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"La flore microbienne intestinale (microbiote) influence la prédisposition et les traitements des cancers" par la Dr Eva Sirinathsinghji

Traduction et compléments de Jacques Hallard

jeudi 13 août 2015, par Sirinathsinghji Eva

ISIS Biologie Santé
La flore microbienne intestinale (microbiote) influence la prédisposition et les traitements des cancers
Notre flore intestinale influence la prédisposition au cancer de notre tube digestif, ainsi que des organes éloignés tels que la peau, les poumons, les seins et le foie. Dr Eva Sirinathsinghji

Rapport de l’ISIS en date du 26/02/2014
Une version entièrement référencée de cet article intitulé The Gut Microbiome and Cancer est posté et accessible par les membres de l’ISIS sur le site http://www.i-sis.org.uk/The_Gut_Microbiome_and_Cancer.php ; elle est par ailleurs disponible en téléchargement ici

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Le cancer est une maladie de premier plan dans les pays industrialisés et son incidence est en forte augmentation dans les pays en développement en raison de vieillissement démographique, des régimes alimentaires ’occidentalisés’, de l’exposition à des agents cancérigènes chimiques et de l’inactivité des personnes. Bien qu’il existe des causes génétiques de certains cancers qui donnent un risque important pour les individus porteurs de certains gènes, par exemple des mutations BRCA1 et le cancer du sein, la plupart des cancers sont liés à des facteurs environnementaux.

Malgré ce déterminant environnemental majeur dans la sensibilité aux cancers, nous savons encore peu de choses sur les facteurs environnementaux qui sont impliqués. Des recherches récentes sur le microbiote intestinal, révèlent le rôle important et complexe que cet « organe oublié » * peut jouer, non seulement dans la prévention ou la promotion de la cancérogénèse, mais aussi dans la modification de l’efficacité des différentes thérapies.

* Voir l’article ’Notre monde intestinal méconnu : le microbiote humain’ par le Dr Eva Sirinathsinghji. Traduction et compléments de Jacques Hallard, accessible sur http://www.isias.lautre.net/spip.php?article379

Des indices que les microbes présents dans nos intestins peuvent influencer le développement des cancers ont été réunis depuis au moins la fin du 19ème siècle, lorsque des effets anti-tumoraux ont été observés chez des patients atteints de sarcome, après des infections bactériennes ou après l’injection de bactéries tuées par la chaleur (la toxine de Coley) [1 , 2].

Dans les années 1970, des études réalisées sur des souris sans germes ont suggéré des effets tumorigènes du microbiote dans les modèles de cancers spontanés, de cancers induits et de cancers génétiquement provoqués.

En effet, on sait maintenant qu’il existe une association bien connue entre la flore intestinale, d’une part, et le processus d’inflammation et le métabolisme, d’autre part : ces derniers sont deux caractéristiques des cancers ; les animaux exempts de germes présentent une diminution du gain de poids et de la résistance à l’obésité, de l’hypoglycémie et à d’une faiblesse à l’insuline.

Avec l’avènement de la métabolomique et des techniques de séquençage approfondies, les chercheurs commencent à déchiffrer le rôle de microbes spécifiques ainsi que les profils microbiotiques globaux et spécifiques qui sont associés à différents cancers. Ces découvertes conduisent à de nouvelles pistes de recherche sur la prévention et le traitement des cancers.

Un bug, deux bugs, tout ou rien ?

La relation entre notre microbiote intestinal et le cancer semble être complexe, impliquant à la fois des espèces microbiennes spécifiques, ainsi que le dérèglement de la flore dans son ensemble, appelée dysbiose. Des études épidémiologiques ont permis d’associer un certain nombre de cancers avec des microbes particuliers, par exemple le virus du papillome humain (HPV) et le cancer du col utérin ; la bactérie H. pylori dans le cancer gastrique, l’infection chronique avec l’hépatite virale B (VHB), le virus de l’hépatite C (VHC) dans le carcinome hépatocellulaire (HCC) ; l’infection chronique par Salmonella enterica subsp. dans le cancer de la vésicule biliaire, l’infection par Chlamydia pneumonie dans le développement du cancer du poumon, et une infection par Haemophilus influenza et Candida albicans dans le développement de tumeurs malignes des voies respiratoires inférieures [3-6].

Le meilleur exemple de la cancérogenèse induite par des bactéries est l’infection à H. pylorit, avec des études épidémiologiques suggérant que cette bactérie est responsable de 1-3% des cas de cancer de l’estomac chez les personnes infectées par H. pylori. Ce microbe a été largement défini comme cancérogène par les établissements de santé publique, notamment le Centre international de recherche sur le cancer [7].

