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"Nizam al-Mulk (1018-1092), Omar Khayyam (1048-1131), Al-Ghazali (1058-1111), et autres personnalités musulmanes marquantes du XIe siècle dans les cultures islamique, arabe et persane, avec musiques et chants liés" par Jacques Hallard

lundi 7 avril 2025, par Hallard Jacques



ISIAS Cultures Religions XIe siècle Partie 3

Nizam al-Mulk (1018-1092), Omar Khayyam (1048-1131), Al-Ghazali (1058-1111), et autres personnalités musulmanes marquantes du XIe siècle dans les cultures islamique, arabe et persane, avec musiques et chants liés

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 04/04/2025

Série ‘Personnages historiques autour du 11ème Siècle’

Présentation de la série à voir en annexe

3ème Partie Islam

Plan du document : Préambule Introduction Sommaire Auteur

Préambule

En bref, les trois personnages musulmans choisis dans ce dossier et marquants du XIe siècle, sont les suivants :

Nizam al-Mulk (1018-1092)  : homme d’État du monde turc islamique, mécène épris de justice et de science, auteur d’un important « traité de gouvernement » au 11ème siècle

Omar Khayyam (1048-1131) : érudit libre penseur persan, grand savant juriste, philosophe politique, poète, humaniste et épicurien aimant le vin, vizir de l’empire seldjoukide de Perse au 11ème-12ème siècle

Al-Ghazali (1058-1111) [ou Alhazen ou Alhazen ou Ibn al-Haytham] (965-1040) : mathématicien, philosophe, physiologiste et physicien (optique, astronomie), irako-égyptien. « Considéré comme un pionnier de la méthode scientifique et le fondateur de l’optique moderne, il s’illustra tout particulièrement par ses travaux novateurs dans toutes les branches de l’optique (principalement en optique géométrique et physiologique) et il apporta également « des contributions notables dans le domaine des mathématiques et en astronomie... ainsi qu’à l’introduction du langage mathématique dans les sciences physiques »

Distinguo linguistique : Arabe : une langue sémitique (du groupe ethnolinguistique sémitique qui parle arabe  ; l’arabe est lié à des langues telles que l’araméen et l’hébreu. Persan : une langue indo-européenne (du groupe ethnolinguistique indoeuropéen) qui constitue l’ethnie prédominante de l’Iran et les Iraniens ne sont pas des arabophones. L’Iran est aussi un pays musulman du Proche-Orient, dont l’écriture est fondée sur l’alphabet arabe (plus précisément ’’arabo-persan’’) - Le persan et l’arabe ne sont pas du tout liés. Si 51 % des Iraniens parlent le persan comme langue maternelle, cela signifie que l’autre moitié du pays parle diverses autres langues. Certaines de ces langues sont apparentées au persan et constituent des langues indo-iraniennes, mais d’autres sont des langues turques (altaïques) ou quelques rares langues sémitiques ou dravidiennes, etc…

https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/images/Iran-lng-map.gifAgrandir la carte

Cette carte présente l’aire linguistique des langues indo-iraniennes dans la région. Elle ne précise pas la localisation des langues turques ou autres, sauf pour l’azéri.

Les Iraniens parlent majoritairement le persan, une langue de la famille indo-européenne faisant partie du groupe des langues indo-iraniennes, comme le pachtou, le kurde, le baloutchi, le tadjik, l’aïmak, le hazara, l’ossète, etc…. L’Iran est entouré de pays qui ne sont pas indo-européens, et qui ont souvent envahi le pays. C’est donc un pays distinct dans la région, un pays entouré de Turcs (Turquie, Turkménistan, Azerbaïdjan), de Sémites (Irak, Koweït, Arabie Saoudite, Qatar, Émirats arabes unis) et d’Indo-Pakistanais (Pakistan), généralement de religion musulmane sunnite. L’Afghanistan est le seul pays voisin ayant des similitudes linguistiques avec l’Iran, si l’on fait exception de la Turquie et de la Syrie où l’on trouve des Kurdes (voir Kurdistan).

Le nom de la langue perse - Cependant, il existe une certaine controverse d’ordre terminologique au sujet du nom de la langue perse. Avant 1979 et la révolution islamique de l’ayatollah Khomeiny, les Iraniens parlaient le persan, mais l’arrivée au pouvoir du « Guide » entraîna un changement de nom : le persan est devenu le farsi. Le mot farsi provient de la province du Fârs au centre du pays et désigne en principe une variété locale du persan, dont le nom a été étendu depuis à l’ensemble de la langue en Iran. Le persan est aussi appelé dari en Afghanistan et tadjik (ou tajiki) au Tadjikistan. Les termes Fârs et Pars (« Perse ») proviennent du même mot, le [f] de Fârs et le [p] de Pars étant phonétiquement très proches. Mais comme le [p] existe en farsi et pas en arabe, il paraît probable que la prononciation Fars soit une altération arabe de Pars ; c’est le la prononciation du [f] qui a fini par s’imposer aux Iraniens. Il existe maintenant un « persan tehrâni » (Téhéran > Tehrani en persan), qui tend à devenir la norme standard en Iran et même ailleurs du fait des médias électroniques et des publications venant d’Iran. Cela étant dit, les Iraniens, les Afghans et les Tadjiks parlent persan et, si l’on veut exprimer l’origine géographique, on parle de farsi, de dari ou de tadjik, mais on emploie aussi les dénominations doubles : persan farsi, persan dari et persan tadjik. Dans un contexte particulier, le mot « persan », employé seul, suffit pour désigner le persan d’Iran (farsi). Un Afghan parlant le persan dari comprend parfaitement un Iranien de Téhéran parlant le persan ‘tehrâni’ ou un Tadjik parlant le persan tadjik. En somme, lorsqu’on utilise le terme persan, c’est en ne faisant aucune allusion géographique à la langue. On dira par exemple : « Apprendre le persan. » Les Iraniens eux-mêmes disent parler le farsi, signifiant inconsciemment que leur persan local est différent de celui de l’Afghanistan ou du Tadjikistan. Par ailleurs, beaucoup d’Occidentaux vont appeler la langue des Iraniens simplement l’iranien, comme on le fait avec d’autres cas similaires : l’italien en Italie, l’allemand en Allemagne, l’espagnol en Espagne (mais aussi « castillan »), le serbe en Serbie, le croate en Croatie, le bosniaque en Bosnie, l’indonésien en Indonésie, le japonais au Japon, etc… - Source : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/iran.htm

Se repérer dans l’espace et le temps historique et se remémorer quelques définitions utiles pour la suite de ce dossier préparé dans une optique didactique :

Photo

Documentation ‘histgeorufppinquie.weebly.com’

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L’unité du monde méditerranéen prend fin au début du Moyen Âge : le monde romain se rétracte sur sa partie orientale et prend le nom d’Empire byzantin, tandis que plusieurs royaumes catholiques naissent en Occident.

À partir du VIIe siècle, les musulmans commencent la conquête des rives sud et est de la Méditerranée. Pour accroître leur puissance ou pour des motifs religieux, les souverains de ces trois grands ensembles luttent régulièrement pour le contrôle de la mer et de ses rives. Malgré les tensions, les marchandises et les hommes circulent continuellement dans la Méditerranée médiévale et, avec eux, les savoirs et les idées. Quelles sont les modalités des contacts entre les différents ensembles civilisationnels de la Méditerranée au Moyen Age ? 

Consulter ce site si besoin > https://histgeorufppinquie.weebly.com/la-meacutediterraneacutee-meacutedieacutevale.html

Autres sources suggérées :

L’Empire islamique : VIIe-XIe siècle - Gabriel Martinez-Gros - Passés Composés, 2019, 350p., 23 € - Olivier Gayzard | 04 février 2020 | Histoire médiévale – Sur ce site : https://clio-cr.clionautes.org/lempire-islamique-viie-xie-siecle.html

L’Empire arabo-musulman de 632 à 1258 – Document ‘axl.cefan.ulaval.ca’

D’après la tradition musulmane, c’est en 610 que l’archange Gabriel (Jibrîl) serait apparu à Mahomet (né vers 570) dans une grotte où il avait coutume de se recueillir. Il aurait alors eu la révélation divine d’Allah pour lui transmettre le Coran. Ses biographes rapportent qu’il enseignait à ses premiers compagnons (’sahabas’) les versets du Coran qu’il présentait comme la parole de Dieu. Cependant, Mahomet se trouvait à déranger les autorités établies, puisque ses croyances pouvaient les remettre en question et compromettre éventuellement la prospérité économique de La Mecque, une ville liée à la fois aux foires et aux pèlerinages. En 622, Mahomet fut chassé de La Mecque ; il dut se réfugier à Médine…….

https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/images/empire-musulman.GIFAgrandir l’image

Lire en entier sur ce site : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/Empire-arabo_musulman.htm

L’Empire arabo-musulman de 632 à 1258 - Source à consulter : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/Empire-arabo_musulman.htm

La culture islamique est l’expression utilisée par les historiens pour décrire toutes les pratiques culturelles des peuples islamisés dans le passé. On considère que la culture islamique fut à son apogée au moment du Moyen Âge en Occident [1],[2]…. -  Wikipédia

NB. Selon les règles typographiques généralement suivies par l’Imprimerie nationale, l’université et la presse, on écrit donc islam avec un /i/ minuscule lorsqu’il s’agit de la religion islamique, mais on use de la graphie Islam avec un /I/ majuscule quand il s’agit des sociétés… - Cette distinction entre Islam et islam, musulman et islamique, est récente et ne connaît pas d’équivalent en arabe. Il s’agit d’une construction de chercheurs ... – Lire plus sur : Comment ne plus confondre islamique, islamiste et musulman - Institut du monde arabe https://vous-avez-dit-arabe.webdoc.imarabe.org › religion

L’islam est l’une des religions abrahamiques : elle s’appuie sur le dogme du monothéisme absolu qui prend sa source dans le Coran, tenu, par les adhérents de l’islam, pour la parole de Dieu révélée au VIIᵉ siècle en Arabie à Mahomet, qui est considéré par ces mêmes adhérents comme étant le dernier prophète de Dieu… -  Wikipédia

La culture arabe fait référence aux cultures communes partagées par les pays du monde arabe, du Nord de l’Afrique jusqu’au Golfe Persique….

Monde arabeWikipédia

La culture iranienne (civilisation persane) - La culture de l’Iran, vaste pays du Sud-Ouest de l’Asie, désigne d’abord les pratiques culturelles observables de ses habitants (83 000 000, estimation 2017. La première phrase du dernier livre de l’éminent iranologue Richard Nelson Frye à propos de l’Iran est la suivante : « La gloire de l’Iran a toujours été sa culture. » (Greater Iran, xi) - Cette culture s’est manifestée sous diverses facettes au cours de l’histoire de l’Iran, facettes qui sont présentées dans cet article. Les éléments principaux de la culture iranienne sont : la langue persane et la mythologie iranienne, tirée du zoroastrisme et du culte de Mithra, l’islam sous sa forme chiite principalement, ainsi que tout l’art, la poésie et la littérature persane, kurde, azérie... – Wikipédia

Lecture suggérée : A propos de l’Iran – 25 mars 2025 - Golfe Persique : Histoire et Actualité – Source : https://www.iransafar.co/fr/category/a-propos-d-iran/

Voir également : Culture Iranienne (civilisation Persane) – Source : https://www.peuplesdumonde.voyagesaventures.com/

Voici quelques figures notables parmi de nombreuses personnalités musulmanes marquantes du XIe siècle (retenues parmi des suggestions de ‘ChatGPT’) :

Yusuf ibn Tashfin (c. 1009-1106) - Chef berbère et fondateur de la dynastie almoravide, il a consolidé un empire s’étendant du Maghreb à Al-Andalus (Espagne musulmane).

Nizam al-Mulk (1018-1092) - Homme d’État persan et vizir de l’Empire seldjoukide, il a établi un système administratif efficace et fondé des écoles (madrassas) influentes dans le monde musulman.

Omar Khayyam (1048-1131) - Mathématicien, astronome et poète perse, célèbre pour ses contributions en algèbre et pour les Rubaiyat, une collection de poèmes philosophiques.

Al-Ghazali (1058-1111) - Théologien, philosophe et mystique soufi persan, il a profondément influencé la pensée islamique et la philosophie scolastique médiévale avec son œuvre majeure Iʾ ʿulūm al-dīn (La Revivification des sciences religieuses).

Al-Zamakhshari (1075-1144) - Exégète du Coran, grammairien et linguiste, connu pour son commentaire coranique Al-Kashshaf, qui a marqué la philologie arabe.

Ce ne sont que quelques exemples, car le XIe siècle fut une période riche en figures influentes dans divers domaines (sciences, philosophie, politique, religion).

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Introduction

Ce dossier est la Partie 3 de la Série ‘Personnages historiques autour du 11ème Siècle’ : il est orienté vers l’Islam autour du 11ème siècle.

Il est structuré en 4 rubriques notées de A à D :

Rubrique A traitant de l’âge d’or de l’islam

Rubrique B consacrée à Nizam al-Mulk (1018-1092)

Rubrique C présentant Omar Khayyâm (1048- 1131)

Rubrique D exposant Al-Ghazali (1058-1111)

Finalement sont reportées en annexes : une révision des différents courants de l’islam, d’une part, et un ensemble de documents sur la musicologie : « Musique et chants liés à la culture islamique, arabe et persane du XI siècle  », d’autre part

Les articles sélectionnés pour ce dossier sont mentionnés avec leurs accès dans le sommaire ci-après

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Sommaire {{}}


Rubrique A - L’âge d’or de l’islam

Annexe – Musicologie - Musique et chants liés à la culture islamique, arabe et persane du XIᵉ siècle

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Rubrique A - L’âge d’or de l’islam{{}}


  • L’âge d’or de l’islam - Christophe Picard dans mensuel 260 - daté décembre 2001

    Gratuit-Document ‘lhistoire.fr’
    Du VIIIe au XIe siècle, le monde musulman a connu un âge d’or. Médecine, géographie, astronomie : dans tous les domaines, la connaissance a progressé. Avant que les avancées du conservatisme ne tarissent durablement les courants de réflexion.{{}}

Lorsque l’on associe la religion et la civilisation de l’islam* à la notion, bien floue, de progrès, l’Occident dirige son regard vers le passé, considérant que depuis notre « renaissance », au XVe-XVIe siècle, le monde musulman a tourné le dos à toute forme de progrès. Les images projetées à la télévision se focalisent sur certaines régions et certains groupes pour souligner ce qui représente le plus à nos yeux le retard social et qui semble devoir caractériser l’ensemble des sociétés musulmanes.

Malgré tout, l’image d’un passé brillant montre déjà que le mouvement de l’histoire n’est pas toujours allé dans le même sens et que les trois ou quatre siècles VIIIe-XIe siècle pendant lesquels le monde musulman a pu affirmer sa nette supériorité sur ses voisins, en particulier sur l’Europe occidentale, indiquent l’absence d’une sorte de fatalité religieuse, intellectuelle ou sociale. L’examen des facteurs de dynamisme de cet « âge d’or » peut faire mieux comprendre comment l’islam a pu lui aussi incarner le progrès dans le cadre d’une ère de « civilisation classique » avant de connaître son propre « Moyen Age ».

La première raison invoquée du dynamisme intellectuel et scientifique arabo-musulman est généralement reliée à l’immense territoire conquis de 632 à 751 par les Arabes, de l’Atlantique à l’Himalaya. Pour la première fois, une seule entité associait durablement deux grandes zones de civilisation qui, jusque-là, sans s’ignorer totalement, se tournaient le dos : le monde méditerranéen, riche de sa tradition gréco-romaine et judéo-chrétienne, et le monde « oriental », centré sur la Mésopotamie et l’Iran perse, et largement perméable au très riche patrimoine chinois et indien.

Effectivement, en s’emparant simultanément de plusieurs régions byzantines Égypte et Syrie médiévale et de l’Empire perse sassanide, les premiers califes* s’approprièrent immédiatement l’héritage infiniment riche de ces deux foyers de civilisation, au service de la nouvelle religion. Les souverains musulmans, chargés de promouvoir l’islam, entourés des plus brillants esprits arabes et non arabes, musulmans et non musulmans, sélectionnèrent les domaines de cet héritage qui pouvaient permettre à l’islam de s’épanouir.

Les Omeyyades, première dynastie des califes 661-749, n’hésitèrent pas à prendre à Byzance ses modèles architecturaux pour les mettre au service d’un empire encore inexpérimenté. Ainsi la mosquée de Damas prit aux églises plusieurs de leurs caractéristiques pour mieux faire ressortir son aspect monumental. De même, ils empruntèrent certains de leurs cerveaux : parmi eux figure l’un des plus grands théologiens chrétiens en la personne de saint Jean Damascène, placé à la tête de l’administration fiscale à Damas.

La dynastie abbasside, qui leur succéda 750-1258, joua un rôle majeur dans la promotion des grands courants de pensée de l’islam à partir de sa capitale Bagdad, fondée en 762. Les califes surent dynamiser la société musulmane, dans tous les domaines, en utilisant le savoir-faire des traducteurs syriaques jacobites1, des médecins nestoriens ou des administrateurs perses qui obtenaient des places privilégiées dans l’entourage califal.

Dès le VIIIe-IXe siècle, le monde musulman se morcela politiquement. Des dynasties indépendantes de Bagdad se mettent progressivement en place : Omeyyades de Cordoue en Espagne, Samanides à Boukhara en Asie centrale, Fatimides en Égypte. Ces nouveaux pouvoirs régionaux, profitant de l’essor économique des zones périphériques de l’empire, reprirent le modèle des deux premières dynasties califales pour développer à leur tour leur capitale et en faire un centre de civilisation.

Les souverains de Boukhara et de la prospère région du Khurasan à l’est de l’Iran protégèrent au XIe siècle deux des plus grands savants de l’islam, Ibn Sinna que nous appelons Avicenne, médecin et philosophe, et al-Biruni. Au XIIe siècle, al-Andalus l’Espagne musulmane accueillait ainsi, parmi une foule de savants, Ibn al-Rushd Averroès, « tout à la fois médecin, cadi, juriste, philosophe, qui s’est intéressé à l’ensemble des savoirs profanes et religieux de son temps2 » , ou Maimonide, théologien, philosophe et médecin juif.

Il est frappant de voir à quel point c’est la volonté des souverains de promouvoir l’islam qui semble avoir été le moteur de cet épanouissement.

La première étape, majeure, fut celle de l’étude de l’arabe, langue sacrée du Coran*, dont la forme parfaite devait éviter toute ambiguïté sur la lecture des paroles d’Allah. Elle devint, par la même occasion, la langue scientifique universelle, celle qui permettait aux musulmans de correspondre d’un bout à l’autre de leur empire.

Cette synergie fut favorisée par le déplacement obligatoire des musulmans, à l’occasion du pèlerinage à La Mecque. C’était le prétexte, pour les intellectuels, de venir chercher à Jérusalem, Damas et surtout Bagdad — qui demeura la capitale intellectuelle de l’islam jusqu’à sa destruction par les Mongols en 1258 — la science enseignée là par les plus grands maîtres de l’islam.

Pour débattre des grands courants de pensée qui animèrent les milieux intellectuels et divisèrent souvent les clans dirigeants après la mort de Mahomet, et pour démontrer la supériorité de l’islam sur les autres religions, fortes de leur expérience de plusieurs siècles, il fallait que la nouvelle confession se dote des armes exégétiques nécessaires à l’interprétation du Coran. A partir du VIIIe siècle, les traductions des textes antiques et le recours à la philosophie grecque falsafa permirent aux penseurs arabes de disposer de nouveaux outils de raisonnement.

A la même époque, la curiosité intellectuelle, excitée par la traduction des ouvrages grecs, latins, indiens, pehlvis la langue parlée en Perse, etc., fit progresser la connaissance dans un grand nombre de domaines scientifiques : la médecine, la géographie ou l’astronomie, au service de l’astrologie. Il s’agissait de développer les esprits, de soigner les corps, de mettre les instruments scientifiques, tels que les mathématiques, au service du pouvoir fiscalité, métrologie, la science des mesures... et d’une meilleure compréhension de l’univers créé par Allah, quitte à laisser de côté de nombreuses formes d’expression le théâtre ou la littérature historique grecs et latins par exemple, jugées sans utilité pour la promotion de la nouvelle religion.

Cela n’empêcha guère les expériences intellectuelles personnelles, parfois chèrement payées ou demeurées longtemps incomprises en islam, à l’instar de l’oeuvre d’Averroès.

A partir du XIe siècle, la civilisation islamique s’est vue surpassée dans de nombreux domaines, en particulier par le monde latin.

Au fur et à mesure, les dirigeants musulmans, considérant que l’islam avait acquis une place prépondérante face aux autres religions, et craignant désormais l’essor de courants hétérodoxes, « fermèrent la porte » de la réflexion.

Ainsi, au IXe siècle, à Bagdad, le calife al-Mamun 813-833 soutint le mouvement mu‘tazilite, doctrine qui s’appuyait sur la falsafa pour interpréter le Coran. Mais il se heurta bientôt à la résistance des milieux conservateurs menés par Ibn Hanbal, fondateur de l’école juridique la plus rigoriste de l’islam sunnite. Finalement, ce dernier incita le calife al-Mutawakkil 848-861 à décréter la fin de l’ère de réflexion et d’interprétation du Coran. De plus, il fut interdit d’utiliser des courants philosophiques étrangers comme support de l’exégèse coranique.

Si cette attitude ne mit pas fin à la réflexion et à la naissance de nouveaux courants, mystiques en particulier, la ligne de conduite des « conservateurs » devait définitivement infléchir le dynamisme intellectuel de l’islam. Le sociologue et historien Ibn Khaldûn 1332-1406, l’un des derniers grands penseurs de l’islam classique, se plaignait de cette tendance : « Lorsque le vent de la civilisation eut cessé de souffler sur le Maghreb et al-Andalus, et que le dépérissement des connaissances scientifiques eut suivi celui de la civilisation, les sciences disparurent... On en trouve seulement quelques notions, chez de rares individus, qui doivent se dérober à la surveillance des docteurs de la foi orthodoxe. »

A partir du XIe siècle, les signes d’une crise sociale durable dans les capitales autrefois les plus florissantes, les coups de boutoir des Latins à l’ouest croisades, Reconquête en Espagne et, au XIIIe siècle, des Mongols à l’est, tout contribua au raidissement et au conservatisme d’un islam devenu dominant en son sein mais menacé de l’extérieur. L’espace musulman s’isola intellectuellement, en particulier à l’égard des Occidentaux, désormais plus créatifs.

Cela dit, il ne faut guère systématiser : l’Empire ottoman, à partir du XIVe siècle, ou les sultanats moghols en Inde offrent de beaux exemples d’une société en mouvement.

Encore aujourd’hui, la diversité des situations dans une société d’un milliard de musulmans est le signe que l’islam a engendré des évolutions diverses mais qu’il ne contient en aucun cas en soi les fondements d’un conformisme ou d’un conservatisme qui seraient plus marqués que dans nos bases judéo-chrétiennes.

Mots clés : Moyen Age Civilisation Islam Science - * Cf. lexique.

1. L’Église jacobite fondée au VIe siècle réunit les Syriens monophysites chrétiens qui ne reconnaissent au Christ qu’une nature divine. Les nestoriens, quant à eux, distinguent les deux natures du Christ, humaine et divine.

2. Dominique Urvoy, Averroès, les ambitions d’un intellectuel de son temps, Paris, Flammarion, 1998.

Source : https://www.lhistoire.fr/l%C3%A2ge-dor-de-lislam

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  • L’âge d’or de l’islam - Christophe Picard dans collections 30 daté janvier - mars 2006

    Réservé aux abonnés du siteDocument ‘lhistoire.fr’
    Du VIIIe au Xe siècle, la ville de Bagdad a été au coeur d’un extraordinaire bouillonnement de la pensée. Philosophie, médecine, géographie, astronomie : dans tous les domaines, la connaissance a progressé, encouragée par les califes, pour qui le savoir était un attribut du pouvoir. Bagdad fut à la source de bien d’autres « âges d’or ».

Selon le grand historien tunisien Ibn Khaldun 1332-1406, « les sciences ne sont nombreuses que là où il y a une importante population et là où la civilisation urbaine est très développée... On peut rappeler à cet égard ce qui a déjà été dit à propos de Bagdad, Cordoue, Kairouan, Basra et Koufa. Au début de l’islam*, leur population était nombreuse et la civilisation urbaine s’y était bien implantée. Les sciences y étaient épanouies, les terminologies de l’enseignement et les différentes catégories de sciences développées ; de nouveaux problèmes étaient posés et de nouvelles disciplines inventées. Ainsi, les habitants de ces villes surpassèrent ceux qui les ont précédés et ceux qui sont venus après eux. Mais lorsque la population de ces villes décrut et que leurs habitants se dispersèrent, tout cela disparut de la scène. Les sciences et l’enseignement désertèrent ces cités et se transportèrent dans d’autres villes de l’islam.

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  • Ouvrage - Gouverner en Islam (xe-xve siècle) - Textes et de documents - Sous la direction de Anne-Marie Eddé et Sylvie Denoix – Documentation ‘OpenEdition Books’
    Le xe siècle représente un tournant important dans l’histoire politique des pays d’Islam avec l’apparition de trois califats rivaux qui eurent pour capitales Bagdad, Le Caire et Cordoue, tandis que la fin du xve siècle vit la puissance ottomane s’affirmer en Orient et la domination musulmane disparaître de la péninsule Ibérique.

Durant toute cette période, marquée par l’émergence de nombreux États régionaux, aucun modèle islamique de gouvernement ne s’imposa. Bien qu’unies par des institutions, des pratiques et des conceptions communes, les régions de cet immense empire présentaient, en effet, une si grande diversité linguistique, ethnique, religieuse, géographique et historique, que des formes de pouvoir très différentes se développèrent.

En témoigne la documentation de nature variée rassemblée dans cet ouvrage : documents de chancellerie, extraits de sources littéraires, historiques, juridiques, géographiques, inscriptions, monnaies, enluminures, l’ensemble de ces sources laisse transparaître la conception et l’exercice des différents pouvoirs, leurs manifestations en milieu urbain, le soutien que leur apportèrent les oulémas, ainsi que certaines formes d’autonomies, de conflits et de résistances.

Califes, vizirs, sultans, émirs, gouverneurs, responsables de la police ou des marchés, qu’ils aient été grands souverains ou intermédiaires plus modestes, les détenteurs de l’autorité apparaissent ainsi dans toute leur diversité dans des documents qui nous renseignent également sur la mise en scène du pouvoir et sa manière de communiquer. Toutes ces questions sur la nature et la représentation du gouvernement, le polycentrisme, la légitimité des États, les relations entre politique et religion, sont des sujets qui ont fait l’objet, ces dernières années, d’un important renouvellement historiographique dont la documentation, rassemblée ici, souhaite se faire l’écho.

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books - Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Note de l’éditeur - Ouvrage publié avec le concours de la Commission de la recherche de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Éditeur : Éditions de la Sorbonne - Lieu d’édition : Paris - Publication sur OpenEdition Books : 18 décembre 2019 - ISBN numérique : 979-10-351-0104-6 - DOI : 10.4000/books.psorbonne.36238 - Collection : Bibliothèque historique des pays d’Islam| 7 - Année d’édition : 2015 - ISBN (Édition imprimée) : 978-2-85944-894-3 - Nombre de pages : 352

Préface - p. 5-6 – Exrait >

« Gouverner en Islam entre le xe et le xve siècle » est l’intitulé d’une question d’histoire médiévale mise aux concours nationaux français d’enseignement de l’histoire, en 2014-2015 (Capes et agrégation).

C’est à cette occasion qu’est née l’idée de rassembler des traductions en français de textes arabes médiévaux qui abordent, sous différents angles, plusieurs grandes questions liées aux pouvoirs en Islam. L’espace envisagé est celui qui a été défini dans le cadre des concours, c’est-à-dire l’espace de l’Islam arabophone, à l’exclusion de l’Anatolie, des Balkans, de l’Iran, de l’Asie Centrale, de l’Inde, de l’Extrême-Orient et de l’Afrique Noire.

Mais, au-delà de l’objectif des concours, et sans chercher à couvrir tous les aspects du sujet, nous avons souhaité faire œuvre originale en choisissant prioritairement des textes qui n’avaient jusqu’ici jamais été traduits en français. Nous en avons ajouté quelques autres déjà traduits, lorsqu’ils nous sont apparus particulièrement significatifs, publiés dans des ouvrages ou des articles peu connus ou difficilement accessibles.

L’histoire, l’archéologie, la numismatique, l’épigraphie, l’histoire de l’art, sont autant de disciplines qui ont été mises à contribution afin de diversifier, autant que possible, les approches scientifiques et méthodologiques. Le choix des sources n’est jamais neutre et celles qui sont présentées ici se veulent aussi le reflet du renouvellement historiographique de ces dernières années dans le domaine des représentations et de l’exercice du pouvoir en pays d’Islam au Moyen Âge.

Traiter un sujet d’une telle ampleur thématique, géographique et chronologique, suggérait tout naturellement une démarche collective. Les chercheurs et enseignants-chercheurs de l’équipe « Islam médiéval » de l’Unité mixte de recherche « Orient et Méditerranée » (UMR 8167) du Centre national de recherche scientifique (CNRS), se sont donc mobilisés pour proposer des textes et documents dans leur domaine de recherche respectif. Se sont joints à eux quelques enseignants-chercheurs appartenant à des équipes de Lyon et d’Aix-en-Provence (« Histoire, Archéologie, Littératures des mondes chrétiens et musulmans médiévaux », CIHAM-UMR 5648 de Lyon et « Laboratoire d’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée », LA3M, UMR 7298 d’Aix-Marseille) 1.

Afin de rendre ces textes facilement accessibles aux non-arabisants, les noms des dynasties et des principales localités et régions ont été francisés. Pour les noms laissés en transcription arabe, un système simplifié de translittération a été adopté : les voyelles longues sont signalées par un tiret au-dessus de la lettre (ā, ū, ī), les consonnes emphatiques et la lettre h gutturale par un point au-dessous des lettres (ḍ, ḥ, ṣ, ṭ, ẓ), les lettres hamza et ‘ayn par une apostrophe à l’endroit pour l’une, à l’envers pour l’autre (’, ‘). Les termes suivis d’un astérisque (*) sont définis dans le glossaire p. 337.

Le terme Islam écrit avec une majuscule fait référence à la civilisation islamique, tandis que l’emploi de la minuscule désigne la religion musulmane.{{}}

Note de bas de page 1 Nous remercions également Houda Ayyoub (professeur d’Arabe à l’ENS-Ulm) qui a bien voulu relire quelques-unes des traductions présentées dans cet ouvrage.

Introduction{{}}

Le paysage politique{{}}

L’empire islamique ne connaissait, jusqu’au début du xe siècle, qu’un seul califat, celui des Abbassides sunnites, censé régner sur l’ensemble de la communauté musulmane à partir de Bagdad, même si l’unité de cet immense territoire, qui s’étendait de la Transoxiane à la péninsule Ibérique, était déjà bien entamée. Dès 756, une première division importante était apparue avec la création de l’émirat de Cordoue par un survivant de la dynastie des Omeyyades (660-750) détrônée, quelques années auparavant, par les Abbassides. Au ixe siècle, des pouvoirs régionaux s’étaient affirmés en de nombreuses parties de l’empire : les Idrissides (789-974) au Maghreb occidental, les Aghlabides (800-909) en Ifrīqiya, les Samanides (809-899) en Transoxiane et en Iran oriental, les Tahirides (821-873) puis les Saffarides (867-910) dans le Khurasan, les Toulounides (868-905) puis les Ikhshidides (935-969) en Égypte ; mais aucun de ces pouvoirs n’avait osé prétendre au califat, pas même la dynastie chiite des Idrissides qui se réclamait de la lignée de ‘Alī, gendre et cousin du Prophète.

L’apparition de deux autres califats, au début du xe siècle, marqua donc un tournant important, car, pour la première fois, trois califes, deux sunnites et un chiite, revendiquèrent simultanément l’héritage du Prophète et la souveraineté suprême. Le califat chiite fatimide, qui apparut en 909, en Ifrīqiya (Tunisie actuelle), se réclamait de la descendance du Prophète par sa fille Fāṭima (d’où leur nom) et son cousin ‘Alī. Il appartenait à la branche ismaïlienne du chiisme qui prétendait que la direction de la communauté aurait dû revenir au fils d’Ismā‘ īl (m. 755), Muḥammad, considéré comme le septième imam* dans la descendance d’al-Ḥasan fils de ‘ Alī. Selon cette doctrine, Muḥammad était caché mais devait revenir à la fin des temps, en tant que mahdī* pour rétablir le règne de la justice. En fondant la dynastie fatimide (909-1171), ‘Ubayd Allāh prétendit être ce mahdī et prit le titre de calife. En 969, le califat fatimide conquit l’Égypte où il fonda sa nouvelle capitale, Le Caire.

Au faîte de sa puissance, au début du xie siècle, il dominait un vaste empire qui allait de l’Ifrīqiya à la Syrie du Nord. Les villes saintes de La Mekke et Médine, elles-mêmes, reconnurent sa suzeraineté. À sa tête, le calife, représentant de Dieu sur terre, y détenait tous les pouvoirs, politiques et religieux ; infaillible par nature, il définissait le dogme et interprétait le message divin. Face à ce nouvel empire à visées hégémoniques, l’émir de Cordoue réagit en se proclamant lui-même calife, en 929, et ne cessa, tout au long des décennies suivantes, d’encourager diverses formes de résistances aux Fatimides en Afrique du Nord.

À Bagdad même, le calife abbasside ne sut pas résister à la montée des pouvoirs militaires et dut accepter, en 936, de remettre la plupart de ses prérogatives militaires et politiques à un « grand émir ». À partir de 945, une famille d’origine iranienne accapara cette fonction et fonda la dynastie des grands émirs bouyides (945-1055) qui gouverna l’Irak et une partie de l’Iran durant plus d’un siècle. Une forme originale de gouvernement s’établit alors, en Irak et en Iran, avec un pouvoir politico-militaire exercé par des émirs chiites qui reconnaissaient néanmoins l’autorité morale et religieuse d’un calife sunnite.

Le xie siècle fut, dans le monde musulman, celui de l’affirmation des pouvoirs de « peuples nouveaux », turcs et berbères en particulier.

Jusque-là, la plupart des dynasties qui avaient exercé le pouvoir était d’origine arabe (les califats notamment) ou iranienne, les Iraniens ayant joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’empire abbasside. Si les Turcs, originaires d’Asie centrale, étaient déjà connus du monde musulman - ils furent nombreux dans l’armée califale dès le ixe siècle et les gouverneurs toulounides et ikhshidides en Égypte étaient eux-mêmes d’origine turque - jamais encore ils n’avaient fondé d’empire. La première grande dynastie turque fut celle des Ghaznévides (977-1186) qui apparut à la fin du xe siècle dans l’est de l’Iran et dans l’actuel Afghanistan, avant de s’étendre en Inde, aux xie et xiie siècles.

Ce furent toutefois les Seljoukides (1055-1194 en Iran et en Irak), de la tribu des Oghuz, qui donnèrent à l’expansion turque sa plus grande ampleur. Convertis à l’islam vers la fin du xe siècle, ces guerriers turcs quittèrent les régions situées entre la mer d’Aral et la Volga où ils étaient installés, pour s’étendre en Transoxiane puis au Khurasan. Après avoir battu les Ghaznévides, en 1040, à la bataille de Dandānqān, au nord du Khurasan, Tchaghrī Beg et Ṭughril Beg, les deux petits-fils de Seljūq, éponyme de la dynastie, se partagèrent les territoires. Il fut décidé que Tchaghrī Beg conserverait le Khurasan et les territoires environnants tandis que Tughril Beg régnerait sur les territoires à conquérir. Ce dernier, se posant en défenseur résolu du sunnisme, fit son entrée, en 1055, à Bagdad où le calife lui réserva un très bon accueil, désireux qu’il était de se débarrasser de la tutelle des Bouyides chiites. En 1058, le calife conféra à Ṭughril Beg le titre de sultan, à charge pour lui de conquérir les territoires situés à l’ouest de l’Irak et de mettre fin à la dynastie des Fatimides. Son successeur Alp Arslān (1063-1072) étendit la domination des Seljoukides sur l’Arménie et la Géorgie. La victoire écrasante qu’il remporta, en 1071, à Mantzikert, sur l’empereur byzantin, lui ouvrit les portes de l’Anatolie, qui entra ainsi pour la première fois sous domination musulmane. En fait, la conquête de cette région fut surtout l’œuvre de l’un de ses cousins qui fonda la dynastie des Seljoukides de Rūm (1077-1307), du nom donné, en arabe, aux Byzantins. La Syrie-Palestine entra, elle aussi, sous domination seljoukide entre 1071 et 1086.

Les rapports qui s’établirent entre les califes de Bagdad et les souverains seljoukides d’Iran et d’Irak furent déterminants dans l’évolution de la conception et de l’exercice du pouvoir en Orient. En les investissant du titre souverain de sultan, les califes déléguaient aux Turcs la plus grande partie de leurs pouvoirs politiques et militaires. Ils gardaient, en revanche, leurs pouvoirs religieux qu’ils partageaient avec les savants en sciences religieuses, les oulémas. En réalité, la séparation des pouvoirs ne fut jamais totale. Bien qu’inférieurs sur le plan militaire, les califes se considéraient, par leur lignée et leur position de successeurs du Prophète, bien supérieurs aux sultans, et rechignaient à accepter leur tutelle. À plusieurs reprises, au cours du xiie siècle, ils tentèrent de regagner du pouvoir politique. Profitant du déclin de la dynastie seljoukide, le calife al-Nāṣir li-Dīn Allāh (1180-1225) parvint même à redonner au califat un peu de son lustre d’antan.

L’empire seljoukide ne tarda pas à se morceler{{}}

Les querelles de succession, au sein de la famille régnante, favorisa l’émergence, en Syrie-Palestine et en Haute-Mésopotamie, de pouvoirs émiraux plus ou moins autonomes. Désunis, ceux-ci ne furent pas en mesure de résister aux premiers croisés qui fondèrent quatre États latins, dans la région, entre 1098 et 1109 (Édesse, Antioche, Jérusalem et Tripoli). Les premières victoires musulmanes contre les croisés ne furent remportées ni par le sultan seljoukide ni par le calife de Bagdad, trop occupés à régler leurs dissensions internes, mais par des émirs turcs au service des Seljoukides qui utilisèrent habilement le jihad pour obtenir l’adhésion des populations et consolider leur pouvoir. Ainsi régnèrent les Bourides à Damas (1104-1154) et les Zenguides (1127-1222) en Haute-Mésopotamie, à Alep puis à Damas, deux petites dynasties dont les principales institutions étaient empruntées aux Seljoukides. La dynastie kurde des Ayyoubides (1174-1260), fondée par Saladin, qui leur succéda en Égypte, en Syrie et partiellement en Haute-Mésopotamie, instaura une sorte de confédération familiale au sein de laquelle les princes des grandes villes syriennes et mésopotamiennes reconnaissaient la suzeraineté du chef de famille installé au Caire

La politique de recrutement massif d’esclaves (mamlouks) militaires turcs par l’avant-dernier sultan ayyoubide d’Égypte, al-Ṣāliḥ Ayyūb (1240-1249), amena des bouleversements décisifs. D’une part ces mamlouks renforcèrent l’armée qui fut ainsi capable de résister à la croisade de Louis IX (1249-1250), mais, d’autre part, ils renversèrent la dynastie de leurs maîtres pour s’emparer du pouvoir en 1250 en Égypte. Les victoires qu’ils remportèrent sur les Mongols, à partir de 1260, puis sur les Arméniens de Cilicie et sur les Francs, entre 1260 et 1291, montrèrent qu’ils étaient les seuls à pouvoir défendre l’Islam. L’installation au Caire, par le sultan Baybars (1260-1277), d’un calife abbasside fantoche acheva de donner aux Mamlouks (1250-1516-17) la légitimité dont ils avaient besoin pour imposer leur autorité aux populations musulmanes.

Le système politique qu’ils mirent en place, fondé sur l’esclavage militaire – l’autorité et les hautes fonctions de l’État étant détenues par d’anciens esclaves affranchis – fut particulièrement original. En privilégiant les liens des frères d’armes plutôt que les liens du sang, en reconstruisant une famille autour de leur maître, en renouvelant sans cesse leurs rangs par l’apport de nouveaux esclaves, les Mamlouks turcs puis circassiens créèrent de nouvelles solidarités, fondèrent un État puissamment militarisé et démontrèrent leur forte capacité d’assimilation et de régénération.

Mais, au début du xvie siècle, tandis qu’une série de difficultés politiques et économiques s’abattaient sur eux, leur cavalerie, qui avait fait leur gloire durant plus de deux siècles, ne fit pas le poids face à l’artillerie ottomane. Dans les années qui suivirent, les Ottomans, qui avaient déjà mis fin à l’empire byzantin et conquis une grande partie des Balkans, étendirent leur domination sur l’ensemble des « provinces » arabes, excepté le Maghreb extrême, créant un empire qui parvint à se maintenir, jusqu’au début du xxe siècle.

Alors que l’Orient était gouverné par les Turcs, l’Occident musulman entrait sous la domination des Berbères. {{}}

En 1031, le califat omeyyade disparaissait au profit de pouvoirs autonomes, d’origine berbère, arabe ou esclavonne, connus sous le nom de royaumes des Taïfas. Ceux-ci ne purent résister bien longtemps aux progrès de la Reconquista chrétienne. La prise de Tolède, en 1085, poussa les Almoravides (1040-1147), installés depuis peu au Maghreb extrême, à venir au secours des musulmans d’al-Andalus. Dès 1086, ces « gens du ribā » (al-Murābiṭūn en arabe, d’où Almoravides), Berbères originaires du Sahara occidental et animés par un fort esprit de jihad, traversèrent le détroit de Gibraltar. Ils remportèrent la victoire d’al-Zallāqa qui freina, pour un temps, l’avancée chrétienne et leur permit de régner sur un vaste territoire qui s’étendait d’al-Andalus au Maghreb central.

Toutefois, dès 1124, naissait à Tinmel, au sud de Marrakech, un nouveau courant politique et religieux. Dans cette région du Sous, souvent marquée par un désir d’indépendance face au pouvoir central, surgit un personnage d’origine berbère, nommé Ibn Tūmart autour duquel s’organisa une communauté désignée sous le nom d’al-Muwaḥḥidūn (partisans de l’unicité divine) d’où le nom d’Almohades (1130-1269). Leur doctrine, sorte de synthèse des courants théologiques antérieurs, insistait, en effet, sur le respect absolu de l’unicité divine, mais se rattachait aussi au courant du « Mahdisme » que les Fatimides avaient propagé dès le xe siècle.

Tout en se réclamant du sunnisme, l’idéologie almohade comportait un volet messianique qui n’était pas sans rappeler l’idéologie ismaïlienne des Fatimides. Ibn Tūmart fut présenté comme le sauveur infaillible et « bien guidé » (al-mahdī) que toute la communauté musulmane attendait et qui allait instaurer la justice et la vérité dans ce bas-monde. Son mouvement prônait, en outre, une morale très rigoureuse qui s’opposait au laxisme dont les Almoravides étaient accusés. Les Almohades s’emparèrent de Marrakech, en 1147, et fondèrent un califat qui étendit sa domination sur l’ensemble du Maghreb et d’al-Andalus.

