Accueil > Pour en savoir plus > Sciences sociales > Psychosociologie, Psychologie sociale > "Croire en des ressources illimitées et innovations permanentes pour (…)

"Croire en des ressources illimitées et innovations permanentes pour résoudre les problèmes de l’humanité (comme les cornucopiens) ou être sceptique, résigné et fataliste, en colère contre cette vision ou simplement plus sobre ?" par Jacques Hallard

mardi 29 août 2023, par Hallard Jacques


ISIAS Ecologie Economie Psychosociologie

Croire en des ressources illimitées et innovations permanentes pour résoudre les problèmes de l’humanité (comme les cornucopiens) ou être sceptique, résigné et fataliste, en colère contre cette vision ou simplement plus sobre ?

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 29/08/2023

Plan du document : Préambule Introduction Sommaire Auteur


Préambule

Tout d’abord quelques définitions :

Un cornucopien est un partisan du cornucopianisme, c’est-à-dire une personne qui estime que les innovations technologiques (le progrès technologique) permettront à l’humanité de subvenir éternellement à ses besoins matériels, eux-mêmes considérés comme sources de progrès et de développement.

Le cornucopianisme désigne ainsi un courant de pensée, omniprésent à droite et à gauche de l’échiquier politique, qui considère la technologie comme la solution ultime aux problèmes environnementaux… - Il considère que ces innovations apporteront des solutions aux problèmes liés au développement humain et à l’épuisement des ressources de la Terre, que ces problèmes soient démographiques, environnementaux ou climatiques.

Le cadre des limites planétaires :

Graphique montrant que sur 9 variables du système Terre monitorées, au moinssur les 9 variables du système Terre, 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire.

Licence CC BY-NC-ND 3.0. Vous êtes libre de partager, copier et redistribuer le matériel sur n’importe quel support ou dans n’importe quel format. (Crédit : J. Lokrantz/Azote d’après Steffen et al. 2015.) - Source : https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html - « Sur 9 variables du système Terre monitorées, au moins 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire… » - Lire l’article choisi dans ce dossier

« Pour croire qu’une croissance matérielle infinie est possible sur une planète finie, il faut être fou ou économiste » - Kenneth Boulding (économiste américain 1910-1993).

Retour au début du Préambule


Introduction

Ce dossier se réfère au mode de pensée des cornucopiens qui sont partisans des solutions technologiques innovantes pour résoudre les grands problèmes de l’heure : surpopulation terrestre, surexploitation des ressources, pollutions et dérèglements climatiques, érosion de la biodiversité, violences et intolérances, etc…, un mode de pensée qui imprime fortement sa marque chez les économistes et politiques contemporains…

Les documents choisis pour réaliser ce dossier éclairent les définitions pour les termes cornucopiens er cornucopianisme selon Wikipédia, d’une part, et rapporte une contribution puisée sur le ‘blog-isige.minesparis.psl.eu’, d‘autre part…

L’essentiel du sujet abordé ici figure dans les travaux magistraux d’Aurélien Boutaud Chercheur au CNRS et de Natacha Gondran Professeur à l’Institut Mines-Télécom, exposant que « les cornucopiens sont parmi nous » !

Pour élargie et approfondir le sujet de ce dossier, un complément est suggéré avec les courts – mais diversifiés - Podcasts de la série ‘Le Pourquoi du comment : économie et social’ - Par Dominique Méda – Ces Podcasts sont diffusés par ‘France Culture’ « L’esprit d’ouverture »

Les documents sélectionnés pour ce dossier sont indiqués avec leur accès dans le sommaire ci-après

Retour au début de l’introduction

Retour au début du Préambule

Retour au début du dossier


Sommaire

1. Définition de cornucopien et cornucopianisme selon Wikipédia

2. Ce que disent les mots … - 25 septembre 2019 – Reprise 2023 – Document ‘blog-isige.minesparis.psl.eu’

3. De Musk à Macron, les cornucopiens sont parmi nous - Aurélien Boutaud et Natacha Gondran — 10 août 2023 à 19h00 - Échange entre Emmanuel Macron et Elon Musk à l’Elysée, le 15 mai 2023. Michel Euler/AFP

4. Les cornucopiens sont parmi nous ! Mais qui sont-ils ? - Publié : 9 août 2023, 21:23 CEST - Auteurs : Aurélien Boutaud Chercheur associé à l’UMR 5600 EVS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Natacha Gondran Professeur en évaluation environnementale, UMR 5600 Environnement Ville Société, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom Document diffusé par ‘theconversation.com’

5. Podcasts de la série ‘Le Pourquoi du comment : économie et social’ - Par Dominique Méda – Podcasts diffusés par ‘France Culture’ « L’esprit d’ouverture »

Retour au début du sommaire

Retour au début de l’introduction

Retour au début du Préambule

Retour au début du dossier

§§§


  • Définition de cornucopien et cornucopianisme selon Wikipédia
    Un cornucopien est un partisan du cornucopianisme, c’est-à-dire une personne qui estime que les innovations technologiques (le progrès technologique) permettront à l’humanité de subvenir éternellement à ses besoins matériels, eux-mêmes considérés comme sources de progrès et de développement1,2,3.

