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"L’Agriculture urbaine et périurbaine repensée pour l’aménagement dans les agglomérations Partie 2 : Définitions et contenus de l’agriculture urbaine et périurbaine", par Jacques HALLARD

vendredi 17 juillet 2015, par Hallard Jacques

ISIAS Politique territoriale écologique Agriculture Urbanisme
L’Agriculture urbaine et périurbaine repensée pour l’aménagement dans les agglomérations
Partie 2 : Définitions et contenus de l’agriculture urbaine et périurbaine
Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM – Site ISIAS – 24 février 2014

Plan
1. Des préoccupations anciennes qui reviennent sur le devant de la scène : voir sur le site : http://www.isias.lautre.net/spip.php?article371
2. Définitions et contenus de l’agriculture urbaine et périurbaine

Avant-propos

Ce travail est une compilation de documents sélectionnés, provenant de sources variées et pouvant servir aux élus, aux personnels des collectivités territoriales, aux étudiants en productions agricoles et alimentaires, ainsi qu’en aménagement des territoires, aux militants de la société civile et aux citoyennes et citoyens soucieux d’un ‘vivre ensemble’ acceptable et soutenable dans les zones urbaines et périurbaines des agglomérations. Des perspectives complémentaires sont finalement esquissées in fine.

Définitions et contenus de l’agriculture urbaine et périurbaine

Pour être plus précis et pour approfondir toutes les nuances d’usages, ainsi que les applications et les initiatives qui peuvent être prises en matière d’agriculture dans les territoires urbains et périurbains, nous avons passé en revue quelques sources documentaires et définitions concernant l’agriculture urbaine et périurbaine, dont le rôle joué par ‘Terres en Villes’ en France, ainsi que les contributions empruntées à la FAO, et spécialement pour l’agriculture urbaine, nous nous sommes référés à l’étude particulièrement détaillée d’André Fleury et Pierre Donadieu. Nous avons introduit également l’article que lui consacre Wikipédia, ainsi qu’un article pertinent émanant du Laboratoire d’Urbanisme Agricole et qui traite en particulier des aspects sociaux et du maraîchage près des villes.

Une première tentative de définition est inspirée des propositions de ‘Terres en Villes’, le réseau français des acteurs locaux de l’agriculture périurbaine, qui précise que les termes d’une définition « souffrent de quelques ambiguïtés », du fait de leur grande diversité de nature et d’usage : l’agriculture périurbaine, une activité agricole en territoire périurbain, sous-entend aussi souvent un contre modèle d’activité proposé à l’encontre de l’agriculture productiviste dominante ; quant à l’agriculture urbaine, elle peut prendre différentes formes selon les auteurs : une agriculture du territoire urbain pouvant englober la proximité périurbaine et une approche plus urbanistique d’agriculture en projet avec l’organisation spatiale des cités.

Mais d’autre part aussi, dans de nombreux pays du Sud de la planète notamment, la notion fait référence à une agriculture métropolitaine de subsistance, tandis que dans beaucoup de villes du Nord, on entend par là une agriculture intra-urbaine ou périphérique, en général pratiquée sur de petites dimensions dans le cadre de jardins familiaux, en espaces collectifs ou partagés, où le jardinage peut être à la fois à usage alimentaire et à usage pédagogique et esthétique, avec un jardinage mixte laissant la place à une grande variété d’espèces cultivées à une petite échelle.

Pour l’organisation ‘Terres en Villes’, l’agriculture en question est une activité qui prend place dans une agglomération et dans une zone urbanisée [Voir le diaporama de Serge Bonnefoy, secrétaire technique du concept ‘Nourrir les villes’ publié le 13 décembre 2012 sous le titre suivant ‘Dynamisme des agricultures urbaines françaises’ à découvrir sur le site http://www.chaireunesco-adm.com/IMG/pdf/121213bonnefoy.pdf

Systèmes de production alimentaire : agriculture urbaine et périurbaine

– Introduction d’après L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (connue sous les sigles ONUAA ou, plus couramment, FAO soit en anglais Food and Agriculture Organization of the United Nations).