Après avoir remporté quelques succès contre la Reconquista, les Almohades durent néanmoins s’incliner, en 1212, à la bataille de Las Navas de Tolosa et se replier sur le Maghreb. Quelques décennies plus tard, ils durent, là aussi, céder leur place aux Mérinides qui s’emparèrent de Marrakech en 1269…….

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Table des matières

Les détenteurs du pouvoir

Avènements et investitures

Les acteurs sociaux

Alliances et mésalliances

Les effets du bon gouvernement

Construction d’une légitimité

Figures exemplaires et communauté parfaite

Conseils éclairés au souverain

Le prince réel : de la bonne gouvernance à la tyrannie

L’exercice du pouvoir

Prérogatives et destitutions

Administration, régulation et fiscalité

La guerre

La diplomatie

Le pouvoir et « les minorités »

Polycentrisme et formes de résistance

Gouvernements régionaux, querelles dynastiques

Les résistances au pouvoir

Le pouvoir et les élites réligieuses

Les relations idéales

Les rapports de force

La représentation du pouvoir

Protocole, rituels et cérémonies

Les espaces de représentation

Le pouvoir en images

Le pouvoir dans la ville

Villes et fondations princières

Évergétisme et politique de grands travaux

Surveillance des espaces publics

Glossaire

Index des sources

Table des figures

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Rubrique B : Nizam al-Mulk (1018-1092) {{}}

Un homme d’État du monde turc islamique, mécène épris de justice et de science, auteur d’un important « traité de gouvernement » au 11ème siècle


  • Le personnage de Nizam al-Mulk = Khâdjeh Nezâm-ol-Molk – Par Sirous Ghaffâriân - Traduit par Babak Ershadi - Diffusé par ‘La revue de Téhéran’, N° 51, février 2010
    Les chercheurs et les historiens de la pensée politique considèrent souvent la pensée grecque (Platon, Aristote) comme source théorique principale des systèmes politiques. Mais l’œuvre de Khâdjeh Nezâm-ol-Molk Toussi semble échapper à cette règle, car elle est se situe hors du système de pensée gréco-romain. Le bilan de trente ans d’activités politiques de Nezâm-ol-Molk à la tête de l’administration civile de l’Empire seldjoukide nous montre l’attachement qu’accordait le grand vizir au développement de la justice sociale, à la défense des droits des sujets de l’Empire, et au développement scientifique.

Dans son ouvrage monumental, Siyâsat Nâmeh (Traité de gouvernement) dédié à l’empereur Malek Shâh, Nezâm-ol-Molk évoque de nombreux événements historiques afin de montrer les conséquences positives de l’établissement de la justice, et les retombées négatives de la tyrannie. Siyâsat Nâmeh reflète également certains aspects de la philosophie de l’histoire de Khâdjeh Nezâm-ol-Molk : les lois et les traditions de l’histoire doivent être déterminées par la justice. La justice signifie que dans un système sociopolitique, chaque individu doit être mis à sa juste place. L’histoire nous apprend que les justes doivent gouverner les sociétés humaines.

Khâdjeh Nezâm-ol-Molk, de son vrai nom Abou Ali, fils de Khâdjeh Abol Hassan Ali Ibn Eshagh, naquit au village de Noqan, près de Toûs, le 15 Zil-Qadah de l’an 408 de l’Hégire (1017). Il est issu d’une famille de propriétaires fonciers de Toûs. Ville natale de plusieurs personnalités iraniennes à la période islamique, Toûs était à l’époque l’une des villes les plus célèbres du Khorâssân.

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Alp Arslân{{}}

Le Khorâssân du Ve siècle de l’Hégire était un très vaste territoire au nord-ouest de l’Iran qui s’étendait jusqu’à la rive sud d’Amou-Dariâ (anciennement Oxus) et de l’Hindou-Kouch (Afghanistan). En effet, les trois provinces iraniennes du Khorâssân du Nord, Khorâssân du sud et Khorâssân Razavi ne représentent aujourd’hui qu’une partie du grand Khorâssân du Moyen-Age. Mary (Turkménistan), Herat et Balkh (Afghanistan), Neyshâbour et Toûs (Iran) comptaient parmi les grandes villes du grand Khorâssân. Toûs se situe à 25 km au nord-ouest de Mashhad (chef-lieu du Khorâssân Razavi). Toûs fut la ville natale de plusieurs grandes personnalités du Khorâssân. De nombreux hommes de lettres, poètes, savants, philosophes et religieux de la période islamique étaient originaires de Toûs, ce qui faisait de cette ville ancienne une capitale culturelle de l’Iran après l’islamisation du pays. Les poètes Daghighi, Assadi, Ferdowsi, les deux frères philosophes et mystiques Mohammad et Ahmad Ghazâli, et les deux grands vizirs Nezâm-ol-Molk et Nassireddin Toûsi étaient tous originaires de Toûs.

Nezâm-ol-Molk fut d’abord fonctionnaire à la cour des rois ghaznavides. Lorsque les turcs seldjoukides développèrent leur domination en Iran, Nezâm-ol-Molk se mit au service d’Alp Arslân et de son successeur Malek Shâh, deux grands rois seldjoukides. Nezâm-ol-Molk fut le grand vizir de ces deux rois et dirigea avec une grande autorité l’administration civile des Seldjoukides.

Khâdjeh Nezâm-ol-Molk commença ses études à Toûs. A onze ans, il connaissait le Coran pas cœur. Son père était alors fonctionnaire administratif et financier du gouverneur ghaznavide du Khorâssân, Abol Fazl Souri. Le père d’Abou Ali décida alors de former son fils pour les services administratifs.

Les turcs seldjoukides repoussèrent progressivement les Ghaznavides et ils s’emparèrent du Khorâssân vers 1037. Abou Ali Ibn Shâzân fut nommé gouverneur de Balkh (nord de l’Afghanistan) par les Seldjoukides. Le jeune Abou Ali qui n’avait que vingt ans à l’époque, se rendit à Balkh et offrit ses services au gouverneur Abou Ali Ibn Shâzân. Peu de temps après, Abou Ali Ibn Shâzân devint le vizir du roi seldjoukide Shuqri-Beg. Abou Ali, qui accompagnait son maître, entra ainsi à la cour des Seldjoukides.

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Malek Shâh{{}}

Issus d’une tribu turkmène appartenant à la branche des Oghouz, les Seldjoukides se convertirent à l’islam au Xe siècle et s’installèrent d’abord dans la province iranienne de Transoxiane et dans la région de Bokhârâ. Leur puissance s’établit progressivement avec Toghrul-Beg, qui soumit l’Iran et l’Irak actuels entre 1040 et 1055. Abou Nasr Hamid-ol-Molk Kondari fut le grand vizir de l’empereur Toghrul-Beg. Pendant ce temps, le jeune Khâdjeh Abou Ali était devenu le vizir d’un prince seldjoukide Alp Arslân (neveu de Toghrul-Beg) qui fut le gouverneur du Khorâssân. Khâdjeh Abou Ali devint ainsi une personnalité très respectée de la cour des Seldjoukides.

Au mois de Ramadan 455 de l’hégire (1063), les Seldjoukides entrèrent dans Bagdad et renversèrent la dynastie iranienne bouyide qui dominait alors l’Irak. Toghrul-Beg se déclara protecteur du calife abbasside et ce dernier le nomma ’sultan’.

Le sultan seldjoukide mourut le 8 Ramadan 455 de l’Hégire (10 septembre 1063) à l’âge de soixante-dix ans. Toghrul n’avait pas de fils et il avait nommé son frère Shuqri-Beg à sa succession. Mais ce dernier mourut avant le sultan. Le fils de Shuqri-Beg, Alp Arslân succéda au trône en 1063. Il comprit très tôt que le grand vizir Abou Nasr Amid-ol-Molk Kondari avait fomenté une conspiration contre lui pour faciliter l’accès au pouvoir de Soleymân, un autre prince seldjoukide. Un an plus tard, en 1064, Alp Arslân fit assassiner le vizir et nomma Khâdjeh Abou Ali au poste de vizir en lui donnant le titre de ’Nezâm-ol-Molk’.

La victoire d’Alp Arslân sur les armées de l’Empire byzantin permit aux Seldjoukides de prendre presque toute l’Asie Mineure. La grande bataille eut lieu en 462 de l’Hégire (1071) entre les Seldjoukides et les armées de l’empereur byzantin Romanus Dioganus à Manzikert au nord du lac Van (est de la Turquie), et permit aux Seldjoukides de prendre presque toute l’Asie Mineure. Alp Arslân fut assassiné le 30 Rabi’-ol-Awwal 465 de l’Hégire (14 décembre 1072). Son fils Jalâleddin Malek Shâh succéda au trône et reconduisit Khâdjeh Nezâm-ol-Molk à son poste.

Malek Shâh et Nezâm-ol-Molk{{}}

Malek Shâh fut empereur pendant vingt ans de 465 à 485 de l’Hégire (1072-1092). Quand il monta sur le trône à 17 ans, Nezâm-ol-Molk avait 47 ans et il avait l’expérience de 20 ans de fonction administrative. L’art de Nezâm-ol-Molk était d’administrer les affaires de l’Etat par le biais d’un système bureaucratique efficace et de technocrates expérimentés.

Nezâm-ol-Molk fut le premier homme d’Etat, dans l’histoire de l’Iran, à croire que le sultan devait régner sans se mêler aux affaires du gouvernement. La reine Torkân Khâtoun et les courtisans avaient une influence considérable sur la cour et sur les services d’administration d’Etat, ce qui inquiétait le vizir Nezâm-ol-Molk qui veillait à ce que les gens de la cour de Malek Shâh n’interviennent pas dans la politique. Il avait interdit aux courtisans de se charger des postes administratifs. La correspondance entre la cour et les services d’Etat devait être strictement limitée, et le contenu des lettres devait rester confidentiel. En ce qui concernait les ordres oraux du roi, Nezâm-ol-Molk agissait avec une très grande prudence : il ordonnait ainsi à ses hommes de vérifier avec la cour la véracité des ordres oraux avant leur exécution.

L’objectif du grand vizir était de convaincre les Seldjoukides de se soumettre aux traditions des rois d’antan et de leurs sages ministres comme les Barmakides, les Samanides et les Bouyides. Pour pouvoir contrôler Malek Shâh et ses courtisans, Nezâm-ol-Molk avait créé un système administratif dirigé par une sorte de conseil de ministres formés essentiellement par ses douze fils qu’il avait formé à l’exercice de hautes fonctions d’Etat. Ces ministres étaient envoyés dans diverses régions du vaste empire des Seldjoukides.

Khâdjeh Nezâm-ol-Molk fonda ainsi un système oligarchique, favorisant ses fils et ses proches, pour contenir les interventions des hommes de la cour dans les affaires politiques. Dans l’introduction qu’il écrit dans le Traité de gouvernement, Abbâs Eqbâl raconte une anecdote de la fin du règne de Malek Shâh pour montrer l’autorité du grand vizir des Seldjoukides : ’Un an avant la mort de Malek Shâh, ses hommes lui rapportèrent qu’une querelle avait eu lieu entre le chef des agents de l’ordre à Mary (un proche du sultan) et un fils de Nezâm-ol-Molk, Shams al-Malek Osman. Le sultan seldjoukide fut furieux. Il expédia quelques-uns de ses hommes auprès du vizir pour lui dire : ’Si tu te soumets à moi, tu dois punir ton fils et tes hommes. Sinon je t’enlèverai le titre de chef du gouvernement’. Khâdjeh Nezâm-ol-Molk fut vexé et envoya une réponse dure au sultan : ’Le sort de la couronne et celui du gouvernement sont étroitement liés l’un à l’autre. Si tu destitues ce gouvernement, on t’enlèvera la couronne.’’

Nezâm-ol-Molk estimait que les Seldjoukides lui devaient beaucoup, car la grandeur de l’empire dépendait directement de l’administration dirigée par le grand vizir. Deux autres incidents survinrent entre le sultan et le vizir : d’abord au sujet de la réduction du nombre des soldats des armées seldjoukides, ensuite au sujet du budget des écoles ’Nezâmieh’.

Khâdjeh Nezâm-ol-Molk développa son influence sur les armées des Seldjoukides. Ses détracteurs à la cour proposèrent alors une réduction des dépenses militaires de l’Etat afin de réduire le pouvoir du vizir. Ce dernier rejeta leur proposition. Les courtisans suggérèrent à Malek Shâh qu’en temps de paix, l’empire n’aurait pas besoin d’une armée de quatre-cent mille hommes, et qu’en réduisant le nombre des soldats à soixante-dix mille, l’Etat pourrait alléger considérablement ses dépenses. Le sultan accepta cette proposition. Nezâm-ol-Molk s’opposa de nouveau à cette demande : ’C’est le sultan qui dit le dernier mot, mais je crois que ces quatre cent mille hommes sont payés pour que le Khorâssân, la Transoxiane, le Sistan, l’Irak, la Perse, la Syrie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, l’Asie mineure et la Palestine soient tous dominés par le sultan.’ Nezâm-ol-Molk énuméra les pays sous la domination de l’Empire seldjoukide pour faire comprendre à Malek Shâh que pour contrôler un empire, les Seldjoukides auraient besoin d’une armée de quatre-cent mille soldats, même en période de paix.

Lorsque Khâdjeh Nezâm-ol-Molk décida de fonder les écoles Nezâmieh dans les grandes villes de l’empire, la reine Torkân Khâtoun et les détracteurs du grand vizir à la cour dirent au roi que ce projet était un gaspillage financier et que l’argent que Nezâm-ol-Molk dépensait pour financer ces écoles aurait dû être utilisé pour lever une armée afin de conquérir Constantinople. Nezâm-ol-Molk résista aux pressions de ses détracteurs, et prouva au roi qu’une grande partie du budget des écoles Nezâmieh provenait de ses fonds personnels.

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Malek Shâh{{}}

La reine Torkân Khâtoun voulait que son fils Mahmoud soit nommé par Malek Shâh à la succession au trône. Or, Nezâm-ol-Molk n’était pas d’accord avec elle. C’est pourquoi la reine et son intendant Tâdj-ol-Molk planifièrent l’assassinat du grand vizir. Ils projetèrent alors la mort de Nezâm-ol-Molk en établissant des contacts secrets avec les Ismaéliens qui étaient des ennemis jurés du vizir des Seldjoukides. L’attentat eut lieu en 1092, lors d’un voyage à Nahâvand, près de Kermânshâh où un ismaélien Abou Tâher Arani agressa mortellement Nezâm-ol-Molk avec un couteau. Les dépouilles du vizir furent transférées à Ispahan, la capitale seldjoukide, et furent inhumées dans le quartier Ahmadâbâd. Un mois après l’assassinat de Nezâm-ol-Molk, l’empereur Malek Shâh mourut dans des conditions douteuses. Selon les rumeurs, le personnel de l’école Nezâmieh d’Ispahan aurait tué Malek Shâh pour venger le vizir.

Après la mort de Nezâm-ol-Molk et du roi, la reine Torkân Khâtoun réussit à faire monter son jeune fils Mahmoud sur le trône. Mais Barkiyarq, le fils aîné de Malek Shâh, encercla Ispahan puis fit arrêter et exécuter l’intendant de la reine, Tâdj-ol-Molk. Torkân Khâtoun paya cinq cent mille dinars au prince pour le dissuader de prendre la capitale. Le prince seldjoukide accepta la proposition de la reine, et attendit jusqu’à la mort de Torkân Khâtoun et de son fils Mahmoud trois ans plus tard pour prendre Ispahan en 1095.

Le nouveau roi nomma les fils de Nezâm-ol-Molk à des postes de ministre. Ces derniers continuèrent à appliquer les méthodes de leur père pour administrer les affaires de l’Empire seldjoukide.

Nezâm-ol-Molk et sa théorie de gouvernement{{}}

Nezâm-ol-Molk réunit ses idées politiques sur le gouvernement dans son œuvre monumentale Siyâsat Nâmeh (Le traité de gouvernement) et son testament Dastour al-Wozarâ’ (Instructions aux ministres). Dans Siyâsat Nâmeh, Nezâm-ol-Molk décrit les conditions requises pour les candidats désireux d’accéder à des postes administratifs. La justice et l’Etat de droit constituaient les fondements de la pensée politique de Nezâm-ol-Molk. Selon lui, chaque semaine, le roi doit consacrer deux jours à rendre la justice et à s’occuper des affaires des administrations judiciaires. Il conseillait au roi d’écouter directement les paroles de ses sujets. Nezâm-ol-Molk croyait que le sultan devait nommer un représentant indépendant dans chaque ville de l’Empire, chargé de lui envoyer directement des rapports détaillés sur le fonctionnement des administrations et leur comportement envers les citoyens. Dans ses théories, Nezâm-ol-Molk rejeta l’idée de Platon qui considérait que seuls les sages avaient le droit de gouverner. Selon le vizir iranien, le gouverneur devait surtout respecter les normes de la justice. Il incombait au sultan de restaurer l’Etat de droit de sorte que les sujets puissent vivre et travailler en sécurité.

Les grandes époques sont celles des rois justes’, disait Nezâm-ol-Molk. Dans Siyâsat Nâmeh, il estime que l’établissement de la justice par l’Etat assure la grandeur de la religion, la puissance du roi et les intérêts des sujets. Il croyait qu’il fallait instaurer un système indépendant pour contrôler le fonctionnement, dans chaque ville, des institutions administrative, judiciaire et sécuritaire. Il demanda donc au roi de nommer dans chaque ville de l’empire un agent indépendant pour veiller sur les activités du gouverneur, du juge et du chef des forces de l’ordre. Cet agent devait envoyer ses rapports directement à la cour. En ce qui concernait la nomination des fonctionnaires de l’Etat, Nezâm-ol-Molk pensait qu’il ne fallait pas confier deux postes à une seule personne, ou de charger deux personnes d’une seule fonction.

La pensée politique de Nezâm-ol-Molk était inspirée par les anciennes traditions politiques de la Perse. Dans son Siyâsat Nâmeh, il relate de nombreuses anecdotes des anciens rois de la Perse afin de permettre au roi seldjoukide Malek Shâh d’apprendre les traditions politiques des Anciens. La doctrine politique du grand vizir était fondée sur trois principes : la raison, la religion, et le savoir. Grâce aux puissantes armées des Seldjoukides, à la sagesse et au savoir-faire de Nezâm-ol-Molk, l’empire de Malek Shâh devint aussi vaste que celui des Sassanides.

Nezâm-ol-Molk et les services sociaux et culturels{{}}

Khâdjeh Nezâm-ol-Molk fut le grand vizir de l’Empire seldjoukide pendant trente ans, sous Alp Arslân et Malek Shâh. Durant cette période, il mit notamment en place de vastes projets de développement : il fit construire un réseau de caravansérails sur les routes ainsi que des écoles, des hôpitaux et des mosquées dans les villes.

Les Ismaéliens et leur guide spirituel Hassan Sabbâh constituaient un grand obstacle à la réalisation des projets de développement de Khâdjeh Nezâm-ol-Molk. Cependant, Nezâm-ol-Molk rénova le système d’administration de l’Etat en essayant de faciliter l’accès des sujets aux services administratifs et à la justice. Il consacra également un budget important aux aides sociales. Lorsqu’il se rendit à Bagdad, il alloua une somme de cent quarante mille dinars d’aides aux nécessiteux. Dans un rapport secret à Malek Shâh, Tâdj-ol-Molk, intendant de la reine, avait écrit : ’Nezâm-ol-Molk dépense chaque année une somme de trois cent mille dinars pour les oulémas, mystiques et savants, et consacre un important budget à la construction des caravansérails routiers.’

En 471 de l’Hégire (1079), Nezâm-ol-Molk demanda à Omar Khayyâm d’élaborer un nouveau calendrier solaire dont le point de départ était l’Hégire. Khayyâm et son équipe d’astronomes et de mathématiciens se mirent au travail. Ils remirent le calendrier au vizir le 9 Ramadan 471 (15 mars 1079). Le nouveau calendrier fut officiellement adopté le 1er Farvardin 458 de l’Hégire solaire, premier jour du printemps (hémisphère nord).

Khâdjeh Nezâm-ol-Molk avaient interdit aux services administratifs de la cour de rémunérer les poètes qui présentaient leur poésie de circonstances aux rois ou aux princes seldjoukides. Cependant, le roi Malek Shâh aimait offrir de l’argent aux poètes. Nezâmi Arouzi relate que Nezâm-ol-Molk lui-même ne les rétribuait jamais.

En 481 de l’Hégire (1088), quatre ans avant son assassinat par les Ismaéliens, Nezâm-ol-Molk fit rénover la grande mosquée d’Ispahan. Il ajouta à la mosquée un très grand dôme en briques. Cette dernière est considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de l’architecture seldjoukide de l’époque.

Les historiens sont unanimes pour dire que la création des écoles Nezâmieh dans différentes villes de l’Empire seldjoukide constitue la plus grande œuvre culturelle du grand vizir Nezâm-ol-Molk. Pendant une période de vingt ans, du 465 à 485 de l’hégire (1072-1092), de nombreuses écoles furent fondées dont les plus célèbres furent les écoles Nezâmieh de Balkh, Neyshâbour, Herat, Ispahan, Mary, Amol, Mossoul et Bagdad.

Les écoles Nezâmieh étaient à la fois des universités et des écoles supérieures soumises à des règlements communs et équipées de riches bibliothèques. Les recteurs et les professeurs étaient nommés officiellement par Nezâm-ol-Molk lui-même. Les étudiants recevaient une pension et étaient logés et nourris à l’école. Khâdjeh Nezâm-ol-Molk a consacré les revenus de nombreuses œuvres pieuses et caritatives au financement des écoles Nezâmieh. Parmi les écoles Nezâmieh des différentes villes, celle de Bagdad était la plus célèbre et la plus prestigieuse.

Parmi les plus grands professeurs de cette école figurait le nom de l’Imâm Mohammad Ghazâli. Pendant plusieurs siècles, de grandes personnalités firent leurs études à l’école Nezâmieh de Bagdad, dont les poètes Saadi et Djâmi. Outre le budget de l’Etat, Khâdjeh Nezâm-ol-Molk dépensa deux cent mille dinars de ses fonds personnels pour construire cette école. Le salaire annuel des professeurs de l’école Nezâmieh de Bagdad était d’environ quinze mille dinars.

Dans la salle de cours, le professeur montait sur un korsi tandis que les étudiants s’asseyaient par terre en cercle devant le professeur. Selon les traditions des écoles Nezâmieh, pour la première séance de cours, le professeur devait porter une tunique spéciale appelée ’tilsan’. La robe cérémoniale que l’on utilise aujourd’hui dans différentes universités du monde est, en réalité, une imitation du tilsan des écoles Nezâmieh.

Les écoles Nezâmieh furent fondées au XIe siècle, c’est-à-dire près d’un ou deux siècles avant la création des grandes universités européennes.

En Angleterre, les universités de Paris et de Cambridge furent fondées respectivement en 1200 et en 1209. Nous pouvons donc considérer les écoles Nezâmieh comme l’un des premiers exemples d’institutions universitaires dans le monde. {{}}

[Rappel : La plus ancienne université du monde est l’université Al Quaraouiyine, à Fès, au Maroc. Fondée à l’origine comme mosquée en 859, elle est devenue l’un des principaux centres spirituels et éducatifs de l’âge d’or islamique… - A lire sur ce site : https://www.oxfordscholastica.com/blog/university-preparation-articles/what-are-the-15-oldest-universities-in-the-world/ ]

Sources :

- Mehrin Shustari, Abbâs, Târikh-e zabân va adabiyât-e irân, az zamân-e Toqrol-e saljouqi tâ asr-e Holagou-ye tchangizi, (L’Histoire de la langue et de la littérature en Iran, de Toghrul le seldjoukide à Hulagu le mongol), éd. Mani, Téhéran, 1973.

- Tabâtabâ’i, Seyed Djavâd, Khâdjeh Nezâm-ol-Molk, Tarh-e No, Téhéran, 1996.

- Clozner, Carla, Divânsâlâri dar ahd-e saljouqi, (La bureaucratie administrative à l’époque des Seldjoukides), traduit en persan par Ya’ghoub Ajand, éd. Amir Kabir, Téhéran, 1984.

- Khâdjeh, Nezâm-ol-Molk, Siyâsatnâmeh (Le Traité de gouvernement), sous la direction d’Hubert Dark, éd. Elmi Farhangi, Téhéran, 1985.

Galerie - Accéder à la galerie de la Revue de Téhéran - • N° 51, février 2010

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  • Etude sur les Grands Seldjoukides - Par Jean-Paul Roux - Mai 2002Documentation ‘clio.fr/bibliotheque’
    Jean-Paul Roux : ancien directeur de recherche au CNRS. Ancien professeur titulaire de la section d’art islamique à l’École du Louvre

Les pères luttent pour la conquête, leurs fils règnent, parfois avec sagesse, leurs petits-fils essaient, sans toujours y parvenir, de défendre des territoires convoités par d’autres conquérants : si toutes les dynasties sont mortelles, certaines ont vécu avec un singulier panache, tels ces Turcs seldjoukides, descendants d’un chef de tribu du Xe siècle, dont Jean-Paul Roux auteur d’une Histoire des Turcs, (Fayard, 2000), a suivi les traces, d’Ispahan à la Syrie, du Caucase à la Sogdiane.

Les tribus turques déferlent sur le royaume samanide{{}}

Dès le VIe siècle, les Turcs avaient essayé de s’installer en Iran oriental et d’abord dans cette riche province qui s’étend entre le Syr-Daria et l’Amou-Daria, – l’Oxus – nommée Sogdiane ou Transoxiane. Quelques-uns étaient parvenus à s’insérer dans le milieu urbain, d’autres, en tribus, arpentaient les steppes et les déserts. Ils y restaient cependant minoritaires.

Les Arabes d’abord, le puissant royaume iranien des Samanides ensuite, quasiment indépendant depuis 874, contenaient leur masse derrière une barrière infranchissable. Et, alors qu’ils rêvaient d’en devenir les maîtres, ceux qui continuaient à y entrer le faisaient en serviteurs. C’est en effet parmi eux que les princes samanides, comme tous les souverains de l’islam oriental, recrutaient leurs mercenaires, les mamelouks, les « esclaves ».

Les steppes qui s’étendent au sud et à l’ouest du lac Balkach étaient occupées par la fédération des Oghuz, les Turcs occidentaux, divisés en vingt-deux ou vingt-quatre grandes formations tribales. L’une d’elle, celle des Kinik, dirigée par un certain Seldjouk, était établie sur la rive droite du moyen Syr-Daria, au nord du royaume samanide.

Ce Seldjouk était père de trois fils portant les noms bibliques d’Israël, Mikhaël et Musa – Moïse – ce qui incita à voir en eux des judaïsés, alors qu’ils étaient plutôt superficiellement christianisés. À ce nom, ils en joignaient un autre, totémique, celui d’Arslan, « Lion », qui prouve qu’ils demeuraient aussi attachés à leur antique religion chamanique. Indifférents en matière religieuse, ils étaient entrés en relations avec les musulmans de Transoxiane et avec les chrétiens du Khwarezm, le riche delta de l’Oxus. On a prétendu qu’avant sa mort Seldjouk aurait finalement choisi d’opter pour l’islam : rien n’est moins sûr. Quoi qu’il en soit, ses trois fils purent obtenir la permission de faire paître leurs troupeaux en Sogdiane.

C’était une époque difficile pour les Samanides et leur dynastie touchait à sa fin. Un de leurs mercenaires turcs s’était révolté contre eux et était allé fonder à Ghazni, en Afghanistan, ce qui allait devenir le puissant empire des Ghaznévides (962). À peu près au même moment s’était constitué à leur septentrion, à Kaghgar et à Balasaghun, le premier Empire turc musulman fondé hors des terres islamiques, celui des Karakhanides. Ces deux nouveaux États, également turcs, se jalousaient, se disputaient la suprématie, mais ils n’en représentaient pas moins un danger évident pour les Samanides. Jusqu’alors ceux-ci avaient pu maintenir les Turcs qui les assaillaient en hordes dispersées. Ils avaient maintenant devant eux des États puissants et de surcroît musulmans, ce qui leur interdisait de faire appel à la guerre sainte pour mobiliser contre eux les énergies populaires. Ils devaient succomber à leurs premières attaques. En 999, les Ghaznévides occupèrent toutes les terres au sud de l’Oxus et les Karakahnides, la Sogdiane. C’en était fait de la souveraineté iranienne dans cette région du monde et la porte si longtemps verrouillée s’ouvrait aux tribus turques : elles ne tardèrent pas à déferler en masse.

Les fils et petits-fils de Seldjouk, de redoutables conquérants{{}}

Les enfants de Seldjouk, les Seldjoukides, qui avaient joué leur rôle dans ce jeu militaire, sont déplacés comme de simples pions sur un échiquier. Arslan-Israël est envoyé au Khorassan, puis on l’invite à se rendre sur le front de guerre du sud du Caucase, d’où son petit-fils partira à la conquête de l’Asie Mineure byzantine. Il y fondera le royaume des Seldjoukides d’Asie Mineure, dit aussi de Rum – du pays « romain », c’est-à-dire grec – ou de Konya, du nom de la capitale qu’il choisira.

Les deux autres frères, Arslan-Mikhaël et Arslan-Musa sont cantonnés dans le Khwarezm. Ils s’y fortifient si rapidement qu’en 1028-1029 les deux fils du premier, Toghrul Beg et Tchakri Beg – le bey Faucon et le bey Épervier – occupent Merv et Nichapur. Le Ghaznévide Mas’ud entend les châtier et mettre un terme à leur puissance naissante. Il marche contre eux, auréolé des victoires que les siens ont remportées en Inde et, le 22 mai 1040, se fait écraser à Dandanakan. Tout le Khorassan tombe aux mains des Seldjoukides.

Voyant s’ouvrir devant eux une brillante carrière dans un Iran chaotique, ils comprennent qu’ils ne peuvent la courir qu’en devenant musulmans sunnites : musulmans pour opérer en pays musulman sans susciter contre eux le djihad, sunnites parce que tout l’Iran est soumis aux Bouyides, des chiites exécrés qui, de surcroît, asservissent sans oser le renverser le calife abbasside de Bagdad. Les Seldjoukides en seront vite récompensés. Le peuple se ralliera à eux comme à des libérateurs, le calife les appellera à son secours, se mettra sous leur protection et leur donnera le titre de sultan d’Orient et d’Occident. Autrement dit, il leur donnera l’autorité politique et militaire sur tout ce qui, en terre d’islam, relève encore de lui, y compris les lieux saints d’Arabie.

Tandis que Tchakri Beg garde le Khorassan pour prévenir une contre-attaque des Ghaznévides et une attaque des Karakhanides, Toghrul Beg marche vers l’Occident. Entre 1040 et 1044, il occupe tout le nord de l’Iran, avec Reï et Hamadan. En 1048, il lance un de ses cousins maternels, Ibrahim ibn Inal, à l’attaque de l’Empire byzantin, campagne qui se solde par la prise d’Euzurum. Il s’y rend en personne en 1054-1055, ajoutant à ses titres celui de Ghazi, le « Victorieux à la guerre sainte ». En 1055, il entre à Bagdad et, fait inouï, le calife reconnaissant lui donne sa fille en mariage. En 1059, il met enfin la main sur Ispahan qui lui a opposé une longue résistance et dont il fait sa capitale, puis il meurt. Son neveu, Alp Arslan, le « Lion héroïque », le fils de Tchakri Beg, lui succède (1063-1073). Il apporte dans son escarcelle les conquêtes que son père a réalisées en Orient, le Khwarezm « protégé » en 1043 et la Bactriane conquise peu après. Alp Arslan trouvera la mort en conduisant une immense armée vers une Sogdiane toujours insoumise, qui ne sera finalement réduite que par Malik chah (1073-1093). Néanmoins, il ne détrônera pas la dynastie vaincue.

Malik chah{{}}

Sous le règne d’Alp Arslan, les Turcs multiplient leurs interventions en Anatolie et en Syrie. Dès 1071 ils occupent Jérusalem, qu’il leur faudra reprendre en 1077. Ils détruisent le royaume d’Arménie, prenant Ani, sa capitale (1064), forcent les Arméniens à émigrer en Cilicie où ils fondent sur la Méditerranée le royaume dit de Petite Arménie. Les Byzantins, qui jusqu’alors n’ont pas réagi, se décident enfin à intervenir quand accède au pouvoir un général, Romain Diogène. L’empereur traverse une Anatolie dévastée, démoralisée, et rencontre les Grands Seldjoukides près du lac de Van, à Mentzi Kert (1071). Il se fait tailler en pièces et tombe, captif, aux mains de ses vainqueurs.

Alp Arslan ne cherche pas à exploiter son succès. Il libère Romain Diogène, lui rend ses terres. Ce sont les Byzantins eux-mêmes qui les livreront un peu plus tard aux Turcs, quand ils auront l’idée d’appeler certains d’entre eux comme fédérés dans l’espoir de protéger leurs frontières.

Malik chah n’a sans doute pas l’âme guerrière. Certes il a fait la guerre en Sogdiane et en Syrie où interviennent les Fatimides d’Égypte, des chiites encore ; il y est appelé au secours par les bandes turques qui ont pris Damas (1076) et, pour la seconde fois, Jérusalem (1077). Il y envoie son frère Tutuch qui s’empare d’Alep, la confie à Ak Chungkur, père du futur Zengi auquel la ville doit tant, et d’Antioche (1086). C’est aux Seldjoukides de Syrie – les fils de Tutuch, Ridwan d’Alep et Dukak de Damas – à d’autres princes locaux et aux Égyptiens que les croisés auront affaire : Arrivés au Proche-Orient en 1096, ils enlèveront Antioche (1098), Édesse et Jérusalem (1099).

Le grand vizir Nizam al-Mulk, un mécène épris de justice et de science{{}}

L’œuvre de Malik chah se veut de paix et d’organisation. Il a pour le servir un homme admirable, un Iranien de grand talent, Nizam al-Mulk (1018-1092) qui avait déjà été premier ministre de son père et à qui l’on doit un classique de la littérature, son Traité de gouvernement, ou Livre de politique, le Siyaset name. Ce grand vizir iranise les Turcs, fait du persan leur langue de culture et cherche à les rendre bons musulmans. Tâche ardue que cette dernière, bien que ceux-ci soient peu nombreux ! S’ils occupent certes des postes importants, leurs hommes se cantonnent dans certaines régions du pays, au sud dans le Zagros et le Fars où ils sont les ancêtres des actuels Kachgaïs, au Caucase et à ses pieds où, lentement, ils assimilent les populations appelées à devenir au XVe siècle les Azeris.

Les guerres n’ont que peu affecté l’économie. L’agriculture est moins prospère et maints indigènes sédentarisés sont retournés au nomadisme, mais les villes sont florissantes. On y travaille beaucoup, on y construit d’abondance des mosquées, des tombeaux, des madrasa… Si les sanctuaires de Gulpaigan (vers 1115), de Zaware (1135-36), d’Ardestan (1160-62) montrent de grandes beautés, le chef-d’œuvre de l’architecture religieuse est la Grande Mosquée d’Ispahan, le monument sans doute le plus représentatif du génie iranien. C’est un édifice de fondation abbasside (Xe siècle) à nefs parallèles complètement transformé par l’insertion au cœur de la salle de prière d’une pièce carrée sous coupole précédée d’une haute voûte en berceau brisée béante sur la cour, l’iwan, puis en un second temps, par l’adjonction d’un vaste corps de bâtiments à quatre iwans formant croix, copie pure et simple des toutes récentes madrasa. À l’opposé de la salle de prière, non dans l’axe, une petite pièce qui servait sans doute de salon de repos au souverain, Kunbad e-Karki, est revêtue d’une coupole moins imposante que la première, mais d’une beauté égale, voire supérieure encore s’il se peut (1086). Autre innovation appelée à une longue postérité, le porche monumental de l’édifice est flanqué de deux minarets jumeaux cylindriques.

La fondation des ‘madrasa’, écoles supérieures de théologie, puis de toutes les sciences, est l’œuvre la plus importante de Nizam al-Mulk qui entend lutter contre le chiisme par la divulgation des connaissances. Pendant longtemps, on a pensé que c’était lui qui les avait imaginées. On sait maintenant qu’elles existaient bel et bien avant lui en Iran oriental, dont il était originaire et qu’il les a seulement empruntées. Son grand mérite a été de les introduire dans une région qui n’en possédait pas encore, de les multiplier et d’y attirer de grands maîtres.

L’un des premiers à y avoir enseigné, en 1085, est le célèbre Al-Ghazzali (1058-1111), ennemi de la philosophie grecque, mais penseur de génie.

Mécène dans l’âme, épris de science, Nizam al-Mulk sut découvrir et patronner maintes personnalités éminentes comme Omar Khayyam, mort en 1122, que nous connaissons surtout comme poète depuis que Fitzgerald traduisit ses œuvres en anglais en 1859, mais qui de son vivant, devait sa réputation à la science. Les madrasa seldjoukides, dont il reste peu de vestiges architecturaux, connurent un succès foudroyant et se répandirent dans tout le monde de l’islam jusqu’au Maroc.

Dans presque tous les domaines, bien que de manière moins spectaculaire, l’œuvre du grand vizir et des Seldjoukides se révèle aussi remarquable. L’industrie et les arts mineurs connaissent une belle prospérité. Verres émaillés, bronzes, parfois en ronde-bosse zoomorphes, céramiques de revêtement à reflets métalliques ou peintes comme des miniatures, ont parfois subi l’influence et de l’art chinois et de celui des steppes.

Le déclin{{}}

L’ordre règne dans l’empire, peut-être de façon un peu dictatoriale, mais avec un sens aigu de la justice. Nizam al-Mulk ne fait-il pas sienne cette sentence dont il ne cite pas l’auteur : « Le monde peut vivre dans l’incroyance, mais pas dans l’injustice »  ?

Il finit pourtant mal. Ni lui ni l’armée de ses maîtres n’ont pu abattre la secte des ismaéliens, les haschichin, les « assassins » ou fumeurs de hachisch. Il n’a jamais pu obtenir la création de ce grand service de renseignements qu’il souhaitait tant. C’est en vain qu’il a attaqué les commensaux de la cour et les femmes turques, trop libres, trop influentes à ses yeux, qui se mêlent de tout de façon désastreuse et dont il eût fallu faire « tout le contraire de ce qu’elles proposaient ». Il a trop d’ennemis. Il meurt assassiné en 1092, on ne sait pas bien par qui, et il est aussitôt unanimement regretté. Un an après lui, Malik chah disparaît à son tour.

Ce n’est pas la fin des Grands Seldjoukides, mais des Seldjoukides qui méritèrent d’être nommés grands. Les quatre fils du souverain se disputent le trône et s’y succèdent. Quand le dernier, Sandjar (1118-1157), peut rétablir son autorité, il est trop tard, d’autant plus qu’une nouvelle puissance se lève à l’Orient, celle, bouddhiste et sinisée, des Kara Khitaï (1130). En 1141, les Turcs subissent une sévère défaite à Katwan. Des révoltes éclatent ; les incursions des nomades se multiplient. Sandjar meurt épuisé par les efforts qu’il a dû déployer. Il est enterré dans un superbe mausolée à Merv, un monument qui n’a rien à voir avec ces innombrables tours funéraires qu’on élève alors en Iran, le prototype, avant le mausolée du Mongol Oldjaitu, des palais funéraires qui seront plus tard élevés pour les grands.

Il n’y a plus qu’anarchie dans ce qui a été l’empire des Grands Seldjoukides. Seuls les Ayyubides, issus de Saladin, font encore bonne figure au Proche-Orient. En 1194, le chah du Khwarezm, un Turc dont la destinée a été soigneusement préparée par des siècles de patience, jugeant qu’il fallait reconstituer l’Empire iranien moribond, se lance à l’assaut, enlève Rei et Hamadan et met fin à ce qu’il reste de la dynastie – guère plus qu’un nom. Vingt-cinq ans seulement avant que ne tombe sur lui les hordes de Gengis Khan.

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Source : https://www.clio.fr/bibliotheque/bibliothequeenligne/les_grands_seldjoukides.php?letter=A

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Nizam al-Mulk{{}}

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/83/Dinar_of_Muhammad_Alp_Arslan%2C_AH_455-465.jpg/330px-Dinar_of_Muhammad_Alp_Arslan%2C_AH_455-465.jpg

Fonctions
Dirigeant (d)

Empire seldjoukide

15 décembre 1072 - 14 octobre 1092
Alp Arslan
Vizir

Empire seldjoukide

29 novembre 1064 - 14 octobre 1092
Al-Kunduri (en)Taj al-Mulk (en)
Atabeg
Titres de noblesse
Atabeg
Vizir
Prédécesseur Al-Kunduri (en)
Successeur Taj al-Mulk (en)
Khodja
Biographie
Naissance 10 avril 1018

Tous (ou environs) (Empire ghaznévide)

Décès14 octobre 1092

(à 74 ans)
Sahneh (en) (ou environs) (Empire seldjoukide)

SépultureTomb of Nizam al-Mulk (en)
Nom de naissance الحسن بن علي بن إسحاق الطُوسي
Allégeance Empire seldjoukide
Activités Scientifique, homme d’État, vizir, homme politique, écrivain, guerrier
Père Ali ibn Ishak (en)
Enfants Fakhr al-Mulk (en)

Mu’ayyid al-Mulk (en)

Ahmad ibn Nizam al-Mulk (en)

Shams al-Mulk Uthman (d)

Autres informations
Propriétaire de Nizamiyyah
Œuvres principales
Siyasatnama (d)

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a4/Nizam_al-Mulk_tomb_2.JPG/250px-Nizam_al-Mulk_tomb_2.JPG

Vue de la sépulture.{{}}

Abû ’Alî al-Hasan al-Tûsî dit Nizam al-Mulk (persan نظام‌الملک (Nezâm-ol-Molk) : « ordre du royaume ») est un homme politique, vizir des sultans seldjoukides Alp Arslan et Malik Shah Ier. Il est né le 4 avril 1018 à Noqan près de Tus (Iran) et mort assassiné le 14 octobre 1092[1]. Il descend d’une importante famille de propriétaires fonciers[1], fonctionnaires ayant servi sous les Ghaznévides.

Biographie{{}}

Il commença sa carrière en tant que fonctionnaire des Ghaznévides[1], avant d’entrer en 1063 au service d’Alp Arslan lorsque celui-ci accéda au trône, et devint le tuteur de son fils Malik Chah Ier en 1072 après l’assassinat du premier et l’intronisation du second, alors âgé de 17 ans.

Il réorganise le sultanat après l’arrivée des Turcomans. Il paye les troupes en attribuant des revenus fiscaux. Il fonde et généralise la médersa afin d’allier les oulémas à la gestion de l’État. La madrasa se développe dans plusieurs villes en tant qu’institution et sert à la diffusion du droit sunnite et des sciences telles que les mathématiques et l’astronomie. Cette tendance à diffuser une doctrine religieuse par des moyens intellectuels et éducatifs fut inspirée plus tôt par les missionnaires fatimides. La première fut la Nizamiya de Bagdad, dans laquelle enseigna le penseur musulman Al-Ghazâlî.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/af/Assassination_of_Nizam_al-Mulk.jpg/220px-Assassination_of_Nizam_al-Mulk.jpg

Assassinat de Nizam al-Mulk.

