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"L’économie circulaire à la mode à Davos" par le Dr Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 11 mars 2013, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS Economie
L’économie circulaire à la mode à Davos
Circular Economy at Davos
L’économie circulaire est entrée dans le monde des affaires comme une réponse à la crise économique mondiale, mais sauvera-t-elle vraiment le monde ? Dr Mae-Wan Ho

Rapport de l’ISIS en date du 04/03/2013
L’article original en anglais s’intitule ‘Circular Economy at Davos’ et il est accessible sur le site http://www.i-sis.org.uk/Circular_Economy_at_Davos.php
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En tant que fervent défenseur de l’économie circulaire fondée sur la thermodynamique circulaire des organismes vivants et des systèmes durables développés dans les éditions successives de mon livre [1] ( The Rainbow and the Worm, The Physics of organismes , ISIS publication), je suis ravie que l’idée semble entrer dans le courant de pensée dominant.

Ca s’est passé au Forum de Davos en 2013

Davos est une station de ski située dans les Alpes suisses et qui héberge le Forum économique mondial annuel pour les élites politiques et économiques, et son nom est devenu synonyme du forum lui-même. Avec l’économie mondiale qui en est encore à se remettre de la crise de 2007-2008 et la menace du pire à venir, l’idée de l’économie circulaire a attiré une attention considérable comme une ligne de vie potentielle pour les entreprises pour se sortir du marasme et pour apporter plus de croissance dont nous avons besoin pour la prospérité et pour les emplois.
La Fondation Ellen MacArthur [2], mise en place en 2010 par la navigatrice championne du monde, devient championne du monde de l’économie circulaire : elle a préparé un rapport [3] avec l’aide du cabinet de consultants McKinsey (gestion a niveau mondial) pour mettre l’économie circulaire à l’ordre du jour de Davos en 2013. En termes simples, l’économie circulaire est sur le point d’éliminer le gaspillage et le déplacement des modes de commercialisation, des produits aux services, vers de la consommation collaborative ; et dans ce processus, des centaines de milliards peuvent être sauvegardés et rajoutés en plus aux bénéfices.
Le timing est parfait. Au-delà de la crise économique mondiale et bien évidemment en rapport avec elle, le modèle linéaire basé sur la consommation effrénée et les déchets qui a dominé le monde au cours des 150 dernières années est en passe de devenir obsolète. Non seulement les matières premières sont en train de devenir rares et chères sur les marchés qui sont de plus en plus volatils, les ressources essentielles au maintien des êtres vivants telles que l’eau fraîche et non polluée pour boire et les sols fertiles pour les cultures vivrières, sont également en train d’être épuisées plus vite qu’elles ne peuvent être renouvelées. Le changement climatique est généralement prévu comme allant aggraver les choses partout, comme des tempêtes violentes et des conditions météorologiques extrêmes qui deviennent plus fréquentes.
Une économie circulaire qui réutilise et qui recycle, réduit la consommation des matières premières vierges et épargne des ressources ; elle réduit également les coûts et permet de se tenir à l’écart de la volatilité des marchés des matières premières. Elle peut réduire la consommation d’énergie et les émissions de carbone ; elle évite les pollutions de l’environnement et, en même temps, elle crée de nouveaux emplois et encourage les innovations dans la conception, dans la gestion et dans les applications technologiques.
Les milieux d’affaires et les entreprises y gagnent, parce que l’économie circulaire se construit en « résilience dynamique » face à la volatilité du marché ; elle réduit les coûts et augmente les bénéfices. L’environnement y gagne, car il a le temps de régénérer les ressources renouvelables et souffre beaucoup moins des pollutions. Parce que l’utilisation de matières premières vierges diminue, les procédés d’extraction minière et autres, qui détruisent les écosystèmes naturels, se réduisent en conséquence.
Dans l’agriculture, le recyclage des déchets (y compris les eaux usées) pour produire de l’énergie et pour régénérer les nutriments grâce à la digestion anaérobie, réduit le ruissellement qui entraîne la prolifération d’algues et des zones mortes dans les écosystèmes aquatiques, tandis que la terre reste fertile et plus productive.
Ce sont aussi de grandes victoires pour les socétés parce que davantage d’emplois sont créés dans le recyclage, avec de nouvelles entreprises qui sont créées et de nouvelles richesses produites à partir des innovations et des solutions imaginatives qui consistent à fermer les cycles ou boucles, de la production à la reproduction, à partir du concept « du berceau au berceau ».
Ce n’est pas seulement une liste de souhaits théorique. L’économie circulaire est déjà une réalité dans notre monde actuel.

