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"Les mouvements des macromolécules qui ‘dansent’" par le Dr. Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

mercredi 9 novembre 2011, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS Biologie Eau
Les mouvements des macromolécules qui ‘dansent’
Dancing with Macromolecules
Série Jazz Quantique de l’eau
Les macromolécules ont besoin de beaucoup d’eau pour fonctionner sans effort et pour acquérir des propriétés complètement nouvelles lorsqu’elles sont convenablement hydratées. Dr. Mae-Wan Ho

Rapport de l’ISIS en date du 18/10/2010
L’article original en anglais avec références et illustrations s’intitulé Dancing with Macromolecules ; il est accessible par les membres de l’ISIS sur ce site www.i-sis.org.uk/dancingWithMacromolecules.php
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Les organismes possèdent un énorme répertoire de réactions chimiques qui leur permet de transformer l’énergie et les matières pour leur croissance, leur développement et de faire tout ce qui est exigé par tout être vivant.
Ce qui est peut-être le plus remarquable, c’est que ces réactions chimiques sont catalysées par des protéines enzymatiques qui accélèrent le taux de réaction par un facteur de 1010 à 1023. Mais la question de savoir comment les enzymes font ce travail reste à ce jour sans réponse [1].

Si un sujet a reçu trop peu d’attention jusqu’à une date relativement récente, c’est bien l’eau. Il est bien connu que les enzymes et d’autres macromolécules, l’ADN et l’ARN, ont besoin d’une quantité minimum d’eau afin de fonctionner à tout instant et, bien plus encore, pour travailler efficacement.
C’est pourquoi les cellules sont chargées avec de l’eau, environ 70 pour cent en poids. En termes de nombre de molécules, l’eau dépasse de loin toutes les autres espèces chimiques : les ions, les petites molécules organiques et les macromolécules réunies.

L’eau est nécessaire pour donner de la souplesse aux macromolécules, afin qu’elles puissent danser librement dans le jazz quantique de l’eau, afin d’accomplir leurs tâches qui seraient autrement impossibles à réaliser : faire en sorte que les réactions chimiques puissent se produire spontanément et sans effort.

Beaucoup de chercheurs scientifiques sont en effet prêts à admettre l’idée que les protéines agissent mécaniquement de manière quantique, ou, comme certains d’entre nous l’ont proposé depuis des années déjà, que les protéines enzymatiques sont des mécanismes moléculaires quantiques qui transforment l’énergie de manière cohérente (voir [2] The Rainbow and the Worm, The Physics of Organisms , ISIS publication).

Mais nous devons revenir en arrière pour tenter d’esquisser un tableau d’ensemble.

L’eau d’hydratation en surfusion

Au cours des 20 dernières années, l’eau a été reconnue comme un constituant actif de la biochimie cellulaire et pas seulement un solvant inerte [3]. L’eau a une relation spéciale avec les protéines dans leur ’enveloppe d’hydratation’.
L’enveloppe d’hydratation peut être définie comme une eau associée à la protéine au point final d’hydratation, quand l’addition d’eau supplémentaire ne produit aucun changement de ses propriétés essentielles, dans le cas d’une enzyme, ce serait son activité enzymatique. Cette enveloppe d’hydratation est une simple couche de molécules d’eau couvrant la surface de la protéine.
L’eau se trouvant en dehors de la monocouche est perturbée dans une moindre mesure de manière significative, mais généralement non détectée par les mesures de propriétés telles que la capacité thermique, le volume ou la quantité de chaleur (elle est toutefois de plus en plus reconnue par les techniques de mesure plus récentee, voir plus loin).

L’activité du lysozyme, par exemple, suit de près le développement des mouvements de surface lorsque l’hydratation augmente, laquelle est donc responsable de la fonction de la protéine.

Contrairement à l’eau libre, l’eau d’hydratation des protéines ne gèle pas à 0˚C, mais elle peut être refroidie, en surfusion, jusque dans une transition [4] à Tg 170 K (environ -103˚C), et elle est reflètée dans les discontinuités dans la chaleur spécifique et par le coefficient de dilatation thermique de l’eau d’hydratation. En-dessous de cette température, l’eau d’hydratation se fige dans un solide non-cristallin qui n’a pas d’ordre moléculaire. Près de Tg, le mouvement de l’eau est arrêté.