Tombé injustement en disgrâce, il est tué en 1092 : selon les auteurs, il est victime de la secte des Assassins, un ordre politico-religieux commandité par Hasan Sabbah, peut-être à l’instigation du sultan Malik Chah, assassiné trente cinq jours plus tard. Mais plus probablement il aurait été tué à l’instigation de Terken Khatoun, seconde épouse de Malik Shah qui régna en tant que régente au nom de son fils enfant Mahmoud et lui avait toujours manifesté beaucoup d’hostilité car il favorisait les prétentions à la succession de Barkyaruq, fils adolescent né d’une autre épouse de Malik Chah.

Il rédigea un important « traité de gouvernement », le Siyâsat Nâmeh (en) dédié à Malik Chah, dans lequel il expose sa pensée politique. Miroir des princes, l’ouvrage évoque de nombreux évènements historiques afin de montrer au dirigeant les conséquences positives de l’établissement de la justice, et celles négatives de la tyrannie[1]. Ce traité fut rédigé en persan, et fut une des œuvres qui concrétisa la résurgence de la langue néo-persane.

Dans la culture{{}}

Amin Maalouf évoque Nizam al-Mulk ainsi qu’Omar Khayyam et Hassan ibn al-Sabbah dans son roman Samarcande (1988). Il est aussi évoqué par Vladimir Bartol dans son livre Alamut (1938), ainsi que par Freidoune Sahebjam dans Le Vieux de la montagne (1995).

Dans le film américain Prince of Persia : Les Sables du Temps (2010) le personnage du vizir incarné par Ben Kingsley se nomme Nizam. La deuxième partie du film documentaire De la Perse à l’Iran : 3000 ans de civilisations, réalisé par Richard Downes en 2020, souligne le rôle important joué par Nizam al-Mulk dans l’empire perse.

Source de l’article complet avec notes et références – Bibliographie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nizam_al-Mulk

Ni-am al-Mulk (C.1018-1092) - Nizam al-Mulk (« bon ordre du royaume ») est le titre par lequel le wazir seljuger Hasan b. Ali b. Ishaq al-Tusi est le plus connu. Par Warren C. Schultz – Document : Encyclopédie de l’islam et du monde musulman

Nizam al-Mulk s’est fait connaître au service du sultan Alp Arslan (1063-1072), et pendant une grande partie du règne du sultan Malik Shah (1072-1092), il était souverain en tout sauf le nom.

Nizam al-Mulk était un individu de nombreux talents : administrateur, mécène, homme militaire et auteur, ainsi qu’un concurrent habile et parfois impitoyable dans les intrigues de la cour. Ardent partisan de la ulema sunnite, il a construit et doté d’un certain nombre de madrasa (odeurs pour l’étude de la loi islamique) en Iran et en Irak, qui ont été appelés Nizamiyyas après lui, le plus célèbre étant la Nizamiyya à Bagdad, qui a ouvert en 1067. Ses raisons pour cela ne sont pas explicitement connues, mais ces institutions ont certainement contribué à la renaissance intellectuelle et politique qui s’en est suivie dans le sunnisme.

Dans les dernières années de sa vie, Nizam al-Mulk a écrit un modèle pour les princes connus sous le nom de Siyasat-nama ou Siyar al-moluk. Ce travail en langue perse est remarquable pour son débat franc sur les étapes nécessaires à un dirigeant absolu pour administrer son domaine, et est saupoudré de références aux philosophes et aux rois préislamiques ainsi qu’aux concepts islamiques.

Les réformes qu’il a exhortées n’ont jamais été mises en œuvre, sans doute en raison de la mort de l’auteur et peu après son lecteur immédiat, Malik Shah. L’assassinat de Nizam al-Mulk en 1092 a été lié par des contemporains (et des voisins) aux Assassins, au sultan Malik Shah, ou les deux.

Voir aussi Assassins ; Éducation ; Madrasa.

Bibliographie : Nizam al-Mulk. Le Livre du Gouvernement ou des Règles pour les rois : Le Siyasat-nama ou Siyar al-Muluk de Nizam al-Mulk. Traduit par Hubert Darke. Londres : Routledge et Kegan Paul, 1960.

Source : https://www.encyclopedia.com/religion/encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/nizam-al-mulk-c1018-1092

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  • Nizam al-Mulk parmi les plus grands hommes d’État du monde turc islamique – Traduction du 2 avril 2025 par Jacques Hallard d’un article de Mehmet Hasan Bulut intitulé Nizam al-Mulk : Greatest statesmen of Islamic Turkish world - – Diffusé le 18 juillet 2021, 15h00 par ‘dailysabah.com’

    Un tableau représente Nizam al-Mulk, homme d’État et vizir de l’empire seldjoukide du XIe siècle. (Photo Shutterstock)

Un tableau représente Nizam al-Mulk, homme d’État et vizir de l’empire seldjoukide du XIe siècle. (Photo Shutterstock)

Le nom de Nizam al-Mulk est gravé dans l’histoire comme l’un des grands hommes d’État islamique et turc : il a laissé un héritage formidable après avoir servi comme vizir du sultan seldjoukide Alp Arslan et de son fils Sultan Malik-Shah I pendant 29 ans.{{}}

L’ismaélisme, branche de l’islam chiite, pneu son nom de l’imam Isma’l ibn Jafar, fils aîné de l’imam Ja’far al-Sâdiq. Les Abbassides sunnites, les musulmans ismaéliens ont propagé pensée leur par l’intermédiaire des missionnaires qu’ils appellent « da’i ». En 909, ils fondèrent l’État fatimide au Caire, mais la dynastie se scinda après la mort du calife fatimide Al-Mustansir Billah en 1094.

Après la mort de son père calife, Abou Mansour Nizar ibn Al-Mustansir lui succéda comme aîné. M. Philotien, l’homme fort militaire Al-Afdal Shahanshah proclama son frère Abou’l-Qasim Ahmad ibn Al-Mustansir calife, ignorant les prétentions de Nizar.

Nizar se révolta contre son frère, mais il eut été vaincu et fait prisonnier au Caire, où il fut emprisonné JH2025-04-01T22:10:00Jt

exécuté par enfermement dans un espace clos sans issue. Dès lors, les partisans du Nizam, c’est-à-dire les musulmans ismaéliens nizarites nobles en Iran et en Syrie, se séparèrent des autres pour l’ancien nizarite de l’ismaélisme.

Un tableau représente Hassan-i Sabbah brandissant une épée à cheval. (Photo Shutterstock)

Un tableau représente Hassan-i Sabbah brandissant une épée à cheval. (Photo Shutterstock)

État ismaélien nizari{{}}

Entre-temps, Hassan-i Sabbah naquit à Qom, en Iran, dans une famille. Il est nationaliste iranien plutôt que que musulman. Ile-la-le-le-lance ismaélienne à Ray, où il s’installa avec sa famille. Aprèse-et-le-répanier, il commença à la profession de da’isélien. Il prit des cours en Égypte et devint un partisan des Nizârites. Il détestait également la domination turque sur l’Iran, qui débuta avec les dynasties ghaznévides et karakhanides et culmina avec les Seldjoukides.

De retour d’Égypte en Iran, Hassan-i Sabbah développa de nouvelles tactiques sur la base et l’assassinat pour lutte contre les Turcs seldjoukides. Avec ses hommes, il chercha une base pour son quartier général. Il s’installa à Daylam, région dominée par le zoroastrisme à l’époque préislamique et hors de portée des Seldjoukides.

Il prévoyait de s’emparer du château d’Alamut et commença à la rassembler des partisans envoyant ses da dans cette ville pour faire faire de la propagande.

Cesnedénated d’Hasan-i Sabbah n’échappera pas à l’attention de l’homme d’État seldjoukide Abu Ali Hasan ibn Ali Tusi, plus connu sous son titre honorifique honorifique de Nizam al-Mulk, signifiant « Ordre du Royaume » en arabe. Il chargea son gendre, Abu Muslim, gouverneur de Ray, d’céttent d’hommes aux plans sournois.

M. Hassan réussit à s’enfuir et à s’infiltrer dans le château d’Alamut en septembre 1090. Il reprit le château des mains du commandant chiite, avec l’aide des ismaéliens, à ses ordres. Ainsi, quatre ans avant la mort du calife fatimide Al-Mustansir Billah, un État ismaélien nizârite a été élaboré.

Les ruines du château d’Alamut sont visibles sur une montagne de la région d’Alamut, en Iran. (Photo Shutterstock)

Les ruines du château d’Alam sont visibles sur une montagne de la région d’Alamut, en Iran. (Photo Shutterstock)

Le vizir seldjoukide riposte{{}}

Le vizir seldjoukide Nizam al-Mulk éturit Hasan-i Sabbah, un serpent qui terrorisent les innocents, ses da’s, qu’il appelait « fida’i » ou « sacrificateurs ». Ilborla au sultan Malik-Shah d’une intervention fine contre ces assassins qui se consomment à Rudbar et au Quhistan.

Une armée, sous le commandement de l’émir Arslanta, se mit alors en marche et atteignit Alamut au zmir, au cinquième mois de l’année 485 du calendrier islamique, et assiégea le château. Le siège fut prolongé, les ismaéliens des environs à l’intérieur à l’aide à Hassan-i Sabbah.

Hassan Sabbah sayant que son plus grand ennemi est Nizam al-Mulk et que sa disparition fin met à la pression qui pesait sur eux. De fait, au mois de Ramadan, il dispatcha l’un de ses fida’i capteur Nizam al-Mulk, qui se rend d’Ispahan à Bagdad avec le sultan Malik-Shah Ier.

Déguisé en derviche, ce jeune fida’i poignarda Nizam al-Mulk au cœur près de Nahavand. Ramené à sa tente après cet incident, le vizir fut grièvement. Apprénant l’assassinat, le sultan Malik-Shah Se rendit à la tente du vizir et lui relateaa le Coran à l’oreille. Nizam al-Mulk mourut en versets écoutants versets.

La neige recouvre les ruines du château d’Alamut, sur une montagne de la région d’Alamut, en Iran. (Photo Shutterstock)

La neige sur les faces des ruines du château d’Alamut, sur une montagne de la région d’Alamut, en Iran. (Photo Shutterstock)

Homme d’État courageux{{}}

Comme mentionné peu connu, le véritable nom de Nizam al-Mulk, enterré dans la madrassa qu’il a construit fait à Ispahan, est Hassan, comme son rival. Né à Tus en 1018, il perdit sa mère très jeune. Il étudia à Nishapur, Boukhara, Gazne et Khorasan, en plus de sa ville natale.

Bien qu’il ait étudié dans la classe de Hassan-i Sabbah, ce n’est qu’une légende. Il a travaillé dans divers services publics. Il également travaillé comme commis pour Chaghri Bey, le père du sultan Alp Arslan, à Merv …

Nizam al-Mulk l’un des plus grands hommes d’État du monde turc. Il servit comme vizir du sultan seldjoukide Alp Arslan et de son fils fils, le sultan Malik-Shah Ier, pendant 29 ans. Il eut une grande influence sur la victoire de Manzikert, qui opposa l’Empire byzantin à l’Empire sedjoukide en 1071.

Le sultan Malik-Shah Ier le considérait comme un père, car il a largement contribué à son accession au trône. Grâce à lui, l’armée seldjoukide devint la plus puissante de cette époque. Il réorganisa le palais et l’organisation du gouvernement central, les tribunaux des statuts islamiques et le système foncier. Il construisit des hôpitaux, des mosquées, des madrasas et des pavillons.

L’ouvrage le plus de célèbre Nizam al-Mulk est le « Siyasatnama », ou « Le Livre de la politique ». Dans cet ouvrage, Nizam al-Mulk prodigue des conseils des administrateurs dans les domaines administratifs, financiers, politiques, militaires, sociaux et culturels des États turco-islamiques.

Nizam al-Mulk affirmait que le pouvoir ne dure pas avec l’oppression, selon le hadit suivant, une parole du prophète Mahomet : « permit lesserv gouverne d’Allah dans le monde esthume les masses de main du Jugement. S’il a avec justice, sa justice desserrera les mains et il au Paradis. S’il a commis une injustice, il sérume et Enfer les mains lésons. »

Le Faravahar, l’un des symboles les plus-ce- que le plus plusztruisme, une religion iranienne, est visible historique de Yazd, en Iran. (Photo Shutterstock)

Le Faravahar, l’un des symboles les plus connu du zoroastrisme, une religion iranienne, est visible sur un historique de Yazd, en Iran. (Photo Shutterstock)

Nizam al-Mulk a lutté avec acharnement contre les sectes tels que le mu’tazila et l’ismaélisme, l’ismaélisme, le c’est-à-dire la doctrine des Ahl al-Sunnah, qui est la l’eau du prophète Mahomet et de ses compagnons, la société dominante. Son ouvrage sur la politique, dans la latine, même l’importance d’une doctrine pure et correcte pour la survie de l’État.

Le sultan Mahmud écrit que son fils Mesud, le sultan Tughrul et Alp Arslan n’ont pas de vin fidèle aux chrétiens, aux zorostriens, aux chiites, aux rafides et aux batinides pour atteindre rang leur et autorité, et que les adeptes de ces superstitieuses n’ont pas eu l’audace ni le courage de le facec de la présentation des tortcs. Il cite ensuite les paroles suivantes du sultan Alp Arslan.

La population irakienne est la question de sectes, de religions et de nocifs de corrosion, et le Daylamrégion (HR-Iran dominée par l’ismaélisme nizarite). L’inimitié et le conflit entre les Turcs et le Dayfu n’ont plus cours aujourd’hui. Allah, le Saint et Tout-Puissant, un exalté les Turcs parce que les turcs hantait les Daylamites. Par la grâce d’Allah, le Saint et Tout-Puissant, les Turcs ont été dans la pure religion. Ce sont les gens de lubies, de bid’ah (innovations hérétiques) et de madhab (école de jurisprudence) malfaisante. Tant qu’ils sont impuissants face aux Turcs, ils font preuve d’obéissance…….

Nezamiyeh{{}}

Même si son attention politique est au premier plan, Nizam al-Mulk est également un Hafiz, le nom de celui qui avait complètement mémorisé le Coran, et un érudit de la jurisprudence islamique et des hadiths.

Il s’instruisit sur les hadiths auprès de grands érudits tel qu’al-Qushayri. Il rassembla les plus grands érudits de l’époque au sein des conseils scientifiques qu’il fonda à Rey et à Bagdad. Il créa des madrasas, établissement d’enseignement supérieur, dans diverses villes, pour la foi sunnite et les nécessaires les fonctionnaires à l’État.

Il fit construire la madrassa de Nishapur pour l’érudit chaféite Al-Juwayni, également connu sous le nom d’Imam al Haramayn, ce qui signifie « maître des deux villes saintes », La Mecque et Médine. À Bagdad, il fonda également la madrassa Nezamiyeh, qui porte son nom, pour Abu Ishaq al-Shirazi, qu’il respectait.

La plus grande preuve qu’il est un érudit très clairvoyant est qu’il a découvert l’imam Ghazali, l’un des plus grands érudits musulmans de l’histoire, et le nomma professeur de cette madrassa.

Nizam al-Mulk s’occupait de l’État jusqu’à midi. L’après-midi, il écoutait les pétitions du public. Il est très compatissant envers les gens.

Le soleil brille sur la cour de la mosquée Jameh, une grande mosquée congrégationaliste non le dôme sud a été construit par Nizam al-Mulk, à Ispahan, en Iran. (Photo Shutterstock)

Le soleil brille sur la cour de la mosquée Jameh, une grande mosquée congrégationaliste non le dôme sud a été construit par Nizam al-Mulk, à Ispahan, en Iran. (Photo Shutterstock)

Armée de prière{{}}

Alors que Nizam al-Mulk travaillait dans sa jeunesse auprès d’un émir, un fonctionnaire militaire ou politique, un derviche vint à lui. « Servez ces appareils. Ne servez pas que ces derniers, les chiens le déchiqueteront demain », lui dit-il.

Nizam al-Mulk ne comprit pas ce que l’homme disait. Au 7e siècle, le même soir, l’émir, ivre, errait dans son jardin, où il mit en pièces par ses propres chiens. Nizam al-Mulk a compris le message que le derviche essayait de lui faire passer.

Il commença à chercher un mentor. Il participa aux conversations de grands soufis tels qu’Abou’id Abu’l-Khayr.

Le véritable maître qui guida Nizam al-Mulk est Abou Ali Farmadi, l’un des plus célèbres cheikhs du Khorasan, seulement dans les sciences externes mais, dans aussi les sciences spirituelles. Le père samuci vient lui rendre visite, Nizam al-Mulk le met à sa place, et non à celle des invités comme les autres cheikhs, et il s’agenouillit devant lui. « Hassan prévient la corruption et soit bienveillant envers les musulmans », dit Farmadi à son sujet.

Des gravures historiques peut être vues sur les murs de la mosquée Jameh, une grande mosquée congrégationaliste non le dôme sud a été construit par Nizam al-Mulk, à Ispahan, en Iran. (Photo Shutterstock)

Des gravures historiques peuvent être vues sur les murs de la mosquée Jameh, une grande mosquée congrégationaliste dont le dôme sud a été construit par Nizam al-Mulk, à Ispahan, en Iran. (Photo Shutterstock)

Nizam al-Mulk menait une vie altruiste grâce à son maître, planifiant les étendards et les cheikhs. À tel point qu’un jour, le conseiller du sultan Malik-Shah se plaignit auprès de sultan de ses dons annuels de 300.000 dinars aux juristes aux et soufis musulmans. Malik-Shah demanda avis à son vizir, ainsi Nizam al-Mulk répondit :

« Vous dépensez deux fois plus pour vos soldats chaque année ; néanmoins, la flèche tirée par les plus précis d’entre eux ne va pas plus longe qu’un ‘kénity’. Ils ne peuvent tuer que qui ceux qui sont proches d’eux, l’épée à la main. Moi, en revanche, avec l’argent que je choisis, j’imite une armée avec des prières qui montent au ciel comme leurs tirs, comme des offrandes à Allah.

À ces mots, Malik Shah pleura et diminua ls effectifs de cette armée. En réalité, l’État seldjoukide s’effondra, mais cette activité, soutenue par Nizam al-Mulk, posa les bases de l’Empire ottoman en Anatolie.

Avec leurs croyances pures d’Ahl as-Sunnah selon lesquelles ils n’ont pas été contaminées par la philosophie, les Turcs deinrent l’état le puissant le plus puissant du monde et firent entrer l’Empire byzantin dans l’histoire.

Daily Sabah est un quotidien progouvernemental turc publié en Turquie. Disponible en anglais, allemand, arabe et russe et appartenant à Turkuvaz Media Group, le Daily Sabah a publié son premier numéro le 24 février 2014. Le rédacteur en chef est Serdar Karagöz. Wikipédia

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Source : https://www.dailysabah.com/arts/nizam-al-mulk-greatest-statesmen-of-islamic-turkish-world/news

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Résumé {{}}

Les XIe et XIIe siècles correspondent à une période durant laquelle l’orthodoxie sunnite a construit ses bases tant intellectuelles qu’institutionnelles. A cette époque où le Califat est affaibli, les Turcs Seldjoukides, en combinant l’habileté au combat des tribus turques et la tradition étatique de l’Iran, ont construit un état fort et assumé le leadership dans l’institutionnalisation du sunnisme.

De manière générale, l’un des éléments saillants permettant de déterminer cette période est le fait que l’orthodoxie sunnite, qui s’institutionnalise en s’opposant fondamentalement au mutazilisme et au chiisme ou plutôt à l’une des branches du chiisme, l’ismailisme, intègre en son sein le mouvement soufi (taṣawwuf).

Les personnalités mises en avant comme représentantes de cette période sont sur le plan intellectuel Ğuwaynī et Ġazālī et sur le plan politique le grand vizir seldjoukide Niām al-Mulk.

Les Madrasas Niāmiyyas qui constituent l’un des traits concrets de l’institutionnalisation de l’orthodoxie sunnite, sont pour la plupart des réalisations de Niām al-Mulk.

Celui-ci a réussi à transmettre aux générations suivantes ses réflexions sur le gouvernement de l’état et son administration grâce à son œuvre intitulée Siyāsat-nāma. {{}}

Mots clés : Niẓām al-Mulk Ǧuwaynī Ġazālī Madrasas Niẓāmiyyas Siyāsat-nāma Traité de gouvernement Seldjoukides Orthodoxie sunnite Philosophie

Source : https://shs.hal.science/tel-03292851/

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  • Théoriser le pouvoir : le Traité de gouvernement (Siyâsat Nâmeh) de Nizam al-Mulk (1091) - Par Anne Walpurger - Publié le 01/09/2014 • modifié le 05/09/2017 – Document ‘lesclesdumoyenorient.com’
    Dans l’entretien d’Eric Vallet pour les Clés du Moyen-Orient du 2 juillet 2014, au sujet de la question d’histoire médiévale au programme de l’agrégation et du Capes 2015, celui-ci énonçait, parmi les divers types de sources à prendre en compte pour les candidats, les arts de gouverner qui cherchent à théoriser ce que doit être le pouvoir. A cet égard, introduisons ici un de ces arts de gouverner particulièrement important et étudié.

Le Siyâsat Nâmeh est l’ouvrage le plus connu et réputé de Nizam al-Mulk, un politicien qui fut le vizir des sultans seldjoukides Alp Arslan et Malik Chah au XIe siècle en Perse. Rédigé en persan, ce traité avait été commandé par le sultan Malik Chah dont le règne s’est étendu de 1072 à 1092 ; c’est donc à son intention qu’il est adressé. Le texte de Nizam al-Mulk a été traduit pour la première fois en français en 1891 [1]. Il est aujourd’hui considéré comme un exemple-type incontournable du genre littéraire du « miroir du prince », où l’auteur prodigue des conseils avisés au souverain [2].

C’est dans un contexte d’apogée de l’empire des Seldjoukides en Iran que le vizir du sultan Malik Chah rédige, en 1091, son traité de gouvernement. Comme le note Jean-Paul Roux dans sa préface, on a parfois voulu attribuer à ce vizir – de manière contestable – la réussite et l’apogée de l’empire seldjoukide ; cette vision des choses est d’autant plus à nuancer que les grandes lignes de la politique seldjoukide sont déjà fixées avant l’avènement de Nizam al-Mulk au rang de vizir du sultan [3].

Il n’en demeure pas moins que Nizam al-Mulk fut un politicien extrêmement important pour la dynastie des Seldjoukides, ainsi que l’atteste le Siyâsat Nâmeh, que Jean-Paul Roux décrit comme un « ouvrage d’actualité. Son propos, outre de justifier une politique menée depuis des décennies par son auteur, est de convaincre le souverain auquel il est dédié d’adopter une certaine conduite personnelle, de prendre certaines mesures qui lui paraissent urgentes et nécessaires [4] ».

Néanmoins, ce texte déborde du cadre spatio-temporel de la cour de Malik Chah : « il dépasse très largement les frontières de son siècle, d’une part en faisant très souvent référence à des faits du passé introduits dans son texte sous forme d’anecdotes, d’autre part en touchant à l’universel. De nombreuses réflexions qu’il livre aux méditations impériales n’ont rien perdu aujourd’hui de leur valeur et peuvent directement nous interpeller, même si nous ne devons pas les faire nôtres [5] ». Cette tendance à l’universalité, autant que l’ancrage néanmoins certain de l’œuvre dans un contexte historique bien particulier, font l’intérêt de cette source pour le programme d’agrégation et du Capes 2015.

Nizam al-Mulk, dont le vrai nom est Abu Hasan Ali (« Nizam al-Mulk » étant un titre honorifique) est né le 10 avril 1018 dans une famille iranienne du Khorassan. Enfant et jeune homme, il est sujet de la dynastie des Ghaznévides, qu’il tient pour référence universelle. Mais à vingt-cinq ans, il entre au service de la dynastie des Seldjoukides, et s’attache à Alp Arslan qui, alors gouverneur, le nomme vizir de sa province. C’est là, entre 1059 et 1063, qu’il apprend les ficelles de la fonction qu’il exercera toute sa vie durant. Lorsque, en 1063, Alp Arslan succède à Tughrul Beg à la tête de l’empire seldjoukide, Nizam al-Mulk reste son ministre. Alp Arslan l’investit dans de nombreuses tâches du pouvoir, car l’ordre est alors loin de régner en Iran : les impôts, la lutte contre le banditisme, contre le chiisme… sont autant de problèmes auxquels Nizam al-Mulk doit s’atteler. Alp Arslan se fait toujours accompagner de son ministre à qui il lui arrive même de confier ses troupes quand elles vont en guerre. Nizam al-Mulk apprend lors de ces campagnes la science d’un général, ce qui lui permet d’éviter d’entrer en conflit avec les soldats, « ce qui était à n’en pas douter une des choses les plus difficiles pour un ministre à une pareille époque [6] ».

Sous son mandat, le royaume se réorganise peu à peu. L’œuvre la plus importante accomplie par Nizam al-Mulk est sa réorganisation des études avec la fondation des Madrasa, des établissements destinés à l’enseignement et à la recherche, au rétablissement de l’orthodoxie musulmane et à la lutte contre le chiisme. Les Madrasa remportent un rapide et considérable succès, et même en dehors de l’empire, en Egypte et dans le Maghreb. L’établissement le plus connu reste la Nizamiya de Bagdad, édifiée en 1067. Ces Madrasa occupent une place importante dans le paysage urbain de l’Iran, avec une architecture particulière qui devient le fleuron du royaume. Nizam al-Mulk, avec les Madrasa, aura laissé une trace indélébile dans l’histoire de l’art iranienne.

Il parvient à admirablement bien préserver sa fonction de ministre du royaume, alors même que la condition de vizir peut être particulièrement instable, comme le rappelle bien Jean-Paul Roux : « Dans tous les pays du monde un ministre peut être amovible ; dans le monde musulman et notamment dans le monde turc, cette position hautement enviée, car à la fois très honorifique et très lucrative, est particulièrement dangereuse à occuper. Le vizir ne dépend que de son maître ; il en dépend autant et peut-être plus qu’un esclave. Il peut être congédié, voire mis à mort par un simple caprice du prince. Jamais ailleurs la Roche Tarpéienne n’a été si proche du Capitole. Nizam al-Mulk ne l’ignore nullement et il faut admirer la façon dont ce prétendu sous-ordre sait, contre vents et marées, conserver sa fonction [7] ». Au cœur de tout un réseau sur lequel il s’appuie, respecté et admiré du peuple, il conseille et même ose tenir tête aux volontés impériales, tout en encensant continuellement le souverain.

Mais cette situation idéale change avec la mort d’Alp Arslan et l’avènement au pouvoir de son fils Malik Chah en 1072. Alors âgé de 17 ans, le jeune souverain est complètement placé sous tutelle par l’autoritaire figure du vizir Nizam al-Mulk. Le ministre est alors « le roi, le vrai ; c’est le vrai empereur d’Iran, à cela près qu’il n’en porte pas le titre [8] ». S’il se laisse d’abord faire, Malik Chah ne supporte bientôt plus vraiment cet assouvissement par son vizir. Et si Nizam al-Mulk peut maîtriser beaucoup de choses au sein du royaume, notamment grâce à ses sbires, il ne peut pour autant contrôler les intrigues qui s’élèvent contre lui à la Cour, si ce n’est pas l’entremise de l’ascendant qu’il a sur Malik Chah. Dès 1079-1080, on complote contre lui.

C’est dans ce contexte de conspiration que Jean-Paul Roux présente le Traité de gouvernement, que Nizam al-Mulk aurait notamment rédigé pour faire face à ce climat de rébellion.

En effet, le traité est avant tout un livre de conseils pour le souverain : tout au long des cinquante chapitres qui composent le texte, le discours tout entier est destiné à Malik Chah. Le sultan y est constamment présenté comme un souverain idéal qu’il faut louer : « Dans le cours de chaque siècle, le Très-Haut choisit parmi les peuples un homme qu’il décore de toutes les vertus royales ; il le rend digne de tous les éloges et lui confie, avec les affaires de ce monde, le soin du repos de ses serviteurs. C’est ce souverain qui ferme la porte à tous les excès, à tous les troubles et à toutes les séditions. Il fait pénétrer dans tous les cœurs le respect et la crainte dérivant de la majesté qu’il déploie à tous les yeux, afin que ses sujets, vivant sous l’abri tutélaire que leur offre sa justice, jouissent de toute sécurité et désirent voir se prolonger la durée de son règne [9] ».

Le Traité est ainsi une suite de conseils pour atteindre cet idéal. De très nombreux chapitres ont trait aux questions de justice, qui est considérée comme indispensable pour la prospérité du royaume et la réussite du souverain, aux questions d’administration et de finances, et à l’armée et son organisation.

Il profite de la rédaction de ces conseils pour glisser quelques remarques sur l’importance d’un conseiller qui doit être écouté par son souverain : les chapitres 16 (« De l’intendant du domaine privé et de l’éclat de sa charge ») et 18 (« Le souverain doit, dans les affaires, demander conseil aux gens instruits et aux sages ») en sont de bons exemples, ainsi que le montrent des remarques comme « Solliciter des conseils est l’indice d’un esprit solide et d’une intelligence parfaite et prévoyante [10]. » N’y a-t-il pas là une indirecte valorisation de son rôle de ministre et de conseiller ? En effet, certains chapitres laissent entrevoir une tendance de Nizam al-Mulk à se présenter sous le meilleur des jours : ainsi, dans le chapitre 36, il évoque les conditions des serviteurs et esclaves qui doivent être traités avec bienveillance (« Il faut être juste à l’égard des serviteurs et des esclaves qui se sont montrés dignes d’éloges ») ; Jean-Paul Roux y voit une visée politique quelque peu démagogique : « Avec sincérité sans doute, mais non sans habileté, il se soucie du sort des serviteurs et des esclaves [11] ».

Car le Traité, on l’a dit, est un moyen pour Nizam al-Mulk de justifier sa politique. Un des grands combats de sa vie de ministre aura été de tenter, en vain, d’instaurer un service de renseignements au sein du royaume ; comme cela lui aura toujours été refusé, il insiste particulièrement sur ce point au cours du Siyâsat Nâmeh, avec une dizaine de chapitres consacrés à cette question (chapitres 4 « Des fonctionnaires. Il faut prendre continuellement des informations sur la conduite des percepteurs et des ghoulams », 5 « Des feudataires ; on doit être informé de la manière dont ils se conduisent à l’égard du peuple », 7 « Il faut prendre des informations sur la situation du percepteur des finances, sur celle du cadi, du commandant militaire et du chef de l’administration civile, et s’astreindre à punir », 13 « Des espions et des mesures propres à assurer le bien du gouvernement du peuple »…). Il conseille notamment d’« établir, à poste fixe, sur les principales routes, des courriers auxquels on assignera des appointements mensuels et des gratifications, de sorte que tous les incidents qui surgiront et tous les événements qui se produiront dans un rayon de cinquante ‘parasanges’ viendront à leur connaissance [12] ».

Le traité tend ainsi à guider le souverain en le mettant face aux réalités du gouvernement, et en lui expliquant comment ce gouvernement devrait être dirigé (armée, police, finances, justice, espions et renseignements). Il met l’accent sur la nécessité d’établir la justice, en donnant à toutes les classes leur dû et en protégeant les faibles, et de conforter la piété religieuse. La religion a une place très importante dans ce traité, puisque le souverain est tenu pour responsable devant Dieu. A ces différents conseils viennent s’ajouter, pour mieux les argumenter, de nombreuses anecdotes historiques et très divertissantes à lire.

S’étant efforcé de légitimer la politique qu’il a mis en place, il peut s’en prendre alors à ses ennemis de la Cour, les « courtisans et les commensaux du souverain » (chapitre 17), contre lesquels Nizam al-Mulk met en garde, ainsi que les « femmes qui vivent derrière les rideaux » (chapitre 43), dont la concupiscence et l’ignorance est fatale au souverain. Particulièrement misogyne, il leur refuse toute intelligence ; recluses dans les harems, elles sont de fort mauvaises conseillères : « Chaque fois que les femmes du prince donnent des conseils, ils leur sont suggérés par des gens mal intentionnés, qui se rendent compte, par leurs propres yeux, de ce qui se passe au-dehors, tandis qu’elles ne peuvent rien voir. Elles suivent les avis donnés par les personnes qui sont attachées à leur service, telles que la dame de compagnie, l’eunuque, la femme de chambre, et les ordres qu’elles donnent seront nécessairement contraires à ce qui est juste et vrai, et ils feront naître (dans l’Etat) la mésintelligence et la discorde. Le prestige du prince en sera atteint, le peuple souffrira, le gouvernement et la religion seront ébranlés, la fortune publique sera détruite et les grands du royaume seront persécutés [13] ».

Au-delà de ces attaques, portées dans son Traité du fait de la situation nouvelle et préoccupante de Nizam al-Mulk face à la Cour où se dressent contre lui la plupart des commensaux et des grandes dames turques, Nizam al-Mulk aura participé aux querelles de succession de Malik Chah, s’opposant aux desseins d’une des épouses de Malik Chah pour le choix de l’héritier au trône. Déjà fragilisé par ce conflit, le vizir se trouve également face à d’autres problèmes avec l’avènement de la secte extrémiste chiite des Ismaéliens, qui enivre ses jeunes adhérents de haschisch (ce qui fera d’eux les « Haschischin », c’est-à-dire la célèbre secte des « Assassins ») : voyant la population qui, alarmée par ces nouveaux troubles, commence à contester le pouvoir en place, Nizam al-Mulk s’empresse de rajouter onze chapitres à son livre qu’il venait pourtant de finir (il était alors composé de 39 chapitres) afin de mettre en garde l’Etat contre les dangers qu’il encourt. Jean-Paul Roux suggère que Nizam al-Mulk aurait voulu se décharger de ses responsabilités par rapport à la montée des périls et faire porter le chapeau à Malik Chah [14].

Toujours est-il que Nizam al-Mulk sera tué le 14 octobre 1092, Vraisemblablement par un « Assassin » ismaélien, victime d’un complot ourdi par la Cour. Malik Chah le suivra un an plus tard, également assassiné.

Avec lui s’arrête l’apogée des Seldjoukides.{{}}

Extrêmement dense, mais très divertissant, ce Traité permet d’aborder la question du gouvernement au travers de la plume d’un de ceux qui ont cherché à théoriser le pouvoir. Avec le Siyâsat Nâmeh, il s’agit d’une véritable mine d’informations et d’anecdotes qui tournent autour du fait gouvernemental, Nizam al-Mulk touchant dans ce texte à tout ce qui intéresse le prince. Cette source nous paraît dès lors incontournable.

Iran Histoire - Publié le 01/09/2014 - Anne Walpurger Elève de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, diplômée en master d’histoire à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Anne Walpurger se passionne pour le Proche-Orient et s’occupe de la rubrique de l’agrégation et du Capes 2015 des Clés du Moyen-Orient.

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Notes{{}}

[1] La traduction sur laquelle se base cet article est celle de Charles Schefer, in Nizam al-Mulk, Traité de gouvernement (préfacé par Jean-Paul Roux), Paris, Sinbad, 1984.

[2] Hamadi Redissi, Les politiques en Islam : le Prophète, le Roi et le Savant, p. 50.

[3] Jean-Paul Roux, « Préface », Traité de gouvernement, op.cit., p. 21.

[4Ibid., p. 10.

[5Ibid.

[6Ibid., p. 24.

[7Ibid., p. 25.

[8Ibid., p. 26.

[9] Nizam al-Mulk, Traité de gouvernement (préfacé par Jean-Paul Roux), Paris, Sinbad, 1984, p. 38.

[10Ibid., p. 158.

[11] Jean-Paul Roux, op.cit., pp. 28-29.

[12] Nizam al-Mulk, op.cit., p. 151.

[13Ibid., pp. 271-272.

[14] Jean-Paul Roux, op.cit., p. 30.

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Rubrique C - Omar Khayyâm{{}}

Omar Khayyam, libre penseur persan, grand savant mathématicien et astronome, philosophe et poète, humaniste et épicurien aimant le vin - Il a apporté de grandes contributions dans tous ces domaines.

Omar Khayyam était un érudit musulman : il a compilé des tables astronomiques, contribué à la réforme du calendrier et découvert une méthode géométrique pour résoudre les équations cubiques en coupant une parabole avec un cercle. Il est surtout connu pour ses travaux sur l’algèbre géométrique, le calendrier Jalil et ses poèmes rassemblés sous le titre « Les Rubaiyat ».

Quelle était la philosophie d’Omar Khayyam ? – Des opinions religieuses. Une lecture littérale des quatrains de Khayyam conduit à interpréter son attitude philosophique envers la vie comme une combinaison de pessimisme, de nihilisme, d’épicurisme, de fatalisme et d’agnosticisme.

Quelle était la morale des Rubaiyat d’Omar Khayyam ? - Les Rubaiyat d’Omar Khayyam sont une lecture intéressante, surtout pour ceux qui sont pris par la vie, qui ne vivent pas dans le présent et se complaisent dans ce qui les rend heureux. Ils renforcent l’idée du carpe diem, essentielle à garder à l’esprit à notre époque.

Quelle forme de poésie est associée à Omar Khayyam ? - Le mot Rubaiyat dérive du terme arabe désignant les quatrains et, dans leur forme originale, il s’agit généralement de poèmes épigrammatiques indépendants. Selon la source du traducteur FitzGerald, le poète persan Omar Khayyam est réputé pour avoir écrit des centaines, voire des milliers, de Rubaiyat.

Que signifie le Rubaiyat d’Omar Khayyam ? - L’œuvre du poète persan du XIIe siècle Omar Khayyám était largement méconnue en Occident jusqu’à sa compilation et sa traduction par Edward FitzGerald en 1859 sous le titre de Rubáiyát d’Omar Khayyám. Le mot rubaiyat, pluriel de rubai, désigne les quatrains (poèmes de quatre vers) qui composent l’œuvre.

Qui a traduit les Rubaiyat d’Omar Khayyam ? - Rubáiyát d’Omar Khayyám est le titre qu’Edward FitzGerald a donné à sa traduction de 1859 du farsi vers l’anglais d’une sélection de quatrains (rubāʿiyāt) attribués à Omar Khayyam (1048-1131), surnommé « l’astronome-poète de Perse ». Les éditions les plus courantes sont basées sur les quatre versions de la traduction de Fitzgerald. La première édition comprenait 75 quatrains (strophes) ; la deuxième édition (1868) fut augmentée à 110 quatrains ; le troisième (1872) et le quatrième (1879) en comptaient 101.

Quels sont les symboles utilisés dans les Rubaiyat d’Omar Khayyam ?{{}}

Les nombreuses métaphores, comparaisons, motifs et symboles du poème s’associent pour créer une imagerie particulière, évoquant le rossignol, le jardin, la rose, le vin, le pot en terre cuite, la taverne, l’auberge, les étoiles et le croissant de lune. Au sens littéral, cette imagerie traduit l’idée que Fitzgerald se faisait de la Perse du haut Moyen Âge…

Quelle est l’une des célèbres citations d’Omar Khayyam ? – « Votre main peut saisir aujourd’hui, mais pas demain ; et les pensées de votre avenir ne sont rien d’autre que du désir ».

Tableau :{{}}

Asit Kumar Haldar (1890 - 1964) - UNTITLED (Omar Khayyam Series)

Modern Art Auction Fall 2023 - UNTITLED (Omar Khayyam Series) - Tempera on silk - Signed lower right - 13.50 x 15.50 inches - Artiste : Asit Kumar Haldar (1890 - 1964) - UNTITLED (Omar Khayyam Series)

Provenance : Collection privée Kolkata – Description : Asit Kumar Haldar était peintre et sculpteur. Il s’est fait connaître en créant la technique innovante du « lacit », qui consiste à peindre à la laque sur du bois. Figure importante de l’école d’art du Bengale, il a habilement dépeint des scènes historiques complexes et a contribué à l’illustration de divers ouvrages. Il a notamment illustré des ouvrages de son grand-oncle Rabindranath Tagore. Haldar dépeint des sujets mythologiques et a été formé à la Government School of Art de Calcutta par Rabindranath Tagore. Il est chargé de copier les peintures des grottes d’Ajanta, où il maîtrise les effets de ressemblance et acquiert une renommée internationale. La polyvalence de Haldar s’est révélée lorsqu’il a travaillé sans effort sur différents supports, notamment sa technique unique du « lacit ». Puisant dans l’héritage culturel de l’Inde, il a créé des peintures captivantes basées sur l’histoire du Bouddha indien. Il a également illustré des vers d’Omar Khayyam (représentés dans cette œuvre), le tout imprégné d’une touche spirituelle qui lui a valu l’admiration du public et de la critique…

Source : https://prinseps.com/auctions/lots/untitled-omar-khayyam-series-asit-kumar-haldar-57-35/

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Omar Khayyam, dont le nom signifie ’vendeur de tentes’, du métier de son père, est né en 1048 à Nichapour (actuellement en Iran). Il était un homme brillant, qui excellait en philosophie, en poésie, en mathématiques ou en astronomie. En outre, sa vie est indissociable des mouvements qui agitent alors le Moyen-Orient, entre instauration de la religion musulmane et domination des Turcs seldjoukides.

Commençons cette biographie par une légende sur sa vie. Alors qu’il était étudiant à Nichapour, il était très lié avec deux autres camarades, du nom d’Abdoul Kassem et Hasan ibn al Sabbah. Un soir, il leur proposa le pacte suivant : le premier à faire fortune soutiendrait les deux autres. Les autres acceptent le pacte, et le premier à obtenir une position enviable est Abdoul Kassem.

Ce dernier devient en effet sous le nom de Nissan el Molk le grand vizir du sultan Malik Shah. Ces deux anciens compagnons viennent alors se présenter à lui. Omar demande la protection du vizir, afin de pouvoir mener ses recherches à l’abri du besoin. Hasan demande à être introduit à la cour. Les voeux des deux hommes sont exaucés. Mais Hasan complote alors à la cour dans l’espoir de prendre la place de son protecteur. Découvert, il est renvoyé et fonde l’ordre ismaélien des Assassins, à la fois secte et mouvement terroriste, qui depuis la forteresse qu’il fera construire à Alamout tuera Nissan el Molk en 1092.

Venons-en maintenant à des faits plus vraisemblables. Après des études dans sa ville natale, Khayyam passe de nombreuses années à Samarcande sous la protection d’Abou Tahir, qui est alors administrateur de la ville. Il y écrit notamment un important traité d’algèbre.

A l’invitation de Malik Shah, troisième sultan de la dynastie des Seldjoukides, et de son vizir Nissan El Molk, il se rend à Ispahan, qui est alors la capitale du royaume. Il dirige la construction d’un gigantesque observatoire, à partir duquel il mesure la longueur d’une année. Khayyam trouve qu’une année fait 365,24219858156 jours. C’est une mesure d’une incroyable précision ! On sait désormais que la longueur d’une année change au niveau de la sixième décimale durant une vie humaine, et à titre de comparaison, la longueur d’une année à la fin du XIXè était 365,242190 jours. A la suite de cette mesure, une réforme du calendrier fut adoptée dans le royaume seldjoukide, comme ce fut le cas cinq siècles plus tard en Europe à l’instigation du pape Grégoire.