Des économies de 700 milliards de dollars dans les matériaux des biens de consommation

McKinsey estime que le potentiel de l’économie circulaire peut s’élever à 700 milliards de dollars du fait de l’épargne des matériaux qui sont destinés aux biens de consommation courante - la nourriture, les boissons, le textile et l’emballage – ce qui représente en valeur 80% du marché total des biens de consommation. Cela représente également une proportion de 1,1% du PIB mondial, en 2010, soit environ 20% des coûts de matières entrantes. Les épargnes réalisées à partr de l’économie circulaire existent tout au long de la chaîne de valeur : de la fabrication, à la distribution et à la consommation, et en particulier les déchets de transformation des aliments.
Les municipalités et les investisseurs pourraient générer un revenu de 1,5 milliard de dollars annuellement par la collecte des déchets alimentaires des ménages dans le Royaume-Uni et par leur traitement par digestion anaérobie, pour produire du biogaz et pour restituer les éléments nutritifs en retour dans les sols cultivés. Si tous les pays de l’Union Européenne procédaient, comme en Italie, à des taux élevés dans la collecte séparée des déchets ménagers alimentaires, pour les utiliser comme intrants en vue de la production de biogaz et de compost, les villes disposeraient d’une nouvelle source de revenus.
Un bénéfice supplémentaire de 1,9 à 2,0 dollars par hectolitre (100 litres) de bière produite, pourrait être fait au Brésil en revendant la plus grosse partie des déchets produits – les drèches des brasseries - aux agriculteurs, pour la pisciculture et pour l’alimentation du bétail.
Dans le textile, un chiffre d’affaires de 1.975 $ par tonne de vêtements collectés pourrait être généré au Royaume-Uni avec les vêtements vendus à des prix courants, avec un bénéfice brut de 1.295 $ fixé par rapport au coût de 680 $ qui sont dépensés pour la collecte et le tri. Au Royaume-Uni, le taux de collecte de 65% des vêtements mis au rebut est actuellement le plus élevé au monde. Non seulement les vêtements usagés peuvent être réutilisés, mais ils puvent encore être réemployés en cascade pour de l’isolation ou pour du bourrage, ou même être recyclés sous forme de fils pour fabriquer de nouveaux tissus, économisant ainsi sur l’emploi des fibres vierges, tout en offrant une source de revenu supplémentaire aux opérateurs.
Dans l’emballage, une diminution de 20% du coût de 29 à 24 $ par hectolitre de bière consommée est possible au Royaume-Uni en passant du contenant jetable pour les bières aux bouteilles en verre et réutilisables. Bien que cela impliquerait une augmentation de 34% du verre pour fabriquer des bouteilles plus durables, la question serait résolue par des économies résultant de la réutilisation des bouteilles jusqu’à 30 fois de suite, comme c’est actuellement le cas en Allemagne.
Lorsqu’il n’est pas possible d’installer une infrastructure de réutilisation, la collecte et le recyclage des emballages en plastique est déjà rentable dans les pays de l’OCDE aujourd’hui à près de 200 $ par tonne de plastiques collectés. La conception plus réfléchie des produits, en évitant par exemple le mélange de différents plastiques, devrait permettre d’améliorer la facilité et la rentabilité des opérations de recyclage.
Les emballages biodégradables pour les aliments sont attrayants pour faciliter le retour des matières organiques dans les sols cultivés par l’intermédiaire de la digestion anaérobie [productrice de biogaz] ou par le compostage.
En permettant de créer de la valeur à partir de ressources qui seraient autrement perdues, l’économie circulaire est intrinsèquement plus productive que les modèles commerciaux développés selon le modèle linéaire.
La valeur totale des matériaux de biens de grande consommation est de 3,2 milliards de dollars par an. Aujourd’hui, on retrouve environ 20% de la matière qui est en grande partie reprise par la décomposition et le recyclage, et en partie grâce à la réutilisation. Mais ces proportions pourraient facilement monter à 50% dans un avenir proche et beaucoup plus dans le long terme. Nous avons besoin de construire des systèmes de collecte efficaces pour les marchandises produites loin des lieux de leur consommation.
Bien sûr, la collecte serait beaucoup plus facile dans un scénario futur de la production locale pour une consommation locale [circuits courts], mais le Rapport sur l’économie circulaire [2] apparaît un peu timide dans ses remarques, tout comme il s’abstient de mentionner l’énorme avantage qui pourrait être acquis par des productions locales destinées à des consommations locales aussi bien dans le domaine de l’alimentation [4] Food Futures Now * Organic * Sustainable * Fossil Fuel Free (ISIS publication), que dans le secteur des énergies renouvelables [5] Green Energies - 100% Renewable en 2050 (ISIS publication)*.
* Sur ce sujet, on peut consultet les articles suivants :
 "Le pouvoir aux populations : 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050" par le Dr. Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; acessible sur http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article101&lang=fr
 "100% d’énergies renouvelables en Allemagne d’ici 2050 : un exemple pour tous les pays industrialisés par le Dr. Mae-Wan Ho & le Professeur Peter Saunders. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article98&lang=fr