« Dans de nombreuses villes, dans les pays développés comme dans les pays en développement l’agriculture urbaine et périurbaine (AUP) présente un mélange complexe et divers d’activités intéressant la production alimentaire, y compris les pêches et les forêts. Ce type d’agriculture contribue à l’approvisionnement alimentaire (notamment par l’apport de produits frais), procure des emplois et des revenus, et peut améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition des citadins ».

« La FAO propose aux municipalités une assistance technique et des conseils en matière de programmes et politiques, mettant ainsi à leur disposition les connaissances et les capacités qu’elle a acquises dans le domaine de l’agriculture urbaine et périurbaine. Les questions clés sont les suivantes : implications de l’AUP sur la santé et la situation sanitaire ; modification de l’utilisation des terres résultant de l’empiétement des zones urbaines sur les zones agricoles ; interdépendances entre l’agriculture rurale et l’agriculture urbaine/périurbaine ; crédits et autres intrants nécessaires aux agriculteurs défavorisés en zones urbaines et périurbaines ; systèmes intégrés d’agriculture et d’élevage ; participation des femmes à l’AUP ; enfin, besoins de commercialisation et de distribution connexes ».

Bibliographie sélective


Définition de l’agriculture urbaine et périurbaine

Extrait de la publication ‘De l’agriculture périurbaine à l’agriculture urbaine par André Fleury et Pierre Donadieu, parue dans ‘Le Courrier de l’environnement n°31’, août 1997

« C’est une expression polysémique, dont les sens principaux sont les suivants :
1. Dans le langage des agronomes tropicaux, il s’agit de l’agriculture vivrière interstitielle qui utilise à des fins essentiellement d’autoconsommation (sauf quelques surplus vendus localement) les terrains délaissés à l’intérieur des villes, quelle que soit leur taille ;
2. Dans le même sens de production familiale, mais avec une signification psychosociale très différente, ce terme commence à être utilisé dans les pays développés pour désigner les jardins familiaux, en développement rapide actuellement ;
3. Le terme d’agriculture urbaine est également employé pour désigner les systèmes de culture des espaces verts urbains (L.M. Rivière, INRA Agronomie) ;
4. Enfin, les auteurs P. Donadieu et A. Fleury l’emploient pour les systèmes agricoles des périphéries urbaines orientés vers les nouveaux besoins urbains ».

Source : http://www7.inra.fr/dpenv/fleurc31.htm

Nous empruntons également les éléments suivants qui sont extraits de l’article que Wikipédia consacre à l’agriculture urbaine :

« Lagriculture urbaine est une forme émergente de pratiques agricoles en ville, généralement en parcelles partagées, ou en jardins individuels et/ou collectifs. L’agriculture urbaine recouvre différents types de production d’intérêt économique local, de plantes, de champignons (comme les champignons de Paris) ou d’animaux sur le territoire urbain ou sur les espaces le jouxtant (péri-urbains). Le concept relevant encore de la prospective mais fait l’objet d’études, voire de projets à moyen terme comme celui de l’Agriculture verticale. Espaces cultivés et espaces bâtis se mélangent et participent ensemble au processus d’urbanisation. Cette agriculture urbaine participe également à l’enrichissement en biodiversités de la ville ».

