas vieilli, combattant de la paix, défenseur de la liberté et de la dignité de l’homme, homme de concorde et de tolérance tenant moins compte de ce qui divise que des valeurs qui unissent, homme de foi et d’espérance, pourfendeur des imbéciles et des barbares de tout poil, Erasme même si on lui résiste a encore des choses à nous dire. Et son visage subitement s’illumine d’un regard complice. Allez, il est peut-être quand même de notre temps aussi, ce maitre à vivre et même à penser. Lisez-le, sans modération. « Mais il ne faudrait pas qu’il devienne trop consensuel, Dame folie n’aimerait pas cela ! (Daniel Menager). »

Bibliographie sommaire

Erasme, (Eloge de la folie, Adages, Colloques, Réflexions sur l’art, l’éducation, la religion, la guerre, la philosophie, Correspondance, Edition établie par Claude Blum, André Godin, Jean-Claude Margolin et Daniel Ménager, Bouquins, Robert Laffont, 1992.
Halkin (Léon), Erasme, Paris, Fayard, 1987.
Huizinga (Johannes), Erasme, Paris, Gallimard, 1955
Margolin (Jean-Claude), Erasme par lui-même, Paris, Seuil, 1965
Margolin (Jean-Claude), Erasme, une abeille laborieuse, un témoin engagé, Caen, 1993.
Margolin (Jean-Claude), Erasme précepteur de l’Europe, Paris, Juillard, 1995
Margolin (Jean-Claude), Notice Erasme, Encyclopédie Universalis
Ménager (Daniel), Erasme, Paris, 2003

Gabriel Braeuner, texte de conférence, 2013,2015 - Ce contenu a été publié dans Des Cités et des Hommes, Moyen-Age, Non classé, Renaissance, avec comme mot(s)-clef(s) erasme, humanisme, littérature, renaissance. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien. HISTOIRES D’ALSACE- Source : http://www.histoires-alsace.com/que-nous-dit-erasme-aujourdhui/

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26.
Les ressources de la démocratie - 20/01/2019 –
Dans le cadre des émissions Talmudiquespar Marc-Alain Ouaknin le dimanche de 9h10 à 9h42 – France Culture.

Photo - Dominique Schnapper • Crédits : DR - Radio France

Nous vivons un temps de crise politique qui est l’occasion d’une nouvelle interrogation sur les institutions politiques et les formes de gouvernement qui sont les nôtres aujourd’hui. « Crise de la démocratie », l’expression est sur toutes les lèvres et répétée à l’envie dans les différents médias et dans les analyses de tous les commentateurs politiques, économiques et autres.

Mais savons-nous les uns et les autres de quoi parlons-nous exactement ?

Déjà à la fin des années 90, l’historien du droit Léon Robert Ménager écrivait :

« lorsque des millions d’individu dans certains lieux d’Europe et d’Asie des millions d’individus peuplaient les places et les rues pour désacraliser une certaine religion de l’État, dénoncer la falsification du discours officiel sur la source réelle et la pratique du pouvoir, pour exiger paisiblement mais avec résolution le libre exercice de la critique, et enfin pour couronner l’ensemble, réclamer la liberté tout court et son indissociable corrélation, la dignité, tout cela, souvent et un peu partout se résumait en un mot presque magique : démocratie »

Léon-Robert Ménager posait alors cette question simple et importante :

« De quel espoir, ce mot démocratie était-il donc porteur ? ». 

La question a gardé toute son actualité et la remarque qui l’accompagnait aussi.

« Démocratie, écrivait-il, est un mot entouré d’une aura qui l’éloigne de toute explication sérieuse, comme s’il s’agissait d’une sorte de modèle politique idéal irrationnel resté haut dans le ciel des projets inaccessibles. »

Et pourtant ce mot, comme la réalité qu’il recouvre, a une histoire qui commence dans la Grèce du VIIIe siècle avant notre ère. Un faisceau de faits, politiques, philosophiques, économiques, religieux, artistiques et culturels en sont à l’origine et au cœur de son évolution. Le mot a une histoire, une évolution, des transformations, des adaptations selon les pays et les sociétés, un mot auquel on a accolé de très nombreux adjectifs : libérale, directe, semi-directe, participative, représentative, sociale, populaire. 