Histoire - Le terme lui-même vient du latin cornu copiae signifiant corne d’abondance.

Le philosophe arabe Ibn Khaldun (13321406) était déjà cornucopien, comme l’indique cette citation de la Muqaddima (traduite approximativement de l’anglais, depuis la version anglophone de cet article) : « Quand la civilisation [population] augmente, le travail disponible augmente encore. En retour, le confort augmente encore proportionnellement au profit en augmentation, et les coûts et besoins de produits de confort augmentent. Des artisanats sont créés pour obtenir de nouveaux produits de confort. La valeur qu’ils produisent augmente, et, en conséquence, les profits sont encore multipliés dans la ville. La production est ici plus prospère qu’auparavant. Et cela se poursuit ainsi avec les seconde et troisième augmentations. Tout le travail additionnel sert le confort et la fortune, contrairement au travail originel qui servait les besoins nécessaires de la vie. » - Cette théorie a été formulée en 1981 par Julian Lincoln Simon dans son livre The Ultimate Resource.

Exemples de cornucopiens - Dans cette mouvance, on peut citer :

Le cornucopianisme (du latin : cornu copiae, « corne d’abondance »1) est la croyance en des ressources illimitées et en des innovations permanentes qui permettront de toujours résoudre les problèmes rencontrés par l’humanité — épuisement des ressources (minérales, animales ou végétales), démographie infinie (croissez, multipliez), impacts écologique et climatique du développement humain, etc…

Dans le débat sur le caractère limité des ressources disponibles, le cornucopianisme s’oppose schématiquement au néomalthusianisme. Selon les universitaires Jean-Frédéric Morin, Amandine Orsini et Maya Jegen, « tant l’expression « néomalthusiens » que celle de « cornucopiens » ont un caractère péjoratif et sont principalement utilisées par leurs détracteurs pour mieux les discréditer. La majorité des auteurs néomalthusiens souscrivent plutôt à la représentation systémique et les auteurs cornucopiens à la représentation libérale de la protection de l’environnement (Bernstein, 2001 ; Clapp et Dauvergne, 2008 ; Dryzek, 2005) »2.

Ils définissent ainsi la thèse des cornucopiens : « Selon eux, l’humanité n’est pas une population déstabilisatrice qu’il faudrait gérer, mais une espèce exceptionnelle, dotée d’une capacité unique d’innovation. Celle-ci serait telle qu’elle permettrait de repousser constamment la capacité porteuse de la Terre et qu’elle infirmerait l’idée néomalthusienne que toutes les ressources sont limitées. Elle serait, pour reprendre les termes de Julian Simon, la « ressource ultime », rendant toutes les autres ressources virtuellement illimitées elles aussi (Simon, 1981) »2.

Dans Les Marchands de doute (2010), Naomi Oreskes et Erik M. Conway, historiens des sciences américains, soulignent que « les cornucopiens ont une foi aveugle en la technologie, que les faits historiques n’ébranlent pas », et choisissent de désigner cette tendance à travers le terme de « technofidéisme »3.

La philosophe Anne Frémaux, partisane de la décroissance, décrit les cornucopiens comme des « techno-optimistes » et les assimile à « une école de pensée que John Dryzek (en) qualifie de « prométhéenne » en référence au fameux Titan qui vola le feu à Zeus et qui par là même permit à l’homme de manipuler et de dominer le monde »4.

Analyse - Pour certains auteurs, en politique et en économie, le libéralisme est consubstantiel au cornucopianisme3.

Article complet avec Notes et références sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cornucopianisme

Retour au début du sommaire


  • Ce que disent les mots … - 25 septembre 2019 – Reprise 2023 – Document ‘blog-isige.minesparis.psl.eu’
    Au sortir de la 2ème guerre mondiale, la question de la croissance (économique et démographique) et de ses limites a suscité d’intenses débats. Ils se sont notamment cristallisés autour de deux courants de pensée : les Cornucopiens et les Doomsdayers.