« L’agriculture urbaine et périurbaine est une des solutions proposées et recommandées par l’ONU et la FAO2 pour faire face aux besoins de sécurité alimentaire3 aux défis de l’urbanisation et de la périurbanisation, notamment dans les villes des pays dits pauvres. En effet, selon la FAO, l’agriculture urbaine et périurbaine est déjà utilisée par environ 700 millions de citadins (une personne sur quatre environ dans le monde), et si la tendance se poursuit, en 2030, la presque totalité de la croissance de la population se fera dans les villes des pays émergents et environ 60 % des habitants de ces pays seront des urbains3. Certains éco-quartiers ont intégré une ferme urbaine dans leur périmètre (exemple : E.V.A. Lanxmeer, éco-quartier d’environ 250 maisons et bureaux aux Pays-Bas). Des architectes, urbanistes et prospectivistes ont aussi imaginé des projets d’agriculture verticale (dans de grandes tours de plusieurs dizaines d’étages), parfois avec une perspective de relative autonomie alimentaire. Souvent l’éco-quartier cherche à mettre en place un dispositif de type AMAP à proximité’.

Sommaire

Les types de production

Les grands objectifs

Ils sont de deux grands types :

  • économiques et alimentaires directs, éventuellement de survie dans les pays les plus pauvres ; cette agriculture constitue par ailleurs parfois un des moyens de résolution de problèmes posés par la gestion de certains déchets urbains (biodégradables ou susceptibles de nourrir des animaux) ;
  • outre, une vente directe intéressante pour l’agriculteur et le citadin, les fonctions sociales ou pédagogiques sont valorisées dans les pays dits développés. Il existe ainsi des fermes pédagogiques ou faisant travailler des handicapés ; l’objectif de production y existe, mais est secondaire. Certains parcs urbains (ex. : en France, le Parc de la Deûle au sud de la communauté urbaine de Lille) intègrent une agriculture de proximité, avec l’idée de coupure verte, de parc de campagne5 ou de pause urbaine6.

Les avantages

  • Une agriculture urbaine et de proximité permet des boucles en « cycle court », diminuant les coûts, les émissions de CO2 et le besoin en énergie et en carbone fossile.
  • Autoproduction pour une partie des besoins (en fruits et légumes par exemple).
  • Recyclage rapide de certains déchets organiques (en veillant à limiter et suivre les risques de pollution).
  • Outil (parmi d’autres) de protection du foncier face au front d’urbanistion7, de maintien de coupures « vertes »8 contre l’urbanisation totale et la périurbanisation…
  • Lien de rencontre ville-campagne, rural-citadin9,10.
  • Limite en outre l’appel aux chaînes de transport et de conservation coûteuses en engins, machines et carburants, en rendant les populations plus autonomes.

Les inconvénients et les difficultés

  • La présence de certains animaux est source de bruit (chant du coq, meuglement, bêlements, aboiements, etc.).
  • Certains végétaux peuvent également constituer des vecteurs de nuisances : pollinisation allergisante, ...
    Les principales contraintes et difficultés sont :
  • le coût du foncier et le manque de foncier disponible ;
  • la pression de l’urbanisation, et de la périurbanisation ;
  • la dégradation (dérangement, artificialisation, sur-fréquentation, pollution) que la ville peut occasionner aux milieux fragiles qu’elle jouxte ou entoure (sols, zones humides utilisées pour le maraîchage et hortillonnages, agrosylviculture, forêts de protection, forêts urbaines11 ;
  • les pollutions qui affectent souvent les sols urbains et périurbains encore disponibles pour l’agriculture urbaine ;
  • l’accès à l’eau (souvent déjà rationnée dans les zones arides) et soleil (ombrage des bâtiments) ;
  • les risques sanitaires induits par l’usage de boues d’épuration ou urines et excréments mal compostés ou non sécurisés du point de vue sanitaire ;
  • certains risques liés aux élevages semi-industiels (ex. : grippe aviaire ou autres zoonoses, mauvaise gestion des déchets, etc.) ;
  • l’impact de la délinquance (vol, branches de fruitiers cassées, etc.) est généralement plus important en zone urbaine, et pose des problèmes particuliers de responsabilités, gestion et surveillance ;
  • le contexte urbain ne favorise pas la mécanisation agricole, dont l’absence relative peut toutefois être compensée par un moindre besoin de stockage, de transport, etc. Ceci explique que le maraîchage est bien plus courant en contexte urbain que la céréaliculture ou le gros élevage.

