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"Foi et raison sont-elles compatibles ? Les voies musulmanes avec le soufisme selon le philosophe, mystique, poète, juriste Ibn Arabî (1165-1240) et la théologie islamique rationnelle du mutazilisme depuis le 8ème siècle" par Jacques Hallard
samedi 16 novembre 2024, par
ISIAS Islam Ibn Arabi Soufisme Mutazilisme
Foi et raison sont-elles compatibles ? Les voies musulmanes avec le soufisme selon le philosophe, mystique, poète, juriste Ibn Arabî (1165-1240) et la théologie islamique rationnelle du mutazilisme depuis le 8ème siècle
Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 16/10/2024
Plan du document : Préambule Introduction Sommaire Auteur
who was muhyiddin ibn arabi
In Who Was Muhyiddin Ibn Arabi ? – (Qui était Muhyiddin Ibn Arabi ?) – « Muhyiddin Ibn Arabi n’était pas seulement un mystique, un poète et un sage, mais aussi un écrivain révolutionnaire et intrépide dont les œuvres ont laissé une empreinte indélébile sur le monde… » - Source : https://www.thecollector.com/who-was-muhyiddin-ibn-arabi/
Quelques informations préalables utiles pour entrer dans ce dossier
Foi et raison sont-elles compatibles ? - Publié le 24/7/2024 - Le ‘Big Bang’ est-il une démonstration que le monde a été créé ? La théorie de l’évolution de Darwin est-elle la preuve que l’homme est arrivé par hasard dans le monde, sans qu’il y ait besoin de Dieu ? Graves questions, qui interrogent les rapports entre la foi et la science. Lire dans ce dossier
Source : https://www.collegedesbernardins.fr/mag-digital/foi-et-raison-quelle-relation
Quelle est la place de la raison en Islam ? - Il s’agit de la raison au sens de la sagesse. C’est ainsi que ce terme est souvent entendu par la majorité. Ce n’est pas de cette raison qu’il s’agit ici. La raison dans son sens moral ne pose problème ni à la religion ni à aucun autre système éthique puisque toute religion, selon ses adeptes, est sagesse. 16 avril 2023 – Lire dans ce dossier
Rappel - Le mot « islam » avec une minuscule désigne la religion dont le prophète est Mahomet. Le terme d’ « Islam » avec une majuscule désigne la civilisation islamique dans son ensemble, « un ensemble de traits matériels, culturels et sociaux durables et identifiables »….
Comment ne plus confondre islamique, islamiste et musulman ?
Selon l’Institut du Monde Arabe - La distinction entre Islam et islam, musulman et islamique est récente et ne connaît pas d’équivalent en arabe. Il s’agit d’une construction de chercheurs occidentaux s’intéressant au monde islamique, de plus en plus couramment utilisée. Néanmoins, elle n’est pas toujours respectée dans les médias, ni même dans tous les livres. Source : https://vous-avez-dit-arabe.webdoc.imarabe.org/religion/islam-et-islam-musulman-islamique-ou-islamiste/comment-ne-plus-confondre-islamique-islamiste-et-musulman
Institut du Monde Arabe
La chrétienté, avec une minuscule, désigne le monde chrétien, notion regroupant, dans son acception culturelle, une assemblée de croyants, les chrétiens, adeptes du christianisme, rassemblés derrière des idéaux religieux et des doctrines spirituelles1. Cette notion perdure jusqu’au IXe siècle pour désigner traditionnellement une condition et une communauté, avant de connaître un glissement sémantique vers un sens social et spatial2.
La Chrétienté, avec une majuscule, correspond, elle, au passage de la « spatialisation » à la « territorialisation » de cette communauté de croyants, liée à l’apparition d’un pouvoir qui tient pour sa mission essentielle la défense des chrétiens. L’usage historiographie la rattache à une période historique du christianisme occidental, qui va de l’affirmation de l’empire carolingien au IXe siècle2, à celle du début du Saint-Empire romain germanique, vers le XIIe siècle1, au cours de laquelle l’Église quadrille le territoire européen1,3… - Source
Quelle est la différence entre christianisme et chrétienté ?
« Le christianisme se définit comme l’ensemble des confessions fondées sur le Christ, fils de Dieu fait homme, c’est-à-dire Dieu lui-même. Tandis que la chrétienté relève de l’histoire des sociétés, le christianisme relève du fait religieux incarné dans la vie des personnes ». 09 mars 2022
Le catholicisme est la religion des chrétiens reconnaissant l’autorité du pape et des évêques en communion avec lui, notamment pour l’établissement de leur doctrine, sa transmission et l’organisation de leur culte. L’Église catholique considère que tout baptisé dans l’Église catholique est catholique, mais elle ne définit pas de critères d’appartenance. Avec près de 1,1 milliard de membres sur Terre en 2010 selon le Pew Research Center1, elle est la première Église chrétienne dans le monde, le christianisme étant également la religion majoritaire au niveau mondial. L’adjectif « catholique » renvoie au symbole de Nicée et est interprété par l’Église catholique comme signifiant « se situer dans la continuité d’une tradition bimillénaire de recherche d’unité et d’universalité »2. Dans le catholicisme la vie chrétienne est marquée par les sacrements : le baptême, la confirmation, l’Eucharistie, la réconciliation, le mariage, l’onction des malades, et, pour les diacres, les prêtres et les évêques, l’ordination. Le catholicisme peut être vécu selon divers états de vie et dans une grande diversité de courants et d’organisations qui font tous partie de l’Église catholique. La grande majorité des catholiques font partie de l’Église latine, mais l’Église catholique comprend également 23 Églises catholiques orientales qui ont, entre autres particularités, le droit d’ordonner prêtres des hommes mariés3. Historiquement, l’usage du terme « catholicisme » remonte au XVIe siècle pour marquer la différence avec les confessions protestantes au sein de l’Occident chrétien, mais par anachronisme, l’historiographie catholique utilise ce terme pour désigner le christianisme nicéen du premier millénaire organisé en pentarchie, ce qui, conformément à la doctrine de la foi catholique, fait apparaître l’Église de Rome comme seule continuatrice directe de l’église primitive… - Source
Rappel chronologique concernant quelques personnages musulmans cités dans ce dossier :
- Ibn Tufayl ≃ 1110-1185 - Philosophe andalou d’origine (Al-Andalus), astronome, médecin, mathématicien, mutazilite et soufi. Il est né vers 1110 à Wadi-Asch, aujourd’hui Guadix, à une soixantaine de kilomètres de Grenade et il est mort en 1185 à Marrakech… Wikipédia
- Averroès = Ibn Ruchd de Cordoue 1126-1198 - Philosophe, théologien, juriste et médecin musulman andalou de langue arabe du XIIᵉ siècle, né le 14 avril 1126 à Cordoue en Andalousie et mort le 10 décembre 1198 à Marrakech au Maroc… Wikipédia
- Ibn Arabi 1165-1240 - Théologien, ouléma, juriste, poète, soufi, métaphysicien et philosophe arabo-andalou, auteur d’environ 850 ouvrages. Il naquit le 26 juillet 1165, à Murcie, et il est décédé le 16 novembre 1240, à Damas en Syrie… - Wikipédia
- Ibn Khaldoun 1332-1406 – Historien, économiste, géographe, démographe, précurseur de la sociologie et homme d’État d’origine arabe. Il est né le 27 mai 1332 à Tunis (sultanat hafside de Tunis) et il est mort le 17 mars 1406 au Caire …- Wikipédia
« Le soufisme désigne les pratiques ésotériques et mystiques de l’islam visant la « purification de l’âme » en vue de se « rapprocher » de Dieu… - Wikipédia – « Le soufisme est un aspect de la sagesse éternelle, universelle, qui s’est incarné dans le corps de la religion islamique, née en Arabie au 7ème siècle. On peut le définir comme la dimension intérieure, spirituelle de l’islam, et de l’islam sunnite pour l’essentiel ».
« Le mutazilisme (ou mu’tazilisme mais aussi Al mu’tazila) désigne l’une des 1ères écoles de théologie islamique apparue dès le 8ème siècle de l’ère chrétienne. Le but était d’allier la raison à la foi, c’est-à-dire d’aborder la Révélation à la lumière de la réflexion (fikr) et du discernement (furqân) ».
Le mutazilisme, ou mu‘tazilisme dit aussi Al-mu’tazila, est une école de théologie musulmane (’Aqîda) qui se développe à partir du IIe siècle de l’Hégire/VIIIe siècle apr. J.-C. - Ce courant rejette radicalement l’anthropomorphisme divin, réfute l’idée que le Coran serait éternel et incréé et accorde une place centrale à la notion de libre arbitre humain dans ses fondements1. La théologie mu’tazilite se développe notamment grâce aux œuvres traduites de la philosophie grecque. Les outils développés par les Grecs, logique, raisonnement rationnel etc, sont alors remobilisés par ces théologiens musulmans en synergie avec les sources musulmanes, Coran et Sunna. Le rationalisme mu’tazilite n’est pas un rationalisme séculier, les Mu’tazilites sont des rationalistes théologiques, puisqu’ils n’entendent pas formuler un système uniquement par l’exercice de la raison, indépendamment de toute Révélation. Les penseurs de cette école ne construisent pas un système de vérités basé sur la seule raison. Ils sont convaincus que les compréhensions religieuses sont accessibles à l’homme au moyen de son intelligence et de sa raison2. Le mu’tazilisme est aujourd’hui peu représenté dans la communauté musulmane ; le courant a connu un déclin progressif après l’établissement par le pouvoir abbasside du traditionalisme sunnite. L’approche héritée du mutazilisme reste aujourd’hui utilisée par des chiites, en particulier les zaïdites (Zayd ibn Ali fut lui-même l’élève de Wassil, théologien précurseur du mu’tazilisme)3 et dans le chiisme duodécimain4. La doctrine fit ensuite décrétée hérétique5… - Wikipédia
Ce dossier reprend le sujet plusieurs fois abordé sur ISIAS, notamment avec les mises en ligne suivantes sur foi et raison :
Autre lecture suggérée : ’Ibn Tufayl (en arabe : ابن طفيل ) écrivain musulman et penseur andalou du 12ème siècle, astronome, médecin, mathématicien, mutazilite et soufi, auteur du ’Hayy ibn Yaqzan’, conte philosophique (la nature, la vocation et l’avenir de l’Homme)’ par Jacques Hallard - 24 septembre 2024 - ISIAS Philosophie Islam Judaïsme
Les documents sélectionnés pour dossier proposent de réfléchir à la compatibilité entre la foi et la raison dans l’islam, et à son écho concomitant dans la chrétienté (catholisisme)…
Le titre de ce dossier fait ressortir deux approches historiques – trop peu connues face aux courants islamiques dominants de nos jours : la voie musulmane avec le soufisme, incarnée particulièrement dans ce que l’on sait d’Ibn Arabî (1165-1240) philosophe, mystique, poète, juriste d’Al Andalus, d’une part, et de ce qu’exprime la théologie islamique rationnelle du mutazilisme depuis le 8ème siècle, d’autre part…
Rappel sur Al-Andalus – C’est l’ensemble des territoires de la péninsule Ibérique et certains du Sud de la France qui furent, à un moment ou un autre, sous domination musulmane entre 711 et 1492. L’Andalousie actuelle, qui en tire son nom, n’en constitua longtemps que la partie la plus méridionale… - Capitale : Cordoue (929–1031) ; Séville (1147–1162) ; Cordoue (1162–1163) ; Séville (1163–1248) ; Grenade (1248-1492) - Langue(s) : Arabe (officiel et véhiculaire),.Monnaie : Dinar - Religion : Officielle : Islam sunnite - Wikipédia
Les articles sélectionnés pour ce dossier sont mentionnés avec leurs accès dans le sommaire ci-après
Retour au début de l’introduction
- Les musulmans et le lourd héritage d’une raison décriée – Par Razika Adnani - Dimanche 16 Avril 2023 - Document ‘lescahiersdelislam.fr’ Défis & enjeux contemporains
- Une entrée comme une autre : Le soufisme, une voie musulmane vers l’écologie ? - Entretien avec Abd El Hafid Benchouk - 24 juin 2016 à 09h47 Mis à jour le 12 novembre 2019 à 09h47 – ‘Reporterre’ Extrait - Entretien — Écologie et spiritualité
- Dialogue d’érudits au Chili entre Claude Addas et Marcelo Jara sur Ibn Arabi – Vidéo vivante 47:51 - Sortie le 04 novembre 2018 – Ouvrage « Le Vaisseau de pierre » de Claude Addas – Enregistrement brièvement introduit en espagnol
- Approche historique, philosophique, poétique et mystique : Ibn Arabî et « le voyage sans retour » - Par Claude Addas - [extraits] – Diffusé par ‘archipress.org’
- Rappel – Lire et comprendre le Coran selon Ghaleb Bencheikh – Vidéo 29:33 - 28 décembre 2020 – France Culture
- Le Soufisme – Vidéo 15:57 - Campus Lumières d’Islam - 29 novembre 2020
- Note sur la Fondation de l’islam de France
- Les grandes figures du soufisme avec Ghaleb Bencheikh – Vidéo 25:09 - 28 décembre 2020 – Diffusé par ‘France Culture’
- Quelques clés pour s’ouvrir à l’oeuvre d’Ibn ‘Arabî par Eric Geoffroy – Vidéo 37:27 - Conscience Soufie - Sortie le 27 septembre 2021
- ’Explique-moi Ibn Arabi’ : Gregory Vandamme – Vidéo 53:28 - ISTHME Culture soufie - Sortie le 24 mars 2024
- Ibn ’Arabî et la mystique soufie – Vidéo 39:34 - Vision Juste - 21 août 2024
- Ibn Arabi, une voie intérieure dans l’Islam – Vidéo 1:18:43 - Les philosophes de l’âme #15 - Nouvelle Acropole France – 1er juillet 2024 – [Approche iranienne]
- La religion s’oppose-t-elle à la raison ? – Document ‘digischool.fr’
- Point de vue catholique - Deux sources de connaissances – Publié le 24/7/24 – Document ‘collegedesbernardins.fr’
- Le concept de l’Homme en Islam - Dimanche 29 septembre 2024 - Enregistrement ‘France Culture’ 53 minutes - Provenant du podcast Questions d’islam
- Foi et raison en islam - Théologie mutazilite - Dimanche 6 octobre 2024 – Enregistrement ‘ France Culture’ de 53 minutes - Provenant du podcast Questions d’islam
Retour au début du sommaire
Retour au début de l’introduction
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Les musulmans et le lourd héritage d’une raison décriée –Par Razika Adnani - Dimanche 16 Avril 2023 - Document ‘lescahiersdelislam.fr’ Défis & enjeux contemporains
La question des rapports entre raison et religion est probablement l’une de celles qui ont le plus préoccupé les musulmans.
Avant de l’aborder, il est nécessaire de préciser ce que l’on entend par « raison », ce terme étant utilisé en de multiples sens. Le premier désigne ce qui relève de la morale et du bon sens : la faculté qui distingue le bien du mal, le convenable de l’inconvenant, conformément aux critères de la morale et aux règles de la société. Il s’agit de la raison au sens de la sagesse. C’est ainsi que ce terme est souvent entendu par la majorité. Ce n’est pas de cette raison qu’il s’agit ici. La raison dans son sens moral ne pose problème ni à la religion ni à aucun autre système éthique puisque toute religion, selon ses adeptes, est sagesse.
Cet article a déjà fait l’objet d’une publication dans la revue le Monde des religions. Il est publié ici avec l’aimable autorisation de l’auteure.
Razika Adnani est écrivaine, philosophe et islamologue. Elle est membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France, membre du conseil scientifique du Centre Civique d’Étude du Fait Religieux (CCEFR), membre du groupe d’analyse de JFC Conseil et Présidente Fondatrice des Journées Internationales de Philosophie d’Alger.
Razika Adnani a abordé la question de la raison dans la pensée musulmane dans ses deux ouvrages : Islam : quel problème ? Les défis de la réforme , Upblisher, France, 2017 et Afrique Orient, Maroc, 2018 et Le blocage de la raison dans la pensée musulmane, Afrique Orient, Maroc, 2011.