Les Cornucopiens

https://blog-isige.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2019/09/image001.jpgIllustration

Le Cornucopianisme, du latin « cornu copiae », corne d’abondance

Tenants de l’abondance et du génie humain, ils ont postulé que lorsqu’une ressource devient contrainte, cela stimule la recherche, l’innovation, ce qui permet de trouver un substitut. Celui-ci est au moins aussi performant et abondant que ce qu’il remplace. L’intelligence et la créativité humaine finira donc toujours par trouver une solution au problème. Ce courant de pensée a des points communs avec la pensée économique libérale : le marché donne un signal prix, conduisant à l’émergence d’un produit de substitution. Il n’y a pas de question de limite physique. Un des acteurs de ce courant, n’est autre que le récent prix Nobel d’économie pour ses travaux sur l’environnement, William Nordhauss. Un concept a été développé à l’époque : la « backstop technology »
[2], pour modéliser l’innovation qui émergerait en cas de contrainte (concernant l’énergie dans les années 70, la fission nucléaire y était implicitement associée).


Les Doomsdayers :

https://blog-isige.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2019/09/image003.jpgDoomsday = apocalypse

Dans le camp d’en face, une vision moins optimiste, portée par ceux qui ont été appelés les Doomsdayers.

Partant du principe que certaines ressources sont finies et que les écosystèmes ont une capacité limitée à assimiler nos déchets, ils ont questionné la tenue dans la durée du modèle de croissance économique et démographe des 30 glorieuses.

Le rapport du club de Rome de 1972, « The limits to growth »
[4] élaboré par l’équipe de Denis Meadows est un exemple médiatisé (via des interprétations plus ou moins erronées) de cette approche. Pour mémoire, cette équipe de chercheur du MIT a fait une modélisation dynamique du système terre. Ces travaux pointèrent les limites du modèle de croissance, présentant différents scénarios avec plafonnement, contrechocs ou effondrements, du fait des non soutenabilités liées à l’exploitation des ressources ou aux externalités engendrées.

Force est de constater que des transitions du passé peuvent être vues à l’aune de notre capacité à mettre en œuvre des solutions de substitutions performantes, qui ont permis de poursuivre voire d’accélérer le développement.

On peut citer pour le secteur de l’énergie :

  • Le charbon : après avoir exploité à l’excès la biomasse des forêts en France pour faire tourner les forges, …. le recours au charbon a permis de dépasser la tension sur la ressource bois et de réaliser la révolution industrielle.
  • La tension sur l’approvisionnement en huile de baleine alors utilisée pour l’éclairage a conduit à exploiter … le pétrole, avec son utilisation massive et ses multiples usages que l’on connaît.
    Le secteur agricole porte aussi des exemples : dans les années 60-70, la capacité à nourrir une population croissance inquiétait, et l’évolution des pratiques agricoles (semences, engrais, produits phytosanitaires, mécanisation) a permis de lever ce risque et de développer les productions à des niveaux jamais vus.

Depuis le début des années 2000, la problématique du changement climatique occupe une place de plus en plus importante dans les différents corps sociaux. Le pouvoir politique s’est emparé de ce sujet dont l’importance se reflète dans les déclarations pleines d’emphase telles que : ‘Make our planet great again’, ‘One Planet Summit’, Etat d’urgence climatique, Conseil de défense écologique, Grenelles, Assises, C40, …

Force est de constater que, malgré toutes ces prises positions, annonces, COP, …. la tendance de nos émissions de gaz à effet de serre ne s’infléchit guère
[5], voire repart à la hausse, en tout cas plus facilement que notre sacro-saint PIB, mais là n’est pas mon sujet …

Différentes propositions de réponses sont élaborées et partagées au travers de scénarios, débats, …. Elles peuvent-être lues au travers de ces 2 courants de pensée.

  • On peut associer aux ‘Doomsdayers’ les partisans de la décroissance ou de la non-croissance
    [6], de l’approche low-tech
    [7], de la sobriété
    [8], de la dé-globalisation, de la résilience locale, ainsi que les théoriciens de l’effondrement
    [9].
  • Héritiers des Cornucopiens, des penseurs (comme Jeremy Rifkin
    [10], Laurent Alexandre
    [11], …) se positionnent en promoteurs d’une réponse technologique performante aux problèmes environnementaux (la révolution digitale comme levier majeur de dématérialisation de l’économie, l’économie de la connaissance, les nanotechnologies et les biotechnologies, l’accélération des courbes d’apprentissage qui permettent une réduction majeure des coûts de la tech, le géo-engineering, …)
    Ces visions du « comment faire la transition vers un monde bas carbone » alimentent les débats, sont vulgarisées par les différents médias et contribuent à structurer nos visions du futur.