Le financement

Selon les contextes, des aides des collectivités, de banques solidaires, ou de type Tiers-investisseur existent ou sont théoriquement possibles (notamment via des systèmes de type jardins partagés, jardins ouvriers, jardins familiaux, etc.). Parfois, c’est un groupe de citoyens motivés qui cherche à mettre en place une zone d’agriculture urbaine ou périurbaine pour répondre à ses besoins.

Extrais de l’article de Wikipédia dont l’ensemble avec les références est accessible sur le site : http://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_urbaine

L’agriculture maraîchère périurbaine : état des lieux. Publication du Laboratoire d’Urbanisme Agricole (LUA) de Paris (non daté).

Introduction à l’étude enregistrée sous le vocable ‘L’Idée’

« Sortir l’agriculture des campagnes, produire des fruits et légumes dans des tours : le bouleversement est de taille, à l’image des fantasmes et des cauchemars qu’il alimente, rêves de ville verte et d’autonomie alimentaire ou visions apocalyptiques d’une alimentation poussée en laboratoire pour rassasier une démographie dévorante. Mais passées la (longue) liste des bienfaits d’un maraîchage urbain et celle, moins évidente, de ses limites, il n’existe à ce jour que très peu de références ».

« D’un point de vue théorique, quelques images futuristes de projets définis ex nihilo qui gravitent autour du prototype gigantesque de Dickson Despommier1. Plus concrètement, au Canada et aux Etats-Unis, on voit émerger de petits projets de serres horticoles sur les toits d’anciennes usines. Reste donc à s’interroger sur la problématique de l’architecte, à savoir la capacité d’intégration de la ferme dans la ville. Car la ferme urbaine propose bien une solution d’agriculture urbaine intensive. Son enjeu dépasse les pratiques individuelles ou collectives des jardins potagers qui, lorsqu’on leur trouve un tant soit peu de place, font l’unanimité. Ainsi nous ne proposons pas le scénario idéal d’une nouvelle ville – à l’image du Plan voisin de Le Corbusier –, mais interrogeons, à travers l’étude des cas, les limites de compatibilité entre les besoins techniques de l’agriculture intensive et le patrimoine culturel de nos cités ».

Un projet pluridisciplinaire

« L’expérience du Laboratoire d’Urbanisme Agricole est un travail collectif pluridisciplinaire mettant en œuvre une analyse ouverte. Pour estimer les limites de compatibilité entre culture intensive et environnement urbain, il faudra interroger différentes disciplines :

  • Sur les choix d’espèces, leurs méthodes de culture, la productivité et la qualité des produits : l’agriculture et l’agronomie.
  • Sur la santé et les échanges énergétiques avec la ville : l’ingénierie environnementale.
  • Sur le devenir d’un métier en péril et les perspectives de le dynamiser dans un contexte urbain : la sociologie, l’économie et le monde paysan.
  • Sur la réduction des transports, les méthodes de distribution : l’économie et la stratégie de l’aménagement.
  • Sur l’évolution à long terme des concepts de verticalité et de proximité, d’esthétique de la ville, de traçabilité dans l’alimentation et de goût : la philosophie.
  • Sur la question du foncier, de la fabrication des zones urbaines et périurbaine, des atouts de la mixité, de l’image industrielle en ville : l’urbanisme et la démographie ».

    L’agriculture maraîchère périurbaine : état des lieux

« L’agriculture maraîchère est en pleine mutation. Les modes de production agricoles évoluent de jour en jour, le nombre des producteurs et la diversité des produits s’amenuisent, les métiers et les relations entre producteurs et consommateurs se standardisent. Aux alentours des grandes villes – à commencer par l’Île-de-France –, les exploitants maraîchers, qui ne peuvent pas toujours faire face aux chaînes de distribution, sont saturés par la demande. Côté consommateurs, les pistes semblent brouillées, entre un désir grandissant mais souvent très théorique de « retour à la nature » et une méconnaissance générale des modes de production agricoles ».

