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"La promesse des cellules souches pluripotentes induites" par le Dr Eva Sirinathsinghji

Traduction et compléments de Jacques Hallard

mardi 24 mai 2011, par Sirinathsinghji Eva

ISIS Biologie Santé
La promesse des cellules souches pluripotentes induites
The Promise of Induced Pluripotent Stem Cell
Rapport de l’ISIS en date du 24/05/2011
Les cellules ordinaires des êtres vivants peuvent être amenées à devenir des cellules souches pluripotentes, ce qui rend inutile l’utilisation des embryons humains ; mais cette technique, nouvellement disponible, est-elle vraiment sûre et inoffensive en matière de sécurité et de santé publique ?
D’après le Dr Eva Sirinathsinghji

L’article original en anglais avec toutes les références s’intitule The Promise of Induced Pluripotent Stem Cells ; il est accessible sur le site
www.i-sis.org.uk/Induced_Pluripotent_Stem_Cells.php
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Les cellules souches pluripotentes sont des cellules qui peuvent se multiplier indéfiniment et se différencier pour donner toutes sortes de cellules du corps ; elles ont longtemps généré une grande excitation dans les milieux scientifiques et auprès du grand du public, en raison de leur utilisation potentielle pour la régénération tissulaire ou en médecine régénérative.

L’intérêt porté à ce type de cellules a augmenté encore plus récemment, avec le développement d’une nouvelle technique pour générer artificiellement des cellules pluripotentes sans utiliser des embryons. Les ‘cellules souches pluripotentes induites’ (cellules iPS) ont provoqué une onde de choc dans la communauté scientifique, car elles ont montré qu’une cellule adulte peut revenir à un état pluripotent. Yamanaka et ses collègues, basés à Kyoto, ont montré qu’en exprimant seulement quatre gènes dans les cellules de la peau à l’état adulte, celles-ci sont devenues semblables à des souches de cellules embryonnaires, en présentant la capacité unique de se renouveler et de se transformer en presque tous les types de cellules qui existent dans le corps humain.

Auparavant, il y avait eu un certain nombre de méthodes mises au point pour fournir des cellules souches pluripotentes, soit à partir d’embryons ordinaires, soit à partir d’embryons créés par la transplantation nucléaire de cellules somatiques (méthode utilisée pour cloner la brebis Dolly) et la fusion cellulaire.

Depuis la première génération des cellules iPS de souris en 2006 [1] et des cellules iPS humaines en 2007 [2], cette technique a explosé dans un champ de recherche énorme et en constante évolution.

De toutes les techniques, celle qui fait appel aux cellules iPS est la seula à ce jour qui contourne l’utilisation des embryons, et elle a également la capacité de générer des lignées cellulaires spécifiques au patient, en évitant la transplantation et le rejet immunitaire qui suit souvent. En théorie, un patient nécessitant une greffe de cellules souches n’a besoin que de faire don de ses cellules de la peau, qui peuvent être re-programmées et multipliées à un nombre suffisant de cellules, induites à se différencier en un type cellulaire nécessaire ; il reste alors à les réimplanter chez le patient concerné.

Cette nouvelle technique a semblé étonnamment simple et reproductible et elle a suscité un intérêt énorme pour son utilisation potentielle en médecine régénératrice et pour la recherche scientifique. Cependant, la sécurité, l’inocuité de ces procédures cliniques a été mise en cause dans la revue Nature : il a été démontré que les cellules iPS ont déclenché une réponse immunitaire après une transplantation à des souris qui présentaient le même patrimoine génétique que les cellules transplantées [3].

Que sont les cellules iPS ?

Les ‘cellules souches pluripotentes induites’ ou cellules iPS ont d’abord été générées par l’expression forcée d’un ensemble spécifique de gènes chez des types de cellules spécialisées adultes, comme les cellules de la peau. Ces gènes étaient déjà connus pour jouer un rôle important dans le maintien de la pluripotence, et ils pouvaient donc reprogrammer des cellules différenciées vers un stade antérieur, à un état indifférencié et pluripotent.

