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"L’Agriculture urbaine et périurbaine repensée pour l’aménagement dans les agglomérations : Partie 4 : Les fondamentaux combinant l’agriculture et l’urbanisme en France" par Jacques Hallard
mardi 21 juillet 2015, par
L’Agriculture urbaine et périurbaine repensée pour l’aménagement dans les agglomérations :
Partie 4 : Les fondamentaux combinant l’agriculture et l’urbanisme en France
Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM – Site ISIAS – 09 juillet 2014
Plan
1. Des préoccupations anciennes qui reviennent sur le devant de la scène : voir sur le site http://www.isias.lautre.net/spip.php?article375
2. Définitions et contenus de l’agriculture urbaine et périurbaine : voir sur le site http://www.isias.lautre.net/spip.php?article376
3. Un modèle d’agriculture verticale pour les mégapoles/mégalopoles ? : voir sur le site http://www.isias.lautre.net/spip.php?article373
4. Les fondamentaux combinant l’agriculture et l’urbanisme en France
Avant-propos
Ce travail est une compilation de documents sélectionnés, provenant de sources variées et pouvant servir aux élus, aux personnels des collectivités territoriales, aux étudiants en productions agricoles et alimentaires, ainsi qu’en aménagement des territoires, aux militants de la société civile et aux citoyennes et citoyens soucieux d’un ‘vivre ensemble’ acceptable et soutenable dans les zones urbaines et périurbaines des agglomérations. Des perspectives complémentaires sont finalement esquissées in fine.
4. Les fondamentaux combinant l’agriculture et l’urbanisme en France
L’essentiel du sujet de l’agriculture urbaine et périurbaine a été présenté de façon très complète, à la fin des années 1990, par André Fleury et Pierre Donadieu [École nationale supérieure du paysage, 4, rue Hardy, RP 819, 78009 Versailles cedex vers-ensp-apu@calvanet.calvacom.fr ; vers-ensp-nts@calvanet.calvacom.fr ] dans un long document paru dans le ‘Courrier de l’environnement n°31, août 1997, sous le titre suivant : {{}}‘De
l’agriculture périurbaine à l’agriculture urbaine.
Pierre Donadieu et André Fleury ont créé le programme de recherche ‘Agriculture urbaine’ à l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles. Les auteurs remercient Danielle Barrès (INRA-DPEnv.) et François Papy (INRA-SAD) pour leur aide à la mise au point du manuscrit. A la suite de leur sommaire, nous empruntons les quelques extraits introductifs suivants qui constituent de précieuses sources d’informations.
Sommaire de l’étude
Les caractéristiques de l’agriculture péri-urbaine
La nouvelle régulation urbaine des espaces ouverts péri-urbains
Éléments pour une politique de l’agriculture urbaine
En conclusion
Références bibliographiques
« L’agriculture périurbaine, au strict sens étymologique, est celle qui se trouve en périphérie de la ville, quelle que soit la nature de ses systèmes de production. Avec la ville, cette agriculture peut soit n’avoir que des rapports de mitoyenneté, soit entretenir des rapports fonctionnels réciproques. Dans ce dernier cas, elle devient urbaine et c’est ensemble qu’espaces cultivés et espaces bâtis participent au processus d’urbanisation et forment le territoire de la ville. Dans son mode ordinaire de croissance, la ville incorpore à son territoire les nouveaux habitats nés dans sa périphérie, sans que la nature de leur usage antérieur pose question ; cet usage est effacé, sauf à survivre dans la toponymie. Les seules limites à cette absorption proviennent d’une inconstructibilité manifeste ou de l’opposition à l’urbanisation d’un autre pouvoir régulateur ».
« En effet, des propriétés singulières font de certains lieux non construits des biens rares pour la société (terroirs spécifiques, biotopes d’intérêt écologique) ; ou bien des instances supérieures, en particulier l’État, peuvent intervenir au nom de principes, tel celui de la sécurité alimentaire, comme en Suisse, ou de la valeur patrimoniale et paysagère, comme en France, dans la plaine de Versailles. Les formes successives des villes au cours de leur croissance relèvent d’une interaction continue entre des forces socio-économiques et des forces politiques, souvent soucieuses de réorganiser l’espace urbain selon un autre projet social (Richmot et al., 1994) ».