Parmi les expressions particulièrement employés, y compris dans les textes officiels, on peut noter : développement durable, croissance verte, innovation de rupture, clean tech ou green tech, mobilité propre, énergies renouvelables, économie collaborative, économie circulaire, protection de l’environnement

  • Développement durable : qu’est-ce qu’on développe ? Que veut-on continuer à développer ? le développement est-il forcément positif ? Durable : durable sous quel point de vue ? Cette expression ne sous-tend-elle pas une absence de limite ? On développe la durabilité ou on continue à se développer comme avant mais de façon durable ?
  • Croissance Verte : le fait de la nommer ainsi ne suppose-t-elle pas de fait que cette combinaison est possible, alors que jusqu’à présent elle n’a jamais été démontrée ? D’autant que dans la nature, il n’y pas de croissance ininterrompue ?
  • Innovation de rupture : c’est un véritable mantra, en particulier avec la révolution digitale. Mais où se situe la rupture ? La plupart des réponses mises en avant et qualifiées d’innovation de rupture en réponse au défi du climat sont des solutions qui ont pour point commun de ne rien questionner sur notre système, ses fondements, mais portent la promesse de tout changer … sans rien changer.
  • Clean Tech ou Green tech : sous quelle condition une technologie peut-être verte ou propre ?
  • Mobilité propre = sans externalité ? sans pollution ? sans impact sur la biosphère ? ça existe ?
  • Énergies renouvelables : une promesse d’infini ? Des énergies peuvent l’être, mais quid des moyens de production associés ?
  • Économie collaborative – économie du partage
    [12] : les acteurs qui ont un succès majeur s’appuient sur un désengagement des actifs et pratiquent une économie de prédation et de moins disant social via le retour du travail à la tâche. Où est la réalité de la collaboration ?
  • Économie circulaire : c’est une cible valable, mais pouvons-nous vraiment réutiliser une matière de nombreuses fois sans en dégrader les propriétés ? Quelles sont les limites de cette promesse ? Quelle place lui donner dans la transition ?
  • Protection de l’environnement : une des choses les plus menacées par le changement climatique, ce sont nous, nos enfants l’humanité. En cas de crise dans une chaine alimentaire, c’est le prédateur supérieur le plus fragile !!! Pourquoi ne pas appeler un chat un chat ?
    Au fond, que disent ces expressions sur le mode de pensée sous-jacent ?

Dans quelle mesure, ne nous donnent-elles pas à penser que les solutions sont à portée de main ? Quelle part de la technologie dans ces réponses ?

Amènent-elles à questionner nos modes de vies, notre relation à l’environnement ? Ou bien à nous rassurer sur le fait que chacun de nous n’aura que des ajustements à la marge à réaliser ?

Ne représentent-elles pas une sorte de déni, un angle mort sur une part des éléments du problème : demande, société de consommation, sujet de matière première ?

Comment ce champ lexical positionne-t-il l’homme dans son rapport aux écosystèmes ? N’entretient-il pas le fantasme du détachement ou de la domination de la nature par l’homme ?

Ces expressions ne traduisent-elles pas une forme de prédominance de la pensée Cornucopienne ?

La réponse à ces questions n’est sans doute pas binaire. Cependant ces expressions que nous utilisons autour des enjeux du changement climatique ne sont pas neutres et reflètent les fondements de notre manière d’appréhender le problème.

Pour construire et mettre en œuvre les réponses adaptées à ces problèmes à fort enjeux, il est peut être utile d’être attentifs aux mots que nous utilisons !

Références :


[1] Le Cornucopianisme, du latin « cornu copiae », corne d’abondance


[2] https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/10/09/deux-nobel-pro-croissance-a-contre-climat


[3] Doomsday : apocalypse


[4] http://donellameadows.org/the-limits-to-growth-now-available-to-read-online/


[5] https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/03/27/nouveau-pic-demissions-de-co2-en-2018/


[6] https://journals.openedition.org/developpementdurable/8899


[7] https://www.youtube.com/watch?v=HEULpYeCJwM


[8] https://negawatt.org/IMG/pdf/sobriete-scenario-negawatt_brochure-12pages_web.pdf


[9] https://www.franceculture.fr/ecologie-et-environnement/theorie-de-leffondrement-la-collapsologie-est-elle-juste-une-fantaisie-sans-fondement


[10] https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/23/la-troisieme-revolution-industrielle-de-jeremy-rifkin_1633136_3232.html


[11] https://www.youtube.com/watch?v=9iuBVin9oOk


[12] https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/leconomie-collaborative-est-elle-une-impasse

ISIGE - MINES ParisTech

Source : https://blog-isige.minesparis.psl.eu/2019/09/25/ce-que-disent-les-mots/

Retour au début du sommaire

Convaincus de la possibilité d’une croissance infinie dans un monde fini, ils considèrent que l’intelligence humaine et les innovations technologiques pourront pallier la rareté des ressources et le dérèglement climatique.

