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"Des médicaments et des polluants dans notre environnement sont responsables de l’obésité chez les enfants et les adultes" par le Prof Joe Cummins

samedi 9 juin 2012, par Cummins Professeur Joe

ISIS Santé Pollutions
Des médicaments et des polluants dans notre environnement sont responsables de l’obésité chez les enfants et les adultes
Environmental Obesogens Make Children and Adults Fat
Certains médicaments et des polluants très communs dans notre environnement sont des ‘obésogènes’ : ils sont responsables de l’épidémie d’obésité que l’on rencontre à tous les âges chez les êtres humains, d’après le Prof Joe Cummins

Rapport de l’ISIS en date du 29/02/2012
Une version entièrement référencée de ce rapport intitulé Environmental Obesogens Make Children and Adults Fat accessible par les membres de l’ISIS http://www.i-sis.org.uk/Environmental_Obesogens_make_children_and_adults_fat.php
S’il vous plaît diffusez largement et rediffusez, mais veuillez donner l’URL de l’original et conserver tous les liens vers des articles sur notre site ISIS

L’épidémie d’obésité

Les maladies métaboliques et l’obésité ont été en augmentation au cours des dernières décennies. En France, la proportion de la population en surpoids ou obèse a augmenté de 12% entre 1997 et 2003, passant de 36,7 à 41,6% [1]. Aux États-Unis, la prévalence de l’obésité était de 32,2% chez les hommes adultes et de 35,5% chez les femmes adultes en 2007-2008 [2], et l’obésité à l’adolescence était significativement associée à un risque accru d’obésité sévère chez l’adulte [3]. En 2011, une étude de cohorte nationale des nourrissons et des tout-petits a été réalisée aux États-Unis : elle a révélé que près d’un tiers étaient en surpoids ou obèses à 9 mois et à 2 ans [4].

L’obésité est associée à des maladies cardiovasculaires et au diabète, tandis que les données épidémiologiques montrent un lien entre l’obésité et plusieurs types de cancers. L’obésité perturbe le rôle dynamique de l’adipocyte (cellule graisseuse) dans l’homéostasie énergétique, entraînant une inflammation et l’altération de la signalisation métabolique.

En outre, l’obésité entraîne des changements secondaires liés à la signalisation de l’insuline et à la déréglementation des lipides qui favorisent le développement de cancers [5]. L’épidémie croissante d’obésité a des conséquences sanitaires alarmantes, et le traitement de l’obésité mérite donc un examen sérieux. Dans le passé, les facteurs d’ordre génétique, sociologique et psychologique ont été étudiés et discutés, mais dans la dernière décennie, il est devenu évident que la pollution chimique peut être un facteur inattendu et important dans l’épidémie d’obésité.

Que sont les substances obésogènes ?

L’hypothèse concernant les obésogènes a été mise en avant voici une dizaine d’années : elle postule que les polluants chimiques peuvent favoriser l’obésité chez certaine personnes, en modifiant les points de consigne métaboliques homéostatiques, ce qui dérange les contrôles de l’appétit, perturbe l’homéostasie lipidique en favorisant les adipocytes (cellules graisseuses), les hypertrophies (augmentation du volume cellulaire), ou, au contraire, stimule certaines voies adipogéniques qui augmente l’hyperplasie des adipocytes (augmentation du nombre de cellules) au cours du développement ou chez les adultes [6].

Les obésogènes sont des substances chimiques environnementales qui amènent les gens à devenir plus gros, de façon analogue aux agents cancérigènes pour le cancer, aux agents mutagènes pour les mutations génétiques, et aux agents tératogènes pour les malformations congénitales. Les obésogènes sont fonctionnellement définis comme des produits chimiques qui modifient de façon inappropriée l’homéostasie lipidique et le stockage des graisses, qui modifient les points de consigne métaboliques, qui perturbent l’équilibre de l’énergie ou qui modifient la régulation de l’appétit et la satiété : en bref, les obésogènes stimulent l’accumulation de graisse et donc l’obésité. Les obésogènes semblent être actifs chez tous les vertébrés. 

Les polluants obésogènes dans l’environnement

Les polluants chimiques impliqués dans l’épidémie d’accumulation des graisses sont largement reconnus, pour la plupart, comme étant des perturbateurs endocriniens. Les obésogènes principaux incluent le tributylétain (TBT), le triphénylétain (TPT), le bisphénol A (BPA), les composés perfluoroalkyliques (PFC) et les polybromodiphényléthers (PBDE) [7, 8].