La plupart des différences observées sur le microbiote dans les études des cancers impliquent une dysbiose de la communauté microbienne globale. Même dans les cas typique correspondant grosso modo à « un microbe et une maladie », l’histoire semble plus compliquée qu’il n’y paraît. Avec l’infection à H. pylori et le cancer gastrique, des souris colonisées par cette seule espèce bactérienne développent moins de tumeurs gastriques que celles qui sont colonisées par un mélange complexe d’espèces bactériennes [8].

Il est intéressant de noter que la bactérie H. pylori est également liée à un risque plus faible de manifestation de l’adénocarcinome oesophagien chez l’homme, mettant l’accent sur ​​l’effet spécifique d’un organe des communautés bactériennes sur la cancérogenèse [9].

La nouvelle compréhension du cancer colorectal est tout aussi complexe, avec des études de métagénomique qui montrent une sous représentation des deux phylums bactériens, Bacteroidetes et Firmicutes, ainsi qu’une sur représentation de l’espèce envahissante Fusobacterium nuculeatum (précédemment associée à la parodontite et à l’appendicite) dans les tumeurs analysées [10, 11].

Même s’il y avait tout un ensemble de dysbiose entre les patients dans ces études, les microbiotes globaux comparés entre les tumeurs et les régions non cancéreuses du côlon de patients particuliers, étaient plus semblables les uns avec les autres, qu’avec les tumeurs d’autres patients ou qu’avec des échantillons de côlon provenant de patients non atteints de cancer. Cette association complexe entre microbiote et cancer suggère que toute thérapie impliquant le microbiote intestinal, doit beaucoup plus compter sur les thérapies individualisées pour la réussite du traitement. En outre, ces associations ne prouvent pas un lien de causalité et une analyse plus approfondie est bien nécessaire.

La dysbiose du microbiote intestinal a également été associée à des cancers des organes éloignés, illustrés par les cancers du foie et du pancréas, qui n’ont pas connu un microbiote qui leur soit propre. Le rôle de la flore intestinale, des communautés microbiennes intestinales, paraît donc avoir une grande envergure d’action, affectant beaucoup plus que l’intestin lui-même [12-14].

Comment le microbiote influence t-il la prédisposition au cancer ?

Il existe de nombreux mécanismes par lesquels la microflore intestinale peut modifier la sensibilité à des cancers, y compris l’activation du système immunitaire inné, la modulation de l’inflammation, l’influence sur l’expression des gènes, ainsi que la stabilité du génome de cellules hôtes.

Une défaillance de la barrière intestinale pour limiter les interactions hôte-microbiote est également jugée importante à considérer. La séparation anatomique entre l’hôte et les microbes est un élément crucial de la première ligne de défense et elle est maintenue par une muqueuse épithéliale intacte et une couche de mucus, ainsi que par un système de détection qui repère et élimine les bactéries.

Systématiquement, la colite ulcéreuse, une maladie qui perturbe la barrière intestinale, augmente le risque de cancer du côlon. Les études qui ont induit l’échec de la barrière des animaux de laboratoire, ont également montré que des agents cancérigènes sont plus susceptibles de passer à travers une muqueuse intestinale perturbée, conduisant à la formation accrue de tumeurs dans les organes locaux mais aussi plus éloignés [15].

L’inflammation est un mécanisme important par lequel le microbiote est censé jouer un rôle dans la médiation des risques de cancer. Comme c’est le cas avec le traitement par la toxine de Coley (comme mentionné ci-dessus), le système immunitaire inné peut être activé pour induire une réponse anti-tumorale et ceci est utilisé dans l’immunothérapie du cancer. Cependant, dans la plupart des cas, un profil de microflore bactérienne ne semble pas activer une réponse immunitaire suffisamment forte pour avoir des effets anti-tumoraux.

Au lieu de cela, l’activation du système immunitaire inné et la faible inflammation chronique d’accompagnement sont initiés ou gérés par le microbiote qui peut ensuite promouvoir la sensibilité au cancer.

On ne comprend pas encore complètement comment le microbiote induit l’inflammation, mais des découvertes récentes indiquent que la détection de micro-organismes commensaux par le système immunitaire inné maintient l’homéostasie intestinale et induit des réponses de guérison après une blessure. Les microbes eux-mêmes jouent un rôle important dans le maintien de cette homéostasie, avec des bactéries bénéfiques qui jouent un rôle actif dans la limitation de la croissance des agents pathogènes potentiellement dangereux et la production de molécules anti-inflammatoires [16].