Après la mort en 1092 de ses protecteurs, Nissan el Molk d’abord, puis un mois plus tard le sultan, Khayyam tombe en disgrâce à la cour et sa vie se fait moins sereine. En 1118, il quitte Ispahan pour passer quelques mois à Merv (cité située au Turkmenistan), puis il va terminer ses jours dans sa ville natale.

La popularité de Khayyam en Occident est surtout due à ses Robbayate, quatrains parfois désabusés où il chante la vie, les femmes, le vin.

Cela lui valut d’ailleurs quelques problèmes avec des dignitaires religieux car le vin n’est pas la boisson privilégiée par le Coran ! La première traduction est due à Edward Fitzgerald en 1850. Une des difficultés de Fitzgerald fut de distinguer le vrai du faux, car plus de 1.000 poèmes sont attribués à Khayyam. Fitzgerald en retint 170, et sa traduction est aussi considérée comme un des chefs d’oeuvre de la littérature anglo-saxonne. Voici l’un des quatrains de Khayyam :

O toi qui es venu tout ardent du monde de l’esprit ;
Toi qui, stupéfait, t’interroges sur le cinq, le quatre, le six et le sept,
Bois du vin, car tu ne sais d’où tu es venu.
Réjouis-toi, car tu ne sais où tu vas.

Les travaux mathématiques de Khayyam ne sont pas moins intéressants. Il s’intéresse principalement aux équations du troisième degré, que l’on ne sait pas alors résoudre à l’aide de formules. Khayyam propose une méthode graphique très intuitive pour estimer le nombre et les valeurs des racines, qui est la suivante. Prenons l’équation x3−2x−3=0, que l’on peut transformer en x3−2x=3, puis en x (x2−2)=3, ce qui donne enfin x2−2=3/x. Mais le membre de gauche de l’équation précédente est l’équation d’une parabole, le membre de droite celle d’une hyperbole. Les solutions de l’équation de départ sont donc les abscisses des points d’intersection de la parabole et de l’hyperbole. Pour peu que l’on sache tracer ces courbes avec suffisamment de précision, on pourra avoir une bonne estimation des racines ! Signalons aussi que Khayyam était parfaitement lucide sur le fait que sa méthode serait sûrement dépassée par d’autres dans les siècles suivants ...

Terminons par un mot de littérature. On dit parfois que Yourcenar était fasciné par deux personnages historiques : l’empereur Hadrien, et Omar Khayyam. N’ayant pas le temps matériel de se consacrer aux deux, elle opta finalement pour une biographie d’Hadrien. On peut toutefois découvrir la vie de Khayyam et la quête du manuscrit des Robbayat dans le roman d’Amin Maalouf intitulé Samarcande.

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Source : https://www.bibmath.net/bios/index.php?action=affiche&quoi=khayyam

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Extrait de l’introduction : « La Poésie a ceci de divin qu’elle échappe, aussi bien par son essence que par ses manifestations, aux mensonges dorés des exhibitions et des musées. On l’entend ou on ne l’entend pas : c’est affaire de surdité ou de claire audience spirituelle, mais on ne peut l’abstraire de la vie intérieure dont elle est l’expression musicale, pour la clouer, morte, au mur d’une galerie. Pourtant, figée dans le langage humain, elle participe, dans une certaine mesure, à ses infirmités dont la plus grande est d’être multiforme. Ce qui limite son pouvoir, au double point de vue de l’expression et de la transmission universelle.

De l’aveu même de ceux qui nous apportent ses indicibles messages, les plus beaux vers ne sont qu’un faible écho des harmonies qu’ils ont perçues. Que dirons-nous donc, lorsque, reprenant l’œuvre à son tour, le traducteur en change la forme native et prétend nous en conserver la beauté ? »

Besogne ingrate, s’il en fut jamais. Par quel sortilège est-il possible qu’une étude fervente nous initie à la beauté extérieure comme à celle intime et essentielle d’un chef-d’œuvre en langue étrangère, et que, devenus conscients de l’émotion subie, pouvant l’analyser et en disserter, nous ne puissions la restituer dans notre langue maternelle, intégrale et non déformée ?

Faut-il conclure de cette faiblesse à l’inanité des traductions ? Ce serait fermer la porte qu’elle entrouvre, du moins, et qui laisse filtrer de nouvelles lueurs de l’universelle Beauté. Ce serait, en tout cas, laisser sans aliment le désir légitime et très fécond d’aller, à travers elles et par elles, vers le chef-d’œuvre lui-même…

Quand il s’agit, d’ailleurs, d’un chef-d’œuvre incontesté, les différences que l’on note entre les traductions et l’original sont intéressantes, parce qu’elles révèlent, si elles ne procèdent pas de l’incapacité du traducteur, les multiples motifs d’émotion que contenait intrinsèquement cet original.

Que ceci serve de préambule et d’excuse à la traduction des Quatrains d’Omar Kàyyàm, offerte par nous au lecteur français… »

Lire l’original à partir de ce site : https://archive.org/details/LesQuatrainsDOmarKha/page/n11/mode/1up

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Omar Khayyam sur www.babelio.com

  • Poésie persane- ’Les Quatrains’ d’Omar Khayyâm, savoir profiter avant de devenir poussière - Publié le jeudi 20 mars 2025 - Provenant du podcast L’Instant poésie – France Culture - Épisode 14/20

    L’Instant poésie

Ces quatrains d’Omar Khayyâm célèbrent la vie à travers sa fugacité. Dans une forme de conscience de la nature humaine et de ses faiblesses, Omar Khayyâm conseille l’autre à travers ses courts poèmes devenus méditations, préceptes. {{}}

Avec Arthur Teboul, ©Radio France

Arthur Teboul ©Radio France - ©Jérôme Dubois©Jérôme Dubois

Dans ces quatrains, Omar Khayyâm évoque la fugacité de la vie avec, en toile de fond, un sourire presque goguenard, audacieux pour un savant, un philosophe et scientifique du XIe siècle en terre d’Islam. Face à la fatalité et à la mort certaine de toute chose, Omar Khayyâm invite son lecteur à profiter avant que tout passe.

Ces quatrains sont lus par Pierre Baux, Laurent D’Olce et Guillaume Marquet. Réalisation : Juliette Heymann

’Un sourire qui vous dit ’ne t’inquiète pas’’{{}}

Né vers 1048 à Nichapur, dans l’actuel Iran, le savant, mathématicien et philosophe Omar Khayyâm est découvert en Europe et aux États-Unis pour son œuvre poétique après la traduction anglaise des Rubâ’iyât en 1868. Il devient alors le poète persan le plus lu au monde. Dans Les Quatrains, il célèbre les femmes et la beauté, l’ivresse et la poussière du néant dans une forme qui lui permet de représenter la mesure. Il laisse derrière lui des poèmes qui, aujourd’hui encore, s’élèvent contre l’imposture religieuse et politique, préférant les jouissances de l’éphémère aux vérités érigées en dogmes.

Les Quatrains d’Omar Khayyâm

XCIII
Chaque vœu de repentir, nous le rompons encore
Et refermons sur nous la porte de bon renom.
Ne me blâme pas si j’agis comme un exalté,
Car, une fois de plus, je suis ivre du vin de l’amour.

CXVI
Quand je serai terrassé sous les pieds du destin,
Et que l’espoir de vivre sera déraciné de mon cœur,
Veille à faire une coupe avec ma poussière :
Ainsi, rempli de vin, je revivrais, peut-être.

CXVII
Mon cœur ne sait plus distinguer entre l’appât et le piège ;
Un avis me pousse vers la mosquée, l’autre vers la coupe ;
Pourtant, le vin, l’aimée et moi,
Nous sommes mieux cuits dans une taverne que crus dans un monastère.

CXVIII
C’est le matin, humons un instant le vin couleur de rose,
Et brisons encore une fois sur la pierre ce vase de bonne renommée et d’honneur.
Cessons de haleter vers ce qui fut longtemps notre espoir
Et jouons avec les longues boucles et le manche sculpté du luth.

CXX
Je connais le dehors de l’être et du non-être,
Je connais l’intérieur de tout ce qui est
haut et bas :
Pourtant, quelle honte de mon savoir
Si je reconnaissais quelque chose de plus haut que l’ivresse !

CXXI
Jeunes, nous avons quelque temps fréquenté un maître,
Quelque temps nous fûmes heureux de nos progrès ;
Vois le fond de tout cela : que nous arriva-t-il ?
Nous étions venus comme de l’eau, nous sommes partis comme le vent.

CXXII
Pour celui qui comprend les mystères du monde,
La joie et la tristesse sont identiques ;
Puisque le bien et le mal doivent tous deux finir,
Qu’importe que tout soit peine, à ton choix, ou que tout soit remède.

Extrait de Les Quatrains d’Omar Khayyâm (traduction de Charles Grolleau, 1902)

Arts et Divertissement Livres Poésie Littérature contemporaine Littérature française Arthur Teboul

L’équipe -  Blandine Masson Coordination -  Camille Renard Coordination -  Céline Geoffroy Conseiller(e) littéraire -  Mary Simon Collaboration

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-instant-poesie/les-quatrains-d-omar-khayyam-7297500

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  • A propos du poète Omar Khayyâm : « Apprendre le vin » - Documentation de « Gilbert & Gaillard »{{}}
    L’Islam est-il soluble dans la modernité ? Les Musulmans peuvent-ils massivement adhérer à la liberté de conscience, la liberté d’expression, les droits de l’Homme, valeurs cardinales et non négociables qui font la grandeur de la civilisation occidentale ? Beaucoup en doutent avec raison.

Quelques grands esprits ont pourtant montré la voie. Portrait d’Omar Khayyam, libre penseur iranien et grand amateur de vin.

Un humaniste avant la lettre{{}}

« On affirme qu’il existe un enfer. C’est une assertion erronée, on ne saurait y ajouter foi, car s’il existait un enfer pour les amoureux et les ivrognes, le paradis serait dès demain, aussi vide que le creux de ma main”.{{}}

Né à Nichapour en Perse, Omar Khayam 1048-1131 (ou 1123) fut astronome, mathématicien, philosophe et poète, mais ses écrits ne furent connus en Occident qu’au XIXe siècle, découverts et traduits par le poète anglais Fitzgerald. Un esprit complet, fertile, ouvert, un humaniste avant la lettre.

464 quatrains dédiés au vin{{}}

Son œuvre la plus célèbre, celle qui lui a permis de traverser les siècles s’appelle les “Rubbayat” : 464 quatrains (strophes de 4 vers) dont le thème récurrent pourrait être “Bois et sois heureux” ; une philosophie profondément épicurienne, absolument originale en terre d’Islam, qui s’apparente à celle de beaucoup d’écrivains occidentaux : “Boire du vin et me réjouir, telle est ma manière d’être. Etre indifférent à l’hérésie comme à la religion, tel est mon culte”.

Omar Khayyam vivait entouré d’amis et buvait avec eux ; il cherchait dans le vin à la fois un dérivatif et la force de supporter son existence : “Bois du vin ami, bois, car le temps est un ennemi implacable. Bois du vin, tu as des siècles pour dormir.” Carpe diem avant la lettre !

Un esthète désenchanté{{}}

Paroles d’ivrogne ? Non, propos d’une âme désenchantée, d’un pessimiste raisonné, d’un sage sans illusion sur les promesses de l’au-delà. En effet, s’il croit en Dieu, il croit peut-être encore plus en une forme de destin aveugle et incontournable dont, s’il le pouvait, il aimerait bien se défaire. Pour lui, il faut prendre conscience que la vie éternelle est un leurre, d’où une certaine amertume qui ne peut être atténuée que dans la recherche d’une existence d’homme certes mortel, mais libre. Il entend pratiquer une religion libérée du carcan de l’orthodoxie. Le moyen pour y parvenir ? L’ivresse plutôt que le pèlerinage à la Kaaba, le culte, la prière ou le jeûne.

’Le vin est un grain de beauté sur la joue de l’intelligence”. {{}}

Son ivresse n’est pas celle du commun ; elle est un véhicule pour récréer le monde, accéder au rêve, échapper à l’angoisse de la fuite du temps : “Le vin donne des ailes à ceux qui sont atteints de mélancolie ; le vin est un grain de beauté sur la joue de l’intelligence”. Elle est celle d’un d’esthète.

Un libre penseur{{}}

L’un des aspects les plus surprenants des Rubbayat, surtout lorsqu’on imagine l’environnement religieux de l’époque et la force de la pression sociale, est la manière dont Omar Khayyam s’adresse à Dieu, sous forme de longs monologues irrévérencieux. Un jour par exemple qu’un coup de vent renversa sa cruche de vin placée imprudemment sur le bord de la terrasse, il s’écria : “Tu as brisé ma cruche de vin, mon Dieu ! Tu as ainsi fermé en moi la porte de la joie, mon Dieu ! C’est moi qui bois et c’est toi qui connais les désordres de l’ivresse ! Oh, puisse ma bouche se remplir de terre, serais-tu ivre mon Dieu ? Il n’hésite pas non plus à user de raillerie pour fustiger les mystiques et les puritains de son temps : “On affirme qu’il y aura, qu’il y a même un enfer. C’est une assertion erronée, on ne saurait y ajouter foi, car s’il existait un enfer pour les amoureux et les ivrognes, le paradis serait dès demain, aussi vide que le creux de ma main”.

Omar Khayyam, libre penseur persan, grand savant, philosophe et poète, humaniste et épicurien, mourut à l’âge de 83 ans. C’est sans nul doute parce qu’il était humain, profondément humain, que son message est résolument moderne.

“Quand je serai mort, lavez-moi dans du vin et, du bois de la vigne, qu’on fasse mon brancard et mon cercueil”.

On peut encore voir sa tombe à Nishapur, à l’ombre de deux rosiers.

Niveau 1Niveau 2 Niveau 3L’histoire du vinLexique du vin

1 - Quand Paris faisait son vin3 - Les Romains et le vin

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  • La personnalité d’Omar Khayyam d’après Wikipédia {{}}
    Omar Khayyām

Description de cette image, également commentée ci-après

Portrait d’Omar Khayyam (tapisserie)

Données clés
Nom de naissance غياث الدین ابو الفتح عمر بن ابراهیم خیام نيشابوری
Naissance v. 1048(?)[Note 1]

Nichapur, Perse,

Empire seldjoukide

Décès v. 1131 (date approximative)

Nichapur, Perse,

Empire seldjoukide

Activité principale Poète, mathématicien, philosophe, astronome
Auteur
Langue d’écriture persan, arabe

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Omar Khayyām[Note 2] (v. 1048 ? à Nichapur[Note 3] en Perse (actuel Iran) - v. 1131[1]) est un poète et savant persan. On trouve son nom orthographié Omar Khayam dans les traductions d’Armand Robin (1958) ou de M. F. Farzaneh et Jean Malaplate (dans l’édition critique de Sadegh Hedayat, Corti, 1993). Sa date de naissance est supposée. Ses poèmes sont principalement écrits en persan alors que ses traités scientifiques le sont en arabe[2].

Biographie{{}}

La vie de Khayyam est entourée de mystère, et la rareté des sources disponibles empêche de la retracer avec précision. Des chercheurs pensent généralement qu’Omar Khayyam est né dans une famille d’artisans de Nichapur — le nom de Khayyam, du persan خيام [ḫayām], en arabe خَيَّميّ [ḫayyamī] : fabricant de tentes, suggère que son père était fabricant de tentes[3]. Il passe son enfance dans la ville de Balhi, où il étudie sous la direction du cheik Mohammad Mansuri, l’un des savants les plus célèbres de son temps (selon le vizir Nizam al-Mulk dans son wasiyat, son testament).[réf. nécessaire]. Dans sa jeunesse, Omar Khayyām étudie aussi sous la direction de l’imam Mowaffak de Nishapur, considéré comme le meilleur professeur du Khorassan[réf. nécessaire][Par qui ?].

En 1074, il est invité par le sultan seldjoukide Mālikshāh Jalāl al-Dīn à Ispahan pour entreprendre la réforme du calendrier solaire à laquelle il consacrera cinq années, et organiser des observations astronomiques. À la mort de Mālikshāh, il tombe en disgrâce. Il est possible que certains de ses poèmes non orthodoxes en soient la cause. Pour couper court à tout soupçon, il entreprend alors un pèlerinage à la Mecque. On le retrouve ensuite à Merv, alors capitale de l’empire des Seldjoukides[4]. Il finit ses jours à Nichapur[2], où il vit en reclus les vingt dernières années de sa vie.

Nom de Khayyam{{}}

Si on le déchiffre avec le système abjad, le résultat donne al-Ghaqi, le dissipateur de biens, expression qui dans la terminologie soufie est attribuée à « celui qui distribue ou ignore les biens du monde constituant un fardeau dans le voyage qu’il entreprend sur le sentier soufi » (Omar Ali-Shah)[5].

« Khayyam, qui cousait les tentes de l’intelligence,
Dans une forge de souffrances tomba, subitement brûla ;
Des ciseaux coupèrent les attaches de la tente de sa vie ;
Le brocanteur de destins le mit en vente contre du vent[6]. »

Mathématicien et astronome{{}}

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Résolution de l’équation x3 + ax = b selon la méthode d’Omar Khayyam. AB2 = a, AC × AB2 = b, ABmn est un carré. Le demi-cercle de diamètre [AC] rencontre la parabole, de sommet A, d’axe (AB) perpendiculaire à (AC) et passant par m, en D. Le point D se projette orthogonalement sur [AC] en E. La distance AE est la solution de l’équation [7].

Omar Khayyâm est considéré comme « l’un des grands mathématiciens du Moyen Âge [8],[9]. » Mais ses travaux algébriques ne furent publiés [10] en Europe qu’au XIXe siècle [11]. On lui doit deux traités importants dans l’histoire des mathématiques.

Dans son Risāla fī’l-barāhīn ˓ala masā’il al-jabr wa’l-muqābala (Démonstrations de problèmes d’algèbre) écrit en 1070 à Samarcande et dédié à son protecteur le juge Abu Tahir[2], al-Khayyam entreprend une classification des équations de degré 3 avec leurs racines positives. Il échoue dans sa tentative de résoudre ces équations par radicaux mais il décrit le moyen d’obtenir ces racines à l’aide d’intersection de coniques (cercles, hyperboles équilatères, paraboles)[7]. Il démontre que les équations cubiques peuvent avoir plus d’une racine. Il fait état aussi d’équations ayant deux solutions, mais n’en trouve pas à trois solutions [7].

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Quadrilatère dit « de Saccheri ».

Son deuxième traité Sharh. mā ashkala min mus.ādarāt kitāb Uqlīdis (Commentaires sur les difficultés de certains postulats du livre d’Euclide) écrit en 1077 à Ispahan offre une réflexion sur l’axiome des parallèles [12]. Son raisonnement s’appuie sur un quadrilatère dont les deux angles de base sont droits, et les côtés latéraux de même longueur. Le but est de démontrer que les deux autres angles ne sont ni aigus ni obtus. Ce même quadrilatère sera repris plusieurs siècles plus tard par le mathématicien Giovanni Girolamo Saccheri. On trouve également dans ce traité des réflexions sur les fractions [2].

À ces deux ouvrages, on peut ajouter un Traité sur la division d’un quart de cercle dans lequel al-Khayyam détermine la valeur approchée d’une racine d’une équation cubique et un traité Problème d’arithmétique cité par ses successeurs et qui devait contenir des méthodes des binômes et de calculs approchés de racines nièmes[2].

Directeur de l’observatoire d’Ispahan en 1074, il réforme, à la demande du sultan Malik Shah, le calendrier persan (la réforme est connue sous le nom de réforme djelaléenne). Il construit des tables astronomiques connues sous le nom de Zidj-e Malikshahi. Il introduit à la manière du calendrier julien une année bissextile [2] et mesure la longueur de l’année comme étant de 365,242 198 jours [13]. L’estimation djélaléenne se montrera plus exacte que la grégorienne créée cinq siècles plus tard, bien que leur résultat pratique soit exactement le même, une année devant comporter un nombre entier de jours.

Dans le domaine de la physique, al-Khayyam s’est intéressé au problème de la balance et de la détermination de la composition des alliages (Fī ikhtiyāl ma˒rifa miqdāray al-dhahab wa’l-fid.d.a fī jism murakkab minhumā - Sur l’art de déterminer la quantité d’or et d’argent dans un corps constitué de ces deux matières et Fī’l-qustās. al-mustaqīm - Sur la balance). Ses traités seront repris par son élève à Merv, al-Khazini, (Fī’l-qustās.al-mustaqīm Le livre de la balance de la sagesse)[2].

Al-Khayam a également écrit un traité sur les divisions de gammes musicales [2].

Poète et philosophe{{}}

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Quatrain de Khayyâm à Morića Han (Bosnie-Herzégovine).

Ses poèmes sont appelés « rubaiyat »[14],[15], ce qui signifie « quatrains ». Les quatrains de Khayyam, souvent cités en Occident pour leur scepticisme, recèleraient, selon Idries Shah, des « perles mystiques », faisant de Khayyam un soufi. Il aurait prôné l’ivresse de Dieu, et se disait infidèle mais croyant [16]. Au-delà du premier degré hédoniste, les quatrains auraient donc selon ce commentateur une dimension mystique.

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Statue d’Omar Khayyam à Bucarest.

Dans la pratique, si l’on s’en tient au texte, Khayyam se montre bel et bien fort critique vis-à-vis des religieux — et de la religion — de son temps. Quant au vin dont la mention revient fréquemment dans ses quatrains, le contexte où il se place constamment (agréable compagnie de jeunes femmes ou d’échansons, refus de poursuivre la recherche de cette connaissance que Khayyam a jadis tant aimée) ne lui laisse guère de latitude pour être allégorique.

On ne peut donc que constater l’existence de ces deux points de vue.

Traduction de Franz Toussaint pour les quatrains ci-après.

Chagrin et désespoir{{}}

(VIII)

« En ce monde, contente-toi d’avoir peu d’amis.
Ne cherche pas à rendre durable
la sympathie que tu peux éprouver pour quelqu’un.
Avant de prendre la main d’un homme,
demande-toi si elle ne te frappera pas, un jour. »

(CXX)

« Tu peux sonder la nuit qui nous entoure.
Tu peux foncer sur cette nuit... Tu n’en sortiras pas.
Adam et Ève, qu’il a dû être atroce, votre premier baiser,
puisque vous nous avez créés désespérés ! »

Lucidité et scepticisme{{}}

(CXLI)

« Contente-toi de savoir que tout est mystère :
la création du monde et la tienne,
la destinée du monde et la tienne.
Souris à ces mystères comme à un danger que tu mépriserais. »

« Ne crois pas que tu sauras quelque chose
quand tu auras franchi la porte de la Mort.
Paix à l’homme dans le noir silence de l’Au-Delà ! »

Sagesse et épicurisme{{}}

(XXV)

« Au printemps, je vais quelques fois m’asseoir à la lisière d’un champ fleuri.
Lorsqu’une belle jeune fille m’apporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut.
Si j’avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu’un chien. »

(CLXX)

« Luths, parfums et coupes,
lèvres, chevelures et longs yeux,
jouets que le Temps détruit, jouets !
Austérité, solitude et labeur,
méditation, prière et renoncement,
cendres que le Temps écrase, cendres ! »

C’est sur cette 170e pièce, comme en conclusion de ce qui précède, que se termine le recueil.

Distance par rapport à l’islam orthodoxe{{}}

(CVII)

« Autrefois, quand je fréquentais les mosquées,
je n’y prononçais aucune prière,
mais j’en revenais riche d’espoir.
Je vais toujours m’asseoir dans les mosquées,
où l’ombre est propice au sommeil. »

(CLIX)

« « Allah est grand ! » Ce cri du moueddin ressemble à une immense plainte.
Cinq fois par jour, est-ce la Terre qui gémit vers son créateur indifférent ? »

(CLIII)

« Puisque notre sort, ici-bas, est de souffrir puis de mourir,
ne devons-nous pas souhaiter de rendre le plus tôt possible à la terre notre corps misérable ?
Et notre âme, qu’Allah attend pour la juger selon ses mérites, dites-vous ?
Je vous répondrai là-dessus quand j’aurai été renseigné par quelqu’un revenant de chez les morts. »

Notoriété universelle et image ambiguë{{}}

Les agnostiques voient en lui un de leurs frères né trop tôt, tandis que certains musulmans perçoivent plutôt chez lui un symbolisme ésotérique, rattaché au soufisme.

Khayyam indiquerait, comme le fera Djalâl ad-Dîn Rûmî plus tard, que l’homme sur le chemin de Dieu n’a pas besoin de lieu dédié pour vénérer celui-ci, et que la fréquentation des sanctuaires religieux n’est ni une garantie du contact avec Dieu, ni un indicateur du respect d’une discipline intérieure.

L’actuelle république islamique d’Iran ne nie pas les positions de Khayyam, mais a fait paraître au début des années 1980 une liste officielle des quatrains qu’elle considérait comme authentiques (comme pour les Pensées de Pascal, leur nombre et leur numérotation diffèrent selon les compilateurs).

La vision d’un Khayyam ésotériste n’est pas partagée par ceux qui voient en lui surtout un hédoniste tolérant et sceptique. En effet, si certains [réf. souhaitée] assimilent dans ses poèmes le vin à une sorte de manne céleste, d’autres comme Sadegh Hedayat considèrent plutôt le poète comme un chantre de la liberté individuelle, qui refuse de trancher sur des mystères lui semblant hors de portée de l’homme. Son appréciation simple des plaisirs terrestres après la quadruple déception de la religion (quatrains 25, 76, 141), des hommes (quatrains 8, 18, 33) de la science (quatrains 26 à 30, 77, 81) et de la condition humaine elle-même (quatrains 32, 67, 107, 120, 170) n’exclut aucune hypothèse (quatrains 1, 23 à 25, 52)[17].

Si chacune des deux interprétations est controversée par les tenants de l’autre, elles ne s’excluent cependant pas nécessairement : Khayyam présente sans ordre et sans méthode, pour reprendre une expression de Montaigne dans la préface des Essais - donc sans stratégie visant à convaincre - ses espoirs, ses doutes et ses découragements dans ce qui semble un effort de vérité humaine. C’est peut-être une des raisons du succès mondial des quatrains.

Traductions - Controverses autour des manuscrits et des traductions{{}}

  • La diversité des manuscrits et le problème de leur authenticité, ainsi que la nécessité de connaître la langue et la civilisation persanes du onzième siècle montrent les difficultés d’une traduction. Marguerite Yourcenar dit à ce propos : « Quoi qu’on fasse, on reconstruit toujours le monument à sa manière. Mais c’est déjà beaucoup de n’employer que des pierres authentiques » [18]. Armand Robin dresse une liste de ces pierres dans Ce qu’en 1958 on peut savoir sur les « quatrains » d’Omar Khayam lors de sa traduction (cf. Bibliographie).
    • Manuscrit de 1460 de la Bibliothèque bodléienne d’Oxford, soit 158 quatrains traduits, en anglais par FitzGerald (1859), en français par Charles Grolleau (1909). Une centaine de ces quatrains sont incertains.
    • Manuscrit de 464 quatrains traduits en français par J.-B. Nicolas (1861).
    • Manuscrit d’Istanbul, 375 quatrains étudiés fin XIXe début XXe siècle
    • Manuscrit de Lucknow, 845 quatrains étudiés fin XIXe début XXe siècle
    • Manuscrit de 1259 dit de « Chester-Beatty », du scribe Mohammed al Qâwim de Nichapour, 172 quatrains traduits en français par Vincent Monteil (1983).
    • Manuscrit de 1207 dit de « Cambridge », acheté en 1950. Anthologie de 250 quatrains traduits par Arthur John Arberry (1952, il avait expertisé le manuscrit « Chester-Beatty »).
    • Manuscrit de 1153 découvert « dans une immense bibliothèque familiale », 111 quatrains traduits en anglais par Omar Ali-Shah « de langue maternelle persane, soufi… » (1964).
  • Traductions et interprétations.{{}}
    Le fait que les rubaiyat soient un recueil de quatrains — qui peuvent être sélectionnés et réarrangés arbitrairement et suggérer ainsi telle interprétation ou telle autre — a mené à des versions qui diffèrent grandement. J.-B. Nicolas [19] a pris le parti de dire que Khayyam se considère clairement comme un soufi. D’autres y ont vu des signes de mysticisme, ou même d’athéisme, et d’autres au contraire le signe d’un Islam dévot et orthodoxe. FitzGerald a donné au Rubaiyat une atmosphère fataliste, mais s’il est dit qu’il a adouci l’impact du nihilisme de Khayyam et de ses préoccupations de la mort et du caractère transitoire de toutes choses. La question de savoir si Khayyam était pour ou contre la consommation de vin est elle-même controversée [20], celle-ci et l’ivresse qui en découle ayant un sens métaphorique dans le soufisme.

Dans la nouvelle traduction que Jean-Yves Lacroix, dans Le cure-dent, fait des quatrains « Rubaï’yat », qualifiés de « serpent venimeux pour la loi divine », par le chroniqueur al-Qifti, Khayyam écrit : « Tout le monde sait que je n’ai jamais murmuré la moindre prière », et ailleurs ceci : « Referme ton Coran. Pense librement et regarde librement le ciel et la terre. »

Les quatrains de Khayyâm font l’objet de quelques controverses de traduction ainsi que d’éditions. En Europe, FitzGerald et Toussaint sont les références les plus courantes. Il est cependant difficile, comme dans toute traduction poétique, de rendre tout le sens original des vers. Le sens mystique de cette poésie peut échapper au non-spécialiste. Quant à FitzGerald, il combine parfois des quatrains distincts pour rendre possible une rime (Toussaint, mécontent de la traduction de FitzGerald, préfère une prose à laquelle il donne un souffle poétique).

Le contenu original du recueil de quatrains de Kayyâm est aussi soumis à de vastes débats. En effet, la tradition attribue plus de 1 000 quatrains à Khayyam ; alors que la plupart des chercheurs ne lui en attribuent avec certitude que 50, avec environ 200 autres quatrains soumis à controverse[1]. Chez Toussaint et FitzGerald, le nombre est de 170.

Le gouvernement iranien a fait paraître dans les années 1980 la liste des quatrains qu’il reconnait officiellement [Combien ?].

Découverte d’Omar Khayyâm en Occident grâce aux traductions d’Edward FitzGerald{{}}

Ce fut la traduction anglaise d’Edward FitzGerald qui fit connaître au grand public, en 1859, l’œuvre poétique de Khayyam et qui servit de référence aux traductions dans beaucoup d’autres langues.

FitzGerald dut effectuer un choix parmi les mille poèmes attribués à Khayyam par la tradition, car le genre littéraire qu’il avait inauguré avait connu un tel succès que l’on employait le terme générique khayyam pour désigner toute lamentation désabusée sur la condition humaine. FitzGerald établit quatre éditions des quatrains comprenant entre 75 et 110 quatrains. Étonnamment, c’est encore souvent une des compilations établies par FitzGerald qui sert de référence à une grande partie des autres traductions.

Les traductions de FitzGerald sont encore très discutées, notamment en ce qui concerne leur authenticité, FitzGerald ayant profité de ces traductions pour réécrire totalement des passages hors de l’esprit du poète original, comme la plupart des traducteurs de l’époque le faisaient. Ainsi, Omar Ali-Shah prend l’exemple du premier quatrain afin de montrer les étonnantes divergences de sens entre la traduction anglaise et la traduction littérale française.

Texte persan en caractères latins

Traduction anglaise de FitzGerald

Traduction française d’après FitzGerald

I.{{}}Khurshid kamândi sobh bar bâm afgand

Kai Khusro i roz bâdah dar jâm afgand

Mai khur ki manadi sahri gi khizân

Awaza i ishrabu dar ayâm afgand.

I.{{}}Awake ! for Morning in the Bowl of Night

Has flung the Stone that puts the Stars to Flight :

And Lo ! the Hunter of the East has caught

The Sultan’s Turret in a Noose of Light

I.{{}}Réveille-toi ! Car le matin, dans le bol de la nuit,

A jeté la pierre qui met en fuite les étoiles :

Et voyez ! Le chasseur de l’est a saisi

La tourelle du sultan dans un nœud de lumière.

Texte persan en caractères latins{{}} Traduction française du texte anglais d’Omar Ali-Shah {{}}
I.{{}}Khurshid kamândi sobh bar bâm afgand

Kai Khusro i roz bâdah dar jâm afgand

Mai khur ki manadi sahri gi khizân

Awaza i ishrabu dar ayâm afgand.

I.{{}}Tandis que l’Aube, héraut du jour chevauchant tout le ciel,

Offre au monde endormi un toast « Au Vin »

Le Soleil répand l’or matinal sur les toits de la ville -

Royal Hôte du jour, remplissant sa cruche.

Traduction du persan en français de l’orientaliste Franz Toussaint{{}}

L’orientaliste français Franz Toussaint préféra effectuer une nouvelle traduction à partir du texte original persan plutôt qu’à partir de l’anglais, avec le parti-pris de ne pas chercher à traduire les quatrains en quatrains, mais dans une prose poétique qu’il estimait plus fidèle. Sa traduction française, composée de 170 quatrains, a été contestée par les uns, défendue par d’autres avec vigueur. Aujourd’hui, après la disparition des Éditions d’art Henri Piazza qui l’ont largement diffusée entre 1924 et 1979, cette traduction fait elle-même l’objet de traductions dans d’autres langues. Toussaint, décédé en 1955, n’a pas été témoin de ce succès.

Dilemme des traducteurs{{}}

Quelques quatrains semblent échapper à toute traduction définitive, en raison de la complexité de la langue persane. Ainsi, Khayyam mentionne un certain Bahram (probablement Vahram V Gour) qui de son vivant prenait grand plaisir à attraper des onagres (Bahram ke Gour migerefti hame ’omr) et ajoute laconiquement que c’est la tombe qui a attrapé Bahram. Les mots onagre et tombe sont phonétiquement voisins en persan, avec une phonie ressemblant à gour (Didi keh chegune gour bahram gereft).

Le poète Robert Graves publia en 1967 une traduction en anglais, jugée discutable[21], de 111 quatrains d’Omar Khayyam.

L’édition récente de la traduction française des quatrains par Omar Ali-Shah critique la plupart des traductions antérieures, à commencer par celle de FitzGerald ou certaines [réf. souhaitée] traductions françaises. Selon Omar Ali-Shah, le persan des quatrains de Khayyâm se réfère constamment au vocabulaire soufi et a été injustement traduit dans l’oubli de sa signification spirituelle. Ainsi il affirme que le « Vin » de Khayyâm est un vin spirituel, que la Tariqa est la Voie (sous entendue au sens soufi de chemin mystique vers Dieu) et non la « route » ou « route secondaire », présente selon lui dans certaines traductions (il ne précise pas lesquelles). Néanmoins les quatrains laissant paraître un scepticisme désabusé ne trouvent dans cette optique aucune explication. Cette interprétation mystique est également celle proposée par Paramahansa Yogananda dans The wine of the mystic, reprenant la traduction anglaise d’Edward FitzGerald, avec un commentaire de chaque quatrain.

Quelques quatrains{{}}

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/fa/Chayyam_guyand_kasan_behescht_ba_hur_chosch_ast2.png/250px-Chayyam_guyand_kasan_behescht_ba_hur_chosch_ast2.png

Quatrain. {{}}

« Hier est passé, n’y pensons plus
Demain n’est pas là, n’y pensons plus
Pensons aux doux moments de la vie
Ce qui n’est plus, n’y pensons plus »

« Ce vase était le pauvre amant d’une bien-aimée
Il fut piégé par les cheveux d’une bien-aimée
L’anse que tu vois, au cou de ce vase
Fut le bras autour du cou d’une bien-aimée ! »

« Elle passe bien vite cette caravane de notre vie
Ne perds rien des doux moments de notre vie
Ne pense pas au lendemain de cette nuit
Prends du vin, il faut saisir les doux moments de notre vie »

—  Dictionnaire des poètes renommés persans : À partir de l’apparition du persan dari jusqu’à nos jours (trad. Mahshid Moshiri), Téhéran, Aryan-Tarjoman, 2007.

« Les astres à ma présence ici‐bas n’ont rien gagné, Leur gloire à ma déchéance ne sera pas augmentée ; Et, témoin mes deux oreilles, nul n’a jamais pu me dire Pourquoi l’On m’a fait venir et l’On me fait m’en aller. »

— Quatrain dans la traduction de M. Gilbert Lazard (« Cent un Quatrains », éd. La Différence, coll. Orphée, Paris)

Khayyâm l’inspirateur{{}}

Omar Khayyâm, depuis sa découverte en Occident, a exercé une fascination récurrente sur des écrivains européens comme Marguerite Yourcenar, qui confessait : une « autre figure historique [que celle de l’empereur Hadrien] m’a tentée avec une insistance presque égale : Omar Khayyam... Mais [sa] vie... est celle du contemplateur, et du contempteur pur » tout en ajoutant, « d’ailleurs, je ne connais pas la Perse et n’en sais pas la langue » [22].

Il inspira aussi le roman Samarcande d’Amin Maalouf.

Musicalement, il inspira également les compositeurs suivants :

  • sir Granville Bantock : Omar Khayyam, grande symphonie pour solistes, chœurs et orchestre
  • Jean Cras : Roubayat, cycle de JH2025-04-03T15:10:00J

mélodies.

Il inspira encore des poètes qui à leur tour écrivirent des rubaiyat :

  • Fernando Pessoa, Rubaiyat (quatrains).
  • Yéghiché Tcharents, Rubaiyat (poèmes de la pensée).
  • Bernard Lavilliers dans son album Les poètes débute la chanson Femme par un poème de Khayyâm : « Un peu de pain, un peu d’eau fraîche, l’ombre d’un arbre, et tes yeux ! Aucun sultan n’est plus heureux que moi. Aucun mendiant n’est plus triste ».
    Hommages{{}}
  • Un cratère lunaire a été baptisé de son nom en 1970.
  • L’astéroïde (3095) Omarkhayyam a été nommé en son honneur en 1980.
  • Un voilier classique classé monument historique porte son nom.
    Dans la culture populaire{{}}

Au cinéma et dans les séries télévisées{{}}

  • Les films Pandora et Le portrait de Dorian Gray de Albert Lewin s’ouvrent par des citations de quatrains d’Omar Khayyam.
  • Dans le film Poulet aux prunes réalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud il y a une référence à un quatrain de Omar Khayyam (« Les astres à ma présence ici-bas n’ont rien gagné... »)
  • Dans l’épisode 16 de la saison 3 de la série The Big Bang Theory, le personnage de Sheldon Cooper fait référence à Omar Khayyam en citant : « The Moving Finger writes ; and, having writ, moves on ».
    Dans la littérature{{}}

 Le quatrain du Doigt mouvant a inspiré à l’écrivaine Agatha Christie le titre d’un de ses romans policiers : The Moving Finger, paru en traduction française sous le titre de La Plume empoisonnée.

 Le même quatrain du Doigt mouvant est cité partiellement dans le roman Manhattan Transfer de John Dos Passos, aux premières pages du chapitre II (« Nickelodeon ») de la 3e partie (à la page 363 de l’edition de poche Folio).

Le roman historique Samarcande de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf traite des circonstances de l’écriture des quatrains d’Omar Khayyam, puis de la quête du manuscrit qu’a laissé le poète persan.

Article complet avec Bibliographie sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Omar_Khayyam

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Voici la publication du vendredi, jour dédié aux inspirations de la Poésie française : Émission ’Une Vie, une Œuvre’ par Simone Douek, diffusée le 6 janvier 2002 sur France Culture. Invités : Gilbert Lazare, Darioush Shayegan, Nasser Pagdaman, Marthe Bernus-Taylor, Ahmed Hasnaoui et Roshdi Rached.

Soutenir la chaîne : https://fr.tipeee.com/arthuryasmine Mise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant, dans l’unique objet de perpétuer la Poésie sur tous les fronts.e Site officiel : https://www.arthuryasmine.com/ Instagram :  / eclairbrut  Facebook :  / eclairbrut0  Sur la Poésie persane : https://bit.ly/2qxsZkx Les inspirations de la Poésie française (en cours de construction) : http://bit.ly/2qC8PoQ Les émissions ’Une vie, une Œuvre’ à propos d’un poète : http://bit.ly/2noIk5W Les archives d’Arthur Yasmine : http://ow.ly/Zqubf

Notice : Qui est Omar Khayyam ? D’abord, diront certains, un grand mathématicien qui, comme tous les érudits de son siècle, était aussi astronome et philosophe. Et puis, diront d’autres, Omar Khayyam est un poète, l’auteur de quatrains (ou robayiât) qui sont devenus célèbres dans le monde entier depuis que l’anglais Edward Fitzgerald les a traduits et réécrits au XIXe siècle. Seulement, ce n’est qu’environ un siècle après sa mort qu’ils apparaissent, cités ici ou là, dans des ouvrages de doctrine et d’histoire ; et le premier recueil, qui en contient 150, est un manuscrit datant de 1460.

Pourquoi ce décalage ? Omar Khayyam est une énigme, car si on connaissait de son vivant son traité d’algèbre, sa théorie des parallèles et des proportions, par lesquels il a fait évoluer les mathématiques de façon radicale, si on sait que, appelé à la cour du sultan Saljonkide Malikshah, il a élaboré une importante réforme du calendrier, tout devient beaucoup plus fuyant quand on parle de ses quatrains, au point que certains se demandent aujourd’hui si le philosophe héritier de la pensée d’Avicenne et le poète célébrant l’ instant sont bien le même homme. Et pourquoi pas ?

Dans cette époque où l’orthodoxie religieuse s’était fortement établie - Khayyam écrit des quatrains philosophiques où l’ordre divin est renversé, où l’hypocrisie des religieux est dénoncée - l’absurdité de la condition humaine et le néant de l’être ne trouvent de certitude que dans le moment que l’on saisit et dans l’extase que procure l’ivresse. ’Fais emplir de vin ton verre aux douces plaintes du luth, en attendant que se heurte le verre contre la pierre’. Libre et se sachant captif ; résistant mais souverain, Omar Khayyam, l’homme dont on peut parler en oxymores, ’un célèbre marginal’, comme l’écrit Dariouch Shayegan. [RAPPEL des jours de publication :

  • Lundi : modèles antiques (poètes de la Bible, de la Grèce ou de la Rome antique) ;
  • Mardi : poésie médiévale ;
  • Mercredi : poètes de la Renaissance ;
  • Jeudi : poètes de l’Âge classique et baroque ;
  • Vendredi : inspirations étrangères (du Dolce stil novo à la Beat Generation) ;
  • Samedi : poètes de la Modernité ;
  • Dimanche : poètes du XXème siècle ou poésie vivante.]
    [Aperçu de la couverture originale de La Promenade de l’âme dévote.] [Rien n’est monétisé sur cette chaîne. Si vous gérez les droits relatifs au présent contenu, si vous souhaitez sa suppression, écrivez donc à cette adresse : lesplisduvoleur@gmail.com. Le propriétaire se chargera gentiment d’appliquer vos réclamations.] #OmarKhayyam #unevieuneoeuvre #éclairbrut #UneVieuneŒuvre #unevieuneoeuvre #franceculture #radio #poésie #poète #poésiepersane #Rubayat P.-S. – « Jupiter rend sage ce qu’il veut perdre » :  • MESSAGE IMPORTANT .

https://yt3.ggpht.com/ytc/AIdro_n_8OYq646DR2oqRa7hQ9aGbvHCE11oluEjml3vCmy6I7U=s88-c-k-c0x00ffffff-no-rjÉCLAIR BRUT

Chapîtres :

À partir de 04:02 Les jardins d’amour

À partir de 04:38 Le jardin persan, image du Paradis

À partir de 19:08 Amour de la nature

À partir de 24:58 La théorie des questionshttps://www.youtube.com/watch?v=yoT...