Cependant, la protéine a sa propre transition dynamique, une apparition brutale de mouvements atomiques qui peuvent être détectés par diffusion de neutrons, et qui se produit à TD 225 + 5 K. Il s’agit d’une propriété générique des protéines hydratées et qui est absente dans les systèmes déshydratés.
Cette propriété est donc liée à la dynamique de l’enveloppe d’hydratation. Certains chercheurs considèrent la transition dynamique des protéines comme la “manifestation microscopique" de la transition de la couche d’hydratation. D’autres, cependant, l’interprètent comme un liquide à transition depuis un fluide, un liquide à haute densité (HDL) jusqu’à un liquide moins fluide, un liquide de faible densité (LDL), ou de l’eau en surfusion [3].

Un comportement similaire a été trouvé pour l’eau confinée dans divers milieux biologiques et non biologiques, et dans une gamme de 18 solutions, y compris des formations organiques in vitro de faible poids, des polymères, des sucres, ainsi que des protéines et des sondes à ADN avec une large bande en spectroscopie diélectrique (voir encadré) : entre 10-2 et 107 Hz [5].
Les caractéristiques universelles de la dynamique de l’eau sont apparues au-dessus et en dessous de la transition, qui étaient semblables à de l’eau en surfusion et à de l’eau confinée en surfusion respectivement. Cependant, la température de transition s’étend sur une assez large gamme de 165 à 220 K.

Spectroscopie diélectrique
Un diélectrique est une molécule telle que l’eau qui est polarisée - avec des charges séparées, négatives et positives - ou qui peut être polarisée par un champ électrique appliqué. La spectroscopie diélectrique mesure la réponse diélectrique d’un échantillon à un champ électromagnétique externe, appliqué sur une plage de fréquences.
Les propriétés diélectriques d’un matériau sont exprimées en un nombre complexe connu sous le nom de permittivité. La partie réelle de la permittivité mesure l’énergie stockée, la partie imaginaire mesure la perte d’énergie et elle est appelée la perte diélectrique. Lorsque le champ extérieur est appliqué, les dipôles dans l’échantillon vont s’orienter avec le champ appliqué.
Aux basses fréquences, ils peuvent suivre parfaitement la polarisation du champ appliqué, résultant de la permittivité maximum et du minimum de pertes diélectriques.
Lorsque la fréquence augmente, les molécules ne peuvent plus suivre le changement du champ électrique : cela se traduit par moins d’énergie stockée et des pertes plus élevées. Même aux fréquences plus élevées, les molécules ne répondent plus au champ appliqué, et les molécules se séparent. Par exemple, les molécules d’eau sont ‘étirées’ à des fréquences supérieures à 1011 Hz, et au-delà, elles se brisent.
Le temps de relaxation diélectrique est la mesure du temps qu’il faut pour que les charges séparées dans un diélectrique, soient neutralisées par le processus de conduction.

Davantage de couches d’hydratation ont été mises en évidence

Au cours des dernières années, une nouvelle technique de spectroscopie térahertz (1012 Hz) a créé des remous dans la communauté des spécialistes de l’hydratation des protéines.

Martina Havenith et ses collègues de l’Université de la Ruhr à Bochum, en Allemagne, ont eu recours à cette nouvelle ‘technologie de pointe’ pour révéler les propriétés globales de protéines et de leurs couches d’hydratation [6], ce qui a incité un certain nombre de scientifiques travaillant sur l’eau, à repenser l’hydratation des protéines.

Beaucoup de techniques sophistiquées ont été utilisées pour sonder la dynamique des protéines et l’eau d’hydratation sur une large plage de temps et d’espace. Par exemple, la spectroscopie de relaxation RMN résout la dynamique de l’eau depuis les nanosecondes jusqu’à quelques secondes, alors que la cristallographie aux rayons X révèle des structures fixes des protéines et des molécules d’eau liées à l’intérieur des protéines et dans les environs.