« Avec le développement des transports, d’abord collectifs puis individuels, l’étalement urbain a pris une dimension telle qu’il a provoqué l’apparition de malaises sociaux inédits, qui font revendiquer l’amélioration de la qualité de vie. Le pouvoir urbain cherche maintenant à y remédier et veut notamment se servir des parties non construites de l’espace périurbain, qui sont souvent étendues dans les formes modernes de la croissance urbaine (villes nouvelles ou rurbanisation). Ces espaces se voient ainsi investis de missions nouvelles, surtout engendrées par la demande sociale de nature, et sont de ce fait engagés dans un processus original d’urbanisation sensu lato, sans pour autant être bâtis. Les proches forêts périurbaines ont déjà connu un tel changement d’identité quand elles sont devenues parcs urbains forestiers au cours du XIXe siècle : elles ont gardé leur physionomie, mais leur véritable production n’est plus du bois, mais des loisirs. Elles sont devenues urbaines. Peut-on imaginer que l’agriculture périurbaine actuelle suive cette même évolution ? »
« Le statut social de ces formations végétales dues à l’homme est bien différent, tant dans leurs représentations que dans leur fonctionnement et leurs objectifs de production. De plus, les agriculteurs constituent un groupe social original, investi d’une fonction essentiellement nourricière. Mais la question est posée, à la fois par des agriculteurs à la recherche de nouveaux profits, des citoyens qui découvrent des aménités nouvelles dans la proche campagne et des maires que le financement des espaces verts inventés par les aménageurs rend soucieux ».
« L’objet de cet article est d’examiner, d’une part, de quelle façon on en est venu à considérer que l’agriculture pouvait jouer un rôle dans la ville et, d’autre part, comment l’agriculture peut, sans perdre son identité sociale, associer ou substituer à sa fonction strictement agro-alimentaire de nouvelles missions
urbaines (1) ».
[R]
Les caractéristiques de l’agriculture périurbaine
« L’espace périurbain non bâti se compose de milieux très variés, naturels, forestiers ou agricoles. Son incorporation à la ville, qui signifie de fait un autre projet de territoire, ne se fait pas sans conflits, du fait de la multiplicité des points de vue. Ces conditions désorganisent les systèmes agricoles anciens, mais sont propices à l’émergence de nouveaux (Vaudois, 1994 ; 1995) ».
« En effet, le voisinage de la ville a représenté de longue date pour les agriculteurs des opportunités de marché, qu’ils saisissent en développant les productions attendues. Le fait d’habiter près de la ville leur permet de mieux percevoir les changements d’état d’esprit, et de ressentir la fragilité de leurs exploitations, ce qui les conduit à une plus grande vigilance ; ils peuvent donc mieux s’adapter (Bryant et Johnston, 1992). Les divers systèmes de production de l’espace périurbain
sont décrits en détails dans l’étude »
[R]
Éléments pour une politique de l’agriculture urbaine
« Ces réflexions ne prétendent pas soutenir que la réponse agricole suffit maintenant aux besoins qu’exprime la ville, mais qu’elle contribue à sa façon à répondre à la demande sociale de Nature. C’est l’état d’esprit de la Charte des espaces naturels périurbains adoptée au colloque de
Nîmes (11) (1995) ; elle propose une approche globale de l’ensemble des ressources vertes urbaines et périurbaines (espaces naturels, forêts, agriculture, sans oublier les espaces verts intérieurs à la ville), pour répondre à l’ensemble des besoins qui s’expriment ».
« On débouche ainsi sur le concept général de campagnes urbaines, c’est à dire de territoires de production agricole, voués en priorité à satisfaire les attentes urbaines, en particulier en matière de paysage, mais conservant leur autonomie économique, basée pour partie sur leur production agricole ».
« Un tel projet est en rupture avec l’application de deux autres principes traditionnels de l’aménagement :
- un principe paysagiste, qui élimine habituellement l’agriculture de l’espace urbain, quitte à en reproduire certaines formes, pittoresques ou symboliques, dans ses parcs ou ses cités ;
- un principe aménagiste qui fragmente l’espace urbain en autant de zones que de fonctions identifiées (production, récréation, éducation, etc.). La nouvelle règle d’or est alors la multifonctionnalité de l’espace ; plus exactement, le sous-produit paysage de l’aménagement agricole devient un coproduit, projeté en tant que tel, nanti d’une valeur réelle, et susceptible d’une rémunération spécifique. Face au doute exprimé sur la capacité de l’agriculture à garder les paysages (Marot, 1997), c’est un aménagement agri-urbain de l’espace de la ville qui va être proposé ».
