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"Interdiction des pesticides du groupe des néonicotinoïdes pour la sauvegarde des abeilles" par le Dr. Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 24 janvier 2011, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS Abeilles
Interdiction des pesticides du groupe des néonicotinoïdes pour la sauvegarde des abeilles
Ban Neonicotinoid Pesticides to Save the Honeybee
De nouveaux éléments de preuve relient les pesticides du groupe des néonicotinoïdes avec la mort des abeilles : cela nous aiguillonne pour lancer de nouveaux appels en vue de l’interdiction des pesticides Dr. Mae-Wan Ho

Rapport ISIS 24/01/2011
L’article original en anglais s’intitule ‘Ban Neonicotinoid Pesticides to Save the Honeybee’ ; il est accessible sur le site http://www.i-sis.org.uk/banNeonicotinoidPesticidesToSaveHoneybee.php
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Accroissement de la vulnérabilité à l’infection à partir de doses infinitésimales

La vulnérabilité des abeilles à l’infection est augmentée par la présence de l’insecticide imidaclopride, même à des doses très faibles. Ce résultat a été obtenu à l’issue de nouvelles recherches conduites par le Dr Jeffrey Pettis et son équipe du Bee Research Laboratory, le laboratoire de recherches sur les abeilles auprès du Département américain de l’Agriculture ; ce résultat est resté non publié pendant près de deux ans, selon un rapport « exclusif » paru dans le journal britannique, The Independent [1].

L’infection par la maladie apparaît et est accrue même lorsque les niveaux de l’insecticide étaient si petits qu’ils ne pouvaient pas être détectés dans les abeilles auxquelles les chercheurs l’avaient administré.
Les insecticides néonicotinoïdes, introduits depuis le début des années 1990, sont de plus en plus utilisés sur les cultures aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans le monde. La société Bayer, le géant allemand de la chimie qui a élaboré ces insecticides, insiste sur le fait qu’ils sont sans danger pour les abeilles s’ils sont utilisés correctement, mais ils ont déjà été largement liés à des pertes et disparitions d’abeilles.

L’imidaclopride a été l’insecticide de Bayer le plus vendu en 2009, assurant un bénéfice de 510 millions de livres dans cette société.

Un lien avec l’effondrement des colonies de l’abeille

Les néonicotinoïdes ont attisé de plus en plus la controverse depuis leur introduction par Bayer dans les années 1990 et ils ont été accusés, par certains apiculteurs et défenseurs de l’environnement, comme une cause potentielle du Colony Collapse Disorder (CCD), le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles ; ce dernier a été observé pour la première aux États-Unis en 2006, alors que les abeilles disparaissaient en masse des ruches (voir [2] Mystery of Disappearing Honeybees, SiS 34) (La version en français est intitulée "Le mystère de la disparition des abeilles" par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard).

Le Professeur canadien Joe Cummins travaillant avec l’ ISIS a été parmi les premiers à relier les insecticides du groupe des néonicotinoïdes au CCD, le syndrome de l’effondrement des colonies d’abeilles ( [3] Requiem for the Honeybee , SiS 34) (La version en français est intitulée "Requiem pour les abeilles" par le Professeur Joe Cummins, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard ).

Cette mise en garde avait conduit à une action rapide de la part du gouvernement allemand se traduisant par une interdiction de ces pesticides ( [4] Emergency Pesticide Ban for Saving the Honeybee, SiS 39) (La version en français est intitulée "Sauvons les abeilles d’urgence en interdisant les pesticides néonicotinoïdes" par le Professeur Joe Cummins, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard).

Entre 20 et 40 pour cent des ruches américaines ont été touchées, et le syndrome d’effondrement des ruches d’abeilles a été observé depuis dans plusieurs autres pays dont la France et Taiwan, mais il n’a pas encore été détecté en Grande-Bretagne [1], où la superficie des terres cultivées et traitées avec des néonicotinoïdes est passée de 0 en 1993 à plus de 2,5 millions d’acres en 2008.

Interdictions des pesticides du groupe des néonicotinoïdes

Ces produits chimiques ont déjà interdits en France, en Allemagne et en Italie. En Grande-Bretagne, la Co-op a interdit leur utilisation dans les exploitations agricoles productrices de fruits et de légumes, mais le gouvernement britannique a refusé de les interdire ou de les suspendre.
Le directeur de Buglife, Matt Shardlow, a commenté ainsi l’étude de Pettis : « Cette nouvelle étude de l’Amérique confirme que les produits chimiques du groupe des néonicotinoïdes, utilisés à de très, très faibles concentrations, peuvent rendre une abeille vulnérable à une maladie mortelle.

Si ces pesticides sont à l’origine du constat qu’un grand nombre de colonies d’abeilles, de bourdons, d’ abeilles solitaires, de syrphes et de papillons de nuit tombent malades et meurent de maladies, alors qu’ils auraient autrement survécu, alors les produits chimiques du groupe des néonicotinoïdes pourraient être la cause principale du syndrome de l’effondrement des ruches et de la perte de populations de pollinisateurs sauvages ».