Elon Musk lors d&#39 ;un &eacute ;v&eacute ;nement organis&eacute ; par SpaceX et T-Mobile, le 25 ao&ucirc ;t 2022 &agrave ; Boca Chica Beach (Texas). | Michael Gonzalez / Getty Images North America / AFPPhoto

Elon Musk lors d’un événement organisé par SpaceX et T-Mobile, le 25 août 2022 à Boca Chica Beach (Texas). | Michael Gonzalez / Getty Images North America / AFP

Haut du formulaire

Bas du formulaire

Dans les colonnes des journaux, à la tête de nombreuses entreprises, parmi les instances gouvernementales, au sein de nombreux syndicats, sur les plateaux de télévision : les cornucopiens sont là, parmi nous. Partout.

Mais si vous l’ignorez, ce n’est pas à cause d’un quelconque complot de leur part. D’ailleurs, la plupart des cornucopiens ignorent qu’ils le sont et, qui sait, peut-être l’êtes-vous vous-même sans le savoir ! Car ce terme, qui ne date pourtant pas d’hier, est très peu utilisé dans le monde francophone. De quoi s’agit-il ?

Tirant son étymologie du mythe de la corne d’abondance (« cornucopia » en latin), le cornucopianisme se construit autour de cette idée centrale, merveilleusement résumée par l’économiste Julian Simon (1932-1998), l’un des principaux auteurs cornucopiens, pour qui toutes les limites naturelles peuvent être repoussées en mobilisant une ressource ultime et inépuisable : le génie humain.

Le cornucopianisme désigne ainsi un courant de pensée, omniprésent à droite et à gauche de l’échiquier politique, qui considère la technologie comme la solution ultime aux problèmes environnementaux.

Que ce soit Elon Musk, qui envisage de coloniser Mars pour quitter une planète devenue invivable, en passant par le prince saoudien Mohammed Ben Salmane, pour qui les technologies de stockage du CO2 permettront à sa monarchie pétrolière d’atteindre la neutralité carbone, jusqu’àEmmanuel Macron investissant des milliards dans la pour l’instant très chimérique aviation décarbonée, les exemples de propos cornucopiens ne manquent pas dans l’actualité. Mais où trouvent-ils leurs racines ?

Un courant de pensée qui prospère chez les économistes

On prête généralement à l’économiste américain Kenneth Boulding (1910-1993) cette citation célèbre : « Pour croire qu’une croissance matérielle infinie est possible sur une planète finie, il faut être fou ou économiste. » De fait, si les cornucopiens ne sont pas forcément fous, la genèse de leur pensée doit beaucoup aux théoriciens de l’économie moderne.

Lorsque, dans un célèbre essai de 1798, l’économiste et homme d’église Thomas Malthus émet l’idée que les ressources naturelles constituent un facteur limitant de l’expansion, la réaction de ses confrères économistes est immédiate. Pour eux, ce ne sont pas les ressources qui sont limitées, mais notre capacité à les exploiter.

Friedrich Engels, futur théoricien du communisme, écrit par exemple : « La productivité du sol peut être indéfiniment accrue par la mobilisation du capital, du travail et de la science. » Car après tout, se demande Engels, « qu’est-ce qui est impossible à la science ? »

Si une partie du capital artificiel remplace le capital naturel dégradé, alors le stock de capital « total » peut indéfiniment s’accroître.

Cette manière de penser, déjà largement présente chez certains philosophes des Lumières comme René Descartes ou Francis Bacon, va être développée et affinée par les économistes tout au long du XIXe et du XXe siècle. Ceux-ci se persuadent en effet rapidement que les deux principaux facteurs de production, à savoir le capital et le travail, sont substituables.

Grâce au progrès technique, il est par exemple possible de remplacer le travail humain par du capital technique, c’est-à-dire par des machines. Dans l’esprit des économistes, qui ont peu à peu réduit la nature à une sous-catégorie du capital, le même raisonnement peut s’appliquer au capital naturel : il « suffit » de le substituer par du capital artificiel.

La magie de la substitution

Cette idée apparaît d’autant plus séduisante aux yeux des économistes qu’elle permet, sur le papier, de rendre la croissance éternelle. Après tout, si une partie du capital artificiel remplace le capital naturel dégradé, alors le stock de capital « total » peut indéfiniment s’accroître. C’est mathématique. Mais dans la vraie vie, comment opérer une telle substitution ?

