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"La dissémination dans les cultures d’une aubergine Bt est stoppée en Inde" par le Dr.Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 19 avril 2010, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS OGM Inde
La dissémination dans les cultures d’une aubergine Bt est stoppée en Inde.
Mais la lutte continue contre une forme de néo-colonialisme qui s’exprime à travers l’extension des OGM sur le continent indien,
d’après le Dr.Mae-Wan Ho

Rapport de l’ISIS en date du 19/04/2010
L’article original en anglais, intitulé Bt Brinjal Halted , est accessible sur le site suivant : www.i-sis.org.uk/Bt_Brinjal_Halted.php
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Une victoire pour la démocratie indienne

Avec une attitude spectaculaire, Jairam Ramesh, le Ministre de l’Environnement de l’Inde, a mis fin à la mise en culture commerciale de l’aubergine Bt, « brinjal Bt » en Inde, la première aubergine génétiquement modifiée au monde (OGM), qui contient des protéines de la toxine insecticide Bt, provenant d’une bactérie du sol (Bacillus thuringiensis) [1] [2] [3] .

L’aubergine Bt est destinée à contrôler un insecte ravageur des tiges et des fruits de cette espèce, une pyrale qui s’attaque aux cultures d’aubegines.
Le Ministre indien a fait cette annonce le 9 Février 2010, après une série d’audiences publiques réalisées dans sept États de l’Inde et après un processus de consultation avec des scientifiques, des experts agricoles, des organisations d’agriculteurs, des groupes de consommateurs et des organisations non gouvernementales.

Il a déclaré a cette occasion [3] : « Il est de mon devoir d’adopter une approche prudente, fondée sur le principe de précaution, ... jusqu’à ce que des études scientifiques indépendantes permettent d’établir établir la sécurité du produit, à la satisfaction du public et des professionnels ».

L’espèce aubergine occupe une place particulière dans l’agriculture indienne. L’Inde est le plus important producteur de cette plante dans le monde et l’Inde est son pays d’origine. Environ 2.500 variétés sont cultivées par les paysans indiens, parmi lesquelles, certaines qui ont une résistance naturelle à la pyrale des tiges et des fruits : cette résistance existe donc déjà [4]].

Comme cette espèce est en grande partie à pollinisation croisée, la contamination transgénique pose un gros problème pour la protection de la biodiversité naturelle.

La décision de Ramesh a été largement saluée comme une victoire majeure pour la société civile et la démocratie indienne. Le ministre de l’Environnement a obtenu le statut de héros national pour avoir tenu tête aux pressions intenses exercées par les États-Unis et ses agents qui ont déjà manipulé l’ India’s national Genetic Engineering Approval Committee (GEAC), le Comité Nationel d’Approbation pour le Génie Génétique en Inde (GEAC) afin d’autoriser la mise en culture commerciale de l’aubergine Bt [5]3 .

Ramesh a ostensiblement rebaptisé l’organisme GEAC, en un Comité d’évaluation du génie génétique, lors de l’annonce du moratoire.