Cela se voit dans les modèles de colite induite expérimentalement où le polysaccharide A est sécrété par Bacteroides fragili, avec la suppression de l’interleukine-17 pro-inflammatoire et l’activation de la sécrétion de l’interleukine-10 (IL-10) anti-inflammatoire [17]. Cette diaphonie entre le système immunitaire et les microbes régule également le renouvellement et la maturation des cellules de l’épithélium, en maintenant ainsi l’intégrité de la barrière intestinale.

Comme cela est décrit ci-dessus, une homéostasie précise est essentielle pour le maintien de la santé intestinale et lorsqu’un organisme est perturbé par une dysbiose ou des dommages aux tissus (comme c’est connu dans le cas d’une colite par exemple), l’activation du système immunitaire inné peut être déclenchée. Ceci est mis en évidence par des modèles de souris portant des mutations génétiques dans le système immunitaire inné qui modifient l’équilibre hôte-microbiote, ce qui augmente la sensibilité à la colite expérimentale et à la carcinogenèse. Par exemple, les souris dépourvues de l’anti-inflammatoire IL-10 ont une dysbiose intestinale qui montre une surreprésentation de 100 fois des membres de la famille des entérobactéries, et deux membres de la famille (Escherichia coli et Enterococcus faecalis) sont suffisants pour induire la colite, lorsqu’elles sont introduites dans l’organisme de souris sans germes [18].

La bactérie E. coli seule est également suffisante pour entraîner le cancer colorectal après traitement avec un agent cancérigène chez des souris déficientes en IL-10, ce qui suggère que ce microbe est nécessaire, mais pas suffisant, pour la cancérogenèse dans ce modèle. Les souris dépourvues d’autres médiateurs importants de la réponse immunitaire innée, tels que les récepteurs de reconnaissance de l’agent pathogène (PRR) montrent des associations comparables avec le cancer. Le rôle des PRR est d’identifier les organismes étrangers ou les agents pathogènes par la reconnaissance de modèles moléculaires associés à des microorganismes (MAMP) - des molécules associées à des groupes de pathogènes qui sont reconnus par les cellules du système immunitaire inné, par exemple des liposaccharides, des acides nucléiques et la flagelline. Des souris dépourvues du récepteur PRR appelé ‘toll-like receptor-4 (TLR) qui reconnaît le lipopolysaccharide (LPS), montrent une sensibilité réduite aux cancers du côlon, du foie, de la peau et du pancréas [5].

Il a été récemment démontré que les TLR activés augmentent les dérivés réactifs ou espèces réactives de l’oxygène (ROS), qui peuvent être l’un des mécanismes par lesquels le système immunitaire combat les agents pathogènes invasifs, mais qui sont également associés à l’inflammation, à l’altération de l’ADN et aux cancers [19]. L’activation des ROS est également augmentée dans les cellules tumorales et peut favoriser la malignité cellulaire [20].

Ces mécanismes ne s’appliquent pas seulement aux organes locaux, mais aussi à ceux qui sont éloignés, et l’on pense que les métabolites bactériens et la libération des MAMP peuvent atteindre le foie par la veine porte [5].

De même, on pense que TLR-2, qui reconnaît les composants de la paroi cellulaire bactérienne, peut entraîner le cancer gastrique. Les TLR activent le facteur nucléaire κB (NF-kB), un soit disant régulateur maître de la réponse inflammatoire, un transducteur de signal et activateur 3 (STAT3), qui peut également réduire l’apoptose et augmenter la progression du cycle cellulaire [12, 21].

La carence d’un autre PRR appelé NOD2 augmente le risque de cancer colorectal, augmente les infections bactériennes tout en réduisant la capacité de tuer les bactéries de l’intestin [22]. Une carence en NLRP6 induit une dysbiose qui peut être transférée à d’autres souris, conduisant à une augmentation de la colite et du cancer colorectal [23].

La possibilité de transférer des symptômes (néologisme ‘transférabilité’) soutient l’idée que les bactéries sont au moins partiellement responsables des symptômes. Des souris déficientes en TLR soulignent l’importance d’une homéostasie étroitement régulée entre le système immunitaire et la flore : cette dernière aurait augmenté le risque de colite et des cancers colorectaux. La détection de la flore intestinale est essentielle au maintien de la réparation des tissus : les souris déficientes en TLR-2 et TLR-4 présentent des problèmes de la muqueuse intestinale, une augmentation de la prolifération cellulaire, ainsi qu’une sensibilité accrue à la colite et au cancer colorectal, après une exposition à des agents cancérigènes.

