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"Faut-il résister ou obéir face à un pouvoir d’autorité abusif, violent et brutal ?" par Jacques Hallard

mardi 3 janvier 2017, par Rédaction d’ISIAS



ISIAS Philosophie Sociologie Psychologie
Faut-il résister ou obéir face à un pouvoir d’autorité abusif, violent et brutal ?
Série Résistance – Résister : Pourquoi ? A qui ou à quoi ? Comment ? Partie 3
Jacques HALLARD, Ing. CNAM – Sitehttp://www.isias.lautre.net/ISIAS – 03/01/2017

Introduction

« La conscience est la principale clé permettant de contrecarrer les abus d’autorité » (Josselyne Abadie).

Une série d’expériences de psychologie sociale ont été initiées au début des années 1960 par Stanley Milgram (1933-1984) qui travailla à l’Université Harvard et à l’université Yale aux Etats-Unis. La démarche expérimentales visait à estimer le niveau d’obéissance d’un individu, recruté pour servir dans le protocole et devant se soumettre à une autorité qu’il considère comme légitime (le chercheur) puis à analyser le processus de soumission à l’autorité, notamment quand celle-ci ordonne des actions dures (chocs électriques (supposés) et de tension croissante). L’expérience pouvait poser des problèmes de conscience au sujet recruté, en particulier lorsqu’il devait obéir à un ordre contraire à ses principes moraux. En fait, les sujets recrutés acceptaient de participer, sous l’autorité d’une personne supposée compétente, à une expérience d’apprentissage où il leur était demandé d’appliquer des traitements cruels (des décharges électriques) à des tiers, sans autre raison que de répondre à l’objectif scientifiquement annoncé, à savoir : vérifier les capacités d’apprentissage.A la surprise générale des experts scientifiques et du grand public, lorsque les résultats de la recherche furent communiqués, plus de 60% des sujets allaient participer au bon déroulement de l’expérience et mener celle-ci à terme en infligeant à trois reprises de prétendus électrochocs jusqu’à 450 volts (supposés), malgré les réticences, voire les plaintes (simulées) de la personne soumise au traitement, mais de mèche avec le chercheur. Stanley Milgram en concluait alors que l’immense majorité des gens abdiquent tout libre arbitre et toute réaction simplement morale, dès lors qu’ils reconnaissent et admettent le pouvoir l’autorité de celui qui donne des ordres (ici un scientifique). Le modèle expérimental a été repris par de nombreux autres chercheurs de différents pays, avec au moins 19 variantes expérimentales testées et il fut conduit sur plus de 600 sujets volontaires pour cette recherche. Des critiques furent exprimées, notamment dans les milieux universitaires aux Etats-Unis et au Canada. L’une des principales critiques formulées portait sur la difficile acceptation morale et scientifique de ces protocoles mis en place pour les recherches et soulevait des préoccupations de nature éthique et déontologique. Lors d’un examen critique des expériences initiées par Stanley Milgram, Jean-Michel Pottier soulève un autre problème de soumission : « Milgram a rétabli le bien-être des participants en les attirant habilement par l’idée que la science est quelque chose de si démesurément profitable à l’humanité qu’un ’dommage collatéral’ infligé au passage ne pose pas problème », et il en conclut « qu’obéir aveuglément à l’idée du progrès scientifique plutôt qu’à l’autorité du chef, cela reste obéir aveuglément ».Traitant de l’expérience de Stanley Milgram et de l’obéissance à l’autorité, le site ‘ Explorable’ (Voir sur https://explorable.com/], note que les études approfondies ont permis de formuler les constats suivants : a) Les femmes obéissent de la même manière que les hommes. b) La distance de la victime influence l’obéissance. c) La distance de la personne qui vous commande influence l’obéissance. d) L’apparence et le rang de la personne en position d’autorité peut augmenter ou diminuer l’obéissance.

De son côté, dans une fiche de lecture synthétique du livre d’Almann-Lévy, la psychologue Josselyne Abadie rappelle que « L’obéissance à une autorité et l’intégration de l’individu au sein d’une hiérarchie est l’un des fondements de toute société. Cette obéissance à des règles, et par voie de conséquence une soumission à une autorité ; elle permet aux individus de vivre ensemble et empêche que leurs besoins et désirs entrent en conflit et mettent à mal la structure de la société ». Elle enfonce encore le clou en déclarant que « l’obéissance est l’un des éléments fondamentaux de l’édifice social. Toute communauté humaine nécessite un système d’autorité, c’est le ciment qui lie les hommes aux systèmes d’autorité. Les personnes sont plus ou moins conditionnées dès l’enfance à se soumettre ».

Mais Josselyne Abadie elle ajoute aussi « Cette tendance à la soumission, fortement ancrée chez certains, l’emporte souvent sur l’éthique, l’affectivité, les règles et les choix de conduites. La question de l’autorité renvoie à la rébellion, à la déviance, qui est perçue comme mettant en péril l’édifice social. La plupart des personnes pensent que ’Mieux vaut se soumettre à une mauvaise décision prise en haut lieu, qu’ébranler l’édifice social’. A une très grande majorité, les gens font ce qu’on leur demande de faire, sans tenir compte de la nature de l’acte prescrit et sans être réfrénés par leur conscience, dès lors que l’ordre leur paraît émaner d’une autorité légitime ».

Il faut encore préciser que l’expérience de Stanley Milgram a été mise sur pied dans les années soixante « pour expliquer les horreurs des camps de concentration de la seconde guerre mondiale, où des juifs, des tsiganes, des homosexuels, des slaves et d’autres ennemis de l’Etat ont été massacrés par les nazis ». Et Josselyne Abadie précise encore que « L’extermination des juifs par les nazis reste l’exemple extrême d’actions abominables accomplies par des milliers d’individus au nom de l’obéissance. Mais à un autre degré, cela se reproduit constamment ».

Une sélection de documents, cités dans le sommaire ci-dessous, permet de (re)découvrir plus en détail la méthodologie, les enseignements et les critiques qui se rapportent à l’expérience initiale de Stanley Milgram. Nous y avons ajouté les termes d’un entretien réalisé par Nicolas Truong, pour ‘Le Monde’, avec « Boris Cyrulnik et Tzvetan Todorov, deux intellectuels, deux observateurs engagés de nos sociétés, qui dialoguent sur la capacité des individus à basculer dans la « barbarie » ou bien à y résister ».

Boris Cyrulnik en tire notamment une conclusion simple : « Pour éviter les réactions racistes et s’opposer aux terroristes, il faut se rencontrer et (se) parler. Plus on se rencontre, moins il y a de préjugés ». De son côté, Tzvetan Todorov nous dit en particulier que « L’histoire peut permettre de comprendre comment une nation ou une culture peut glisser et basculer dans le Mal, mais aussi s’élever au-dessus de ses intérêts mesquins du moment et contribuer ainsi à une meilleure vie commune. Bref, sortir du manichéisme qui revient en force aujourd’hui ». Cette remarquable contribution est à lire en entier in fine.



Sommaire

1 Un film pour se mettre dans le bain : « Expérimenter » (se soumettre ou résister)

2. L’expérience de Milgram d’après un film documentaire complet de 1h10

3. L’expérience de Milgram - Extrait vidéo courte de Dailymotion

4. Reprise de l’expérience de Milgram à partir d’extraits d’un article Wikipédia

5. Fiche de lecture Synthèse du livre d’Almann-Lévy « Soumission à l’autorité »1974

6. Question posée dans ‘Slate.fr’ : A-t-on mal interprété « l’expérience de Milgram » ? {{}}

7. « La tentation du Bien est beaucoup plus dangereuse que celle du Mal ». Article paru dans ‘Le Monde’ daté 31.12.2016, 1er et 02.01.2017, de Boris Cyrulnik et Tzwetan Téodorov, dans la rubrique ‘Débats et Analyses’ : « Comment résister à la terreur ».

1.
Film « Experimenter », se soumettre ou résister - Par Corinne Renou-nativel, le 27/01/2016 à 10h24 – Extrait d’un document ‘La Croix’

Ce film à la tonalité originale retrace la plus célèbre expérience de psychologie et le parcours de son génial inventeur, Stanley Milgram. « Experimenter » de Michael Almereyda, Film américain, 1 h 30

L’expérience, enseignée dans le monde entier, marque un virage dans l’étude des comportements humains. À l’université Yale, en 1961, Stanley Milgram, docteur en psychologie sociale, met en place une expérimentation totalement novatrice. Il la présente à ses volontaires comme une recherche sur la mémoire : ils doivent administrer des décharges électriques de plus en plus fortes à un cobaye lorsqu’il répond mal à des questions afin d’évaluer si elles ont un impact sur sa capacité à mémoriser.

> À lire L’expérience de Milgram en vidéo

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2.
L’expérience de Milgram d’après un film documentaire complet de 1h10

Vidéo ajouté le 8 avril 2014 - La soumission à l’autorité - Alain Cops et Françoise Wolff

Source https://www.youtube.com/watch?v=D3aShsV0HJw

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3.
L’expérience de Milgram è Extrait vidéo courte de Dailymotion

Vidéo de  3:50 minutes – Parlé en anglo-américain, sous-titré en français

Source ; http://www.dailymotion.com/video/xflicf_l-experience-de-milgram_news

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4.
Reprise de l’expérience de Milgram à partir d’un article Wikipédia

L’expérience de Milgram est une expérience de psychologie réalisée entre 1960 et 1963 par le psychologue américain Stanley Milgram. Cette expérience cherchait à évaluer le degré d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime et à analyser le processus de soumission à l’autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet. La date de l’expérience est importante, car quelques années plus tard, 1967-1968, s’installeront au contraire des formes de méfiance envers l’autorité. Les résultats ont suscité beaucoup de commentaires dans l’opinion publique, la méthode utilisée ayant entraîné critiques et controverses chez plusieurs psychologues et philosophes des sciences.

Sommaire

Fac-similé de l’annonce à consulter à la source

L’objectif réel de l’expérience est de mesurer le niveau d’obéissance à un ordre même contraire à la morale de celui qui l’exécute. Des sujets acceptent de participer, sous l’autorité d’une personne supposée compétente, à une expérience d’apprentissage où il leur sera demandé d’appliquer des traitements cruels (décharges électriques) à des tiers sans autre raison que de « vérifier les capacités d’apprentissage ».

L’université Yale à New Haven faisait paraître des annonces dans un journal local pour recruter les sujets d’une expérience sur l’apprentissage. La participation devait durer une heure et était rémunérée 4 dollars, plus 0,5 cts pour les frais de déplacement, ce qui représentait à l’époque une bonne affaire, le revenu hebdomadaire moyen en 1960 étant 25 dollars2. L’expérience était présentée comme l’étude scientifique de l’efficacité de la punition, ici par des décharges électriques, sur la mémorisation.

La majorité des variantes de l’expérience a eu lieu dans les locaux de l’université Yale. Les participants étaient des hommes de 20 à 50 ans de tous milieux et de différents niveaux d’éducation. Les variantes impliquent le plus souvent trois personnages :

  • L’élève (learner), qui devra s’efforcer de mémoriser des listes de mots et recevra une décharge électrique, de plus en plus forte, en cas d’erreur ;
  • L’enseignant (teacher), qui dicte les mots à l’élève et vérifie les réponses. En cas d’erreur, il enverra une décharge électrique destinée à faire souffrir l’élève ;
  • L’expérimentateur (experimenter), représentant officiel de l’autorité, vêtu de la blouse grise du technicien, de maintien ferme et sûr de luiMilgram 1.
    L’expérimentateur et l’élève sont en réalité des comédiens et les chocs électriques sont fictifs.

Dans le cadre de l’expérience simulée (apprentissage par la punition), élève et enseignant sont tous deux désignés comme « sujets » (subject). Dans le cadre de l’expérience réelle (niveau d’obéissance, soumission à l’autorité), seul l’enseignant sera désigné comme sujet.

Au début de l’expérience simulée, le futur enseignant est présenté à l’expérimentateur et au futur élève. On lui décrit les conditions de l’expérience, il est informé qu’après tirage au sort il sera l’élève ou l’enseignant, puis il est soumis à un léger choc électrique (réel celui-là) de 45 volts pour lui montrer un échantillon de ce qu’il va infliger à son élève et pour renforcer sa confiance sur la véracité de l’expérience. Une fois qu’il a accepté le protocole, un tirage au sort truqué est effectué, qui le désigne systématiquement comme enseignant.