Ces deux techniques fournissent des informations sur l’hydratation à courte portée, jusqu’à 3 Å (angström = 10-10 m) de la surface de la protéine qui correspond à une couche d’hydratation. Les sondes de spectroscopie diélectrique traditionnelles fonctionnent de 100 secondes à 100 ps (picoseconde = 10-12 s). La spectroscopie diélectrique Terahetz étend l’échelle de temps vers le bas dans la gamme des picosecondes ps. La diffusion des neutrons résout la dynamique à ce niveau des picosecondes.

Sur les échelles de temps plus rapide, les sondes de spectroscopie infrarouge en deux dimensions procèdent dans une gamme de temps qui se déroule en femtosecondes (1 fs = 10-15 s).

Et l’image remarquable qui en ressort est que les protéines et la dynamique d’hydratation peuvent être corrélées sur toutes les échelles de temps, comme elles le seraient par ailleurs dans les systèmes de cohérence quantique [2].
La spectroscopie d’absorption térahertz, rendue possible par les puissantes sources électromagnétiques térahertz de pointe, ouvre une nouvelle fenêtre entre les micro-ondes et l’infrarouge permet de scruter dans les interactions globales de l’eau avec les protéines qui sont complètement dissoutes (dans un milieu avec un excès d’eau).

L’absorption de la protéine solvatée augmente linéairement avec la fréquence dans une étroite plage de fréquences de 2.25 à 2.55 THz. En se concentrant sur des mesures à une seule fréquence, les chercheurs ont constaté que le coefficient d’absorption de la solution par rapport à l’eau libre, augmente avec la concentration en protéines, avant de chuter et de diminuer de façon presque linéaire à des concentrations plus élevées.

À des concentrations en protéines de 0,5 à 1 mM, lorsqu’apparaîssent les pics des coefficients d’absorption et que ces derniers commencent à retomber, le volume d’eau déplacé par les molécules de protéines est négligeable, de l’ordre d’environ 1 pour cent. Par conséquent, l’eau d’hydratation autour de la protéine doit largement contribuer à l’absorption THz totale.

Les chercheurs ont eu recours à des simulations de dynamique moléculaire pour calculer l’absorbance de la protéine et la couche d’hydratation, d’abord comme une fonction de la distance entre la surface des protéines, qui devraient dépendre de la concentration en protéine.

En accord avec les observations de l’expérience à des concentrations au-delà du pic d’absorbance, la distance entre les protéines influence de manière significative l’absorption de la protéine, ainsi que sa couche d’hydratation et les couches au-delà. L’absorbance diminue à mesure que les protéines se sont rapprochées de 24 à 18 Å, puis s’aplatit ensuite pour les distances les plus courtes, changeant peu avec la distance entre les protéines.

D’autres simulations de dynamique moléculaire ont révélé que les liaisons hydrogène entre les molécules d’eau, dans les couches d’hydratation jusqu’à environ 10 Å, survivent plus longtemps que celles qui sont en place dans l’eau libre. Les données expérimentales indiquent une séparation moyenne de plus de 20 Å lorsque l’absorbance atteint un sommet, qui couvre près de 7 couches d’eau.
Les premiers résultats ont été obtenus dans une protéine génétiquement modifiée ‘l*6–85‘, mais des résultats similaires ont été obtenus avec le lysozyme et la myoglobine normales [non–OGM] [7]. A 23 g d’eau par g de protéines de lysozyme, l’absorbance a fait un bond vers le haut avec une souplesse structurelle accrue de la protéine. De même, la myoglobine a montré un maximum à 98 pour cent en poids d’eau (24 g / g).
Tandis que l’eau libre et son absorption diminuent, la concentration en protéines augmente : ceci est plus que compensé par l’absorption de couches d’hydratation et de la protéine hydratée, qui devient alors une unité cohérente dynamique

L’eau d’hydratation ferroélectrique

Les résultats inattendus de la spectroscopie d’absorption diélectrique Térahertz [6, 7] ont stimulé les chercheurs et les ont amené à examiner les propriétés électrostatiques de l’eau d’hydratation. Davis LeBard et Dmetry Matyushov de l’Arizona State University, à Tempe, aux Etats-Unis, ont déclaré que [8] pour expliquer ces observations, « il faut un très grand moment dipolaire efficace de la protéine et de son enveloppe d’hydratation, dépassant largement le moment dipolaire de la protéine elle-même ».