Quelques initiatives remarquables
« On en voit naître un peu partout, avec une très grande diversité de forme, en réponse à des questions locales ; elles partent d’un point du vue radicalement nouveau sur l’agriculture et non d’une simple adaptation, elles constituent pour tous ceux qui les mettent en œuvre de véritables révolutions culturelles ».
Trois exemples particulièrement intéressants étaient décrits dans l’étude :
La politique grenobloise
Les inventions du Val-de-Marne
Un exemple de commande publique : la ceinture verte d’Ottawa
Il existe déjà plusieurs réalisations ayant intégré l’agriculture dans une nouvelle gestion de l’espace ; on peut citer, entre autres, deux projets, l’un anglais, l’autre italien.
Le projet Community forests en Grande-Bretagne
« C’est un projet qui concerne 500 000 ha, autour de douze villes moyennes anglaises… »
Le projet Città, Castelli, Ciliegi de Bologne
(Italie) (15)
« Face à la déprise croissante de l’agriculture dans les régions des collines bordant la plaine du Pô, avec les villes de Bologne et Modène… »
Les concepts de la participation de l’agriculture à la ville
« S’il est aisé de parler du marché des biens immatériels, Larrère (1996) fait remarquer qu’en fait, des besoins de telles biens ne peuvent pas être satisfaits sur un marché concurrentiel, mais que l’intervention d’une collectivité publique reste nécessaire. Pour être opératoire, cette intervention doit remplir plusieurs conditions ».
La pierre angulaire : un projet politique sur le long terme
« C’est la condition première… »
Une réglementation de l’usage du sol
« La sécurité foncière est l’élément fondamental d’une politique urbaine de l’agriculture, car celle-ci investit dans le long terme (équipements fixes, peu réutilisables par d’autres activités, et fertilité des terres)… »
La compensation du handicap naturel de la position périurbaine
« Les pouvoirs publics ont utilisé le soutien au revenu agricole pour combattre dans certaines régions la menace de dépopulation et de déprise ; c’est le cas de l’indemnité spéciale montagne qui se réfère aux handicaps de ce milieu physique… »
La structure du projet
« On peut, en première analyse, poser les principales bases d’organisation qui permettent aux espaces agricoles de satisfaire les besoins publics, et d’y susciter ainsi l’investissement public.
Ce sont :
- la délimitation claire de l’espace agricole sous influence urbaine ; elle est possible depuis que le concept d’agglomération a pris une valeur
opératoire (14) ;
- l’exercice de la tutelle publique qui doit prendre en compte la double production de l’espace agricole sous influence urbaine : le bien agricole, dont le marché n’est pas forcément spécifique, et sa qualité environnementale et paysagère. Il s’agit donc d’imaginer une sorte de cotutelle, bien éloignée de l’idée séparatrice du zonage. Le modèle du Parc Naturel Régional français en fournit une illustration ; l’agriculture est souvent l’activité économique principale, mais ils sont néanmoins sous la tutelle du ministère de l’Environnement ».
« Les services d’espaces verts d’agglomération pourraient d’ailleurs partager cette responsabilité avec les agriculteurs ;
- un projet nécessairement intercommunal construit autour d’un centre agricole, réunion des marges agricoles des différentes communes. C’est souvent un moyen de restituer au paysage sa forme naturelle, dans ses limites géomorphologiques : vallée, boucle d’un fleuve, coteau, plateau etc. ;
- enfin, puisqu’il s’agit de montrer l’espace rural à un public citadin qui ne le comprend plus par sa propre mémoire, il faut le mettre en scène pour en faire comprendre la cohérence fonctionnelle ; c’est le rôle d’un projet de paysage (DIPS Saclay, 1997 ; Donadieu et Fleury, 1996)… »
[R]
En conclusion
« L’agriculture périurbaine apparaît donc bien comme un partenaire obligé des pouvoirs publics, en raison des rapports nouveaux à construire entre la société urbaine et ses espaces de vie. Sa position oscille entre deux pôles. L’un est celui de l’agriculture confortée dans son métier traditionnel, et utilisatrice de toute la surface disponible :
- c’est une activité économique essentielle nécessaire à l’équilibre général d’un pays ;
- c’est un élément de la sécurité nationale ou régionale dans le domaine
alimentaire (16) ».
« Alors, tout doit être fait pour renforcer sa position économique, les mots-clés politiques étant l’abaissement des coûts de production ou la constitution d’espaces de stricte production, même proches des villes. La reconstruction de ces nouveaux territoires agricoles devra être négociée entre les différents
acteurs (17). A l’autre pôle, examiné dans cet article, existe l’agriculture urbaine, élément d’une nouvelle forme de la ville, en rappelant que « dire ce que sera le nouveau modèle de la ville... serait illusoire » (Dubois-Taine, 1997) ».