Comme le pressentait Engels, il faut introduire dans les équations économiques un facteur supplémentaire : la technologie. Deux types de leviers sont principalement envisagés pour repousser les limites naturelles.

Le raisonnement cornucopien bute aujourd’hui sur une conséquence paradoxale de sa propre réussite.

Le premier levier consiste à intensifier l’exploitation des ressources afin d’accroître leur disponibilité. C’est typiquement ce qui est advenu dans les années 2000 avec l’émergence de la fracturation hydraulique, dont l’usage a permis d’accéder à des énergies fossiles (les gaz et pétroles de schiste) jusque-là inexploitables.

Grâce à la technologie, la quantité de ressources accessibles a donc augmenté. Qu’il s’agisse des énergies fossiles, des ressources minérales ou encore de la biomasse, les exemples d’intensification de ce type sont légion depuis les débuts de la révolution industrielle.

Le second levier consiste à remplacer une ressource par une autre. Pour reprendre l’exemple des énergies fossiles, chacun comprend que, quel que soit le degré d’intensification de leur exploitation, celles-ci finiront par s’épuiser.

La substitution consiste dès lors à prendre le relais en remplaçant les énergies fossiles par une autre forme d’énergie qui, entre-temps, aura été rendue plus facilement accessible grâce, là encore, au progrès technique. Les économistes dominants des années 1970 comptaient par exemple beaucoup sur des technologies de rupture comme la fission nucléaire pour remplacer les énergies fossiles.

De la théorie à la pratique - Les cornucopiens ont-ils raison ?

D’un côté, il faut leur reconnaître certaines réussites. L’épuisement des ressources naturelles, tant redouté dès le début du XIXesiècle, n’est pas advenu au cours des 200 ans qui ont suivi. Comme ils le prédisaient, une partie de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles a été investie dans la recherche et le développement, permettant d’accroître considérablement notre capacité à exploiter la nature.

En revanche, si le levier de l’intensification a formidablement fonctionné, celui du « remplacement » a jusqu’à présent échoué. Comme le remarquent certains historiens de l’environnement, loin de se substituer, les ressources nouvellement exploitées se sont en réalité toujours additionnées aux précédentes. Et rien ne prouve qu’une telle substitution puisse un jour advenir, en particulier concernant les énergies fossiles.

Le nucléaire, que les économistes des années 1970 imaginaient pouvoir se substituer aux fossiles dans la première moitié du XXIe siècle, ne représente que 4% de l’énergie primaire consommée dans le monde, et sa part baisse depuis une trentaine d’années.

Pourquoi la pensée cornucopienne est-elle si présente parmi les décideurs politiques et économiques ?

Enfin, le raisonnement cornucopien bute aujourd’hui sur une conséquence paradoxale de sa propre réussite. En intensifiant la production des ressources naturelles, la civilisation industrielle a généré des flux de matière et d’énergie qui se sont souvent avérés très supérieurs à ce que les écosystèmes pouvaient assimiler.

Le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’acidification des océans, l’omniprésence des polluants toxiques dans notre environnement, le bouleversement des cycles biogéochimiques sont autant de conséquences directes de l’intensification de l’exploitation de la nature.

Or, pour faire face au défi sans précédent posé par ces nouvelles limites planétaires, les cornucopiens continuent de mobiliser les mêmes recettes fondées sur la course en avant technologique. La substitution consisterait cette fois-ci à réparer ou remplacer des services écologiques que la nature ne parvient plus à maintenir.

Qu’il s’agisse de remplacer les insectes pollinisateurs par des robots, d’opacifier l’atmosphère pour contrebalancer le réchauffement climatique ou encore de capter le carbone atmosphérique afin de le réinjecter dans la lithosphère, les cornucopiens ne manquent pas d’idées. Même si, jusqu’à présent, elles restent très hypothétiques.

Une nouvelle forme de « conservatisme technologique » ?

À l’heure de l’urgence écologique et climatique, la pensée cornucopienne est-elle encore pertinente ? On peut en douter. Mais alors, pourquoi est-elle si présente parmi les décideurs politiques et économiques ?

Peut-être tout simplement parce que la pensée cornucopienne a ce mérite immense : en prétendant prolonger la domination de l’humain sur la nature grâce à la technologie, elle permet à ses défenseurs de ne pas débattre des conditions sociales, culturelles, économiques et politiques qui permettraient de nous réconcilier avec les limites planétaires.