La raison qui pose problème à la religion est, elle aussi, une faculté de distinction. Elle distingue le juste du faux en s’appuyant sur des critères de logique et de rationalité, et non sur des références liées à la morale et au bon sens. {{}}
Il s’agit de la raison dans son sens scientifique et épistémologique. Son rôle est de permettre à la pensée de passer d’une étape de son raisonnement à une autre dans un enchaînement cohérent. La raison veille donc au bon fonctionnement de l’activité de la pensée, c’est-à-dire de la réflexion. Selon cette définition, la raison est une faculté distincte de la pensée, mais ne s’exprime qu’à travers celle-ci. En revanche, la pensée peut effectuer son activité de réflexion sans se référer à la raison ; toute pensée n’est pas raison. Cependant, elle peut se confondre avec la pensée lorsque celle-ci est rationnelle ; on utilise alors le terme raison pour désigner la pensée rationnelle.
Les mutazilites, courant rationaliste en islam{{}}
La question de la raison s’est introduite dans la pensée musulmane au VIII e siècle. Parmi ceux qui ont recouru à ses règles et les ont revendiquées, figurent les hanafites, adeptes de la première école juridique en islam, l’école hanafite ; ceux-ci ont pratiqué le raisonnement dans le domaine juridique. Le courant rationaliste dans la civilisation musulmane est également porté par des philosophes : tous ont été préoccupés par la question de la conciliation de la foi et de la raison.
Toutefois, les adeptes du mutazilisme demeurent les représentants du rationalisme islamique. Ils ont marqué la pensée musulmane de la première période, c’est-à-dire celle qui se situe entre la date de la mort du Prophète, en 632, et celle de la mort d’Averroès, en 1198. Les mutazilites ont pris part aux débats épistémologiques concernant la question de la source de la connaissance. Pour eux, les textes sacrés sont certainement une source de savoir, mais les musulmans doivent également user de leur intelligence et de leur faculté de réflexion comme seconde source. Si la connaissance est révélée et transmise, elle ne peut pas n’être que cela et doit également être construite.
L’originalité des mutazilites vient du fait qu’ils ont introduit dans le débat épistémologique, au sein de la pensée musulmane, un nouvel élément : la raison, dans son sens aristotélicien. Autrement dit, comme une faculté rationnelle dont la fonction est de veiller à ce que la pensée ne commette pas d’erreurs de raisonnement. Ils justifient leur position par le fait qu’il ne suffit pas de réfléchir : il faut aussi bien réfléchir, c’est-à-dire le faire d’une manière correcte et exempte de contradictions.
Convaincus que la religion ne peut être bien réfléchie qu’avec une pensée rationnelle, les mutazilites ont plaidé pour l’usage de la raison. Ils ne se sont pas contentés, dans cette position, de la théorie ; ils ont pratiqué le raisonnement dans leur travail, que ce soit dans le domaine exégétique, juridique, ou encore théologique. Selon Ibn Khaldoun, les hanafites, qui ont pratiqué le raisonnement dans le domaine juridique, étaient influencés par les mutazilites.
Les mutazilites et leurs opposants {{}}
Les opposants aux mutazilites étaient évidemment nombreux. Parmi les plus farouches, les littéralistes, terme qui désigne les adeptes de toutes les écoles prônant l’interprétation littérale. Leur discours est fondé sur l’idée que seule la révélation est source de connaissance et que le rôle de la pensée est de transmettre la vérité telle qu’elle lui avait été révélée. Quant à la raison et ses règles, ils les rejetaient, ne voyant pas d’autres critères de vérité que le sens apparent des textes pour permettre à la pensée de distinguer le juste du faux.
Se fier aux règles de la raison comme critères de vérité était, selon eux, encore plus dangereux pour la religion que la pensée elle-même. Ils ont accusé la raison d’être une menace pour la religion. Leur argument : la raison est une méthode pour la philosophie et non pour la religion – philosophie qui, elle aussi, a été accusée d’être étrangère à l’islam. Pour mettre fin à l’activité de la pensée – considérée comme une intrusion humaine dans le savoir divin –, les littéralistes ont mis en place deux principes. Le premier pour contrer la pensée créatrice : toute innovation est un égarement. Le second pour contrer la pensée rationnelle : la religion est une question de cœur et non de raison.
Les soufis ont eux aussi mis en place une théorie épistémologique se fondant sur l’idée que la vérité est révélée et dévoilée. Elle n’est donc ni du domaine de la pensée ni de celui de la raison, car une fois dévoilée, la vérité ne se démontre pas, elle se déguste. Ce qui place les soufis du côté des opposants des mutazilites. La théorie chiite de l’imamat s’inscrit dans la même position épistémologique que celle des soufis, étant donné qu’elle aussi considère que la vérité est dévoilée et inspirée à l’imam. Elle n’est donc pas du ressort des facultés intellectuelles des humains.
La fin du XIIe siècle signe la défaite du rationalisme islamique et la disparition des mutazilites. Cette défaite de la raison s’inscrit dans celle de la pensée rationnelle et créatrice, car la pensée magique et celle qui se contentait d’imiter le savoir des anciens et de le justifier ont continué au contraire à s’exprimer.
La raison dans la pensée musulmane contemporaine {{}}
Il faut attendre le XIXe siècle pour que la question de la raison se pose à nouveau dans la pensée musulmane. Le contact avec la civilisation occidentale fait prendre conscience aux musulmans de leur retard par rapport à un Occident très avancé. Certains penseurs – en majorité égyptiens et libanais ayant poursuivi des études en France, notamment, et influencés par l’esprit cartésien et le principe de liberté d’expression –, commencèrent à comprendre que si les musulmans voulaient rattraper ce retard, ils devaient libérer la pensée et l’intelligence, et encourager la raison. Les religieux n’étaient pas insensibles à cette question de retard. Dans leur discours, on dénote également un changement de position vis-à-vis de la raison.
À partir de ce moment, il n’y eut aucun ouvrage d’un musulman qui n’évoquait la question de la raison et ne faisait son éloge. Il existe désormais une forme de consensus général fondé sur l’idée que l’islam est une religion de raison, que l’exercice du raisonnement est une injonction divine, et qu’il n’y a pas d’antagonisme entre raison et islam.
Cependant, ce discours s’empresse d’ajouter que la raison ne doit pas outrepasser certaines limites. Ainsi, ce discours très flatteur à l’égard de la raison se termine systématiquement par des termes restrictifs, tels que « sauf », « à condition que ». Quel que soit le plaidoyer en faveur de la réflexion et de la critique rationnelle, le cadre qui limite ces activités intellectuelles est sans cesse rappelé. Très peu sont ceux qui dénoncent les limites tracées par les religieux empêchant la raison de s’exprimer librement, ce qui constitue un obstacle au renouvellement de la pensée musulmane.
Le double langage du discours religieux à l’égard de la raison {{}}
Lorsqu’on s’intéresse à la question de la raison dans la pensée musulmane, un autre élément qui retient l’attention est le double langage du discours religieux à l’égard de cette faculté. Il vante ses mérites et déclare que l’islam est une religion de raison, mais affirme en même temps que la religion est une question de cœur et non de raison. La raison est ainsi tantôt honorée et louée, tantôt présentée comme un danger qui menace la religion.
Ce double langage n’est pourtant pas une contradiction. Il s’agit plutôt d’un discours qui concerne deux sujets différents – quand bien même il utilise le même terme de « raison ». Lorsqu’il appelle à se méfier de la raison, lorsqu’il la déprécie et la discrédite, c’est en tant que faculté rationnelle qui distingue le juste du faux qu’il le fait. En revanche, lorsqu’il l’honore et la glorifie, c’est de la raison au sens moral, de sagesse et de bon sens qu’il s’agit. Ce double langage s’explique, d’une part, par l’image négative de la raison héritée de la guerre menée par les littéralistes et les conservateurs contre les mutazilites et les philosophes, et d’autre part par le fait que le Coran évoque le terme « raison » dans le sens de sagesse. C’est ainsi que les musulmans le comprennent et le défendent.
Il y a aussi le fait que le terme « raison » est souvent utilisé pour désigner simplement la pensée. Certains parlent aujourd’hui de « raison arabe » et de « raison islamique », alors que la raison est universelle et la singularité est le critère de la pensée. Selon Abdel Amir al-Assam, historien et philosophe irakien contemporain, ces expressions montrent une régression dans la compréhension du terme « raison » en comparaison avec ce qu’elle était dans la première période de la pensée musulmane.
Le blocage de la raison se poursuit tranquillement {{}}
Ainsi, la raison, dans la pensée musulmane contemporaine peine à retrouver son vrai sens épistémologique. Les penseurs contemporains ayant relancé au XIXe siècle le débat n’ont pas réussi à la réhabiliter. Ils ne sont pas parvenus à se libérer d’un lourd héritage qui l’accuse de représenter une menace pour la religion. Les limites qu’ils lui imposent pérennisent son blocage.
De fait, la pensée des musulmans continue d’être soumise à la léthargie et aux incohérences, contexte ayant permis au littéralisme et au salafisme, sources du fanatisme, de s’installer confortablement dans les esprits. Beaucoup voient aujourd’hui dans le soufisme la solution pour sortir de l’emprise salafiste. Or, l’épistémologie du soufisme est fondée elle aussi sur des principes qui n’encouragent ni l’intelligence ni la pensée rationnelle. Elle favorise, en revanche, la pensée magique et la superstition qui prennent une ampleur effrayante au sein des sociétés maghrébines aujourd’hui, ajoutant ainsi un obscurantisme à celui qui existe déjà.
Bibliographie : {{}}
Razika Adnani, Islam : quel problème ? Les défis de la réforme, Upblisher, France, 2017 et Afrique Orient, Maroc, 2018
Razika Adnani, Le blocage de la raison dans la pensée musulmane, Afrique Orient, Maroc, 2011.
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Source : https://www.lescahiersdelislam.fr/Les-musulmans-et-le-lourd-heritage-d-une-raison-decriee_a2069.html
Une entrée comme une autre : Le soufisme, une voie musulmane vers l’écologie ? - Entretien avec Abd El Hafid Benchouk - 24 juin 2016 à 09h47 Mis à jour le 12 novembre 2019 à 09h47 – ‘Reporterre’ Extrait - Entretien — Écologie et spiritualité
L’harmonie avec la nature et le respect du vivant se trouvent au cœur de la pratique de la confrérie soufie naqshbandi, où la chose extérieure recèle toujours un sens intérieur. Reporterre est allé à la rencontre d’Abd El Hafid Benchouk, membre de cette confrérie, dans la petite boutique de sa société, Les Deux Orients, boulevard Ney, à Paris.
Abd El Hafid Benchouk est membre de la confrérie soufie naqshbandi et créateur de la société Chifa — « santé, guérison » en arabe — qui conditionne et vend des produits de santé naturelle. Né en Algérie et arrivé en France à l’âge de 5 ans, son parcours l’a amené à trouver en islam sa voie spirituelle, dans le soufisme.
https://reporterre.net/IMG/jpg/dsc00237_-_copie.jpg
Abd El Hafid Benchouk.
Lire le texte complet de cet entretien à la source
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Source : https://reporterre.net/Le-soufisme-une-voie-musulmane-vers-l-ecologie
Dialogue d’érudits au Chili entre Claude Addas et Marcelo Jara sur Ibn Arabi – Vidéo vivante 47:51 - Sortie le 04 novembre 2018 – Ouvrage « Le Vaisseau de pierre » de Claude Addas – Enregistrement brièvement introduit en espagnolClaude AddasClaude Addas
Ces dernières décennies ont vu la multiplication des publications sur Ibn Arabî et son école [1] : traductions et essais se succèdent à une cadence accélérée et la doctrine d’Ibn Arabî est commentée, analysée, disséquée, avec plus ou moins de bonheur selon les cas. Force est de constater toutefois qu’aucun travail d’envergure n’a été effectué jusqu’ici sur l’oeuvre poétique d’Ibn Arabî dans son ensemble. Certes, dès 1911, Nicholson publiait à Londres l’édition et la traduction du Tarjumân al-ashwâq
[2] et, plus récemment, quelques spécialistes n’ont pas craint de s’aventurer dans le
Dîwân d’Ibn Arabî imprimé à Bûlâq. [3] Mais, au regard de ce qui reste à défricher, ces téméraires incursions représentent bien peu. Elles ne permettent pas en tout cas de saisir la place éminente qu’occupe la poésie dans l’oeuvre d’Ibn Arabî et moins encore de comprendre le rôle majeur qu’il lui assigne comme support doctrinal. Je n’ai certes pas la prétention de combler cette lacune ; mon propos est, plus modestement, de donner un bref aperçu de cette terra incognita et des richesses qu’elle recèle.
Le voyage est un thème récurrent chez les mystiques musulmans et un grand nombre de termes du lexique technique du tasawwuf s’y rapporte, sans qu’on y prête toujours attention : sulûk, tarîq, mi‘râj, mawqif, etc… sont autant de vocables pour désigner et décrire ce qu’est fondamentalement la quête de Dieu : un long périple qui engage le viator dans les profondeurs obscures de son être pour le conduire vers l’éclatante lumière de l’Un sans second. Chez Ibn Arabî, la notion de voyage est omniprésente et les cinq cent soixante chapitres des Futûhât ne sont, en définitive, qu’une invitation réitérée à chaque page de lever l’ancre sans plus attendre puisqu’aussi bien il nous faudra tôt ou tard accomplir l’inéluctable traversée : [4]
“Nous appartenons à Dieu et c’est à Lui que nous retournons”(Cor 2:156).
Des multiples voyages que décrit Ibn Arabî, c’est celui auquel il nous convie dans le chapitre 8 des Futûhât que je voudrais évoquer. [5] Le Shaykh y évoque longuement la “Terre de la Réalité” (ard al-haqîqa) qui fut modelée, nous dit-il, à partir du surplus de l’argile d’Adam. Elle se situe dans le Monde Imaginal (âlâm al-khayâl) et fait donc partie du barzakh, “l’isthme” qui conjoint tous les ordres de réalité. Dans cette terre spirituelle, où les corps sont d’une consistance subtile tandis que que les intelligibles s’y revêtent d’une forme, on ne pénètre que par “l’esprit” ce qui ne veut nullement dire par l’imagination au sens commun du mot, laquelle n’est apte qu’à combiner les images recueillies dans le monde sensible. Ces explications préliminaires, que j’ai sommairement résumées, sont suivies du témoignage de quelques voyageurs spirituels qui, tel Dhu-l-Nûn al-Misrî, ont eu le privilège de parcourir cette contrée prodigieuse : cités d’or, d’argent, de safran, de musc, fruits d’une saveur inouïe, océans de métaux précieux qui se joignent sans que se mêlent leurs eaux. Le caractère “fantastique” de ces descriptions ne doit pas nous abuser ; la ard al-haqîqa n’est pas un royaume mythique. Elle a beau être “ma‘nawiyya”, spirituelle, elle n’en n’est pas moins aussi réelle que le sol que foulent nos pieds. Elle est d’abord et avant tout la Terre de l’Adoration la plus pure rendue à Dieu. [6]
Et c’est sans doute pour nous rappeler cette vérité essentielle qu’Ibn Arabî rapporte ensuite qu’il a vu dans ce monde, une Ka’aba, dépouillée de son voile, parler à ceux qui accomplissent les tournées rituelles et leur octroyer des sciences spirituelles.