L’avenir est prometteur pour l’économie circulaire

Bien que l’économie mondiale semble enfermée dans un modèle linéaire - des contrats à l’économie de la production, à la réglementation et au comportement du consommateur - l’économie circulaire est là pour perdurer, et même pour se développer dans un avenir pas trop lointain.
Le rapport [3] identifie trois facteurs qui favorisent le développement de l’économie circulaire. Tout d’abord, il est probable que la rareté des matières premières et des ressources ne s’arrangera pas. Deuxièmement, les technologies de l’information permettent aux entreprises de suivre l’évolution des matériaux et des stocks de n’importe quels endroits au sein de la chaîne d’approvisionnement, ce qui rend l’économie circulaire beaucoup plus facile à utiliser. Troisièmement, le comportement des consommateurs évolue vers une préférence pour l’accès à la propriété, ce qui favorise le recyclage.
En effet, le rapport suggère le plus grand espoir pour les plus grandes entreprises : « Pour saisir les nouvelles opportunités, il faudra que les grandes sociétés et les autorités municipales mettent au point une nouvelle série de « capacités circulaires » tout au long des filières et des chaînes d’approvisionnement traditionnelles ». Ces nouvelles capacités seront renforcées par l’évolution des marchés des ressources, des systèmes de technologie et d’information, ainsi que par les préférences des consommateurs.
L’urbanisation, qui centralise les flux de biens de consommation et les flux de déchets.
Les nouvelles technologies telles que la digestion anaérobie qui améliore de façon spectaculaire la valeur qui est tirée des déchets biologiques et organiques, ainsi que des possibilités de combiner plusieurs flux de déchets (CO2, chaleur, eaux usées, nutriments) dans des agro-systèmes de fabrication d’avant-garde.
Les nouvelles possibilités des techniques de l’information et de la communication venant aider la gestion et le suivi précis des flux de matières, comme par exemple, l’identité de radiofréquence (RFID) qui fournit des informations détaillées sur les taux d’altération du produit.
Les canaux de distribution en ligne qui transforment la façon dont les chaînes de valeur travaillent dans la récupération des déchets de distribution, et le choix du consommateur, sans une augmentation importante de l’incidence.
De nouveaux modèles économiques qui permettent d’améliorer le contrôle des ressources rares et de les transformer en actifs pour une réutilisation comme matière première vers d’autres procédés industriels ou agricoles.
Un nouveau modèle de « consumérisme collaboratif » dans lequel les consommateurs ont accès à des produits à la demande, plutôt que de les posséder, et qui fournit une plus grande interaction entre les consommateurs, les détaillants et les fabricants, tels que la performance des systèmes de paie, la location ou de crédit-bail, le retour et la réutilisation des produirts usagés.
Les nouvelles technologies d’emballage qui prolongent la vie des aliments et réduisent les déchets d’emballage.
McKinsey voit également des opportunités pour de nouveaux rôles dans les zones actuellement sous-développées.
Des ‘agrégateurs de volume » sont nécessaires pour organiser les marchés pour les résidus et les sous-produits. Par exemple, Asos, une entreprise de mode en ligne offrant plus de 850 marques de vêtements neufs, a créé une plate-forme parallèle où les consommateurs peuvent revendre des vêtements usagés et les petites entreprises peuvent commercialiser des Vêtements et des accessoires « vintage » aussi bien que de nouveaux produits. Une bourse appelée Waste Producer Exchange au Royaume-Uni soutient les entreprises spécialisées qui vendent des ‘déchets’ composés de produits et de matériaux usagés.
Les ‘pionniers technologiques’ auront de grandes opportunités dans des domaines tels que les bioplastiques provenant des eaux usées industrielles pour des constructions spéciales, ou plus loin dans les filières, pour les emballages alimentaires biodégradables (à condition que le problème d’hygiène puisse être résolu).
Les ‘micro-distributeurs’ pour les grandes surfaces alimentaires, permettant de fournir localement des produits, une diversification de la demande des clients et un engagement dans « des relations clients plus intimes », des plates-formes publicitaires hyper-locales qui permettent aux gens de trouver des artisans et des commerces dans leur quartier. « Placer ces services à une petite échelle et développer des systèmes intégrés qui offrent des liens entre les produits, les commandes, la livraison et le service après-vente, pourrait être la règle du jeu, et pourrait même intégrer la fonction d’auto-production ‘assistée’ par le consommateur .... Les ‘micro-distributeurs’ pourraient offrir de façon proactive des contrats de services dits ‘B2B’ [business to business] ; ils pourraient développer des plans pour des installations « zéro déchets », ou établir des centres de réutilisation des déchets alimentaires ».
Les ‘fournisseurs en boucles urbaines’’ – disposant de savoir-faire dans la conception, l’ingénierie et les opérations d’infrastructures - sont nécessaires pour l’économie dans les zones urbaines et péri-urbaines. Un exemple est donné par l’installation ‘Plant Chicago’ une sorte d’usine et de ferme aquaponique verticale produisant du poisson tilapia et des légumes, et qui sert également d’incubateur pour des entreprises alimentaires artisanales et qui exploite en outre un digesteur anaérobie avec la production combinée de chaleur et d’électricité. Les déchets issus de la seule entreprise sont des ressources pour d’autres activités dans un système de type explicitement circulaire.
Il existe des ‘convertisseurs de produit en service’ tels que ‘Patagonia’ qui a lancé ‘Common Threads Initiative’ afin de réduire l’empreinte environnementale de ses vêtements. Il propose la réparation, la modification, le retour et le crédit-bail avec une plus grande interaction avec le client.
Le rapport dit [3] : « Nous ne savons pas comment le changement se produira. Il viendra lentement ou par un changement subit comme par un coup de balai, comme une réaction aux chocs extérieurs. Il peut être le résultat de l’agitation des stimuli publics (comme « l’homme sur la lune ») ou d’une application agressive, comme d’une révolution silencieuse dans les modes de fabrication. Il pourrait même apparaître comme le résultat d’une base militante des consommateurs, ou en tant que démarche volontaire, voire avec un engagement de l’industrie elle-même... Nous nous attendons toutefois à ce que le changement se joue entre les leaders des pionniers industriels, et des consommateurs exigeants et bien informés, ainsi qu’avec des collectivités publiques et territoriales d’avant-garde.