À partir de 30:09 Réductibilité des questions

À partir de 42:05 Philosophie des mathématiques

À partir de 53:00 Poème Le Religieux

À partir de 59:42 La roue des cieux

À partir de 01:02:17 Entre deux respirations

À partir de 01:10:41 Générique de fin

Source : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=yoT2a4HzSN0

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Rubrique D - Al-Ghazali{{}}

Al-Ghazali [Abu Hamid Muhammad ibn Muhammad Al-Ghazali al-Tusi al-Nisaburi] (1058-1111), connu en Occident sous les noms latinisés d’Algazel ou Algazelus : philosophe, théologien, logicien, juriste et mystique musulman d’origine perse, il est une figure majeure de la pensée musulmane

Quelle était la philosophie d’Al Ghazali ? – L’essence de sa philosophie religieuse reposait sur l’idée que le Créateur était le point central de toute vie humaine et jouait un rôle direct dans toutes les affaires du monde . L’influence d’al-Ghazali ne se limitait pas à l’islam ; ses œuvres étaient largement diffusées parmi les érudits et philosophes chrétiens et hébreux.

Al-Ghazali — Wikipédia

Les biographies de l’imam al-Ghazâlî (1058-1111) en langue française ne manquent pas. Le lecteur pourra facilement les consulter s’il désire s’informer sur la vie et le parcours de celui qui est encore surnommé Hujjat al-islâm, la « preuve de l’islam », et qui reste l’une des références majeures de l’orthodoxie islamique traditionnelle.

L’imam Muhammad ibn Muhammad Abû Hâmid al-Ghazâlî n’a cessé de marquer, par ses enseignements, la vie de nombreux croyants d’Orient et d’Occident, par-delà les époques et les cultures.Ses œuvres, qui couvrent les principales sciences islamiques − droit, théologie, soufisme, philosophie −, continuent d’être étudiées et enseignées jusqu’à nos jours dans la communauté musulmane. La recherche universitaire occidentale, elle aussi, s’est intéressée assez tôt à la pensée et aux écrits de cette figure emblématique de l’islam classique.

Aussi avons-nous envisagé une autre approche, considérant qu’il serait opportun de proposer un panorama des œuvres majeures de l’imam et une synthèse de ses enseignements fondamentaux, non seulement d’un point de vue doctrinal mais aussi dans une optique plus opérationnelle. L’imam al-Ghazâlî a souvent insisté, en effet, sur la nécessité de mettre en cohérence l’aspiration à la connaissance, la profondeur de la foi et la noblesse des intentions, avec l’acquisition et la pratique des vertus et la conformité des œuvres.

Le début de la guidance{{}}

L’œuvre d’al-Ghazâlî forme une synthèse providentielle de la Science sacrée en islam.

Tout à la fois juriste, théologien, philosophe et mystique, l’on ne saurait réduire al-Ghazâlî à l’une ou l’autre de ces catégories. Il est, en réalité, inclassable. Sa connaissance n’était pas simplement théorique, car il s’exprimait en homme d’expérience, car il avait réalisé et expérimenté en profondeur ce dont il parlait. Il était certes rattaché aux grands imams et maîtres spirituels des courants traditionnels de l’islam sunnite, en particulier l’école de droit chaféite, la doctrine théologique acharite, et la voie spirituelle du soufisme orthodoxe.

Mais sa sensibilité spirituelle, sa préparation intellectuelle et ses capacités particulières de pénétration doctrinale l’autorisèrent à puiser directement à la source du Coran et de la Tradition prophétique, pour en extraire l’essence et les « perles », sans pour autant en rejeter les formes et les « coquilles ».

C’est ainsi qu’il atteignit un niveau de maîtrise qui lui permit d’apporter sa contribution propre à l’effort d’interprétation et de reformulation des enseignements de l’islam, pour le bénéfice de ses contemporains et des générations à venir. Les savants qualifiés reconnaissent en lui le « restaurateur » (mujaddid) de la religion musulmane au XIIe siècle.

De nos jours, nombreux sont ceux qui, comme à l’époque d’al-Ghazâlî, semblent avoir oublié le sens de la vie sur terre et de leur fonction en ce monde, en raison d’un voile superficiel qui empêche de connaître la véritable lumière de la foi et les réalités spirituelles.

Neuf siècles plus tard, les débats entre foi et raison, entre religion et science, entre spiritualisme et matérialisme continuent de faire rage.

Si le contexte actuel est différent, c’est toujours le même travail qui doit être entrepris, quelles que soient les époques, par les témoins de la Tradition authentique, afin de rétablir les conditions qui peuvent permettre aux hommes de « goûter » l’Unité de Dieu dans la multiplicité de Sa création. A cette différence près qu’il ne s’agit peut-être plus, aujourd’hui, d’analyser la crise intellectuelle et spirituelle de l’homme contemporain.

Il convient plutôt d’appeler, de façon très pragmatique, ceux qui aspirent encore à la connaissance de la Vérité à faire preuve de cohérence et d’intégrité dans leur vie même, en abandonnant les conditionnements extérieurs et les influences subtiles d’un monde qui apparaît de plus en plus incompréhensible, pour retrouver la conscience de la Présence divine éternelle.

L’incohérence des philosophes{{}}

Pour al-Ghazâlî et tous les sages, la seule philosophie valable est, selon l’étymologie du mot, « amour de la sagesse » ; mais cette philosophie ne saurait se suffire à elle-même, elle n’est qu’un préalable, une préparation théorique à l’acquisition de la Sagesse divine. Al-Ghazâlî met en évidence la hiérarchie des degrés de la connaissance accessibles à l’homme par ses facultés spirituelles et intellectuelles, conformément aux dispositions innées que Dieu a accordées à Ses créatures.

Si l’être humain possède, par sa nature, un corps et une âme, il est surtout doué d’un cœur qui le rattache à la réalité seigneuriale de l’Esprit. Au sein de cet ordre graduel ascendant, al-Ghazâlî remet la raison humaine à sa juste place, tout en reconnaissant sa valeur et son rôle décisif dans la pratique de la voie de l’Au-delà. Ce n’est pas la raison en elle-même qu’il condamne, mais bien son usage dans des domaines qui la dépassent. Montrant toutes les limites des thèses philosophiques qui prétendent se passer de la lumière de la révélation, l’imam dénonce l’excès inverse, qui consiste à rejeter le recours à la raison discursive en matière de religion, autant que ses détournements par certains « mauvais savants ».

Al-Ghazâlî met en garde contre les dangers du conformisme aveugle en matière religieuse, mais aussi contre le piège d’un discours de la raison qui chercherait à accaparer la place de l’intelligence en prétendant à la connaissance par le déni de tout ce qui la dépasse.

Cette situation ne peut, au bout du compte, que dégénérer en un relativisme délétère remettant en cause la notion même de Vérité et la possibilité de connaître Dieu pour être en capacité de Le reconnaître.

Pourtant, selon les textes sacrés et les enseignements des prophètes, c’est bien cette connaissance de Dieu, Vérité absolue et éternelle, qui constitue le but même de l’existence humaine. C’est ce but qu’ont atteint les authentiques saints et savants de Dieu, et, parmi eux, l’imam al-Ghazâlî qui nous appelle, à travers son œuvre unique, son parcours exceptionnel et son expérience spirituelle, à le rejoindre.

Le tabernacle des lumières{{}}

La quête de la connaissance de Dieu, nous dit al-Ghazâlî, exige du croyant de s’abandonner à Lui, corps et âme, pour élever son esprit au-dessus de soi-même. Il faut savoir reconnaître les limites de la raison tout comme la valeur intellectuelle de la foi. La foi est une forme de connaissance, qui comporte des degrés plus ou moins élevés, en fonction des dispositions providentielles de chaque croyant, et de ses efforts dans la voie religieuse, couronnés par la grâce divine. Pour al-Ghazâlî, le degré de foi le plus élevé correspond à la contemplation par la lumière de la Certitude.

Le fikr, la pensée, n’est pas une fin en soi, et qu’elle risque de s’avérer stérile si elle ne conduit pas au stade supérieur du tafakkur, la réflexion, puis du tadabbur, la méditation, qui ouvre l’intelligence et le cœur à la Connaissance spirituelle, et trouve son accomplissement dans le dhikr, la conscience et le rappel de Dieu. Al-Ghazâlî montre le chemin menant à la vision des Lumières de Sa Face.{{}}

La foi et l’intelligence sont des dons précieux de Dieu qu’il faut cultiver, approfondir et employer avec sagesse, rigueur et ouverture du cœur, pour réussir à bénéficier des grâces divines qui soutiennent le croyant dans son itinéraire de retour à Dieu. L’imam al-Ghazâlî saura ainsi faire le lien entre philosophie, théologie et soufisme, entre raison, foi et spiritualité, entre exotérisme et ésotérisme, en conciliant la profondeur de la foi avec la noblesse de l’intelligence, toutes deux mises au service de la recherche de la Vérité dans la Connaissance de Dieu et du monde, ainsi qu’à travers la pratique des sciences de la Religion et la discipline du cheminement spirituel.

Revivifier les sciences de la Religion{{}}

Al-Ghazâlî rappelle le sens profond et le but suprême de la religion, en distinguant ses dimensions extérieure et intérieure, la lettre et l’esprit, « l’écorce et le noyau ». La fonction des rites se fonde sur la sagesse de la médecine prophétique des cœurs. La pratique de l’adoration est tel un remède favorisant la transformation de l’âme et la réalisation spirituelle. La structure de la religion répond à la nature de l’être humain, en vertu des correspondances symboliques existant entre les mondes sensible, intermédiaire et spirituel.

La pensée de l’imam al-Ghazâlî tend toujours à atteindre la « balance juste » : la rigueur de sa méthode intellectuelle et la finesse de ses réflexions doctrinales sont empreintes d’équilibre, de modération et de sobriété. Aussi insiste-t-il sur la parfaite harmonie entre les dimensions exotérique et ésotérique de l’islam, qui s’articulent autour de la Loi sacrée et de la Voie spirituelle, tout en indiquant l’excellence de la connaissance de Dieu par rapport aux autres aspects de la religion, en vertu de la suprématie du spirituel sur le temporel.

Il enseigne que la voie de l’Au-delà ne saurait être parcourue par le seul biais de la théologie spéculative et de la jurisprudence religieuse, c’est-à-dire sans la discipline spirituelle qui constitue l’essence du message du Coran et du Prophète Muhammad. L’imam al-Ghazâlî sera le trait d’union et le porte-parole du soufisme authentique, qui est en accord avec l’orthodoxie religieuse.

L’imam al-Ghazâlî entendait ainsi corriger les erreurs commises par certains de ses contemporains, juristes, théologiens, philosophes, ascètes, etc… {{}}

Déjà, il dénonçait l’exclusivisme, le fanatisme et le rigorisme de certains savants tout autant que les spéculations rationalistes et les déviations extravagantes des spiritualistes contredisant la Loi révélée. Al-Ghazâlî n’aura de cesse de s’opposer à la double myopie intellectuelle du formalisme juridique et du dogmatisme théologique, qui provoquent des fermetures et des scléroses au détriment de la vitalité et du renouveau de la Tradition. L’enseignement de l’imam al-Ghazâlî est intemporel, et semble être providentiellement destiné aux temps que nous vivons.

Des temps où la religion est souvent réduite à un système idéologique et à un littéralisme rationaliste qui, non seulement dénature le message authentique de l’islam, mais contribue à ruiner les âmes de ceux qui sombrent dans de telles dérives. L’oubli des priorités et de l’essence de la religion aboutit inévitablement à l’inversion des valeurs et à l’instrumentalisation de la doctrine par des guides aveugles et idéologues intransigeants, à des fins de pouvoir personnel et totalitaire.

L’alchimie de la félicité{{}}

Ceux qui sont sensibles à la spiritualité trouveront dans le parcours initiatique et l’activité intellectuelle de l’imam al-Ghazâlî un exemple éclairé de servitude spirituelle, un signe évident d’alchimie divine à l’œuvre. Le monde contemporain, qui semble apparemment s’éloigner des principes et des valeurs traditionnelles qu’al-Ghazâlî sut magistralement exposer il y a plus de neuf siècles, aurait grand intérêt à approfondir, avec tout le sérieux et l’honnêteté qu’une telle entreprise comporte, le patrimoine de sagesse et de spiritualité que l’imam a transmis, tant par ses œuvres qu’à travers les événements significatifs de sa vie intense.

Il y a dans les écrits et le témoignage d’al-Ghazâlî une sagesse universelle, un équilibre rare, et une clarté précieuse, qui dépassent les frontières et les antagonismes. C’est ce qui en fait toute la portée et toute l’actualité. Les traductions de plus en plus nombreuses de ses œuvres, que l’on trouve désormais dans la plupart des langues, témoignent d’un intérêt certain qui s’explique par le fait que les écrits d’al-Ghazâlî apportent des réponses magistrales aux questions essentielles sur la signification de la vie, la dignité de l’homme, le but de l’existence et les moyens d’y parvenir, avec la clarté et la simplicité de l’évidence.

De même, ses réflexions et ses méditations sur la vie spirituelle, parce qu’elles restent relativement accessibles à la mentalité et à la nature des hommes de notre temps, et parce qu’elles s’adressent au cœur de tout un chacun, dépassent largement le cadre des études islamiques ou de la communauté musulmane.{{}}

Dans le contexte contemporain, où rigueur intellectuelle, approfondissement de la foi, sensibilité spirituelle et goût des vertus deviennent de plus en plus rares, y compris au sein des communautés religieuses comme la communauté musulmane, les enseignements de l’imam al-Ghazâlî constituent un outil efficace et une aide précieuse dans la recherche de ces qualités.

Néanmoins, pour celui qui voudrait retrouver le sens de son séjour sur terre et redresser le cours de son existence, la lecture des œuvres d’al-Ghazâlî pourrait s’avérer vaine ou stérile si elle ne s’accompagne pas d’une mise en pratique, suivant l’exemple donné par al-Ghazâlî lui-même : celui d’une tension métaphysique, d’une aspiration spirituelle, d’une soif de vérité qui pousse à chercher continuellement la certitude dans la connaissance.

La balance de l’action{{}}

La crise intellectuelle et spirituelle de l’imam al-Ghazâlî fut pour lui une épreuve décisive et salutaire. Avec l’aide de Dieu, il sut trouver l’éveil intérieur, la force de réagir, un nouvel élan pour inverser la tendance et réorienter son existence suivant un itinéraire de purification, d’action et de connaissance ; une connaissance par dévoilements progressifs, qui transforme l’âme, et dont les fruits se manifestent dans la pratique des vertus comme reflets des Qualités divines.

L’observance scrupuleuse des prescriptions de la Révélation, la crainte révérencielle de Dieu et la soif de Sa connaissance n’ont cessé d’accompagner et de soutenir al-Ghazâlî dans son cheminement spirituel et dans son engagement intellectuel au service de la Vérité et pour le bien de ses semblables.

C’est par une grâce divine particulière, et en vertu de cet approfondissement et de cette pratique de la Science sacrée sur la voie de l’Au-delà, avec la fréquentation des maîtres et des savants, qu’al-Ghazâlî put parcourir les étapes qui mènent à la proximité de Dieu. C’est parce qu’il avait revivifié son propre cœur grâce au souffle de l’esprit, et avait restauré son aspiration à la connaissance de Dieu, qu’al-Ghazâlî fut apte à remplir également la fonction providentielle de régénérescence et de rénovation de la Tradition islamique. Le patrimoine qu’il nous a laissé n’est pas seulement celui des ouvrages ou des réflexions : il y a aussi et surtout le profil intellectuel, le témoignage spirituel, l’expérience vécue, le modèle de sainteté.

Les hommes d’aujourd’hui pourraient s’inspirer et se nourrir de son courage s’ils savaient dépasser l’approche purement livresque, dialectique ou spéculative qu’ils ont généralement de la sagesse et de la religion. {{}}

A l’instar d’al-Ghazâlî, ils découvriraient alors, avec la détermination et la patience indispensables, la voie d’une vocation à la connaissance de Dieu, qui ne s’acquiert pas par le « savoir » et la théorie, mais par le « goût », l’effort sur soi et la mise en œuvre cohérente.

La délivrance de l’erreur{{}}

La pensée islamique contemporaine ne saurait ignorer l’apport et la place de l’imam al-Ghazâlî dans le patrimoine intellectuel, philosophique et spirituel de l’islam. Elle a grand besoin de puiser dans ses enseignements et l’exemple même de sa vie, et de s’inspirer de ce modèle ghazalien de connaissance et d’action, sans idéalisme ni mimétisme. {{}}

S’attacher à la vérité, préserver l’essentiel du message, et chercher la science vraiment utile en ce monde en vue de l’Autre : ce sont là quelques-unes des orientations fondamentales que les intellectuels musulmans de France pourront retenir de la méthode de l’imam al-Ghazâlî et de tous les vrais savants de Dieu, pour savoir formuler des orientations utiles à la communauté des croyants, et participer au débat d’idées dans le monde moderne, suivant la voie médiane et l’ordre juste de priorités, loin des extrêmes du traditionalisme anachronique et du modernisme réformiste.

« Les savants sont les héritiers des prophètes », a dit le Prophète Muhammad (sallAllahu ‘alayhi wa sallam). Pour s’inscrire dans la continuité de cet héritage prophétique, il est nécessaire de se rattacher à la chaîne des maîtres de la Tradition musulmane toujours vivante, en s’attachant non seulement à la lettre et à la forme, mais surtout à l’esprit et à la sagesse, condition nécessaire pour pouvoir décliner les principes traditionnels avec les adaptations exigées par le contexte.

Le renouveau tant attendu ne saurait être d’ordre purement philosophique, juridique ou dogmatique. Ce qui est en jeu, c’est le combat de la Vérité contre l’erreur, des forces du Bien contre celles du mal.

L’on ne peut, en effet, ignorer la nature du contexte contemporain qui est, selon tous les textes sacrés, celui de la fin des temps, marquée par la parodie antéchristique qui mêle le vrai au faux, y compris dans les religions. Le Prophète nous a promis : « Un groupe de ma communauté ne cessera de soutenir la Vérité jusqu’à ce que se lève l’Heure dernière. » La Vérité vainc tout, et elle se défend par elle-même, car c’est Lui la Vérité ! Selon l’exemple de l’imam al-Ghazâlî et tant d’autres saints et savants authentiques, il nous appartient de nous préparer à La connaître et La reconnaître.

Wallâhu a‘lam, et Dieu est plus savant ! Jean Abd al-Wadoud Gouraud - Institut des Hautes Etudes Islamiques

En voir plus : Musulmans en Europe : analyse de la pression croissante, focus sur la situation en France

Source : https://oumma.com/limam-al-ghazali-un-patrimoine-un-exemple/

‘Oumma.com’ selon Wikipédia {{}}

Oumma.com est un site web à vocations culturelle et informative destiné à la communauté musulmane francophone créé en septembre 1999. Le site revendique plus de 120.000 abonnés, principalement en France. Il est l’objet de critiques quant à d’éventuelles dérives islamistes ou à la promotion de thèses complotistes.

Historique - Oumma.com est créé en novembre 1999 par Saïd Branine [1]. Selon Gilles Kepel, initialement (avant 1999), le site « affichait un caractère plus militant » et se nommait allahouakbar.com [2].

Présentation - Le site publie des articles rédigés par différents intervenants. Il met également en ligne des entretiens vidéos avec diverses personnalités, dans une Web TV dénommée OummaTV. Le site a également proposé par le passé des rubriques consacrées à la vie pratique, telles que des petites annonces, une plateforme de recrutement[3] ou une agence matrimoniale[4]. Une sélection d’ouvrages relatifs à l’Islam est aussi disponible.

Selon Gilles Kepel, « le site s’est positionné, sans renoncer à un certain nombre de postures communautaires radicales portées par l’islamo-gauchisme qui ne pourraient pas passer le filtre des pages éditoriales de la presse nationale, comme un vecteur d’échange d’informations et d’opinions, dont toutes ne sont pas, tant s’en faut, inspirées par la ligne rédactionnelle de l’équipe qui dirige le portail. En ce sens, celui-ci constitue une interface avec un public dont les appartenances religieuses de départ ne le rendent pas moins disponible à un débat d’idées qui dépasse les cadres doctrinaux rigides des fréristes ou d’autres organisations islamiques[2]. »

Fréquentation - Revendiquant un nombre de connexions supérieur à 6 millions par mois (en incluant la télévision en ligne Oumma.tv et le forum) et plus de 120 000 abonnés[2]. Selon le reporter Johan Weisz de StreetPress, la fréquentation du site est, en 2012, de « quelques centaines de milliers de visiteurs mensuels »[5]. En 2017, selon Statshow, le site accueille 134 160 visiteurs par mois[6] et selon Alexa Internet, l’essentiel des connexions, en septembre 2017, se fait depuis la France (pour 66,5 %), une part importante provenant d’autres pays francophones : Algérie (8,5 %), Maroc (4,4 %), Belgique (4 %) et Canada (2 %)[7]. Selon l’islamologue Anne-Marie Delcambre, ce site fait partie d’un large essor du web musulman[8].

Critiques et controverses{{}}

Soupçons de conspirationnisme et d’islamisme{{}}

Pour Christopher Caldwell, le centre Simon-Wiesenthal aurait classé Oumma.com comme un site liée à l’« islamisme extrémiste » et appelant au boycott de produit israéliens[9]. Selon le journaliste François Darras du journal Marianne ainsi que pour Pierre-André Taguieff, c’est un site islamiste[10],[11]. Pour Sylvain Attal, le site appartient à une mouvance « “antisionistes” radicaux »[12]. Selon Caroline Fourest, ce site est « complotiste et islamiste »[13].

En mars 2008, le site publie une tribune « violemment anti-israélienne » de Bruno Guigue[14], en réponse à celle parue le 27 février 2008 dans les colonnes du quotidien Le Monde, titrée « L’ONU contre les droits de l’homme »[15],[16]. Réagissant à cette polémique, Bernard-Henri Lévy cite Oumma.com comme « l’organe officieux des Frères musulmans en France et, en particulier, de Tariq Ramadan [17]. »

Un télégramme diplomatique américain révélé par WikiLeaks fait référence à Oumma.com et SaphirNews.com, que l’ambassadeur des États-Unis en France, Charles Rivkin, envisage comme des plates-formes adéquates pour rencontrer des « acteurs politiques et médiatiques » avec lesquels des « valeurs » communes sont « partagées » [n 1][19],[20]. Pour Caroline Fourest, la fréquentation et le soutien de l’ambassade des États-Unis à ce site qui « attaque des laïcs » sont ainsi démontrés [13].

En 2012 après la publication d’un article concernant l’affaire Mérah, le journaliste Johan Weisz de StreetPress écrit à propos d’Oumma.com : « Et si le trip conspirationniste du site d’info musulman était le symptôme d’un mal-être communautaire ? [...] en voulant combattre l’amalgame “musulman égale terroriste” , Oumma.com risque surtout de faire passer les musulmans pour des complotistes [5]. » Le forum du site permettant des commentaires, Anne-Sophie Lamine remarque de nombreux commentaires « critiques de sensibilité salafiste » mais aussi des commentaires de non-musulmans [21].

Le journal L’Express estime, en 2016, que le site qui « prône un islam tolérant » a relayé, sur certains dossiers, de « fausses informations et des théories conspirationnistes, ce qui entache sa crédibilité [22]. »

Lire l’article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oumma.com

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  • La nature initiale de l’homme selon Ghazâlî – Par
    Mohammad Djafar Moïnfar - Document ‘teheran.ir’ - N° 81, août 2012
    L’exposé sommaire que je présente ici est tiré d’une recherche actuellement en cours, autour de la notion exprimée par le vocable persan فطرت fetrat, de l’arabe (فطرة) fitra(t), que nous traduisons par « nature initiale », chez les penseurs musulmans, en particulier, iraniens.

http://www.teheran.ir/local/cache-vignettes/L301xH500/1613-1-eb49e-9974d.jpg?1686646125

Page d’un manuscrit de Ihyâ’ ’ulûm id-dîn de Al-Ghazâlî, Bibliothèque nationale de Tunisie

Cette notion a fait, certes, l’objet de diverses observations et de courtes études, telles que l’article de MacDonald dans l’Encylopédie de l’Islam [1], l’analyse de Wensinck dans La pensée de Gazzâlî [2], ou celle de H. Corbin dans En Islam iranien [3], ou l’observation de L. Gardet dans Dieu et la destinée de l’homme [4]. Cependant, une recherche détaillée et approfondie la concernant reste à faire.

L’ensemble de l’œuvre imposante du grand penseur iranien محمّد ابو حامد غزالی Mohammad Abû Hâmed Ghazâlî est caractérisé par un souci éducatif et pédagogique. Qu’il s’agisse de son ouvrage magistral en arabe, Ihyâ’ ’ulûm id-dîn (Revivification des sciences de la Religion) ou de son résumé en persan Kîmîyâ ye sa’âdat (Alchimie du bonheur), ou encore de petits traités tels que Farzand nâme (Epitre de l’enfant), en persan, et sa version arabe, Ayyuha-l-valad (« ش fils »). Car, pour lui la nature initiale, فطر(ة) fitra(t)/ فطرت fetrat, de l’homme est saine et pure demandant à atteindre la perfection. Or, cette perfection, certes avec l’effort personnel, اجتهاد ijtihâd/ejtehâd, s’obtient par un enseignement et une éducation adéquate, loin de l’imitation et de l’obéissance aveugle,
taqlîd ; et, inversement, la nature initiale peut être pervertie et prendre une orientation négative.

Dans l’introduction de son ouvrage à caractère autobiographique Al-munqid min ad-dalâl (Celui qui préserve de l’erreur [5]), il définit sa démarche à la recherche de la vérité tout au long de sa vie. Il y précise que la soif qu’il avait, dès son âge tendre et sa jeunesse, pour saisir les vérités des choses était un instinct, une habitude et une nature initiale mise en lui par Dieu. C’est ainsi qu’à l’approche de l’adolescence, chez lui, tout lien avec l’imitation aveugle et la croyance héréditaire fut coupé. Et c’est ici qu’il cite ce célèbre hadîth (tradition) du Prophète :

یولَدُ عَلی الفِطرَةِ فَأَبواهُ یُهَوِّدانِه وَ یُنَصِّرانِه وَ یُمَجِّسانِه کُلُّ مَولودٍ

« Tout être engendré (homme) naît dans la فطر(ة) fitra(t), la nature initiale ; ensuite, ses parents font de lui un chrétien, un juif ou un mazdéen. [6] »

« C’est alors, dit-il, qu’une force intérieure me poussa à rechercher cette nature initiale et celle issue des croyances basées sur l’imitation aveugle des parents et des maîtres. »

Dans le commencement de son ouvrage Kîmîyâ ye sa’âdat (Alchimie du bonheur), au chapitre [7], intitulé اصل آدمی گوهرفریشتگان است « La base de l’homme est de l’essence des anges [8] », il explique que la base humaine est d’essence angélique et que les caractères en commun avec des bestiaux lui sont étrangers et factices ; l’intellect lui est accordé afin de connaître son Dieu, la raison de sa création et ses merveilles. Dans le chapitre 11, intitulé پیوند دل با عالم ملکوت « Le lien du cœur avec le monde intelligible [9] », il décrit la démarche spirituelle pour atteindre la perfection, le chemin des prophètes et des soufis. Mais il y précise que l’acquisition de la science (connaissance) par l’apprentissage, bien qu’elle soit importante, est peu de chose par rapport à celle des prophètes et des Iأ² »H « Amis de Dieu », inspirée dans leurs cœurs sans intermédiaire et apprentissage des hommes.

Ensuite, dans le chapitre suivant intitulé زاده شدن آدمی بر فطرت « Naissance de l’homme selon la fetrat9 », il précise qu’il ne faut pas croire que cette faveur est réservée seulement aux prophètes, car l’essence de tout homme à l’origine de la fetrat en est virtuellement digne. Comme le fer est digne de devenir un miroir montrant l’image du monde, sauf si la rouille a abimé son essence. De même tout cœur dominé par la cupidité de ce monde et l’appétit (la passion) pour les péchés, perdra cette faveur. Et ici, Ghazâli pour argumenter son propos, cite le hadît du prophète que nous avons cité plus haut.

Un autre point intéressant à signaler ici :

Dans Ihyâ’ ’ulûm id-dîn (Revivification des sciences de la Religion), volume 2, عادات ’âdât « Coutumes sociales », livre 2, کتاب آداب نکاح « Le livre des règles du mariage », au deuxième chapitre [10], il énumère huit qualités de l’épouse qui permettent de vivre en bien et en douceur en mariage [11]. La huitième qualité consiste à ce que sa parenté ne soit pas trop rapprochée, car comme dit le Prophète (لا تًنکًحواالقرابَة القریبَة فَاِنَّ الوَلَدَ یُخلًقُ ضاویا [12]) les enfants issus d’un tel mariage seront frivoles et chétifs. مویّد الدّین محمّد خوارزمی Mo’ayyed od-dîn Mohammad Khârazmî qui a rédigé en persan, en 620/1223, une excellente traduction commentée de Ihyâ’ ’ulûm id-dîn, commente ainsi ce passage [13] :

مترجم می گوید که در مصاهرت بیگانگان و احتراز از خویشان فایده ی دیگر هست. و آن فایده آن است که هر قومی را کمالی باشد در چیزی. و چون زن و شوی از دو اصل مختلف باشند در فرزند کمال هر دو فریق جمع شود، چنانکه از ترک و هند اگر فرزندی آید با چهره ی هندوان و لون ترکان باشد. و آمده است که عبداللّه زبیر نبیره ی ابوبکر بود، هم جمال ابوبکر داشت و هم شجاعت زبیر. و اگر کسی گوید که هر قومی را در چیزی نقصانی باشد، پس بیم آن باشد که در فرزند هر دو نقصان جمع شود، گوییم کمال در طبیعت مقصود ذاتی است و نقصان به سبب عارضی لازم آید و بدین سبب کم اتّفاق افتد که نقصان ها جمع شود؛ در اغلب و اعم کمال ها فرهم آید.

« Le traducteur dit que se marier avec des étrangers et éviter les proches a une autre utilité : chaque peuple a la perfection d’une chose, et quand la femme et le mari sont de deux origines différentes, les deux perfections de deux peuples se réunissent chez leur enfant. Ainsi un enfant issu d’un couple turco-indien aura le visage des indiens et la couleur des turcs. On raconte que عبداللّه زبیر ’Abdollâh Zobayr était le petit fils de ابوبکر
Abû Bakr ; or, il avait à la fois la beauté de Abû Bakr et le courage de Zobayr. Si quelqu’un objecte que chaque peuple possède aussi l’imperfection d’une chose et que, par voie de conséquence, les imperfections, de part et d’autre, pourront aussi se cumuler chez l’enfant, nous répondons que dans la nature, tabî’at, c’est la perfection qui est le but essentiel alors que l’imperfection est accidentelle. C’est pourquoi il arrive rarement que les imperfections se réunissent, et, dans l’ensemble, les perfections se réalisent. »

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Page d’un manuscrit de Ihyâ’ ’ulûm id-dîn de Al-Ghazâlî, Maroc, XIVe siècle

On observe donc que le terme طبیعت tabî’at, « nature », employé dans ce contexte par Mo’ayyed od-dîn Mohammad Khârazmî, a, de toute évidence la même valeur que le mot fitra(t) / fetrat chez Ghazâlî.

Mises à part les formes de la même racine que le mot fitra(t), ce dernier est employé une seule fois, dans un syntagme déterminatif avec le nom ¾ط±²H Allâh, dans le Coran [14] :

فَأَقِم وَجهَکَ لِلدّینِ حَنیفاً فِطرَتَ اللّهِ الَّتی فَطَرَ النّاسَ عَلَیها لا تَبدیلَ لِخَلقِ اللّهِ ذالِکَ الدّینُ القَیِّمُ وَلَکِنَّ أَکثَرَالنّاسِ لا یَعلَمون.

« Redresse ton visage vers la Religion, en sincérité (en croyant originel, en vrai croyant, en hanif [15]), selon la nature dont Dieu a fait la nature des hommes ; il n’y a pas de changement dans la création de Dieu. Voici la religion correcte ; mais la plupart des gens ne savent pas. »

Cette ayat et, en particulier la notion exprimée par fitra(t), sont commentées par des exégètes, tels que ابوجعفرمحمّدبن جریرطبری Abû Ja’far Mohammad ebn jarîr Tabarî [16], ابوالفتوح رازی Abol-Fotûh Râzî [17] , ابوالفضل رشیدالدّین میبدی Abol-Fadl Rashîd od-dîn Meybodî [18], عبدالرّزاق کاشی ’Abd or-Razzâq Kâshî [19] , سیّدمحمّدحسین طباطبائي Seyyed Mohammad Hoseyn Tabâtabâ’î [20], qui utilisent dans leur démonstration le hadîth en question du Prophète et, surtout, font appel à la doctrine de میثاق mîthâq « pacte de la prééternité octroyé par Dieu à la race humaine ». Il s’agit des ayats 172 et 173 de la sourate VII (a’ râf) :

وَأَخَذَ رَبُّکَ مِن بَنی آدَمَ مِن ظُهورِهِم ذُرّیَتَهُم وَ أَشهَدَهُم علی أَنفُسِهِم أَلَستُ بِرَبِّکُم قالوا بَلیَ شَهَدنا أَن تَقوُلوُا یَومَ القیامَةِ إِنّا کُنّا عَن هَذا غافِلینَ.

أَو تَقوُلوا إِنَّما أَشرَکَ ءَابَاؤُنا مِن قَبلِ وَ کَنّا ذُرِّیَةٌ مِن بَعدِهِم أَفَتُهلِکنا بِما فَعَلَ المُبطِلُونَ.

« Et quand ton Seigneur prit, des enfants d’Adam, de leurs reins leur progéniture, et les rendit témoins sur eux-mêmes : ‘Ne suis-je pas votre Seigneur ?’ Ils dirent : ‘Mais oui, nous en témoignons !’ de sorte que vous ne puissiez dire, au jour de la résurrection : ‘Vraiment, nous étions inattentifs à cela »

Ou que vous ne disiez : ‘Nos pères fabriquaient des dieux (associaient à Dieu d’autres divinités), jadis, et nous étions leur progéniture, venant après eux. Nous feras-tu périr pour ce que faisaient les tenants du faux ?’ »

En résumé, l’être humain, par principe, pur et sain, reçoit, dès le commencement, en dépôt, son appartenance à Dieu, sa reconnaissance de l’Unicité, sa soumission : Islam. Par la suite, selon sa démarche personnelle (libre arbitre), son éducation, son orientation, il tendra vers l’état de perfection ou vers son opposé.{{}}

Qu’on étudie les propos des grands exégètes du Coran, ou ceux des grands mystiques tels que ابن عربی Ibn Arabî, جامی Jâmî, غزالی Ghazâlî, etc., tous convergent vers une telle conclusion.

info portfolio{{}}

Verset coranique au sujet de la fitra, sourate Al-Rûm, verset (...)

* Communication faite au Colloque International « Les valeurs de l’humanisme dans la pensée iranienne et leur portée », organisé les 22-24 mai 2006 à l’Université de Strasbourg par le Professeur H. Beikbaghban.

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Verset coranique au sujet de la fitra, sourate Al-Rûm, verset 30

Source du document complet avec bibliographie et notes :

Le Journal de Téhéran > http://www.teheran.ir/#gsc.tab=0

Source : http://www.teheran.ir/spip.php?article1613#gsc.tab=0

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  • La vie et l’œuvre d’al-Ghazali - Par Mohamed Nabil Nofal1 – Document ‘musicologie.org’
    Jusqu’à une époque fort récente, la pensée islamique représentée par al-Ghazali constituait le courant dominant dans la théorie et la pratique de l’islam (sunnite en particulier). Ce géant de la pensée, au savoir encyclopédique, a influé sur la pensée islamique et défini sa pratique pendant près de neuf siècles. Il représentait « l’islam pacifique ».{{}}

Depuis une trentaine d’années, un nouveau courant, celui de « l’islam combattant », a vu le jour, s’est développé rapidement et a entrepris de s’imposer dans le monde islamique.

Certains y voient une renaissance et d’autres une menace, non seulement pour le monde islamique mais pour le monde entier, un facteur de déstabilisation qui ramène l’islam et les musulmans quatorze siècles en arrière. Ce nouveau courant trouve ses sources intellectuelles dans les enseignements d’Abou al-Ala al-Mawdudi, de Sayid Qotb et de Ruhallah Khomeini, et de leurs disciples rigoristes disséminés dans de nombreux pays. Il préconise la rédemption de la société, l’élimination par la force des régimes en place, la prise du pouvoir et un changement radical de la vie sociale. Réfractaires, voire hostiles, à la civilisation moderne, ses adeptes voient dans l’islam - tel qu’il était pensé et pratiqué il y a de nombreux siècle - la solution à tous les problèmes politiques, économiques, sociaux, culturels et éducatifs dont souffre le monde arabo-islamique, sinon toute la planète.

La lutte entre la pensée d’al-Ghazali et celle d’al-Mawdudi continue, et elle constitue sans doute un des principaux facteurs appelés à façonner l’avenir du monde arabo-islamique.

Quelle que soit l’issue de cette lutte, al-Ghazali demeure l’un des plus grands philosophes (bien qu’il s’en soit lui-même défendu) et penseurs de l’éducation dans l’histoire du monde islamique. Sa vie - élève assoiffé de savoir, puis enseignant dispensant le savoir, puis savant développant le savoir - illustre bien ce qu’était la vie des étudiants, des enseignants et des savants dans le monde islamique au Moyen Âge.

La vie d’al-Ghazali (2)

Al-Ghazali est né en 450 de l’Hégire, soit 1058 de l’ère chrétienne, dans la ville de Tus (Khorassan) ou dans un des villages avoisinants, au sein d’une famille persane de condition modeste, dont certains membres étaient connus pour leur savoir et leur penchant pour le mysticisme soufi. Al-Ghazali était encore jeune lorsque son père mourut, après avoir chargé un de ses amis soufis de s’occuper de l’éducation de ses deux fils. L’ami en question s’acquitta de cette mission jusqu’à épuisement des fonds légués par le père et conseilla aux deux frères de s’inscrire dans une madrasa (3) où les élèves suivaient des cours et étaient pris en charge matériellement. Al-Ghazali aurait commencé, vers l’âge de sept ans, par étudier l’arabe et le persan, le Coran et les principes de religion. A la madrasa, il entra dans le cycle des études secondaires et supérieures comportant le fiqh (jurisprudence islamique) et l’exégèse (tafsir) du texte coranique et des hadith (propos du Prophète) (voir glossaire en fin d’article).

Vers l’âge de 15 ans, al-Ghazali s’installa à Jurjan (centre florissant du savoir à l’époque, situé à 160 km environ de Tus) pour étudier le fiqh auprès de l’imam Al-Ismayli. Ce type de « voyage à la recherche du savoir » en vue de suivre l’enseignement des maîtres réputés du moment, était une des traditions éducatives de l’islam. Il revint l’année suivante à Tus, où il demeura trois années, consacrées à mémoriser et mieux comprendre ce qu’il avait transcrit de l’enseignement de ses maîtres et à poursuivre l’étude du fiqh. Il se rendit ensuite à Naysabur (Nishapur), où il étudia le fiqh, la théologie dogmatique (kalam) et la logique, ainsi que, semble-t-il, des éléments de philosophie, auprès de l’imam Al-Juwayni, le jurisconsulte de rite chaféite le plus célèbre de l’époque. Al-Ghazali avait alors 23 ans. Durant les cinq années qui suivirent, il fut l’élève et l’assistant de l’imam al-Juwayni, et commença à publier quelques ouvrages et à étudier le soufisme auprès d’un autre cheikh, al-Farmadhi.

La mort d’al-Juwayni (478 H/1085) voit s’achever la période d’apprentissage d’al-Ghazali - qui a alors 28 ans - et débuter celle de l’immersion dans la politique et de la fréquentation des allées du pouvoir. Il se rend au « camp » du ministre seljoukide Nizam al-Mulk, où il mène pendant six années la vie des « juristes de cour », faite de combats politiques, de joutes savantes et d’écriture, jusqu’à ce qu’il soit nommé professeur à la madrasa Nizamiya de Bagdad, l’un des centres de savoir et d’enseignement (sorte d’université) les plus importants et les plus connus dans l’Orient islamique à l’époque. Durant les quatre années où il occupe ce poste, il publie un certain nombre d’ouvrages sur le fiqh - qu’il enseigne - la logique et le kalam, les plus importants étant le Mustazhiri et Al-Iqtisad fil-I’tiqad [le juste milieu dans la croyance], deux ouvrages de jurisprudence à caractère politique.

Al-Ghazali prend part à trois affrontements politiques et intellectuels majeurs qui secouent le monde islamique à cette époque, à savoir la lutte entre la philosophie et la religion (entre la culture islamique et la culture grecque) - il prend position pour la religion contre la philosophie ; la lutte entre le sunnisme et le chiisme - il prend position pour le califat abbasside contre les batinites ; la lutte entre l’inspiration et la raison et entre le fiqh et le mysticisme.

Durant la période où il enseigne à la Nizamiyya de Bagdad, al-Ghazali étudie longuement la philosophie (celle des Grecs, Aristote, Platon et Plotin en particulier, et la philosophie islamique, notamment Ibn Sina [Avicenne] et al-Farabi) afin de mieux la réfuter. Le problème essentiel auquel il est confronté est celui de concilier la philosophie et la religion, et il le résout en ces termes : la philosophie est dans le vrai dans la mesure où elle est conforme aux principes de la religion (de l’islam) et dans l’erreur lorsqu’elle est en contradiction avec ces principes.

En prélude à ses attaques contre la philosophie, al-Ghazali écrit un ouvrage, Maqasid al-Falasifa [Les intentions des philosophes ], dans lequel il expose l’essentiel de la pensée philosophique connue à son époque suivi de son célèbre ouvrage, Tahafut al-Falasifa [ L’incohérence des philosophes]. Il résume son opposition à la philosophie en vingt questions touchant l’homme, le monde et Dieu. Pour al-Ghazali, le monde est une création récente, les corps rejoignent les âmes dans l’au-delà et Dieu connaît les particuliers comme il connaît l’universel.

Le Tahafut al-Falasifa [L’incohérence des philosophes] a eu un retentissement considérable dans le monde arabo-islamique, et jusque dans l’Europe chrétienne ; cette oeuvre et son auteur ont été un des facteurs du déclin de la pensée philosophique grecque dans le monde islamique, en dépit des quelques tentatives de défense de la philosophie par Ibn Ruchd (Averroès) et d’autres (4).

