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"Négociations sur le climat : objectifs revus à la baisse et changement de cap de la feuille de route" par Martin Khor

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 15 février 2010, par Khor Martin

L’Accord de Copenhague constitue un grand pas en arrière par rapport à la
feuille de route convenue lors de la conférence de Bali et il conduit à un
effondrement des cibles d’émissions de gaz à effet de serre ; cela se traduira
par une augmentation catastrophique de plus de 3°C de la température de la
planète terre.
Martin Khor

Communiqué de presse de l’ISIS en date du 15/02/2010
L’article original en anglais s’intitule Climate Road Map Loses Direction ; il est accessible sur le
site www.i-sis.org.uk/Climate_Road_Map_Loses_Direction.php
Green Energies 100% Renewables by 2050
Des énergies vertes 100% renouvelables en 2050
http://www.i-sis.org.uk/GreenEnergies.php

L’Accord de Copenhague

La Conférence de Copenhague sur le climat a pris fin en plein désarroi. L’Accord de
Copenhague, hâtivement mis en place après la conférence d’une rencontre exclusive de
26 dirigeants politiques, n’a pas été adopté par la Conférence, qui en a seulement « pris
note".

Depuis lors, il y a eu une campagne menée par le Premier ministre danois et le Secrétaire
général des Nations Unies pour obtenir que les pays "s’associent" eux-mêmes à cet
Accord.
1
La date limite mentionnée dans l’Accord - le 31 janvier 2 010 -, pour que les pays
développés et les pays en développement présentent leurs actions pour l’atténuation [du
réchauffement planétaire] avait été annoncée puis retirée
Seuls 56 pays avaient officiellement répondu par écrit, pour la plupart des pays
développés.

Peu de pays en développement ont signé jusqu’à présent, la majorité d’entre
eux ont adopté une position d’attente pour voir comment cela va évoluer.
L’Accord est controversé, car il est né d’une rencontre de quelques pays seulement, et
cette rencontre ne figurait pas à l’ordre du jour officiel de la Conférence, alors que
la Convention compte plus de 190 États membres. En outre, l’Accord menace de
supplanter le processus multilatéral légitime qui a pour mandat d’assurer le suivi de
la Conférence de Bali de 2007, sous l’égide de la Convention-Cadre des
Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).

Les rapports de ces deux groupes de travail sur le Protocole de Kyoto et sur l’action
coopérative à long terme, sont censés être la base des négociations menées cette année
vers une entente finale. Les rapports contiennent des ébauches de textes (y compris les
options dans les zones où il n’y a pas encore de consensus) pour les accords définitifs, et
ils ont été adoptés par tous les pays à Copenhague, contrairement à l’Accord qui n’a pas
été adopté. La bataille ne porte pas seulement sur les textes qui doivent être utilisés.

Derrière les différents textes, il y a des solutions qui sont en concurrence pour s’attaquer
à la crise liée aux changements climatiques.

Le modèle de l’accord de Bali s’effrite

Le modèle convenu à Bali avait été de fixer un objectif global contraignant pour les pays
développés, afin de réduire leurs émissions collectives. Cette réduction a été initialement
fixée entre 25 et 40 pour cent en 2020, par rapport au niveau de 1990. Chacun des pays
développés devait alors avoir un objectif national contraignant et ces objectifs devaient
tous d’additionner pour constituer l’objectif global. Les objectifs se devaient d’être
« comparables » aux efforts des autres pays développés.

Les pays en développement, qui n’ont eu qu’un petit rôle dans les émissions de gaz à
effet de serre dans le passé, ne devaient pas avoird es objectifs d’émissions
contraignants. Ils auraient eu à prendre des mesures d’atténuation du réchauffement qui
seraient soutenues par des transferts financiers et technologiques des nations
développées ; les actions, tout comme les soutiens financiers et ecynologiques, devaient
être mesurés et vérifiés.

L’Accord de Copenhague a fait un grand pas en arrière parce que les pays développés
n’ont plus à prendre des engagements contraignants. Chaque pays est seulement tenu
de présenter la réduction des émissions qu’il est disposé à entreprendre. Il n’y a pas non
plus d’objectif global [résultant de l’aggrégation des objectifs de tous les pays]. Il n’est
plus nécessaire que les engagements individuels doivent s’ajouter pour tendre vers un
objectif global crédible. Lors des négociations sur le climat, au cours des deux dernières
années, les pays en développement exigeaient que l’engagement de réduction globale
soit d’au moins 40 pour cent d’ici 2020, par rapport à 1990.