Le lancement de ‘CE100’ ou ‘économie circulaire 100’

Le 6 Février 2013, la Fondation Ellen MacArthur a lancé l’économie circulaire 100 (CE100), un programme triennal réunissant 100 entreprises leaders dans le monde pour faciliter le développement et l’engagement de nouveaux projets d’économie circulaire [6]. Il fournira des actions « d’éducation executive sur les thèmes clés et les tendances, pour partager des connaissances et des apprentissages, et pour identifier et développer des solutions à des problèmes communs ». L’objectif est que d’ici 2015, les entreprises participantes puissent avoir des retombées économiques totales de 10 milliards de dollars.
La création de la démarche CE100 est prise en charge par les partenaires fondateurs de la Fondation : Cisco, BT, National Grid, B & Q et Renault. Une vingtaine d’entreprises ont déjà confirmé leur adhésion au programme, y compris Coca-Cola, M & S, Groupe IKEA, Morrisons, Tarkett, FLOOW2, Heights UK, iFixit, Ricoh, Vestas, WRAP, Turntoo, et Desso.
L’adhésion à la démarche CE100 permet aux entreprises de bénéficier de divers avantages :
Un accès privilégié à une bibliothèque de conseils sur les meilleures pratiques et les outils d’application
L’accès à un programme de formation des cadres en ligne
L’accès à une série d’ateliers d’accélération visant à stimuler l’innovation de l’économie circulaire
Un sommet annuel qui informe et forme es membres à la toute nouvelle forme de pensés, offrant une occasion de mettre en valeur les réussites et les réseaux avec d’autres membres du système CE100.
Tout cela est bien et très louable, mais je ne peux pas m’empêcher de me sentir inquiète à cette vue d’ensemble de l’économie circulaire, qui vise principalement les grandes entreprises et l’élite au pouvoir.