« Le poids de la preuve contre les néonicotinoïdes devient irrésistible - Le gouvernement doit agir maintenant pour interdire l’utilisation risquée de ces toxiques ».

Le gouvernement britannique est entrain de débattre de l’impact sur les abeilles et d’autres insectes de la nouvelle génération de pesticides qui sont liés à la mortalité des abeilles [5].

Le gouvernement sera appelé à suspendre l’usage de tous les pesticides néonicotinoïdes qui ont été autorisés en Grande-Bretagne, en attendant des tests plus exhaustifs de leurs effets à long terme sur les abeilles et d’autres invertébrés. Le sujet devait être abordé dans un débat d’ajournement à la Chambre des communes à Londres le mardi 25 Janvier 2011, à partir d’une motion présentée par Martin Caton, un député du parti travailliste.

Martin Caton, un ancien scientifique de l’agriculture, a déclaré que la preuve est de plus en plus évidente que les néonicotinoïdes ont constitué un problème, mais le régime d’expérimentation et d’essais pour les composés chimiques en Grande-Bretagne et en Europe n’étaient pas assez rigoureux. « Je pense qu’ils devraient être suspendus en vertu du principe de précaution, en attendant que les procédures d’évaluation soient améliorées ». Il a ajouté : « Nous parlons d’une menace pour notre écosystème tout entier, lorsque des invertébrés sont perdus à un tel taux, tel que cela s’est passé ces dernières années ».

Il y a déjà eu un appel pour l’interdiction des pesticides du groupe des néonicotinoïdes aux États-Unis et dans l’Union européenne où il a attiré 1.069.781 signatures à ce jour [6]

Des résultats de recherche non encore publiés aux Etats-Unis sont pourtant répétés, vérifiés et publiés en France

Le Dr Pettis a déclaré au journal The Independent que ses recherches a été achevées il y a deux ans [1], mais « les résultats ont mis trop longtemps avant dêtre publiés ». Le manuscrit de ces résultats de recherche a maintenant été soumis à une nouvele revue pour publication. Toutefois, dans un commentaire sur l’article du journal, Pettis a dit clairement qu’il ne prétend pas que ses résultats de recherche ont été rejetés, mais que « le processus d’examen du document a tout simplement été trop long ».

Le Dr. Pettis et un membre de son équipe, Dennis van Engelsdorp, de la Penn State University, les deux chefs de file dans la recherche sur le syndrome de l’effondrement des ruches d’abeilles, en ont parlé assez longuement dans un film sur la mortalité des abeilles qui a été largement diffusé en Europe, mais pas encore en Grande-Bretagne ni aux États-Unis.

Dans le film The Strange Disappearance of The Bees, ‘l’étrange disparition des abeilles’, réalisé par le fabricant de film américain, Mark Daniels, Pettis et van Engelsdorp révèlent qu’ils ont exposé deux groupes d’abeilles à l’agent bien connu et responsable d’une maladie des abeilles, le Nosema. L’un des groupes a également été nourri avec de petites doses d’imidaclopride. Il y avait une plus grande manifestationn de l’infection chez les abeilles nourries avec l’insecticide, même si ce dernier ne pouvait plus être détecté ultérieurement, ce qui suggère la possibilité qu’un tel phénomène se produisant dans la nature, pourrait être tout simplement indétectable.

Bien que l’étude américaine n’ait pas encore été pubiée, des chercheurs français de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) d’Avignon, en France, ont effectué de manière indépendante des recherches similaires et ils ont publié leur étude dans la revue Environmental Microbiology. Ils ont déclaré [7]
 : « Nous avons démontré que l’interaction entre la nosémose et le groupe des néonicotinoïdes (imidaclopride), affaiblit considérablementi les abeilles ».

Des effets de synergie entre un agent pathogène et un insecticide sont confirmés

Les résultats du groupe français ont confirmé que les effets de synergie entre les pesticides du groupe des néonicotinoïdes et l’agent pathogène Nosema, affaiblissent les abeilles, ce qui entraîne une mortalité accrue [7].

L’activité de l’enzyme glucose oxydase, qui permet aux abeilles de désinfecter la colonie et la nourriture du couvain, a été significativement diminuée par la combinaison des deux facteurs présents, par rapport aux témoins ; mais l’activité de l’enzyme glucose oxydase n’est pas modifiée lorsque les deux groupes sont traités individuellement, par l’un ou l’autre des facteurs, pesticides néonicotinoïdes et Nosema.

Cet effet synergique avait déjà été suggéré par le Professeur Joe Cummins dans un article qu’il avait écrit pour l’ISIS, l’Institut de la Science dans la Société, basé à Londres ( [8] Parasitic Fungi and Pesticides Act Synergistically to Kill Honeybees ? SiS 35) (La version en français est intitulée ‘Les champignons parasites et les pectisides agissent-ils conjointement pour tuer les abeilles ?’ du Professeur Joe Cummins, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard).

