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"Les biocarburants, c’est de l’énergie gaspillée !" par le Dr. Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 6 décembre 2010, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS Energie
Les biocarburants, c’est de l’énergie gaspillée !
Biofuels Waste Energy to Produce
Une preuve scientifique démontre que la plupart, sinon tous les biocarburants nécessitent plus d’énergie fossile pour être produits, par rapport à ce qu’ils fournissent réellement : ils ne peuvent donc pas constituer pour cette raison une option intéressante, verte et durable.
Dr. Mae-Wan Ho

Rapport ISIS 06/12/2010
La version originale, avec les références et illustrations, de cet article en anglais, est intitulé
Biofuels Waste Energy to Produce A fully referenced and illustrated version of this article is posted on ISIS members’ website. Details here ; il est accessible par les membres de l’ISIS à partir de ce site http://www.i-sis.org.uk/biofuelsWasteEnergy.php
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Green Energies report - The world can be 100 percent renewable by 2050 - ISIS

L’USDA fait une tentative pour sauver l’éthanol de maïs

Les critiques ont depuis longtemps démontré que lorsque le cycle de vie est fait de façon réaliste, la plupart des biocarburants nécessitent plus d’énergie fossile comme intrants dans leur fabrication, qu’ils ne fournissent d’énergie au bout du compte.. En d’autres termes, pour l’éthanol, le ratio de l’énergie dans le produit fini par rapport à l’énergie utilisée comme intrants extérieurs est inférieur à 1 (voir [1] Biofuels for Oil Addicts, SiS 30.

L’US Department of Agriculture (USDA), le Ministère de l’agriculture aux Etats-Unis, est un ardent défenseur des biocarburants et il en a toujours projeté une image optimiste. En Juin 2010, l’USDA a produit un bilan énergétique révisé pour l’éthanol de maïs, sur la base de nouvelles données obtenues dans une enquête sur la gestion des ressources agricoles des producteurs de maïs pour l’année 2005, ainsi qu’une enquête de l’année 2008 sur les plantes broyées pour fabriquer de l’éthanol [2].
Il a été constaté un ratio d’énergie sorties/intrants pour l’éthanol de maïs à 1,4, sans tenir compte des sous-produits des traitements industriels (tels que les résidus de céréales pour l’alimentation animale). Après la prise en compte des sous-produits, le rapport énergétique est compris entre 1,9 et 2,3. En d’autres termes, il y a 40 pour cent de plus d’énergie dans l’éthanol de maïs que d’énergie qui a été utilisée pour le produire, si le sous-produit n’est pas compté, et de 90 à 130 pour cent de plus si le sous-produit est décompté.

Les éléments les plus importants pour la production de maïs sont l’azote et l’énergie directe pour le carburant et l’électricité. Le rapport souligne les améliorations au cours de ces dernières années qui rendent le processus plus efficace. L’utilisation de l’azote a diminué d’environ 20 pour cent et tous les composants énergétiques directs ont diminué d’environ 50 pour cent depuis le milieu des années 90. En d’autres termes, les diminutions de l’azote et de l’énergie directe résulte d’une baisse de 30 pour cent de l’énergie requise pour produire un boisseau de maïs, passant de 65.285 BTU / boisseau en 1996 à 41.029 BTU / boisseau en 2005.

Au cours des 20 dernières années, les rendements d’éthanol à partir de maïs ont augmenté d’environ 10 pour cent, d’où proportionnellement moins de maïs était nécessaire en 2005. De plus, seule la fraction de l’amidon de la plante de maïs (66 pour cent de la teneur énergétique) est utilisée pour la production d’éthanol ; l’énergie nette utilisée du maïs pour la production d’éthanol (compté pour 34 pour cent) est de 9,811 BTU / gal. Le rapport énergétique pour l’éthanol de maïs est calculé en fonction de cette valeur actualisée de l’énergie dans le maïs, ce qui donne un bilan énergétique global positif. Si les rapports étaient fondés sur la valeur énergétique du maïs non actualisée, le taux aurait été le suivant : 0,92 sans sous-produit et de 1,23 à 1,51 avec sous-produit. Cela se rapproche de ce que les critiques disaient : le gain énergétique est souvent faible et il pourrait même s’avérer négatif.

Les nouvelles estimations de l’USDA sont encore irréalistes, car elles ne comprennent pas l’énergie intrinsèque utilisée dans la construction de la raffinerie, ni pour l’eau utilisée, ni pour l’élimination des effluents d’eaux usées, par exemple.