Est-ce que le monde sera sauvé ?

Que pouvons-nous attendre pour l’homme et la femme de la rue, dans les fermes et sur les collines et les massifs montagneux ? Y a-t-il un risque que les moins fortunés vivant aussi bien dans les régions développées que dans des zones sous-développées du monde se retrouvent enfermés au cdentre d’une courageuse et nouvelle économie circulaire mondiale qui a les yeux braqués sur le tri des déchets ‘vivants’ ?
Est-ce que les fermes industrielles super-circulaires et efficaces ne vont pas verrouiller les petits agriculteurs dont les terres seraient réquisitionnées pour la production de bioplastiques avec des boues et des eaux usées détournées des digesteurs anaérobies et des autres installations de traitement des déchets ? Est-ce que le consommateur ne va pas devenir un élément statistique d’identification avec marquage dans un supercalculateur ‘Cloud’ (nuage) des entreprises et dont la vie serait évaluée et mesurée à partir de ses biens achetés et retournés ?
Si ma compréhension de l’archétype de l’économie circulaire (qui est la thermodynamique) du monde naturel est correcte [1], nous avons besoin de fermetures dynamiques et décentralisées au niveau local des boucles à toutes les échelles : une structure imbriquée de type fractale des économies circulaires qui comprend, renouvelle et soutient tout l’ensemble, de la plus petite à la plus grande partie du système, du plus local au plus global.
La structure fractale occupe tous les espaces-temps et elle est la marque des systèmes biologiques et des proccessus organiques ; elle est optimisée pour la capture, le stockage et la mobilisation des énergies et des ressources de manière efficace et rapide, tout en conférant une autonomie locale à toutes les échelles. Un tel système survit et prospère sur la symbiose et sur la réciprocité, et non pas sur la concurrence et sur l’exploitation. La structure fractale est aussi intrinsèquement un système beaucoup plus équitable que celui que nous avons actuellement et qui est dominé par un petit nombre de conglomérats mondiaux [transnationaux].
Par conséquent, nous devons briser ces conglomérats mondiaux et rompre les chaînes d’approvisionnement mondiales traditionnelles qui sont littéralement enchaînées dans le monde avec le modèle linéaire dominant.
Le Royaume-Uni est placé au centre de la panique alimentaire la plus récente avec la viande de cheval qui a été identifiée dans des produits désignés comme fabriqués avec du boeuf haché [7], grâce à la chaîne d’approvisionnement mondiale tellement alambiquée qu’elle permet à de gros parieurs de jouer et d’esquiver la réglementation et la fiscalité en toute impunité, et en tirant en même temps le maximum de profits, tout en exploitant des agriculteurs et des ouvriers agricoles.
Une autre question brûlante qui n’est pas abordée par McKinsey est le système bancaire et financier qui est nécessaire pour soutenir les économies décentralisées circulaires.
L’élite politique a déjà sauté sur la bannière de « l’économie circulaire », qu’elle agite de façon interchangeable avec celle de« l’économie verte ». C’est ce que j’ai écrit plus récemment sur ​​le sujet par le biais d’une mise en garde destinée à l’élite politique en posant des limites du nouveau système [8] ( Living Green et circulaire , SiS 53)* :
* Version en français : "Vivre de façon vraiment écologique et avec des cycles en boucles fermées" par le Dr Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur le site : http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article204
« Il y a deux aspects dans la nouvelle économie véritablement écologique. La première est d’apprendre à partir des organismes vivants et de la nature comment structurer le système monétaire et bancaire pour la survie de l’ensemble, et la seconde est de soutenir les renouvelables, les approches en boucle fermée dans tous les secteurs du commerce et de l’industrie. Les deux aspects sont étroitement liés ... En structurant le système monétaire et bancaire, nous avons besoin de tous les niveaux de responsabilité des institutions financières locales qui soutiennent des projets communautaires vers une plus grande équité et vers la durabilité ... plus que tout, nous devons nous assurer que l’argent n’est jamais dissocié de la valeur des biens et des services réels ».
J’ai également proposé que la création de monnaie devrait être liée au soutien des projets d’infrastructure verte, tels que le transport public urbain basé sur le biogaz, les véhicules électriques solaires, les corridors verts pour les piétons et les cyclistes, et à l’exclusion par exemple, des grands barrages, des grandes centrales à combustion, des installations et centrales nucléaires, et ainsi de suite.
De même, les ressources financières doivent se répartir pour des investissements dans tous les secteurs du commerce vert et des industries qui débutent avec l’agriculture biologique et l’agroécologie, avec une utilisation de l’énergie renouvelable et durable, pour les bâtiments verts et la rénovation des bâtiments existants afin qu’ils soient écologiques, verts et économes en énergie. En adoptant des systèmes en boucle fermée, des approches ‘du berceau au berceau’ dans les industries manufacturières et dans les services, l’accent devrait être mis sur la coopération et la réciprocité entre les entreprises par la fermeture des boucles de ressources disponibles. Par-dessus tout, la notion de santé publique est essentielle, en particulier tout ce qui touche aux soins de santé primaires.
Les gouvernements doivent non seulement fixer des objectifs réalistes et rigoureux et des feuilles de route vers une économie véritablement écologique, mais ils doivent également fournir une législation propre à décourager ou à pénaliser la production de déchets et inciter à une utilisation efficace et fermée de la boucle d’utilisation des ressources, en particulier dans des projets communautaires destinés à éradiquer la pauvreté et à accroître l’équité et la durabilité.
Surtout, les gouvernements doivent supprimer les subventions qui faussent les utilisations non durables des ressources. Les subventions sur les combustibles fossiles, par exemple, coûtent à l’Europe 50 milliards d’€ par année seulement pour des allègements fiscaux pour les voitures de société. En 2011, les subventions globales pour les combustibles fossiles ont dépassé les 520 milliards de $ US, selon l’Agence internationale de l’énergie [9].