Ces chercheurs LeBard et Matyushov ont montré par des simulations numériques que l’eau d’hydratation des protéines est polarisée dans une enveloppe ferroélectrique d’environ 3-5 molécules d’eau d’épaisseur, avec de grands moments dipolaires moyens.

En outre, le moment dipolaire de l’enveloppe d’hydratation fluctue en fonction d’une grande amplitude, beaucoup plus large que celle de l’eau libre, et dépassant de loin l’ampleur prévue par la théorie de réponse linéaire habituelle, comme l’indiquent aussi des mesures réelles. Ces fluctuations importantes sont dominées par une ‘lente’ dynamique de l’ordre de la nanoseconde, probablement associée à des mouvements collectifs de conformation de la protéine.

Ces résultats correspondent tout juste à ce qui est attendu de la nature cristalline liquide dynamique des organismes vivants, comme cela a été découvert dans mon laboratoire en 1992, et qui implique que l’eau associée à des macromolécules est également polarisée et se déplace de manière cohérente avec les macromolécules [2].

N’y a-t-il pas là une preuve évidente que le système d’hydratation-protéine est dans un état de cohérence quantique, comme j’ai suggéré qu’un organisme vivant est en cohérence quantique ?

La danse quantique des protéines

La possibilité d’effet tunnel quantique a été invoquée dans la catalyse enzymatique. Le tunnel quantique est un effet mécanique quantique dans lequel les particules passent en-dessous une barrière d’énergie, pour parvenir à une réaction chimique qui est impossible dans la chimie classique. Le tunnel quantique est déjà bien admis dans le transfert d’électrons et il est fréquemment observé pour le transfert de protons [2].

De récentes études expérimentales et des simulations de calculs ont montré clairement que la flexibilité des protéines induite par l’eau est importante dans la réduction des barrières d’énergie libre entre les réactifs et les produits. La flexion de protéines augmente la probabilité d’effet tunnel quantique entre les réactifs et produits par une compression temporaire de la barrière d’énergie. (Évidemment, dans le cas de transfert d’électrons ou de protons, l’effet tunnel quantique n’aura lieu que si les actions du donneur et de l’accepteur sont également corrélées ou cohérentes, ainsi, la cohérence doit alors s’étendre à l’ensemble des protéines de l’accepteur et du donneur). Les mêmes études indiquent que la dynamique des protéines est étroitement liée à celle de l’eau.
Certains scientifiques vont jusqu’à dire que c’est surtout la mobilité de l’eau qui détermine l’ampleur des fluctuations des protéines, non seulement à la surface de la protéine, mais aussi dans le centre de la protéine. Mais les mouvements collectifs de conformation des protéines, viendraient en retour influencer l’eau d’hydratation de manière cohérente (voir ci-dessus). Un signe de l’effet quantique est la différence de comportement observée lorsque de l’hydrogène (H) est remplacé par son isotope lourd deutérium (D), comme cela a déjà été clairement indiqué pour l’eau elle-même (voir [9] Cooperative and Coherent Water , SiS 48) *.
* Version en français intitulée "L’eau est coopérante et cohérente" par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction et compléments de Jacques Hallard ; elle est accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article4577&lang=fr

Fabio Bruni et ses collègues de l’Université Tre Studi Rome en Italie ont utilisé la spectroscopie diélectrique pour comparer la relaxation diélectrique du lysozyme dans l’eau ordinaire (H2O) et dans l’eau lourde (D2O), dans la gamme de fréquences de 10-2 à 107 Hz, et sur une plage de température de 210 K à 330 K [10].