L’annonce du moratoire decidé par Ramesh comprend les informations suivantes [1, 2] :
 Il n’y a pas d’arguments liés à un problème de sécurité alimentaire à circonscrire, de manque de production pour satisfaire les besoins ou de détresse chez des agriculteurs, qui seraient en faveur de la dissémination commerciale de l’aubergine, en dehors de la nécessité de réduire l’utilisation des pesticides.
 Les ministres en chef de neuf États de l’Inde ont écrit au ministre de l’Environnement pour lui demander l’interdiction de l’aubergine Bt jusqu’à ce que de nouvelles études sur les impacts aient rendues disponibles.
Le concept de ‘Gestion sans pesticides’ constitue une partie de la Mission nationale sur l’agriculture durable (l’une des missions dans le cadre du Plan d’action national sur les changements climatiques) ; ce concept de ‘Gestion sans pesticides’ apporte une meilleure solution que la technologie Bt, car il élimine complètement l’utilisation des pesticides chimiques, alors que la technologie Bt réduit seulement la nécessité de faire des pulvérisations de pesticides.
 La politique de la Chine est d’être extrêmement prudente sur l’introduction des OGM dans les cultures vivrières, même si elle a un très important programme de technologie portant sur les OGM et qui est financé à partir de fonds publics, contrairement à l’Inde. · Des scientifiques de différents pays : Etats-Unis, France, Australie, Royaume-Uni et Nouvelle-Zélande, ont écrit au ministre et soulevé de sérieux doutes sur la manière dont les expérimentations ont été menées en Inde pour l’aubergine Bt (voir B [6] Bt Brinjal Unfit for Human Consumption , SiS 41).
Dix-sept éminents scientifiques de différents pays ont adressé une lettre commune au Premier Ministre le 8 Février 2010, en donnant des raisons scientifiques, contre la dissémination commerciale de l’aubergine Bt.
 Des médecins chargés de l’alimentation et de la sécurité, un réseau de médecins à travers le pays, ont averti des dangers pour la santé liés aux aliments génétiquement modifiés en général, et à l’aubergine Bt en particulier, ainsi que la possibilité de perdre les propriétés médicinales des aubergines qui sont utilisées dans les systèmes de médecine indienne : Ayurveda, Siddha, Homéopathie et Unani.

Un nouveau colonialisme à travers des semences OGM

Le géant américain de l’agriculture et des biotechnologies, Monsanto, et plusieurs autres sociétés, ont consolidé leur contrôle sur l’approvisionnement en semences à l’échelle du monde à un point tel que cette situation a déclenché une audience nationale anti-trust aux États-Unis [7]] ( US Farmers Oppose ’Big Ag’ in Anti-Trust Hearing , SiS 46) * .
Version en français intiulée "Les agriculteurs des États-Unis s’opposent à l’agrobusiness au cours d’une audition ‘Anti-Trust’" par le Dr. Eva Novotny, traduction & compléments de Jacques Hallard.

Claude Alvares, directeur du Secrétariat central de l’Association de l’agriculture biologique de l’Inde, basé à Goa, accuse Monsanto de braconnage sur les semences en Inde et de les remplacer par des semences de son propre groupe [2].

Monsanto, via sa filiale indienne Mahyco, a fait des percées dans l’agriculture et les ressources agricoles en Inde, ce qui équivaut à un néo-colonialisme par les semences d’OGM.
Il s’agit de prendre les graines du pays pour y réaliser des modifications génétiques directes ou de procéder à des hybridations entre des variétés autochtones et des variétés Monsanto brevetées à travers des modifications génétiques (OGM), en établissant ainsi sa propriété sur les variétés autochtones et les semences hybrides. Au cours de ce processus, les variétés autochtones ont également été contaminées pour toujours.
Ce processus a véritablement commencé avec l’approbation et l’autorisation de mise sur le marché du coton Bt en 2003. Le coton Bt, sous la forme déguisée de centaines de variétés hybrides réalisées avec du matériel indien, s’est propagé rapidement dans tout le pays, malgré les protestations énergiques des agriculteurs et des consommateurs : les conséquences ont été désastreuses.

Le coton Bt a accéléré le suicide de paysans en augmentant le ‘fardeau de la dette’ des agriculteurs. Des accidents culturaux ou de mauvaises récoltes pendant deux saisons successives, en plus du coût exorbitant des semences génétiquement modifiées, furent suffisants pour augmenter la dette à un niveau qui poussa les agriculteurs à mettre fin à leur propre vie.