A nouveau une comptabilité réaliste concernant les bioénergies

David Pimentel de l’Université Cornell aux États-Unis est l’un des plus féroces critiques des biocarburants, en particulier de l’éthanol de maïs (voir [1]). Il fait remarquer [3] qu’en 2008, 9 milliards de gallons d’éthanol ont été produits à partir de 33 pour cent de la récolte de maïs aux États-Unis, subventionné à raison de 6-7 milliards de dollars US, pour la fourniture de seulement 1,3 pour cent de la consommation de pétrole du pays. Même si la totalité des 341 Millions de tonnes de maïs produites aux États-Unis devaient être converties en éthanol, cela permettrait de couvrir seulement 5 pour cent de la consommation totale de pétrole dans le pays, ne laissant plus rien pour l’alimentation du bétail ou pour la nourriture humaine [4].

Il faut 2,69 kg de grains de maïs pour produire 1 litre d’éthanol. Sur la base des dernières données les plus disponibles, Pimentel et ses collègues ont montré [4] que 31,292 MJ d’énergie sont consommés pour produire un litre d’éthanol contenant 21,1 MJ. Le ratio sorties / entrées est de 0,674. En d’autres termes, 48 pour cent de plus d’énergie est consommée dans la production de l’éthanol, et ceci à un coût de 1,05 $ US le litre. Bien sûr, si le prix du maïs venait à augmenter encore davantage, le coût de production de l’éthanol augmenterait fortement, puisque la plus grosse partie du coût se trouve dans le maïs lui-même.

L’éthanol à 1,05 $ US le litre est équivalent à 176 $ US par MWh, ce qui le rend beaucoup moins rentable du point de vue strictement économique, que les énergies renouvelables de nombreusesautres sources, y compris la biomasse (voir [5] ‘Renewables Cost Less », SiS 49), ‘Les énergies renouvelables sont moins coûteuses, SiS 49). Les subventions accordées pour l’éthanol de maïs sont de 6-7 milliards de dollars US par an, sont 60 fois supérieures à celles accordées pour l’essence, en ramenant cela au litre de carburant.

Pimentel et ses collègues estiment que le biodiesel de soja a donné une perte nette d’énergie de 63 pour cent, à un coût de 1,251 $ US par kg, le biodiesl obtenu à partir de colza / canola présente une perte nette d’énergie de 58 pour cent, à un coût de 1,52 $ US par kg ; enfin le biodiesel issu du palmier à huile correspond à une perte nette d’énergie de 8 pour cent.

L’éthanol cellulosique, de la ‘deuxième génération’ des biocarburants, l’une des sources de cellulose non alimentaire, et après que cette matière ait été dégradée en unités de sucre par des enzymes ou par hydrolyse acide, a été largement médiatisée pour la raison que cela n’entrait pas en concurrence avec la production alimentaire. Certains d’entre nous étaient loin d’en être impressionnés et convaincus (voir [6] ] Ethanol from Cellulose Biomass Not Sustainable nor Environmentally Benign, SiS 30) *.
* La version en français est intitulée ‘L’éthanol de la biomasse (cellulose) n’est pas soutenable ni anodin pour l’environnement’, de Dr. Mae-Wan HO, traduction, définitions et compléments en français de Jacques Hallard ; elle est accessible sur le site suivant : http://www.i-sis.org.uk/pdf/ECBNESEBFR.pdf

La précédente administration Bush avait mis beaucoup d’argent dans cette nouvelle filière énergétique, et l’US Environmental Protection Agency (EPA), l’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis, avait demandé une production de 100 millions de gallons de biocarburants de nouvelle génération d’ici à 2010. Pimentel et Tad Patzek rapportent [7] un retour énergétique négatif de 68 pour cent pour le panic érigé, la monoculture pérenne la plus promue par les promoteurs ; ce qui est encore pire que l’éthanol de maïs et à un coût de 0.93 $ US / litre. Fondamentalement, il faut de deux à cinq fois plus de biomasse cellulosique pour atteindre les mêmes quantités de sucres [glucides à courtes chaînes] que dans les grains de maïs. En outre, les unités de sucre sont étroitement accrochées dans la lignine de la biomasse cellulosique : des acides forts doivent être utilisés pour dissoudre environ 25 pour cent de la lignine.