Un demi-siècle de mutations

« Au cours du XXe siècle, les « ceintures vertes », ces anneaux concentriques d’abord maraîchers puis dédiés aux produits laitiers, au bétail et enfin aux céréales, et qui alimentaient les grandes villes selon une logique de primeur et d’échanges, ont été amadouées par l’étalement urbain. Leur logique est désormais supplantée par le développement des transports frigorifiques et par l’internationalisation des marchés alimentaires portés par des structures industrielles d’approvisionnement.
Ces dernières obligent les producteurs, s’ils veulent exister sur le marché, à produire des quantités considérables et à répondre à des critères finalement peu qualitatifs (logistiques, visuels, de calibrage…) »

Hors-sol et grand public

« Pour répondre à la demande et aux critères sélectifs des grandes enseignes commerciales, un nouveau type de production maraîchère voit le jour, la ferme hors-sol. Les plants y sont cultivés toute l’année, sans interruption, dans des bacs de terre ou de substrat alimentés d’engrais. Or, cette technique est, sinon occultée, en tout cas ignorée du grand public : elle contrarie même grandement la tendance actuelle, celle d’un désir de produits « naturels » et de travail « à l’ancienne », illustré notamment par le succès du bio. Difficile en effet d’être séduit, comme dans le cas du clonage ou des OGM, par la disparition de la terre nourricière. Reste que 95 % de la production française de tomate fraîche et une part croissante des fruits et légumes est réalisée en hors-sol. Et si ce mode de culture représente d’abord une avancée considérable en terme de productivité – ceci systématiquement au détriment de la qualité –, rien ne prouve qu’il ne puisse un jour reproduire les innombrables apports de la terre naturelle ».

« Malgré tout, plus efficace, plus rentable, ce système se présente comme logiquement adapté pour répondre à la demande croissante. Va-t-il pour autant se généraliser à l’ensemble de l’agriculture maraîchère, comme c’est le cas pour la tomate, ou se voir proscrit au nom d’une éthique de l’agriculture ? Quoi qu’il en soit, tant qu’elle est adoptée, cette technique ne doit pas être occultée ».


Philosophie du changement

« Au fur et à mesure de la croissance urbaine et de l’emprise de la ville sur le territoire agricole se pose la question d’une pratique maraîchère urbaine, et l’invention d’une architecture qui lui donnerait le jour. Comment l’architecte peut-il s’emparer d’un sujet aussi vaste que l’agriculture maraîchère et le conduire à l’état de projet contextuel plutôt qu’à un simple système ? Comment œuvrer en relevant simultanément le défi d’une invention technique soumise aux lois de la nature et celui d’une insertion urbaine contribuant à enrichir la cité sans la défigurer ? Introduire l’agriculture en ville est une entreprise qui semble ardue tant les échelles en jeu sont importantes. Il ne peut être question de remplacer une agriculture à la campagne par une agriculture en ville mais bien de repenser la pratique urbaine et périurbaine existante ».

Développement durable et amalgames

« Ce projet qui consiste à repenser l’agriculture urbaine pour la projeter au cœur de la ville ne peut échapper à la notion de développement durable. Développement durable : l’entreprise est aussi large que tentaculaire, qui vise à faire appliquer de nouveaux objectifs dans tous les champs de la consommation. Emballée dans un tourbillon d’informations – souvent sans recul ni hiérarchie –, elle a provoqué, en un minimum de temps, un bouleversement sinon des comportements, en tout cas des idéologies. Aujourd’hui, les citadins sont fortement appelés à penser l’écologie de façon globale. Les messages affluent de toutes parts. Il y a les films et les reportages, les articles de presse, l’actualité, la publicité. Il y a aussi l’étiquetage qui évalue désormais les performances énergétiques des grands produits de consommation et des bâtiments.