Un tel effet est bien connu et il a déjà été exploité dans le contrôle des ravageurs des plantes cultivées. Pour réduire les dommages causés par les pesticides chimiques, des moyens de contrôles biologiques plus « écologiques » ont été développés en utilisant des microorganismes pathogènes tels que des virus, des bactéries et des champignons, et tout particulièrement ces derniers. Lorsque les champignons pathogènes sont administrés à des doses sub-létales de pesticides, ils interagissent de manière synergique et se traduisent par une beaucoup plus grande efficacité pour tuer les insectes nuisibles comme les termites, les thrips et les fourmis coupeuses de feuilles.

L’imidaclopride, un pesticide systémique du groupe des néonicotinoïdes, est largement utilisé dans le monde entier sur les cultures vivrières et a été impliqué dans la perte des abeilles en France, où une ruche sur deux contient des résidus d’imidaclopride, ainsi que 30 pour cent de miel et de 26 pour cent des abeilles, mais à doses sub-létales d’environ 5 mg / kg.
Simultanément, un champignon parasite microsporidies, Nosema ceranae, a été associée aux pertes d’abeilles aux États-Unis et en Espagne. Cela a incité les chercheurs d’Avignon à bien conduire leurs investigations.

L’étude a été conçue pour examiner les effets possibles :
1) sur la mortalité individuelle et les exigences énergétiques,
2) sur l’immunité individuelle et 3) sur l’immunité sociale.

Les besoins énergétiques ont été évalués par la consommation de saccharose, car le Nosema modifie le stockage des éléments nutritifs de l’hôte et le comportement alimentaire. L’immunité individuelle a été évaluée par le comptage de l’hémocyte total (globules) (THC) et l’activité de l’enzyme phénoloxydase (PO).

L’activité enzymatique phénoloxydase PO joue un rôle central dans la réaction immunitaire chez les invertébrés. Elle peut être impliquée dans l’encapsulation de corps étrangers par le biais de la mélanisation. Le THC donne une mesure indirecte de l’activité des cellules basales immunitaires, car les cellules sanguines sont impliquées dans la phagocytose et dans l’encapsulation [neutralisation] d’un parasite.
L’activité enzymatique de l’enzyme glucose oxydase (GOX) est mesurée en tant qu’indicateur de l’immunité sociale, car elle participe à la désinfection [‘stérilisation’] de la colonie, et son produit antiseptique, le peroxyde d’hydrogène , est sécrété dans les matières alimentaires des larves et dans le miel pour inhiber le développement des agents pathogènes.

Les résultats ont montré que l’imidaclopride a augmenté significativement la mortalité au cours des contrôles, même à la plus faible concentration utilisée (0,7 mg / kg), mais la mortalité était toujours la plus élevée quand les abeilles avaient été exposées simultanément à l’agent pathogène Nosema et à l’insecticide imidaclopride .

À des concentrations inférieures à celles qui étaient antérieurement désignées comme sous-létales (0,7 et 7 mg / kg), les effets synergiques des pesticides avec Nosemas sont additifs, mais à la plus forte concentration de l’imidaclopride (70 mg / kg), les effets étaient plus proches d’un effet multiplicateur. La consommation de saccharose a montré une tendance similaire.

Les tets THC et PO, utilisés comme indicateurs de l’immunité individuelle, ne sont pas significativement affectés par les traitements, mais la possibilité n’en demeure pas moins qu’ils puissent être des indicateurs adéquats de l’immunité individuelle.

Toutefois, l’activité de l’enzyme glucose oxydase, comme indicateur de l’immunité sociale, n’a été diminuée de manière significative que si l’imidaclopride et l’agent pathogène Nosema sont présents ensemble, simultanément. Cette baisse de l’immunité sociale pourrait expliquer la mortalité plus élevée chez les abeilles exposées simultanément à ces deux agents [insecticide néonicotinoïde et Nosema].

Définitions et compléments en français

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire.
Adresse : 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS Abeilles ‘Ban Neonicotinoid Pesticides to Save the Honeybee’ French version.1


[1“Exclusive : Bees facing a poisoned spring”, Michael McCarthy, The Independent, 20 January 2011,http://www.independent.co.uk/environment/nature/exclusive-bees-facing-a-poisoned-spring-2189267.html

[2Ho MW and Cummins J. Mystery of disappearing honeybees. Science in Society 34, 35-36, 2007.

[3Cummins J. Requiem for the honeybee. Science in Society 34, 36-37, 2007.

[4Ho MW. Emergency pesticide ban for saving the honeybee. Science in Society 39, 40-41, 2008.

[5“Call to ban pesticides linked to bee deaths”, Michael McCarthy, The Independent, 21 January 2011,http://www.independent.co.uk/environment/nature/call-to-ban-pesticides-linked-to-bee-deaths-2190321.html

[6American bee emergency – act now. AVAAZ.org, accessed 21 January 2011, https://secure.avaaz.org/en/save_the_bees_usa/?cl=895629409&v=8117

[7Alaux C, Brunet J-L, Dussaubat C, mondet F, Tchamitchan S, Cousin M, Brillard J, Baldy A, Belzunces LP and Le Conte Y. Interactions between Nosema microspores and a neonicotinoid weaken honeybees (Apis millifera). Environmental Microbiology 2010, 12, 774-82.

[8Cummins J. Parasitic fungi and pesticides act synergistically to kill honeybees ? Science in Society 35, 38, 2007