En examinant un ensemble de 24 gènes, les chercheurs ont réussi à réduire une combinaison de seulement 4 de ces gènes qui ont la capacité de reprogrammer les cellules : c-Myc, Klf-4, Oct3/4 and Sox2. Ces gènes ont été introduits dans des cellules de la peau, et sur une période de 3-4 semaines une partie des cellules de la peau ont changé leur morphologie, leur croissance et leurs caractéristiques moléculaires pour ressembler à des cellules souches embryonnaires. Ces cellules iPS se sont avérées être en mesure de fonctionner dans le cerveau, dans le cœur ainsi que dans les cellules osseuses.

Un examen détaillé de la technique de production de cellules iPS

Cette technique a été réalisée dans des cellules humaines en utilisant des vecteurs de gènes viraux (transporteurs) pour insérer les gènes d’intérêt dans le génome hôte. Ces vecteurs viraux (avec suppression des gènes du virus responsables de maladies) sont utilisés dans d’autres domaines de la recherche médicale comme dans la thérapie génique.

Les inconvénients de l’approche de vecteurs viraux classiques incluent l’insertion permanente de l’ADN dans le génome hôte, ce qui peut conduire à des perturbations du fonctionnement normal des gènes, un phénomène dénommé mutagenèse insertionnelle (voir [4] Naked and Free Nucleic Acids - Unregulated Hazards, ISIS un rapport sur les dangers de vecteurs viraux et sur la thérapie génique).

Ceci est une limitation majeure de la valeur clinique de ces cellules iPS en vue d’une transplantation. Les premières publications ont trouvé au moins 20 insertions de la combinaison des 4 gènes dans les lignées cellulaires iPS générées. Avec un tel nombre élevé d’ADN viral présent dans ces cellules, les risques de mutagenèse insertionnelle sont encore plus grands. En outre, bien que l’expression des 4 gènes semble n’être que temporaire, leur réactivation pourrait avoir de graves conséquences pour les risques de formation de tumeurs.

Ces gènes ne sont pas seulement importants pour le maintien de la pluripotence, mais ils sont également connus pour jouer un rôle dans divers types de cancers. Un cancer implique également une reprogrammation de cellules différenciées à un état de prolifération, qui partage de nombreuses caractéristiques avec des cellules souches embryonnaires. En effet, la réactivation de c-Myc a entraîné la formation de tumeurs dans environ 20 pour cent des souris généréess uniquement à partir de cellules iPS [5].

Le succès de la reprogrammation cellulaire a été réalisé avec moins de gènes, surtout sans le gène c-Myc [6]. Des composés chimiques, tels que l’acide valproïque, ont également été utilisés pour accroître l’efficacité de la reprogrammation [7]. Ces composés modifient la structure de l’ADN, le rendant plus accessible aux processus de régulation génétique, une caractéristique de conformation qui est étroitement associée à des cellules indifférenciées.

Plus récemment, des cellules iPS ont été générées sans vecteurs viraux, mais plutôt avec une livraison directe des produits protéiques des gènes nécessaires [8]. En modifiant les protéines pour héberger un peptide d’ancrage, les protéines ont pu être acheminées dans la cellule pour induire la reprogrammation. Cela élimine les problèmes mentionnés précédemment, liés à une modification du génome des cellules iPS de façon permanente, ce qui les rend ces protéines plus adaptées pour un usage thérapeutique.

Le test ultime pour voir que les cellules iPS sont réellement pluripotentes est la génération d’adultes viables, dérivés uniquement à partir de ces cellules. Ce fut d’abord fait en 2009 par des essais de complémentation tétraploïde [9] (voir aussi [10] Unacceptable Death Rates End Cloning Trials in New Zealand , SiS 50 *, pour une explication succincte de l’analyse de complémentation tétraploïde).

* La version en français s’intitule : "Des taux de mortalité inacceptables mettent fin aux expérimentations sur le clonage animal en Nouvelle-Zélande" par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction et compléments de Jacques Hallard ; elle est accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article4880

Des souris viables ont été obtenues, même si beaucoup de sujets expérimentaux sont morts au stade embryonnaire ou à la naissance, un phénomène qui est commun à cette technique.

Les utilisations potentielles

La reprogrammation de cellules iPS aborde des questions intéressantes et importantes sur ce qui est nécessaire pour maintenir une cellule dans un état pluripotent, et comment fonctionne la dynamique des cellules dans notre corps. En identifiant les gènes clés qui sous-tendent le phénomène, notre compréhension de la pluripotence avance. Ces études de la différenciation peuvent être appliquées à la recherche contre le cancer. Elles fournissent également des cellules humaines qui pourraient être utiles pour la modélisation de la maladie, fournissant un complément, ou même une alternative à la recherche animale.