Le microbiote peut également favoriser le développement du cancer grâce à la libération de toxines qui peuvent causer une instabilité génétique. Des toxines bactériennes telles que la toxine de distension cytoléthale (CDT) et la colibactine sont génotoxiques : production de cassures double brin et induction de l’activité de réparation de l’ADN chez la souris [25, 26].

Des métabolites microbiens peuvent également être toxiques et peuvent favoriser des cancers. L’alimentation est un facteur évident de métabolisme microbien : les graisses, la viande rouge et d’alcool sont des exemples d’aliments qui produisent des toxines quand ils métabolisés par la flore intestinale.

La flore intestinale dans son ensemble exprime plusieurs gènes qui sont liés à la substance nutritive, à l’acide biliaire et au métabolisme des xénobiotiques, ainsi que pour la synthèse des vitamines ; cela peut ainsi favoriser l’obésité et les problèmes métaboliques qui lui sont associés, activer ou inactiver les produits phytochimiques, affecter le métabolisme des hormones et la génération d’acides biliaires secondaires provoquant des tumeurs. [27, 28].

Les microbes intestinaux modulent les traitements du cancer

Comme le microbiote intestinal influence la susceptibilité au cancer à travers tous les mécanismes décrits ci-dessus, il est logique qu’il module également les thérapies du cancer.

Cela semble être le cas pour les différentes thérapies qui utilisent à la fois les deux mécanismes d’action dépendant et / ou indépendant de l’inflammation. Une étude récente parue dans la revue ‘Science’ montre que les souris prétraitées avec un cocktail d’antibiotiques, trois semaines avant l’inoculation de la tumeur, ont mal répondu à l’immunothérapie des tumeurs et la même chose a été observée chez des souris sans germes [29].

L’immunothérapie agit en induisant la nécrose (mort cellulaire) des cellules tumorales par l’intermédiaire de la production d’un facteur pro-inflammatoire de nécrose tumorale (TNF) à partir de cellules myéloïdes, suivie par la réponse des cellules ‘T CD8’ pour éradiquer la tumeur. Des souris sous antibiotiques ont également montré une expression réduite de TNF et d’autres cytokines pro-inflammatoires.

Les chercheurs ont réussi à restaurer l’efficacité de l’immunothérapie en donnant des lipopolysaccharides bactériens aux souris. L’analyse de la teneur en bactéries fécales a montré que l’abondance des bactéries, mais pas leur diversité, a été entièrement restaurée après 4 semaines sans antibiotiques. Le plus intéressant : les traitements du cancer qui ne fonctionnent pas via l’activation de la réponse immunitaire de l’organisme, tels que des agents de chimiothérapie (oxaliplatine et cisplatine), invoquaient également le rôle du microbiote intestinal pour l’éradication des tumeurs : des souris sans germes ne peuvent pas être traitées avec ces agents.

Au bout de seulement deux jours de chimiothérapie, les souris sans germes ont présenté une suppression de la cytotoxicité pour les tumeurs, en modifiant l’expression des gènes avec l’inhibition des gènes liés à la différenciation, à l’activation et au fonctionnement des monocytes, tout en augmentant l’expression de gènes liés au fonctionnement cellulaire comme le métabolisme, la transcription, la traduction et réplication de l’ADN.

La production d’espèces réactives de l’oxygène est également dépendante de la microflore. La substance chimique oxaliplatine fait augmenter l’expression des gènes pro-inflammatoires, tout comme l’activation des cellules dendritiques, ce qui suggère un mécanisme inflammatoire partiel de l’oxaliplatine.

Pour conclure

Ce domaine en développement rapide de la recherche apporte une compréhension cruciale sur les causes environnementales des cancers, ouvrant la porte à de nouvelles stratégies de prévention ainsi que de nouveaux traitements.

Ce travail expose en outre l’importance d’un régime alimentaire sain, non seulement dans la prévention de la maladie, mais peut-être même pour son éradication. Enfin, il paraît utile d’explorer plus en profondeur les traitements microbiens, telle que la transplantation fécale dans un but thérapeutique.