Mais le témoignage suivant nous plonge dans un univers qui n’est pas sans rappeler certaines peintures surréalistes :
J’ai vu dans ce monde, rapporte le Shaykh, une mer de sable aussi fluide que l’eau ; j’ai vu des pierres, petites et grandes, mutuellement attirées les une vers les autres, tel le fer vers l’aimant. Jointes les unes aux autres, elles ne peuvent se dissocier à moins qu’on n’intervienne directement, de la même façon que l’on sépare le fer de l’aimant sans qu’il puisse s’y opposer. Mais, si on s’abstient de le faire, ces pierres continuent d’adhérer les unes aux autres sur une distance déterminée. Lorsqu’elles sont toutes unies, cela constitue la forme d’un navire. J’ai moi-même vu ainsi se former une petite embarcation et deux nefs. Quand un vaisseau est ainsi constitué, les habitants le mettent à l’eau, puis ils embarquent pour voyager où bon leur semble. Le plancher du navire est fait de particules de sable ou de poussière soudées les unes aux autres de manière spécifique. Jamais je n’ai rien vu d’aussi merveilleux que ces vaisseaux de pierre voguant sur un océan de sable ! Toutes les embarcations ont la même silhouette ; le vaisseau possède deux flancs à l’arrière desquels se dressent deux énormes colonnes plus hautes que la taille d’un homme. Le sol du navire à l’arrière est à hauteur de la mer sur laquelle il s’ouvre sans qu’un seul grain de sable pénètre à l’intérieur. [7]
Etrange récit que l’on classerait volontiers sous la rubrique des ajâ‘ib, ces mirabilia dont regorge la littérature arabe. Toutefois, une lecture attentive du vocabulaire employé par Ibn Arabî dans ce passage fait apparaître que cette “histoire fantastique” masque un enseignement doctrinal subtil. Non qu’il s’agisse d’une simple allégorie. Dans le Mundus Imaginalis, où un carré peut être rond, où ce qui est petit peut contenir ce qui est grand, Ibn Arabî a certainement été le témoin émerveillé de cette singulière navigation. Mais la relation de cette expérience est moins pour lui l’occasion de nous étonner que le moyen de nous instruire discrètement d’un principe initiatique dont la scène qu’il décrit est, à ses yeux, l’expression concrète. [8]
Aussi a-t-il emprunté les termes-clés qui ordonnent ce récit à un lexique spécifique de la linguistique arabe. Si bahr est le terme couramment employé pour signifier la mer, il est aussi celui qui, dans le lexique de la poétique arabe, sert à désigner le mètre d’un poème. De même, ramal, qui, dans l’usage courant, signifie “sable”, est la dénomination de l’un des seize mètres que compte la prosodie arabe classique. L’emploi d’une terminologie empruntée au lexique de la poétique arabe n’a évidemment rien de fortuit. Située dans ce contexte, l’histoire des vaisseaux de pierre qui voguent sur une mer de sable n’a plus rien d’un délire onirique : le vaisseau (safîna) représente la qasîda, le poème arabe classique ; les pierres indissociables, ce sont les kalimât, les mots qui, assemblés les uns aux autres, forment des vers dont la totalité constituent le poème ; les deux flancs du navire figurent les deux hémistiches du vers et les deux colonnes renvoient aux deux “piliers”, watad, de la métrique arabe. Ainsi, dans un langage à peine crypté, Ibn Arabî nous signifie que la poésie est le moyen privilégié de “voyager” dans le monde imaginal dont elle véhicule les réalités spirituelles (haqâ’iq) qui, par nature, sont supra-formelles.
Un autre texte d’Ibn Arabî, inédit celui-là, corrobore l’interprétation que je propose de ce passage des Futûhât. Il s’agit du Dîwân al-ma‘ârif al-ilâhiyya et, plus précisément, de la longue préface qui inaugure ce vaste “Recueil des connaissances divines“. [9] J’ai déjà eu l’occasion, ailleurs, [10] de décrire ce Dîwân d’après les trois manuscrits recensés par Osman Yahyia. [11] Des diverses conclusions auxquelles ont abouti mes investigations, je rappellerai simplement ceci : lorsqu’il entreprit la rédaction du Dîwân al-ma‘ârif, l’intention du Shaykh al-akbar était, selon ce qu’il explique au début du texte, de rassembler dans une somme unique l’intégralité des vers qu’il avait composés et dont il conservait le souvenir ou la trace écrite. [12] Mais la réalisation de ce colossal projet, auquel il n’était pas en mesure de consacrer tout son temps, nécessita de nombreuses années. Aussi, des recensions partielles de la Somme en cours de rédaction ont-elles commencé à circuler avant qu’elle ne soit totalement achevée- si tant est qu’elle ne le fût jamais [13] – de sorte que, de cet opus magnum, nous ne possédons plus que des multiples fragments.
Les remarques qui suivent n’épuisent pas, loin s’en faut, les nombreux commentaires et les développements doctrinaux qu’appellerait la préface du “Grand Dîwân”. Elles démontreront à tout le moins, j’espère, l’intérêt qu’il y a pour les spécialistes d’Ibn Arabî et tous ceux qui sont attachés à son enseignement à regrouper leurs efforts en vue de reconstituer ce monument de la poésie mystique arabe.
Louange à Celui qui a créé l’homme et lui a enseigné l’éloquence (bayân) et qui a fait descendre les quantités (maqâdîr) et les mesures (awzân)…
Ibn Arabî n’est pas homme à s’encombrer de préambules conventionnels et si la doxologie est une règle du discours musulman- pieusement répétitive chez la plupart des auteurs- elle est tout autre chose chez lui que l’exécution d’une figure obligée. Dès la première ligne, il prend la Révélation à témoin [14] pour énoncer, discrètement certes, que les principes majeurs qui régissent la poétique arabe- l’éloquence, l’harmonie, la symétrie- sont d’institution divine. Et de poursuivre par des considérations cosmologiques plus explicites : Dieu a doté l’univers, souligne-t-il, d’une structure analogue à celle qui ordonne le bayt al-shi‘r, le vers d’un poème. [15] Il repose, comme lui, sur deux “cordes” (sabab, terme qui désigne l’un des principaux éléments de la métrique arabe) ; l’une, “légère”, qui est le monde spirituel, l’autre, “épaisse”, qui est le monde corporel ; deux “piliers” (watad qui est le second élément métrique majeur) le soutiennent également : l’un est la constitution et la génération des choses, l’autre, leur décomposition et leur dissolution. En somme, observe le Shaykh al-akbar, le monde est une parole toute de rythme et de rime.
De ces quelques lignes, dont la puissante densité doctrinale ne laisse pas d’étonner, retenons cette idée essentielle : en tant que ses fondements participent de la Sagesse divine, la poésie est un art sacré et proprement universel, l’écho terrestre d’une divine harmonie. Reste à déterminer sa fonction dans l’économie du langage ; Ibn Arabî s’y emploie aussitôt. Dieu, affirme–t-il, a disposé les joyaux des connaissances spirituelles et des secrets seigneuriaux dans la prose et la poésie. Il a confié ce trésor aux
ârifûn, les gnostiques, lesquels, par crainte des pillards, ont dissimulé ces secrets sous le voile de termes allusifs et symboliques. Autrement dit, le langage poétique est spirituellement nécessaire à l’humanité déchue en ce qu’il constitue le support privilégié des connaissances sapientiales dont il assure la transmission pérenne à l’usage exclusif des gnostiques. Et c’est en rappelant que le Prophète est le Maître du langage, le détenteur de la “somme des paroles” que le Doctor maximus conclut cette singulière khutba.
Ayant démontré et la légitimité et la nécessité, pour les mystiques, de recourir au langage poétique, Ibn Arabî entreprend de présenter son Dîwân. De manière globale, tout d’abord, en affirmant que cette somme poétique procède intégralement d’une inspiration divine et que la pensée spéculative n’y a pas la moindre part ; de manière détaillée ensuite, par l’énumération d’une longue série de termes techniques, relatifs aux catégories d’hommes spirituels, leurs sciences, leurs états, leurs degrés…etc, qui constitue, en quelque sorte, la table des matières du Dîwân. Ces termes, convient le Shaykh al-akbar, sont abscons ; ils constituent une espèce de code- et, observe–t-il, chaque discipline a le sien- dont usent délibérément les awliyâ afin d’interdire aux non-initiés l’accès aux sciences qu’il transmet.
Au terme de ce prologue, l’auteur expose les motifs qui l’ont conduit à s’adonner à la poésie d’une part, à réunir, d’autre part, l’ensemble de ses vers dans un recueil. Au vrai, cette introspection nous livre- à condition de décrypter toutes les allusions doctrinales et autobiographiques qui la sous-tendent- la clé de lecture de ce “Recueil des connaissances divines”.
Trois visions, survenues à des années d’écart les unes des autres, sont, d’après ce témoignage, à l’origine de la vocation poétique du Shaykh al-akbar. La première évoque une étape cruciale de la conversion, stricto sensu, du mystique andalou : Après une période d’”ignorance”, durant laquelle je ne différenciais pas entre la science véritable et celle qui ne l’est pas, Dieu m’accorda Son secours et m’envoya dans mon sommeil Muhammad, Jésus et Moïse. Jésus m’exhorta à l’ascèse et au dépouillement ; Moïse me donna le “disque du soleil” et me prédit l’obtention de la “science de chez-Moi” [16] parmi les sciences du tawhîd, tandis que Muhammad m’ordonna : ”Cramponne-toi à moi, tu seras sauf !”
Si, parmi les innombrables visions qui ont ponctué son itinéraire spirituel, le Shaykh al-akbar a retenu celle-ci, ce n’est pas seulement parce qu’elle détermina ses débuts dans la Voie. [17] D’autres rencontres “imaginales” ont été au moins aussi décisives pour sa vie spirituelle, notamment celle qui, en 1190, à Cordoue, le mit en présence de tous les prophètes envoyés aux hommes. C’est, me semble-t-il, parce que cet épisode met en lumière un aspect fondamental de la mission assignée au Sceau de la sainteté muhammadienne qu’Ibn Arabî en fait état dans cette préface au Dîwân al-ma‘ârif.
On remarque que les trois prophètes qui viennent à la rencontre d’Ibn Arabî- et, soulignons-le, lui portent assistance- sont les représentants des trois traditions majeures issues de la tradition abrahamique. On sait par ailleurs que, dans la perspective de l’hagiologie akbarienne, le Sceau muhammadien est l’héritier par excellence de tous les prophètes et, a fortiori, de ces trois Envoyés. Que cette vision réfère précisément au statut du Sceau muhammadien en tant que wârith, héritier des prophètes et plus particulièrement de Muhammad, Jésus et Moïse, c’est plus que probable. Mais elle suggère aussi, de manière discrète, que les trois communautés -musulmane, chrétienne et juive- que ces prophètes représentent sont plus particulièrement concernées par son magistère. Autrement dit, le Sceau muhammadien a pour vocation- en contrepartie, pourrait-on dire, du soutien que lui ont prodigué ces envoyés- d’assister à son tour leurs communautés respectives, notamment en préservant, par son enseignement, les vérités essentielles et immuables qui fondent les traditions auxquelles elles se rattachent.
Cette triple intervention prophétique survient, selon ce que j’ai montré ailleurs, avant 1184 et décide Ibn Arabî à s’engager dans la suhba, le compagnonnage des maîtres spirituels.
C’est presque vingt ans plus tard que se situe le second épisode, mentionné ici de façon succincte, au cours duquel Ibn Arabî voit célébrée son union nuptiale avec chacune des étoiles du ciel et chacune des lettres de l’alphabet. Dans le Kitâb al-bâ, où il relate longuement cette mystérieuse cérémonie, [18] Ibn Arabî précise qu’elle eut lieu à Bougie, au mois de ramadân (juin) 1201, et qu’un onirocrite en fit l’interprétation suivante :”Cela est la mer sans fond ; celui qui a eu ce songe recevra une part des sciences célestes, des sciences cachées et des mystères des astres telle que personne d’autre n’en a obtenu à son époque.”
Cette vision, il importe de le souligner, coïncide avec une étape charnière dans la destinée d’Ibn Arabî : ayant fait ses adieux à l’Andalus, il se dirige vers Tunis d’où il partira définitivement pour l’Orient. Divers événements spirituels majeurs ont marqué cette “période occidentale” de sa vie qui est sur le point de s’achever : en 1190 à Cordoue, Ibn Arabî assiste à une assemblée générale des prophètes venus le féliciter- selon Jandî [19] – d’avoir été désigné pour assumer la fonction de Sceau de la sainteté muhammadienne. En 1198, à Fès, Ibn Arabî a confirmation de cette élection au cours de son “ascension céleste”(mi‘râj), ce voyage spirituel, qui, à la suite du Prophète, le conduit de ciel en ciel jusqu’à la Présence divine et dont le Kitâb al-isrâ est le témoignage brûlant. Enfin, quelques mois avant sa halte à Bougie, en novembre 1200, il accède à la station de la Proximité (maqâm al-qurba), laquelle, selon lui, se situe immédiatement en dessous de la station de la prophétie légiférante. [20]
Envisagées sous cet angle, les noces célestes d’Ibn Arabî à Bougie revêtent une signification des plus claires.
Les astres et les lettres qui sont au centre de ce récit renvoient expressément aux sciences ésotériques et sacrées que sont, dans la tradition islamique, la science des lettres (ilm al-hurûf) et l’astrologie (ilm al-nujûm). Rappelons que, pour Ibn Arabî comme pour beaucoup de soufis, la science des lettres appartient en propre aux âwliyâ, aux saints, et constitue un des signes les plus probants de l’authenticité de leur réalisation spirituelle. [21] En outre, Ibn Arabî rapporte dans un de ses poèmes qu’un “messager” (rasûl) vint le trouver à Seville pour lui annoncer sa qualité d’héritier (wirâtha) et lui déclare notamment :”La science des lettres est pour nous la preuve que tu es l’Imâm.” [22] Autant d’indices qui autorisent à penser que la vision de Bougie s’inscrit dans le cycle des révélations touchant à l’élection d’Ibn Arabî comme Sceau de la sainteté. Elle nous dévoile, au surplus, un autre aspect de la charge qu’il est appelé
à assumer : le Sceau muhammadien est le dépositaire et le gardien des sciences ésotériques dont il doit assurer la pleine et entière transmission aux saints qui lui succéderont jusqu’au Jour Dernier.
Les indications suivantes, qui ne figurent pas dans les autres textes relatifs à la vision de Bougie, nous ramènent, de façon inattendue, au coeur du problème débattu dans la khutba du Dîwân al-ma‘ârif. Au cours de ces noces, raconte Ibn Arabî,
Dieu me fit entendre dans ma poitrine le grincement des Calames (sarîf al-aqlâm) [qui inscrivent les destinées des créatures] ; [23] c’était une mélodie à deux ou trois temps, selon que le rythme doit décroître ou croître. “Qu’est-ce que ce refrain ? ” demandais-je. “C’est l’audition poétique (al-samâ) !” me fut-il répondu. “Et qu’ai-je à faire de la poésie ? “- ” Elle est l’origine (asl) de tout ; le langage poétique est l’essence immuable (al-jawhar al-thâbit), tandis que la prose est la conséquence immuable (al-far al-thâbit) !”
Dialogue fulgurant qu’Ibn Arabî met à profit pour revenir sur l’omniprésence de l’art poétique dans la Création ; il n’est dans la nature, remarque-t-il, de son qui ne soit régulièrement rythmé, d’architecture qui ne soit ingénieusement ordonnée. Soit. Mais quel rapport entre ceci et cela, entre le caractère providentiel du langage poétique et la fonction du Sceau muhammadien telle que la figure- selon moi- l’union d’Ibn Arabî avec les étoiles et les lettres de l’alphabet ?
Le récit de la troisième et dernière vision mentionnée dans cette préface du Dîwân al-ma‘ârif donne tout son sens au récit précédent :
La raison, explique Ibn Arabî, qui m’a amené à proférer de la poésie est que j’ai vu en songe un ange qui m’apportait un morceau de lumière blanche. On eût dit un morceau de la lumière du soleil. “Qu’est-ce que cela ? ”,demandais-je. “C’est la sourate al-shu‘arâ (Les Poètes)” me répondit-on. Je l’avalai et je sentis un cheveu (sha‘ra) qui remontait de ma poitrine à ma gorge, puis à ma bouche. C’était un animal avec une tête, une langue, des yeux et des lèvres. Il s’étendit jusqu’à ce que sa tête atteigne les deux horizons, celui d’Orient et celui d’Occident ; puis il se contracta et revint dans ma poitrine. Je sus alors que ma parole atteindrait l’Orient et l’Occident. Lorsque je revins à moi, je déclamai des vers qui ne procédaient d’aucune réflexion ni d’aucune intellection. Depuis lors, cette inspiration n’a jamais cessé. Et c’est en raison de cette contemplation sublime que j’ai collecté tous les vers dont je me souviens. Mais bien plus nombreux encore sont ceux que j’ai oubliés ! Tout ce que renferme ce recueil n’est donc, grâce à Dieu, que [le fruit] d’une projection divine, d’une inspiration sainte et spirituelle, d’un héritage céleste et splendide.