L’élève est ensuite placé dans une pièce distincte, séparée par une fine cloison, et attaché sur une chaise électrique. Le sujet cherche à lui faire mémoriser des listes de mots et l’interroge sur celles-ci. Il est installé devant un pupitre où une rangée de manettes est censée envoyer des décharges électriques à l’apprenant. En cas d’erreur, le sujet enclenche une nouvelle manette et croit qu’ainsi l’apprenant reçoit un choc électrique de puissance croissante (15 volts supplémentaires à chaque décharge). Le sujet est prié d’annoncer la tension correspondante avant de l’appliquer.

Les réactions aux chocs sont simulées par l’apprenant. Sa souffrance apparente évolue au cours de la séance : à partir de 75 V il gémit, à 120 V il se plaint à l’expérimentateur qu’il souffre, à 135 V il hurle, à 150 V il supplie d’être libéré, à 270 V il lance un cri violent, à 300 V il annonce qu’il ne répondra plus. Lorsque l’apprenant ne répond plus, l’expérimentateur indique qu’une absence de réponse est considérée comme une erreur. Au stade de 150 volts, la majorité des sujets manifestent des doutes et interrogent l’expérimentateur qui est à leur côté. L’expérimentateur est chargé de les rassurer en leur affirmant qu’ils ne seront pas tenus pour responsables des conséquences. Si un sujet hésite, l’expérimentateur lui demande d’agir.

Fichier:A-Virtual-Reprise-of-the-Stanley-Milgram-Obedience-Experiments-pone.0000039.s012.ogv Lire le média

L’apprenant s’écrie « Je ne veux pas continuer ! » en s’adressant au sujet (simulation).

Si un sujet exprime le désir d’arrêter l’expérience, l’expérimentateur lui adresse, dans l’ordre, ces réponsesMilgram 2 :

  • « Veuillez continuer s’il vous plaît. »
  • « L’expérience exige que vous continuiez. »
  • « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »
  • « Vous n’avez pas le choix, vous devez continuer. »
    Si le sujet souhaite toujours s’arrêter après ces quatre interventions, l’expérience est interrompue. Sinon, elle prend fin quand le sujet a administré trois décharges maximales (450 volts) à l’aide des manettes intitulées « XXX » situées après celles faisant mention de « Attention, choc dangereux »[réf. souhaitée].

À l’issue de chaque expérience, un questionnaire et un entretien avec le sujet permettaient de recueillir ses sentiments et d’écouter les explications qu’il donnait de son comportement. Cet entretien visait aussi à le réconforter en lui affirmant qu’aucune décharge électrique n’avait été appliquée, en le réconciliant avec l’apprenant et en lui disant que son comportement n’avait rien de sadique et était tout à fait normalMilgram 3.

Un an après l’expérience, il recevait un nouveau questionnaire sur son impression au sujet de l’expérience, ainsi qu’un compte rendu détaillé des résultats de cette expérienceMilgram 3.

Variantes

Article détaillé : Variantes de l’expérience de Milgram.

Au total, dix-neuf variantesMilgram 4 de l’expérience avec 636 sujets furent réalisées, permettant ainsi en modifiant la situation, de définir les véritables éléments poussant une personne à obéir à une autorité qu’elle respecte et à maintenir cette obéissance.

Ces variantes modifient des paramètres comme la distance séparant le sujet de l’élève, celle entre le sujet et l’expérimentateur, la cohérence de la hiérarchie ou la présence de deux expérimentateurs donnant des ordres contradictoires ou encore l’intégration du sujet au sein d’un groupe qui refuse d’obéir à l’expérimentateur.

La plupart des variantes permettent de constater un pourcentage d’obéissance maximum proche de 65 %. Il peut exister des conditions extrêmes allant d’un comportement de soumission à l’autorité élevé (près de 92 %) dans le cas de chocs administrés par un tiers à un comportement de soumission faible (proximité du compère recevant les chocs) ou nul (décrédibilité de l’autorité).

Tableau des variantes

Voici un tableau synthétique de ces variantes de l’expérience de Milgram classées par types, et leurs résultats :

VarianteSujetsChoc maximal
moyen
Choc maximal (450 V)
Type Variation Sujets Pourcentage
Proximité de l’élèveMilgram 5 Rétroaction à distance (variante de base) 40 405 V 26 65 %
Rétroaction vocale 40 367,95 V 25 62,5 %
Proximité 40 312 V 16 40 %
Contact 40 268,2 V 12 30 %
Importance

de l’autoritéMilgram 6

Nouvel environnement 40 368,25 V 26 65 %
Changement de personnel 40 333 V 20 50 %
Absence de l’expérimentateur 40 272,25 V 8 20 %
Immeuble de bureaux à Bridgeport 40 314,25 V 19 47,5 %
Sujets fémininsMilgram 7 Rétroaction à distance 40 370,95 V 26 65 %
Rôle du groupeMilgram 8 Deux pairs se rebellent 40 370,95 V 4 10 %
Un pair administre les chocs 40 399,75 V 37 92,5 %
Limitations de l’élève

et personnalité du sujetMilgram 7

Conditions préalables à la participation 40 321 V 16 40 %
Le sujet choisit le niveau de choc 40 82,5 V 1 2,5 %1
Changement de statutMilgram 9 L’élève demande à recevoir les chocs 20 150 V 0 0 %
Un individu ordinaire donne les ordres 20 243,75 V 4 20 %
Le sujet est spectateur 16 373,5 V 112 68,75 %2
L’autorité dans le rôle de la victime 20 150 V 0 0 %
Troubles au sein

de l’autoritéMilgram 10

Deux autorités, ordres contradictoires 20 150 V 0 0 %
Deux autorités, une dans le rôle de la victime 20 352,5 V 13 65 %
1. Le pourcentage de sujet administrant le choc maximal ne doit pas être interprété comme une mesure de l’obéissance puisque le sujet est libre de fixer le niveau de choc.

2. Tous les participants ont manifesté leur opposition verbalement. Ce nombre correspond à ceux qui n’ont pas entrepris de s’opposer physiquement à la poursuite de l’expérience en quittant la salle ou en s’interposant.

Résultats

Lors des premières expériences menées par Stanley Milgram, 62,5 % (25 sur 40) des sujets menèrent l’expérience à terme en infligeant à trois reprises les prétendus électrochocs de 450 volts. Tous les participants acceptèrent le principe annoncé et, éventuellement après encouragement, atteignirent les 135 volts prétendus. La moyenne des prétendus chocs maximaux (niveaux auxquels s’arrêtèrent les sujets) fut 360 volts. Toutefois, chaque participant s’était à un moment ou à un autre interrompu pour questionner le professeur. Beaucoup présentaient des signes patents de nervosité extrême et de réticence lors des derniers stades (protestations verbales, rires nerveux, etc.).

Milgram a qualifié à l’époque ces résultats « d’inattendus et inquiétants ». Des enquêtes préalables menées auprès de 39 médecins-psychiatres avaient établi une prévision d’un taux de sujets envoyant 450 volts de l’ordre de 1 pour 1000 avec une tendance maximale avoisinant les 150 volts3.

Analyse de Milgram

En plus des nombreuses variantes expérimentales qui permettent de mettre en valeur des facteurs de la soumission, Stanley Milgram propose dans son livre paru en 1974 une analyse détaillée du phénomène. Il se place dans un cadre évolutionniste et conjecture que l’obéissance est un comportement inhérent à la vie en société et que l’intégration d’un individu dans une hiérarchie implique que son propre fonctionnement en soit modifié : l’être humain passe alors du mode autonome au mode systématique où il devient l’agent de l’autorité. À partir de ce modèle, il recherche les facteurs intervenant à chacun des trois stades :

  • Les conditions préalables de l’obéissance : elles vont de la famille (l’éducation repose sur une autorité dans la famille) à l’idéologie dominante (la conviction que la cause est juste, c’est-à-dire ici la légitimité de l’expérimentation scientifique).
  • L’état d’obéissance (ou état agentique) : les manifestations les plus importantes sont la syntonisation (réceptivité augmentée face à l’autorité et diminuée pour toute manifestation extérieure) et la perte du sens de la responsabilité. Il constate aussi une redéfinition de la situation en ce sens que l’individu soumis « est enclin à accepter les définitions de l’action fournies par l’autorité légitime ».
  • Les causes maintenant en obéissance : le phénomène le plus intéressant parmi ceux relevés est l’anxiété, qui joue le rôle de soupape de sécurité ; elle permet à l’individu de se prouver à lui-même par des manifestations émotionnelles qu’il est en désaccord avec l’ordre exécuté.
    A contrario, Stanley Milgram s’oppose fortement aux interprétations qui voudraient expliquer les résultats expérimentaux par l’agressivité interne des sujets. Une variante met d’ailleurs en évidence cela, où le sujet était libre de définir le niveau d’intensité. Ici, seule une personne sur les quarante a utilisé le niveau maximal.

Il propose également une série d’arguments factuels pour réfuter les trois critiques qui lui sont le plus souvent adressées : la non-représentativité de ses sujets, leur conviction en ce protocole expérimental et l’impossibilité de généraliser l’expérience à des situations réelles.

Rôle de l’obéissance dans la société

L’obéissance à une autorité et l’intégration de l’individu au sein d’une hiérarchie est l’un des fondements de toute société. Cette obéissance à des règles, et par voie de conséquence à une autorité, permet aux individus de vivre ensemble et empêche que leurs besoins et désirs entrent en conflit et mettent à mal la structure de la société. Partant de cela, Stanley Milgram ne considère pas l’obéissance comme un mal. Là où l’obéissance devient dangereuse, c’est lorsqu’elle entre en conflit avec la conscience de l’individu. Pour résumer, ce qui est dangereux, c’est l’obéissance aveugle.

Un autre moteur de l’obéissance est le conformisme. Lorsque l’individu obéit à une autorité, il est conscient de réaliser les désirs de l’autorité. Avec le conformisme, l’individu est persuadé que ses motivations lui sont propres et qu’il n’imite pas le comportement du groupe. Ce mimétisme est une façon pour l’individu de ne pas se démarquer du groupe. Le conformisme a été mis en évidence par le psychosociologue Solomon Asch dans son expérience réalisée dans les années 1950. Les variantes avec plusieurs pairs ont montré que si l’obéissance entre en conflit avec la conscience de l’individu et que le conformisme « impose » à l’individu de ne pas obéir, il se range souvent du côté du groupe. Ainsi, si l’obéissance aveugle d’un groupe veut être assurée, il faut faire en sorte que la majorité de ses membres adhère aux buts de l’autorité.

Processus de l’obéissance chez l’individu

L’homme est un être social, mais cela ne l’empêche pas d’avoir une certaine autonomie.

État agentique

Lorsque l’individu obéit, il délègue sa responsabilité à l’autorité et passe dans l’état que Stanley Milgram appelle « agentique ». L’individu n’est plus autonome, c’est un « agent exécutif d’une volonté étrangère »Milgram 11.

Milgram expliquera aussi par la suite que le comportement de la plupart des Allemands (et collaborateurs) sous l’Allemagne nazie étaient assimilables à ceux de cette expérience. En effet, ils suivaient les ordres d’une autorité qu’ils respectaient et étaient un des multiples « maillons » de la chaîne de l’extermination des juifs. Un conducteur de train était ainsi « déresponsabilisé » de son travail, tout comme le gardien du camp, etc. et pouvait ainsi attribuer la responsabilité de ses actes à une autorité supérieure.

Rôle de la tension

Le maintien de l’individu dans un état agentique dure aussi longtemps que s’exerce le pouvoir de l’autorité et qu’elle n’entre pas en conflit avec le comportement du groupe (le conformisme) et un certain niveau de tension ou anxiété.

La tension que ressent l’individu qui obéit est le signe de sa désapprobation à un ordre de l’autorité. L’individu fait tout pour baisser ce niveau de tension ; le plus radical serait la désobéissance, mais le fait qu’il ait accepté de se soumettre l’oblige à continuer à obéir. Il fait donc tout pour faire baisser cette tension, sans désobéir. Dans l’expérience de Milgram, des sujets émettent des ricanements, désapprouvent à haute voix les ordres de l’expérimentateur, évitent de regarder l’élève, l’aident en insistant sur la bonne réponse ou encore lorsque l’expérimentateur n’est pas là ils ne donnent pas la décharge convenable exigée. Toutes ces actions visent à faire baisser le niveau de tension. Lorsqu’il n’est plus possible de le faire diminuer avec ces subterfuges, le sujet désobéit purement et simplement.