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Sélection d’articles sur microbiote et cancer

Le microbiote intestinal pourrait-il contribuer à la détection précoce du cancer colorectal ? Document ‘Gut Microbiota WorldWatch’

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Selon le Fonds mondial de recherche contre le cancer (World Cancer Research Fund International – WCRF) le cancer colorectal occupe la troisième position des types de cancer les plus conmuns au monde. Les prévisions pour 2035 sont de 2,4 millions de cas de ce type de tumeur diagnostiqués annuellement de par le monde, notamment dans les pays développés. Le risque de développer ce genre de maladie est de 1 sur 20, soit de 5 % et il s’agit de l’une des trois principales causes de décès liés au cancer.

La plupart des cancers du côlon sont de nature sporadique, c’est à dire non héritées génétiquement. De ce fait, les facteurs de risque environnementaux et liés à l’hygiène de vie jouent un rôle majeur dans le développement du cancer colorectal. Et il est bien connu que plus tôt le cancer est détecté, meilleures sont les perspectives de guérison. À ce jour, la coloscopie demeure le test de référence pour le dépistage précoce, car elle offre la meilleure exploration complète de la surface interne du colon. En revanche, de par sa nature fort invasive, nombreux sont les patients qui se montrent réticents à s’y soumettre. 

Voilà que maintenant une équipe de chercheurs aurait découvert un nouvel outil de dépistage non invasif basé sur le microbiote intestinal des individus qui pourrait s’utiliser comme un complément à la coloscopie et autres tests de détection

« Plusieurs équipes de recherche, dont la nôtre, ont émis l’hypothèse que le microbiote intestinal, considéré comme un facteur environnemental clé pour notre santé, jouait un rôle dans le cancer de colon », a expliqué àu Centre d’Information sur le Microbiote Intestinal (Gut Microbiota Worldwatch) Julien Tap, un écologiste microbien et analyste de données du projet MetaGenoPolis, coauteur de l’étude parue dans Molecular System Biology. Au cours d’études précédentes, les scientifiques ont constaté que ces communautés bactériennes étaient liées à l’obésité, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et le cancer colorectal. Cette communauté bactérienne n’avait cependant pas été explorée en tant que méthode potentielle de dépistage pour diagnostiquer des tumeurs à un stade précoce.

Les chercheurs ont prélevé des échantillons de selles de 61 personnes en bonne santé, 53 patients atteints de cancer du colon ou rectal à un stade avancé et 42 personnes souffrant de polypes intestinaux précancéreux. Il est important de souligner que les échantillons ont été collectés des jours ou semaines avant que les patients ne subissent un nettoyage des intestins pour une coloscopie, car les scientifiques soupçonnaient que celle-ci pouvait altérer la composition du microbiote intestinal, voire provoquer des écarts dans les résultats des analyses du métagénome.

À l’aide du séquençage de l’ADN des selles et d’analyses bioinformatiques, ils ont caractérisé le microbiote intestinal à partir des échantillons de selles et ont découvert des caractéristiques différentes pour la population bactérienne de chaque groupe d’individus. Les scientifiques ont en outre prélevé des données sur l’indice de masse corporelle, l’âge et l’ethnie des sujets, trois facteurs connus pour leur influence sur le cancer colorectal.

Leurs découvertes ont révélé la multiplication, d’une part, et la diminution, de l’autre, de nombreuses populations de bactéries liées aux adénomes et aux carcinomes. « Une étude publiée en 2013 par Kostic et ses coéquipiers montrait comment Fusobacterium nucleatum amplifiait la tumorigenèse intestinale et modulait le microenvironnement immun aux tumeurs. Au cours de notre étude, nous avons découvert qu’en fait, certaines sous-espèces de Fusobacterium nucleatum étaient beaucoup plus nombreuses chez les patients atteints de cancer du côlon. Nous avons validé ces résultats en menant une étude indépendante sur une cohorte de 335 patients issus de différents pays », a déclaré Tap.

Le test du microbiote intestinal proposé vise à compléter les outils diagnostics existants, tels que le test de recherche de sang dans les selles (FOBT). Les chercheurs ont découvert que leur capacité de détecter la présence de lésions précancéreuses et cancéreuses s’améliorait lorsqu’ils combinaient les deux méthodes et tenaient compte des données démographiques des sujets.

« Si nous les utilisons ensemble [tests du métagénome et FOBT], la sensibilité augmente plus de 45 % par rapport au test FOBT actuel seul. L’analyse du métagénome apporte en fait des données différentes à celles fournies par le FOBT. Nous avons même démontré que l’analyse du métagénome peut s’avérer plus sensible pour une détection précoce du cancer du côlon que le FOBT. Il s’agit là d’un facteur essentiel, car le taux de survie des patients est plus élevé lorsque le cancer du côlon est traité à un stade initial », a souligné Tap.