L’effondrement de l’éthanol cellulosique

En Février 2010, l’EPA a dû revoir son mandat pour 100 millions de gallons de biocarburants de deuxième génération qui devaient être produits pour cette année là : une baisse drastique passant de 93,5 à 6,5 millions de gallons, en raison "des problèmes technologiques et financiers" que les producteurs d’éthanol cellulosique avaient rencontrés [8].

L’un des producteurs d’éthanol cellulosique de premier plan, Cello Energy, a été fermé durant l’été 2009, après que son fondateur eût trompé les investisseurs pour des millions de dollars pour la construction d’une usine frauduleuse qui produisait du carburant à partir de sources pétrolières, au lieu des herbes et plantes à cellulose.

L‘EPA a mis en demeure Cello pour la livraison de 60 de ses 100 millions de gallons en 2010. En attendant, d’autres entreprises utilisant des enzymes ou des acides pour dégrader la cellulose sont soit en attente de financement ou dans les premières étapes de la construction de centrales commerciales. Avec des prix du pétrole orientés à la baisse, à environ 75 $ US le baril, les sociétés engagées sur l’éthanol cellulosique ont des difficultés pour rivaliser avec l’essence.

Peut-on produire des biocarburants cellulosiques de manière durable ?

Alors des biocarburants négatifs en carbone, bien diversifiés et à faible taux d’intrants ? faible niveau d’intrants grande diversité

David Tilman et ses collègues de l’Université du Minnesota aux États-Unis ont suggéré que les biocarburants issus des prairies naturelles à faible niveau d’intrants et de grande diversité (en anglais low-input high diversity LIHD (faible niveau d’intrants grande diversité) sont beaucoup plus durables que l’utilisation de plantes énergétiques en monocultures [9]. Leurs propres recherches qui avaient été conduites sur des terres agricoles abandonnées ou dégradées, avec des sols sableux pauvres en éléments fertilisants azotés, avaient démontré que les prairies avec une grande diversité botanique avaient des rendements plus élevés, qui pouvaient attindre 338 pour cent ceux d’une monoculture de plante énergétique. (voir [10] Biodiverse Systems are More Productive, ISIS news 13/14).

Les biocarburants issus de LIHD (faible niveau d’intrants grande diversité), des sols à faible niveau d’intrants et de grande diversité, présentent un bilan carbone négatif [9] parce que la séquestration nette de l’écosystème est de 4,4 tonnes / ha / an de dioxyde de carbone dans le sol et dans les racines, et dépasse ainsi la quantité de dioxyde de carbone fossile libéré lors de la production de biocarburants, qui est estimée à 0,32 tonnes / ha / an.

En outre, les biocarburants LIHD (faible niveau d’intrants grande diversité), peuvent être produits sur des terres agricoles dégradées et ils n’impliquent pas de déplacer les productions alimentaires ; ils ne causent pas non plus da perte de la biodiversité par la destruction des habitats. Étant donné que ces parcelles ne font pas l’objet d’apports de fertilisants, ces biocarburants ne devraient pas émettre de protoxyde d’azote N2O et ils permettraient aussi d’éviter le réchauffement potentiel lié aux agro-biocarburants actuels ([11] Scientists Expose False Carbon Accounting for Biofuels, SiS 49)] *.
* La version en français s’intitule ‘Pour les biocarburants, des scientifiques exposent les effets dévastateurs des prises en compte erronées relatives au carbone’.

Le rendement brut des parcelles LIHD (faible niveau d’intrants grande diversité) était de 68,1 GJ / ha / an en énergie provenant de la biomasse. L’énergie fossile nécessaire à la production de biomasse, à la récolte et au transport vers une installation de production de biocarburants, a été estimée à 4,0 GJ / ha / an. Différentes méthodes de production de biocarburants capturent des proportions variables d’énergie de la biomasse.

La co-combustion dans des centrales électriques existantes et fonctionnant au charbon, permettrait un gain net d’environ 18,1 GJ / ha d’électricité. La conversion en éthanol cellulosique et en électricité est estimée à 17,8 GJ / ha. La conversion en carburants mixtes d’essence ou de gasoil et d’électricité, par gazéification intégrée à cycle combiné et avec la technologie de synthèse hydrobarbonée selon le procédé Fisher-Tropsch (en anglais integrated gasification and combined cycle technology with Fisher-Tropsch hydrocarbon synthesis (IGCC-FT), est estimée à un rendement de 28,4 GJ / ha.