Il y a dans ce texte un terme que le lecteur assidu des Futûhât ne manquera pas de repérer : celui de sha‘ra, “cheveu”. Il figure, en effet, dans le prologue qui inaugure cette oeuvre majeure et dans lequel Ibn Arabî décrit la vision au cours de laquelle, en 1202
à la Mecque, le Prophète Muhammad en personne le consacre Sceau de la sainteté muhammadienne. Or, lors de ce cérémonial, le Prophète lui déclare : “il y a en toi un cheveu (sha‘ra) de moi qui ne peut plus supporter d’être loin de moi et qui gouverne ta réalité intime.” [24] Coïncidence ? On se résignerait volontiers à cette explication si ce même vocable n’apparaissait également dans un autre texte des Futûhât, relatif lui aussi au Sceau muhammadien :”Son statut par rapport à l’Envoyé de Dieu, déclare Ibn Arabî dans le chapitre 382, est celui d’un cheveu (sha‘ra) de son corps par rapport à son corps tout entier.” [25] A ces deux textes, il faut ajouter une mention elliptique du chapitre 2 des Futûhât dans lequel Ibn Arabî emploie de nouveau sha‘ra pour illustrer le rapport subtil qu’il entretient avec le Prophète. [26]
Ainsi, à trois reprises, le Shaykh al-akbar a recours à l’image du “cheveu” pour rendre compte de la relation entre le Sceau muhammadien et le Prophète. Encore ne serais-je pas surprise qu’un examen minutieux du vocabulaire poétique d’Ibn Arabî fasse apparaître d’autres occurrences de ce terme. Quoiqu’il en soit, il est permis de penser que le “cheveu” qui, dans la vision évoquée précédemment, émerge de sa poitrine pour devenir un être vivant et s’accroît jusqu’à embrasser les “deux horizons” avant que de réintégrer sa personne, symbolise précisément le lien subtil qui rattache le Sceau Muhammadien à la “Réalité muhammadienne” (haqîqa muhammadiya), laquelle est la source de toute sainteté (walâya). [27] Son extension préfigure d’autre part, ainsi qu’Ibn Arabî le remarque, la propagation de la doctrine akbarienne. Enfin, cette vision annonciatrice du rayonnement de son oeuvre ressortit de toute évidence à la dimension proprement universelle du magistère du Sceau de la sainteté muhammadienne.
Ce n’est pas tout. Une étroite parenté relie entre eux, est-il besoin de le préciser, les termes de shu‘arâ, titre de la sourate qu’Ibn Arabî absorbe, de sha‘ra, le “cheveu” qui procède de cette “communion”, et de shi‘r, la poésie que cette vision enfante. Tous ces vocables sont en effet issus de la racine sh‘r qui exprime l’idée de “connaître”, “percevoir”, de façon à la fois immédiate et globale. Le titre même du Dîwân al-ma‘ârif est en relation évidente avec cette signification première.
Qui plus est, le recoupement de divers textes fait apparaitre que cette relation morphologique se double d’une relation sémantique plus subtile qui s’entrecroise avec la notion de Sceau muhammadien. Le commentaire qui accompagne l’affirmation du chapitre 382 des Futûhât– selon laquelle le statut du Sceau muhammadien par rapport au Prophète est analogue à celui d’un cheveu en comparaison du corps- est à cet égard fort instructif :
… C’est pour cela, explique Ibn Arabî à propos du Sceau, qu’on ne le perçoit (yush‘aru) que de façon globale sans le connaître (cette fois : yu‘lamu) de manière distinctive, exception faite de ceux auxquels Dieu le fait connaître ou de ceux auxquels il dévoile lui-même son identité et qui le croient. Aussi a-t-il été désigné comme un “cheveu” (sha‘ra) en relation avec le shu‘ûr, la perception subtile. Cette perception est analogue à celle qui nous permet devant une porte close […] de détecter un mouvement qui signale la présence dans cette maison d’un animal sans que l’on puisse savoir précisément à quelle espèce il appartient ou de percevoir (à nouveau yush‘aru) qu’il s’agit d’un individu sans que nous soyons en mesure de déterminer son identité […] C’est en raison de ce caractère ténu que l’on désigne cela comme shu‘ûr, perception subtile (et non comme ilm). [28]
Autrement dit, la présence du Sceau muhammadien en ce monde demeure nécessairement discrète et n’est guère plus “palpable” que ne l’est un cheveu entre les doigts.
Revenons-en au langage poétique ; n’a t-il pas précisément pour fonction de nous faire pressentir de subtiles vérités sans les formuler ouvertement et distinctement ? C’est ce qu’énonce Ibn Arabî dans les lignes qui précèdent immédiatement le récit de la vision de la sourate al-shu‘arâ :
Il n’a pas été interdit au Prophète d’user de la poésie parce qu’elle serait par nature méprisable, ou d’un rang inférieur, mais parce qu’elle est fondée sur des allusions (ishârât) et des symboles (rumûz), car la poésie relève de la connaissance subtile (shu‘ûr). Or, il incombe à l’Envoyé d’être clair pour tout le monde et d’employer des expressions aussi limpides que possibles.
Enfin, il importe de souligner que le “cheveu” qui symbolise le statut du Sceau muhammadien en tant que manifestation de la face “cachée” du prophète, celle de sa walâya absolue, naît d’une sourate du Coran qu’Ibn Arabî a préalablement engloutie et, par conséquent, proprement intégrée dans sa personne. Il s’ensuit, si l’on adopte la conclusion qu’Ibn Arabî tire de cette vision, que sa parole, c’est-à-dire son enseignement, qui est appelé à se répandre sur l’univers, se nourrit littéralement du Coran où il puise sa source. Que des 114 sourates du Coran, ce soit la vingt-sixième, celle qui porte le titre al-shu‘arâ, qui lui ait été offerte ne laisse pas de suggérer que la poésie représente une part essentielle de cet enseignement tout comme cela sous-entend que la poésie en question n’a strictement rien d’une poésie “profane”.
Un autre texte d’Ibn Arabî confirme, si besoin en était, le rôle déterminant de la sourate 26 dans le développement de sa vocation poétique. Il s’agit de l’intitulé du chapitre 358 des Futûhât– lequel correspond à la sourate 26
[29] – tel qu’il est énoncé dans la table des matières qui figure au début des Futûhât :
De la connaissance de trois secrets dont les lumières sont diverses … C’est à partir de cette “demeure” [=sourate 26] que je me suis mis à proférer de la poésie, au cours d’une retraite que j’ai effectuée et au cours de laquelle j’ai atteint cette “demeure”. [30]
Nous savons par ailleurs, grâce à l’une des copies du Dîwân al-ma‘ârif [31] dont la préface contient certaines informations qui ne figurent pas ailleurs, que la vision de la sourate al-shu‘arâ survint alors qu’Ibn Arabî effectuait une retraite. Qu’il s’agisse de la même que celle qui voit son accession à la “demeure” de la vingt-sixième sourate, [32] ne fait, pour moi, guère de doute.
Quoiqu’il en soit, il est remarquable que dans cette recension Ibn Arabî met l’accent sur les trois premiers versets de la sourate que lui apporte l’ange, ce qui sous-entend vraisemblablement que ces trois versets contiennent, de manière synthétique, l’essence de la “demeure” correspondant à la sourate 26. Comment, dès lors, ne pas faire un rapprochement entre les “trois secrets” du chapitre des Futûhât relatif à la sourate 26, les trois premiers versets de cette même sourate qui sont au coeur de cet événement, et les trois visions qui jalonnent la préface du Dîwân al-ma‘ârif ? Plus encore, le premier des trois versets de la sourate al-shu‘arâ est composé de trois lettres “lumineuses” (Tâ–Sîn–Mîm) et la première des trois visions mentionnée dans la préface se subdivise en trois visions, celles des trois prophètes, Muhammad, Jésus, Moïse… [33]
On entrevoit mieux, en recoupant ces textes, le parallèle qu’établit Ibn Arabî entre la fonction du Sceau muhammadien et la fonction du langage poétique. Les Envoyés, ayant essentiellement pour mission d’”appeler” les hommes à l’adoration du Dieu unique et à l’observance de Ses lois, se doivent d’employer un langage clair, accessible à chacun. L’usage de la poésie, qui est, par essence, un langage allusif pourvu d’expressions symboliques et donc ambivalentes, est formellement incompatible avec une telle mission.
Le rôle du Sceau muhammadien, en revanche, est plus secret. [34] “Gardien du trésor”, selon une expression de Qâshânî, il veille à ce que les vérités sapientiales qui sous-tendent la révélation prophétique- et que la corruption des coeurs et des moeurs interdit de dévoiler au grand jour- demeurent intactes et vivantes jusqu’à la Fin des Temps. Silencieux sans être muet, transparent sans être absent, le Sceau muhammadien assure dans l’ombre la transmission intégrale du “Dépôt sacré” à l’usage de ceux qui ont su en rester digne. De même que ses interventions dans la sphère de la sainteté empruntent des modalités subtiles, de même c’est par allusions et symboles qu’il s’exprime, afin que nul regard impie ne profane le secret message qu’il destine aux awliyâ des “deux horizons”. Foncièrement ambivalent, le discours poétique offre, plus que tout autre forme de langage, les garanties indispensables d’inviolabilité : seules les âmes pures savent déchiffrer avec succès les énigmes et les symboles qui le nourrissent.
On voit bien, en définitive, quelle subtile logique relie les noces d’Ibn Arabî à Bougie qui l’instaurent comme “gardien des sciences sacrées” au mystère du langage poétique auquel il est initié à cette occasion. Entre le Sceau des saints et la Poésie, la complicité est étroite : tous deux possèdent le même statut subtil, tous deux partagent la même fonction puisqu’aussi bien l’un et l’autre ont pour vocation de préserver le “Dépôt sacré”.
De la lecture que je propose de ces trois récits qui inaugurent les poèmes du Dîwân al-ma‘ârif, deux points essentiels sont à retenir. En premier lieu, chacun des événements visionnaires qu’ils relatent éclaire un aspect particulier de la fonction du Sceau muhammadien et correspond en même temps à une étape précise de l’odyssée qui, depuis sa conversion en Andalus conduit Ibn Arabî au faîte de la sainteté, à la Mecque, en 1202.
En second lieu, cette préface où le Shaykh al-akbar dit ouvertement ce qu’il insinue à mots couverts dans le chapitre huit des Futûhât, nous offre un exposé aussi dense que remarquable sur la fonction proprement initiatrice qu’il assigne à la poésie. D’un bout à l’autre de ce texte, invoquant tantôt des arguments dogmatiques, tantôt sa propre expérience spirituelle, Ibn Arabî s’attache à montrer que la poésie est le vecteur privilégié des connaissances spirituelles à l’égard desquelles elle est à la fois un mode d’accès et un mode d’expression. De même que le Monde Imaginal pourvoit les purs intelligibles d’une consistance formelle, de même la poésie, qui y prend sa source, parvient à saisir les fulgurantes haqâ’iq pour les inscrire, l’espace d’un instant, dans une forme graphique et sonore. Ibn Arabî n’est assurément pas le seul mystique musulman à considérer le langage poétique comme le mode de discours le plus apte à suggérer ce qui, par nature, est indicible et, par conséquent, échappe à la représentation intellectuelle. D’autres spirituels musulmans, tels Ibn al-Fârid ou Rûmî, ont compris que la puissance incantatoire du rythme poétique et l’envoûtement que produit l’écho sonore de la rime sont propres à abolir les limites empiriques de l’espace et du temps au-delà desquelles se situent précisément les réalités spirituelles. Mais il revenait à Ibn Arabî de proclamer avec force que la poésie est par excellence le “vaisseau” qui renferme le trésor du bayt al-walâya et qui assure son voyage sur les eaux tumultueuses des siècles, contre vents et marées.
Annotations{{}}
[1] Voir les articles de Martin Notcutt in Journal of the Ibn Arabî Society, Vol. III, 1984, et vol. IV, 1986, et Muhyiddin Ibn Arabî, A commemorative volume, ed. par S. Hirstenstein et M. Tiernan,Shaftesbury, 1993, pp.328-339.
[2] Plus récemment, M. Gloton a traduit l’intégralité du Tarjumân al-ashwâq et du commentaire qu’en fit Ibn Arabî ; Cf :L’interprète des désirs, Paris, Albin Michel, 1996. Voir aussi la traduction partielle de Sami-Alî, Le Chant de l’ardent Désir, Paris, Sindbad, 1989.
[3] Voir R. Austin, “Ibn al -Arabî, Poet of Divine Realities”,in Muhyiddin Ibn Arabî : A Commemorative Volume, pp.181-190 ; R. Deladrière, “Le Dîwân d’Ibn Arabî” in Journal of the Ibn Arabî Society,vol. XV,1994, pp. 50 sqq.
[4] Fut., III, p.223 ; sur la notion de voyage chez Ibn Arabî cf.Le Dévoilement des effets du voyage (K. al-isfâr an natâ’ij al-asfâr), ed. critique et trad. française par D. Grill, Ed. de l’éclat, 1994.
[5] Fut., I, pp.126-131. Certaines sections de ce chapitre ont été traduites par H. Corbin in Corps spirituel et Terre celeste, Paris, 1979, p. 164 sqq.
[6] A ce sujet cf. Fut., III, p. 224, où Ibn Arabî rapporte que seul celui qui a réalisé la servitude pure réside en ce monde, en lequel lui-même adore Dieu depuis 45 ans.
[7] Fut., I, p.129.
[8] On notera au passage qu’une expression semblable à celle dont use Ibn Arabî dans ce passage, celle de “mer aréneuse” ou encore de “mer gravelle” se trouve dans des descriptions chrétiennes médiévales du “royaume du Prêtre Jean”, lequel, bien sûr, appartient au âlam al-khayâl. Cf., Jean Delemeau, Une histoire du paradis , Paris, 1992, pp. 103 et 109.
[9] Ms. B. N. 2348, f. 35b-38 ; Ms. Fâtih, 5322, f. 213-214b.
[10] C. Addas, “A propos du Dîwân al-ma‘ârif d’Ibn Arabî” in Studia Islamica , vol. 81, 1995, p. 187sqq.
[11] Histoire et classification de l’oeuvre d’Ibn Arabî, Damas, 1964, R. G. 101 ; de ces trois manuscrits, celui de Paris, BN 2348, qui compte 239 folio-s est le plus complet.
[12] Le “Dîwân Ibn Arabî” imprimé à Bûlâq constitue vraisemblablement le prolongement du Dîwân al-ma‘ârif,
également intitulé par Ibn Arabî le “Grand Recueil” (al-Dîwân al-kabîr).
[13] En effet, rien ne permet
à ce jour d’affirmer qu’il existe une recension complète du “Grand Dîwân” d’Ibn Arabî ; O. Yahia constate pour sa part (R. G. 102) que toutes les copies qu’il a consultées sont incomplètes.
[14] Les termes de bayân, awzân, maqâdir sont en effet chargés de réminiscences coraniques ; pour bayân cf. Cor 55:4 ; pour maqâdir (plur. de miqdâr) cf. Cor 13:8 ; pour awzân de la même racine que mîzân cf. Cor 55:7.
[15] En prosodie arabe “bayt al-shi‘r“ désigne proprement le vers par analogie avec le “bayt al-sha‘r” qui signifie litteralement la “maison de poil” c’est-à-dire la tente, de même que les dénominations binaires des éléments métriques fondamentaux sont empruntées aux matériaux qui participent à la structure de la tente : les deux “cordes”, (sabab), les deux piliers (watad) les deux cloisons (fâsila) ; cf. EI 2 s.v. arûd.
[16] La “Science qui se trouve auprès de Moi”(al-ilm al-ladunnî) est la science propre
à Khadir, l’interlocuteur de Moïse dans l’épisode coranique de la sourate de la Caverne ( Cor.18:65 ) et le prototype des âfrâd ; Sur ce sujet, voir M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, Paris, 1986, chap.7.
[17] Sur les circonstances et les conséquences immédiates de cette vision dans la destiné d’Ibn Arabî, voir C. Addas, Ibn Arabî ou la Quête du Soufre Rouge , Paris, 1989, pp.61-63.
[18] Kitâb al-bâ, Le Caire, 1954, pp.10-11. Voir également le Kitâb al-kutub in Rasâ’il
, Hayderabad, 1948, p.49.
[19] Sharh fusûs al-hikam, Mashhed, 1992, p. 431.
[20] Fut., II, p.261.
[21] Sur cette question voir D. Gril, La Science des lettres in “Les Illuminations de La Mecque”, Paris, 1989, chap. 8, pp.385-487.
[22] Dîwân Ibn Arabî, p.348.
[23] L’expression de sarîf al-aqlâm figure dans plusieurs recensions qui relatent l’ “ascension céleste” du Prophète (mi‘râj) ; cf. Muslim, imân, 263.
[24] Fut .,I, p.3
[25] Fut., III, p.514.
[26] Fut., I, p.106.