Implications

Dans son livre, Stanley Milgram ne cherche pas à couper sa démarche scientifique de la société contemporaine. Sans pour autant mélanger les genres, il fait fréquemment référence tant aux situations d’obéissance de la vie quotidienne qu’aux grands événements. La Seconde Guerre mondiale et en particulier la Shoah ont ainsi joué un grand rôle dans le choix de Stanley Milgram de s’intéresser à l’obéissance. Il mentionne souvent le procès d’Adolf Eichmann. Il soutient la journaliste et philosophe Hannah Arendt qui, dans des reportages controversés, vit en ce criminel de guerre plus un bureaucrate qu’un cruel antisémite. L’épilogue de son livre Soumission à l’autorité est pour une bonne part consacré à la guerre du Viêt Nam et au massacre de Mỹ Lai.

Il insiste sur le fait que les situations d’autorité des régimes fascistes ne sont pas absentes des sociétés occidentales :

« Les exigences de l’autorité promue par la voie démocratique peuvent elles aussi entrer en conflit avec la conscience. L’immigration et l’esclavage de millions de Noirs, l’extermination des Indiens d’Amérique, l’internement des citoyens américains d’origine japonaise, l’utilisation du napalm contre les populations civiles du Viêt Nam représentent autant de politiques impitoyables qui ont été conçues par les autorités d’un pays démocratique et exécutées par l’ensemble de la nation avec la soumission escomptée. »

Il finit d’ailleurs son livre en faisant sienne une citation de Harold Laski :

« … la civilisation est caractérisée, avant tout, par la volonté de ne pas faire souffrir gratuitement nos semblables. Selon les termes de cette définition, ceux d’entre nous qui se soumettent aveuglément aux exigences de l’autorité ne peuvent prétendre au statut d’hommes civilisés. »

Reproductions de l’expérience

Des reproductions de l’expérience à travers le monde (en Italie, Jordanie, Allemagne de l’Ouest, Afrique du Sud, Autriche, Espagne et Australie) et à différentes époques (de 1967 à 1985) ont reproduit, davantage parfois sous forme de spectacle que de recherche, cette expérience de Milgram4.

En 2006, ABC News a reproduit l’expérience de Milgram et a obtenu des résultats similaires (65 % des hommes et 73 % des femmes ont suivi les instructions jusqu’au bout)5.

En 2008, Jerry Burger de l’Université de Santa Clara aux États-Unis a reproduit l’expérience en obtenant un taux de 70 % d’obéissance et ces personnes étaient prêtes à aller au-delà de la limite de 150 V si l’expérimentateur le désirait6.

France Télévisions produit en 2009 le documentaire Le Jeu de la mort mettant en scène un faux jeu télévisé (La Zone Xtrême) reproduisant l’expérience de Milgram. La différence notable est que l’autorité scientifique représentée par le technicien en blouse grise est remplacée par une présentatrice de télévision. Selon les premières estimations, le taux d’obéissance est 81 %, supérieur aux 62,5 % en rétroaction vocale de l’expérience originale. Le producteur de l’émission7, Christophe Nick, présente son documentaire comme une critique de la télé réalité. La comparabilité de La zone extrême avec les études de Milgram a été interrogée par Bègue et Terestchenko.

Article détaillé : Le Jeu de la mort (documentaire).

La différence du taux d’obéissance à une autorité légitime entre les hommes et les femmes a également été étudiée et il n’a pas été remarqué de différence significative4. Par contre lors d’une expérience réalisée en 1974 en Australie où l’élève était une femme et l’enseignant un homme, le taux d’obéissance est descendu à 28 %6.

Critiques et commentaires

Validité de l’expérience

Milgram le disait lui-même, la première critique de son expérience concernait la validité de ses résultats et leur portabilité à des situations réelles ; la reproduction de l’expérience dans d’autres pays avec des résultats très proches et la production d’expériences du même ordre, comme l’expérience de Stanford, qui montraient la facilité avec laquelle une majorité de personnes assume la fonction de « tortionnaire légal » (et légitime), invalidèrent cette première critique.

Mais la principale critique de l’expérience, qui vient pour l’essentiel des milieux universitaires d’Amérique du Nord (États-Unis et Canada), est beaucoup plus consistante : celle de l’acceptabilité à la fois morale et scientifique du protocole mis en place. Dans les deux cas, la critique est d’ordre déontologique et éthique.

L’expérience de Milgram participe de questions qui sont beaucoup posées sur la validité des protocoles (point de vue scientifique) et sur leur qualité (point de vue moral). La question est : une expérience reposant sur la tromperie (en anglais, deception, traduit dans le texte cité par « duperie ») est-elle scientifiquement valide et moralement acceptable ? Daphne Maurer, professeur de psychologie à l’université McMaster, expose ainsi les points problématiques les plus discutés8 :

« On avait donc trompé les sujets sur les points suivants : * la « victime » ne recevait pas en réalité des chocs ; * la « victime » était en réalité un complice ; * les sujets pouvaient en réalité cesser en tout temps (ce qui n’était pas véritablement le cas étant donné que la personne chargée de l’expérience donnait des consignes précises de poursuivre malgré l’hésitation des sujets et, par conséquent, ne laissait pas aux sujets la possibilité d’arrêter). Il ne fait pas l’ombre d’un doute que ce genre de méthode soulève d’importantes questions d’éthique tel le respect des personnes et de leur droit de faire des choix volontaires lorsqu’elles participent à des expériences. Quand un choix se fonde sur des allégations mensongères, il ne peut être qualifié de volontaire. Un autre aspect de l’éthique que soulève le recours à la duperie est la rupture du lien de confiance entre le chercheur et le sujet. »

Le corollaire de ces interrogations est la validité scientifique des résultats d’une expérience de ce type, sujet qui donne lieu à une abondante littérature académique en langue anglaise, pour l’essentiel d’origine nord-américaine.

Pour Jean-Léon Beauvois9, cette polémique éthique viserait en fait à contraindre la recherche en psychologie à rester dans le politiquement correct. Il y aurait également une extension internationale de cette pensée, par la mise en place d’une réglementation stricte. « Sous le couvert moral de protéger le public contre les risques psychologiques encourus lors de manipulations expérimentales, certaines expériences sont interdites puisque soumises à la nécessité du consentement éclairé du sujet participant à l’expérience. »10

D’autres critiques portent plus spécifiquement sur les effets pouvant influencer le déroulement de l’expérience. En effet, le fait de participer à un test influencerait le comportement des sujets comme l’a décrit Elton Mayo dans sa théorie de l’effet Hawthorne. L’effet Pygmalion est également à prendre en considération dans la mesure où il est très proche des conditions décrites par Milgram.

Isabelle Stengers porte sa critique sur la validité même de l’expérience. Selon elle « l’expérience où Stanley Milgram créa, au nom de la science psychologique, les conditions où des individus normaux allaient devenir des bourreaux » car « la question éthique, ici, est toujours en même temps une question technique, [...] l’expérience dite de Milgram n’a pas produit de témoins fiables », d’autant que « les sujets-bourreaux de Milgram se savaient au service de la science, et ce savoir a pour conséquence que l’expérience, qui était censée se borner à mettre en évidence un comportement, a sans doute contribué, sur un mode incontrôlable, à le produire »11.

Manipulation des résultats par Milgram

Dans un livre intitulé « Behind the shock machine - The Untold Story of the Notorious Milgram Psychology Experiments »12, la psychologue australienne Gina Perry accuse Milgram d’avoir manipulé les résultats de son étude en vue d’obtenir le résultat qu’il souhaitait.

À partir de l’écoute des cassettes d’enregistrement de l’expérience et des témoignages de ceux qui y ont participé, elle met notamment en avant divers éléments ayant faussé l’étude, tels le non-respect du script prévu par les expérimentateurs avec l’autorisation de Milgram13 ou l’insistance excessive manifestée par les expérimentateurs : dans un cas, l’expérimentateur demanda ainsi 26 fois au sujet de poursuivre, au lieu des 4 annoncés dans le protocole expérimental14.

Les critiques de Perry touchent également à la sélection des résultats obtenus : Perry met en exergue le fait que Milgram a mené 24 expériences semblables, obtenant des résultats extrêmement variables : le chiffre le plus souvent cité, selon lequel 65 % des sujets auraient obéi, ne s’est produit que dans une seule de ces expériences : prises dans leur ensemble, les expériences montrent que plus de la moitié des sujets désobéissaient15. En outre, Milgram aurait minimisé le fait que certains des sujets avaient de sérieux doutes quant à la réalité des « souffrances » qu’ils infligeaient16. Perry conclut que « la méthodologie des expériences présente tellement de failles qu’il est extrêmement difficile d’en tirer une conclusion quelconque »17.

L’expérience de Milgram comme topos

Cette expérience est devenue un topos dans les discours sur l’obéissance et la soumission volontaire à l’autorité ainsi que dans des discussions plus abstraites, sur les limites de la notion de libre arbitre.

Dans des domaines académiques, elle sert souvent de modèle ou d’exemple en sociologie, en psychologie expérimentale et en psychologie sociale, ainsi qu’en philosophie, notamment en philosophie du droit. En psychologie sociale particulièrement, l’expérience de Milgram est souvent utilisée pour discuter ou présenter certains concepts dégagés par ce domaine, tels que le conformisme, l’influence normative et bien sûr la soumission à l’autorité et l’état agentique, deux notions au cœur du travail de Milgram dans cette expérience.

Analyse de la désobéissance

Dans le contexte de la suspension de la convention de Genève aux États-Unis suite aux attentats du 11 septembre 2001 et de la mise en place de techniques d’interrogatoires renforcées (désormais qualifiées de torture par l’administration Obama), une méta-analyse des résultats de Milgram a démontré que les sujets qui avaient désobéi à l’autorité n’avaient pas tant réagi à la souffrance qu’à la première demande de la victime de faire cesser l’expérience, à 150 V. La capacité du sujet à percevoir chez sa victime un droit capable d’invalider le droit de l’autorité de conduire son expérimentation serait l’élément nécessaire à la désobéissance, tandis que l’escalade de la souffrance, de nature quantitative et graduelle, n’amènerait pas de changements cognitifs suffisants18.

Influence de l’expérience

Cette expérience demeure une référence. D’après une étude réalisée en 200219, Milgram est le 12e psychologue le plus cité dans l’introduction des livres de psychologie du XXe siècle. Cette recherche de Milgram est d’ailleurs une référence dans des domaines aussi différents que celui de la psychologie du travail20, la finance comportementale21, ou en sociologie politique22 par exemple.

De ce fait, l’expérience a été adaptée pour être reproduite. Ainsi Mel Slater a reproduit l’expérience pour s’intéresser au statut de la réalité virtuelle23. Il a constitué deux groupes : des participants punissaient un soi-disant élève, qu’ils ne voyaient pas, tandis que d’autres punissaient un personnage virtuel. Le groupe qui faisait face à un personnage virtuel a cessé beaucoup plus tôt de punir cet « élève ».