Si l’effet est classique, il devrait n’y avoir aucune différence entre l’échantillon de H2O ou de D2O. Pourtant, de grandes différences ont été trouvées. En particulier, le temps de relaxation diélectrique de H2O était complètement différent de celui mesuré avec D2O sur la plage de température (voir Fig. 2).
Figure 2. Temps de relaxation diélectrique vs température T (a) ; logarithme naturel de la réciprocité des temps de relaxation rapport tD /t H (≡ wH / wD) vs réciproque de la température ; la ligne horizontale pointillée indique la valeur 1,4, ce qui devrait être valable pour toutes les températures s’il n’y avait pas les effets quantiques

Ces observations sont en accord étroit avec les résultats d’une étude théorique sophistiquée utilisant des méthodes de mécanique quantique à partir des premiers principes.

En outre, les chercheurs ont réanalysé les données d’une expérience de diffusion des neutrons inélastiques en profondeur : ils ont mesuré la distribution dynamique de protons n(p) et l’énergie cinétique moyenne d’un échantillon de lysozyme préparé de la même manière que pour l’expérience de spectroscopie diélectrique. Les mesures ont été effectuées au-dessus et au-dessous de la température de transition dynamique de la protéine (voir ci-dessus) à 290 K et 180 K respectivement.

Ils ont calculé la fraction minimum de protons qui est nécessaire pour produire la différence observée dans la distribution de quantité de mouvements entre les deux températures, en supposant que les énergies cinétiques moyennes du proton sont indépendantes de la température, à l’exception de petites contributions kT (Boltzmann, arrière-plan), d’une part, et que la distribution d’impulsion à 290 K provient d’une population de protons avec le même n(p) que celle à 180 K, plus une contribution due à une fraction inconnue de protons, montrant un comportement mécanique quantique caractéristique, d’autre part.
Cette fraction de protons qui ont montré un comportement quantique se trouve à 0,29, précisément la fraction de protons présente dans l’échantillon qui appartiennent à l’eau d’hydratation.

L’eau confère des propriétés électriques à l’ADN

L’histoire fascinante de l’ADN et de l’eau ne fait que commencer. L’eau d’hydratation de l’enveloppe de l’ADN partage de nombreuses propriétés avec les couches d’hydratation des protéines.

En outre, l’eau transforme l’ADN en un conducteur électrique et lui donne des propriétés magnétiques, et beaucoup de scientifiques sont à la recherche de l’exploitation de l’ADN synthétique dans de nouveaux dispositifs électroniques moléculaires.

L’eau d’hydratation de l’ADN semble avoir une dynamique tout à fait inhabituelle, telle qu’elle fut mesurée par la technique dite ‘time-resolved Stokes-shift (TRSS) ‘, de ‘Déplacement de Stokes dépendant du temps’ et confirmé par des simulations de dynamique moléculaire.

Dans ces expériences sur un oligonucléotide de 17 paires de base, la lumière excite l’ADN et elle est réémise sous forme de fluorescence, déplacée vers les basses énergies, par rapport à la lumière absorbée (décalage ou déplacement de Stokes). La fréquence moyenne de fluorescence est mesurée en fonction du temps après l’excitation, couvrant six périodes de 40 fs à 40 ns.

Contre toute attente, la relaxation (désintégration de la fluorescence) n’a pas montré des échelles de temps distinctes qui pourraient être facilement attribuées à des processus multiples et indépendants. Au contraire, elle correspond une loi de puissance unique, ce qui suggère un degré élevé de corrélation sur toutes les échelles de temps.

Des chercheurs dirigés par Mark Berg à l’Université de Caroline du Sud aux États-Unis, ont utilisé un modèle de polarisation basé sur l’idée que le couplage entre les composants du système est dû à la polarisation d’un composant par un autre, qui non seulement s’ajuste bien avec les données expérimentales, mais qui leur a aussi permis d’attribuer la réponse obtenue par cette technique aux différentes composantes du système : l’eau, les contre-ions de l’ADN ou la molécule d’ADN elle-même [11].