Si ces résultats se confirmaient par l’étude d’une population plus nombreuse, ils pourraient conduire à de nouveaux tests de selles non invasifs très efficaces pour dépister le cancer du côlon, voire les lésions précancéreuses. « À l’avenir, nous pourrons même envisager le séquençage de notre ADN et de notre métagénome en nous servant d’une sorte de clé USB. Toutes les découvertes de nos recherches pourraient alors être appliquées aux services de routine des laboratoires locaux, et ce, au moindre cout », concluait Tap.

Bactéries intestinales, Cancer colorectal, Cancer du côlon, Microbiote intestinal, Microbiote intestinal

Source : http://www.gutmicrobiotawatch.org/fr/2015/02/24/le-microbiote-intestinal-pourrait-il-contribuer-a-la-detection-precoce-du-cancer-colorectal/

« Influence du microbiote intestinal sur le risque de cancer du sein »

Auteure :Adelaïde Robert-Géraudel

Auteurs et déclarations 02 octobre 2014

Little Rock, Etats-Unis – Chez les femmes ménopausées, le microbiote pourrait influencer le risque de cancer du sein en modulant la dégradation intestinale des oestrogènes. Des résultats américains publiés dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, montrent ainsi qu’un microbiote diversifié libère des métabolites à demi-vie plus courte et à activité oestrogénique réduite, en principes associés à un risque moindre [1].

« La composition et la diversité du microbiote intestinal est associée à un profil du métabolisme oestrogénique lui-même prédictif du risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées », écrit l’équipe du Dr Barbara J. Fuhrman (Université de l’Arkansas, Littel Rock, Etats-Unis).

Un profil de risque associé au catabolisme oestrogénique

Le catabolisme des oestrogènes circulants influencerait le risque de cancer du sein via les métabolites, dont une part est réabsorbée dans le tube digestif.

Les oestrogènes passent dans le sang sous une forme conjuguée, sulfates ou glucuronides. Ils peuvent alors être éliminés par les reins ou excrétés dans la bile.

Ceux qui sont excrétés dans la bile passent dans l’intestin distal, où ils peuvent être déconjugués par la flore puis réabsorbés par la muqueuse, pour in fine participer à un recyclage entérohépatique.

Selon la composition de cette flore, et son activité de déconjuguaison, cette réabsorbtion va donc se solder par la remise en circulation de métabolites qui n’ont pas tous la même demi-vie, ni la même activité oestrogénique.

Le risque tumoral diminue lorsque le rapport entre les métabolites issus d’une hydroxylation en C2 ou C4 et les oestrogènes circulants augmente, ou lorsque le catabolisme est orienté vers une hydroxylation en C2 plutôt qu’en C16.

 L’étude porte sur 60 femmes ménopausées, âgées de 55 à 69 ans, qui ne présentaient pas d’antécédent de cancer ou de maladie gastro-intestinale. Elles ne prenaient par ailleurs pas d’antibiotique, ni de THS.

Les rapports entre oestrogènes excrétés sous forme native et sous forme des différents métabolites, et les rapports de ces métabolites entre eux, ont été évalués dans des échantillons d’urine.

Quant au microbiote intestinal de ces femmes, il a été analysé dans des prélèvements fécaux.

On note que l’analyse s’est basée sur le polymorphisme du gène codant l’ARNr 16S et non sur des séquençages de génomes entiers, ce qui limite naturellement la représentation de la diversité bactérienne.

Quatre indices ont été utilisés pour chiffrer cette diversité : le nombre d’unités taxonomiques opérationnelles, l’indice de diversité de Shannon, l’indice de Simpson et la diversité phylogénétique.

L’un de ces quatre indices, la diversité phylogénétique, est apparu associé de manière statistiquement significative au rapport métabolites/œstrogène urinaire (p=0,004) ou au rapport métabolites de la voie d’hydroxylation 2/métabolites issus de la voie 16 (p=0,05). Ces deux variables augmentent avec les quintiles de diversité phylogénétique.

Un rapport [métabolites hydroxylés en 2 ou 4/oestrogène urinaire] élevé étant associé à un moindre risque de cancer du sein, ces résultats suggèrent que les femmes dont le microbiote est le plus diversifié – au moins en ce qui concerne le polymorphisme de l’ARNr16S – ont un profil de risque de cancer du sein plus favorable.