Le TBT et le TPT sont utilisés pour la préservation du bois, comme pesticides, comme agent antisalissures dans les peintures marines, comme antifongiques dans les textiles et les systèmes d’eau industriels, tels que les installations de refroidissement et les systèmes de réfrigération d’eau, dans la pâte de bois et les systèmes de moulins à papier, ainsi que dans les brasseries.

Le bisphénol A est utilisé principalement pour fabriquer des plastiques ; des produits à base de matières plastiques fabriquées en utilisant le bisphénol A qui ont été utilisés dans le commerce depuis 1957.

Les PFC sont un groupe d’agents tensioactifs chimiques les plus utilisés, notamment dans les applications de non-adhérence et pour la résistance aux taches. Ils sont les principaux polluants organiques persistants ou POP.
Les PBDE sont utilisés comme retardateurs de flamme ; comme les autres retardateurs de flamme bromés, les PBDE ont été utilisés dans un large éventail de produits, y compris dans les matériaux de construction, en électronique, pour le mobilier, les véhicules automobiles, les avions, dans les plastiques, les mousses de polyuréthane et dans les textiles.

Avec les polluants organiques persistants (POP), sont énumérés ci-dessous un certain nombre de POP bien-connus, y compris le dichlorodiphényldichloroéthylène (DDE), formé par la perte de chlorure d’hydrogène (déshydrohalogénation) à partir du DDT, les biphényles polychlorés (PCB), un polluant très persistant provenant des équipements électriques, mais maintenant éliminé du commerce, et les produits de combustion avec les dioxines et les furanes polychlorés, qui ont également été impliqués dans la prise de poids.

En outre, des pesticides très anciennement utilisés comme l’hexachlorobenzène, l’hexachlorocyclohexane et de l’oxychlordane ont tous causés des gains de poids. Les phtalates, additifs dans les plastiques, sont utilisés dans une grande variété de produits, pour les revêtements entériques, pour les pilules pharmaceutiques et comme des suppléments nutritionnels, des agents de contrôle de la viscosité, dans les gélifiants, les agents filmogènes, les stabilisants , les dispersants, les lubrifiants, les liants, les agents émulsifiants et les agents de suspension : ces substances ont également été testées et il a été trouvé qu’elles augmentent la taille du corps et la taille de la descendance chez les parents qui ont été exposés [9].

Outre les polluants organiques persistants POP, certains médicaments sont également impliqués comme obésogènes. Les obésogènes connus dans l’environnement et les obésogènes pharmaceutiques, ainsi que leur statut réglementaire sont présentés dans les tableaux 1 et 2 ci-dessous ; il est très probable que ces listes vont se rallonger à l’avenir [7, 9].