[27] Il est même probable que c’est en référence à cette vision- qui se situe au plus tard en 594h., date à laquelle Ibn Arabî rédige le Kitâb al-isrâ qui comporte de nombreux poèmes- qu’Ibn Arabî emploie par la suite ce terme. Tout ceci démontre à quel point “le choix d’un mot chez Ibn Arabî n’est jamais fortuit, sa répétition moins encore”, ainsi que le remarquait M. Chodkiewicz, cf. Un Océan sans rivage , Paris, 1992, p.105.
[28] Fut., III,514 ; sur la distinction qu’opère Ibn Arabî entre ilm et shu‘ûr, voir également III, p.458.
[29] Sur la correspondance entre les 114 chapitres de cette section et les 114 sourates du Coran, cf. Un Océan sans rivage , chap.3.
[30] Fut., I, p.22.
[31] Il s’agit du ms. de Berlin 7746, spr 1108, dont le second folio reproduit, avec des indications supplémentaires qui ne figurent pas dans les deux autres manuscrits, le récit relatif à cette vision
[32] Rappelons que chez Ibn Arabî les 114 sourates du Coran sont autant de “demeures spirituelles”, d’étapes successives vers la connaissance suprême ; cf.Un Océan sans rivage, chap.3.
[33] Soulignons que le chap. 358 contient plusieurs ternaires ; il est notamment question des trois prophètes, Moïse, Jésus, Muhammad.
[34] Voir à ce sujet, M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, chap. 9.
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This article is also available in English : The Ship of Stone
Source : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=Y97NLEGdzQg
Approche historique, philosophique, poétique et mystique : Ibn Arabî et « le voyage sans retour » - Par Claude Addas - [extraits] – Diffusé par ‘archipress.org’’Ama’
Faut-il brûler Ibn Arabî ?{{}}
S’il est poète à ses heures, Sélim Ier n’est pas un rêveur. Maître de l’empire ottoman - après avoir sans états d’âme semé sur son chemin les cadavres de sa parentèle -, le père de Soliman le Magnifique est un conquérant pressé. Le 28 septembre 1516, il entre à Damas : la Syrie lui appartient, l’Egypte est sa prochaine étape. Après de durs combats contre les Mamelouks, il arrive au Caire en vainqueur le 7 février 1517. Au début d’octobre, il est de retour à Damas et met aussitôt en chantier la construction d’une mosquée et d’un mausolée qui, désormais, abritera le tombeau d’Ibn Arabî. Ce tombeau, gisant parmi les herbes folles dans un enclos à l’abandon, il l’avait déjà pieusement visité lors de son précédent séjour, à un moment où les préparatifs de l’expédition en Égypte semblaient devoir l’occuper tout entier. Les travaux, dont il contrôle personnellement l’exécution, avancent rapidement. Le 5 février 1518, la prière du vendredi est célébrée pour la première fois en présence du sultan.
[Addenda - Sélim Iᵉʳ dit « le Brave » ou « le Terrible » est le 9ᵉ sultan de l’Empire ottoman. Contrairement aux croyances, Sélim ne se proclame pas calife et les sultans ottomans n’ont pas attendu Sélim Iᵉʳ pour s’attribuer de temps à autre le titre de calife. Il succéda à son père Bajazet II… - Wikipédia - Date/Lieu de naissance : 10 octobre 1470, Amasya, Turquie - Date de décès : 22 septembre 1520, Çorlu, Turquie - Enfants : Soliman le Magnifique, Üveys Pacha, Hatice Sultan · Voir plus - Épouse : Ayesha Begum (m. 1511–1520), Hafsa Sultan (m. 1494–1520)… ]
[Addenda - Soliman Iᵉʳ est probablement né le 6 novembre 1494 à Trébizonde dans l’actuelle Turquie et mort le 6 septembre 1566 à Szigetvár dans l’actuelle Hongrie. Fils de Sélim Iᵉʳ Yavuz, il fut le dixième sultan de la dynastie ottomane et le soixante-quatorzième calife de l’islam de 1520 à sa mort en 1566… - Wikipédia- Enfants : Şehzade Mustafa, Sélim II, Şehzade Bayezid, Mihrimah · Voir plus - Frères et sœurs : Hatice Sultan, Fatma Sultan, Şah Sultan · Voir plus - Épouse : Roxelane (m. 1533–1558) - Petits-enfants : Mourad III, Ayşe Hümaşah Sultan, Hümaşah Sultan · Voir plus - Parents : Sélim Ier, Hafsa Sultan… ]
Le personnage Ibn Arabî , ainsi honoré d’un hommage impérial, n’était pourtant pas de ceux dont, à l’époque, les notables damascènes vénéraient la mémoire. Un voyageur marocain, quelques années auparavant, avait pu à grand-peine se faire indiquer l’emplacement du cimetière privé des Banû Zakî, où reposait Ibn Arabî : l’oeuvre de ce dernier était alors en Syrie la cible de violentes polémiques et son auteur, frappé d’anathème, n’échappait à l’oubli que par la haine posthume qu’il suscitait chez la plupart. On s’interroge donc encore sur le motif de la fervente attention que porta Sélim à un maître spirituel dont l’enseignement était obscur et décrié : la métaphysique n’était pas son fort et sa politique n’avait rien à y gagner.
On attribue à Ibn Arabî, il est vrai, un écrit parfaitement apocryphe - censé prédire, en termes sibyllins, les hautes destinées de la dynastie ottomane et, en particulier, la conquête de la Syrie. Mais ce grimoire a été manifestement rédigé post eventum et il est fort peu probable que Sélim l’ait connu. Il n’explique donc pas la surprenante dévotion du sultan, qu’imiteront sur ce point la plupart de ses successeurs.
Juste retour des choses ?
Trois siècles auparavant, Muhammad b. Alî al-Arabî al-Hâtimî al-Tâ’î, surnommé Muhyî al-dîn (’ le Vivificateur de la religion ’), venu de son Andalousie natale, avait trouvé à Damas, où il avait choisi de s’établir au terme de longues pérégrinations, l’accueil dû à un éminent soufi. Et c’est entouré de vénération et fort paisiblement que, âgé de soixante-dix-huit années lunaires, il y avait rendu l’âme le 8 novembre 1240 (638 de l’hégire). Tout aussi paisiblement sa dépouille avait été conduite vers sa dernière demeure, sur le mont Qâsiyûn. A ceux qui le pleuraient ce jour-là, il ne laissait aucun bien - il avait renoncé, depuis son adolescence, aux biens de ce monde -, mais il léguait une oeuvre littéraire aux dimensions colossales.
Qu’on le considère comme un philosophe ou comme un mystique, comme un hérétique ou comme un saint, un fait demeure incontournable : avec plus de quatre cents ouvrages à son actif, Ibn Arabî figure parmi les écrivains les plus féconds de la littérature arabe.
Si certains de ces écrits ne sont que de brefs opuscules, d’autres, en revanche, comptent des milliers de pages. Il y a, par exemple, ce Recueil des connaissances divines (Dîwân al-Ma’ârif), une somme poétique qu’Ibn Arabî a rédigée à la fin de sa vie en vue d’y rassembler l’intégralité des poèmes qu’il a composés au cours de sa longue existence, soit des dizaines de milliers de vers. Il y a ce commentaire du Coran en soixante-quatre volumes encore est-il inachevé ! -, aujourd’hui disparu. Il y a aussi et surtout les trente-sept volumes des Futûhât Makkiyya, Les Illuminations de La Mecque.
La première version est achevée en décembre 1231 et donnée en legs à son fils, ’ et après lui à ses descendants et à tous les musulmans d’Occident et d’Orient, sur terre et sur mer ’. C’est dire que dans l’esprit d’lbn Arabî, ce qu’il a consigné dans cette somme n’est point seulement destiné à une poignée d’érudits.
C’est aux musulmans de tous les horizons, de tous les temps à venir, que s’adresse son message. ’ Je sus alors que ma parole atteindrait les deux horizons, celui d’Occident et celui d’Orient ’, déclare-t-il à la suite d’une vision survenue dans sa jeunesse.
L’histoire lui a-t-elle donné raison ? Quand on songe que depuis plus de sept siècles son oeuvre n’a cessé d’être lue, méditée - attaquée aussi, nous y reviendrons - et commentée dans toutes les langues vernaculaires de l’islam ; quand on sait l’influence majeure qu’elle va exercer sur tout le soufisme - ’ the mystical dimension of islam ’, selon l’expression d’Anne-Marie Schimmel -, que ce soit dans ses formes érudites ou ses expressions populaires, force est de répondre par l’affirmative.
[Addenda - Un ouléma ou uléma est un théologien de l’islam. Dans le monde chiite duodécimain, on parle plutôt de hodjatoleslam… Wikipédia]
En serait-il autrement, d’ailleurs, que la vindicte des oulémas à l’encontre d’lbn Arabî aurait cessé depuis longtemps. Si, depuis la fin du XIIIe siècle, ils persistent à combattre les idées que véhicule son enseignement, c’est qu’ils savent pertinemment que l’adversaire qu’ils traquent reste invaincu et que, de manière ouverte ou couverte, son oeuvre demeure une référence majeure pour les ’ Hommes de la Voie ’.
Bien des facteurs que nous n’évoquerons pas ici, d’ordre historique, politique et socioculturel, ont contribué à ce rayonnement que les polémiques ont été impuissantes à éteindre. Il résulte aussi, à n’en pas douter, du caractère exhaustif de l’enseignement exposé dans les Futûhât : ontologie, cosmologie, hagiologie, prophétologie, eschatologie, exégèse, jurisprudence, rituel..., il n’est pas de question qui ne trouve une réponse dans ce compendium des sciences spirituelles - quand ce ne sont pas des réponses. Le Doctor Maximus a en effet le souci constant, lorsqu’il traite de questions litigieuses, d’indiquer les diverses opinions qui ont prévalu. Il n’exclut aucune des interprétations proposées, tout en signalant celle qui a sa préférence.
Au demeurant - et contrairement à une opinion courante selon laquelle il était zâhirite -, Ibn Arabî n’est rattaché à aucune école juridique ou théologique. C’est un penseur indépendant, au sens le plus fort de ce terme. Non qu’il rejette l’héritage des maîtres qui l’ont précédé et dont son oeuvre est, au contraire, totalement solidaire. Ibn Arabî, quoi qu’en disent ses adversaires, n’est pas un ’ innovateur ’, du moins au sens péjoratif qu’ils donnent à ce terme. Les Futûhât sont d’abord l’expression d’une extraordinaire synthèse qui ordonne et rassemble les membra disjecta d’une longue et riche tradition mystique. La formulation est certes parfois inédite, souvent audacieuse, mais ce qu’elle véhicule était présent, en germe, bien avant que son auteur voie le jour.
La seconde version de cette Summa mystica - dont subsiste le manuscrit autographe - est achevée en 1238, deux ans avant la mort de l’auteur, et offre un état définitif et complet de son enseignement. D’emblée, on observe que les idées majeures qui s’y trouvent développées et le vocabulaire qui les exprime apparaissaient déjà dans ses écrits de jeunesse.
Au surplus, Ibn Arabî a incorporé dans les Futûhât, pratiquement sans modification, de courts traités rédigés antérieurement. Aussi bien serait-il vain de vouloir retracer une évolution de sa pensée qui serait à mettre en rapport avec les étapes de sa biographie : c’est à un développement homogène de la doctrine à partir de prémisses immuables que l’on assiste. Et si, sur tel ou tel point, les écrits les plus anciens sont moins explicites que ceux qui leur succéderont, cela ne signifie pas qu’Ibn Arabî n’avait pas déjà une vue suffisamment claire du sujet traité : la situation politique en Occident, où commence sa carrière d’écrivain, lui imposait une certaine réserve.
Protégé par de puissants personnages et entouré d’un cercle de disciples fidèles, Ibn Arabî sera plus libre de sa plume en Orient. Là encore, néanmoins, il usera de certaines précautions. Plusieurs de ses ouvrages ne connaîtront, de son vivant, qu’une diffusion restreinte.
C’est d’ailleurs à partir du moment, vers la fin du XIIIe siècle, où cette discipline de l’arcane ne sera plus observée que nâîtront des polémiques destinées à se poursuivre jusqu’à nos jours. La diffusion des Fusûs al-hikam (Les Chatons de la sagesse), et les nombreux commentaires qu’en firent les disciples des première, deuxième et troisième générations vont jouer à cet égard un rôle considérable. Beaucoup plus concis que les Futûhât, cet ouvrage, qui, en une centaine de pages seulement, récapitule l’essentiel de la doctrine métaphysique et hagiologique d’lbn Arabî, donne davantage prise aux attaques de lecteurs malveillants.
Tout dévoués qu’ils fussent à leur maître, les disciples - dont les gloses sont marquées par un langage plus philosophique, et donc plus suspect - ont contribué à faire des Fusûs une cible de choix pour les adversaires d’lbn Arabî.
Un procès toujours recommencé
On imagine mal un député français demandant aujourd’hui au Parlement d’interdire la diffusion des oeuvres de Maître Eckhart en invoquant la bulle In agro dominico de Jean XXII. En Égypte, un député a obtenu de l’Assemblée du peuple, en 1979, que les Futûhât soient retirées du commerce. Cette mesure a été, fort heureusement, rapportée par la suite ; elle n’en est pas moins significative de la permanente actualité des problèmes que posent à la conscience musulmane des écrits vieux de bientôt huit siècles. Vénéré par les uns, qui le considèrent comme le Shaykh al-akbar, ’ le plus grand mâître ’, anathémisé par d’autres, qui voient en lui un ennemi de la vraie foi, Ibn Arabî n’est indifférent à personne.
Les premières escarmouches éclatèrent dans la seconde moitié du XIIIe siècle ; il ne s’agissait toutefois que de tirs isolés, sans grandes conséquences. Les attaques systématiques contre Ibn Arabî et son école ne se déclenchèrent véritablement qu’à l’aube du XIVe siècle, quand un docteur de la Loi (faqîh) du nom d’lbn Taymiyya (m. 1328) entreprit de démontrer le caractère hérétique de sa doctrine. Presque aussi abondant que le Shaykh al-akbar, il rédigea inlassablement d’innombrables responsa (fatwâ-s), dont l’édition publiée en Arabie Saoudite comporte trente-sept volumes ; il y dénonce à coup de citations scripturaires les thèses qu’il extrait de l’oeuvre d’lbn Arabî.
Du moins a-t-il de cette dernière une assez bonne connaissance. Si ses critiques portent essentiellement sur les Fusûs, il n’en a pas moins lu également les Futûhât et convient même en avoir tiré profit. Nombreux seront ceux qui l’imiteront sans avoir toujours ses scrupules. La longue liste des épigones d’lbn Taymiyya - que nous épargnerons au lecteur- témoigne de la continuité dans l’espace et le temps de polémiques dont la persistance surprend l’observateur occidental. Signalons pourtant que, invité à arbitrer une controverse surgie à Alexandrie, le célèbre Ibn Khaldûn délivra une sentence juridique prescrivant l’autodafé des livres d’lbn Arabî.