Dans ce cas, on en attend alors une amélioration de la vie citadine :
- par une meilleure qualité de l’environnement (protection de champs captant, de l’état de l’air, la gestion des déchets, etc...) ;
- par la diffusion de valeurs culturelles nouvelles (paysage, patrimoine, éducation) et de loisirs ;
- par une contribution sociale, notamment pour l’insertion (jardins familiaux, fermes d’accueil etc.) »
Alors, l’organisation spatiale de base n’est plus d’abord celle de l’agriculture, mais celle de la ville. Dans tous les cas de figures, les entreprises agricoles doivent être économiquement autonomes. C’est une exigence du monde actuel, ce qui pose fortement la question du marché des biens immatériels. Si les nouvelles activités agricoles (cueillette, pédagogie etc.) s’exercent sur un marché concurrentiel de forme classique, la collectivité doit se donner les moyens de l’organiser, et d’en gérer l’infrastructure, par la réglementation et la contractualisation. Les incertitudes liées aux politiques publiques posent directement la question de la garantie à long terme, avec deux points de vue :
- sur les espaces : le caractère ouvert doit être maintenu, en permettant la réversibilité des usages ; on ne peut revenir d’un usage urbain bâti à un usage agricole, car les coûts de revégétalisation sont énormes, et ne peuvent convenir qu’aux friches industrielles ou commerciales ;
- sur les systèmes agricoles : les agriculteurs ne doivent pas être piégés par des contraintes croissantes qui altéreraient la capacité de reproduction de leurs systèmes, ni par des fluctuations politiques.. ».
« Cette dernière question est, de nos jours, essentielle. Au Plan Vert de la région Île-de-France posant que les collectivités doivent suppléer l’agriculture si cette dernière disparaît de la ceinture verte, on a vu le département du Val-de-Marne répondre crûment qu’il n’en a pas les moyens, et qu’il préfère négocier avec l’agriculture. Les ressources publiques seront vraisemblablement de plus en plus limitées, et en même temps davantage consacrées à d’autres actions ; il faut nécessairement renouveler les approches ».
« Sans doute, des formes marchandes d’espaces verts peuvent se développer :
- formes strictement commerciales, comme les golfs ou les parcs de loisirs ;
- cofinancement par le biais de redevances commerciales ; les grands parcs de la lisière entre la ville et la campagne de la Randstad Holland, aux Pays-Bas, sont ainsi parsemés de commerces (restauration, articles de sport) ».
« Mais la campagne rurale offre une beaucoup plus grande richesse d’aménités par son étendue et sa diversité ; elle est en outre une création continuelle des hommes, qui l’habitent et y travaillent. Aussi, à l’instar de celle des monuments historiques, des parcs privés et de la forêt privée (en Île-de-France), l’ouverture contractuelle des espaces agricoles doit être envisagée. Les agriculteurs ont les idées et les moyens de contribuer à la gestion des espaces ouverts urbains. Mais une politique résolue, réunissant tous les acteurs, est indispensable, sans laquelle aucun projet ambitieux à l’échelle des territoires périurbains n’est réaliste : les projets de ville campagne opposent un urbanisme négligeant de prévoir les espaces verts à une agriculture réticente à s’ouvrir (Sénécal et al., 1994) ».
« Les conditions doivent en être encore répétées :
- une définition claire de la commande publique sur les espaces ;
- des garanties foncières aux agriculteurs ;
- une négociation de la place du public dans l’espace agricole, redéfini dans la cadre de projets urbains de paysage ».
« Par de telles prises de conscience, l’agriculture périurbaine devenue urbaine peut promettre, en accord avec les autres formes de l’espace, de nouveaux territoires agri-urbains métissés, campagnes urbaines ou villes campagnes ».

La totalité de cette étude de base, avec toutes les références et les notes d’accompagnement sont accessibles sur le site suivant : http://www7.inra.fr/dpenv/fleurc31.htm
(A suivre)
Auteur : Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 09 juillet 2014 Avec l’aide de Christiane Hallard-Lauffenburger, ancienne professeure des écoles
Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales
Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIAS L’Agriculture urbaine et périurbaine repensée pour l’aménagement dans les agglomérations Partie 4 : Les fondamentaux combinant l’agriculture et l’urbanisme en France.3
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