La notion d’empreinte écologique devient prépondérante en milieu urbain »

« Et en matière d’action politique et urbaine, ces idéologies durables gravitent quasi exclusivement autour des questions environnementales et écologiques. De ce point de vue, les fermes urbaines présentent nombre d’intérêts. Équipement de proximité, la ferme verticale renforce le fonctionnement local et réduit considérablement les transports. Question pollution toujours, l’absence de pesticides et les multiples cycles d’échange et de recyclage avec la ville en font un modèle d’impact environnemental positif. Ces atouts justifient-ils à eux seuls l’implantation d’exploitations agricoles en plein cœur des quartiers ? Pour gagner les faveurs des riverains, ces fermes d’un nouveau genre devront-elles justifier d’une production bio ou de méthode de production à l’ancienne, comme le dictent la tendance actuelle… et le marketing ? Quels critères doit-on retenir en priorité pour s’inscrire à la fois dans une démarche de développement durable et promouvoir l’idée de progrès en agriculture ? »

« D’un coté, le développement durable, qui cible l’environnemental, dérive vers un horizon d’exigences extrêmes, vers un règne du « tout-vert ». De l’autre, la notion de progrès agricole, qui vise à nourrir les populations, dérive vers un « quantitativisme » qui consiste à moderniser l’économie agricole sur la base d’exploitations toujours plus grandes et standardisées. Si la tendance écologique actuelle consiste en une entreprise contrôlée de réduction – d’émissions de CO2, de consommation et de déperdition énergétiques, de distances parcourues –, l’art de l’agriculture veut rester une entreprise exaltante de création de formes diverses et infinies de fruits et légumes ».

« Par ailleurs, l’agriculture intensive de la seconde moitié du XXe siècle, qui a abouti à la dévastation des sols et à une standardisation dramatique, a, à ce prix, entraîné une grande abondance et permis à la population d’accéder à une large gamme de produits frais en toute saison. Cette abondance est-elle devenue un caprice auquel il faut renoncer ? Et à quelle nature de sacrifices pouvons-nous consentir lorsqu’il s’agit de nourrir les populations ? De son côté, le marketing publicitaire au service des grandes enseignes agro-alimentaires contourne la question de la pollution en prônant des valeurs quasi ancestrales. Les produits industriels vantés à travers l’imagerie commerciale y sont cultivés, préparés, fabriqués « à l’ancienne », de façon traditionnelle, par Marcel Pagnol en personne. Ainsi, l’amalgame « écologie-développement durable » est encore nourri par un modèle fantasmé du temps jadis, une soi-disant « vraie vie » portée comme le dernier espoir d’affronter l’avenir sans détruire notre terre nourricière ».

« Pourtant, les alternatives à l’agriculture intensive ne sont pas à chercher uniquement dans ce modèle théorique d’agriculture vivrière domestique, mais bien en envisageant une évolution de l’agriculture intensive. Nous voulons donc avant tout lever le voile sur l’amalgame entre une philosophie écologique vulgarisée, simplement anti-énergivore, une tendance passéiste prônant les valeurs d’antan, et la recherche d’un équilibre durable avec tous ses enjeux démographiques, sociaux et culturels. Ainsi seulement sera-t-il possible d’envisager l’intérêt d’une agriculture maraichère urbaine ».