Tableau 1 – Les obésogènes connus dans l’environnement

Le tributylétain (TBT) Préservation du bois, peinture marine, textile, anti-fouling dans les systèmes aquatiques, y compris dans les brasseries dans le monde entier
Le triphénylétain (TPT) Même que le TBT
Le bisphénol A (BPA) Un composant des matières plastiques utilisées dans le monde entier
Les composés perfluoroalkyliques (PFC) Tensioactifs chimiques les plus utilisés, notamment dans les applications de non-adhérence et la résistance aux taches ; utilisés dans le monde entier
Les polybromodiphényléthers (PBDE) Les retardateurs de flamme utilisés dans le monde entier dans de nombreux produits, y compris les matériaux de construction, l’électronique, le mobilier, les véhicules automobiles, les avions, les plastiques, les mousses de polyuréthane, et les textiles
Le sdichlorodiphényldichloroéthylène (DDE) Formé par la perte de chlorure d’hydrogène (déshydrohalogénation) à partir du DDT, qui a été interdit, mais qui persiste dans l’environnement
Les biphényles polychlorés (PCB) Un polluant très persistant provenant des équipements électriques. La production du PCB a été interdite par le Congrès des États-Unis en 1979 et par la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP) en 2001 ; mais ils sont toujours présents dans les poissons et le gibier
Les polychlorodibenzodioxines (PCDD) Les dioxines se présentent comme des sous-produits dans la fabrication de certains composés organochlorés, dans l’incinération des substances contenant du chlore comme le PVC (polychlorure de vinyle), dans le blanchiment au chlore du papier, et à partir de sources naturelles comme les volcans et les incendies de forêt
Les dolychlorodibenzofuranes (PCDF) Les PCDF ont tendance à co-produire des PCDD ; les PCDF peuvent être formés par pyrolyse ou par l’incinération à des températures inférieures à 1200° C de produits contenant du chlore, tels que le PVC, les BPC et d’autres organochlorés, ou des matières non-chlorées contenant des produits en présence de donneurs de chlore
L’hexachlorobenzène Un fongicide anciennement utilisé comme traitement des semences, en particulier sur le blé pour contrôler la carie (maladie fongique).Il a été interdit dans le monde par la Convention de Stockholm comme les polluants organiques persistants, mais qui il persiste encore comme un POP
L’hexachlorocyclohexane (Lindane) Utilisé à la fois comme insecticide agricole et comme traitement pharmaceutique contre les poux et la gale ; interdit en 2009 en vertu de la Convention de Stockholm sur les POP, avec exemption pour une utilisation comme traitement de deuxième ligne pharmaceutique contre les poux et la gale
L’oxychlordane Le composé d’origine de l’oxychlordane est le chlordane, interdit par l’EPA des États-Unis en 1988, mais le chlordane et l’oxychlordane persistent en tant que POP
Les phtalates Principalement utilisés comme plastifiants (substances ajoutées aux plastiques pour augmenter leur flexibilité, leur transparence, leur durabilité et leur longévité), principalement pour adoucir le chlorure de polyvinyle (PVC), ils sont progressivement éliminés de nombreux produits aux États-Unis, au Canada, et dans l’Union européenne à cause de problèmes sanitaires.
Les dithiocarbamates Largement utilisés comme traitement des semences [et des plantes] pour lutter contre les champignons phytopathogènes.
Les alkylphénols Les alkylphénols sont xénoestrogènes, ou oestrogènes chez les hommes ; l’Union Européenne a mis en place des restrictions pour les ventes et les utilisations sur certaines applications dans lesquelles les nonylphénols sont utilisés en raison de leur prétendue « toxicité, leur persistance et des risques de bioaccumulation », mais l’EPA aux États-Unis a adopté une approche plus lente afin de s’assurer que leur action soit basée "sur une science fondée"

Tableau 2 – Les substances pharmaceutiques connues comme obésogènes

Le diéthylstilbestrol (DES) Un œstrogène de synthèse qui a été prescrit aux femmes autrefois pour diminuer le risque de fausse couche jusqu’à ce qu’il a été constaté qu’il était à l’origine d’anomalies et de cancers chez les enfants exposés ; au cours des années 1960, le DES a été utilisé comme une hormone de croissance dans les élevages industriels du boeuf et des volailles, jusqu’à ce qu’il soit reconnu comme causant le cancer ; en élimination progressive depuis la fin des années 1970
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) La principale utilisation des ISRS est la dépression clinique ; souvent prescrits pour les troubles anxieux tels que l’anxiété sociale, le trouble panique, le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), le troubles de l’alimentation, les cas de douleurs chroniques et, parfois, pour le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) ; la conclusion de la FDA a entraîné un ‘avertissement de boîte noire’ sur les ISRS et d’autres, en ce qui concerne le risque accru de comportements suicidaires chez les patients de moins de 24 ans
Les antidépresseurs tricycliques (TCA) Depuis de nombreuses années les TCA étaient le premier choix pour le traitement pharmacologique de la dépression clinique ; bien que toujours considérés comme très efficaces, ils ont été de plus en plus remplacés par des antidépresseurs avec une amélioration de la sécurité et un meilleur profil d’effets secondaires
Les antipsychotiques atypiques En règle générale, ils sont largement utilisés pour traiter la schizophrénie ou le trouble bipolaire ; ils sont aussi fréquemment utilisés pour l’agitation associée à la démence, au trouble d’anxiété, et aux troubles obsessionnels-compulsifs
Les thiazolidinediones (TZD) Une classe de médicaments utilisés dans le traitement du diabète de type 2, qui a été introduite dans les années 1990 ; TZD agit par PPAR (peroxisome activation proliferator-activated receptors), un groupe de molécules réceptrices à l’intérieur du noyau de la cellule, spécialement PPARy (gamma). Lorsqu’il est activé, le récepteur migre vers l’ADN, en activant la transcription d’un certain nombre de gènes spécifiques

Les obésogènes agissent par l’intermédiaire de la signalisation cellulaire

Les perturbateurs endocriniens (PE) affectent les voies liées à l’obésité en modifiant la signalisation cellulaire impliquée dans l’homéostasie lipidique et le poids corporel.