Cet optimisme technologique est d’ailleurs l’une des douze excuses listées par l’Université de Cambridge pour repousser à plus tard l’action face au dérèglement climatique. Pour paraphraser et détourner un slogan écologiste, il semble bien que le plus important pour les cornucopiens soit en effet là : « Ne pas changer le système, quitte à changer le climat. »

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

https://www.slate.fr/sites/default/files/styles/1060x523/public/000_32h29bb.jpg{{Photo

À lire aussi : « Fin de l’abondance » : Emmanuel Macron en a à la fois trop dit et pas assez

https://www.slate.fr/sites/default/files/styles/1060x523/public/42729836534_5e45ce35a0_o.jpeg{{Photo

À lire aussi : N’en déplaise à Thanos, supprimer la moitié de l’humanité ne sauverait pas la planète

https://www.slate.fr/sites/default/files/2_the_conversation.jpg

En savoir plus : Tech & internetÉconomierichesseressourcescroissanceElon MuskEmmanuel Macron

San Francisco met en circulation des navettes sans conducteurs - La ville y voit une solution « pratique et écologique », mais le service reste controversé. Repéré par Nina Iseni — 20 août 2023

Slate.com Annonceurs Contacts Qui sommes-nous Mentions légales Gestion des données personnelles - Abonnez-vous gratuitement à la newsletter quotidienne de Slate.fr et ne ratez plus aucun article ! - Je m’abonne

Source : https://www.slate.fr/story/251653/cornucopiens-ressources-abondance-humains-environnement-musk-macron

Retour au début du sommaire

Déclaration d’intérêts - Natacha Gondran est membre de la composante Mines Saint-Etienne de l’UMR 5600 Environnement Ville Société. Ses travaux de recherche peuvent recevoir des financements de différentes organisations publiques et privées. Aurélien Boutaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Partenaires : Mines Saint-Etienne et Institut Mines-Télécom fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR. Voir les partenaires de The Conversation France

Note du diffuseur - Nous croyons à la libre circulation de l’information - Reproduisez nos articles gratuitement, sur papier ou en ligne, en utilisant notre licence Creative Commons. Adresse électronique ….

Dans les colonnes des journaux, à la tête de nombreuses entreprises, parmi les instances gouvernementales, au sein de nombreux syndicats, sur les plateaux de télévision : les cornucopiens sont là, parmi nous. Partout.

Mais si vous l’ignorez, ce n’est pas à cause d’un quelconque complot de leur part. D’ailleurs, la plupart des cornucopiens ignorent qu’ils le sont et, qui sait, peut-être l’êtes-vous vous-même sans le savoir ! Car ce terme, qui ne date pourtant pas d’hier, est très peu utilisé dans le monde francophone. De quoi s’agit-il ?

Tirant son étymologie du mythe de la corne d’abondance (cornucopia en latin), le cornucopianisme se construit autour de cette idée centrale, merveilleusement résumée par l’économiste Julian Simon (1932-1998), l’un des principaux auteurs cornucopiens, pour qui toutes les limites naturelles peuvent être repoussées en mobilisant une ressource ultime et inépuisable : le génie humain. Le cornucopianisme désigne ainsi un courant de pensée, omniprésent à droite et à gauche de l’échiquier politique, qui considère la technologie comme la solution ultime aux problèmes environnementaux.

Statue du Dieu grec Zeus avec une corne d’abondance, d’où sort en profusion des fruits et des vivresIllustration

Statue du Dieu grec Zeus avec une corne d’abondance, d’où sort en profusion des fruits et des vivres. Shutterstock

Que ce soit Elon Musk, qui envisage de coloniser Mars pour quitter une planète devenue invivable, en passant par le prince saoudien Mohammed Ben Salmane, pour qui les technologies de stockage du CO2 permettront à sa monarchie pétrolière d’atteindre la neutralité carbone, jusqu’à Emmanuel Macron investissant des milliards dans la pour l’instant très chimérique aviation décarbonée, les exemples de propos cornucopiens ne manquent pas dans l’actualité. Mais où trouvent-ils leurs racines ?

Un courant de pensée qui prospère chez les économistes

On prête généralement à l’économiste américain Kenneth Boulding (1910-1993) cette citation célèbre :

« Pour croire qu’une croissance matérielle infinie est possible sur une planète finie, il faut être fou ou économiste. »

De fait, si les cornucopiens ne sont pas forcément fous, la genèse de leur pensée doit beaucoup aux théoriciens de l’économie moderne.

Lorsque, dans un célèbre essai de 1798, l’économiste et homme d’église Thomas Malthus émet l’idée que les ressources naturelles constituent un facteur limitant de l’expansion, la réaction de ses confrères économistes est immédiate.