Ces résultats ont montré que l’eau est le principal facteur qui contribue à la réponse obtenue par cette technique, et ceci à tout moment. Son étendue de relaxation couvre entièrement la plage de temps mesurée et contribue au comportement de la loi de puissance. Les contre-ions ont une contribution secondaire, mais non négligeable, avec un temps de relaxation bien défini de l’ordre de 200 ps. Le temps de relaxation de l’ADN est proche de 30 ps, mais l’amplitude est très faible.

De leur côté, Christophe Yamahata et ses collègues de l’Université de Tokyo et de l’Université de Kagawa à Takamatsu au Japon, ont démontré de manière convaincante que la capacité de l’ADN à transporter des charges électriques, dépend de l’eau [12].

Des paillettes d’ADN en suspension dans l’air, entre des nano-pincettes, (voir Fig. 3) ont augmenté de façon exponentielle la conductivité électrique jusqu’à 106 fois, lorsque l’humidité relative de l’air a augmenté.
Cette augmentation a été attribuée à une augmentation de la concentration de porteurs de charge, car l’hydratation de l’ADN a augmenté avec l’humidité relative ; les porteurs de charge étant H+ et OH- : cela suggère que le saut de conduction du proton (positif électriquement), pourrait être impliqué (voir [13] Positive Electricity Zaps Through Water Chains , SiS 28) ainsi que la conduction des électrons.
Figure 3. ADN en suspension dans l’air avec des nano-pinces

Une constatation importante est que la voie de transfert de charge (conduction) se fait par les bases empilées dans le noyau de la double hélice où les moléculaire orbitales p se chevauchent.

Une orbitale moléculaire est une forme d’onde décrivant la distribution et l’énergie d’une paire d’électrons, et elle est le plus souvent représentée comme une combinaison linéaire des orbitales atomiques des atomes formant une liaison covalente dans la molécule. Une orbitale p est l’orbitale moléculaire d’une liaison p où deux lobes des orbitales atomiques se chevauchent et se rejoignent. Les deux moitiés d’une molécule reliées par une liaison p ne peuvent pas tourner autour de ce lien sans le casser. Les composés du carbone et de l’azote forment des liaisons p lorsqu’ils se livrent à des liaisons multiples, comme dans C = C et N = N.

Dans des composés cycliques, tels que le benzène et les bases de l’ADN, où des liaisons simples alternent avec des liaisons doubles, les électrons de liaison p sont délocalisés, ou étalés dans l’ensemble de la structure du noyau et qu’il stabilise.

Julia Berashevich et Tapash Chakraborty de l’Université du Manitoba, à Winnipeg au Canada, ont utilisé des calculs de chimie quantique pour montrer que l’interaction des bases avec de l’eau (voir Fig. 4) brise quelques liaisons p dans la structure cyclique des bases, donnant lieu à des électrons p non liés.
Ces électrons non consolidés, non reliés, ainsi que le changement de conformation de l’ADN, d’une forme A (déshydratée) en forme B (hydratée), pourraient expliquer l’augmentation exponentielle de la conductivité, lorsqu’augmente l’humidité relative et l’hydratation de la molécule d’ADN.
Figure 4 - L’eau se liant à des bases d’ADN

En outre, à basse température, l’efficacité du transfert de charge est déterminée par l’interaction de spin des deux électrons non liés voisins, situés sur les bases du même brin. L’échange n’est autorisé que lorsque les spins des électrons sont antiparallèles (dans des directions opposées). D’où le fait que la conductance de l’ADN peut être contrôlée par un champ magnétique. Cela donne la possibilité de développer des dispositifs ‘spintroniques’ nanométriques, basés sur la molécule d’ADN, où l’efficacité de l’interaction spin sera déterminée par la séquence d’ADN.

Indépendamment des applications pratiques, ces résultats ont des implications profondes pour les fonctions biologiques de l’ADN, en plus de son intervention sous la forme d’un code linéaire, pour organiser la séquence des acides aminés dans les protéines. Nous ne faisons là qu’effleurer la pointe émergée d’un très gros iceberg.

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Définitions et compléments

Les mouvements des macromolécules qui ‘dansent’

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles honoraire.
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