Quand il est apparu clairement, en octobre 2009, que les nations développées se
préparaient à vider le Protocole de Kyoto de ses obligations contraignantes, les pays en
développement ont réagi. La Chine les a même accusés d’avoir fomenté pour échapper à
leurs obligations. Hélas ! L’accord de Copenhague constitue bien une grande dérive.
Les détracteurs de l’Accord prévoient que l’unilatéralisme et les objectifs volontaires
présentés maintenant par les pays développés pourraient être bien en deçà de ce qui est
requis par les scientifiques, à savoir la nécessité de limiter l’élévation de la température
mondiale de 1,5 ou 2° C, au-dessus du niveau pré-industriel.

Entraîné par les Etats-Unis, c’est l’effondrement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Ces craintes se sont avérées amplement justifiées. Les annonces des contributions de
certains des pays développés sont si faibles que la réduction globale ne sera que de 12 à
18 pour cent d’ici 2020, par rapport à 1990, selon un document rédigé par le World
Resources Institute (WRI). Cela est dû à la position de la plupart des pays qui ont déclaré
qu’ils tendraient vers un objectif plus ambitieux, si d’autres pays acceptaient de faire un
effort comparable.

Les États-Unis, qui sont le pays le plus gros émetteur, ont donné un objectif
exceptionnellement bas pour 2020, soit des émissions de 17 pour cent en dessous du
niveau de 2005, ce qui n’est encore que seulement 5 pour cent en dessous du niveau de
1990. En conséquence, d’autres pays ont abaissé ou sont susceptibles de baisser leurs
propres objectifs.

Le Canada en est un bon exemple. Il a maintenant déclaré qu’il se baserait sur un chiffre
similaire à celui des États-Unis, soit 17 pour cent en dessous du niveau de 2005, d’ici
2020, ce qui s’avère n’être que de 19 pour cent au dessous du niveau de 1990, parce que
les émissions canadiennes ont augmenté de beaucoup dans la période entre 1990 et
2005.

L’Union européenne a réitéré son offre précédente pour 2020, engageant ses États
membres à réduire collectivement leurs émissions de 30 pour cent si d’autres ont un
objectif similaire, mais seulement de 20 pour cent dans le cas contraire. Avec la position
timorée des Etats-Unis, l’Union Européenne est susceptible de prendre en fait le chiffre le
plus bas de ses prévisions.

Même si le haut de la fourchette des engagements est réalisé, cela ne répond pas à une
réduction de 25-40 pour cent, que le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat, avait indiqué comme nécessaire pour stabiliser les concentrations
de gaz à effet de serre à 450 ppm ou au-dessous, 450 ppm étant le niveau de
concentration généralement associé à une élévation de la température mondiale de 2° C,
mais d’autres scientifiques spécialistes du climat disent que nous devons réduire encore
davantage. [voir l’article 350ppm CO2 the Target (dans la revue Science in Society N°
44).

La nécessité que l’élévation de la température reste en dessous de 2° C est reconnue par
l’Accord de Ciopenhague de décembre 2009. Ainsi, les engagements pris par les pays
développés ne remplissent même pas les propres normes fixées par cet Accord.
Un rapport publié par le réseau scientifique Ecofys, visant à évaluer les engagements
pris par les pays développés et les pays en développement à ce jour, conclut que ces
engagements aboutissent au niveau des émissions de 2020, qui correspondrait à une
hausse de la température mondiale de plus de 3° C.

Une hausse de plus de 3° C aurait des conséquences catastrophiques en termes
d’élévation du niveau des mers, de la fonte des glaciers, des inondations, de la
productivité agricole et de la vie humaine en général.

Appel pour la reprise rapide des négociations

De nombreux pays en développement, y compris le groupe constitué par le Brésil,
l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine, dit groupe BASIC, ainsi que l’Association des petits
Etats insulaires, appellent à la reprise rapide des négociations en vertu de la CCNUCC et
de ses deux groupes de travail. Ceci est une indication claire qu’ils ne veulent pas que les
négociations sur le climat soient transférées, à partir de la CCNUCC, vers un autre lieu
privilégié, ou une structure comme le G20.

La feuille de route convenue à Bali, qui inclut des objectifs contraignants pour les pays
développés basés sur l’objectif global nécessaire et les objectifs nationaux qui sont
comparables, devrait être poursuivie. L’Accord de Copenhague devrait aider le processus
dans ce sens et non pas l’en détourner.

Dans le cas contraire, un temps précieux sera gaspillé dans toutes sortes de
tergiversations, alors que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de temps,
car la situation climatique s’aggrave chaque jour.

Martin Khor est directeur du ‘South Centre’. Martin Khor is director of South Centre.
Une version de cet article a été publiée dans le journal ‘The Star’, le 8 Février 2010. A
version of this article was published in The Star, 8 February 2010.

Définitions et compléments :

voir PDF à demander à Yonne.lautre@laposte.net (bien spécifier le titre de l’article)

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.

Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire

Adresse : 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : Climat Climate Road Map Loses Direction French version.2