Certaines lignées cellulaires spécifiques à certaines maladies ont été rapidement mises en place, avec une publication qui indique la production de 10 lignées de cellules provenant de patients atteints de maladies, dont le syndrome de Down, la maladie de Huntington, le diabète juvénile, ainsi que la maladie de Parkinson [11].

De nombreux chercheurs espèrent obtenir des cellules iPS pour la médecine régénérative, avec le potentiel supplémentaire de fabrication de cellules spécifiques au patient, en évitant les risques de rejet immunitaire. Ces cellules pourraient aussi être utilisées pour des programmes de traitement sur mesure [12]. Certains traitements de la maladie ne peuvent fonctionner que sur un certain pourcentage de patients ; des pré-tests sur les cellules du patient peuvent augmenter la prévisibilité de l’efficacité des médicaments et la toxicité pour chaque patient.
Une utilisation plus sinistre des cellules iPS est la génération d’animaux transgéniques pour la consommation alimentaire. L’utilisation de cellules iPS pourraient contourner les expériences de clonage qui sont réputées pour causer des niveaux élevés de morts et de la souffrance chez les animaux d’élevage, (voir [13]).

Inconvénients

Comme avec les cellules embryonnaires ES, il existe un risque important de formation de tumeurs, si les cellules iPS sont destinées à la transplantation. Les tumeurs peuvent se former lorsque quelques autres cellules indifférenciées continuent de proliférer après la transplantation. C’est une préoccupation bien établie qui est largement discutée, et pour une bonne raison. Il faut y ajouter des limitations du fait que certaines cellules iPS présentent des possibilités de mutagenèse insertionnelle.
Une reprogrammation incomplete peut aussi conduire à l’incapacité de différencier pleinement des cellules spécialisées adultes. Toutefois, des études récentes portant à la fois sur des cellules embryonnaires et sur des cellules iPS présentent une capacité de différenciation similaire, qui est fonction de la lignée cellulaire utilisée [12].

Une autre préoccupation est l’accumulation de mutations et de réarrangements génomiques au cours du processus de production de cellules iPS. Un article publié récemment dans Nature, a montré que 124 mutations ont été découvertes dans 22 lignées différentes de cellules iPS [14].

En outre, un certain nombre de ces mutations ont été découvertes dans des gènes liés à des cancers, avec des mutations dans le même gène à travers de nombreuses lignées différentes. Le fait de développer la même mutation dans des lignées cellulaires suggère qu’il pourrait y avoir un avantage sélectif à leur acquisition. Cette limitation ne peut jamais être surmontée si les cellules sont cultivées pendant de longues périodes de temps : c’est là quelque chose de difficile à éviter, dès lors qu’un nombre élevé de cellules sont nécessaires pour la transplantation.

Avec ces risques associés à des thérapies qui font appel aux cellules embryonnaires et aux cellules iPS, la recherche alternative sur les méthodes de stimulation des cellules souches propres à un patient donné, pour une thérapie régénérative, peut s’avérer plus efficace, (voir [15] Stem Cells Repair Without transplant, SiS 50) *.

* La version en français s’intitule "Des cellules souches utilisables sans transplantation pour une médecine régénératrice" par le Dr. Eva Sirinathinghji, traduction et compl »ments de Jacques Hallard ; elle est accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article4872&lang=fr
D’autres recherches se concentrent également sur les perspectives de transdifférenciation des cellules d’un type cellulaire à un autre, sans revenir à un état pluripotent dans le processus [16].

Pour conclure

Les cellules iPS peuvent se révéler importantes pour la découverte de médicaments et pour les recherches sur les mécanismes de la maladie, fournissant une source unique de cellules humaines qui peuvent être obtenues à partir de la peau des individus malades ou en bonne santé.
Cependant, leur utilisation pour la régénération tissulaire en médecine régénérative pose des risques considérables en matière de santé, et elle exige au préalable des recherches approfondies quant à leur valeur clinique, et ces recherches n’en sont encore qu’à un stade préliminaire.

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Définitions et compléments

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire.
Adresse : 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS Biologie Santé The Promise of Induced Pluripotent Stem Cells French version.1