Dans la culture populaire

  • En 1979, l’expérience de Milgram a été mise en scène dans le film I... comme Icare d’Henri Verneuil, fiction inspirée de l’assassinat de John F. Kennedy, où l’acteur Roger Planchon joue le professeur David Naggara (par ailleurs, professeur dans le film à l’université de Layé, anagramme de Yale), inspiré de Stanley Milgram, qui présente son expérience au personnage principal joué par Yves Montand, avec Jacques Denis dans le rôle de l’expérimentateur piégé.
  • Dans son album de 1986 So, le musicien Peter Gabriel a écrit une chanson, We do what we’re told (Milgram’s 37) (Nous faisons ce qu’on nous dit (les 37 de Milgram)), faisant référence à la variante de l’expérience de Milgram où 37 personnes sur 40 participent par leur inaction à l’administration des décharges électriques maximales.
  • Dans l’épisode 5 de la saison 5 de la série télévisée Malcolm, l’expérience est pratiquée sur Malcolm.
  • Cette expérience est évoquée par une doctoresse et chercheuse dans le roman graphique V pour Vendetta, comme point de départ autour d’une réflexion sur la complicité des scientifiques aux crimes des dictatures. La scientifique, que le personnage principal va assassiner, a en effet supervisé des expériences non éthiques dans des camps de concentration.
  • Dans l’épisode 17 de la saison 9 de New York, unité spéciale, Merritt Rook alias inspecteur Milgram (incarné par Robin Williams) fait subir l’expérience de Milgram à Elliot Stabler.
  • Le premier tome de la bande dessinée Le tueur, par Matz et Luc Jacamon, fait également référence à l’expérience de Milgram.
  • Dans La Vague de Todd Strasser, on retrouve le dispositif d’une expérience semblable, entre un professeur et ses élèves.
  • Au cours de la deuxième saison de Lost, les naufragés découvrent une trappe cachant un bunker. Le bunker abrite un compteur de 108 minutes, et un ordinateur. Lorsqu’il ne reste que quatre minutes au compteur, il faut insérer une séquence de chiffres dans l’ordinateur afin de réenclencher le compte à rebours, sinon une « catastrophe » se produirait. Il est suggéré par plusieurs personnages et par un centre d’observation relié à des caméras surveillant le bunker découvert par les naufragés que le bunker et son principe ne sont en fait qu’une expérience visant à mesurer la soumission des sujets à l’autorité. Cependant, il s’avère en fin de compte que la menace du compte à rebours est réelle, et que ce sont ceux qui ont pour mission de surveiller les occupants du bunker et de ratifier leurs moindres faits et gestes qui sont testés.[pas clair]
  • Le Jeu de la mort, un documentaire réalisé par Christophe Nick.
  • Experimenter est un film biographique sur Stanley Milgram sortit en 2015.
    L’article complet avec notes et références est à découvrir sur le site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram

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5.
Fiche de lecture Synthèse du livre d’Almann-Lévy « Stanley Milgram Soumission à l’autorité » 1974 – Document de Josselyne Abadie conscience-vraie.info – Voir aussi sa viadéo

« 

françaisSOUMISSION à l´AUTORITÉ Stanley Milgram »

Obedience to Authority, englishAlmann-Lévy, collection ’liberté de l’esprit’ 1974 - Fiche de lecture, Synthèse : Soumission à l’Autorité de Stanley Milgram - Un Livre sur la perversité et l’obéissance qui est plus que jamais d’actualité. PhotoPhoto - Stanley Milgram (1933-1984) - Né à New York en 1933 - Docteur en psychologie sociale de l’université de Harvard, professeur à l’université de New York

FICHE de LECTURE – SYNTHÈSE par Josselyne Abadie

Sommaire

FICHE de LECTURE - SYNTHÈSE

1 - La démarche, les investigations

2 - Au sujet de l’obéissance

3 - L’expérience

4 - Les Résultats de l’expérience

 1) Qu’est-ce qui rend le sujet aussi obéissant ?

4-2) Tension et désobéissance

4-3) Le processus de la désobéissance

5) Conclusions

Conclusions de Stanley Milgram

Mes conclusions


1 - La démarche, les investigations

Stanley Milgram a mené dans les années 50/60 des expériences visant à déterminer où finit la soumission à l’autorité et où commence la responsabilité de l’individu ; comment concilier les impératifs de l’autorité avec la voix de la conscience.

Stanley Milgram s’est penché sur des évènements pendant lesquels des atrocités, découlant d’une extraordinaire soumission à l’autorité, ont été pratiquées. Il a notamment mené des investigations sur les atrocités menées par les nazis pendant la deuxième guerre mondiale. Il a mis en avant le fait que ces pratiques pouvaient se retrouver dans la vie courante sous différentes formes.

Il existe en effet chez l’homme une propension naturelle à se soumettre à l’autorité et à se décharger sur elle de sa propre responsabilité. Stanley Milgram souhaitait en écrivant ce livre engager chez ses lecteurs une compréhension profonde de l’importance de l’autorité dans notre vie pour abolir la notion de l’obéissance aveugle.

Il démontre en particulier :

 que la disparition du sens de la responsabilité individuelle est de très loin la conséquence la plus grave de la soumission à l’autorité.

 que la justification des actes par ceux qui les commettent en obéissant, ce que l’on appelle aussi la rationalisation, ne compte pas. Seule l’action est une réalité : ’Tant qu’ils ne sont pas convertis en actes, les sentiments personnels ne peuvent rien changer à la qualité morale d’un processus destructeurs’.

2 -
Au sujet de l’obéissance

L’obéissance est un des éléments fondamentaux de l’édifice social. Toute communauté humaine nécessite un système d’autorité, c’est le ciment qui lie les hommes aux systèmes d’autorité. Les personnes sont plus ou moins conditionnées dès l’enfance à se soumettre. Cette tendance à la soumission, fortement ancrée chez certains, l’emporte souvent sur l’éthique, l’affectivité, les règles et choix de conduites.

L’extermination des juifs par les nazis reste l’exemple extrême d’actions abominables accomplies par des milliers d’individus au nom de l’obéissance. Mais à un autre degré cela se reproduit constamment.

La question de l’autorité renvoie à la rébellion, la déviance, qui est perçue comme mettant en péril l’édifice social. La plupart des personnes pensent que ’Mieux vaux se soumettre à une mauvaise décision prise en haut lieu, qu’ébranler l’édifice social’.

Le dilemme sur la responsabilité :

 Certains vont rationaliser en disant que la responsabilité incombe au donneur d’ordre,

 les humanistes mettent en avant la conscience individuelle et soutiennent que l’éthique personnelle doit primer sur l’autorité.

Ce problème peut être considéré sous l’aspect philosophique et légal, S. Milgram a voulu se baser sur l’observation rigoureuse d’exemples vivants.

L’expérience qu’il a réalisée à l’université de Yale a été reprise dans diverses universités avec la participation d’un millier de sujets. L’expérience de départ était simple.

Stanley Milgram - Expérience

3 -
L’expérience

Les sujets sont des volontaires recrutés par annonce, qui perçoivent une somme d’argent. Ils ne savent pas sur quoi porte réellement l’expérience ; on leur a dit qu’il s’agissait d’une banale expérience sur la mémoire et l’apprentissage.

Le but est de savoir jusqu’à quel point précis chaque sujet suivra les instructions de l’animateur, alors que les actions qu’on lui demande d’exécuter vont entrer progressivement en conflit avec sa conscience.

L’animateur(E) fait entrer deux personnes dans une pièce et leur explique que l’une sera ’expérimentateur’(S) et l’autre ’élève’(A), et qu’il s’agit d’étudier les effets de la punition sur le processus d’apprentissage. (voir le croquis)

L’animateur emmène l’élève dans une pièce, l’installe sur une chaise munie de sangles qui permettent de lui immobiliser le bras pour empêcher tout mouvement désordonné et lui fixe une électrode au poignet. Il lui dit qu’il va devoir apprendre une liste de couples de mots ; toutes les erreurs qu’il commettra seront sanctionnées par des décharges électriques d’intensité croissante.

Le véritable sujet de l’étude est l’expérimentateur, qui après avoir assisté à l’installation de l’élève, est introduit dans une salle du laboratoire où il prend place devant un impressionnant stimulateur de chocs. Celui-ci comporte une rangée de 30 manettes qui s’échelonnent de 15 à 450 volts par tranche d’augmentation de 15 volts et sont assorties de mentions allant de ’choc léger’ à ’attention choc dangereux’. On invite alors le moniteur à faire passer le test d’apprentissage à l’élève qui se trouve dans l’autre pièce. Quand la réponse de l’élève est correcte il doit passer au couple de mots suivant. S’il se trompe, il doit lui administrer une décharge électrique en commençant par le voltage le plus faible, et augmenter progressivement (par tranche de 15 volts).

L’expérimentateur (S) est un sujet naïf qui ne sait pas que le rôle de l’élève (A) est en fait tenu par un acteur qui ne reçoit en réalité aucune décharge électrique. A quel instant précis va-t-il refuser d’obéir à l’animateur ?

Le conflit surgit quand l’élève commence à donner des signes de malaise qui vont devenir de plus en plus pathétiques en fonction de l’augmentation du voltage :
- à 75 Volts il gémit
- à 120 Volts, il formule des plaintes en phrases distinctes
- à 150 Volts, il supplie qu’on le libère
- à 285 Volts, sa seule réaction est un cri d’agonie

Les sujets (qui on le rappelle croient que la souffrance qu’ils infligent est réelle) ont tous eu du mal à exprimer à quel point l’expérience était poignante ; ils sont divisés entre les manifestations de souffrance et supplications de l’élève - qui vont jusqu’aux hurlements et aux silences laissant supposer une syncope - et l’ordre de l’animateur, représentant une ’autorité légitime’ et à laquelle ils se sentent engagés. A chaque fois qu’un sujet hésite à envoyer la décharge, il reçoit l’ordre de poursuivre.

4 -
Les Résultats de l’expérience

Stanley Milgram qualifie les résultats de : ’inattendus et inquiétants’, car aucun des participants n’a eu le réflexe de refuser et de s’en aller. Et une proportion importante d’entre eux a continué jusqu’au niveau de choc le plus élevé du stimulateur. Stanley Milgram en déduit que :

Le mal pouvait être perçu comme banal et que ceux qui avaient administré les chocs les plus élevés l’ont fait car ils s’y croyaient contraints moralement de par l’idée qu’ils se faisaient de leur obligation. Il a considéré que les pulsions agressives étaient en la circonstance peu en cause.

Stanley Milgram consacre quelques pages à démontrer que l’agression n’est pas à la source des comportements des sujets (205 à 208) ; qu’ils n’ont pas profité de l’expérience pour assouvir des pulsions sadiques.

Nota : Cependant Milgram a peut-être un peu négligé ce facteur, au regard de ce que l’on connaît sur les comportements pervers. (cf. : MF Hirigoyen)

Le conditionnement de chaque personne, avec toutes ses inhibitions s’oppose à la révolte et arrive à maintenir chacun au poste qui lui a été assigné. La mise en scène et les moyens exposés ont suffi à neutraliser efficacement les facteurs moraux.

Source http://www.conscience-vraie.info/stanley-milgram-soumission_a_l_autorite.htm

Stanley Milgram, Soumission à l’autoritéSOUMISSION à l’AUTORITE (suite)

Obedience to Authority, english Stanley Milgram Suite de l’expérience

(<<< page 1 - 2)Voir PHOTO.

4-1)
Qu’est-ce qui rend le sujet aussi obéissant ?

 Le désir de tenir la promesse faite au début à l’animateur et d’éviter tout conflit.

 Le sujet perçoit l’animateur comme ayant une autorité légitime au regard de sa position socioprofessionnelle, des études qu’il est censé avoir faites... Refuser d’obéir, serait un manquement grave aux règles de la société, une transgression morale. Il éprouve une forte angoisse à l’idée de rompre ouvertement avec l’autorité.

 La perspective de cette rébellion et du bouleversement d’une situation sociale bien définie qui s’en suivra automatiquement constitue une épreuve que beaucoup d’individus sont incapables d’affronter.

 La tendance pour l’individu à se laisser absorber par les aspects techniques immédiats de sa tâche, lui faisant perdre de vue ses conséquences lointaines.

 L’abandon de toute responsabilité personnelle en se laissant instrumentaliser par le représentant de l’autorité.

 Le souhait de se montrer ’digne’ de ce que l’autorité attend de lui...

Certains voient les systèmes érigés par la société comme des entités à part entière. Ils se refusent à voir l’homme derrière les systèmes et les institutions. Quand l’animateur dit : ’l’expérience exige que vous continuiez’, le sujet ne se pose pas la questions : ’l’expérience de qui ? ’. Pour certains ’l’Expérience’ était vécue comme ayant une existence propre.

 La capacité à justifier psychologiquement l’acte cruel en dévalorisant la victime. Beaucoup de sujets trouvaient nécessaire de déprécier la victime ’qui s’était elle-même attiré son châtiment par ses déficiences intellectuelles et morales’. Stanley Milgram rappelle aussi que l’extermination des Juifs avait été précédée d’une violente propagande antisémite.

 Le besoin ressenti de continuité de l’action : le fait de poursuivre jusqu’au bout rassure le sujet sur le bien fondé de sa conduite antérieure. Il neutralise ainsi son sentiment de malaise (sa mauvaise conscience) vis à vis des précédentes actions avec les nouvelles.

C’est ce processus fragmentaire qui entraîne le sujet dans un comportement destructeur.

 La difficulté à transformer convictions et valeurs en actes.

Certains sujets étaient cependant hostiles dans une certaines mesure à l’expérience. Ils protestaient sans cesser toutefois d’obéir.Les manifestations émotionnelles observées en laboratoire (tremblements, ricanements nerveux, embarras évident) prouvent que le sujet envisage d’enfreindre les règles.