Pour conclure

L’économie circulaire est une toute nouvelle façon de vivre qui est inclusive et soutient la planète et tous ses habitants [8]. Elle est une ressource renouvelable, fonctionnant en boucle fermée, avec un modèle d’utilisation des ressources qui englobe l’agriculture, l’énergie, la construction, les fabrications et les industries de services, ainsi que leur financement. Elle est également fermement ancrée dans l’économie circulaire de la nature elle-même, car la nature est la source ultime de « capital naturel » qui doit être régénéré et en effet, augmenté, afin d’alimenter tous les secteurs de l’économie humaine.

Références

1. Ho MW. The Rainbow and the Worm, the Physics of Organisms, 1993 ; 2nd ed, 1998, reprinted 1999, 2002. 2003, 2005,2006 ; 3rd edition, 2008, reprinted 2012, http://www.i-sis.org.uk/rnbwwrm.php
2. Ellen MacArthur Foundation, accessed 17 February 2013, http://www.ellenmacarthurfoundation.org/
3. Towards the Circular Economy 2, Ellen MacArthur Foundation, 2013, http://www.ellenmacarthurfoundation.org/
4. Ho MW, Burcher S, Lim LC et al. Food Futures Now, Organic, Sustainable, Fossil-Fuel Free, ISIS/TWN, London/Penang, 2008, http://www.i-sis.org.uk/foodFutures.php
5. Ho MW, Cherry B, Burcher S and Saunder PT. Green Energies, 100 % Renewables by 2050, ISIS/TWN, London/Penang, 2009, http://www.i-sis.org.uk/GreenEnergies.php
6. “Ellen MacArthur Foundation launches global business alliance : the Circular Economy 100”, Ellen MacArthur Foundation Press Release, 6 February 2013, http://www.ellenmacarthurfoundation.org/news/foundation-launches-global-business-alliance-the-circular-economy-100
7. “Horsemeat or not, it’s all junk”, Joanna Blythman, The Guardian, 16 February 2013, http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/feb/16/horsemeat-or-not-all-junk
8. Ho MW. Living, green & circular. Science in Society 53, 20-23, 2012.
9. World Energy Outlook, International Energy Agency, Paris, 12 November 2012, http://www.worldenergyoutlook.org/publications/weo-2012/

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Définitions et compléments

L’économie circulaire à la mode à Davos

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
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