[Addenda - Ibn Khaldoun (en arabe : [ɪbn̩ χɐlduːn]1 ; nom complet : أبو زيد عبد الرحمن بن محمد بن خلدون الحضرمي (Abu Zayd ’Abd al-Rahmân Ibn Muhammad Ibn Khaldoun al-Hadrami), né le 27 mai 1332 à Tunis (sultanat hafside de Tunis) et mort le 17 mars 1406 au Caire, est un historien, économiste, géographe, démographe, précurseur de la sociologie et homme d’État d’origine arabe2. Issu d’une grande famille andalouse d’origine yéménite et chassée de la péninsule ibérique par la Reconquista, Ibn Khaldoun naît à Tunis à l’époque dominée par une dynastie berbère, les Hafsides, et alors que le Maghreb connaît une paix relative. Après une existence active comme conseiller ou ministre des souverains berbères musulmans du Maghreb, Ibn Khaldoun se retire à 45 ans au Caire, alors sous la domination des Mamelouks, où il rédige son œuvre et enseigne. Voyageur et mobile toute sa vie, Ibn Khaldoun passe par Damas en 1401, peu avant que la ville ne soit assiégée et prise par Tamerlan. Il obtient alors du redoutable conquérant, qu’il épargne la vie des habitants, chose rarissime, alors que Tamerlan massacrait en général tous les habitants, sauf quelques artisans. Sa façon d’analyser les changements sociaux et politiques qu’il observe dans le Maghreb et la péninsule Ibérique de son époque conduit à le considérer comme un précurseur de la sociologie et de la démographie modernes3,4,5,6,7,8,9. Dans son œuvre majeure, Le Livre des exemples, il raconte l’Histoire universelle à partir des écrits de ses prédécesseurs, de ses observations au cours de ses nombreux voyages et de sa propre expérience de l’administration et de la politique. L’introduction, intitulée la Muqaddima (les Prolégomènes en français), expose sa vision de la façon dont naissent et meurent les empires. Il est aussi un historien de premier plan. Dans ces deux ouvrages résolument modernes dans leur méthode, il insiste dès le début sur l’importance des sources, de leur authenticité et de leur vérification à l’aune de critères purement rationnels. Les savants européens du XIXe siècle reconnaissent l’importance des Prolégomènes, et considèrent Ibn Khaldoun comme l’un des plus grands philosophes du Moyen Âge10,11. Georges Marçais affirme que l’œuvre d’Ibn Khaldoun est « un des ouvrages les plus substantiels et les plus intéressants qu’ait produits l’esprit humain »12,13. Selon Gabriel Martinez-Gros, il « est le seul grand philosophe de l’histoire et du pouvoir qui ne soit pas européen »14… - Wikipédia ]
Suite du document rapporté >
Que la prolifération de cette littérature anti-akbarienne ne nous abuse pas. Les sentences hostiles au Shaykh al-akbar sont certes nombreuses, mais leur contenu est immuable. Ce sont, à peu de choses près, les arguments avancés par Ibn Taymiyya et les textes témoins qu’il avait utilisés, qui sont indéfiniment repris. En outre, la virulence du discours - rhétorique oblige - masque souvent un jugement plus nuancé qu’il n’y paraît de prime abord. Dhahabî (m. 1348), élève d’lbn Taymiyya, s’est prononcé à maintes reprises contre Ibn Arabî. Mais n’écrit-il pas aussi à son propos : ’ Quant à moi, je dis que cet homme fut peut-être un saint... ’ ?
Troublante réserve, que précède une dénonciation en règle des Fusûs. La remarque suivante nous permet peut-être de déchiffrer cette position ambiguë : ’ Par Dieu, mieux vaut pour un musulman vivre ignorant derrière ses vaches [...] que de posséder cette gnose et ces connaissances subtiles ! ’ C’est moins la doctrine d’lbn Arabî que Dhahabî condamne, en définitive, que sa diffusion dans la ’ masse des croyants ’ (âmma).
Rien, de surcroît, ne serait plus contraire à la réalité que de croire - ou de laisser croire, comme s’y emploient les wahhabites - que tous les oulémas ont condamné Ibn Arabî. Certains soufis se sont opposés à l’école d’lbn Arabî ; inversement, beaucoup d’oulémas, et parmi les plus prestigieux, ont défendu sa cause. Citons, parmi eux, Fîrûzabâdî (m. 1414), qui, au Yémen, rédige une fatwâ dans laquelle il s’évertue à démontrer la sainteté d’lbn Arabî et approuve le sultan al-Nâsir, qui accumule ses oeuvres dans sa bibliothèque. Moins d’un siècle plus tard, en 1517, Kamâl Pachâ Zâdeh (m. 1534), conseiller très écouté de Sélim Ier (lequel, décidément, est voué à jouer un rôle dans la destinée posthume d’lbn Arabî), émet une sentence recommandant au sultan, qui vient de conquérir l’Égypte, de réprimander ceux qui dénigrent le Shaykh al-akbar.
Évoquant les adversaires d’lbn Arabî, nous avons délibérément passé sous silence la propagande anti-akbarienne diffamatoire que publient régulièrement de nos jours les wahhabites saoudiens et leurs émules. La médiocrité intellectuelle de cette littérature pamphlétaire dispense de tout commentaire. Mais, pour malveillant qu’il soit, cet acharnement à combattre son oeuvre soulève tout de même une question : Ibn Arabî est-il, conformément à la signification de son surnom traditionnel, un ’ vivificateur de la religion ’ (Muhyî al-dîn) ou, comme préfèrent le désigner ses adversaires, un ’ tueur de la religion ’ (Mumît al-dîn) ?
La prière du prince{{}}
’ Je n’ai eu de cesse, dès que je fus en âge de porter des ceinturons, de chevaucher des coursiers, de fréquenter les nobles, d’examiner les lames des sabres, de parader dans les campements militaires. ’ Personne, parmi ses proches n’eût sans doute pu prévoir que ce jeune garçon qu’attirait le clinquant des armures allait bientôt se vouer aux dures ascèses des renonçants. Tout destinait le jeune Ibn Arabî à une carrière militaire. L’Esprit qui souffle où il veut en avait décidé autrement.
La famille d’Ibn Arabî appartient à l’une des plus vieilles souches arabes de l’Espagne musulmane. Ses ancêtres, des Arabes originaires du Yémen, émigrèrent très tôt vers la péninsule Ibérique ; vraisemblablement lors de la ’ seconde vague ’ de la conquête, celle qui, en 712 amena plusieurs milliers de cavaliers yéménites en Andalousie. Du moins sont-ils recensés parmi les ’ grandes familles ’ arabes qui occupent le sol andalou sous le règne du premier émir omeyyade (756-788). C’est dire qu’ils appartiennent à la khâssa, la classe dominante qui détient les hautes fonctions dans l’administration et dans l’armée.
Fier de son origine arabe, Ibn Arabî aime à rappeler dans nombre de ses poèmes qu’il descend de l’illustre Hâtim al-Tâ’î, poète de l’Arabie anté-islamique dont les vertus chevaleresques devinrent littéralement proverbiales. Il fait allusion d’autre part, à diverses reprises, à la position importante de son père, qui, précise-t-il, ’ comptait parmi les compagnons du sultan ’ - expression qui a donné lieu à de nombreuses conjectures et dont certains biographes tardifs ont tiré la conclusion qu’il ne fut pas moins que ministre.
Un document édité il y a quelques années permet maintenant d’être beaucoup plus précis. Selon son auteur, Ibn Sha’âr (m. 1256), qui a rencontré le Shaykh al-akbar à Alep le 27 octobre 1237 et l’a interrogé sur sa jeunesse, Ibn Arabî ’ était d’une famille de militaires au service de ceux qui gouvernent le pays ’. Évasive, cette formulation nous rappelle que la carrière du père d’lbn Arabî s’inscrit dans le cadre des fluctuations politiques qui ont accompagné l’effondrement du régime almoravide en Andalus.
Berbères venus du Sahara occidental, les Almoravides avaient débarqué dans la Péninsule à la demande des souverains des Taifas : ces États autonomes avaient vu le jour à la faveur de la chute du califat de Cordoue et s’inquiétaient de la progression continue des chrétiens, qui avaient pris Tolède en mai 1085. L’écrasante défaite qu’ils infligent aux Castillans moins d’un an plus tard à Zallâqa permet aux Almoravides de se présenter comme les défenseurs de l’islam andalou.
Petit à petit, ils annexent les Taifas pour donner finalement naissance au premier État andalou-maghrébin, lequel marque une ère nouvelle dans l’histoire de l’Espagne musulmane. Dorénavant, son destin politique, religieux, culturel, est étroitement lié à celui du Maghreb. A une mosaïque d’ethnies, de langues et de confessions se substitue peu à peu une société plus homogène, largement arabisée et islamisée, mais aussi plus repliée sur elle-même.
L’inquiétude qu’ont fait naître les succès de la Reconquista favorise l’intolérance à l’égard des juifs et des chrétiens, qui émigrent massivement vers le Nord. Mais cette intolérance résulte aussi de la rigidité dogmatique des juristes mâlikites, dont l’ascendant sur les souverains almoravides est considérable. Le puritanisme des Almoravides, l’importance qu’ils donnent à la jurisprudence au détriment de l’étude du Coran et de la sunna, la ’ coutume du Prophète ’, engendrent une casuistique sclérosante, qui étouffe les nouvelles aspirations religieuses dont témoigne notamment le développement du soufisme. Il est significatif à cet égard que les deux principaux soulèvements qui vont déstabiliser le régime se présentent comme des mouvements de réforme religieuse.
Après un séjour en Orient, où il a pris connaissance des ouvrages de Ghazâlî, Ibn Toumert, un Berbère du Sous revient prêcher au Maghreb un islam plus sobre, centré sur le tawhîd, I’affirmation de l’Unicité divine - d’où le nom de muwahhidûn, Almohades, donné à ses partisans. Fustigeant les dirigeants almoravides, qu’il accuse d’être des anthropomorphistes et des infidèles, il se proclame le Mahdî - celui qui doit assister Jésus à la fin des temps pour restaurer la paix et la justice - et prend les armes. A sa mort, en 1130, Abd al-Mu’min, l’un de ses plus anciens disciples, s’impose comme son successeur et poursuit la lutte. Elle s’avère longue et ponctuée de défaites ; cependant, la prise de Marrakech en 1147 met un terme à la souveraineté almoravide au Maghreb.
L’annexion de l’Andalus, l’Espagne musulmane, où les Almoravides sont en proie à de graves difficultés internes et externes, sera plus rapide. L’autodafé des oeuvres de Ghazâlî décrété par les autorités a suscité des remous dans la population, en particulier dans les milieux soufis. Ce mécontentement, qu’accentuent les échecs militaires (les Almoravides ont perdu Saragosse en 1118), favorise l’expansion de la révolte des murîdûn, une espèce de congrégation qui s’est regroupée dans l’Algarve autour d’Ibn Qasî, lequel prétend également être l’Imâm, le Guide spirituel et politique de la communauté. Séduit par la propagande des Almohades, dont il espère le soutien, Ibn Qasî persuade Abd al-Mu’min d’envoyer des troupes dans la Péninsule. Les premières débarquent en 1146 et, un an plus tard, Séville et sa région sont sous obédience almohade. Mais la conquête est loin d’être achevée : Grenade reste sous la juridiction des Almoravides ; Almeria est occupée par les Castillans, tandis qu’un émirat indépendant voit le jour dans le Levant sous l’égide d’Ibn Mardanish, un chef militaire qui installe son état-major à Murcie.
C’est dans cette ville, où son père exerce des charges militaires au service d’Ibn Mardanish, qu’Ibn Arabî vient au monde le 27 juillet 1165 (17 ramadân 560) ou, selon d’autres sources, le 6 août (27 ramadân). Moins de trois mois plus tard, Murcie est assiégée par les Almohades. Ces derniers devront pourtant attendre jusqu’en mars 1172 pour s’emparer de la cité. Ibn Mardanish ne survit pas à la défaite ; accompagnés d’une délégation comprenant les hauts dignitaires de l’armée, ses fils se rendent à Séville et prêtent allégeance au calife Abû Ya’qûb Yûsuf. Le souverain almohade, qui a succédé à son père en 1163, s’empresse de reprendre à son service les généraux d’Ibn Mardanish, dont il ne connaît que trop bien les compétences.
Le père d’Ibn Arabî est vraisemblablement du nombre ; c’est à cette époque, en tous les cas, qu’il émigre à Séville pour y poursuivre sa carrière au service des Almohades. Plus rien dès lors ne vient troubler l’enfance heureuse et insouciante d’Ibn Arabî. Le jeune garçon aime à chasser et, nous l’avons vu, jouer au soldat. Son destin semble tout tracé : à l’instar de son père, dont il est l’unique fils, il entrera dans l’armée.
Une foudroyante métamorphose
Rien, donc, ne laissait présager a priori que la vie de cet adolescent promis à une carrière militaire allait basculer du jour au lendemain. Saura-t-on jamais ce qui se produisit et à quelle date exactement ? Aucun texte connu d’Ibn Arabî ne permet à ce jour d’apporter une réponse claire et précise. Le célèbre texte où il décrit son entrevue à Cordoue avec le philosophe Averroès nous fournit, à tout le moins, un repére chronologique : Ibn Arabî s’y dépeint comme un jeune garçon complètement imberbe mais doté, déjà, de connaissances illuminatives qu’il a récemment obtenues au cours d’une retraite.
On peut déduire de ce récit qu’au moment de cet épisode il est approximativement âgé d’une quinzaine d’années. La suite du témoignage d’Ibn Sha’âr nous livre par ailleurs une information précise et détaillée quant aux circonstances de cette brusque et précoce metanoia : ’ La raison, lui raconte Ibn Arabî, qui m’a conduit à quitter l’armée d’une part et à entrer dans la Voie d’autre part, est la suivante : j’étais sorti un jour, à Cordoue, en compagnie du prince Abû Bakr [b.] Yûsuf b. Abd al-Mu’min. Nous nous rendîmes à la grande mosquée et je l’observais tandis qu’il s’inclinait et se prosternait dans la prière avec humilité et componction. Je me fis alors la remarque suivante : si un tel personnage, qui n’est pas moins que le souverain de ce pays, se montre soumis, humble et se comporte de la sorte avec Dieu, c’est que le bas monde n’est rien ! Je le quittai le jour même - jamais je ne le revis - et m’engageai dans la Voie. ’
Mais ce document soulève presque autant de questions qu’il en résout. Ibn Sha’âr situe cet épisode en 1184, date à laquelle Ibn Arabî a dix-neuf ans. Or le portrait qu’Ibn Arabî brosse de lui-même dans le récit de sa rencontre avec Averroès, postérieure à son engagement spirituel, infirme une telle hypothèse. En outre, de quel prince s’agit-il ? Le calife Yûsuf a régné entre 1163 et 1184, mais il n’a pu se trouver à Cordoue à cette époque puisqu’il quitte l’Andalousie en 1176 pour le Maroc, où il demeure jusqu’en 1184. En mai de cette année-là, il franchit le Détroit et se rend directement à Séville pour passer ses troupes en revue. Peu après, le 7 juin, le calife quitte la capitale pour une expédition contre le Portugal dont il ne reviendra pas vivant. Au demeurant, son ’ patronyme ’ est Abû Ya’qûb (et non Abû Bakr), ce qu’Ibn Arabî n’ignore certainement pas. Il est vraisemblable dans ces conditions que le prince dont l’humilité dans la prière a proprement bouleversé Ibn Arabî est l’un des fils du calife, Abû Bakr, qui fut l’un de ses généraux.
En tout état de cause, une certitude demeure : l’incident survenu dans la mosquée de Cordoue constitue le point de rupture dans le cours, jusque-là paisible, de l’existence du jeune Ibn Arabî. Le petit grain de sable qui vient de percuter son destin déclenche une prise de conscience aussi brutale qu’irréversible. Sa décision est prise : il choisit Dieu. L’adolescent quitte tout, l’armée, ses compagnons, ses biens. Il se retire du monde - dans une caverne située au milieu d’un cimetière, selon l’un de ses biographes pour un face-à-face avec l’Éternel dont, d’une certaine façon, il ne reviendra jamais : ’ Je me suis mis en retraite avant l’aurore et je reçus l’illumination avant que le soleil ne se lève [...]. Je demeurai en ce lieu quatorze mois et j’obtins ainsi les secrets sur lesquels j’écrivis ensuite ; mon ouverture spirituelle, à ce moment, fut un arrachement extatique. ’
Une prodigieuse métamorphose, au sens le plus fort de ce mot, s’est donc opérée chez le jeune garçon, qui, au sortir de cette réclusion, n’a de commun que le nom avec l’adolescent qui caracolait dans les garnisons militaires. Cette rupture radicale entre ce qu’il était jusque-là et ce qu’il sera dorénavant, Ibn Arabî en rend bien compte lorsque, pour évoquer sa vie d’’ avant ’, il l’appelle ’ ma jâhiliyya ’, terme qui désigne l’état de paganisme - littéralement, d’’ ignorance ’ - dans lequel vivaient les Arabes avant la révélation muhammadienne qui inaugurait une ère nouvelle de leur destinée.
L’enfant et le philosophe{{}}
Je me rendis un jour, à Cordoue, chez le cadi Abû l-Walîd Ibn Rushd [Averroès] ; ayant entendu parler de l’illumination que Dieu m’avait octroyée, il s’était montré surpris et avait émis le souhait de me rencontrer. Mon père, qui était l’un de ses amis, me dépêcha chez lui sous un prétexte quelconque. A cette époque j’étais un jeune garçon sans duvet sur le visage et sans même de moustache. Lorsque je fus introduit, il [Averroès] se leva de sa place, manifesta son affection et sa considération, et m’embrassa. Puis il me dit : ’ Oui. ’ A mon tour, je dis : ’ Oui. ’ Sa joie s’accrut en voyant que je l’avais compris. Cependant, lorsque je réalisai ce qui avait motivé sa joie, j’ajoutai : ’ Non. ’ Il se contracta, perdit ses couleurs, et fus pris d’un doute : ’ Qu’avez-vous donc trouvé par le dévoilement et l’inspiration divine ? Est-ce identique à ce que nous donne la réflexion spéculative ? ’ Je répondis : ’ Oui et non ; entre le oui et le non, les esprits prennent leur envol, et les nuques se détachent ! ’
Ibn Arabî, Futuhât, I, p. 153-154.