Des familles bactériennes plus protectrices que d’autres

En l’absence de tests fonctionnels, il est naturellement difficile de caractériser les espèces microbiennes en cause dans les différents profils du catabolisme oestrogénique.

Les auteurs signalent néanmoins que le rapport métabolites /œstrogènes urinaires est positivement associé à l’abondance relative des embranchements autres que Firmicutes et Bacteroidetes (p=0,04).

Ce rapport était également positivement associé à l’abondance d’espèces de la classe des Clostridia, de l’ordre des Clostridiales et de la famille des Ruminococcaceae, et négativement associé à l’abondance des espèces du genre Bacteroides.

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en rapport avec le sujet.

Référence :

1. Fuhrman BJ, Feigelson HS, Flores R et coll. Associations of the fecal microbiome with urinary estrogens and estrogen metabolites in postmenopausal women. J Clin Endocrinol Metab. 2014 Sep 11:jc20142222.

Liens

Citer cet article : Adélaïde Robert-Géraudel. Influence du microbiote intestinal sur le risque de cancer du sein. Medscape. 02 oct 2014.

Source : http://www.medscape.fr/voirarticle/3600981

« Cibler le microbiote intestinal pour lutter contre le cancer du côlon »

Document INSERM - 23 février 2015

La lutte anti-microbienne pourrait un jour profiter au combat contre le cancer du côlon. Une équipe Inserm a en effet réussi à ralentir la prolifération des cellules de tumeurs coliques chez des souris en bloquant l’action d’une toxine bactérienne intestinale.

Bloquer une toxine bactérienne pour lutter contre le cancer du côlon ? La prise en compte de la compositon du microbiote intestinal pourrait bien devenir une réalité dans la lutte contre ce cancer. Plusieurs travaux s’accordent en effet à dire que certaines des bactéries présentes au niveau du côlon pourraient en favoriser le développement. C’est par exemple le cas d’une souche particulière d’Escherichia coli qui produit une toxine appelée colibactine. Cette bacterie est présente dans les échantillons de tissus coliques de 50% à 60% des malades mais dans seulement 20% de ceux des sujets sains. ’Cette bactérie semble attirée par le microenvironnement inflammé de la tumeur. Une fois en contact avec les cellules de la tumeur, elle induit des dommages de leur ADN qui peuvent contribuer au cancer de deux façons : soit par l’accumulation de mutations, soit par l’induction d’une sénescence cellulaire. Si les cellules sénescentes ne se multiplient plus, elles sécrètent des facteurs de croissance qui favorisent la multiplication des cellules cancéreuses n’ayant pas subies l’action toxique de la bactérie’, explique Richard Bonnet , coauteur des travaux au CHU de Clermont-Ferrand (M2ISH, UMR 1071 Inserm Université d’Auvergne).


Des résultats plus que concluants

Ce faisceaux de données à conduit les scientifiques à rechercher un moyen pour bloquer l’action de la toxine bactérienne et en observer le résultat sur le développement de tumeur colique. Pour cela, les chercheurs ont procédé à des travaux de biologie structurale, visant caractériser une des enzymes impliquée dans la synthèse de la colibactine. Ils ont obtenu la structure cristalline de la toxine et cribler des banques de molécules à la recherche de ligands spécifiques, capables de bloquer son activité. Plus de 450 produits ont été sélectionnés et deux ont franchi toutes les étapes avec des résultats étonnants. Un de ces composants a permis de diminuer de 98% les dommages à l’ADN générés par les bactéries productrices de la toxine. Il a ralenti la prolifération de cellules cancéreuses et réduit par un facteur 3,5 le nombre de tumeurs coliques chez des souris hébergeant cette bactérie !

Mais attention, cette dernière n’est pas responsable de tous les maux : ’La bactérie semble incapable de déclencher à elle-seule un cancer chez la souris. Dans les modèles animaux actuellement utilisés en laboratoire, elle a besoin d’un environnement inflammatoire et d’autres processus mutagènes pour favoriser le développement des tumeurs’, insiste Richard Bonnet.