- La facilité à nier sa responsabilité quand on est un simple maillon intermédiaire dans la chaîne des exécutants d’un processus de destruction et que l’acte final est suffisamment éloigné pour pouvoir être ignoré.

 La fragmentation de l’acte humain total permet à celui qui prend la décision initiale de ne pas être confronté avec ses conséquences.

La fragmentation de l’acte social est le trait commun le plus caractéristique de l’organisation sociale du mal. L’individu ne parvient pas à avoir une vue d’ensemble de la situation, il s’en remet à l’autorité supérieure.

D’autres variantes de l’expérience ont également démontré que la soumission à des ordres destructeurs dépend en partie du degré de proximité de l’autorité par rapport au sujet.

D’autres éléments sont à prendre en compte dans le processus de l’obéissance. Les causes profondes de l’obéissance sont inhérentes aussi bien aux structures innées de l’individu qu’aux influences sociales auxquelles il est soumis depuis sa naissance. Stanely Milgram renvoie à différentes approches comme la thèse évolutionniste et l’adaptation, la théorie sur les effets de groupe.

Et notamment :
- La définition claire du statu de chacun pour maintenir la cohésion de la bande.
- La propension de chaque individu à se rallier au groupe même quand il a irréfutablement tort. (Stabley. Milgram renvoie ici aux expériences menées par E. Asch).
- La volonté des personnes à vouloir s’intégrer dans la hiérarchie, et les modifications conséquentes de comportements qui vont s’en suivre. Ce que Stanley Milgram appelle : ’l’état agentique’. Cet état qualifie l’individu qui se considère comme l’agent exécutif d’une volonté étrangère par opposition à l’état autonome dans lequel il estime être l’auteur de ses actes.
Ce processus est en rapport avec une structure de récompense. La docilité rapporte à l’individu une récompense, alors que la rébellion entraîne le plus souvent un châtiment.

Stanley Milgram rappelle aussi que parmi les nombreuses formes de récompenses décernées à la soumission inconditionnelle, la plus ingénieuse reste celle qui consiste à placer l’individu dans une niche de la structure dont il fait partie. Cette ’promotion’ a pour but principal d’assurer la continuité de la hiérarchie.

 L’identification de l’autorité à la norme.

La légitimation d’un contrôle social par une ’idéologie justificatrice. ’Lorsqu’on est à même de déterminer le sens de la vie pour un individu, il n’y a qu’un pas à franchir pour déterminer son comportement’. Tout en accomplissant une action, le sujet permet à l’autorité de décider à sa place de sa signification.

Cette abdication idéologique constitue le fondement cognitif essentiel de l’obéissance.

4-2)
Tension et désobéissance

Quelles ont été les sources de tension chez les sujets ?

 les cris de douleurs de l’élève provoquant une réaction spontanée,
- la violation des valeurs morales et sociales inhérente au fait d’infliger des souffrances à un innocent,
- la menace implicite de représailles par la victime, certains sujets craignant que leur conduite soit répréhensible sur le plan légal,
- la dualité provoquée par la contradiction des exigences reçues simultanément par l’expérimentateur et l’élève (la victime),
- l’incompatibilité de l’image qu’ils ont d’eux même pendant l’action avec celle qu’ils se font d’eux même.

La tension éprouvée par les sujets ne montre pas la puissance de l’autorité mais au contraire sa faiblesse. Pour certains la conversion à l’état agentique n’est que partielle. Si son intégration dans le système d’autorité était total, le sujet n’éprouverait pas d’anxiété en exécutant les ordres aussi cruels soient-ils. Tout signe de tension est la preuve manifeste de l’échec de l’autorité à convertir le sujet à un état agentique absolu.

Le pouvoir de persuasion du système d’autorité mis en place au laboratoire est évidemment sans commune mesure avec ceux des systèmes tout-puissants, comme les structures totalitaire d’Hitler et de Staline. Dans ces structures les subordonnés s’identifiaient avec leurs rôles.

Stanley Milgram compare l’absence de conscience des sujets pendant l’expérience, à un sommeil dans lequel les perceptions et réactions sont considérablement diminuées, mais pendant lequel un fort stimuli peut faire sortir l’individu de sa léthargie. L’état produit en laboratoire peut être assimilé à un léger assoupissement en comparaison de l’engourdissement profond suscité par le système d’autorité tout-puissant d’un gouvernement.

Quels sont les mécanismes qui permettent la résolution de la tension ?

 Le refus d’obéissance. Mais peu d’individus en sont capables car il choisissent des moyens moins radicaux et plus faciles pour réduire leur tension.

 La dérobade est le plus primitif de ces mécanismes. C’est le plus répandu car le plus facile. Le sujet tente de se dissimuler les conséquences de ses actes.

Une autre forme de la dérobade consiste à se désintéresser de la victime. Elle vise l’élimination psychologique de la victime comme source de malaise.

- Le refus de l’évidence. Proche de la dérobade, ce mécanisme a pour but de prêter une fin plus heureuse aux évènements. C’est une force de persuasion aussi bien pratiquée par les bourreaux que par les victimes. Stanley Milgram rappelle que confrontés à une mort éminente, les Juifs ne pouvaient pas accepter la réalité aveuglante du génocide. Dans cette expérience, certains sujets ont nié le caractère douloureux des chocs ou la réalité de la souffrance de la victime.

Mais le comportement le plus répandu durant l’expérience est : Le refus de leur propre responsabilité.

C’est le comportement de rationalisation par excellence, qui s’exprime par différentes voix : la justification de la légitimité de l’expérience, le dénigrement de la victime, mais aussi certains ’aménagements’ avec les ordres. Certains sujets ont utilisé des subterfuges afin de diminuer leur tension. Cette façon d’aménager l’ordre reçu n’est en fait qu’un baume sur la conscience du sujet. C’est une action symbolique révélant l’incapacité du sujet à choisir une conduite en accord avec ses convictions humanitaires, mais qui l’aide à préserver son image.

Sans rejeter les ordres, certains sujets ont essayé d’en diminuer la portée, par exemple, en envoyant quand même la décharge électrique ordonnée, mais en diminuant le temps, ou l’intensité. D’autres essayaient de faire comprendre à l’élève quelle était la bonne réponse par des intonations de voix.

D’autres sujets ont exprimé leur désaccord, tout en continuant d’appliquer les ordres.

Les manifestations psychosomatiques : les manifestations physiques du stress permettent d’évacuer la tension. Stanley Milgram déduit de ces observations le but ultime que les sujets s’efforcent d’atteindre : En réduisant à un degré supportable l’intensité du conflit que le sujet éprouve, ces mécanismes lui permettent de conserver intacte sa relation avec l’autorité.

4-3)
Le processus de la désobéissance

La désobéissance est le moyen ultime d’abolir la tension. Désobéir est un acte très anxiogène, il implique non seulement le refus d’exécuter un ordre, mais de sortir du rôle qui a été assigné à l’individu (ici au sujet). Ce qui crée à une petite échelle une forme d’anomie. Alors que le sujet obéissant rejette sur ce dernier la responsabilité de son action, le sujet rebelle accepte la responsabilité de détruire l’expérience. Il peut avoir l’impression corrosive de s’être rendu coupable de déloyauté envers la science.

Ce processus suit de pénibles étapes :

 le doute,

 l’extériorisation du doute,

 la désapprobation,

 la menace de refus d’obéissance,

 la désobéissance.

Ce processus est le difficile chemin que seule une minorité d’individu est capable de suivre jusqu’à son terme. Stanley Milgram insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une démarche négative, mais au contraire d’un acte positif, d’une volonté délibérée d’aller à contre-courant : ’La désobéissance exige non seulement la mobilisation des ressources intérieures, mais encore leur transformation dans un domaine situé bien au-delà des scrupules moraux et des simples objections courtoisement formulées : le domaine de l’action. Tout le monde peut y accéder mais au prix d’un effort psychique considérable.’

5)
Conclusions


Conclusions de Stanley Milgram :

Tout être possède une conscience qui endigue avec plus ou mois d’efficacité le flot impétueux de ses pulsions destructrices. Mais quand il s’intègre dans une structure organisationnelle, l’individu autonome cède la place à une créature nouvelle privée des barrières dressées par la morale personnelle, libérée de toute inhibition, uniquement préoccupée des sanctions de l’autorité. Pour le promoteur de l’expérience les résultats sont perturbants. Ils incitent à penser qu’on ne peut faire confiance à l’homme en général ou, plus spécifiquement au type de caractère produit par la société démocratique pour mettre les citoyens à l’abri des cruautés et des crimes contre l’humanité dictés par une autorité malveillante.

A une très grande majorité, les gens font ce qu’on leur demande de faire sans tenir compte de la nature de l’acte prescrit et sans être réfrénés par leur conscience dès lors que l’ordre leur paraît émaner d’une autorité légitime.


Mes conclusions :

La conscience est la principale clé permettant de contrecarrer les abus d’autorité. La développer et la nettoyer des fonctionnements parasitaires de la conscience fausse entraîne le déploiement du discernement et de la solidarité dans une société où une majorité de personnes, quelque soient les mensonges qu’elles se racontent à elles-mêmes, dans leur for intérieur, aspirent à la paix et à l’harmonie.

Copyright © Josselyne Abadie conscience-vraie.info

Liens internes : Le sujet traité au cinéma

 Le film I comme Icare >>> voir la fiche

français

 Le film L’expérience >>> voir la fiche

français

 Fiche de lecture : Benno Müller-Hill : Science nazie, sciences de mort - L’extermination des juifs, des tziganes et des malades mentaux de 1933 à 1945

 Contrôle mental et cobayes humains, MKULTRA, Les héritiers du docteur Mengele, psycho-technologies et implants

 tous les documents publiés sur le site

Liens externes :

 Le Panoptique de Bentham :

français_ Une conception architecturale dont la visibilité est un piège, une machine à créer et àsoutenir un rapport de pouvoir indépendant de celui qui l’exerce, des détenus pris dans une situation de pouvoir dont ils sont eux-mêmes les porteurs...

 Stanley Milgram, site officiel

Stanley Milgram, Soumission à l’autoritéStanley Milgram, Soumission à l’autorité

Obedience to Authority, english

(page créée le 15 octobre 2002, republiée le 9 juin 2011)

Sujets : Soumission à l’autorité, état agentique, conscience, désobéissance, Stanley Milgram bibliographie, Citations

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Raccourcis documentation :
Conscience et Ethique - Droits de l’homme - Edgar Morin : Ethique et Bibliographie - Michel Crozier : l’Acteur et le Système - Stanley Milgram : Soumission à l’Autorité - Obedience to Authority, Stanley Milgram - Manipulation Mentale - Harcèlement Moral et/ou harcèlement Sexuel - La stratégie du choc - Source : http://www.conscience-vraie.info/stanley-milgram-resultats-experience.htm

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6.
A-t-on mal interprété « l’expérience de Milgram », une des plus célèbres de l’histoire de la psychologie ? Repéré par Jean-Marie Pottier Science & santé - 09.09.2014 - 9 h 40, mis à jour le 161.06.2015 à 16 h 18

Un participant à l’expérience de Milgram (extrait du film documentaire « Obedience »).

Un participant à l’expérience de Milgram (extrait du film documentaire « Obedience »).

C’est sans doute l’une des plus célèbres expériences scientifiques de l’histoire de la psychologie, au point qu’elle a même inspiré, il y a cinq ans, un documentaire polémique en France, Le Jeu de la mort.

Au début des années 1960, Stanley Milgram, chercheur à Yale, demande à des individus sélectionnés par petite annonce d’infliger des chocs électriques d’intensité croissante à d’autres individus (qui, eux, sont en réalité des acteurs, et ne reçoivent en fait pas de chocs) s’ils échouent à retenir des mots. Le tout sous la supervision d’un scientifique, et en leur faisant croire qu’ils participent à une étude sur l’influence de la punition sur l’apprentissage.

Dans la variante la plus connue de l’expérience, 65% des individus allèrent jusqu’à la tension maximale, et potentiellement mortelle, de 450 V.

Le documentaire Obedience retrace l’expérience de Milgram

L’expérience est devenue emblématique, résume la British Psychological Society, de la façon dont « des gens ordinaires peuvent causer une souffrance extraordinaire aux autres quand on le leur demande ». Et ce d’autant plus que Milgram a nourri ses conclusions des analyses développées à l’époque par Hannah Arendt sur la « banalité du mal » –Eichmann à Jérusalem, le livre de la philosophe sur le célèbre criminel contre l’humanité nazi, date de 1963.