Les mécanismes proposés comprennent les effets sur la thyroïde et sur les hormones stéroïdes, ainsi que l’activation des récepteurs des peroxysomes dont la prolifération est activée et qui jouent un rôle majeur dans la différenciation adipocytaire et le stockage de l’énergie. La plupart des preuves à l’appui de l’hypothèse selon laquelle les perturbateurs endocriniens provoquent l’obésité, proviennent d’études de laboratoire et des observations épidémiologiques [10].
Il a été démontré qu’à la fois les médicaments obésogènes et les produits chimiques ciblent les régulateurs de transcription dans les réseaux de gènes qui fonctionnent pour contrôler l’homéostasie des lipides intracellulaires, ainsi que la prolifération et la différenciation des adipocytes. Le grand groupe des régulateurs ciblés est l’un des récepteurs nucléaires d’hormones connus en tant que récepteurs des peroxysomes dont la prolifération est activée (PPSR).
Ces récepteurs hormonaux détecternt une gamme de ligands métaboliques, y compris les hormones lipophiles, les acides gras alimentaires et leurs métabolites et, selon les niveaux de ces ligands, la transcription de contrôle des gènes impliqués dans l’équilibre des lipides dans le corps. Afin d’être activés et de fonctionner à la fois comme des détecteurs métaboliques et des régulateurs de transcription, ces substances PPSR s’adjoignent à un autre récepteur connu comme le récepteur 9-cis rétinoïque (RXR). Ce dernier récepteur RXR est lui-même la deuxième grande cible des obésogènes, à côté des PPSR [11]. Les obésogènes modifient essentiellement les voies de signalisation cellulaire qui conduisent à la suralimentation.

Les obésogènes provoquent des changements épigénétiques dans l’embryon
L’exposition prénatale à des obésogènes modifie la destinée d’un type de cellules souches dans le corps, pour favoriser le développement des cellules graisseuses, au détriment des autres types de cellules (comme les os). À son tour, cet état est susceptible d’augmenter le poids corporel. L’exposition à des obésogènes in utero et / ou pendant les premiers stades de la croissance postnatale, prédisposent donc un enfant à l’obésité en agissant sur ​​tous les aspects de la croissance du tissu adipeux, à partir de cellules souches multipotentes et se terminant par les adipocytes matures [12].
Un nombre croissant de preuves suggère que l’environnement intra-utérin a un effet significatif et durable sur la santé à long terme du fœtus en croissance et sur le développement de maladies métaboliques, plus tard au cours de la vie, comme cela a été mis en avant dans l’hypothèse des origines foetales des maladies (voir aussi [ 13] Epigenetic Toxicology. SiS41) *.

Les maladies métaboliques ont été associées à des altérations de l’épigénome qui se produisent sans changements dans les séquences d’ADN, tels que la méthylation de la cytosine de l’ADN, des modifications post-traductionnelles des histones, et des micro-ARN [14] (Epigenetic Inheritance - What Genes Remember, SiS 41) *.
* Version en français "Hérédité épigénétique “What Genes Remember” " De quoi les gènes se souviennent-ils ? " par le Dr. Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard. Accessible par http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article116

Les modifications épigénétiques peuvent être inversées par l’ajout de donneurs de méthyle, tels que l’acide folique dans l’alimentation. Au laboratoire, les modifications épigénétiques n’ont pas été observées chez des rats Wistar qui avaient reçu une alimentation contenant de l’acide folique. Ainsi l’embryon n’est pas forcément condamné à l’obésité, à condition que la mère ait pris de l’acide folique [15].

Pour conclure

La découverte des obésogènes présents dans l’environnement est une percée importante et elle est très prometteuse en vue de la mise au point de remèdes, ainsi que pour la prévention de l’épidémie mondiale d’obésité. Non seulement les adultes sont soumis aux dommages par les obésogènes, mais les bébés à naître et les nouveaux-nés peuvent être marqués pour la vie entière à travers l’exposition de la mère à des obésogènes.

Les obésogènes incriminés et qui sont encore en usage doivent maintenant être interdits ou éliminés aussi rapidement que possible.
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Définitions et compléments

Des médicaments et des polluants dans notre environnement sont responsables de l’obésité chez les enfants et les adultes

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
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