En outre, le coton Bt a très vite laissé la place à de nouveaux ravageurs secondaires, des parasites résistants, de nouvelles maladies, et surtout, cela a abouti à un appauvrissement des sols en éléments nutritifs et en certains micro-organismes bénéfiques qui ne peuvent plus soutenir la croissance et le développement des cultures au bout d’une décennie [8] [9] ( Farmer Suicides and Bt Cotton Nightmare Unfolding in India , Mealy Bug Plagues Bt Cotton in India and Pakistan , SiS 45)

C’est bien la crise du coton Bt qui a galvanisé la nation tout entière pour s’opposer à l’aubergine Bt de Monsanto.

La lutte continue

La décision du ministre de mettre un terme à la dissémination de l’aubergine Bt a été rapidement attaquée par deux autres ministres dans le Cabinet Indien [2], le ministre de la Science et la Technologie (responsable du ministère des biotechnologies) et le ministre de l’Agriculture. Le 24 Février, le Premier ministre a convoqué une réunion à laquelle il a été décidé que le moratoire sur l’aubergine Bt et sur les cultures vivrières génétiquement modifiés, se poursuivra.

Pendant ce temps, le Ministre des Sciences et Technologies a ressuscité un projet de loi sur une Autorité de régulation et de réglementation de la Biotechnologie, élaboré par son ministère, et qui avait été tenu au froid pendant huit ans ; il a également insisté pour sa présentation au Parlement.
Le projet de loi transfère le contrôle de la prise de décision sur le génie génétique du Ministère de l’Environnement au Ministère de la Science et de la technologie. Une des caractéristiques les plus draconiennes de la loi est le droit d’emprisonner en cas d’expression critique se rapportant aux biotechnologies.

La clause pertinente est exprimée ainsi : « Celui qui, sans aucune preuve scientifique ou données scientifiques quelconques trompe le public sur la sécurité des organismes et des produits visés à la partie I ou II ou III de l’annexe I, est puni d’un emprisonnement pour une durée qui ne pas être inférieure à six mois, mais qui peut aller jusqu’à un an, ainsi que d’une amende pouvant aller jusqu’à deux ‘lakh roupies’, ou les deux à la fois ».

Le projet de loi comprend également des sanctions pour l’introduction illégale des plantes cultivées génétiquement modifiées (OGM), « mais si l’expérience passée peut servir de guide, elles pourront sans peine être mises en œuvre », déclara ainsi Alvares.

Définitions et compléments

voir PDF à demander à Yonne.lautre@laposte.net (bien spécifier le titre de l’article)

Traduction, définitions et compléments :


Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire.
Adresse : 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS OGM Bt Brinjal Halted French version.4


[1“Reasons for the Bt brinjal moratorium”, India Together, 12 February 2010, http://www.indiatogether.org/2010/feb/env-btbrinjal.htm

[2Alvares C. India decides to go slow on the introduction of GM food crops
Third World Resurgence, Issue No. 234 http://www.twnside.org.sg/title2/resurgence/2010/234/eco1.htm

[3Barker D. Biotech eggplant : ignoring the resounding ‘no’. GENEWATCH 2010, 23 (1)
http://www.councilforresponsiblegenetics.org/GeneWatch/GeneWatchPage.aspx?pageId=239

[4Swarup V. Genetic resources and breeding of aubergine (Solanum melongena L.). Acta Horticulturae 1995, 412, 71-79.

[5“How Bt brinjal was cleared, Anti-GM groups say expert panel acted under pressure”, Savvy Soumya Misra. Down to Earth, accessed 4 April 2010, http://www.downtoearth.org.in/full6.asp?foldername=20091231&filename=news&sec_id=4&sid=

[6urcher S. Bt Brinjal unfit for human consumption. Science in Society 41, 50-51, 2009.

[7Novotny E. US farmers oppose ‘Big Ag’ in anti-trust hearing. Science in Society 46 (to appear).

[8Ho MW. Farmer suicides and Bt cotton nightmare unfolding in India. Science in Society 45, 32-39, 2010

[9Ho MW. Mealy bug plagues Bt cotton in India and Pakistan. Science in Society 45, 40-43, 2010.