’Je sus alors que ma parole atteindrait l’Orient et l’Occident’{{}}
La raison qui m’a conduit à proférer de la poésie (shi’r) est que j’ai vu en songe un ange qui m’apportait un morceau de lumière blanche ; on eût dit qu’il provenait du soleil. « Qu’est-ce que cela ? », demandai-je. « C’est la sourate al-sh’u’arâ (Les Poètes) » me fut-il répondu. Je l’avalai et je sentis un cheveu (sha’ra) qui remontait de ma poitrine à ma gorge, puis à ma bouche. C’était un animal avec une tête, une langue, des yeux et des lèvres. Il s’étendit jusqu’à ce que sa tête atteigne les deux horizons, celui d’Orient et celui d’Occident. Puis il se contracta et revint dans ma poitrine ; je sus alors que ma parole atteindrait l’Orient et l’Occident. Quand je revins à moi, je déclamai des vers qui ne procédaient d’aucune réflexion ni d’aucune intellection. Depuis lors cette inspiration n’a jamais cessé.
Ibn ‘Arabi, Diwan al Ma’arif
Extraits de Ibn Arabî et le voyage sans retour de Claude Addas. Paris, Seuil, 1996.
Claude Addas est également l’auteur de Ibn ’Arabi ou la quête du Soufre Rouge (Paris, Gallimard, 1989).
Source : http://www.archipress.org/batin/addas4.htm
À propos de Claude Addas - Ancienne élève de l’École des langues orientales, diplômée d’arabe et de persan, Claude Addas a orienté ses recherches sur la mystique musulmane. ... Google Books - Date de naissance : 1957 (Âge : 67 ans) - Parents : Michel Chodkiewicz
- Rappel – Lire et comprendre le Coran selon Ghaleb Bencheikh – Vidéo 29:33 - 28 décembre 2020 – France Culture
Abonnez-vous : / @ghalebbencheikh6954 Michael Privot et Karim Ifrak dans l’émission : Les chemins de la foi sur France 2 présentée par Ghaleb Bencheikh le 04 mars 2018.
Source : JH2024-10-11T18:59:00J
https://www.youtube.com/watch?v=F6BnlmZIBlE
Le Soufisme – Vidéo 15:57 - Campus Lumières d’Islam - 29 novembre 2020
« Le principal courant mystique en Islam sunnite » https://campuslumieresdislam.fr/fr/bl... * Retrouvez également le Campus Lumières d’Islam sur : Facebook : / campuslumieresdislam Twitter : / lumieres_dislam © Le Campus Lumières d’Islam est édité par la Fondation de l’Islam de France. www.fondationdelislamdefrance.fr
4 Chapitres successifs à écouter - Source : JH2024-10-11T15:57:00J
https://www.youtube.com/watch?v=Kh06WkmPqw
Note sur la Fondation de l’islam de France{{}}
La Fondation de l’islam de France (FIF) est une fondation créée en 2016 pour favoriser, par des actions éducatives, culturelles et sociales, l’affirmation d’un « islam humaniste, d’un islam de France qui reconnaît les valeurs et principes de la République ». Reconnue d’utilité publique, elle est dirigée depuis 2018 par l’islamologue réformiste Ghaleb Bencheikh.
Mission - La Fondation de l’islam de France se donne pour mission de renforcer la formation laïque des cadres religieux musulmans imams, aumôniers, cadres associatifs, étudiants en théologie. Pour cela, elle octroie des bourses de soutien à l’obtention d’un diplôme universitaire de formation civile et civique. Elle promeut les principes de la laïcité. Elle vise à expliquer le fait religieux islamique pour comprendre les ressorts politiques, sociaux, culturels, spirituels et religieux de l’islam dans l’histoire et aujourd’hui. Elle cherche à mettre en lumière les liens entre la France et l’islam pour faire connaître la pensée humaniste, le patrimoine culturel et artistique de l’islam, l’ancienneté de la relation qui lie la France à l’islam, la contribution des soldats musulmans aux guerres de défense et de libération du territoire national1,2.
Histoire Origine{{}}
En 1991, le ministre de l’Intérieur, Pierre Joxe, met en place le Conseil d’orientation et de réflexion sur l’islam de France (CORIF)3. Organe consultatif, il aide l’État pour lui donner des avis sur des problèmes pratiques ou techniques relatifs à l’exercice du culte musulman en France. Il est également chargé de présenter des propositions pour l’organisation du culte musulman. En 1993, le nouveau ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, institue le Conseil représentatif des musulmans de France4 dont la présidence est confiée au recteur de la Grande mosquée de Paris. Le Conseil adopte, en décembre 1994, une « charte du culte musulman »5.
Jean-Pierre Chevènement organise, en 1999, une « consultation des représentants des principales sensibilités musulmanes sur l’organisation du culte musulman en France »6. Pour la première fois, sont rassemblés les dirigeants de l’ensemble des composantes du culte musulman. Les dirigeants de six fédérations musulmanes, six grandes mosquées et six personnalités musulmanes de France, auxquels s’agrègent par la suite de nouvelles organisations musulmanes, acceptent d’adopter une déclaration d’adhésion aux principes républicains.
Le 28 janvier 2000, est adopté un texte intitulé Principes et fondements juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman en France7,8. Les conditions préalables à la mise en place du Conseil français du culte musulman (CFCM) sont remplies. Bernard Cazeneuve crée l’Instance de dialogue avec l’islam de France, inspirée de celle que Lionel Jospin avait établie avec l’Église catholique9. Les premiers travaux sont destinés « à préfigurer l’émergence, dans la République, d’un véritable islam de France ». En 2005 est créée la Fondation des œuvres de l’islam de France par Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur10. Elle est dotée par Serge Dassault de près d’un million d’euros. La Fondation naît de la volonté de contrer, par la connaissance et la culture, l’idéologie salafiste, laquelle nourrit le terrorisme et la violence djihadistes.
Mandat de Jean-Pierre Chevènement (2016–2018) - La Fondation de l’islam de France est instituée par décret du 5 décembre 201611 et reconnue comme établissement d’utilité publique. La SNCF, le groupe Aéroports de Paris et le bailleur social SNI comptent parmi les membres fondateurs de la Fondation. Selon Le Figaro, la FIF « devrait pouvoir s’appuyer à moyen terme sur plusieurs millions d’euros pour financer ses projets »12,13. Jean-Pierre Chevènement est nommé président de la Fondation14. Un partenariat est établit avec les Scouts musulmans de France15.
Mandat de Ghaleb Bencheikh (depuis 2018){{}}
Le 13 décembre 2018, l’islamologue Ghaleb Bencheikh succède à Jean-Pierre Chevènement à la tête de la Fondation16,17,18. La Fondation développe son site Internet et organise des conférences en France sur divers sujets19. En partenariat avec le Musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais, elle organise en huit mois une exposition temporaire « Arts de l’Islam, un passé pour un présent ». L’exposition est présentée dans dix-huit villes différentes20. En juin 2021, Ghaleb Bencheikh est réélu par le conseil d’administration21 face à Sadek Beloucif, chef de service à l’hôpital Avicenne de Bobigny, et président du conseil d’orientation de la Fondation22, soutenu par la Grande mosquée de Paris23. La Fondation distribue des allocations de recherche pour doctorants et masters en islamologie fondamentale, ainsi que des bourses à de futurs imams pour leur formation profane. En 2023, elle a accordé 51 bourses, dont 20 pour des femmes qui souhaitent devenir aumôniers. En mars 2024, elle annonce manquer de mécénat d’entreprise et d’argent public, et menace de fermer prochainement24,25,26.
Source avec Notes et références : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fondation_de_l%27islam_de_France
Les grandes figures du soufisme avec Ghaleb Bencheikh – Vidéo 25:09 - 28 décembre 2020 – Diffusé par ‘France Culture’https://yt3.ggpht.com/ytc/AIdro_nRbeGS1zEYNw7y-9mpuWGvrhv-23F4sdQtyVJKijnpYgk=s88-c-k-c0x00ffffff-no-rjGhaleb BENCHEIKH
Abonnez-vous : / @ghalebbencheikh6954 Cheikh Bentounes et Bruno Guiderdoni dans l’émission : Les chemins de la foi sur France 2 présentée par Ghaleb Bencheikh le 08 octobre 2017.Le soufisme : les grandes figures - Ghaleb Bencheikh
Abonnez-vous : / @ghalebbencheikh6954 Cheikh Bentounes et Bruno Guiderdoni dans l’émission : Les chemins de la foi sur France 2 présentée par Ghaleb Bencheikh le 08 octobre 2017.
Source : https://www.youtube.com/watch?v=eB8GDQij0Fg
Quelques clés pour s’ouvrir à l’oeuvre d’Ibn ‘Arabî par Eric Geoffroy – Vidéo 37:27 - Conscience Soufie - Sortie le 27 septembre 2021
Éric Geoffroy est professeur émérite d’islamologie à l’Université de Strasbourg, et membre de l’Académie Arabe du Caire. Spécialiste du soufisme, il est président de l’association ‘Conscience Soufie’. Il a publié une douzaine d’ouvrages traduits en différentes langues.
Retrouvez tous ses ouvrages sur : https://www.eric-geoffroy.net/ Muhyî l-Dîn Ibn ‘Arabî (1165-1240) est le « Grand Maître » (al-shaykh al-akbar) de la spiritualité et de l’ésotérisme islamiques. Depuis son Andalousie natale jusqu’à Damas, dernière étape de sa pérégrination en ce monde, il a parcouru toutes les stations de la Voie soufie. Désigné comme le « Sceau muhammadien de la sainteté » – le Sceau universel étant, selon l’islam, Jésus – il était dès lors investi pour laisser une œuvre écrite aussi dense qu’abondante.
Vous pouvez retrouver un dossier spécial « Muhyî al-Dîn Ibn ‘Arabî (1165-1240) » sur notre site : https://consciencesoufie.com/muhyi-al... Pour plus d’informations visitez notre site : https://consciencesoufie.com/
Découvrir le podcast - 28 épisodes -En septembre 2021 : Muhyî al-Dîn Ibn ‘Arabî - Conscience Soufie
https://www.youtube.com/img/podcasts/avatar/avatar_mono_v2_square_100x100.pngPodcasts
https://yt3.ggpht.com/ytc/AIdro_mcxBH6ZRFY12iz8-SETdkrVwAOEdnl7cWvEsJUjmW7Vw=s88-c-k-c0x00ffffff-no-rjConscience Soufie
Conscience Soufie souhaite transmettre à un large public la sagesse universelle de l’islam et du soufisme afin de contribuer à l’épanouissement spirituel des individus, à la paix sociale et à l’échange culturel. Adhésion Dons
Source : https://www.youtube.com/watch?v=eR3Fo5ZOaEM
’Explique-moi Ibn Arabi’ : Gregory Vandamme – Vidéo 53:28 - ISTHME Culture soufie - Sortie le 24 mars 2024
Grégory Vandamme est islamologue, Docteur en sciences des religions, spécialiste de Ibn ’Arabi.
Contenu temporel > -00’29’ : Qui était Ibn ’Arabi ? -12’15’ : L’œuvre de Ibn ’Arabi -20’34’ : Ses écrits les plus accessibles -22’17’ : La notion de sainteté mohammadienne -31’14’ : La doctrine de l’unicité de l’existence -37’25’ : Pourquoi cette doctrine a-t-elle été critiquée ? -39’57’ : La notion de perplexité -44’16’ : En quoi l’œuvre d’Ibn ’Arabi est-elle actuelle ? -49’25’ : ’Ceux qui suivent ’Ibn ’Arabi ne font que suivre sa djellaba’ (Sidi Hamza) -52’12’ : Conclusion Suivez-nous sur nos différentes plateformes : ➜ SITE : https://www.soufisme.org ➜ FACEBOOK : / isthme.soufisme ➜ INSTAGRAM : / isthme_soufisme75 ➜ SOUNDCLOUD : / souf-isthme ➜ EMAIL : contact@isthme.org
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Source : https://www.youtube.com/watch?v=0yvh_7-flbs
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Ibn ’Arabî et la mystique soufie – Vidéo 39:34 - Vision Juste - 21 août 2024
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’Le Soufisme’ - Eric Geoffroy : https://amzn.to/4dUUckV ’Traité de l’Unité’ - Ibn ’Arabî : https://amzn.to/3WSrkCW ’La production des cercles’ - Ibn ’Arabî : https://amzn.to/46S4LTr
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Ibn Arabi, une voie intérieure dans l’Islam – Vidéo 1:18:43 - Les philosophes de l’âme #15 - Nouvelle Acropole France – 1er juillet 2024 – [Approche iranienne]
’Celui qui aime progresse’, c’est le début de tout chemin spirituel, selon Ibn Arabi, grand philosophe du monde arabo musulman du XIII siècle. Mais si c’est l’élan qui déclenche le parcours vers l’être, il ne se suffit pas à lui-même. Toucher l’unité nécessite une profonde méditation, l’alchimie du souffre actif grâce au mental.
Conférence donnée par Laleh Desclou, Espace Montméjean à Bordeaux, le 12/06/2024 *** Recevez notre contenu par mail : contact@nouvelle-acropole.fr
Saviez-vous que Nouvelle Acropole est réalisée à 100% par des bénévoles ? Nous dépendons donc beaucoup de nos étudiants et amis pour la divulgation ! N’oubliez pas de vous abonner à la chaîne en activant la cloche et si possible de la partager sur vos réseaux sociaux. Ce sera d’une grande aide !😊 Informations : https://nouvelle-acropole.fr/ Instagram : @nouvelleacropolefrance - Facebook : / nouvelle.acropole.france Podcast : https://www.buzzsprout.com/%20293021 Questions ou commentaires ? Écrivez à contact@nouvelle-acropole.fr Nouvelle Acropole est une organisation philosophique présente dans plus de 50 pays depuis 1957, et vise à développer en chaque être humain ce qu’il y a de meilleur, à travers la Philosophie, la Culture et le Volontariat.
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Source : https://www.youtube.com/watch?v=DcndUINFqXA
Laleh Descloux - Médecin, elle s’intéresse à la philosophie qu’elle découvre à travers sa culture persane. Scientifique, elle concilie son approche rigoureuse du sens à son intuition et sa sensibilité au vivant. Elle nous initie à la philosophie transcendantale américaine qui renouvelle une lecture mystique de la Nature, à l’instar des poètes orientaux… - Source : https://ancrages-editions.com/auteur/laleh-descloux/
Selon Wikipédia > Nouvelle Acropole est un mouvement ésotérique d’inspiration théosophique fondé en 1957 en Argentine par Jorge Ángel Livraga Rizzi, philosophe et écrivain. Présente dans une cinquantaine de pays, Nouvelle Acropole est juridiquement constituée sous la forme d’une association internationale à but non lucratif… - Wikipédia Fondateur : Jorge Ángel Livraga Rizzi - Type : Organisation à but non lucratif, organisation internationale – [Des controverses sur ce mouvement à lire sur Wikipédia…]
Source : https://www.youtube.com/watch?v=YquqO9qXXCc
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La religion s’oppose-t-elle à la raison ? – Document ‘digischool.fr’
[DigiSchool est une entreprise française qui intervient dans le domaine de l’éducation et de l’orientation…- « L’entreprise, qui fournit des fiches pédagogiques gratuites « pour drainer un maximum d’audience », met en place en 2018 des services payants3. En 2018, digiSchool recrute comme directrice du développement Marie-Caroline Missir6,7, qui est nommée en février 2020 à la tête du réseau public Canopé par le ministre Jean-Michel Blanquer dans le contexte d’une importante restriction d’emplois du réseau8,9. Le quotidien Le Monde est partenaire de digiSchool10,11… - Wikipédia ]
Parce que certains passages des textes dits sacrés vont à l’encontre du discours scientifique, foi et raison semblent s’opposer. Tout au moins, elles seraient deux moyens différents de connaître la réalité.{{}}
I. Le conflit entre la foi et la raison{{}}
1) Croire ou démontrer ?