Avec l’intensification de l’affrontement militaire et intellectuel entre le sunnisme et le chiisme, entre le califat abbasside, d’une part, et l’état fatimide et ses partisans et alliés dans le Machreq, de l’autre, al-Ghazali est mobilisé dans ce combat, et il publie effectivement une série d’ouvrages à ce sujet, le plus important étant Les vices de l’ésotérisme et les vertus de l’exsotérisme.

L’ésotérisme des batinites repose sur deux principes fondamentaux : l’infaillibilité de l’imam, source obligatoire du savoir, et l’interprétation ésotérique de la chari’a (la loi révélée de l’islam) par l’imam et ses représentants.

Al-Ghazali concentre ses attaques sur le premier principe, celui de l’infaillibilité de l’imam, son but étant de défendre le califat abbasside et de justifier son existence, fut-elle symbolique (le califat se trouve alors en situation d’extrême faiblesse), d’assouplir les conditions d’accession à l’imamat et de conférer une légitimité aux sultans seljoukides, qui détiennent alors le véritable pouvoir militaire et politique, problème juridico-politique auquel ont aussi été confrontés d’autres fuqaha (jurisconsultes) musulmans, al-Mawardi en particulier. Mais la campagne d’al-Ghazali contre les batinites n’est pas couronnée du même succès que sa campagne contre les philosophes.

Vers 1095/488 H, al-Ghazali, alors âgé trente-huit ans, traverse une crise spirituelle qui dure à peu près six mois et que l’on peut résumer à un affrontement violent entre la raison et l’âme, entre le monde d’ici-bas et celui de l’au-delà. Il commence par douter des doctrines et clans existants (c’est-à-dire de la connaissance), puis se met à douter des instruments de la connaissance. Cette crise l’affecte physiquement au point qu’il perd l’usage de la parole et devient donc incapable d’enseigner, et elle ne prend fin que lorsqu’il renonce à ses fonctions, à sa fortune et à sa célébrité, après avoir atteint la vérité grâce à la lumière jetée par Dieu dans son coeur. A

l-Ghazali résume les doctrines dominantes à son époque à quatre doctrines principales : la théologie dogmatique, fondée sur la logique et la raison ; l’ésotérisme, fondé sur l’initiation ; la philosophie, fondée sur la logique et la démonstration ; le soufisme, fondé sur le dévoilement et le témoignage.

De même, les moyens de parvenir à la connaissance se ramènent à cdci : les sens, la raison et l’inspiration. Il finit par choisir le soufisme et l’inspiration et, convaincu que l’unité du monde et de l’au-delà était difficile, voire impossible, il prétexte un pèlerinage à la Mecque pour quitter Bagdad et se rendre à Damas (5).

Les influences soufis sont nombreuses et fortes dans la vie d’al-Ghazali. Il vit à l’époque où le soufisme se propage : son père était proche du soufisme, son tuteur est soufi, son frère le devient à un âge précoce, ses maîtres penchent vers le soufisme, le ministre Nizam al-Mulk est proche des soufis et al-Ghazali lui-même a étudié le soufisme. Mais le soufisme n’est pas qu’un savoir théorique étudié dans les livres ou enseigné par des maîtres, c’est aussi une action, une pratique et un comportement, dont les principes de base sont, notamment, le renoncement au monde d’ici-bas, la solitude et l’errance.

C’est ce que fait al-Ghazali qui, pendant près de deux ans, mène une vie d’ermite entre Damas, Jérusalem et La Mecque. C’est à cette époque qu’il commence à écrire le plus important de ses livres, Ihya’ Ulum al-Din [Vivification des sciences de la foi] - qu'il termine peut-être ultérieurement. Divisée en quatre parties, consacrées respectivement aux pratiques du culte, aux coutumes sociales, aux vices et causes de perdition et aux vertus conduisant au salut, cette oeuvre n'apporte rien de fondamentalement nouveau, mais on trouve dans ses quatre volumes et ses quelque 1.500 pages l'essentiel de la pensée islamique religieuse du Moyen Age, sous une forme à la fois exhaustive, claire et simple qui explique la place unique qu'elle occupe dans l'histoire de la pensée islamique. {{Al-Ghazali regagne Bagdad en 1097/490 H}} et continue à vivre comme un soufi dans le ribat (6) d'Abou Saïd de Naysabur, qui se trouve en face de la madrasa Nizamiyya. Il reprend pendant un certain temps l'enseignement, qu'il consacre essentiellement à la d' Ihya'Ulum al-Din [Vivification des sciences de la foi], puis se rend à Tus, sa ville natale, où, continuant à vivre en soufi et à écrire, il achève semble-t-il son oeuvre majeure susmentionnée et produit d’autres ouvrages dont l’inspiration mystique est manifeste (6).

En 1104/498 H, al-Ghazali reprend ses fonctions à la madrasa Nizamiyya de Naysabur, à la demande du ministre seldjoukide Fakhr al-Mulk, après quelque dix années d’absence. Il continue néanmoins à vivre la vie des soufis et à écrire. En 503 H (7), il quitte Naysabur et regagne à nouveau Tus, sa ville natale, où il poursuit la vie de renoncement des soufis et l’enseignement.

Près de sa maison, il fait construire un khangah (sorte d’ermitage soufi) où il écrit à cette époque Minhaj Al-’Abidin [La voie de la dévotion] (8), qui semble être une description de sa vie et de celle de ses élèves : renoncement au monde d’ici-bas, solitude et éducation de l’âme. C’est ainsi qu’il coule le reste de ses jours, jusqu’à sa mort en 111/505 H.

La philosophie d’al-Ghazali{{}}

La philosophie d’al-Ghazali, comme la philosophie islamique de manière générale, tourne essentiellement autour du concept de Dieu et de ses rapports avec ses créations (le monde et l’homme). Certes, al-Ghazali commence par suivre le courant de pensée islamique du fiqh et, plus précisément, celui de la théologie dogmatique ash’arite, dans sa description de l’identité et des attributs de Dieu, et des attributs de Dieu, et le courant soufi dans la définition de la relation entre Dieu et l’être humain, mais il va plus loin en proposant une idée neuve de l’identité de Dieu, de ses attributs et de son action (9).

Al-Ghazali est en accord avec les jurisconsultes et les théologiens quant à l’unicité et l’éternité de Dieu, un dieu sans substance ni forme, qui ne ressemble à aucune chose et auquel aucune chose ne ressemble, un dieu omniprésent, omniscient et omnipotent, un dieu doué de vie, de volonté, d’ouïe, de vue et de parole. Mais le dieu d’al-Ghazali est différent en ce que l’univers et ses composantes, et les actes des hommes, sont soumis à sa forte emprise et à son intervention directe et constante, et que les concepts propres à la justice des hommes ne sauraient lui être appliqués. Il diffère aussi par la prise en considération du bien des créatures.

à l’instar de nombreux jurisconsultes et philosophes, al-Ghazali distingue deux mondes, celui-ci, qui est éphémère, et l’autre qui est éternel. Le premier, celui de l’existence matérielle, est une existence provisoire, soumise à la volonté de Dieu ; il n’est pas régi par un ensemble de lois scientifiques, qui sont en réalité une partie de ce monde, mais dominé, régi et dirigé par l’intervention directe et constante de Dieu (refus de la causalité). Dieu n’est pas seulement le créateur de l’univers, de ses caractéristiques et de ses lois (ou cause de l’existence), il est aussi la cause de tout événement qui y survient, insignifiant ou important, passé, présent ou à venir (10).

C’est dans cet univers que vit l’être humain, créature faite d’une âme immortelle et d’un corps éphémère. L’être humain n’est ni bon ni mauvais par nature, encore que sa disposition naturelle soit plus proche du bien que du mal. Il se meut, en outre, dans un espace restreint, où les contraintes l’emportent sur les possibilités de choix. Il est moins fait pour le monde d’ici bas, où il souffre, que pour l’autre, auquel il dois aspirer et vers lequel il doit faire tendre ses efforts (11).

La société, formée d’êtres humains, n’est pas et ne saurait être vertueuse pour al-Ghazali. C’est une société où le mal l’emporte sur le bien, au point que l’être humain a plus intérêt à l’éviter plutôt qu’à y vivre. La société ne peut aller qu’en empirant. L’individu y a ses droits et ses devoirs, mais son existence est insignifiant à côté de l’existence et de la puissance du groupe. C’est aussi une société stratifiée, composée d’une élite pensante et dirigeante et d’une masse, qui a entièrement abandonné son sort aux mains de cette élite. Les questions de la religion et de la doctrine sont du ressort des savants et les affaires de ce monde et de l’état sont aux mains des dirigeants. Le peuple, lui, n’a qu’à obéir. Enfin, la société est entièrement soumise à l’autorité de Dieu et à ses injonctions, son seul but étant la religion et de donner aux êtres humains la possibilité de vénérer Dieu (12).

Conscience et savoir sont les traits distinctifs majeurs de l’être humain, lequel puise sa connaissance à deux sources, l’une humaine, qui lui permet de découvrir le monde matériel où il vit, au moyen de ces outils limités que sont la perception et la raison, et l’autre divine, qui lui permet de connaître le monde de l’au-delà, par la révélation et l’inspiration. Ces deux types de connaissance ne sauraient être mis sur un pied d’égalité, du point de vue de leur source comme de leur méthode ou de leur degré de vérité. Le vrai savoir ne peut venir que du dévoilement, une fois l’âme réformée et purifiée par l’éducation de l’esprit et du corps, et en conséquence prête à enregistrer ce qui est gravé dans la mémoire. Il s’agit d’un savoir dont le vecteur n’est ni la parole ni l’écrit, un savoir qui investit l’âme dans la mesure où celle-ci est pure et prête à le recevoir. Et plus l’âme acquiert ce savoir, plus elle connaît Dieu et s’en rapproche, et plus le bonheur de l’être humain est grand (13).

Selon al-Ghazali, l’individu vertueux est celui qui renonce à ce monde pour tendre vers l’au-delà, qui préfère la solitude à la fréquentation de ses semblables, le dénuement à la richesse et la faim à la satiété. C’est l’abandon à Dieu et non le goût du combat qui dicte son comportement et il est plus enclin à faire preuve de patience que d’agressivité (14). Curieusement, au moment même où l’image de l’homme vertueux commençait à évoluer en Europe, le « moine chevalier » supplantant le moine errant, le vêtement de l’homme vertueux changeait aussi dans l’Orient arabe, avec la différence que l’armure du cavalier combattant laissait la place aux haillons du soufi. Et alors que Pierre l’Ermite ameutait les masses européennes et les mobilisait pour les croisades, al-Ghazali exhortait les Arabes à se soumettre aux souverains et à se détourner de la société. C’est ainsi que le penseur et le philosophe contribuent à façonner la société et à modifier le cours de l’histoire.

Les buts et le principes de l’éducation{{}}

La philosophie de l’éducation d’al-Ghazali représente l’apogée de la pensée éducative islamique, et s’y manifeste le penchant évident d’al-Ghazali pour la conciliation et la synthèse des diverses doctrines, en l’occurrence la synthèse des pensées éducative, juridique, philosophique et mystique.

Al-Ghazali n’était pas, au premier chef, un « philosophe de l’éducation » (bien qu’il ait enseigné au début de sa vie) ; mais c’était un philosophe de la religion et de la morale. Après avoir achevé d’édifier son système philosophique et avoir commencé à le mettre en pratique, al-Ghazali s’est trouvé amené à s’intéresser à l’éducation et à l’enseignement, tout comme cela avait été le cas pour les grands philosophes qui l’avaient précédé.

La philosophie d’al-Ghazali exprime l’esprit de son époque plus qu’elle ne répond à ses défis, et sa pensée en matière d’éducation, à l’instar de sa philosophie, donne la préférence à la continuité et à la stabilité plutôt qu’au changement et à l’innovation.

Al-Ghazali attache une grande importance au processus éducatif  ; il considère que ce processus relève de la responsabilité de la société, laquelle assigne cette tâche aux pères et aux maîtres. Car l’enfant est confié aux parents, auxquels il incombe de l’élever et de l’éduquer.

Pour al-Ghazali la société a pour fonction d’appliquer la loi divine, la charia, et le but de l’être humain est d’atteindre le bonheur auprès de Dieu. En conséquence, l’objectif de l’éducation est de réformer l’être humain de telle sorte qu’il se conforme aux enseignements de la religion et gagne ainsi son salut et son bonheur dans l’au-delà éternel. Les autres objectifs terrestres - richesse, position sociale, pouvoir, voire amour du savoir - sont des leurres car ils se rapportent au monde d’ici-bas (15).

L’être humain qui vient au monde est une page vierge ; sa personnalité, ses caractéristiques et son comportement sont ensuite façonnés par sa vie en société et ses rapports avec son environnement. La famille où il naît lui apprend la langue, les coutumes, les traditions et la religion, sans qu’il puisse en combattre l’influence, d’où la grande responsabilité éducative qui incombe aux parents. A eux revient le mérite de sa droiture, ou la honte de ses erreurs. Ils sont coresponsables de tous ses actes, avant que les enseignants ne viennent aussi assumer leur part de responsabilité (16).

Al-Ghazali insiste sur l’importance de l’enfance dans la formation de l’individu. C’est au cours de cette phase que l’éducation peut, si elle est bien menée, façonner une bonne personnalité et préparer à une vie droite ou, si elle est mal conduite, vicier la personnalité de l’enfant et rendre difficile son retour sur le droit chemin. Il faut donc bien comprendre les caractéristiques de cette phase, afin que les échanges avec l’enfant soient efficaces et salutaires (17).

Il importe donc que les garçons aillent au maktab (école primaire) à un âge précoce, lorsque l’apprentissage ressemble à la gravure dans la pierre. Ceux qui sont chargés, à l’école, de l’éducation du garçon doivent également connaître l’évolution de ses motivations et de ses pôles d’intérêt d’une phase à l’autre : goût du mouvement, des jeux et du divertissement, puis goût de la parure et des apparences (dans l’enfance et l’adolescence), puis intérêt pour les femmes et la sexualité (au moment de la puberté), puis goût de l’autorité et du pouvoir (après 20 ans) et, enfin, joie de la connaissance de Dieu (à l’approche de la quarantaine). Il est bon que les éducateurs tirent parti de ces changements pour susciter chez l’élève le désir d’aller à l’école : ils se serviront par exemple du jeu de ballon, puis de la parure et des vêtements, puis du pouvoir, puis de l’intérêt pour l’au-delà (18).

Dans le cycle primaire, le garçon apprend le Coran et les dits des compagnons du Prophète : il doit être préservé des poésies érotiques et de la fréquentation des hommes de lettres, qui introduit les germes de la corruption dans l’âme des garçons. L’école doit habituer le jeune garçon à obéir à ses parents, à son maître et à ses aînés et à bien se conduire avec ses camarades de classe. Elle doit lui apprendre à ne jamais se vanter devant ses condisciples de la fortune de ses parents ou de ce qu’il peut lui-même posséder (nourriture, vêtements, fournitures), et l’habituer au contraire à la modestie, à la générosité et au tact. Il doit être mis en garde contre les dangers inhérents à l’influence du groupe sur sa personnalité, comme il faut lui conseiller de veiller à ce que ses amis possèdent toujours les cinq qualités suivantes : l’intelligence, la bonne moralité, la droiture, le désintéressement et la franchise (19).

L’éducation ne consiste pas simplement à former l’esprit et à le remplir d’informations : elle doit englober tous les aspects - intellectuel, religieux, moral et physique - de la personnalité de l’apprenant. Elle ne s’arrête pas à l’enseignement théorique mais s’étend à la pratique effective. Le véritable apprentissage est celui qui agit sur le comportement, celui qui fait que l’apprenant met ce qu’il apprend en pratique (20).

Les responsables de l’éducation du garçon doivent concentrer leur attention sur l’éducation religieuse en lui inculquant d’abord les principes et les fondements de la religion. Quand il atteint l’âge de sept ans, il doit être tenu de faire ses ablutions rituelles et ses prières, ainsi que quelques jours de jeûne durant le mois de Ramadan jusqu’à ce qu’il soit suffisamment fort pour accomplir le jeûne complet. Il faut lui interdire de porter des vêtements de soie et des bijoux, que la religion réprouve, et lui enseigner tous les interdits de la loi divine qu’il est tenu de connaître. Il faut le mettre en garde contre le vol, l’absorption de nourritures interdites, la perfidie, le mensonge, les paroles obscènes et tous les défauts propres aux garçons. Le garçon n’est naturellement pas encore en mesure, à cet âge, de comprendre parfaitement ce qu’on lui apprend et ce qu’on l’oblige à pratiquer, et il n’y a rien d’anormal à cela. La compréhension viendra plus tard. Al-Ghazali est parfois plus soufi qu’éducateur, par exemple lorsqu’il conseille de couper l’enfant du monde et de ses tentations, afin qu’il y renonce, et de l’habituer à l’ascétisme, au dénuement et à la modestie (21).

Mais l’éducateur reprend vite le dessus, lorsque al-Ghazali estime que l’on doit autoriser le garçon, une fois sorti de l’école, à pratiquer des jeux agréables qui le délassent des fatigues de l’étude et l’affranchissent des contraintes qui lui sont imposées, sans pour autant qu’il se fatigue en jouant ou se surmène. Lui interdire le jeu et lui imposer d’apprendre sans répit ne peut qu’éteindre son coeur et étouffer son intelligence, le remplir d’amertume et le dégoûter de l’étude au point qu’il recourt à des subterfuges pour y échapper (22).

Le garçon qui obéit à son éducateur fait montre d’excellence morale et intellectuelle et progresse dans ses études, doit être honoré et loué en public, à titre d’encouragement et afin que les autres soient incités à l’imiter. Si le garçon commet une faute et en a manifestement conscience, l’éducateur doit passer sous silence cette erreur que l’enfant a reconnue et qu’il est résolu à ne plus commettre. En cas de récidive, l’éducateur doit le réprimander en tête-à-tête, sans excès. S’il arrive que le maître punisse l’élève en lui infligeant un châtiment corporel, celui-ci doit être léger et inspiré par le souci d’éduquer et non de faire mal (23).

L’enseignant doit tenir compte des différences de personnalité et de capacités des élèves et adapter son comportement en conséquence.

Il ne doit pas pousser l’élève au-delà de ses capacités ni tenter de lui inculquer plus de savoir qu’il n’est à même d’assimiler, faute de quoi il risque d’aboutir au contraire du résultat recherché. A l’inverse, il ne doit pas empêcher l’élève intelligent de dépasser le niveau de ses condisciples. S’il agissait autrement, il serait comme celui qui nourrit un nouveau-né d’une viande qu’il ne peut ni absorber ni digérer et dont il ne peut tirer profit, ou celui qui veut que l’adulte dans la force de l’âge se nourrisse du lait maternel de son enfance. Donner une alimentation appropriée, c’est faire vivre et gaver quelqu’un d’aliments non appropriés, ne peut mener qu’à un désastre (24).

Occulté par ses emprunts directs aux philosophes ou leur influence (Ibn Maskawi, en particulier), al-Ghazali,juriste et soufi, revient sur le devant de la scène lorsqu’il parle des principes généraux de l’éducation, notamment des arts et de l’éducation artistique.

Bien qu’il commence par définir le beau et le bien comme la perception de chaque chose dans sa globalité, il succombe vite au soufisme et condamne l’écoute de la musique et du chant, non pour eux-mêmes mais parce qu’ils sont associés aux lieux où l’on boit du vin. Ne trouvent grâce à ses yeux que les chants religieux ou épiques ou ceux que l’on chante à l’occasion de réjouissances licites (fêtes, banquets, etc.), car elles divertissent l’esprit, réconfortent le coeur et aident à continuer d’oeuvrer pour ce monde et pour l’au-delà. Mais musique et chants sont comme des médicaments, il faut en user avec modération et ne pas dépasser la dose prescrite.

Il en va de même pour la danse, qu’il est licite de pratiquer ou de regarder dans l’espace qui lui est propre, si tant est qu’elle n’éveille pas le désir et n’incite pas au péché.

Al-Ghazali condamne catégoriquement la peinture et le dessin, faisant en cela sienne la réprobation des jurisconsultes, ceux du début de l’islam en particulier, à l’égard de la représentation des êtres humains et des animaux, considérée comme liée au culte des idoles et des icônes. Aussi préconise-t-il de supprimer les images ou de les altérer et conseille-t-il de ne pas avoir pour métier la gravure, l’orfèvrerie et l’ornementation.

Quant à la poésie, al-Ghazali conseille de ne pas perdre son temps à cette activité, bien que ni sa composition ni sa récitation ne soient interdites.{{}}

Al-Ghazali adopte donc une attitude sévère, qui est celle des jurisconsultes les plus rigoristes. Il divise les arts en ceux qui sont licites, ceux qui sont répréhensibles et ceux qui sont interdits, jugeant licite ce qui a rapport à la religion ou suscite la ferveur religieuse et tendant à considérer comme répréhensible ou interdit, ce qui vise à divertir ou distraire. Au fond, peu importe, car al-Ghazali fait peu de cas des arts et de l’éducation artistique, encore qu’il serait injuste de faire abstraction des critères et idées de son époque pour le juger à la seule aune de nos critères et de nos concepts (25).

Al-Ghazali préconise le mariage dès l’apparition des pulsions sexuelles et la maturité, mais il insiste aussi sur le fait que le mariage et la création d’une famille constituent une lourde responsabilité, que l’on ne saurait assumer sans s’y être préparé. à celui qui ne peut se marier, al-Ghazali conseille de s’efforcer de policer et de maîtriser son âme et de dompter ses désirs par le jeûne et les exercices spirituels (26).

Le concept de la science et les méthodes de l’enseignement{{}}

Avec l’émergence de la religion nouvelle (l’islam) et de la civilisation qui l’a accompagnée est apparue toute une série de disciplines d’ordre religieux et linguistique dont l’objet était le Coran, les hadith, le fiqh, la langue, les hauts faits et les campagnes militaires du Prophète, etc., ce que l’on a appelé les « sciences des Arabes ».

Avec l’essor de la civilisation arabo-islamique, ses contacts et son interaction avec les autres civilisations et ses emprunts à celles-ci, est apparu un autre ensemble de disciplines - médecine, astronomie, chimie, mathématiques, philosophie ou logique - que l’on a appelé « sciences des étrangers ». De ces sciences, originales ou empruntées, est né et s’est rapidement développé un mouvement scientifique florissant, vite perturbé cependant par le conflit entre les sciences religieuses et les sciences de la philosophie et de la nature, entre les jurisconsultes et les philosophes. Al-Ghazali, et son ouvrage Tahafut al-Falasifa [ L’incohérence des philosophes], ont constitué un élément de ce conflit, qui s’est achevé par la victoire des jurisconsultes (et du soufisme) sur les philosophes et les savants. Mais les sciences religieuses sont sorties de ce combat exsangues, épuisées, d’autant qu’elles avaient dû fermer la porte à tout effort d’interprétation et instaurer le primat de l’imitation. C’est ainsi que la civilisation et la science arabes sortirent de l’ère de la création, de l’innovation et de l’imagination pour entrer dans celle de la reproduction, de l’imitation et de la compilation.

Al-Ghazali, en tant que savant et en tant qu’enseignant, s’est intéressé à la problématique de la science : à ses concepts, à ses méthodes, à sa taxinomie et à ses objectifs (27). La seule science vraie est pour lui la connaissance de Dieu, de ses livres et de ses messagers, du royaume de la terre et des cieux et de la loi de son Prophète, donc une «  science religieuse », même si elle comprend l’étude de quelques aspects du monde d’ici-bas. Quant aux sciences profanes - la médecine, l’arithmétique, etc. - ce ne sont que des techniques (sina’a) (28). La science a pour but d’aider l’être humain à réaliser sa plénitude et à parvenir au bonheur véritable - le bonheur dans l’au-delà - en se rapprochant de Dieu jusqu’à voir son visage (29).

L’intérêt de la science réside dans ses bienfaits et sa véridicité, si bien que les sciences religieuses sont supérieures aux sciences profanes, parce qu’elles servent à réussir la vie éternelle et non la vie terrestre éphémère, et parce qu’elles sont plus véridiques. Il ne faut pas en déduire qu’il faille ignorer entièrement les sciences profanes, qui ont aussi leur utilité, dans la mesure où la société en a besoin. C’est le cas de la médecine et des sciences du langage par exemple (30).

Les philosophes et les savants musulmans - al-Kindi, al-Farabi, Ibn al-Nadim, Ibn Sina (Avicenne) et d’autres - avaient la passion du classement des sciences, subissant en cela l’influence des philosophes grecs, Aristote en particulier, mais la classification d’al-Ghazali est plus élaborée. Il distingue les sciences selon leur «  nature », les divisant en sciences théoriques (théologie et sciences de la religion) et sciences pratiques (morale, économie domestique, politique) (31).

l distingue aussi les sciences selon leur « origine », les divisant en sciences doctrinales, empruntées aux prophètes (unicité de Dieu, exégèse, rites, traditions, morale), et sciences rationnelles, produites par l’esprit humain (mathématiques, sciences médicales, théologie, etc.) (32).

Au yeux d’al-Ghazali, il n’y a pas de contradiction entre les sciences doctrinales et les sciences rationnelles, en ce sens que les divergences que certains décèlent entre les prescriptions de la Loi divine et les exigences de la raison sont dues selon lui au fait que celui qui cherche n’est pas capable de parvenir à la vérité ou a une mauvaise compréhension de la réalité de la Loi divine ou du jugement de la raison. En fait, les deux types de sciences se complètent et l’on ne saurait se contenter de l’une ou de l’autre uniquement. Le problème tient essentiellement au fait qu’il est dans la plupart des cas difficile, voire impossible, de les étudier et de les comprendre ensemble. Il s’agit de deux voies différentes, et qui s’intéresse à l’une ne peut que négliger l’autre (33).

Al-Ghazali classe enfin les sciences selon leur « finalité » (le but de la science), les divisant en sciences des rapports sociaux (régissant le comportement des êtres humains et leurs actes - les sciences des rites et des traditions) et sciences du dévoilement (ayant pour but d’appréhender la réalité des choses et leur essence), qui sont abstraites et ne peuvent être qu’un dévoilement, une lumière qui jaillit dans le coeur quand celui-ci est purifié, sciences que ni la parole ni l’écrit ne peuvent transmettre. Tel est le savoir suprême, la forme la plus vraie de la connaissance (34).

Le XIe siècle de l’ère chrétienne (Ve siècle de l’Hégire) a vu le triomphe des sciences de la religion sur la philosophie et les sciences de la nature, et les violents assauts d’al-Ghazali contre la philosophie ont été un des facteurs de l’affaiblissement de celle-ci dans l’Orient islamique. Al-Ghazali distingue six branches dans le savoir des philosophes : mathématiques, logique, sciences naturelles, métaphysique, politique et morale. Ni les mathématiques, ni la logique ni les sciences naturelles ne sont incompatibles avec la religion ; aussi leur étude est-elle licite, si tant est que celui qui les étudie s’abstient de passer ensuite à la métaphysique et autres disciplines nuisibles.

La métaphysique, quant à elle, est le savoir le plus dangereux, le plus incompatible avec la religion. La politique et la morale, enfin, ne sont pas incompatibles avec les sciences et les préceptes de la religion, le problème étant, là encore, que celui qui les étudie s’engage sur la pente glissante qui mène à l’étude d’autres savoirs réprouvés (35).

Curieusement, les attaques d’al-Ghazali contre la philosophie et les sciences de la nature, et sa contribution au déclin de ces dernières, ne l’ont pas empêché d’être aussi à l’origine de leur retour en tant que disciplines d’enseignement à Al-Azhar à la fin du XIXe siècle, en ce sens que le cheikh de cette université, Mohamed Al-Anbabi (1305 H/1878) a excipé de l’analyse d’al-Ghazali selon laquelle les sciences naturelles ne sont pas en contradiction avec la religion, ce qui rend leur enseignement licite (36).

Dans le monde islamique, le système éducatif comportait deux niveaux bien distincts, le primaire et le supérieur, et l’on aurait grand-peine à distinguer un niveau intermédiaire.

L’enseignement primaire était dispensé dans les écoles en ce qui concerne la masse ou par des précepteurs dans le cas de l’élite, alors que l’enseignement supérieur avait pour cadre les divers établissements d’études islamiques (mosquées, madaris, maisons de la science et de la sagesse, ermitages soufis, confréries, hospices, etc.). Dans le primaire, le programme avait un caractère religieux très prononcé, et portait essentiellement sur l’étude du Coran et des préceptes de la religion, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, ainsi que, parfois, des éléments de poésie et de grammaire, des récits et du calcul, une certaine importance étant aussi accordée à l’éducation morale.

Dans le supérieur, le programme d’enseignement était, au début de l’islam, exclusivement religieux et portait sur l’exégèse, les hadith, le fiqh, le kalam et tout ce qui peut aider à assimiler ces savoirs, comme la linguistique, la littérature et la poésie, ainsi que sur des branches de la connaissance qui sont développées en marge des sciences religieuses, comme les récits, les campagnes militaires du prophète et l’histoire. Le développement de la civilisation islamique et l’assimilation par celle-ci de la science grecque ont donné naissance, à côté du programme d’enseignement islamique, à un nouveau programme d’enseignement où l’on étudiait la philosophie et les sciences de la nature (mathématiques, logique, médecine, astronomie, sciences naturelles, etc.). La synthèse de ces deux ensembles de savoirs n’était guère aisée, et rares étaient les étudiants et les savants capables de la réaliser.

Du fait du déclin de la philosophie et des sciences naturelles, et de la virulence des attaques menées contre elles, ces disciplines ont peu à peu disparu des programmes d’enseignement à partir du XIXe siècle de l’ère chrétienne (Ve siècle de l’Hégire) et n’ont retrouvé leur droit de cité qu’au début du XIXe siècle, mais essentiellement dans des établissements scientifiques indépendants

Il convient de préciser que dans la civilisation arabo-islamique, les méthodes d’enseignement, loin d’être immuables et rigides, étaient caractérisées par la souplesse et par la liberté qu’avait l’élève de choisir les matières qu’il voulait étudier et les maîtres avec lesquels il allait les étudier.

Al-Ghazali définit deux ensembles bien distincts dans les programmes d’enseignement : d’une part, les sciences obligatoires, que tout le monde est tenu d’étudier, à savoir les sciences de la religion et les sciences complémentaires ou connexes comme la langue et la littérature, et, d’autre part, les sciences facultatives, dont l’étude est fonction des goûts et des capacités de l’élève. Ces dernières se divisent à leur tour en deux groupes : d’une part, les sciences révélées, au nombre de quatre, à savoir : les sources (le Livre, la sunna, le consensus (ijma) et les enseignements des compagnons du Prophète) ; le droit appliqué (jurisprudence et morale) ; les moyens (linguistique et grammaire) ; et les accessoires (lecture, exégèse, principes de la jurisprudence, chronique et généalogie) ; et d’autre part les sciences non révélées (médecine, mathématiques, poésie et histoire) (37).

Dans le choix des matières d’enseignement, le critère déterminant doit être l’utilité pour l’élève et la société, d’où la préférence donnée aux matières religieuses, qui aident à réussir la vie éternelle du Ciel, celle de l’au-delà, et non celle, éphémère, d’ici-bas.

Al-Ghazali précise sa conception du contenu et des méthodes de l’enseignement lorsqu’il répartit comme suit les matières entre lesquelles les étudiants ont à choisir :

  • Les savoirs louables en petite comme en grande quantité (connaissance de Dieu, de Ses attributs, de Ses actes, de la Loi qu’Il a donnée à Sa création et de Sa sagesse qui lui a fait donner la primauté de l’autre monde sur le monde d’ici-bas).
  • Les savoirs condamnables en petite comme en grande quantité (sorcellerie, magie, astrologie).
  • Les savoirs louables dans une certaine mesure (tafsir, hadith, fiqh, kalam, linguistique, grammaire, etc.) (38).
    Il conseille de commencer par les sciences fondamentales : Coran, puis sunna, puis tafsir (exégèse) et les études coraniques. Viennent ensuite les sciences appliquées : fiqh (jurisprudence), puis les sources du fiqh, etc. (39).

Al-Ghazali distingue ensuite dans chaque science trois niveaux, élémentaire, moyen et avancé (primaire, intermédiaire et supérieur), et précise les ouvrages qui peuvent être étudiés à chacun de ces niveaux et pour chacune des matières enseignées.

Telle que la conçoit al-Ghazali, l’éducation n’est pas un simple processus par lequel l’enseignant transmet à l’élève des connaissances que ce dernier assimile ou non, sans aller plus loin. Il s’agit au contraire d’une « interaction » qui a des effets sur le maître comme sur l’élève, et leur est profitable à l’un comme à l’autre, le premier en étant récompensé de la bonne action qu’il accomplit en éduquant autrui et le second en acquérant des connaissances.

Al-Ghazali attache une extrême importance au climat dans lequel se déroule le processus éducatif et à la qualité des relations qui doivent s’y établir, ce en quoi il continue et approfondit la tradition éducative islamique. Il voit dans l’enseignant un exemple, un modèle, et non un simple porteur ou transmetteur de savoir. Le travail du maître, loin de se limiter à l’enseignement d’une matière déterminée, embrasse tous les aspects de la personnalité et de la vie de l’élève, et ce dernier a le devoir de considérer le maître comme un père auquel il doit obéissance et respect (40).

Entre autres principes qui régissent le processus éducatif, al-Ghazali insiste sur le lien entre l’enseignement et les situations concrètes, et le besoin d’informations et de compétences, un savoir ou savoir-faire ne devant être enseigné que si le besoin s’en fait sentir, afin qu’il réponde à une demande et soit fonctionnel (41) ; l’idée que l’enseignement ne peut avoir de véritable impact que s’il passe par la pratique effective, puisqu’il a pour but de créer des habitudes comportementales et non pas simplement d’inculquer un savoir (42) ; une conception proche de celle de la « perfection dans l’apprentissage », al-Ghazali recommandant au maître de ne pas passer d’un sujet à un autre ou d’une matière à une autre avant que l’élève ne maîtrise parfaitement le premier sujet ou la première matière : l’idée de « complémentarité des sciences », le maître se voyant conseiller de prêter attention aux relations entre les sciences ; enfin, l’idée de progressivité et de patience dans l’enseignement (43).

En matière d’éducation religieuse, al-Ghazali préconise l’initiation précoce aux préceptes de la religion par la dictée, la mémorisation et l’imitation (mémorisation et pratique), sans qu’il soit besoin, au début, de compréhension. Vient ensuite l’étape d’explication, de compréhension et de pratique consciente (44). Là encore, al-Ghazali reste fidèle à la tradition éducative islamique, qui commence par la mémorisation du Coran sans que celui-ci soit expliqué, l’inculcation des préceptes de la religion avant que ceux-ci ne soient clarifiés et la mise en pratique avant que celle-ci ne soit le fruit de la conviction.

Savants, enseignants et élèves{{}}

Avec l’évolution de la société islamique, la nature et le rôle de l’élite éduquée ont beaucoup changé. Au départ, celle-ci était essentiellement constituée de « jurisconsultes » (savants de la religion), puis sont apparus les « gens de lettres » et les « philosophes », puis les « soufis ».

Chacun de ces groupes représentait une catégorie déterminée des classes dirigeantes. à certains moments, elles coexistaient et, à d’autres, elles entraient dans de violents et sanglants conflits, chacune défendant ses principes ou ses intérêts. Ces conflits, qui ont contribué à façonner la société et la civilisation islamiques, se sont conclus au XIe siècle par la victoire de l’alliance des jurisconsultes et des soufis sur les philosophes et les savants. Cet état de choses a duré jusqu’au XVIIIe siècle, lorsqu’est apparue une nouvelle élite intellectuelle, celle des nouveaux « savants », laïcs et de formation scientifique occidentale, qui se sont imposés au cours des XIXe et XXe siècles.

La question de l’élite savante a beaucoup occupé al-Ghazali. Il y a sans doute dans ses réflexions sur cette question et sa critique des savants de son époque une part d’autocritique, dans la mesure où il s’est lui-même jeté dans les batailles politiques et intellectuelles et a recherché la célébrité et les honneurs puis, après une crise spirituelle, a renoncé à ce qu’il possédait de biens et d’influence pour se réfugier dans la solitude et l’ascétisme.

Al-Ghazali illustre l’orientation islamique traditionnelle lorsqu’il insiste sur l’importance dans la société du savant (héritier des prophètes), dont il définit comme suit les fonctions et le rôle : chercher à atteindre la vérité ; cultiver la vie intérieure et agir conformément au savoir acquis ; propager la vérité et l’enseigner à autrui sans envie ni crainte (45).

« Qui apprend, agit et enseigne sera puissant dans le royaume des cieux car, il est semblable au soleil, dont l’éclair illumine le reste de l’univers, ou pareil au musc, qui embaume tout ce qui l’entoure ; Celui qui entreprend d’enseigner assume une tâche considérable et lourde de conséquences, et ne doit jamais perdre de vue les règles à observer dans son comportement et dans ses fonctions (46). »

Le savant qui n’utilise pas son savoir et s’abstient de le diffuser doit être sanctionné (47). La valeur des savants est fonction de la valeur de leur science. En conséquence, les sciences de la religion sont plus importantes que les sciences du monde d’ici-bas, et le fiqh (jurisprudence) a préséance sur la médecine, qui est elle-même plus honorable que la sorcellerie, tandis que les sciences du dévoilement sont plus importantes que les sciences des rapports sociaux, etc.

Al-Ghazali critique les savants de son époque et s’autocritique, insistant en particulier sur leur recherche de la richesse et de l’influence, leur goût pour la fréquentation des allées du pouvoir, leur incapacité à suivre leur propre enseignement, l’intérêt qu’ils portent aux sciences traditionnelles (le fiqh, par exemple) , qui leur facilitent l’accès aux postes de haut rang, et leur manque d’intérêt pour les sciences utiles (comme la médecine) (48).

Certes, al-Ghazali place les soufis au-dessus des ulama (fuqha et philosophes), mais ceux-ci n’échappent pas pour autant à ses critiques et à ses attaques. à son avis, la majorité des soufis s’est écartée des principes fondamentaux du soufisme et n’aspirent qu’au prestige social que celui-ci confère (49).

Al-Ghazali aborde aussi deux questions importantes : la relation des savants avec les masses et leur relation avec le pouvoir. La fonction du savant est de chercher la vérité et de la répandre dans la population - enseigner est pour lui une obligation. Al-Ghazali est très proche de l’idée de « société qui apprend et enseigne » car pour lui l’enseignement n’incombe pas aux seuls savants et enseignants : toute personne qui apprend quelque chose a le devoir de l’enseigner à autrui (50).