Les joies de la diversité

« C’est précisément la notion de diversité, essence-même de l’agriculture, et les moyens de la garantir le plus justement possible, qui caractérisent nos recherches. La question de la diversité en matière d’agriculture ne concerne pas seulement la variation des espèces mais également la qualité des productions, la multiplicité des exploitations et des acteurs et enfin, et surtout, les rendements des différents modes de production. Qui peut affirmer aujourd’hui savoir comment nourrir la population urbaine avec une production variée, entièrement cultivée en terre, sans pesticides, respectant les saisons, cueillie à maturation, renonçant au stockage frigorifique et, enfin, locale ? Le paysage démographique s’annonce comme un rouleau compresseur, il faudra continuer à produire beaucoup, et vite ! Certes, la philosophie anticonsumériste et toute idéologie portant vertueusement le message d’une consommation juste suffisante apportent leur eau au moulin. Mais, cette contribution n’est pas socialement tout à fait suffisante si celui qui entend consommer moins entend consommer bon et diversifié. «  Mangez 5 fruits et légumes par jour !  » nous ordonne notre téléviseur. Voilà ce qu’il nous faut pour rester en bonne santé selon le ministère concerné.

Est-on capable en France de distribuer 300 millions de fruits et légumes par jour sans faire appel aux exploitations d’Almeria [en Andalousie espagnole] (quasiment 200.000 tonnes de tomates, concombres et fraises importées en 2008 et produites dans des conditions désastreuses) et aux productions hollandaises sous serres chauffées, sans procéder à une surenchère de traitements chimiques, sans dévaster les sols ? »

« Les seuls produits de saison pourraient-ils subvenir à nos «  besoins  » ? Si non, doit-on se résigner à se nourrir autrement qu’à partir de produits frais ? Il est toujours difficilement concevable de renoncer aux acquis, surtout lorsqu’ils sont ancrés dans nos habitudes culturelles. Renoncer au riz parce qu’il vient d’Asie, à la banane parce qu’elle pousse aux Antilles, aux fraises et aux tomates d’octobre à juin parce que ce n’est pas la saison, etc… : la perspective n’est pas aisément gérable ».

« L’agriculture moderne doit en effet aborder la question de son avenir et de sa diversité à travers une large gamme de réponses aux innombrables contraintes humaines, techniques et écologiques qui sont la plupart du temps difficilement compatibles, tout en assurant un rendement suffisant pour nourrir tout le monde. Comment peut-on imaginer un système de compensation visant un équilibre général ? Comment un atout social peut-il compenser un déficit énergétique, etc… ? » 

« Nos différents travaux cherchent à réconcilier le citadin avec un comportement maîtrisé, volontaire et ancré dans une réflexion autant sociale qu’environnementale. Il s’agit ici de ‘dédiaboliser’ la notion de modernité en agriculture et de garantir la productivité sans pour autant la considérer comme modèle unique. Les pensées radicales sont peu promptes à garantir la justice en matière d’alimentation. Si une nouvelle pratique agricole urbaine voit le jour, elle doit poursuivre des objectifs multiples. C’est pourquoi, en imaginant des fermes en ville, on cherchera à proposer de nouveaux avantages ».

Le frais, le vivant : éloge de la proximité

« Si l’introduction de l’agriculture en ville ne garantit pas forcément un progrès en terme de qualité gustative, sa proximité assure la fraicheur et la maturation comme les conditions sine qua non de la qualité nutritionnelle. Les fruits et légumes vendus sur le marché de la grande distribution sont pour la plupart cueillis verts et modifiés pour résister aux transports. Une fois cueillie, la plupart cesse de mûrir et de produire leurs substances nutritives et énergétiques. Leur réfrigération freine encore leur développement et après 2 à 3 jours, ils ont perdu l’essentiel de leurs richesses.

Cette perte de substances vitales, premier critère de choix avant le goût et l’aspect dans la culture anglo-saxonne, rappelle à quel point les produits de primeur sont fragiles et peu adaptés aux transports. Car il s’agit bien de consommer du vivant ! Et, à leur tour, de plus en plus de consommateurs français recherchent les valeurs énergétiques des produits, leurs vitamines. Avec une production en ville, ces substances vitales sont plus facilement accessibles à tous. On peut envisager de distribuer facilement le frais de manière équitable ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ».