Encore beaucoup de travail

Selon lui, cette étude préclinique reposant sur l’utilisation de composés dont l’activité reste à optimiser ne constitue qu’une preuve de concept. ’Cependant, ces travaux renforcent l’idée qu’il est intéressant de prendre en compte de certaines bacteries composant le microbiote intestinal pour lutter contre le cancer colorectal’. L’équipe va à présent se rapprocher de l’industrie pharmaceutique pour élaborer de nouvelles molécules capable de bloquer l’action de la colibactine, potentiellement plus spécifiques et plus efficaces. En parallèle, elle va devoir élucider plusieurs points. ’Il faut évaluer dans des modèles précliniques l’effet potentiellement synergique de cette nouvelle approche avec les traitements actuels. Chez l’Homme, il faut essayer de quantifier le processus tumoral associé à la toxine, pour évaluer le bénéfice à attendre avec ce type de traitement. Il va notamment falloir stratifier les patients en fonction des bactéries intestinales présentes au contact de leurs tumeurs, pour savoir qui pourrait bénéficier d’une telle approche. Et ce travail devra s’accompagner de recherches sur le rôle possible d’autres bactéries. Nous constatons par exemple que la colibactine est parfois associée à d’autres toxines pour lesquelles il faut clarifier les risques cancérigènes possibles’, souligne-t-il. Autant dire que le chemin qu’il reste à parcourir est encore long !


Référence : A. Cougnoux et coll. Small-molecule inhibitors prevent the genotoxic and protumoural effects induced by colibactin-producing bacteria. Gut, édition en ligne avancée du 14 janvier 2015

Source : http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-recherche/cibler-le-microbiote-intestinal-pour-lutter-contre-le-cancer-du-colon

Information sur une manifestation scientifique

Colloque « Nutrition, microbiote, métabolisme et cancer », Paris, 15-16 octobre 2015 : appel à communications et prix du réseau NACRe

05/05/15.

Le réseau NACRe organise le colloque scientifique « Nutrition, microbiote, métabolisme et cancer », à Paris, les 15 et 16 octobre 2015. Dans ce cadre, un appel à communications orales et affichées est lancé. Date limite de soumission des résumés : 05/07/2015. Date limite d’inscription : 30/09/2015.

Le colloque proposera une vision intégrative du continuum nutrition-microbiote-métabolisme-cancer au travers de deux sessions « Prévention des cancers » et « Prise en charge/Thérapie des cancers ». Chaque session comportera une conférence invitée, des communications orales sélectionnées à partir de l’appel à communications et des posters. Pour la première fois, le prix du réseau NACRe sera remis aux meilleures communications orales et posters.

Organisateur : Réseau National Alimentation Cancer Recherche (réseau NACRe)

Comité scientifique : Il est composé de chercheurs, responsables ou correspondants d’équipes du réseau NACRe, représentant les différentes approches (épidémiologie, recherche expérimentale, recherche clinique, ou sciences humaines et sociales) :

  • Alice Carrier (NACRe 38)
  • Vanessa Cottet (NACRe 15)
  • Hélène Hoarau (NACRe 58)
  • Joël Ladner (NACRe 25)
  • Fabrice Pierre (NACRe 07)
  • Stéphane Servais (NACRe 02)
  • Mathilde Touvier (NACRe 01)
  • Marie-Paule Vasson (NACRe 33)
  • Paule Latino-Martel (coordination NACRe)
    Sessions et orateurs invités :
    Prévention des cancers : le Pr Nathalie Delzenne (UCL, Bruxelles)
    Prise en charge/Thérapie des cancers : le Pr Laurence Zitvogel (Inserm, Villejuif)

Public concerné : Membres du réseau NACRe, chercheurs, scientifiques, professionnels de santé, étudiants.

Dates et lieu :
Jeudi 15 octobre 2015, 9h30 – 18h00
Vendredi 16 octobre 2015, 9h30 – 13h00
Paris (salle communiquée prochainement sur la fiche évènement)

Appel à communications orales ou affichées : Résumé à soumettre avant le 05 juillet 2015 minuit.
Lien vers le formulaire de soumission des résumés

Inscription : Gratuite mais obligatoire, dans la limite des places disponibles.
Avant le 30 septembre 2015
Lien vers le formulaire d’inscription

Programme : Disponible à partir d’août 2015.

Partenaires : Consultations en cours (liste communiquée prochainement sur la fiche évènement)

Sur le site NACRe

Source http://www6.inra.fr/nacre/Actualites/Colloque-Nutrition-microbiote-metabolisme-et-cancer-2015-appel-a-communications

Traduction en français, sélection de documents d’information sur ‘microbiote et cancer’ et inclusion des liens hypertextes donnant accès à des informations détaillées

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.

Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, es professeure des écoles.

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIS Biologie Santé The Gut Microbiome and Cancer French version.4

Mis à jour le 31 juillet 2015.