Les biocarburants LIHD (faible niveau d’intrants grande diversité), peuvent être comparés très favorablement avec les biocarburants existants, pour le bilan énergétique, ou le ration sorties / intrants.

La monoculture du panic peut être très productive dans les sols fertiles, en particulier avec l’application de pesticides et d’engrais. Cependant, sur des sols infertiles, les rendements d’une monoculture de panic (switchgrass) n’est pas différent des rendements des autres espèces en régime de monoculture à 23 + 2,4 GJ / ha / an.

Aussi attractif que cela puisse paraître, l’identification des ‘terres agricoles abandonnées ou dégradées’, est en proie à une certaine incertitude. Ces terres sont connues pour être utilisées par les populations locales en quête du bois servant de combustible et d’aliments sauvages.

Une étude publiée en 2008 estimait que la superficie des terres agricoles « abandonnées » se situait entre 385 et 472 millions d’hectares, avec une productivité moyenne de 4,3 tonnes / ha / an. Ceci pourrait couvrir moins de 10 pour cent de la demande d’énergie primaire pour la plupart des nations en Amérique du Nord, en Europe et en Asie [12], mais cela pourrait aussi représenter plusieurs fois les besoins énergétiques de certains pays africains où les prairies sont relativement bien productives et où la demande d’énergie est relativement faible.

Il est important de s’assurer que les communautés locales sont bien impliquées dans les projets et que leurs moyens de subsistance sont garantis dans toute proposition visant à produire des cultures bioénergétiques dans les terres agricoles abandonnées.

L’énergie de la biomasse ne constitue pas une solution majeure : elle n’est ni verte ni durable

Cependant, malgré un bilan énergétique et une approche carbone favorable, et même avec une vérification appropriée sur place pour garantir la durabilité environnementale et sociale (voir [13] Biofuels and World Hunger, SiS 49) *, l’énergie de la biomasse ne sera jamais une solution majeure, surtout pour un pays avec des populations très énergivores comme les États-Unis.
* La version en français est intitulée "Les biocarburants et la faim dans le monde" par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction, compléments et références par Jacques Hallard ; elle est accessible sur le site suivant : http://yonne.lautre.net/spip.php?article4596

Chaque année, les États-Unis utilisent trois fois plus d’énergie que la quantité qui est captée comme énergie solaire par toutes les plantes cultivées et récoltées, les forêts et les graminées des prairies [34,288 EJ soit 1015 Joules]. Il n’existe tout simplement pas suffisamment de biomasse dans l’ensemble des États-Unis pour produire du biodiesel et de l’éthanol, afin de rendre le pays indépendant pour le pétrole. Les États-Unis importent actuellement 63 pour cent du pétrole qui est consommé dans tous les états.

Une contrainte potentiellement plus grave est l’eau. Deborah Elcock, de l’Argonne National Laboratory, Washington DC aux Etats-Unis, combine des projections de production d’énergie développées par l’US Department of Energy, le Ministère de l’énergie des Etats-Unis, avec des estimations de la consommation d’eau par unité de base de production énergétique à partir du charbon, du pétrole, du gaz et de la production de biocarburants.
Les résultats montrent que l’eau consommée pour la production d’énergie devrait augmenter de près de 70 pour cent, dont la majeure partie de l’augmentation concernerait l’eau consommée pour produire les plantes destinées aux biocarburants (biodiesel et éthanol). La consommation d’eau pour les biocarburants devrait augmenter de près de 250 pour cent , la plus grande partie étant utilisée pour cultiver les plantes bioénergétiques.

La biomasse n’est pas une solution intéressante, ni un choix écologique correct.

Au lieu de la biomasse, nous devons regarder du côté de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne et de la bioénergie à partir des déchets (comme la digestion anaérobie) et nous devons surtout apprendre à consommer moins d’énergie et à l’utiliser de manière plus efficace (voir [15] ] Green Energies - 100% Renewable by 2050, ISIS publication) *.
* La version en français est intitulée "Le pouvoir aux populations : 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050" par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction et compléments de Jacques Hallard ; elle est accessible sur le site suivant : http://yonne.lautre.net/spip.php?article3756&lang=fr

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Définitions et compléments en français :

Traduction, définitions et compléments :


Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
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