Cela ne veut pas dire que le savant ou l’enseignant doivent enseigner n’importe quoi à n’importe qui. Le savant doit tenir compte des différences entre le commun et l’élite, entre les savoirs licites et ceux qu’il faut « celer à ceux qui ne peuvent les comprendre ». Le savant est même tenu de taire les vérités qui, si elles sont divulguées, risquent de nuire à autrui ou de jeter des doutes sur sa propre foi ou sa raison. Al-Ghazali a effectivement appliqué ces préceptes, qu’il évoque dans bon nombre de ses ouvrages, en particulier dans l’ouvrage intitulé Ihya’ Ulum al-Din [ Vivification des sciences de la foi]. Cette position s'explique peut-être aussi par l'oppression et le terrorisme intellectuel qui sévissaient à cette époque, conduisant à tuer certains penseurs et à brûler leurs écrits (51). C'est à cette époque aussi que s'est posé clairement l'éternel problème du rapport entre les savants et le pouvoir. Celui-ci avait besoin des savants pour conférer une légitimité à son autorité, à ses actes et à sa domination sur les masses, et les savants étaient avides de postes, d'influence et de richesses, d'où la naissance d'un mode de coexistence entre les deux, fondé sur l'intérêt mutuel. Al-Ghazali a lui-même bien illustré cette situation, contre laquelle il s'est ensuite rebellé. En réaction à ce qu'il a pratiqué et vécu, al-Ghazali insiste sur la nécessité pour le savant de pratiquer l'ascèse et de fuir les princes et leur pouvoir, afin de faire contrepoids à la force du pouvoir et à la corruption de la société. N'étaient les juges iniques et les savants dévoyés, les souverains seraient moins corrompus, par crainte de la réprobation (52). Afin de conserver sa liberté de jugement, le savant a tout intérêt à ne fréquenter en aucune manière les maîtres du pouvoir, à ne pas leur rendre visite, à s'abstenir de travailler pour eux, même pour leur dispenser un enseignement, à eux ou à leurs enfants, et à n'accepter d'eux ni rémunération ni biens, car le plus gros de leur richesse a sa source dans le péché. Mais les nécessités de la vie en société obligent les savants à se mettre à leur service et, partant, à accepter l'argent de l'état. Il est donc licite qu'ils soient rémunérés par le Trésor public (53). Aux premiers temps de l'islam, il existait une catégorie de muallimin (maîtres) qui apprenaient aux jeunes à lire et à écrire dans des makatib (écoles), tandis que les plus âgés des compagnons du Prophète, les fuqaha - lettrés, narrateurs de la tradition du Prophète, les traditionalistes et les jurisconsultes - enseignaient aux adultes dans les mosquées. à l'époque des Omeyyades, sont apparus les muallimin (éducateurs), qui enseignaient à demeure aux enfants de l'élite. Ces précepteurs ont vu leur nombre et leur influence croître sous les Abbassides, en même temps qu'apparaissait et se développait la catégorie des mudarrisin (professeurs de l'enseignement supérieur, chargés de la recherche scientifique et de l'enseignement universitaire), et qu'augmentait aussi le nombre des établissements scientifiques spécialisés (madaris, etc…). Les maîtres et les enseignants avaient un certain prestige dans la civilisation islamique, en raison du caractère religieux de l'enseignement et de la recherche du savoir directement auprès du maître. Cela dit, la situation sociale des maîtres des écoles n'était semble-t-il guère reluisante, contrairement à celle des cheikhs et des savants, d'où un souci évident dans la société islamique d'instituer des règles régissant le travail des maîtres (54). Al-Ghazali considère que la quête du savoir est un devoir envers Dieu et que l'enseignement une obligation séculière et religieuse, et, en vérité, la plus enviable des professions. La société d'ailleurs ne saurait se passer des maîtres. L'influence du soufisme est ici manifeste, surtout dans l'exigence de présence du maître (cheikh, professeur) et les qualités requises de celui-ci, à savoir, entre autres, la science, le renoncement au monde, la bonté de l'âme, la piété, la modestie, la moralité, etc. (56). Al-Ghazali propose un « code professionnel d'éthique » pour le maître qui doit mettre en pratique ce qu'il enseigne et donner l'exemple à ses élèves et à l'ensemble de la population (57): « Ô Mon fils ! Que de nuits tu as passées en études, te privant de sommeil ; je ne sais quel était ton but. Si c'était pour ce bas monde, pour ses biens, pour ses dignités et pour t'en vanter devant tes égaux et tes semblables, alors malheur à toi, oui malheur à toi! Mais si ton intention était de vivifier la loi sacrée du Prophète, de former ton caractère, de surmonter tes bas instincts, alors bénis sois.tu, oui, sois béni » (58). C'est en ces termes éloquents qu'al-Ghazali définit l'objectif de l'étude et de l'apprentissage. Il conseille ensuite à l'élève (celui de l'enseignement supérieur en particulier) d'organiser son temps en divisant sa journée en cinq périodes, comme suit: de l'aube au lever du soleil, invocation de Dieu, récitation du Coran et exercices spirituels  ; du lever du soleil au milieu de la matinée, enseignement ou méditation ; du milieu de la matinée au milieu de l'après-midi, commentaire et copie (entrecoupées d'une courte sieste) ; du milieu à la fin de l'après-midi, exégèse et hadith ou activités analogues ; de la fin de l'après-midi à la tombée de la nuit participation à des assemblées de la science ou invocation, louanges à Dieu et imploration de son pardon jusqu'à la tombée de la nuit. Quant à la nuit, elle est divisée en trois parties: la première est consacrée à l'étude et à la composition, la deuxième à la prière et la troisième au sommeil (59). Il semble que ce fût là le régime qu'al-Ghazali s'imposait à lui-même et imposait à ses élèves vers la fin de sa vie. {{Enfin, al-Ghazali propose un « code d'éthique » auquel doit se conformer l'élève:}}{{}} -*Se purifier avant d'entreprendre la quête du savoir. -*Renoncer au monde et se détacher de la famille et du foyer pour se consacrer à la quête du savoir, avec pour finalité l'autre monde. -*Respecter les droits de l'enseignant et avoir avec lui un comportement correct. -*Eviter - surtout au début de la quête du savoir - de prêter attention aux controverses doctrinales. -*Maîtriser les éléments fondamentaux des sciences louables (linguistique, tafsir, hadith, fiqh et kalam), puis se spécialiser dans une ou plusieurs d'entre elles afin de les approfondir. -*Bien choisir des disciplines de spécialisation utiles, en particulier celles qui conduisent au salut dans l'autre monde. -*Etudier à fond une science avant de passer à une autre, et respecter l'enchaînement et la complémentarité des sciences. -*Donner pour objectif à la quête du savoir l'éducation et la plénitude de l'âme dans le monde d'ici-bas et la proximité de Dieu dans l'au-delà, et non les honneurs, la richesse ou la célébrité (60). {{Tous ces préceptes ont un caractère soufi évident}} et représentent bien la pensée d'al-Ghazali dans les dernières années de sa vie, mais ils ne s'appliquent qu'à l'éducation des garçons, les filles faisant l'objet d'un traitement spécial, comme du reste chez les autres philosophes de l'éducation islamique. L'islam a, certes, eu le souci d'améliorer la condition sociale des femmes et leur éducation, mais les hadith tardifs et les principes sociaux et éducatifs énoncés sur la base de ces hadith ont détérioré leur situation. {{Al-Ghazali illustre bien cette vision négative des femmes, des relations avec elles et de leur éducation.}} Il considère qu'elles ont pour caractéristiques une moralité douteuse et une intelligence limitée, et qu'il y en a très peu de vertueuses. La femme est inférieure à l'homme, et elle doit obéir à ce dernier et rester au foyer (61). Bien qu'il estime que les filles ont le droit d'exiger de leurs parents, et les épouses de leur mari, une éducation, celle-ci est très limitée, puisqu'il suffit que la femme apprenne les principes de la religion et il ne convient pas qu'elle étudie davantage ou qu'elle sorte du foyer - sinon avec l'autorisation de son mari - pour acquérir un savoir, du moment que son mari remplit son devoir de l'éduquer. Si le mari ne s'acquitte pas de cette obligation, la femme a le droit de suivre un enseignement hors du foyer, et son époux ne peut l'en empêcher (62). Le discours d'al-Ghazali est un processus de réforme de l'âme, qui vise davantage à préparer l'être humain à la vie dans l'autre monde éternel qu'à le former pour la vie dans ce monde éphémère. C'est une éducation religieuse faite davantage d'éléments de soufisme, tourné vers Dieu, que de principes pédagogiques au service de l'être humain. Le savoir y est d'abord religieux. Le savant et l'enseignant s'y apparentent au cheikh soufi, et l'apprenant au novice soufi. Le discours d'al-Ghazali sur l'éducation puise à des sources multiples et diverses, et s'inspire aussi bien d'Ibn Miskawayh et des Ikhwan al-Safas (Frères de la Pureté) que des jurisconsultes. Rassemblant des apports différents, voire contradictoires, ses écrits relèvent à la fois de la jurisprudence, de la philosophie et du soufisme, encore que le caractère soufi y soit prédominant. {{L'influence d'al-Ghazali}}{{}} {{Al-Ghazali est mort à l'âge de cinquante-cinq ans}}, après une vie qu'on peut estimer courte si l'on considère l'ampleur, la richesse et l'influence de son oeuvre. Il est permis de dire qu'il a été un des plus grands penseurs musulmans, un de ceux qui ont laissé l'empreinte la plus profonde, méritant ainsi le surnom de « rénovateur du Ve siècle de l'Hégire ». La grande influence qu'a eue al-Ghazali peut-être attribuée à plusieurs éléments, à savoir: La profondeur, la force et l'étendue de sa pensée, consignée dans plus de cinquante ouvrages, dont les plus importants sont Ihya'Ulum al-Din [Vivification des sciences de la foi], Tahafut al-Falasifa [L’incohérence des philosophes] et Al-Munquidh min al-Dalal [Erreur et délivrance], ouvrages que l’on continue aujourd’hui à étudier ;

Ses vues étaient en accord avec son époque et son milieu, reflétant cette époque sans doute plus qu’elles ne répondaient à ses besoins et à ses exigences, et constituant un élément de continuité et d’ordre plus qu’un facteur de renouveau et de changement ;

Après lui, la société et la pensée islamiques sont ensuite entrées dans une longue ère de sclérose et de décadence, où les grands penseurs se sont faits rares, ce qui explique que la pensée d’al-Ghazali soit restée vivante et influente.

L’influence d’al-Ghazali sur la pensée islamique peut être ramenée aux éléments ci-après :

  • Retour du « principe de crainte » dans la pensée religieuse, et insistance sur l’existence du Créateur siégeant au centre de l’existence humaine et régissant directement et constamment le cours des choses (après que les soufis eurent défait le « principe d’amour ») ;
  • Introduction de certains principes de logique et de philosophie (nonobstant les attaques d’al-Ghazali contre ces disciplines) dans la jurisprudence et la théologie dogmatique ;
  • Réconciliation entre la « charia » et le soufisme (entre les jurisconsultes et des soufis) et multiplication des confréries soufies ;
  • Défense de l’islam sunnite contre la philosophie et le chiisme ;
  • Affaiblissement de la philosophie et des sciences de la nature.
    L’influence d’al-Ghazali s’est étendue au-delà du monde islamique pour s’exercer jusque sur la pensée européenne chrétienne. à la fin du XIe siècle et surtout au XIIe siècle de l’ère chrétienne, de nombreuses œuvres arabes, de mathématiques, d’astronomie, de sciences naturelles, de chimie, de médecine, de philosophie et de théologie ont été traduites en latin, dont certaines œuvres d’al-Ghazali, notamment, Ihya’ Ulum al-Din [Vivification des sciences de la foi], Maqasid al-Falasifa [Les intentions des philosophes ] (que d'aucuns ont prise par erreur pour un exposé de la pensée d'al-Ghazali alors qu'il s'agissait d'une récapitulation des principes philosophiques en cours à l'époque), Tahafut al-Falasifa [ L'incohérence des philosophes] etMizan al-'Amal [critère de l'action]. {{En outre, un certain nombre de savants européens connaissaient l'arabe et ont pu prendre directement connaissance des vues d'al-Ghazali}}, l'influence est très nettement perceptible chez de nombreux philosophes et savants du Moyen Âge et du début de l'ère moderne, particulièrement chez {{Thomas d'Aquin}}, {{Dante}} et {{David Hume.}} {{Thomas d'Aquin}} (1225-1274), dans sa Summa Theologiae [Somme théologique] doit beaucoup à al-Ghazli (notamment - à la Ihya'Ulum al-Din [Vivification des sciences de la foi] , à Kimiya-yi Sa’adat [L’alchimie du bonheur] Ar-Risala al-Laduniyya [«  La sagesse chez les créatures de Dieu » et au « Message divin ».

Les écrits de Dante (1265-1321) révèlent clairement le pouvoir islamique d’ al-Ghazali et de Risalat al-Ghufran [épître du pardon ] d’al-Maari. Et al-Ghazali a également exercé une influence sur Pascal (1623-1662), surtout en donnant la primauté à l’intuition sur la raison et les sens, et cette influence se fait sentir chez Hume (1711-1772), dans sa réfutation de la causalité.

Il semble qu’al-Ghazali ait exercé une influence plus profonde sur la pensée juive que sur la théologie et la pensée chrétiennes. Nombreux en effet étaient les savants juifs du Moyen Age qui connaissaient parfaitement la langue arabe, et certaines œuvres d’al-Ghazali ont été traduites en hébreu. Son livre Mizan al-’Amal [Critère de l’action], en particulier, a trouvé un public chez les juifs du Moyen Âge : il a été plusieurs fois traduit en hébreu, et même adapté, les versets du Coran étant remplacés par les mots de la Torah. Un des grands penseurs juifs qui ont subi l’influence d’al-Ghazali a été Maïmonide (en arabe : Musa Ibn Maimun ; en hébreu : Moshe ben Maimom [1135-1204], cette influence étant manifeste dans son Dalalat al Ha’irin [Guide des égarés ], rédigé en arabe, l’une des œuvres les plus importantes de la théologie juive médiévale (63).

Les écrits d’al-Ghazali sur l’éducation représentent l’apogée de la pensée éducative dans la civilisation islamique.

La conception de l’éducation qu’il a élaborée peut être considérée comme la construction la plus achevée dans ce domaine, définissant clairement les buts de l’éducation, traçant la route à suivre et exposant les moyens de parvenir au but recherché.

Al-Ghazali a exercé une influence évidente sur la pensée éducative islamique du Vie au XIIIe siècle de l’Hégire (du XIIe au XIXe siècle de l’ère chrétienne). On peut presque dire qu’à de rares exceptions près, les praticiens et les théoriciens de l’éducation n’ont rien fait d’autre que copier al-Ghazali et résumer ses vues et ses écrits. Il suffit pour le vérifier d’examiner quelques grands ouvrages consacrés à l’éducation qui sont parvenus jusqu’à nous :

  • L’ouvrage d’al-Zarnuji (mort en 571 H), intitulé Ta’lim al-Muta’allim Tariq at-Ta-allum [Apprendre à l’élève la voie de l’apprentissage], est essentiellement une compilation d’extraits d’Ihya’ Ulum al-Din [Vivification des sciences de la foi] et de Mizan al-'Amal [Critère de l'action] pratiquement recopiés tels quels, avec de rares ajouts, du reste mineurs. Cet ouvrage, qui se distingue par sa concision et son style simple et assez vivant, est considéré comme l'un des ouvrages pédagogiques qui ont connu la plus grande diffusion. -*L'influence indirecte d'al-Ghazali peut être décelée dans les écrits d'al-Tusi (mort en 672 H). Ce savant, qui fut l'un des plus importants du Moyen Âge, a composé une œuvre immense et diverse comptant plus de cent titres, consacrée à la philosophie, à la logique, à la morale, aux mathématiques et à l'astronomie. Parmi ses ouvrages les plus importants consacrés à l'éducation, il convient de citer Alhlaq Nasiri [éthique naziréenne] (en persan) et Adab al-Muta'allimin [Les règles de conduite des élèves]. Le premier de ces ouvrages révèle l'influence de Tahdhib al-Akhlaq wa - Tathir al-A'Araq [La réforme des moeurs et la purification des races] d'Ibn Miskawayh et de la philosophie grecque, et le second n'est qu'un résumé de l'ouvrage (Ta'lim) d'al-Zarnuji, qui lui-même reprenait al-Ghazali (70). -*De même, Ibn Jama'a (mort en 733 H), dans son ouvrage [Guide de l'auditeur et de l'orateur sur les règles de conduite du savant et de l'élève], montre qu'il est directement influencé par al-Ghazali, ainsi que par al-Zarnuji et al-Tusi (qui reprenaient al-Ghazali). L'ouvrage susmentionné de cet enseignant, prédicateur et juge, qui vécut en égypte, en Palestine et au Levant, se caractérise par sa simplicité et sa construction, ainsi que par le recours à un grand nombre de hadith et autres citations et contes. Il aborde de manière traditionnelle les thèmes désormais courants de l'éducation islamique (vertus du savoir, règles de conduite du savant, du maître et de l'élève) et consacre un chapitre aux règles de conduite des hôtes des madaris (qui s'étaient multipliées à l'époque) et un autre à l'art d'utiliser les livres. -*Quant à l'ouvrage d'Ibn-al-Haji al-'Abdari (mort en 737 H), intitulé Madkahal ash-Shar'ash-Sharif [Introduction à la Loi sacrée], il est pratiquement coulé dans le même moule que Ihya'Ulum al-Din [Vivification des sciences de la foi], mais reflète la grande différence qu’il y a entre la civilisation islamique du Ve siècle de l’Hégire et celle du VIIIe siècle. L’auteur y cite souvent al-Ghazali et semble bien au fait de sa pensée et de ses écrits, généraux ou consacrés à l’éducation.
  • Au Xe siècle de l’Hégire (XVIe siècle de l’ère chrétienne), il y a Ibn Hajar al-Haitami, auteur de Tahrir al-Maqal fi Adab wa-Ahkam wa-Fawa’id Yahtaju ilaiha Mu’addibu-l-Atfal [Libération du discours sur les règles de conduite et les qualités morales requises des éducateurs des enfants], égyptien qui a étudié et enseigNé à Al-Azhar avant de s’installer près de La Mecque. Ses écrits, représentatifs de la pensée et de la littérature de l’époque ottomane, mettent l’accent sur l’enseignement dans les écoles primaires, la situation des maîtres et les règles qui doivent régir leur action. Il cite abondamment al-Ghazali et s’y réfère souvent.
    La quasi-totalité de la pensée éducative islamique (et en particulier sunnite) a suivi le chemin tracé par al-Ghazali, dont l’influence ininterrompue a survécu au déferlement de la modernité occidentale et à l’apparition de la civilisation arabe moderne contemporaine.

Glossaire :{{}}

  • Alim : voir ulama. -*Awqaf : voir waqf. -*Abbassides : deuxième dynastie de califes (749/132 H -1258/656 H), qui a succédé aux Omeyyades (q.v.), et a reigNé à Bagdad à partir de 762 (145 H) jusqu'en 1258 (656 H), date du sac de Bagdad par les Mongols. -*al-Azhar : université la plus prestigieuse et la plus renommée du monde islamique, fondée au Caire en l'an 969 de l'ère chrétienne (an 358 de l'hégire) et qui fait encore autorité de nos jours. -*Batinisme, Batinite : termes désignant une interprétation ésotérique (allégorique) et initiatique (batin: caché, secret) de l'islam. -*chari'a (sharia) : Loi sacrée divine. -*Chi'ite : (shite) [shia: parti] : adepte du chiisme, doctrine des musulmans qui croient que l'autorité de la communauté islamique revient de droit aux descendants de Fatima, fille du Prophète et épouse d'Ali, lui-même cousin du Prophète. -*faih, pl. fuqaha' : juriste, sspécialiste du droit religieux islamique. -*Fiqh : jurisprudence islamique. -*fuqaha' : voir faqih. -*Hadith : (lit.récit, narratif’) propos du Prophète.
  • ijma’ : consensus de la communauté des croyants sur un point de doctrine.
  • imam, pl. a’imma : direcreur de la prière qui se tient devant l’assemblée des croyants ; chef de la communauté de groupe, en particulier d’école de droit ; (Shi’ite) intercesseur qui peut exercer une autorité à la fois spirituelle et temporelle.
  • Kalam : théologie scolastique.
  • Khangah : ermitage soufi.
  • Katatib : voir kuttab.
  • kuttab, pl. katatib : école élémentaire coranique.
  • Madaris : voir madrasa.
  • madrasa, pl. madaris : ils ont été créés pour la première fois aux alentours du Ve siècle de l’hégire pour assurer l’enseignement supérieur religieux en général et diffuser les doctrines sunnites en particulier. Habituellement, les éléves étaient logés dans l’établissement, et les services du waqf les prenaient en charge pour leur permettre de se consacrer à leurs études. Une autre de leurs caractéristiques était que les enseignants y étaient nommés par l’état.
  • makatib : voir maktab.
  • maktab, pl. makatib : école élémentaire.
  • Mashriq : Orient islamique.
  • mu’addib, pl. mu’addibin : éducateur, maître.
  • mu’allim, pl. mu’allimin : maître d’école.
  • mudarris, pl. mudarrisin : professeur.
  • Ribat : établissement religieux où les soufis avaient coutume de résider pour y faire leurs dévotions et étudier.
  • Seljuq : Seldjoukides, dynastie temporelle turcomame (1038/429 H.- 1194/582 H) qui a régné en Iran, en Asie centrale et en Iraq vers la fin du califat abbasside.
  • shaikh, pl. shuyukh : (lit. vieil homme') maître religieux vénérable (souvent soufi). -*shar' : révélation divine. -*Sufi, Sufism : mysticisme ou isotérisme islamique. -*Sunna : (lit.coutume. usage, tradition’) pratique conforme à l’exemple du Prophète, complétant souvent le Coran.
  • Sunnite : groupe majoritair composé de musulmans qui déclarent suivre la tradition (sunna) instituée par le prophète.
  • Tafsir : exégèse, commentaire coranique.
  • ulama', sg.alim : docteurs de la Loi, théologiens.
  • Umayyad : Omeyyades, première dynastie de califes, ayant pour capitale Damas (661/141 H - 749/132 H).
  • Umma : communauté de croyants.
  • waqf, pl. awqaf : dotation islamique, généralement à des fins religieuses ou charitables.
    Source de l’article complet avec Notes > https://www.musicologie.org/Biographies/g/al_ghazali_2.html

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  • Vidéo exceptionnelle - Al Ghazâlî (1058-1111) Philosophie et religion – Enregistrement de 1:23:28 - Hervé Pasqua - 25 juin 2022 +++
    Hervé Pasqua Université Côte d’Azur-CRHI Titulaire de la Chaire Jean-François Mattéi- CUM

Al Ghazâlî, ou Algazel (Algazelus), est l’un des théologiens (mutakallimun) les plus importants de la religion musulmane et connu comme un mystique soufi. Il est né dans la ville de Tus en Perse en 1058 au nord-est de l’Iran actuel et meurt en 1111, à l’âge de cinquante-trois ans. La personnalité de Ghazâlî est attachante, c’est un grand professeur, un homme admirable à la piété exemplaire et un penseur religieux dont la pensée profonde transcende la foi musulmane et fait sa grandeur, elle revêt en effet un sens universellement recevable pour les croyants de toutes confessions. La pensée religieuse d’Al Ghazâlî présente des accents augustiniens et pascaliens. Il considérait que, en son temps, la tradition spirituelle islamique et les sciences religieuses enseignées par la première génération de croyants s’éteignaient, ce qui l’a conduit à écrire son grand œuvre intitulé La revivification des sciences de la religion (Iḥyā’ ’ulūm ad-dīn), qui est une sorte de somme de théologie morale de 1500 pages. Il se trouve confronté au divorce entre la philosophie et la religion et le résout en ces termes : « la philosophie est dans le vrai dans la mesure où elle est conforme aux principes de la religion et dans l’erreur lorsqu’elle est en contradiction avec ces principes ». Doctrine dont on entend l’écho dans les paroles de Pascal : « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, non des philosophes et des savants »

https://yt3.ggpht.com/ytc/AIdro_ki0QHs9bd8IFEs0pJodQMGhOBYCBcyZTAcT6jmN6YXjsI=s88-c-k-c0x00ffffff-no-rjHervé Pasqua

Source : https://www.youtube.com/watch?v=vSBP-lMJ3vY

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Annexe – Révision des différents courants de l’islam{{}}

Les courants de l’islam sont les différents mouvements, rites et écoles philosophiques qui sont progressivement apparus au cours de l’histoire de l’islam, à la suite de questions qui sont apparues autour de thèmes comme l’organisation du pouvoir politique, celle de la société, du culte.

Il s’agit essentiellement de questions pour lesquelles on ne trouve pas de réponse claire et univoque dans le Coran et dans la Tradition. La diversité des réponses et des interprétations sera à l’origine d’écoles dans les domaines de la jurisprudence et de la théologie.

Les principaux courants proviendront de la grande division entre kharijisme, sunnisme et chiisme, chacun d’eux se ramifiant à son tour. Ainsi — pour s’en tenir ici à quelques grandes subdivisions qui elles-mêmes donneront souvent lieu à de nouvelles subdivisions — on aura dans le kharijisme différents courants (dont le seul survivant est l’ibadisme), dans le sunnisme les quatre grandes écoles juridiques, et dans le chiisme les courants duodécimain, zaydite et ismaélien. On mentionnera aussi le soufisme, qui connaît de nombreuses voies (liées soit au chiisme soit au sunnisme), mais aussi, plus tardivement, des courants qui ne dépendent pas de la division « initiale » entre kharijisme, sunnisme et chiisme, comme le coranisme ou le murjisme. Enfin, on trouve des courants plus récents comme le wahhabbisme (qui remonte au XVIIIe siècle) ou le Nation of islam apparu au début du XXe siècle.

Un cadre{{}}

On commencera par poser une sorte de cadre dans lequel s’inscrit la diversité des courants de l’islam, en nous appuyant sur les remarques éclairantes de deux islamologues. D’une part, Henri Laoust souligne[1] l’identité de l’Islam, qui est contenue dans la double affirmation fondamentale de la shahada : Il n’y a d’autre dieu que Allah, et Mahomet est son envoyé. Cette proclamation se traduit par l’acceptation du Coran et la reconnaissance de la mission de Mahomet. Cependant, poursuit Laoust, au-delà de ce socle constitutif, l’Islam n’est pas un : « De fort bonne heure, il s’est diversifié en une pluralité étonnante de sectes ou d’écoles qui se sont souvent combattues et parfois même mutuellement condamnées. »

De son côté, Louis Gardet relève dans Les hommes de l’islam que les différences entre les courants de cette religion s’inscrivent dans une dialectique de l’unité et de la diversité [2]. Et il ouvre la troisième partie de ce même ouvrage, intitulée« Un islam ou des islam(s) ? », par ces réflexions éclairantes pour le sujet de cet article et qui en dessinent le cadre [3] :

« Comme toutes les grandes religions, l’Islam connut la multiplicité des écoles, des divisions, des sectes ou schismes. L’école, c’est le madhhab ; la division, le khilâf ; la secte, la firqa. Ce dernier pourrait également se traduire par ’schisme’. Mais il faut noter aussitôt qu’il n’a point en arabe, le sens péjoratif de ’secte’ ou ’schisme’ dans les langues européennes, et qu’il désigne également la ’fraction de tribu’, le ’clan’. La firqa (pl. firaq) est une troupe d’hommes différenciée (de toute autre). Si bien que ce que nous appellerions un peu vite peut-être, ’ligne orthodoxe’ (ou mieux : dominante) est aussi firqa. Plutôt que des sectes ou des schismes disons plutôt que les firaq sont les ’groupes’ ou les familles spirituelles de l’islam. »

Il poursuit :

« Certes, les firaq, à la fois ’sectes’ et ’familles spirituelles’ lutteront les unes contre les autres, parfois violemment, souvent les armes à la main. C’est au nom de la pureté et de la vérité de l’Islam qu’elles s’opposent ; donc au nom du Coran, de l’enseignement du Prophète [Mahomet] et de la ’religion des Anciens’, al-dîn al-’atîq. »

Gardet note enfin que les firaq présentent des revendications fondamentales, initialement d’ordre politico-religieux, qui détermineront au cours des siècles des modulations dans les croyances et les comportements, dans les réactions du cœur ainsi que de l’esprit. Modulations qui, à leur tour, produiront dans chaque firqa des divergences d’écoles, dans les domaines du droit, de la théologie et de l’exégèse.

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Agrandir l’image des Principaux courants de l’islam.

Vue générale{{}}

Les écoles sunnites{{}}

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Pourcentage de musulmans par pays : en vert : sunnisme, en violet : chiisme, en noir : ibadisme. État de la carte : décembre 2022.

La branche sunnite (de sunna, « tradition »), majoritaire avec 87 à 90 % des musulmans (chiffres 2009)[4], se fonde sur l’usage des hadîths (les paroles et les actes de Mahomet), qu’elle adjoint au Coran pour la prise de décisions théologiques ou l’élaboration de lois. Selon le poids accordé aux sources et la manière d’établir la loi musulmane (ou charia), le sunnisme se subdivise à son tour en plusieurs écoles de système juridique islamique (droit musulman), dont les principales sont le hanafisme, le malikisme, le chaféisme et le hanbalisme, qui reconnaissent mutuellement leur validité. On relèvera aussi, dans le domaine de la philosophie et de la théologie, le mutazalisme et l’acharisme.

Le chiisme{{}}

Le chiisme regroupe 10 à 13 % des pratiquants (chiffres 2009), la plupart (entre 68% and 80%) vivant dans quatre pays : Iran, Pakistan, Inde et Irak[4]. Sa principale branche est le chiisme duodécimain, dont la plupart des fidèles vivent en Iran et en Irak, mais aussi en Azerbaïdjan, au Bahreïn (ils sont majoritaires dans ces quatre pays)[4] et au Liban, avec des minorités en Arabie Saoudite, au Koweït, au Pakistan, en Afghanistan ainsi qu’en Inde. Le tiers des musulmans chiites du monde vivent en Iran[4]. Parmi les courants découlant des duodécimains, l’alévisme, qui rassemble entre dix et vingt millions de fidèles, principalement en Turquie ; les alaouites, sont approximativement quatre millions, en Syrie et en Turquie.

Les principaux autres rameaux du chiisme sont l’ismaélisme, qui compte entre quinze et trente millions de croyants, principalement dans le monde indo-persan, ainsi que le zaydisme, avec environ huit millions de pratiquants, exclusivement présents au Yémen. Il a connu plusieurs subdivisions : les druzes (essentiellement en Israël et au Liban avec environ un million de fidèles) ; les nizârites et les musta’ilites, ainsi que les qarmates (aujourd’hui disparus) et les Bohras (essentiellement en Inde).

Autres courants{{}}

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/c4/Madhhab_Map4_%28branches%29.png/500px-Madhhab_Map4_%28branches%29.pngDistribution des écoles de loi islamique (madhhab) prédominantes dans les régions majoritairement musulmanes

Le seul rameau qui subsiste du kharijisme est l’ibadisme, avec environ cinq millions de fidèles, résidant à Oman, Zanzibar et dans quelques régions de Libye, d’Algérie (par exemple dans le Mzab), et de Tunisie. Ils pourraient être entre trois millions et trois millions et demi dans le monde[5].

L’ahmadisme, fondé à la fin du XIXe siècle (non reconnu par l’Organisation de la coopération islamique), regroupe entre dix et vingt millions de fidèles répartis dans de très nombreux États, mais présents surtout dans le sous-continent indien et sa diaspora[6],[7]. Aux États-Unis, le Nation of Islam est quant à lui un courant très minoritaire : on estime que le nombre de ses adhérents oscille entre 10 000 à 50 000[8].

Parmi les tariqa soufies, on mentionnera les suivantes : Naqchbandiyya, Qâdiriyya, Bektachiyya, Tijâniyya, Khalwatiyya, Châdhiliyya, Mevleviye, Chishtiyya[9].

Principaux courants{{}}

Sunnisme{{}}

Chiisme{{}}

Kharijites{{}}

Écoles théologiques{{}}

Écoles de jurisprudence{{}}

Sunnisme{{}}

Shiisme{{}}

Ibadism{{}}

Soufisme{{}}

Mouvements modernes{{}}

Mouvements afro-américains{{}}

Ahmadiyya{{}}

Deobandi / Barelvi{{}}

Djadidisme{{}}

Article détaillé : Jadidisme.

Islamisme{{}}

Islam libéral{{}}

Musulmans sans dénomination{{}}

Salafisme{{}}

Wahhabisme{{}}

Notes et références{{}}

Laoust 1965, p. V-VI.

  Gardet 1984, p. 198.

  Gardet 1984, p. 197.

  (en) Pew Research Center, « Mapping the Global Muslim Population : A Report on the Size and Distribution of the World’s Muslim Population [archive] », 7 octobre 2009

  « Ni chiites ni sunnites, qui sont les ibadites ? (Entretien avec Augustin Jomier, INALCO) [archive] », sur radiofrance.fr/franceculture, 29 novembre 2020 (consulté le 3 avril 2023)

  Paul Journet, « L’ahmadisme [archive] », sur lapresse.ca, 15 mai 2010 (consulté le 3 avril 2023)

  « Classement des États du monde par nombre d’Ahmadis [archive] », sur atlasocio.com, 1er janvier 2021 (consulté le 3 avril 2023)

  (en) « Nation of Islam. Religious organization [archive] », sur britannica.com, Encyclopædia Britannica, 1er novembre 2022 (consulté le 3 avril 2023)

Bibliographie{{}}

 Rochdy Alii, Qu’est-ce que l’islam ?, Paris, La Découverte, 1996, 367 p. (ISBN 978-2-707-12554-5)

Louis Gardet, Les hommes de l’islam. Approche des mentalités, Bruxelles, Éditions Complexe, 1984 (1re éd. 1977), 445 p. (ISBN 2-870-27129-8), « Un islam ou des islams ? Essai de typologie religieuse », p. 195-278

 (en) Albert Hourani, Arabic Thought in the Liberal Age. 1798-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, x - 406 (ISBN 978-0-521-27423-4)

Henri Laoust, Les schismes dans l’Islam. Introduction à une étude de la religion musulmane, Paris, Payot, 1965 (réimpr. 1983), xii, 466 p.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Courants_de_l%27islam

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Annexe – Musicologie - Musique et chants liés à la culture islamique, arabe et persane du XI siècle

Musique d’Iran{{}}

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https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/66/Harp-Sassanid.png/220px-Harp-Sassanid.png

Instrumentalistes d’Harpe dans la Perse ancienne, Reliefs de Taq-e Bostan, VIe siècle.

La musique iranienne (auusi appelée musique savante persane[1], musique traditionnelle persane[2] et musique iranienne[3]) englobe toutes les musiques produites par des artistes iraniens ; que ce soit en Iran ou par la diaspora iranienne. Elle s’est en outre propagée au sein de la musique afghane, tadjike et turque.

Plusieurs fois pendant des millénaires, la musique iranienne remonte au Néolithique ainsi que l’attestent les sites archéologiques de Suse et Élam, au sud-ouest de l’Iran : on y jouait du luth et de la flûte sans qu’on en sache beaucoup plus. Dans l’empire Achéménide, Hérodote reconnaît une place importante de la musique, particulièrement à la Cour royale ; il note également son rôle très important dans les cérémonies religieuses d’adoration de Mithra.

Une distinction s’impose entre la science de la musique (musicologie, Elm-e Musiqi) qui, en tant que branche des mathématiques a toujours été très bien considérée en Iran, et la performance musicale (Tarab, Navakhteh, Tasneef, Taraneh ou plus récemment[Quand ?] Muzik) qui a souvent eu une relation conflictuelle avec les autorités religieuses.

Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_d%27Iran

Vidéos sélectionnées{{}}

Comment la musique arabe a-t-elle évolué au fil du temps ? {{}}

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Joueur de oud lors d’un concert en 2015 à l’Institut du monde arabe © IMA/Sidoli

Grâce aux auteurs arabes du Moyen Âge, nous connaissons les pratiques musicales au Moyen-Orient depuis les temps qui précèdent la naissance de l’Islam. La musique reflétait alors le mode de vie en Arabie, celui des nomades comme celui des grands centres urbains. Les qiyan, des esclaves musiciennes, chanteuses, joueuses de oud et danseuses, animaient salons littéraires, fêtes et soirées des membres de l’aristocratie arabe. Certaines, comme Azza et Jamila, furent de grandes artistes, avec leurs propres salons et élèves.

D’après ces textes, le premier genre arabe chanté fut le houda ou chant du chamelier, personnage central de la vie économique de l’Arabie préislamique. Il serait à l’origine des diverses formes de chant qui ont éclos par la suite. Mais les chroniques médiévales nous apprennent également l’existence d’autres types de chants pratiqués à cette époque reculée : le nasb, un chant d’amour et de mariage ; le hazaj, un chant léger pour la danse ; le sinad, un chant de genre sérieux ; le ghina al-rokban, chant des voyageurs… sans oublier les élégies funèbres comme le nadb et le nawh, les chants de guerres et enfin les chants rituels que les pèlerins chantaient autour de la Kaaba.

Depuis toujours, la culture arabe place donc la voix au sommet de l’art musical. L’importance du chant découle de la place majeure accordée à la poésie, symbole de raffinement et d’appartenance à la culture tribale. La musique elle-même était en général désignée par le terme al-ghina (« le chant »). Le mot mousiqi (« musique ») fut introduit dans la culture arabe par les traductions des ouvrages grecs à partir du IXe siècle ; à partir de ce moment, la musique a aussi été considérée comme une science, au même titre que les mathématiques, l’astronomie et la médecine.

Les plus anciens textes traitant de musique remontent au IXe siècle. Ils sont de deux types : les traités théoriques, élaborés par des savants comme al-Kindi, al-Farabi ou encore Avicenne, et les ouvrages historiques et littéraires. Dans ce dernier registre, la plus grande référence connue sur le chant arabe est le Livre des chants (Kitab al-Aghani) dʼAbou al-Faraj al-Esfahani, une encyclopédie en quinze volumes, rédigée sur près de cinquante ans, et couvrant l’histoire de la poésie et de la musique arabes en Orient aux IXe et Xe siècles.

Lart musical arabe a connu son zénith à Bagdad sous la dynastie abbasside (750-1250). Le mécénat de l’aristocratie favorise alors l’éclosion de multiples talents. Chanteurs et compositeurs, hommes ou femmes, distraient les auditeurs et valorisent le pouvoir royal. Deux personnages donnent à la musique ses titres de noblesse, en opérant une synthèse réussie entre les traditions d’Arabie et de Perse : Ibrahim al-Mawsili et son fils Ishaq. D’origine persane, ils ont été les musiciens officiels de plusieurs califes, dont Haroun al-Rachid. L’art et la science des Mawsili ont été consignés dans plusieurs ouvrages comme Les Prairies d’or de Massoudi, Le Collier unique d’Ibn Abd Rabbih, et les Contes des mille et une nuits.

En Espagne, plusieurs musiciens ont œuvré pour la mise en place d’un style musical propre. Le premier et le plus connu est Ziryab, musicien de Bagdad installé à Cordoue en 822, qui a fait voyager la musique d’Orient en Andalousie. On lui attribue l’ajout d’une cinquième corde au luth et l’adoption de la suite musicale en 3 mouvements (nawba). C’est à partir de celle-ci que se développe petit à petit la suite de musique andalouse, encore connue aujourd’hui dans les pays du Maghreb. Au XIIe siècle, le philosophe et musicien Ibn Bajja aurait ajouté à cette suite deux nouveaux mouvements, créant une synthèse entre musique d’Orient et musique hispanique. La musique arabe doit à l’Espagne l’apparition de deux formes poético-musicales qui font toujours parties des traditions maghrébine et orientale : le mouwashah et le zajal, deux poésies destinées à être chantées, l’une en arabe littéral et l’autre en arabe dialectal.

Après la destruction de Bagdad par les Mongols en 1258, puis l’arrivée au pouvoir des Turcs ottomans, la musique arabe trouve refuge dans le système traditionnel des corporations artisanales et au sein des confréries soufies. C’est au sein de ces groupes de mystiques que la musique s’épanouit, dans le cadre des cérémonies de sama (concerts spirituels) et des chants religieux. Plusieurs traditions musicales sont conservées et protégées grâces à ces confréries.

Au cours du XIXe siècle le monde arabe connaît un sursaut identitaire face à la culture ottomane et à la culture européenne, la Nahda. Le patrimoine musical arabe est réhabilité et réinterprété, à la fois par un retour aux traditions anciennes et par l’influence occidentale. Cette réforme, menée par de nombreux artistes, fut couronnée en 1932 par le premier congrès international de musique arabe au Caire. Deux courants musicaux voient alors le jour : l’un est une synthèse des traditions orientales, l’autre s’inspire de la musique européenne. Cela marque l’évolution du langage musical dans l’ensemble du monde arabe jusqu’à nos jours.
Habib Yammine

Pour aller plus loin :{{}}

  • La musique arabe, 6 vols., Rodolphe d’Erlanger, Paris : Paul Geuthner, 1959
  • La musique arabe, Simon Jargy, Paris : PUF, 1988
  • La musique arabo-andalouse, Christian Poché, Paris : Cité de la musique, Actes Sud, 1995
  • Musique, chant et instruments, Christian Poché, Qantara : 2008, Voir le site
  • Congrès de musique arabe du Caire, Bibliothèque nationale de France, (18 CD et un livret) 1932, Paris : BNF, 2015, Voir le site
  • Musique classique andalouse de Fès, Ustad Massano Tazi, Paris : Occora, 2988
  • Chants sacrés et profanes de Syrie, Sabri Moudallal premier muezzin d’Alep, Paris : Institut du monde arabe, 1994
  • Algérie, anthologie de la musique arabo-andalouse, Hadj Mohamed Tahar Fergani, 5 CD, Paris : Occora, 1992-1994
    L’Institut du Monde Arabe Les Webdocs de l’IMAContacts

Source :

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La musique et les chants de cette époque ont été principalement transmis par des manuscrits anciens, étant donné l’absence de technologies d’enregistrement à cette époque. Voici quelques sources données publiées :​

* In Vino Veritas. Hommage à Omar Khayyam - Sorti en 2024, cet album d’Anousha Nazari rend hommage au poète persan Omar Khayyam (XIᵉ siècle). Composé pour chant lyrique, clarinette et piano, il présente des œuvres de quatre compositeurs iraniens contemporains, explorant des thèmes chers à Khayyam tels que le vin, l’amour et la quête de l’instant présent. ​

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* Kitâb al-Aghânî (Le Livre des Chansons) Compilé par Abu l-Faraj al-Isfahânî au Xe siècle, ce vaste recueil contient des chansons, poèmes et récits couvrant plusieurs siècles de tradition musicale arabe, y compris des œuvres antérieures et contemporaines au XIᵉ siècle. Il offre un aperçu détaillé de la vie culturelle et musicale de l’époque. ​Wikipédia, l’encyclopédie libre

« Mémoire sur l’ouvrage intitulé “Kitâb Alagâni”, c’est-à-dire “Recueil de chansons”, [d’Abû al-Faraj] » dans « Journal asiatique », sér. 2, vol. 16, p. 385-419 & 497-545 ; sér. 3, vol. 6, p. 465-526

Il s’agit d’une traduction partielle du «  Livre des chants  » (« Kitâb al-Aghâni » 1) d’Abû al-Faraj 2, chroniqueur et homme de lettres arabe, également connu sous le surnom d’al-Isfahânî 3. Il naquit, ainsi que son surnom l’indique, à Ispahan (en Iran), mais tout à fait par hasard, car il se rattachait à la lignée des Omeyyades, maîtres de l’Andalousie, et il était de pure race arabe. Transporté de bonne heure à Bagdad (en Irak), il s’attela à l’étude de la poésie, de la grammaire, de l’historiographie ; il se constitua, en outre, un solide bagage médical, astrologique, musical. Il devint, en un mot, un vrai homme d’« adab », c’est-à-dire un érudit touchant de près ou de loin à tous les domaines de la connaissance. À un âge avancé, il perdit peu à peu la raison et mourut en 967 apr. J.-C. Il laissa derrière lui plusieurs beaux ouvrages, entre autres celui intitulé « Le Livre des chants », auquel il consacra cinquante ans de sa vie, et qu’on s’accorde unanimement à regarder comme le meilleur qui ait paru sur ce sujet. Abû al-Faraj prit soin d’y réunir tout ce qu’il put trouver de chants arabes, tant anciens que modernes. Il s’appliqua, pour chacun de ces chants, à désigner l’auteur des vers et celui de la musique ; à indiquer, avec clarté et avec précision, l’occasion qui donna naissance au poème ou à l’air ; le tout avec des détails circonstanciés sur la langue, l’histoire, les généalogies, la succession des dynasties, etc. Au hasard des chapitres, nous accompagnons un poète à la Cour du calife Hâroun al-Rachîd, assistons à une querelle littéraire dans une taverne de Bagdad, pénétrons dans le salon d’une chanteuse de renom.

C’est « une matière luxuriante, considérable par le volume, précieuse dans le détail  ; une richesse profuse, un pêle-mêle papillotant, un gisement ouvert à quiconque veut s’instruire sur la culture, l’histoire et la vie des Arabes, de l’origine au Xe siècle apr. J.-C.  ; un filon exploitable, et d’ailleurs exploité jusqu’à nos jours, par la science orientale et orientaliste », dit un traducteur 4.

Bref, c’est une mine très riche et très complète sur tout ce qui concerne les Arabes, et c’est en mine que la postérité aura traité « Le Livre des chants » plutôt qu’en œuvre ayant une individualité propre. Car, tout en reconnaissant le mérite incontestable de cette collection de plus d’une vingtaine de volumes, et tout en admirant l’abondance et la variété des faits qu’Abû al-Faraj a accumulés en préparant son sujet, la postérité aura regretté que, dans bien des cas, il n’ait pas élagué tout ce qui est inutile ou superflu et uni ensemble tout ce qui ne diffère que par des différences assez légères.

Abû al-Faraj prit soin d’y réunir tout ce qu’il put trouver de chants arabes, tant anciens que modernes

Voici un passage qui donnera une idée du style du « Livre des chants » : « Au moment où ils passaient près des tombeaux, le poète dit au roi : “Savez-vous ce que disent ces sépulcres  ? — Non”, dit Noman. “Hé bien”, dit Adi, “ils vous parlent en ces termes : Que celui qui nous voit se dise à lui-même qu’il est sur le penchant de sa ruine. Les montagnes les plus solides ne sauraient échapper aux vicissitudes du temps et à tout ce qu’elles traînent à leur suite. Combien de voyageurs se sont arrêtés autour de nous, tout occupés à boire un vin savoureux mêlé à une eau pure… Et tout à coup, la fortune les a enlevés avec la rapidité de la foudre  ; c’est ainsi qu’elle se plaît à faire périr les hommes. C’est ainsi qu’elle précipite de catastrophe en catastrophe le mortel qui cherche une vie heureuse” » 5.

Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF

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*Manuscrits de musique arabe - Divers manuscrits anciens traitant de la musique arabe sont conservés dans des bibliothèques du monde entier. Par exemple, la Bibliothèque nationale de France possède une collection de manuscrits arabes, certains datant du XIᵉ siècle, qui abordent des aspects théoriques et pratiques de la musique de cette période. ​

Manuscrits de musique arabe - Enregistrement et catalogage depuis le Congrès du Caire Eckhard Neubauer p. 181-190

Texte intégral{{}}

Nombreuses furent, à divers niveaux et dans maintes directions de la recherche et de la pratique musicale, les énergies suscitées par le premier Congrès international de Musique arabe du Caire de 1932. Tout d’abord, dans le domaine particulier de l’enregistrement des manuscrits arabes de musique, une œuvre pionnière fut effectuée sur place et mise à la disposition des participants au Congrès. Il s’agit de la fameuse :

Nashra bi-’asma kutub al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ wa-mu’allifïhâ al-mahfûza bi-dâr al-kutub asdarathâ ad-dâr bi-munâsabat in’iqâd mu’tamar al-mûsîqâ al-‘arabiyya bi-l-qâhira fi shahr mârs sanat 1932. Le Caire : Matba‘at dâr al-kutub al-misriyya bi-l-qâhira 1350/1932 (= Dâr al-kutub al-misriyya. Qism al-fahâris al-‘arabiyya). 80 p.

Ce petit catalogue, bien travaillé et extrêmement utile, est dû à Muhammad ‘Abd al-Rasûl et Muhammad Jabr de la Bibliothèque Nationale du Caire. Il renferme, outre de nombreux titres de livres imprimés, les manuscrits et microfilms d’un intérêt musical conservés au Dâr al-kutub. Passé presque inaperçu des spécialistes en dehors de l’Egypte (je dois mon exemplaire à la gentillesse de Samha al-Kholy), la Nashra offre, de nos jours encore et malgré l’existence de publications plus récentes, de précieux renseignements sur quelques manuscrits restés inconnus.

C’est peut-être à l’existence de cette contribution soi-disant ’hors-concours’ que la liste des manuscrits de musique préparée par les membres de la Commission d’Histoire et des Manuscrits du Congrès, placée sous la direction de Henry George Farmer et tenue de ’faire une statistique des plus importants manuscrits arabes traitant de musique : ceux qui ont été publiés et ceux qui ont été traduits dans une autre langue, commentés ou annotés’ – doit d’avoir été finalement écartée du Recueil des travaux du Congrès lors de sa publication.

Ceci fut pour H. G. Farmer une première incitation à étendre son propre matériel, à le vérifier, à l’augmenter, avant de le publier d’une façon convenable. Le résultat de ses efforts est bien connu, il s’agit de :

The Sources of Arabian Music : A Bibliography of Arabie Mss. which deal with the Theory, Practice and History of Arabian Music. By Henry-George Farmer. Glasgow : Jackson 1939 (= Records of the Glasgow Bibliographical Society, 13), 97 p.

Dans cette première vue d’ensemble, Farmer put s’appuyer sur les renseignements donnés par M. Collangettes dans le Journal Asiatique (nov.-déc. 1904, p. 383-386) et portant sur quelques manuscrits conservés à Paris, Londres, Vienne, Leyde, Gotha, Madrid et Milan, ainsi que sur ses propres travaux préliminaires, à savoir :

  • Arabic Musical Manuscripts in the Bodleian Library, Journal of the Royal Asiatic Society 1925, p. 639-654 – Repr. in H. G. Farmer : Studies in Oriental Music. Frankfurt IGAIW 1986, tome I, p. 370-388 – Traduction arabe condensée in al-Muqtataf (Le Caire), tome 67 (1925), p. 512-514, sous le titre al-Musîqâ al-’arabiyya.
  • Some Musical Mss. Jdentified, Journal of the Royal Asiatic Society, 1926, p. 91-93. – Repr. in Studies…, tome I, p. 389-391.
  • Greek Theorists of Music in Arabie Translation, Isis (Philadelphia), tome 13 (1929-30), p. 325-333 – Repr. in Studies…, tome I, p. 411-419.
    Pendant son séjour au Caire, à l’occasion du Congrès, Farmer eut l’opportunité d’écarter quelques rumeurs sur certains prétendus manuscrits qui n’existaient pas en réalité. Ces découvertes ’négatives’ seront décrites plus tard dans l’article :

’Ghosts’. An Excursus on Arabie Musical Bibliographies, Isis, tome 36 (1945-46), p. 123-130 – Repr. in Studies… tome I, p. 392-399.

Revenons aux Sources. Farmer réussit à y rassembler un total de trois cents titres, dont des œuvres préservées sous forme manuscrite, ainsi que des œuvres perdues mais mentionnées dans la littérature bio-bibliographique ou connues par le biais de citations d’auteurs postérieurs. Les titres sont classés chronologiquement, assortis d’annotations sur leur contenu et de renseignements bibliographiques. Farmer enregistra non seulement des traités portant sur la théorie et la pratique de la musique, les musiciens et les musiciennes, mais encore des ouvrages juridiques traitant du problème de la licéité de la musique (samâ‘), enfin, des œuvres du genre ’adab, comprenant des chapitres sur des questions liées à la musique et aux chanteurs. Cependant, pour être juste, il faut faire remarquer que Farmer, de toute évidence, s’est servi des riches informations de la Nashra bi-asmâ’ kutub al-mûsiqâ sans jamais mentionner cette source. Les titres du genre ’adab, particulièrement, proviennent sans aucun doute de cette publication arabe antérieure. C’est aussi probablement grâce à la Nashra que Farmer a eu connaissance, par exemple, du dixième volume des Masâlik al-’absâr wa-mamâlik al-’amsâr d’Ibn Fadl Allâh al-‘Umarî (m. 749/1349), source unique sur la vie et l’œuvre de musiciens et chanteuses postérieurs à ceux du Kitâb al-’Aghânî (Cf. Nashra, p. 26 ; Farmer, Sources, 1ère éd., introduction p. 1 et n° 218, 2ème éd. introduction p. 1 et n° 273).

Ajoutons encore que ce fut probablement pour démontrer l’origine et la raison de ses efforts, que Farmer dédia à titre privé une édition hors série des Sources (Bearsden, 1940) à l’autorité suprême du Congrès du Caire, le roi Fouad 1er.

La première édition des Sources sera publiée tardivement en arabe, sous le titre :

Masâdir al-mûsîqâ al-‘arabiyya. Ta’lîf Henri Jôrj Farmer, tarjamat Husayn Nassâr. Ikhtârathu wa-’anfaqat ‘alâ tarjamatihi al-’Idâra ath-thaqâfiyya min Jâmi’at ad-duwal al-‘arabiyya. Le Caire, Maktabat Misr (1957), II, 175 p., 6 figs.

Ainsi, le monde arabe fut privé de la connaissance de la seconde édition de cette œuvre qui, considérablement élargie (350 titres au lieu de 300), parut dans l’année de la mort de son auteur :

The Sources of Arabian Music. An Annotated Bibliography of Arabic Manuscripts which Deal with the Theory, Practice and History of Arabian Music front the Eighth to the Seventeenth Century, Leiden, E.J. Brill, 1965, XXVI, 71 p., 5 planches.

Cet héritage de Farmer en matière de manuscrits de musique arabe constitue – malgré maintes fautes d’inattention par rapport à la première édition et un index lacunaire fourni par l’éditeur – une source indispensable, aujourd’hui encore où nous possédons la grande œuvre détaillée d’Amnon Shiloah qui élargit et précise notablement nos connaissances des manuscrits conservés en Europe (Istanbul y compris) et aux Etats-Unis. Contrairement à ce que son titre laisse suggérer, le catalogue de Shiloah ne traite pas seulement de la théorie musicale mais aussi du problème juridique du samâ‘ ; des belles lettres, de l’histoire et autres domaines plus généraux occupant – dans la tradition de la Nashra du Caire et des Sources de Farmer – une place importante parmi les 340 titres ici énumérés et minutieusement décrits. A l’encontre de Farmer, Shiloah ne donne que des manuscrits existants et examinés le plus souvent par ses soins.

The Theory of Music in Arabie Writings (c. 900-1900), Descriptive Catalogue of Manuscripts in Libraries of Europe and the USA, by Amnon Shiloah. München, Henle 1979 (= Répertoire international des sources musicales (RISM). Publié par la Société internationale de musicologie et l’Association internationale des bibliothèques musicales. Série B, tome X). XXVIII, 512 p.

C’est le fonds conservé dans les bibliothèques du monde arabe, exclu de l’œuvre de Shiloah, qui nous intéresse ici. Depuis le Congrès du Caire, l’enregistrement et le catalogage des manuscrits de musique a fait des progrès considérables, avec des différences selon les pays.

Grâce à la Nashra de 1932, nous sommes convenablement instruits sur la Bibliothèque nationale du Caire. En complément, une publication plus récente de l’Institut des manuscrits arabes de la Ligue arabe nous fournit des détails sur les 47 microfilms (outils de recherche indispensables) des traités de musique arabe conservés dans cette institution et provenant des bibliothèques d’Egypte, de Turquie, d’Inde, de Syrie, d’Italie, de France et d’Angleterre :

Fihris al-makhtûtât al-musawwara, al-Juz’ ar-râbi‘ : al-Ma’ârîf al-‘âmma wa-l-funûn al-mutanawwi‘a. Tasnîf Fu’âd Sayyid. Le Caire : Jâmi’at ad-duwal al-‘arabiyya. Ma’had al-makhtûtât al-‘arabiyya 1384/1964, p. 43-76 : al-Mûsîqâ wa-l-ghiâ’.

Nos connaissances actuelles des manuscrits (et microfilms) conservés au Caire s’arrêtent à ce catalogue. Parmi les plus importants traités originaux dont on souhaiterait voir l’édition le plus tôt possible, il faut citer sans doute le manuscrit unique du Hâwi al-funûn wa-salwat al-mahzûn (funûn jamîla 539) d’Ibn at-Tahhân, écrit au Caire vers 420/1030, et l’inépuisable Kitâb al-’imtâ‘ bi-’ahkâm as-samâ’ (tasawwuf 368, autres mss. chez Shiloah, n° 3) de Kamâl ad-Dîn al-’Edfawî (m. 748/1347). Parmi les collections non cataloguées du Dâr al-kutub, c’est la succession d’Ahmad Bâshâ Taymûr qui promet les trouvailles les plus intéressantes en matière de musique.

En 1964, le deuxième Congrès international de musique arabe eut lieu à Bagdad. A cette occasion, un livre bibliographique fut publié, qui combine des informations tirées des Sources (première édition) de Farmer avec celles de l’Index Islamicus de J.D. Pearson (tome I, 1906-1955 et supplément, 1956-1960). Le résultat constitue un mélange d’environ mille titres de littérature majeure et secondaire en arabe et en langues européennes, groupés par chapitres : mûsîqâ, ghinâ’, raqs, mughannûn, samâ‘, ’âlât mûsiqiyya. Du point de vue des manuscrits, on y trouve quelques matériaux nouveaux provenant des bibliothèques d’Irak :

Râ’id al-mûsîqâ al-‘arabiyya. Ta’lîf ‘Abd al-Hamîd al- ‘Allûjî. (Titre anglais : Guide to Arab Music. By Abdul Hameed ALAlouchi.) Baghdad : Matba’at Dâr al-jumhûriyya, 1964 (=Wizârat ath-thaqâfa wa-l-’irshâd. Mudîriyyat ath-thaqâfa al-‘âmma. Silsilat al-kutub al-hadîtha, 1), 201 p.

Il semble que le Congrès de Bagdad ait stimulé la recherche de manuscrits de musique parmi les savants du pays. Nous devons ainsi aux érudits de l’Irak la connaissance d’un nombre important de manuscrits locaux et étrangers. A noter :

Makhtûtât al-mûsîqâ al-‘arabiyya fî-l-‘âlam. I : Makhtûtât ‘Irân. Tahqîq Zakariyyâ Yûsuf. (Titre anglais Arabic Musical Manuscripts throughout the World. I : Iran Manuscripts) Baghdad : Matba’at Shafîq, 1966, 23 p. : titres n° 1-52 – II : Makhtûtât al-Maghrib al-‘arabî. (Titre anglais Manuscripts of Morocco, Algeria, Tunisia, Libya) Bagdad, 1967, 19 p. : titres n° 53-182 – III : Makhtûtât al-Hind, Bâkistân, Afghânistân. (Titre anglais : Manuscripts of India, Pakistan, Afghanistan) 19 p. : titres n° 183-249.

Le nombre important de titres (249) renferme, à côté de celles portant sur la théorie musicale, des œuvres comme les Rasâ’il ’Ikhwân as-safâ’, le Kitâb ash-Shifâ’ et le Kitâb an-Najât d’Ibn Sînâ, les Murûj adh-dhahab d’Al-Mas‘ûdî, le Kitâb al-’Aghânî d’Abû’l-Faraj al-Isfahânî, al-’Iqd al-farîd d’Ibn ‘Abd Rabbih, l’Irshâd al-qâsid d’Al-Akfânî et la Tadhkîra de Dâwûd al-Antâkî, le tout couvrant une assez grande partie des œuvres énumérées. Mais il reste aussi de précieuses découvertes à faire, telle la collection de traités de musique conservée à la Bibliothèque Millî de Téhéran (sign. 1651, Cf. Fihrist, tome X, p. 227-231) qui appartient à une famille de manuscrits de grande importance, renfermant des œuvres d’Euclide sur la musique jusqu’aux commentaires du Kitâb al-’Adwâr d’Al-’Urmawî, dont d’autres copies se trouvent à Rampour, Reza Library (Cf. Catalogue d’Imtiyâz ‘Alî ‘ Arshî, tome 5, 1975, p. 136-143), Istanbul, Topkapi Sarayi (collection Ahmed III, n° 3449) et Londres, British Library, Or. 2361. En somme, le travail de Zakariyyâ Yûsuf ouvre, dans le vrai sens du mot, de nouveaux horizons et restera une contribution de valeur.

Parmi les catalogues irakiens plus récents, on se voit parfois confronté au problème suivant lequel, dans leurs titres, distinction n’est pas faite entre manuscrits originaux et copies photostatiques ou microfilms. C’est le cas dans :

  • Makhtûtât al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ wa-s-samâ’ fî maktabat al-mathaf al-‘irâqî. Ta’lif : ’Usâma Nâsir an-Naqshbandî. Bagdad, Dâr al-hurriyya, 1979 (= al-Jumhûriyya al-‘irâqiyya. Wizârat ath-thaqâfa wa-l-funûn), 64 p.
  • Makhtûtât al-majma‘ al-‘ilmî al-‘irâqî. Dirâsa wa-fahrasa. Ta’lîf Mîkhâ’îl ‘Awwâd, Bagdad, Matba’at al-majma‘ al-‘ilmî al-‘irâqî, 1403/1983 (= matbû’ât al-majma‘ al-‘ilmîal-’irâqî). Mss. de musique dans tome III, p. 191-211.
    Tandis que, parmi les 49 titres de la première publication précitée, figurent les manuscrits de la bibliothèque, ainsi que des copies de manuscrits de provenance extérieure, conservés au Mathaf al-‘irâqî, la seconde ne contient que les douze copies photostatiques ou microfilms existant à l’Académie des sciences. On préférerait des titres sans ambiguïté tels que :

Makhtûtât al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ al-musawwara fi qism al-makhtûtât bi-l-mu’assasa al-‘âmma li-l-’âthâr wa-t-turâth- Baghdâd. I’dâd ’Usâma Nâsir an-Naqshbandî. Dans al-Mawrid. Majalla turâthiyya fasliyya (Bagdad), tome 13, n° 4 (hiver 1984), p. 117-126, 52 titres.

Les auteurs des trois dernières compilations ont suivi la louable tradition consistant à donner non seulement des détails codicologiques sur les manuscrits, mais aussi des informations sur le contenu des œuvres.

Quelques autres descriptions de manuscrits de musique arabe en Irak sont indiquées dans :

Masâdir al-mûsîqâ al-‘irâqiyya 1900-1978. Ta’lîf : Shahrazâd Qâsim Hasan bi-l-’ishtirâk ma’a ’Amâl ’Ibrahim, ’Intisâr ’Ibrâhîm, Ahlâm Jarjîs. Baghdad, Dâr ar-rashîd 1981 (= Wizârat ath-thaqâfa wa-l-’i‘lâm. Silsilat al-ma‘âjim wa-l-fahâris, 38), p. 665-675.

On y remarque deux articles de ‘ Adil al-Alûsî au sujet de collections irakiennes récentes :

  • Al-Makhtûtât al-mûsîqiyya al-musawwara fi maktabat dâ’irat al-mustashâr al-fannî, al-Qîthâra (Bagdad), n° 39 (1977), p. 10-12.
  • Makhtûtât mûsîqiyya jadîda li-maktabat al-markaz ad-duwali li-dirâsât al-mûsîqâ at-taqlîdiyya, al-Qîthâra, n° 48 (1977), p. 15.
    Il est évident qu’une bonne partie des manuscrits de musique conservés dans les pays arabes n’est pas encore connue. Au musicologue intéressé il ne reste, par conséquent, qu’à consulter en premier lieu les catalogues des bibliothèques individuelles. Un guide indispensable des collections et catalogues facilite la recherche bibliographique. Il s’agit de :

Bibliotheken und Sammlungen arabischer Handschriften, in : Geschichte des arabischens Schrifttums. Band VI : Astronomie bis ca. 430 H. Von Fuat Sezgin. Leiden : Brill 1978, p. 311-466, addenda dans : Geschichte des arabischen Schrifttums. Band VIII : Lexikographie bis ca. 430 H. Leiden : Brill 1982, p. 296-312 – Traduction arabe sous le titre : Fu’ad Sezgîn, Târîkh at-turâth al-‘arabî. Majmû’ât al-makhtûtât al-’arabiyya fî maktabât al-‘âlam. Naqalahu ’ilâ-l-‘arabiyya Mahmûd Fahmî Hijâzî wa-râja’ahu ‘Arafa Mustafâ, ar-Riyâd : Matâbi’ Jâmi’at Muhammad ibn Sa’ûd 1402/1982 (al-mamlaka al-’arabiyya as-sa‘ûdiyya. Wizârat at-ta’lîm al-‘âlî. Jâmi’at al-’Imâm Muhammad ibn Sa’ûd al-’islâmiyya), 281 p. – Les addenda se trouvent dans : Fu’âd Sezgîn, Târikh at-turâth al-‘arabî, al-Mujallad ath-thâmin, al-juz’ al-’awwal : ‘ilm al-lugha ’ilâ hawâlî sanat 430 h. Naqalahu ’ilâ-l-’arabiyya ‘Arafa Mustafâ. Râja’ahu Mâzin ‘Amâwî, ar-Riyâd, Idârat ath-thaqâfa wa-n-nashr 1408/1989 (= al-mamlaka al-‘arabiyya as-sa’ûdiyya. Wizârat at-ta’lîn al-‘âlî, Jâmi’at al-’Imâm Muhammad ibn sa’ûd al-’islâmiyya), p. 530-557 sous le titre : Majmû’ât al-makhtûtât al-‘arabiyya fî maktabât al-‘âlam (al-Mustradrak ‘alâ-l-mujallad as-sâdis).

Basé sur l’œuvre et les sources de Sezgin et complété par quelques publications nouvelles des pays arabes, on notera :

Fahâris al-makhtûtât al-’arabiyya fî-l-‘âlam. Ta’lîfGùrgis ‘Awwâd. 2 tomes. Kuwait 1405/1984 (= Manshûrât ma’had al-makhtûtât al-’arabiyya, al-munazzama al-’arabiyya li-t-tarbiyya wa-th-thaqâfa wa-l-’ulûm). 445 et 448 p.

Chez ‘Awwâd, comme chez Sezgin, les bibliothèques se suivent alphabétiquement par pays. A part le Caire et Bagdad, les plus vastes ou les plus détaillés des catalogues récents ont été réalisés, ou sont à l’étude, à Mossoul (Maktabat al-’awqâf), Damas (al-Maktaba az-Zâhiriyya), Riyâdh (Jâmi’at al-Malik Sa’ûd, ex Jâmi’at ar-Riyâd), Tunis (Dâr al-kutub al-wataniyya), Fès (Maktabat al-Qarawiyyîn) et Rabat (al-khizâna ; al-Maktaba al-’âmma). Il reste toutefois, en d’assez nombreux endroits, de grandes collections de manuscrits non encore, ou seulement en partie, cataloguées telles celles d’Alep (Maktabat al-’awqâf), de Médine (al-Maktaba al-‘âmma ; Maktabat Shaykh al-islâm ‘Arif Hikmat), de La Mecque (Maktabat al-Haram) et d’Alger (al-Maktaba al-wataniyya).

En guise d’introduction au domaine marocain, nous disposons depuis l’année dernière d’une vue d’ensemble détaillée, contenant non seulement les noms de toutes les bibliothèques officielles et privées du pays avec les titres de leurs catalogues, mais encore le nombre individuel de manuscrits par sujets, y compris la musique. Il s’agit de :

Al-Makhtûtât al-maghribiyya. Marâkizuhâ, fahârisuhâ wa-lawâ’ihuhâ. Bi-qalam Hasan Jallâb, in al-Mawrid (Bagdad), tome 15, n° 2 (été 1406/1986), p. 143-162 et tome 17, n° 1 (printemps 1408/1988), p. 206-227.

L’auteur nous apprend par exemple, l’existence à la bibliothèque d’Ibn Yûsuf à Marrakesh d’une liste de vingt-trois manuscrits de ’musique andalouse’, conservés dans différentes bibliothèques du pays et nous communique dans la mesure où ils sont classés par sujets, les numéros ou le nombre de manuscrits de musique enregistrés dans les catalogues imprimés, tels :

Al-Fihris al-wasfî li-makhtûtât al-mantiq wa-’âdâb al-bahth wa-l-mûsîqâ wa-nazm ad-dawla wa-l-fûnûn al-harbiyya wa-jawâmi‘ al-‘ulûm. Tasnîf Muhammad al- ‘Arabi al-Khattâbî. Casablanca 1985 (= Min makhtûtât al-Khizâna al-Hasaniyya, Tome 4), p. 62-68 : 8 manuscrits de musique.

Une vue d’ensemble détaillée, comparable à celle de Hasan Jallâb pour le Maroc, ne semble exister pour aucun autre pays arabe. Dans les aperçus généraux sur les collections de manuscrits d’une région, on se contente habituellement de parler des bibliothèques d’une façon plus ou moins approfondie, et de limiter les données bibliographiques à l’état actuel de leur catalogue, ainsi :

Al-Makhtûtât al-‘arabiyya fî Lîbyâ. ‘Ard li-marâkizihâ wa-fahârisihâ. Ta’lîf ’Ibrahim Sâlim ash-Sharîf, in al-Mawsim, Majallafasliyya musawwara tu‘nâ bi-l-âthâr wa-t-turâth (Beyrouth), tome I, n° 2-3 (1989), p. 419-428.

Dans de tels cas, on consultera en premier lieu les listes de manuscrits de Zakariyyâ Yûsuf (voir plus haut). Pour la Libye, l’auteur note, par exemple, un anonyme : Tarwîh al-’arwâh wa-miftâh as-surûr wa-l-’afrâh, conservé à la bibliothèque de ‘Alî Mustafâ al-Misrâtî. Il s’agit d’un titre attribué à Abû-l-‘Abbâs Ahmad ibn Muhammad al-Sijzî Jirâb al-Dawla (IIIème/IXème siècle) dans le Fihrist d’Ibn al-Nadîm (Cf. Farmer, Sources, 2ème éd. n° 73). Si vraiment il s’agissait du livre de Jirâb al-Dawla, qui compte parmi les œuvres perdues, ce serait une trouvaille de valeur toute exceptionnelle.

Pour la plupart des bibliothèques du monde arabe, nous dépendons de catalogues individuels, à supposer que ceux-ci soient publiés et accessibles à celui qui s’y intéresse. D’après mon expérience personnelle, les nouveaux catalogues des pays arabes diffèrent assez en qualité et en commodité d’emploi. En général, on rencontre trois catégories distinctes dans l’agencement et la présentation des données : classement par sujets, classement alphabétique par titres ou noms d’auteurs, classement individuel, d’emploi parfois difficile.

Lorsqu’on utilise la première catégorie (classement par sujets), il faut tenir compte du fait qu’ici seuls les titres de théorie musicale pure sont (habituellement) enregistrés sous ’musique’. C’est le cas, par exemple, dans le nouveau et volumineux catalogue de la bibliothèque Zâhiriyya de Damas où seules les œuvres de théorie musicale sont classées sous la rubrique ’musique’ dans le chapitre ’sciences et arts divers’.

Fihris makhtûtât dâr al-kutub az-zâhiriyya. Al-‘ulûm wa-l-funûn al-mukhtalifa ‘inda-l-‘arab. Wad‘ Mustafâ Sa‘îd as-Sabbâgh. Damas 1400/1980 (= Matbû’ât majma’ al-lugha al-‘arabiyya bi-dimashq). ‘ilm al-mûsîqâ, p. 363-373.

A part cela, un chapitre entier du même volume est consacré aux kutub ‘ilm al-malâhî (p. 343-361). Sont rassemblés ici des titres traitant des instruments de musique, à côté des ’jeux’, comme les échecs etc., lesquels figurent, dans d’autres catalogues, parmi les traités de samâ’ dans les chapitres consacrés au droit musulman (fiqh) ou au soufisme (tasawwuf).

Les livres à caractère biographique ou littéraire contenant des scènes de la vie musicale figurent dans les catalogues thématiques sous les rubriques ’littérature’ (’adab), ’histoire’ (tâ’rikh), ou ’biographies’ (tarâjim). C’est aussi le cas dans le catalogue de Damas où le Bulûgh al-munâ fi tarâjim ahl al-ghinâ’ (ms. ‘âmm 3476) de Muhammad Efendi al-Gangî, écrit vers 1150/1737 (autres copies à Berlin, or. octobre 1088 et au Caire, Dâr al-kutub, collection Taymûr), et traitant de la vie des musiciens des XVIIème et XVIIIème siècles, est rangé parmi les manuscrits historiques, tandis que les grandes collections de textes musicaux de Husayn ibn Ahmad al-Kubaysî, datant du XVIIIème siècle (ms. ‘âmm 4725, autre copie à Berlin, We. 1233), et l’anonyme Sulâfat al-hân fî-l-’alhân (ms. unique ‘âmm 4013, autographe écrit en 1277/1860) figurent parmi les manuscrits littéraires. Les collections de poèmes chantés, sujet d’ailleurs négligé par les musicologues, sont enregistrées de préférence sous ’poésie” (shi‘r).

Une structure particulière a été donnée au catalogue de la nouvelle Maktabat al-’awqâf de Mossoul :

Fihris makhtûtât maktabat al-’awqâf al-‘âmma fî-l-mawsil. Ta’lîf Sâlim ‘Abd ar-Razzâq Ahmad. 9 volumes. Mossoul 1395-1400/1975-1980 (= al-Jumhûriyya al-‘irâqiyya. Ri’âsat dîwân al-’awqâf).

Ici, les trente-cinq collections rassemblées sont décrites l’une après l’autre, seules les plus vastes d’entre elles étant divisées par sujets. Bien que le neuvième volume contienne des indices alphabétiques d’auteurs et de titres, cela ne nous dispense guère, hélas, d’étudier les volumes en leur entier, à la recherche de titres d’intérêt musical. On trouvera quelques traités sur le problème du samâ’ et, entre autres, la plus ancienne copie d’ad-durr an-naqî fî fann al-mûsîqî (et du dîwân, écrit en 1124/1712, Cf. Fihris, tome 6, p. 256) d’Al-Musallam al-Mawsilî (m. vers 1150/1740), qui, en 1964, n’était pas à la disposition de son éditeur Jalâl al-Hanafî.

Parmi ces catalogues somme toute provisoires et d’utilisation difficile, citons les six volumes parus de la liste des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de Tunis :

Fihris al-makhtûtât (Titre français : Catalogue des manuscrits). Juz’ 1-6 (1ère-6ème partie). Tunis, Maslahat al-makhtûtât (Service des manuscrits). 20, Sûq al-‘attârîn, sans date (juz’ 1) – 1981 (juz’ 6). (= al-Jumhûriyya at-tûnisiyya. Wizârat ash-shu’ûn ath-thaqâfiyya. Dâr al-kutub al-wataniyya/République tunisienne. Ministère des Affaires culturelles. Bibliothèque Nationale).

Un examen superficiel des six volumes a révélé un exemplaire du Kitâb al-’imtâ‘ bi-’ahkâm as-samâ‘ d’Al-’Edfawî, mentionné plus haut (n° 3058, tome IV, p. 12 ; peut-être une autre copie, n° 4225 m, fut enregistrée par Zakariyyâ Yûsuf, op. cit.) ainsi que la copie de la Risâla al-Fathiyya (n° 4885, tome V, p. 178) de Muhammad ibn ‘Abd al-Hamid al-Lâdhiqî (m. vers 900/1495) qui a probablement servi au baron Rodolphe d’Erlanger pour sa traduction (La musique arabe, tome IV, Paris 1939, p. 257-498). Nous possédons de cette dernière œuvre, d’après les catalogues récents, d’au moins cinq manuscrits s’ajoutant aux deux copies connues de Farmer (Sources, 2ème éd., n° 317) et Shiloah (n° 182). Il semblerait que le plus ancien exemplaire d’entre elles se trouve dans la collection Ahmadiyya (Maktabat al-’awqâf) à Alep (n° 1206, écrit en 890/1485), suivi d’un exemplaire conservé à la Bibliothèque Ridawiyya à Meshed (n° 5369, copié en 957/1550).

La qualité d’un catalogue se voit à la manière dont les collections (majâmî ’) et les traités ou livres anonymes sont enregistrés. La note de Zakariyyâ Yûsuf, par exemple, concernant un assez grand livre de musique anonyme (incomplet sur 199 p.) conservé dans la Maktabat ad-Dâ’ûdiyya à Tétouan, pourrait donc un jour s’avérer importante. Les titres anonymes, particulièrement, sont souvent négligés par les compilateurs de catalogues, ce qui réduit sensiblement la valeur de leurs efforts.

Néanmoins, la situation actuelle, comparée à celle de 1932, est beaucoup plus favorable aux chercheurs en ce qui concerne le catalogage des manuscrits de musique et des manuscrits arabes en général. Ce dernier domaine en particulier s’est développé à pas de géant dans nombre de pays arabes pendant la décennie écoulée. Grâce à l’abondance de ces catalogues généraux, la préparation d’un catalogue spécial des manuscrits de musique est considérablement facilitée. On peut également souhaiter que les futurs auteurs d’histoires locales de la musique arabe prennent connaissance de l’héritage manuscrit de leur région et l’incorporent à leur présentation, comme l’a fait récemment, dans une belle publication, Mahmoud Guettat :

La musique classique du Maghreb. Paris, Sindbad, 1980 (= Collection Hommes et Sociétés. La bibliothèque arabe), p. 180-186 ’Les sources écrites’.

Parmi les manuscrits décrits dans cet ouvrage, on découvre le Mut’at al-asmâ‘ fî ‘ilm as-samâ‘ d’Ahmad ibn Yûsuf al-Tîfâshî (m. 651/1253), cette source d’importance singulière pour l’histoire de la musique arabe en Espagne médiévale, dont Muhammad ibn al-Tawît al-Tanjî avait publié, pour la première fois, un chapitre (Al-’abhâth, Beyrouth, tome 21, 1968, p. 93-116), et dont le seul manuscrit connu est conservé à la Bibliothèque Ibn ‘Ashûr à Tunis, aujourd’hui Bibliothèque Nationale. On attend l’édition de cette œuvre (annoncée par M. Guettât, op. cit., p. 181) avec la même impatience que celle du Hâwi al-funûn d’Ibn al-Tahhân et d’al-’imtâ‘ fi ’ahkâm as-samâ‘ d’Al-’Edfawi. Après le catalogage raisonné des manuscrits, leur édition (soit en fac-similé, soit en édition critique), devrait marquer la prochaine étape de leur diffusion dans le monde savant. Espérons donc que grandisse le nombre de spécialistes capables d’entreprendre ces deux tâches aussi nécessaires et méritoires que fastidieuses.

Addendum - Une édition fac-similé du Hâwî al-funûn wa-salwat al-mahzûn d’Ibn al-Tahhân a été publiée entre temps par l’Institut d’Histoire des Sciences arabo-islamiques à Frankfurt (Allemagne). Le texte a paru au mois d’août 1990. Auteur : Eckhard Neubauer - Source : OpenEdition Books

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* Manuscrits persans - Des manuscrits persans anciens, conservés dans des institutions comme la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC), contiennent des poèmes et des textes liés à la musique et à la culture persane du XIᵉ siècle. Ces documents offrent des informations précieuses sur les traditions musicales de l’époque. ​Azentis : Numérisation patrimoniale

* Codex Las Huelgas - Bien que ce manuscrit date du XIVᵉ siècle et soit originaire d’Espagne, il reflète l’influence de la musique andalouse, qui elle-même puise ses racines dans les traditions musicales arabes du XIᵉ siècle. Il contient des pièces polyphoniques qui témoignent des échanges culturels entre les mondes chrétien et musulman. ​Wikipédia, l’encyclopédie libre

Codex Las Huelgas{{}}

Image illustrative de l’article Codex Las Huelgas
Page du Codex Las Huelgas

Le Codex musical de Las Huelgas (Burgos, monastère de Las Huelgas, Codex IX) ou simplement le Codex Las Huelgas (Hu) est un manuscrit médiéval copié au début du XIVe siècle, au sein du monastère cistercien des religieuses de Las Huelgas, près de Burgos, situé sur le chemin de Compostelle, dans le nord de l’Espagne. Le couvent, fondé en 1187 et dédié à sainte Marie, avait des liens avec la famille royale de Castille et, fréquenté par les femmes de la haute aristocratie castillane, était richement doté.

Il contient 186 œuvres musicales de la période de la musique médiévale connue sous le nom d’Ars antiqua — l’un des derniers — allant du XIIe au début du XIVe siècle et des unica (musique, texte ou les deux), peut-être des pièces écrites pour le seul usage du monastère. Son répertoire allant des pièces dans le style de l’École de Notre-Dame (considéré comme ancien lors de la constitution du manuscrit) au style de l’époque, il est en fait un recueil de manières et de styles musicaux médiévaux. Il est l’unique manuscrit du Moyen Âge encore conservé dans son lieu d’origine [réf. souhaitée] et il appartient toujours au même ordre religieux où il a été copié, il y a plus de sept siècles.

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* Manuscrits d’Ibn Ghaybi Ibn Ghaybi, actif entre 1370 et 1435, a rédigé plusieurs œuvres sur la musique, notamment ’La signification des mélodies’ et ’La collection des mélodies’. Bien que postérieurs au XIᵉ siècle, ses travaux s’appuient sur des traditions antérieures et offrent un éclairage sur l’évolution de la musique islamique. ​https://www.musicologie.org

Ibn Ghaybi v. 1370-v. 1435 - Écrits relatifs à la musique{{}}

La collection des mélodies - Introduction, 12 chapitres, épilogue. Définition du son et de la note ; Monocorde (Safi al-din) et autres manières ; Les intervalles ; Les genres ; Les instruments à cordes ; Les modes ; La confusion des intervalles ; Les cycles du système modal parfait ; Les ligatures ; Sur les positions au luth, le chant, les instruments à cordes, vents, idiophones ; Les cycles à la manière des anciens ; De l’effet des notes sur l’âme ; épilogue : comment les musiciens doivent pratiquer.

La signification des mélodies :

Abrégé de « La collection des mélodies ».

Abrégé de la « Collection des mélodies ».

Commentaires sur le Kitab al-adwar{{}}

Définition des notes ; Les ligatures ; Les intervalles ; Dissonance ; Consonances ; Les cycles ; Les règles pour les instruments à deux cordes ; Accord du luth ; Le nom des cycles ; Les cycles à notes communes ; les degrés des tons ; L’accord particulier au luth ; Les périodes rythmiques ; L’effet des notes dur l’âme ; Comment pratiquer la musique - énumération des modes et de leurs racines ; Les quatre modes principaux ; Leurs quatre dérivations.

Les six awazat. Shahnaz : husayni, hidaz - Maya : nawa, busalik - Salmak : rahawi, zankula - Nuruz : buzurk, zirafkand - Kurdanya : rast, ushshak - Kuwasht, irak, isfahan - Les 25 modes dérivés - Comment les 25 branches dérivent des modes principaux - Détails à propos des awazat - Transposition des échelles - Les modes en relation aux moments du jour et de la nuit. Rast : avant le lever du soleil ; Husayni : au lever du soleil ; Maya : au petit déjeuner ; Irak : A midi ; Nahaswand, rast : entre les deux prières ; Mukhalif, hidjaz : après ;midi ; Busalik : coucher du soleil ; Ushshak : après le coucher du soleil ; Zankula : soir - Mukhalif al-rast : minuit ; Nawa, zirafkand : trois quarts de la nuit

La signification des mélodies (2) écrit en 1418 pour le sultan Murad II (Turquie) - Abrégé de la science musicale - Huit chapitres : Introduction : la beauté des voix ; Note, intervalle, système, définition du mot musique ; Le son ; Les frettes et leur calcul ; Les cycles réguliers du makamat (les 12 makamat, les 23 shaaba (modes dérivés) ; Combinaison des modes ; Les transpositions ; Rythmes, les six modes. Thakil-awwal, Thakil-thani, Khafif-thakil, Ramal, Hadjaz, Khafif-ramal

Manuscrits : {{}}

  • Ms. Sup. persan 1121, Paris, Bibliothèque de France, daté 1418, f. 1b-99b, La signification des mélodies en persan
  • Ms. Sup. persan 1774, id., daté 1656, f. 1a-204a, La collection des mélodies, en persan
  • Ms. Marsh 282, Oxford, Bodleian Library, La collection des mélodies, en persan
  • Ms. Ouseley 264, Oxford, Bodleian Library, daté 1418, f. 3b-57b, La signification des mélodies, en persan
  • Ms. Ouseley 385, Oxford, Bodleian Library, daté 1666, f. 3b-92b, La signification des mélodies, en persan
  • Ms. 288, Calcutta, Asiatic Society Library, La signification des mélodies, en persan
  • Ms. 3661, Qum, Bibliothèque de Ayat Allah Mar’aši Nagafí, daté 1617, f. 1-120a, Commentaire sur le Kitab al-adwar, en persan
  • Ms. 2385/f, Téhéran, Bibliothèque Nationale (Melli), f. 1b-271b, Commentaire sur le Kitab al-adwar, en persan
  • Ms. 565, Téhéran, Bibliothèque de Sepahâlâr, daté 1442, f. 1b-111b, Commentaire sur le Kitab al-adwar, en persan
  • Ms. 832, Téhéran, Bibliothèque de Malik, f. 1b-174a, La signification des mélodies, en persan
  • Ms. 1476, Téhéran, Bibliothèque de Malik, daté 1866, f. 1b-73a, Commentaire sur le Kitab, al-adwar en persan
  • Ms. 6295, Téhéran, Bibliothèque de Malik, f. 1b-290b, Commentaire sur le Kitab al-adwar, en persan
  • Ms. 6317, Téhéran, Bibliothèque de Malik, f. 31b-327b, La collection des mélodies, en persan
  • Ms. 3203, Téhéran, Bibliothèque Centrale de l’Université, daté 1874, 1b-106a, La signification des mélodies en persan
  • Ms. 5390, Méchhed, Bibliothèque de Astan-e-Quds, daté 1418, f. 1b-77b, La signification des mélodies, en persan
  • Ms. 6554, id., daté 1941, f. 2b-144b, La signification des mélodies, en persan
  • Ms. Cod. 271, Leiden, Universiteitsbliotheek, La signification des mélodies, en persan ; poésies consacrées à la musique
  • Ms. 280 A 3470, Istanbul, Topkapi Saray, Commentaire sur le Kitab al-adwar, en persan
  • Ms. 279 R. 1726, Istanbul, Topkapi Saray, daté 1435, f. 4b-65a, La signification des mélodies, en persan
  • Ms. 3644, Istanbul, Nuruosmania Kütüphanesi, daté 1415, f. 1b-120a, La collection des mélodies, en persan
  • Ms. 3645, Nuruosmania Kütüphanesi, f. 1b-245a, La collection des mélodies, en persan
  • Ms. 3651, Nuruosmania Kütüphanesi, f. 1b-118a, Commentaire sur le Kitab al-adwar, en persan
  • Ms. 3656, Nuruosmania Kütüphanesi, La signification des mélodies en persan
  • éditions
  • BINESH T. IVAN, Cultural Studies on Research Institute. 1987
  • —, University Press 1991 (commentaire)
    Bibliographie{{}}
  • The Encyclopaedia of Islam [E.J. Brill’s first encyclopaedia of Islam]. Leiden, E. J. Brill 1913-1936 [9 v., ill., 26 cm] (sup.) p. 4-5
  • COLLANGETTE S. J., étude sur la musique arabe. Dans « Journal Asiatique » (Xe s. IV), Paris 1904, p. 379. Et (VIII) 1906, p. 170-171
  • FARMER HENRY GEORG (1882-1965), The Source of Arabian Music. Bearsden 1940 [4-97 p., 26 cm] ; Leiden, E. J. Brill 1965 [xxvi-71p.] p. 300-305
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  • HELMHOTZ H. L. F. von, On the sensations of tones as a physiological basis for the theory of music. 1877 (4e édition) ; traduction anglaise, New York 1954
  • KIESENWETTER R. G., Die Musik der Araber. Leipzig 1842, p. 13, 21, 32-37, 58, 88
  • LAND JAN PETER NICOLAAS (1834-1897), Recherches sur l’histoire de la gamme arabe. Dans « Actes du VIe Congrès International des orientalistes », Leiden 1885
  • LAVIGNAC A., Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire (V)Paris 1922, p. 2977-2979
  • SCHAEFFNER ANDRE, Origine des instruments de musique. Dans « Introduction ethnologique à l’histoire de la musique instrumentale ». Paris 1968
  • SHARAF AL-DIN A. Y., Histoire de Timur-Bec. écrite en persan par Cherefed-din Ali, Natif d’Yazd (traduit en français par Fetis de la Croix) (I). Paris 1772. 2 v. p. 439 et 538.
    Jean-Marc Warszawski - Novembre 1995 - 17 juillet 2009

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« Pour accéder à toutes ces sources, il est recommandé de consulter les bibliothèques nationales, universitaires ou spécialisées qui détiennent ces manuscrits. De plus, certaines de ces œuvres ont été numérisées et sont disponibles en ligne, facilitant ainsi leur consultation ».

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Présentation de la Série ‘Personnages historiques autour du 11ème Siècle’

Partie 1 : ’Rachi de Troyes (1040-1105) : commentateur biblique talmudique, juif et intégré en France, conseiller (des juifs et des chrétiens), proche des Comtes de Champagne, un modèle de la diaspora juive – Musiques juives choisies’ par Jacques Hallard - 30 mars, 2025 - ISIAS Cultures Religions XIe siècle

Patie 2 : ’Grégoire VII (vers 1015/1020-1085), Bernard de Clairvaux (1090/1091-1153) et autres personnages marquants de la Chrétienté autour du 11ème siècle en Europe – Symboles et enregistrements actuels de musiques et chants du XIᵉ’ par Jacques Hallard - 02 avril 2025 - ISIAS Cultures Religions XIe siècle

Partie 3 : Nizam al-Mulk (1018-1092), Omar Khayyam (1048-1131), Al-Ghazali (1058-1111), et autres personnalités musulmanes marquantes du XIe siècle dans les cultures islamique, arabe et persane, avec musiques et chants liés

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#_topCollecte de documents et agencement, traduction, [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 04/04/2025

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