Mais ce mot « démocratie » n’appartient-il à la liste très fermée des termes qui ne supportent aucun adjectif : 

« La démocratie c’est comme la virginité, écrivait, Léon-Robert Ménager, elle est ou elle n’est pas ! » 

Dès lors l’urgence n’est-elle pas, pour pouvoir entrer dans les débats, pour débattre de ces débats eux-mêmes, de revenir à la signification ou aux différentes significations du mot « démocratie » lui-même.

Sans ce savoir, qui demande un temps certain, celui de l’étude, la démocratie ne risque-t-elle pas de se retourner contre-elle-même au nom de la démocratie. La démocratie ne court-elle pas aussi le risque par cette ignorance de disparaître et d’ouvrir la porte a des régimes politiques d’une violence que notre modernité pensait s’être débarrassé de manière définitive. 

Tout comme on pensait s’être débarrassé de l’antisémitisme que l’on voit cependant réapparaître à chaque temps de crise. Antisémitisme qui était pour Hannah Arendt l’une des dimensions essentielles du totalitarisme et en éclairait la compréhension.

Mais le rapport des juifs et de la démocratie se réduit-il à l’antisémitisme qui naît dans ces temps de crise ? 

Ne faut-il, aujourd’hui, aborder ce rapport des juifs et de la démocratie, sous un autre angle, qui permettrait peut-être, et c’est un « peut-être » d’espoir, de trouver des clefs, en tout cas des pistes, pour d’une part mieux comprendre le sens de la démocratie et d’autre part pour sortir de la crise que celle-ci traverse actuellement !

L’invitée

Dominique Schnapper est sociologue et politologue. Elle est professeur et directrice d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). 

Elle a été membre du conseil constitutionnel de 2001 à 2010. 

Elle est présidente de l’Institut d’études avancées de Paris.

Depuis février 2016, elle est présidente du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRA) 

Et en décembre 2017, Jean-Michel Blanquer l’a désignée pour devenir la présidente du Conseil des Sages de la Laïcité.

Dominique Schnapper est également présidente du Musée d’art et d’histoire du judaïsme (Mahj)

Transition sonore

Le livre de l’invitée : « La citoyenneté à l’épreuve – La démocratie et les juifs » 1ère de couverture : Editions Gallimard • Crédits : Radio France - Quatrième de couverture :

’Les nations démocratiques se sont constituées en agrégeant des groupes divers, pré-nationaux, et en élaborant un espace public commun à tous - la communauté des citoyens. Pour ce faire, il convenait de transcender par le civisme les affiliations historiques, religieuses et culturelles - qu’on regroupe sous le terme d’« ethniques » - des individus et des groupes réunis dans la nation. 

Pour autant, les fidélités particulières qui caractérisent les individus historiques ne disparurent pas. S’agit-il d’une faiblesse ou d’une vertu de la démocratie ? 

Le destin des juifs, minoritaires, nous éclaire sur la construction de la nation moderne et sur le projet démocratique, ses vertus, ses contraintes et ses dévoiements. 

C’est l’histoire de la sortie du monde traditionnel par l’émancipation et la promesse de la modernité citoyenne, puis de la trahison de cette promesse. 

Elle révèle la tension entre un monde nouveau, tourné vers l’avenir et fondé sur l’innovation scientifique et politique, d’une part, et la transmission et la réinterprétation de la tradition, de l’autre. 

S’affichent alors les limites de l’intériorisation du civisme et de ses exigences par les individus, ainsi que la fragilité intrinsèque du projet démocratique.’ [Présentation de l’éditeur]

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Source : https://www.franceculture.fr/emissions/talmudiques/talmudiques-du-dimanche-20-janvier-2019

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27.
ATTAC et la démocratie :retour sur les textes fondateurs : samedi 9 février 2019, par Patrick Braibant * -Numéro 19 - Hiver 2019 > Télécharger l’article au format PDF

« Il est formé […] une association [...] qui a pour objet de produire et communiquer de l’information, ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde ».

Cet extrait (toujours en vigueur) de l’article 1 des statuts votés en 1998, qui définit l’objet d’Attac et donc ce qui lui fait obligation, désigne la démocratie comme l’unique horizon de l’activité de l’association naissante. Mais il ne fait pas que cela.

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Auteur : Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 22/02/2019

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

http://www.isias.lautre.net/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS Des artistes ont dénoncé les horreurs de la guerre et la guerre trop souvent déployée n’est que violences.4

Mis en ligne par Pascal Paquin de Yonne Lautre, un site d’information, associatif et solidaire(Vie du site & Liens), un site inter-associatif, coopératif, gratuit, sans publicité, indépendant de tout parti.

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