A l’époque, le chercheur a été très critiqué par certains confrères pour avoir infligé des souffrances psychologiques à ses cobayes. Pour se défendre, il citait un sondage réalisé sur plus des trois quarts des 800 participants après qu’on leur avait fait part de la réalité de l’expérience : 84% se disaient « satisfaits » ou « très satisfaits » d’y avoir participé. Selon lui, ils se situaient dans un « état agentique », où l’individu devient agent d’une autorité supérieure, se concentre plus sur le fait d’obéir et l’action à mener que sur les implications morales de celle-ci.

Une conclusion aujourd’hui remise en cause par l’étude (en accès payant) publiée dans le British Journal of Social Psychology par quatre chercheurs américains, anglais et australiens, Alex Haslam, Stephen Reicher, Kathryn Millard et Rachel McDonald, et qui sera suivie d’un documentaire, Shock Room.

Les chercheurs y estiment que « la signification de l’expérience pourrait avoir été largement déformée ». Selon eux, l’important n’est pas de savoir si les individus étaient contents ou perturbés après l’étude, mais pourquoi : à cet effet, ils ont examiné les archives de Stanley Milgram à Yale.

Ils en tirent la conclusion que loin d’être dans un « état agentique », désengagés, les participants faisaient au contraire preuve d’une forme d’« engagement » envers les buts de l’étude, jugés vertueux. Un constat qu’ils appuient sur une étude qualitative des commentaires laissés par les « cobayes ». Extraits :

« Pour résumer, heureux d’avoir pu rendre service. »

 « J’espère que mes efforts et ma coopération ont pu être utiles à votre projet. »

 « Je serai toujours content d’aider Yale dans ses expériences. Je crois fermement dans ce genre d’expériences qui aident à mieux comprendre les gens. »

Selon leur analyse, deux tiers des participants faisaient preuve d’une attitude « engagée » envers l’étude (vantant son intérêt et sa rigueur, ou celle de la recherche scientifique en général) et seulement 9% d’une attitude désengagée.

« Les participants se sentent bien car ils ont l’impression qu’ils ont contribué à quelque chose de bien, de progressiste, de bénéfique à l’humanité », notent les auteurs. « Nous avons remarqué très peu de ’bureaucrates inattentifs’, qui accomplissent leur tâche le plus minutieusement possible sans se soucier du problème plus général. »

Bien sûr, les chercheurs notent que les participants ont pu reconstruire leurs sentiments en apprenant qu’ils avaient été piégés. Mais certaines réactions (« J’ai attendu avec une grande anxiété ce rapport pour me soulager l’esprit et voir ma curiosité satisfaite ») montrent aussi clairement que, dès l’expérience en elle-même, ils n’étaient pas des robots.

Alors, tout va pour le mieux ? Pas si vite, écrivent les auteurs, car la façon dont les cobayes de l’expérience de Milgram ont réagi pose un autre problème de soumission :

« Milgram a rétabli le bien-être des participants en les attirant habilement par l’idée que la science est quelque chose de si démesurément profitable à l’humanité qu’un ’dommage collatéral’ infligé au passage ne pose pas problème. »

Obéir aveuglément à l’idée du progrès scientifique plutôt qu’à l’autorité du chef, cela reste obéir aveuglément.

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Source http://www.slate.fr/story/91913/experience-milgram-interpretation

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Expérience de Milgram - Obéissance à l’autorité

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L’expérience de Stanley Milgram a été créé pour expliquer les horreurs des camps de concentration de la seconde guerre mondiale, où des juifs, des tsiganes, ...

Expérience de Milgram - Obéissance à l’autorité

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L’expérience de Stanley Milgram a été créé pour expliquer les horreurs des camps de concentration de la seconde guerre mondiale, où des juifs, des tsiganes, des homosexuels, des slaves et d’autres ennemis de l’Etat ont été massacrés par les nazis.

Faites ce qu’on vous dit

Dans les procès consécutifs à la seconde guerre mondiale, de nombreux criminels de guerre ont affirmé qu’ils ne faisaient que suivre les ordres et ne pouvaient pas être tenus responsables de leurs actes.

Les Allemands étaient-ils en fait mauvais et dotés d’un coeur de pierre, ou est-ce un phénomène de groupe qui pourrait arriver n’importe où dans les conditions propices ?

Préparation de l’expérience de Stanley Milgram

Le psychologue Stanley Milgram a créé un générateur de choc électrique avec 30 positions. Le commutateur était doté d’incréments de 15 volts bien visibles allant de 15 à 450 volts.

Milgram a aussi placé des étiquettes indiquant le niveau de choc, comme ’modéré’ (de 75 à 120 Volts) et ’fort’ (de 135 à 180 Volts). Sur les commutateurs de 375 à 420 Volts, on pouvait lire ’Danger : choc sévère’ et sur les deux niveaux les plus hauts (de 435 à 450 Volts), on pouvait lire ’XXX’.

Le générateur de choc était en fait faux et ne faisait que produire un son lorsqu’on modifiait la position du commutateur.

40 sujets (mâles) ont été recrutés avec un courrier et une annonce dans les journaux. Ils pensaient qu’ils allaient participer à une expérience sur ’la mémoire et l’apprentissage’.

Dans le test, chaque sujet était clairement informé que sa présentation à l’expérience garantissait son paiement, et qu’il pourrait garder l’argent ’quoi qu’il arrive après son arrivée’.

Ensuite, le sujet rencontrait la personne dirigeant l’expérience (l’expérimentateur), et une autre personne que l’on présentait comme un autre sujet. Cet autre sujet était en fait un complice agissant à l’instar d’un sujet. C’était un comptable de 47 ans.

Les deux sujets (le vrai et le faux) ont tiré des bouts de papier pour désigner qui allait être ’enseignant’ et qui allait être ’élève’. Le tirage au sort était en fait truqué et le vrai sujet obtenait toujours le rôle de l’enseignant.

L’enseignant voyait que l’élève était attaché à une chaise avec des électrodes fixés sur lui. Le sujet était ensuite déplacé dans une autre pièce en face du générateur de choc, incapable de voir l’élève.


Question de recherche

L’expérience de Stanley Milgram cherchait à obtenir une réponse à la question :

’Pendant combien de temps un individu donnera des chocs à un autre si on lui dit de le faire, même si il pense que l’autre personne pourrait être gravement blessée ?’ (la variable dépendante).

Souvenez-vous que les sujets avaient rencontré l’autre personne, un étranger sympathique, et qu’ils savaient qu’ils auraient pu être à la place de l’élève et recevoir des chocs.

L’expérience

Le sujet était chargé d’enseigner des paires de mots à l’élève. Quand l’élève faisait une erreur, le sujet devait le punir en lui donnant un choc électrique et en additionnant 15 volts à chaque erreur.

L’élève ne recevait jamais les chocs, une séquence audio pré-enregistrée était déclenchée quand un choc était envoyé.

L’expérimentateur était assis dans la même pièce ; si le sujet lui adressait la parole, il répondait avec des phrases prédéfinies (’Veuillez continuer’, ’Veuillez poursuivre’, ’L’expérience nécessite que vous poursuiviez’, ’Il est absolument essentiel que vous continuiez’, ’Vous n’avez pas d’autre choix, vous devez poursuivre’). L’expérimentateur commençait avec les phrases les plus douces et devenait plus autoritaire à chaque fois que le sujet lui adressait la parole.

Si le sujet demandait qui était responsable au cas où quelque chose arrivait à l’élève, l’expérimentateur répondait : ’Je suis responsable’. Cette réponse soulageait le sujet et beaucoup ont poursuivi.

Résultats

Au cours de l’expérience de Stanley Milgram, de nombreux sujets ont montré des signes de tension. 3 sujets ont eu des crises intenses et incontrôlables.

Même si la plupart d’entre eux étaient mal à l’aise d’agir de la sorte, les 40 sujets ont obéi jusqu’à 300 volts.

25 des 40 sujets ont continué à donner des chocs jusqu’à ce que le niveau maximum de 450 volts soit atteint.

Conclusion - Obéissance à l’autorité

Avant l’expérience de Stanley Milgram, les experts pensaient qu’environ 1-3% des sujets continueraient à donner des chocs. Ils pensaient qu’il fallait être pathologique ou psychopathique pour poursuivre.

Pourtant, 65% n’ont jamais cessé d’envoyer des chocs. Aucun n’a arrêté quand l’élève a dit qu’il avait des problèmes cardiques. Comment est-ce possible ? Nous savons maintenant que cela vient de notre disposition presque innée à faire les choses comme on nous l’impose, en particulier avec les personnes en position d’autorité.

Vidéo

Séquence audio préenregistrée (transcription)

Ce que disait l’élève quand l’enseignant déclenchait un choc à certains niveaux.

                • 75 volts : ’Aïe !’
                • 90 volts : ’Aïe !’
                • 105 volts : ’Aïe !’ (plus fort)
                • 120 volts : ’Aïe ! Hé, ça fait vraiment mal.’
                • 135 volts : ’Aïe !’
                • 150 volts : ’Aïe ! Expérimentateur ! C’est fini. Sortez-moi d’ici. Je vous ai dit que j’avais des problèmes cardiaques. L’état de mon cœur commence à m’inquièter maintenant. Sortez-moi d’ici, s’il vous plaît. L’état de mon cœur commence à m’inquièter. Je refuse de continuer. Laissez-moi sortir.’
                • 165 volts : (en criant) ’Aïe ! Laissez-moi sortir !’
                • 180 volts : (en criant) ’Aïe ! Je ne supporte pas la douleur. Laissez-moi sortir d’ici !’
                • 195 volts : ’Aïe ! Laissez-moi sortir d’ici. Laissez-moi sortir d’ici. L’état de mon cœur m’inquiète. Laissez-moi sortir d’ici ! Vous n’avez pas le droit de me garder ici ! Laissez-moi sortir ! Laissez-moi sortir d’ici ! Laissez-moi sortir ! Laissez-moi sortir d’ici ! L’état de mon cœur m’inquiète. Laissez-moi sortir ! Laissez-moi sortir !’
                • 210 volts : ’Aïe ! Expérimentateur ! Sortez-moi d’ici. J’en ai assez. Je ne participe plus à l’expérience.’
                • 225 volts : ’Aïe !’
                • 240 volts : ’Aïe !’
                • 255 volts : ’Aïe ! Faites-moi sortir d’ici.’
                • 270 volts (en criant) ’Laissez-moi sortir d’ici. Laissez-moi sortir d’ici. Laissez-moi sortir d’ici. Laissez-moi sortir. Est-ce que vous m’entendez ? Laissez-moi sortir d’ici.’
                • 285 volts : (cris)
                • 300 volts : (en criant) ’Je refuse totalement de répondre à présent. Sortez-moi d’ici. Vous ne pouvez pas me retenir ici. Faites-moi sortir. Faites-moi sortir d’ici.’
                • 315 volts : (en hurlant) ’Je vous ai dit que je refuse de répondre. Je ne participe plus à cette expérience.’
                • 330 volts : (hurlement intense et prolongé) ’Laissez-moi sortir d’ici. Laissez-moi sortir d’ici. L’état de mon cœur m’inquiète. Laissez-moi sortir, je vous dis. (hystérique) Laissez-moi sortir d’ici. Laissez-moi sortir d’ici. Vous n’avez pas le droit de me retenir ici. Laissez-moi sortir ! Laissez-moi sortir ! Laissez-moi sortir ! Laissez-moi sortir d’ici ! Laissez-moi sortir. Laissez-moi sortir.’
                • 345-435 volts : (silence)
                • 450 volts : (silence)
                • 450 volts : (silence)
                • 450 volts : (silence)
                  L’expérimentateur mettait fin à l’expérience après 3 chocs à 450 volts

(Expérience originale de Stanley Milgram)

Éthique

Une étude psychologique comme celle-ci ne serait jamais autorisée dans la plupart des pays aujourd’hui, en raison de considérations éthiques. Aujourd’hui, l’éthique critique l’étude pour avoir induit en erreur les participants. Les critiques font aussi souvent remarquer le traumatisme que l’étude a éventuellement provoquée chez les participants.

En savoir plus sur l’éthique de l’expérience de Milgram.