Variété des échelles, diversité des acteurs

« En imaginant des scénarios d’insertion variés, les projets de fermes urbaines s’attachent à imaginer une multitude d’échelles d’exploitations. Les plus petites d’entre elles pourront être développées et multipliées pour recréer un lien direct entre le producteur et le consommateur. Que ce soit sous forme d’entreprise individuelle ou de coopérative, l’agriculteur urbain exerce en plus de son métier le rôle d’interlocuteur ».

« Confronté directement à sa clientèle locale, il devrait être responsable de sa production et exprimer ses choix. Il devient l’auteur d’un rapport qualité prix sans se soumettre à la standardisation. L’un produira de l’ordinaire à bas prix, l’autre une meilleur qualité mais moins abondante. L’un cultivera sur sac de terre ou en potager, l’autre sur substrat, l’un des qualités anciennes, l’autre de nouveaux hybrides. Tous dans une concurrence soumise à l’intérêt et la connaissance des consommateurs »

« Cet intérêt réciproque entre client et producteur crée des échanges multiples qui engendrent du lien social. Cette diversité d’acteurs réintroduit les principes de variété et de transmission qui ont été balayés par la grande distribution. Aussi, l’agriculture urbaine envisagée dans ces conditions est à même d’alimenter un pôle de compétitivité où chaque acteur profite de la scène urbaine ».

Le choix du consommateur

« La diversité des acteurs et la multiplication des exploitations enrichissent de fait le choix des citadins. La production des fermes urbaines est envisagée comme un projet de substitution progressif à la distribution actuelle, une alternative ou une évolution. À l’instar des AMAP, ces nouveaux établissements proposent une production locale et une alternative aux produits importés et conditionnés pour le transport. Enfin, leur simple présence incitera une pratique domestique qui, même si elle est limitée par le terrain urbain, continuera d’enrichir la diversité agricole ».


Conclusion

« L’implantation des fermes en ville se traduit à des échelles très différentes et introduit de fait une diversité qui n’existait quasiment pas jusqu’alors dans les zones périurbaines et à la campagne. Nos études montrent dans quelles proportions cette forme d’agriculture peut compléter la production rurale et, peut-être, contribuer à l’amélioration de la qualité des productions en général. Si la démarche HQE (haute qualité environnementale) propose à travers 14 cibles des grilles d’optimisation environnementale, il faudra ici y ajouter les cibles HQH (haute qualité humaine) ».

« Car la ville est avant toute chose un environnement humain dont le fonctionnement et la richesse reposent sur la qualité des liens et la multiplicité des appartenances sociales. La ferme urbaine n’a de véritable légitimité que si elle représente une entité sociale, à l’échelle du petit exploitant, de la coopérative ou de la société, et s’inscrivant dans un échange direct et local avec la population. Ainsi pourra-t-on envisager de retrouver une dynamique comparable à l’organisation des « ceintures vertes », dépasser les simples logiques marchandes et redéfinir le rôle de l’agriculteur ».

Si le progrès agricole a consisté en son temps à libérer une proportion de la population des tâches agricoles pour les orienter vers l’industrie et les services ou encore à alléger les efforts physiques par la mécanisation et la chimie, le projet des fermes urbaines cherche, à son tour, à promouvoir le métier d’agriculteur tout en lui restituant ses responsabilités, tant dans ses choix de production que dans son rôle de transmission d’un savoir-faire. Nos études ont pour objectif de privilégier les déplacements des personnes sur le transport des marchandises. Enfin, le présage d’une agriculture sur le territoire urbain laisse imaginer un nouveau paysage abondant, capable de satisfaire notre besoin social de nature ».

Source : http://www.lua-paris.com/fr/les-idees/introduction

(A suivre).

Auteur : Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 24 février 2014 Avec l’aide de Christiane Hallard-Lauffenburger, ancienne professeure des écoles

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