La raison implique de rechercher des preuves de ce qu’on admet comme vrai. Elle exige un effort de justification permanent, soit par l’expérience, soit par l’argumentation. Au contraire, la foi se définit comme une confiance aveugle envers une personne, un texte, indépendamment de toute preuve. Dès lors, foi et raison semblent inconciliables.
À noter{{}}
Il ne faut pas confondre foi et fanatisme. La foi peut impliquer des doutes et des inquiétudes. Au contraire, le fanatique ne remet jamais en cause ses croyances et tente de les imposer aux autres.
2) Peut-on prouver l’existence de Dieu ?
De nombreux philosophes et théologiens ont cherché à prouver l’existence de Dieu. Ils se sont appuyés tantôt sur la beauté et la régularité du monde pour en déduire l’existence d’une intelligence supérieure et créatrice, tantôt sur l’idée de la perfection divine qui implique l’existence de Dieu.
Selon Kant, il est impossible de prouver l’existence de même que l’inexistence de Dieu. Cette question ne relève pas de l’entendement, puisque l’existence d’une chose ne se démontre pas. Dans la Critique de la raison pratique, Kant déplace la question de l’existence de Dieu sur le plan pratique et moral : elle est une hypothèse moralement nécessaire. Agir moralement suppose de postuler l’existence de Dieu comme ce qui impose de rechercher le bien.
3) Comment justifier sa foi ?
Si le croyant ne peut prouver l’existence de Dieu, il peut justifier sa foi en s’appuyant sur différentes expériences, lesquelles n’ont pas en elles-mêmes de valeur scientifique. Il fonde ses propos en particulier sur les témoignages de proches ou de grandes figures spirituelles, ainsi que sur son expérience intime.
4) La foi : un dépassement de la rationalité ?
La foi n’est pas disqualifiée du simple fait qu’elle ne se justifie pas aux yeux de la raison. Elle renvoie à une confiance qui, par-delà la raison, admet la vérité de certaines propositions.
Elle engage aussi des actes. Kierkegaard parle d’un « saut » qui permet de donner du sens à l’existence.
II. Réconcilier foi et raison ?
1 ) Une association possible
On pourrait dire que le conflit entre foi et raison n’est qu’apparent et qu’en réalité ces deux facultés cohabitent, chacune ayant son propre domaine de validité. Pascal, par exemple, distingue les vérités accessibles par la raison et les vérités accessibles par le cœur. La raison renvoie à une connaissance discursive, par démonstration, tandis que la foi renvoie à une intuition immédiate.
Pourtant, cette tentative de réconcilier foi et raison renvoie toujours à une hiérarchie implicite entre les deux facultés. La raison devrait s’humilier et reconnaître ses limites devant une foi triomphante, qui nous donnerait accès à une vérité plus importante. La raison serait réduite à deux rôles : s’intéresser aux questions secondaires, qui n’influencent guère le sens de notre vie, ou bien préparer le cœur humain à accepter la foi. On pourrait inverser cette hiérarchie : la foi devrait alors s’humilier devant les exigences démonstratives de la raison.
2) Une tension enrichissante
Plutôt que de tenter à tout prix de réconcilier les deux termes, ne vaudrait-il pas mieux maintenir la tension entre foi et raison ? En ce sens, Ricœur distingue « problème » et « appel ». La raison répond à des problèmes que nous formulons, qu’il s’agisse des sciences ou de la philosophie. La foi répond à un appel qui est reçu à partir d’un texte ou d’une tradition. Un écart entre raison et foi est maintenu, mais on reconnaît son caractère fécond : il permet aussi bien le progrès de la raison qu’une foi plus intelligente.
Source : https://www.digischool.fr/cours/la-religion-s-oppose-t-elle-a-la-raison
Commençons par établir une distinction très importante. La doctrine catholique enseigne que l’homme dispose de deux sources de connaissance : La raison naturelle, et la foi.
Par sa raison naturelle, l’homme peut connaître tout ce qui est accessible à sa connaissance naturelle : la nature, ses lois, l’homme, etc. Il peut aussi parvenir à démontrer qu’il existe nécessairement une cause première de l’univers, que tout le monde appelle Dieu. Tout ce domaine de connaissance est l’objet de la philosophie. C’est aussi, en partie du moins, l’objet des sciences expérimentales : la physique, la chimie, la biologie ont pour but la connaissance du monde qui nous entoure.
Mais il est des choses que l’homme, laissé à ses seules forces, ne pourra jamais connaître. Ce sont les réalités surnaturelles, par exemple le mystère de la Sainte Trinité. Pour savoir qu’il y a trois personnes en Dieu, l’homme a besoin d’une lumière nouvelle, surnaturelle. Cette lumière surnaturelle, c’est la foi.
La doctrine catholique enseigne que l’homme dispose de deux sources de connaissance : La raison naturelle, et la foi (...) Ces deux sources de connaissance, la raison et la foi, viennent toutes deux de Dieu et donc, elles ne peuvent pas se contredire.
Ces deux sources de connaissance, la raison et la foi, viennent toutes deux de Dieu et donc, elles ne peuvent pas se contredire. C’est un point fondamental. Sinon, Dieu ne serait pas cohérent. Il y a nécessairement une harmonie entre la foi et la raison et donc une harmonie entre l’enseignement de la révélation, connu par la foi et transmis par l’Église, et les conclusions des sciences expérimentales, pour autant que ces dernières sont justes et faites à leur bon niveau.
Comme dit Jean-Paul II : « La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. » Voilà pour la théorie.
Ni discordisme ni concordisme
Dans la pratique, les choses sont un petit peu plus compliquées, et certaines théories scientifiques semblent parfois difficilement compatibles avec la révélation.
Prenons un exemple, choisi à dessein un petit peu polémique, pour nous aider à comprendre : la théorie de l’évolution de Darwin tient que l’homme est apparu sur terre par évolution à partir d’autres espèces vivantes, et que le moteur de cette évolution est le hasard. La foi chrétienne enseigne au contraire que l’âme humaine est créée directement par Dieu. Face à cette apparente contradiction, trois attitudes sont possibles.
La première est celle du discordisme, ou de la double vérité. La foi m’enseigne quelque chose dans son domaine, et c’est vrai pour le croyant ; la science me dit le contraire, et c’est vrai pour le scientifique. On trouve cette attitude déjà chez certains auteurs au Moyen Âge, et saint Thomas d’Aquin, au XIIIe siècle, a très vigoureusement combattu cette vision des choses. En fait, c’est un vrai suicide intellectuel. Je pense quelque chose quand je suis dans mon laboratoire, et je pense exactement l’inverse quand je réfléchis en chrétien. Position à exclure, donc.
« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. (Jean Paul II, Fides et Ratio, 1998){}
Deuxième possibilité. Je suis convaincu que Darwin a raison. Et donc, j’estime que l’Église se trompe quand elle enseigne que l’âme humaine est créée directement par Dieu. Là encore, cette position est intenable pour le croyant. Pourquoi ? Parce que Dieu est la vérité même.
Cependant, un autre cas de figure est possible dans les rapports entre science et foi. Parfois, les théories scientifiques semblent confirmer un enseignement de foi. Par exemple, beaucoup d’auteurs chrétiens voient dans la théorie du Big Bang une confirmation de la doctrine de la création. Le problème de ce genre d’approche, qui a sa pertinence dans son ordre – et que l’on appelle le concordisme – est que l’on accorde trop d’importance à la connaissance scientifique.
Non pas bien sûr que la science serait méprisable, mais bien parce que, en raison de sa méthode, il est certaines conclusions auxquelles la science expérimentale ne peut pas parvenir. Expliquons ce dernier point. Le travail du scientifique peut se décomposer en trois niveaux, de plus en plus complexes : l’expérimentation par la mesure, l’élaboration de lois scientifiques et enfin l’élaboration de théories scientifiques.
Les trois niveaux de la connaissance scientifique
Le premier niveau est obtenu par la médiation d’un instrument de mesure. Un grand scientifique, Arthur Eddington, donne cet exemple : il cherche à expliquer la glissade d’un éléphant sur une colline avec une pente gazonnée. Pour modéliser cette expérience, il remplacer l’éléphant par sa masse (2 tonnes), la pente gazonnée par un plan incliné à 15 degrés, le gazon par un coefficient de frottement. Et, en combinant tous ces éléments, il va pouvoir évaluer la vitesse de descente de l’éléphant. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que la science connaît le réel en le mathématisant, en l’exprimant par des nombres qui renvoient à la mesure de mes instruments. Et donc, le scientifique n’atteint pas l’être profond des choses (l’être de l’éléphant, la nature du mouvement, etc.), mais il atteint seulement un aspect du réel : une certaine quantité mesurable.
La science dit bien quelque chose du réel, et c’est très important, mais elle ne dit pas tout du réel. Lorsque les scientifiques veulent parler d’une réalité qui échappe à l’expérience (la création, Dieu, l’âme humaine), en fait, ils ne sont plus tellement dans leur domaine, mais passent dans celui de la philosophie ou de la théologie.
La science dit bien quelque chose du réel, et c’est très important, mais elle ne dit pas tout du réel.
Voilà pour le premier niveau. Une fois que le scientifique a établi un certain nombre de mesures, il peut élaborer des lois scientifiques. Par exemple, il pourra déterminer que la vitesse d’un objet est égale à la distance parcourue divisée par le temps : V=d/t, comme on l’apprend au collège. Ou encore, il pourra, toujours à partir de l’expérimentation, établir certaines lois de fonctionnement du vivant. Il atteint alors, généralement, une vraie certitude, qui lui permet de mieux connaître la structure de la matière, et le comportement des êtres physiques qui l’entourent.
Troisième niveau. Une fois que le scientifique a établi plusieurs lois, il va chercher à les mettre en relation les unes avec les autres. Il arrive ainsi à une synthèse organisée, qu’on appelle une théorie scientifique. Or il est rare qu’une théorie scientifique puisse être considérée comme absolument définitive. Elle doit souvent être corrigée à la lumière de nouvelles découvertes, et intégrée à une théorie plus vaste. C’est ce qui s’est passé par le passage de la physique de Newton à la physique d’Einstein. Et Einstein avait bien conscience du caractère limité des théories scientifiques, et il l’expliquait avec l’exemple suivant. Le scientifique est comparable à un homme qui trouve une montre, en état de marche, mais qu’il est incapable d’ouvrir. Cet homme va donc chercher à imaginer quel type de mécanisme peut expliquer le mouvement des aiguilles. Mais, parce qu’il ne pourra jamais ouvrir le boîtier, il ne pourra jamais être absolument certain que sa théorie est conforme à la réalité. Il se pourrait que l’explication réelle du mouvement des aiguilles soit différente de celle que propose sa théorie.
Voilà pourquoi il faut être prudent quand on veut défendre un élément de la foi chrétienne à partir d’une théorie scientifique. Car il se pourrait que de nouvelles découvertes scientifiques viennent invalider, au moins en partie, cette théorie. Saint Thomas d’Aquin était d’ailleurs, à son époque, assez prudent pour accepter les résultats des observations des astronomes. Par ailleurs, les théories scientifiques ne sont jamais neutres sur le plan philosophique. La plupart des scientifiques s’accordent sur les deux premiers niveaux, l’expérimentation et les lois. Les désaccords surviennent au niveau des théories, et s’expliquent en raison de divergences philosophiques (ou théologiques). Il est donc très utile, quand on discute de ces questions, de chercher à mettre au jour les présupposés philosophiques de telle ou telle théorie scientifique.
On pourra ainsi nouer un dialogue fécond entre science, foi et philosophie, et contempler, dans l’univers, l’œuvre de la sagesse divine.{{}}
Cet article est republié à partir de la chaîne YouTube de la Fraternité Saint Vincent Ferrier
Source : https://www.collegedesbernardins.fr/mag-digital/foi-et-raison-quelle-relation
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Le concept de l’Homme en Islam - Dimanche 29 septembre 2024 - Enregistrement ‘France Culture’ 53 minutes - Provenant du podcast Questions d’islamQuestions d’islam
D’aucuns avancent l’idée que le concept de l’homme n’a fait son apparition qu’en Europe à la fin du XVIIIe siècle. Pourtant, à rebours de cette assertion, ce concept est une invention grecque repensée par les philosophes musulmans hellénisants...{{}}
Avec Houari Touati Directeur d’études à l’EHESS (Paris) et directeur de Studia Islamica
D’aucuns avancent l’idée que le concept de l’homme n’a fait son apparition qu’en Europe à la fin du XVIIIe siècle. Pourtant, à rebours de cette assertion, ce concept est une invention grecque repensée par les philosophes musulmans hellénisants. Né dans la Grèce du IVe siècle avant notre ère, rénové dans l’Alexandrie de la deuxième moitié du IIIe siècle de notre ère, l’homme a disparu aux confins de l’Antiquité tardive, avant de retrouver vie au Proche-Orient, sous les premiers Abbassides.
Ce sont les théologiens rationalistes qui le reçurent en leur site, pour fonder la théodicée d’un Dieu juste qui ne pouvait l’être qu’en reconnaissant à ses créatures humaines leur agentivité sur leurs actes. Ensuite, les philosophes de langue arabe lui donnèrent un espace propre sous le nom de « sciences de l’homme », dans le curriculum d’études de la philosophie, pour la première fois peu avant la fin du IXe siècle. Mais une théologie, plus traditionnelle, en eut raison. Il fallut pour qu’il réapparaisse attendre la Renaissance italienne, sa filiation arabe s’en trouvant préservée.
Houari Touati, directeur d’études à L’EHESS, directeur de la revue Studia Islamica et auteur de nombreux ouvrages sur l’Islam, viendra parler de cet humanisme, de sa réapparition à la Renaissance avec sa filiation arabe préservée. Il est l’auteur de L’arrivée de l’homme en islam et sa disparition d’Athènes à Bagdad (Vrin, 2024).
Sciences et Savoirs Société Religions – Spiritualité Islam
L’équipe - Ghaleb Bencheikh Production - François Caunac Réalisation - Thierry Beauchamp Collaboration
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Foi et raison en islam - Théologie mutazilite - Dimanche 06 octobre 2024 – Enregistrement ‘ France Culture’ de 53 minutes - Provenant du podcast Questions d’islam – Diffusé par ‘Radio France’Questions d’islam
Qu’est-ce que la théologie mutazilite ? Pourquoi rejette-t-elle le principe de l’imitation pure et simple, même de ses propres maîtres ? Pourquoi s’oppose-t-elle à une compréhension littéraliste de l’islam ? Et quel type de réforme propose-t-elle pour éclairer le chemin des croyants ?{{}}
Avec Faker Korchane Théologien néo-mu’tazilite et imam
Renouant avec le genre littéraire de l’épître aussi bien comme lettre de correspondance que comme un court traité, le théologien néo-mutazilite Faker Korchane adresse son texte aux musulmans perplexes. Ceux-là qui ont du mal à se reconnaître dans ce qui apparaît être l’islam de nos jours. Une religion engluée dans l’imitation des pieux Anciens avec une obsession quasi-névrotique de l’observance de la norme canonique.
Faker Korchane propose de remettre au goût du jour la théologie rationnelle de l’école mutazilite. Théologien néo- mu’tazilite et imam, il est le co-fondateur de l’Association pour la renaissance de l’islam mu’tazilite (ARIM, 2017). En 2019, il a créé avec Kahina Bahloul, théologienne et imame, l’Association cultuelle de la mosquée Fatima.
Son Épître aux musulmans perplexes (Editions Atlande) est dédiée à la théologie islamique rationnelle. La question centrale qui l’anime est celle de savoir en quoi l’approche mu’tazilite représente une perspective plus adaptée, plus épanouissante et donc plus en phase avec les visées, à la foi éthique et spirituelle, de la religion.
À écouter : Le néo mutazilisme Questions d’islam 53 min
Sciences et Savoirs Société Religions – Spiritualité Islam
L’équipe - Ghaleb Bencheikh Production - François Caunac – Réalisation - Thierry Beauchamp Collaboration
Voir aussi > Les secrets de la secte ésotérique kurde des Ahl-e Haqq - Les Nuits de France Culture 31 août • 1h 24min
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Source : https://www.radiforance.fr/franceculture/podcasts/questions-d-islam/foi-et-raison-en-islam-4720218
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Collecte de documents et agencement, traductions, [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 16/11/2024
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