Des études approfondies ont déterminé ceci

                • Les femmes obéissent de la même manière que les hommes
                • La distance de la victime influence l’obéissance
                • La distance de la personne qui vous commande influence l’obéissance
                • L’apparence et le rang de la personne en position d’autorité peut augmenter ou diminuer l’obéissance
                  Littérature Originale - Expérience de Stanley Milgram 

Stanley Milgram, 1974 : Obéissance à l’autorité. New York : Harper & Row.

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7.
« La tentation du Bien est beaucoup plus dangereuse que celle du Mal » - Document ‘Association TAMOUDRE,“Touaregs, vie et survie”’ – Reprise d’un article du quotidien français ‘Le Monde’, daté 31.12.2016, 1er et 02.01.2017 – Propos recueillis par Nicolas Truong, responsable des pages ‘Idées-Débats’, dans la rubrique ‘Débats et Analyses’ : « Comment résister à la terreur ». Document d’origine : LE MONDE 30/12.2016 à 06h37.

« Boris Cyrulnik et Tzvetan Todorov, deux intellectuels, deux observateurs engagés de nos sociétés, dialoguent sur la capacité des individus à basculer dans la « barbarie » ou bien à y résister ».

[Photo Boris Cyrulnik, le 1er novembre 2011 à Gênes (Italie), lors du Festival della Scienza. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Cyrulnik ].

[Photo Tzvetan Todorov (Strasbourg, 2011). Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1d/Tzvetan_Todorov-Strasbourg_2011_%281%29.jpg/440px-Tzvetan_Todorov-Strasbourg_2011_%281%29.jpg ].

« Boris Cyrulnik est neuropsychiatre et directeur d’enseignement à l’université de Toulon. Tzvetan Todorov est historien et directeur de recherche honoraire au CNRS. Tous deux ont traversé l’époque de manière singulière. Tous deux sont devenus des penseurs plébiscités et des observateurs engagés de nos sociétés.

Le premier, né en 1937 dans une famille d’immigrés juifs d’Europe centrale et orientale, fut l’un des rares rescapés de la rafle du 10 janvier 1944 à Bordeaux et popularisa, bien des années plus tard, le concept de « résilience », cette capacité psychique à se reconstruire après un traumatisme. Le second, né en 1939 à Sofia (Bulgarie) et théoricien de la littérature, rejoint Paris en 1963 et s’attache depuis les années 1980 aux questions mémorielles et au rapport à l’autre. Voir PHOTO.

Boris Cyrulnik a publié Ivres paradis, bonheurs héroïques (Odile Jacob, 2016), ouvrage sur le besoin et la nécessité de héros pour vivre et survivre. Tzvetan Todorov a écrit Insoumis (Robert Laffont/Versilio, 2015), portrait de ces contemporains qui, tels Etty Hillesum ou Germaine Tillion, Malcolm X ou Edward Snowden, ont su dire « non » et fait preuve de résistance à l’oppression.

Tous deux dialoguent sur la capacité des individus à basculer dans la « barbarie » ou bien d’y résister au moment où une Europe meurtrie et apeurée par les attentats s’interroge sur son devenir.

Quels héros vous ont aidé à vous structurer ? « 

Tzvetan Todorov (T. T.) : J’ai grandi dans un régime totalitaire communiste où les modèles pour les enfants étaient des personnages tels que Pavlik Morozov, un garçon qui avait dénoncé son père comme koulak et que sa famille avait tué pour cette raison. Ou alors des personnages qui avaient lutté contre le « joug turc » au XIXe siècle. Tout cela ne suscitait pas beaucoup d’échos en moi. Mais j’aimais et admirais beaucoup mes parents et mes amis.

Arrivé en France à l’âge de 24 ans, j’avais contracté une méfiance généralisée envers tout ce que l’Etat défend et tout ce qui relevait de la sphère publique. Mais, progressivement, j’intériorisais ma nouvelle situation de citoyen d’une démocratie – en particulier une sorte de petit mur est tombé dans mon esprit en même temps que le mur de Berlin, ce qui m’a permis d’accéder aussi à cette sphère publique. Je ne me sentais plus conditionné par cette enfance et cette adolescence vécues dans un monde totalitaire. Néanmoins, je restais indifférent aux grands personnages héroïques, glorifiés dans le cadre communiste, et attaché à des individus tout à fait ordinaires qui ne cherchaient pas à sacrifier leur vie, mais témoignaient plutôt d’un souci quotidien pour les autres.

Deux personnages m’ont marqué particulièrement par leur parcours de vie et par leurs écrits. Dans Vie et Destin, ce roman épique sur la seconde guerre de l’écrivain russe Vassili Grossman [1905-1964], il y a une idée forte qui ne cesse de m’accompagner : la tentation du Bien est dangereuse. Comme le dit un personnage de ce livre, « là où se lève l’aube du Bien, les enfants et les vieillards périssent, le sang coule », c’est pourquoi on doit préférer au Bien la simple bonté, qui va d’une personne à une autre.

La deuxième figure qui m’a beaucoup marqué, Germaine Tillion [1907-2008], ethnologue et historienne, résistante et déportée, je l’ai rencontrée quand elle avait 90 ans mais se portait comme un charme. Elle m’a ébloui non seulement par sa vitalité, mais par son cheminement : pendant la guerre d’Algérie, elle avait consacré toutes ses forces à sauver des vies humaines, de toutes origines, refusant d’admettre qu’une cause juste rende légitime l’acte de tuer. Vous voyez, mes héros ne sont pas des personnages héroïques. Mais plutôt des résistants.

Boris Cyrulnik (B. C.) : Tzvetan Todorov a été élevé dans un régime certes totalitaire, mais aussi dans une famille et au sein d’institutions sociales, bien sûr très écrasantes, mais structurantes. Alors que ma famille a éclaté pendant le second conflit mondial. J’ai retrouvé après la guerre une tante qui m’a recueilli et un oncle qui s’était engagé dans la résistance à l’âge de 17 ans. Mais, pendant la guerre, je pensais que toute ma famille était morte.

Seul, sans structure, sans famille, j’avais bien compris que j’étais condamné à mort. Arrêté à l’âge de 6 ans et demi par les nazis, j’avais clairement compris que c’était pour me tuer. Il n’y avait pas de doute. J’avais besoin de héros puisque j’étais seul. Je n’avais pas d’image identificatoire ni repoussoir. S’opposer, c’est se poser. Moi, je n’avais personne, juste le vide, je ne savais même pas que j’étais juif, je l’ai appris le jour de mon arrestation, et j’ai appris que ce nom condamnait à mort. Donc j’ai eu une ontogenèse très différente de celle de Tzvetan Todorov.

Mon bourreau ne nous considérait pas comme des êtres humains. Et, dans mon esprit d’enfant, je me disais : il faut que je devienne physiquement fort comme Tarzan et, quand je serai fort comme Tarzan, j’irai le tuer. Tarzan me servait d’image identificatoire. J’étais petit, j’étais rachitique – j’ai retrouvé des photos de moi après guerre, j’étais d’une maigreur incroyable –, donc je me disais : il faut que je devienne grand, il faut que je devienne fort et musclé pour que je puisse le tuer. Donc Tarzan m’a sauvé.

Qu’est-ce qui fait qu’un individu s’attache plutôt à des héros bénéfiques ou bien à des héros maléfiques ? La tentation du Mal est-elle aussi puissante que la tentation du Bien ?

T. T. : Pour moi, la tentation du Mal n’existe presque pas, elle est très marginale à mes yeux. Il existe sans doute quelques marginaux ici et là qui veulent conclure un pacte avec le diable et faire régner le Mal sur la Terre, mais de ce point de vue je reste plutôt disciple de Grossman, pour qui le Mal vient essentiellement de ceux qui veulent imposer le Bien aux autres. La tentation du Bien me semble donc beaucoup plus dangereuse que la tentation du Mal.

Je dirais, au risque d’être mal compris, que tous les grands criminels de l’histoire ont été animés par le désir de répandre le Bien. Même Hitler, notre mal exemplaire, qui souhaitait effectivement le Mal pour toutes sortes de populations, en même temps espérait le Bien pour la race élue germanique aryenne à laquelle il prétendait appartenir.

C’est encore plus évident pour le communisme, qui est une utopie universaliste, même si, pour réaliser cette universalité, il aurait fallu éliminer plusieurs segments sociaux de cette même humanité, qui ne méritaient pas d’exister : la bourgeoisie, les koulaks, etc. Les djihadistes d’aujourd’hui ne me paraissent pas animés par le désir de faire le Mal, mais de faire le Bien, par des moyens que nous jugeons absolument abominables.

Pour cette raison, je préfère ne pas parler de « nouveaux barbares ». Parce que la barbarie, qu’est-ce que c’est ? La barbarie n’est pas l’état primitif de l’humanité : depuis les premières traces de vie humaine, on trouve aussi des preuves de générosité, d’entraide. De nos jours, les anthropologues et les paléontologues affirment que l’espèce humaine a su survivre et s’imposer, alors qu’elle n’était pas la plus forte physiquement, grâce à l’intensité de la coopération entre ses membres, lui permettant de se défendre contre les menaces qui la guettaient.

La barbarie, c’est plutôt le refus de la pleine humanité de l’autre. Or bombarder de façon systématique une ville au Moyen-Orient n’est pas moins barbare que d’égorger un individu dans une église française. Cela détruit même beaucoup plus de personnes. Lors des attentats dont Paris a été victime dernièrement, on a sous-estimé l’élément de ressentiment, de vengeance, de représailles, qui était immédiatement mis en avant quand on a pu interroger ces individus ou dans leurs déclarations au moment de leurs actes. Ils n’agissaient pas de façon irrationnelle, puisqu’ils pensaient atteindre les objectifs qui étaient les leurs en tuant indifféremment des personnes qui se trouvaient sur leur chemin : ils voulaient répondre à la guerre par la guerre, ce qui est une logique hélas répandue dans l’histoire de l’humanité.

Lire aussi : « 70 % des détenus radicalisés que nous avons traités se sont distanciés du djihadisme »

Qu’est-ce qui fait qu’on bascule du côté de la tuerie au nom d’une idéologie ?

B. C. : La bascule se fait lorsqu’on se soumet à la théorie du Un, comme le dit le linguiste allemand Victor Klemperer. Si l’on en vient à penser qu’il n’y a qu’un seul vrai dieu, alors les autres sont des faux dieux, ceux qui y croient sont des mécréants, des « mal-croyants » dont la mise à mort devient quasiment morale. Si on se soumet à la théorie du Un, on peut basculer.

Le mot « barbare », en effet, ne convient pas. C’est dans la belle culture germanique de Goethe et de Kant que s’est déroulée l’une des tragédies les plus honteuses du XXe siècle. Le psychiatre américain Leon M. Goldensohn [1911-1961], qui, lors du procès de Nuremberg, expertisa la santé mentale des vingt et un accusés nazis, interrogea Rudolf Höss, le directeur du camp d’Auschwitz, qui lui répondit en substance : « J’ai passé à Auschwitz les plus belles années de ma vie. » Comment est-ce pensable ? Rudolf Höss poursuit : « Je m’entendais bien avec ma femme, j’avais quatre enfants que j’aimais beaucoup. »

Dans Les entretiens de Nuremberg, où figurent ces discussions, il y a même la photo de la maisonnette et du « bonheur » domestique du directeur du camp d’Auschwitz. « En même temps, poursuit-il, j’avais un métier bien difficile, vous savez, il fallait que je fasse disparaître, que je brûle 10 000 corps par jour, et ça, c’était difficile, vous savez. »

Donc l’expression que je propose pour comprendre ce phénomène paradoxal est celle de « morale perverse ». Un individu peut être parfaitement éthique avec ses proches, qu’il cherche à défendre et à comprendre – ma femme, mes enfants, etc. – mais les juifs, ce n’est pas les autres, les Tziganes ce n’est pas les autres, les Nègres sont des humains, mais ils sont inférieurs, donc on en fera de l’élevage. Il est moral d’éliminer les juifs comme il est moral de combattre la souillure d’une société pour que notre belle race blonde et aux yeux bleus aryens puisse se développer sainement.

C’est au nom de la morale, c’est au nom de l’humanité qu’ont été commis les pires crimes contre l’humanité. C’est au nom de la morale qu’ont été commis les pires crimes immoraux. Morale perverse, donc : on est moraux avec ceux qui partagent notre monde de représentation et on est pervers avec les autres parce que la définition de la perversion, c’est pour moi celle de Deleuze et de Lacan : est pervers celui qui vit dans un monde sans autre.

T. T. : Le jugement moral se constitue à plusieurs niveaux successifs. Au départ, la distinction même du Bien et du Mal peut être absente, faute d’avoir entouré le petit être humain par des soins et de l’avoir protégé par des attachements. Le résultat de ce manque est le nihilisme radical. Le deuxième pas dans l’acquisition du sens moral consiste à dissocier l’opposition du Bien et du Mal de celle entre Je et Autrui ou entre Nous et les Autres ; l’adversaire ici est l’égoïsme ou, sur le plan collectif, l’ethnocentrisme. Enfin le troisième degré consiste à renoncer à toute répartition systématique du Bien et du Mal, à ne pas situer ces termes dans une quelconque partie de l’humanité, mais à admettre que ces jugements peuvent s’appliquer aussi bien à nous qu’aux autres. Donc, à combattre le manichéisme du jugement.

A chacun de ces stades peut s’installer la perversité dont on parle. Il n’existe pas deux espèces d’êtres humains, les uns qui risquent de fauter et les autres, dont nous ferions partie, à qui ça n’arrivera jamais. D’un autre côté, si on s’ouvrait à une compassion universelle, on ne pourrait plus vivre, on devrait aider tous les sans-abri, tous les mendiants qu’on rencontre dans la rue et partager avec eux ce qu’on a, or on ne le fait pas et on ne peut le faire – sauf si on est un saint. Il y a une sorte d’équilibre qui doit s’établir entre la protection de soi et le mouvement vers autrui. Mais ignorer l’existence des autres, c’est cesser d’être pleinement humain.

B. C. : J’étais emprisonné dans la synagogue de Bordeaux, ville où 1 700 juifs ont été raflés le 10 janvier 1944 par Maurice Papon. Il n’y eut que deux survivants, dont votre serviteur. Et j’ai retrouvé le fils et les petits-enfants de Mme Blanché, la dame mourante sous laquelle je me suis caché afin d’échapper à la rafle, avec lesquels j’entretiens aujourd’hui des relations amicales. Oui, la vie est folle, c’est un roman.

Quand j’étais emprisonné, il y avait un soldat allemand en uniforme noir qui est venu s’asseoir à côté de moi un soir. Il me parlait en allemand et me montrait des photos d’un petit garçon. Et j’ai compris – sans comprendre sa langue – que je ressemblais à son fils. Cet homme avait besoin de parler de sa famille et de son enfant qu’il ne voyait pas, ça lui faisait du bien. On peut dire que j’ai commencé ma carrière de psychothérapeute ce soir-là !

Pourquoi est-il venu me parler ? Je l’ai compris en lisant Germaine Tillion, qui raconte que, lorsque les nouvelles recrues de femmes SS arrivaient à Ravensbrück, elles étaient atterrées par l’atrocité du lieu. Mais, dès le quatrième jour, elles devenaient aussi cruelles que les autres. Et, quand Germaine Tillion donnait des « conférences » le soir à Geneviève de Gaulle et à Anise Postel-Vinay, elle les faisait souvent sur l’humanisation des gardiens du camp.

Elle disait : ce qui nous faisait du bien, quand on voyait un gardien courtiser une femme SS, c’est que c’était donc un être humain. Elle ne voulait pas diaboliser ceux qui la condamnaient à mort, elle voulait chercher à découvrir leur univers mental. Et c’est en lisant Germaine Tillion que je me suis dit : voilà, j’avais à faire à des hommes, et non pas à des monstres. Parce que comprendre, c’est non pas excuser, mais maîtriser la situation. Arrêté à l’âge de 6 ans et demi, j’étais considéré comme « ein Stück », une chose qu’on pouvait brûler sans remords, qu’on pouvait tuer sans culpabilité puisque je n’étais pas un être humain, mais « ein Stück ».

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Donc, contrairement à ce que l’on dit souvent, notamment à propos du djihadisme, il faut chercher à le comprendre, et non pas refuser, par principe, l’explication ?

B. C. : Evidemment. La compréhension permet de lutter et d’agir. Par exemple, sur le plan psychosocial, le mot « humiliation » est presque toujours utilisé par ceux qui passent à l’acte. L’humiliation du traité de Versailles a été momentanément réelle, parce que pendant quelques années les Allemands ne pouvaient pas reconstruire une société, tout ce qu’ils gagnaient partant en dommages de guerre pour la France.

Mais les Allemands oubliaient de dire que dans les années 1920 – lorsque les politiques ont compris que ça empêchait l’Allemagne de se reconstruire – il y eut un véritable plan Marshall pour aider leur pays à se reconstruire. Donc le mot humiliation servit d’arme idéologique pour légitimer la violence des nazis – comme celle des djihadistes, d’ailleurs. Tous les totalitarismes se déclarent en état de légitime défense. Il leur paraît normal et même moral de tuer sans honte ni culpabilité.

Aujourd’hui, sur environ 8 400 fichés « S », rappelle une enquête du CNRS, on dénombre près de 100 psychopathes. La psychopathie, ce n’est pas une maladie mentale, mais une carence éducative et culturelle grave. Ce sont des enfants qui n’ont pas été structurés par leur famille, ni par la culture ni par leur milieu. Quand il n’y a pas de structure autour d’un enfant, il devient anomique, et l’on voit réapparaître très rapidement des processus archaïques de socialisation, c’est-à-dire la loi du plus fort.

Michelet le disait : quand l’Etat est défaillant, les sorcières apparaissent. Cent psychopathes sur 8 400 cas, c’est la preuve d’une défaillance culturelle. C’est une minorité dans les chiffres, mais c’est une majorité dans les récits et l’imaginaire parce que le Bataclan, le Stade de France, Nice ou le 13-Novembre font des récits atroces et spectaculaires qui fédèrent une partie de ces meurtriers.

T. T. : Très souvent, ces jeunes qui s’égarent dans le djihad cherchent un sens à donner à leur vie, car ils ont l’impression que la vie autour d’eux n’a pas de finalité. S’ajoute à leurs échecs scolaires et professionnels le manque de cadre institutionnel et spirituel. Quand je suis venu en France en 1963, il existait un encadrement idéologique très puissant des jeunesses communistes et des jeunesses catholiques. Tout cela a disparu de notre horizon et le seul épanouissement, le seul aboutissement des efforts individuels, c’est de devenir riche, de pouvoir s’offrir tel ou tel signe extérieur de réussite sociale.

De façon morbide, le djihad est le signe de cette quête globale de sens. Il est la marque de cette volonté de s’engager dans un projet collectif qui frappe souvent des personnes qui jusque-là étaient en prison pour des petits vols et des menus crimes, mais qui cessent de trafiquer, de boire ou de fumer du haschisch pour être au service d’une doctrine vraie, de ce « Un » dont vous parliez tout à l’heure. Ils sont d’abord prêts à sacrifier la vie d’autrui, mais ensuite la leur aussi.

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Y a-t-il des héros ou des contre-récits qui pourraient permettre de structurer davantage leur univers mental ?

T. T. : Oui, je crois beaucoup à cette force du récit, qui est bien plus grande que celle des doctrines abstraites et qui peut nous marquer en profondeur sans que nous en soyons conscients. Ces récits peuvent prendre la forme d’images idéelles, comme Tarzan et Zorro pour Boris Cyrulnik. Mais il y en a beaucoup d’autres encore. Dans mes livres, j’essaie de raconter moi-même des histoires, que ce soit la conquête de l’Amérique ou la seconde guerre mondiale. Mais c’est un travail qui doit se répercuter dans notre culture politique et dans notre éducation.

Dans une classe d’une école parisienne aujourd’hui, on trouve des enfants de quinze origines différentes. Comment, sans rire, leur parler de nos ancêtres les Gaulois ? Je ne pense pas pour autant qu’il faudrait leur enseigner l’histoire ou la mémoire des quinze nationalités qui se retrouvent dans cette classe. On doit leur apprendre une histoire de la culture dominante, celle du pays où l’on se trouve, mais de manière critique, c’est-à-dire où l’on n’identifie aucune nation avec le Bien ou le Mal. L’histoire peut permettre de comprendre comment une nation ou une culture peut glisser et basculer dans le Mal, mais aussi s’élever au-dessus de ses intérêts mesquins du moment et contribuer ainsi à une meilleure vie commune. Bref, sortir du manichéisme qui revient en force aujourd’hui.

Comment expliquez-vous ce qui apparaît comme une déprime collective française ?

B. C. : Les conditions réelles d’existence d’un individu ont rarement à voir avec le sentiment de dépression. On peut avoir tous les signes du bien être – emploi et famille stables – et déprimer. Et, à l’inverse, on peut vivre dans des conditions matérielles très difficiles et ne pas déprimer. Il n’y a pas de causalité directe de l’un à l’autre. On peut avoir un sentiment de tristesse et de dépression provoqué par une représentation coupée du réel. Dans ces moments-là, ce qui provoque la dépression ou l’exaltation, ce sont les fabricants de mots. Je voyage beaucoup à l’étranger et je vous assure que les gens sont étonnés par notre déprime, ils n’en reviennent pas. Ils disent : « Mais nous, on prend tout de suite la condition de vie des Français, on la prend tout de suite ! »

T. T. : Pour quelqu’un qui a sillonné plusieurs pays, il y a en France un pessimisme, une déprime, une complaisance excessive à observer le déclin, que je m’explique par le fait qu’au XXe siècle la France est passée d’un statut de puissance mondiale à un statut de puissance de deuxième ordre. Cela conditionne en partie cette mauvaise humeur, constitutive aujourd’hui de l’esprit français.

Pourtant, les attentats et le retour du tragique de l’Histoire sur notre sol ont bel et bien miné le quotidien de chacun… La France serait-elle une nation résiliente ?

T. T. : Je vois paradoxalement quelque chose de positif dans cette situation. Bien sûr, on ne peut se réjouir de l’existence de ces victimes en France. Mais il est salutaire de prendre conscience de la dimension tragique de l’Histoire, de ce que la violence n’est pas éliminée de la condition humaine juste parce qu’en Europe les Etats ne sont plus en guerre les uns contre les autres.

B. C. : La réaction aux attentats a été magnifique à Paris et honteuse à Nice. Les Parisiens et les Français se sont solidarisés pour signifier : « Nous ne nous soumettrons pas, mais nous ne nous vengerons pas. Ne nous laissons pas entraîner dans la spirale de la violence. » J’étais à Munich, le soir du Bataclan. Le lendemain, dans les rues, j’ai vu des manifestants de Pegida qui n’attendaient qu’un incident pour déclencher une ratonnade.

A Nice, quand les familles musulmanes ont voulu se rendre sur les lieux du massacre pour se recueillir, on leur a craché dessus en criant : « Rentrez chez vous, sales Arabes. » Or ils sont chez eux puisqu’ils sont Français.

Par ailleurs, je ne comprends pas le mouvement de lutte contre l’islamophobie, qui fait des procès à ceux qui ont peur de l’islam et n’en fait pas aux assassins qui provoquent la peur de l’islam. Pour éviter les réactions racistes et s’opposer aux terroristes, il faut se rencontrer et parler. Plus on se rencontre, moins il y a de préjugés ». 30/12/16 |

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Article diffusé par l’Association TAMOUDRE,“Touaregs, vie et survie” - Informations, réflexions et actions ciblées autour du DÉVELOPPEMENT et des problèmes de GÉOSTRATÉGIE des peuples nomades du Sahel, l’association TAMOUDRE a pour objet d’appuyer et d’accompagner les populations touarègues des zones pastorales pour leur lutte de survie et de sécurisation de leurs revenus, dans des perspectives de développement social, économique et culturel. Les zones d’actions privilégiées sont Tessalit-Aguelhoc-Kidal-Borj, au sud de la frontière algérienne ; petit démarrage sur Tombouctou-Diré sur la boucle du Niger, et et dans nos projets futurs l’Aïr autour d’Agadez.

Contact : http://www.tamoudre.org tamoudre@tamoudre.org https://www.facebook.com/asso.tamoudre - mobile : 06 63 78 26 22 - turaya : 00 88 216 6861 0492

booklet 8 pages

Le logo de Tamoudré est de Ahmed Abdoulaye Boudane -Voir son travail !

Source http://www.tamoudre.org/geostrategie/terrorisme-geostrategie/tentation-bien-beaucoup-plus-dangereuse-celle-mal/

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Auteur : Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 03/01/2017

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

http://www.isias.lautre.net/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS Philosophie Sociologie Psychologie Faut-il résister ou obéir face à un pouvoir d’autorité abusif, violent et brutal.2

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