Pour eux, ce ne sont pas les ressources qui sont limitées, mais notre capacité à les exploiter. Friedrich Engels, futur théoricien du communisme, écrit par exemple : « La productivité du sol peut être indéfiniment accrue par la mobilisation du capital, du travail et de la science. » - Car après tout, se demande Engels, « qu’est-ce qui est impossible à la science ? »

Cette manière de penser, déjà largement présente chez certains philosophes des Lumières comme René Descartes ou Francis Bacon, va être développée et affinée par les économistes tout au long du 19ème et du 20ème siècle. Ceux-ci se persuadent en effet rapidement que les deux principaux facteurs de production, à savoir le capital et le travail, sont substituables.

Grâce au progrès technique, il est par exemple possible de remplacer le travail humain par du capital technique, c’est-à-dire par des machines. Dans l’esprit des économistes, qui ont peu à peu réduit la nature à une sous-catégorie du capital, le même raisonnement peut s’appliquer au capital naturel : il « suffit » de le substituer par du capital artificiel.

https://images.theconversation.com/files/539747/original/file-20230727-15-eg8te8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip

Illustration de la révolution industrielle anglaise réalisée par Samuel Griffiths en 1873. Cette période est considéré à la fois comme celle de l’expansion des idées cornucopianistes, mais aussi, pour certains, comme les débuts de l’Anthropocène. Samuel Griffiths/Wikipedia, CC BY

La magie de la substitution : ou comment la croissance pourrait devenir éternelle

Cette idée apparaît d’autant plus séduisante aux yeux des économistes qu’elle permet, sur le papier, de rendre la croissance éternelle. Après tout, si une partie du capital artificiel remplace le capital naturel dégradé, alors le stock de capital « total » peut indéfiniment s’accroître. C’est mathématique. Mais dans la vraie vie, comment opérer une telle substitution ?

Comme le pressentait Engels, il faut introduire dans les équations économiques un facteur supplémentaire : la technologie. Deux types de leviers sont principalement envisagés pour repousser les limites naturelles.

Le premier levier consiste à intensifier l’exploitation des ressources afin d’accroître leur disponibilité. C’est typiquement ce qui est advenu dans les années 2000 avec l’émergence de la fracturation hydraulique, dont l’usage a permis d’accéder à des énergies fossiles (les gaz et pétroles de schiste) jusque-là inexploitables. Grâce à la technologie, la quantité de ressources accessibles a donc augmenté. Qu’il s’agisse des énergies fossiles, des ressources minérales ou encore de la biomasse, les exemples d’intensification de ce type sont légion depuis les débuts de la révolution industrielle.

Le second levier consiste à remplacer une ressource par une autre. Pour reprendre l’exemple des énergies fossiles, chacun comprend que, quel que soit le degré d’intensification de leur exploitation, celles-ci finiront par s’épuiser. La substitution consiste dès lors à prendre le relais en remplaçant les énergies fossiles par une autre forme d’énergie qui, entre temps, aura été rendue plus facilement accessible grâce, là encore, au progrès technique. Les économistes dominants des années 1970 comptaient par exemple beaucoup sur des technologies de rupture comme la fission nucléaire pour remplacer les énergies fossiles.

De la théorie à la pratique : quelques failles du raisonnement cornucopien

Les cornucopiens ont-ils raison ?

D’un côté, il faut leur reconnaître certaines réussites. L’épuisement des ressources naturelles tant redouté dès le début du 19ème siècle n’est pas advenu au cours des deux cents ans qui ont suivi. Comme ils le prédisaient, une partie de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles a été investie dans la recherche et le développement, permettant d’accroître considérablement notre capacité à exploiter la nature.

En revanche, si le levier de l’intensification a formidablement fonctionné, celui du « remplacement » a jusqu’à présent échoué. Comme le remarquent certains historiens de l’environnement, loin de se substituer, les ressources nouvellement exploitées se sont en réalité toujours additionnées aux précédentes. Et rien ne prouve qu’une telle substitution puisse un jour advenir, en particulier concernant les énergies fossiles. Le nucléaire, que les économistes des années 1970 imaginaient pouvoir se substituer aux fossiles dans la première moitié du 21ème siècle, ne représente que 4 % de l’énergie primaire consommée dans le monde, et sa part baisse depuis une trentaine d’années.

Enfin, le raisonnement cornucopien bute aujourd’hui sur une conséquence paradoxale de sa propre réussite. En intensifiant la production des ressources naturelles, la civilisation industrielle a généré des flux de matière et d’énergie qui se sont souvent avérés très supérieurs à ce que les écosystèmes pouvaient assimiler. Le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’acidification des océans, l’omniprésence des polluants toxiques dans notre environnement, le bouleversement des cycles biogéochimiques sont autant de conséquences directes de l’intensification de l’exploitation de la nature.

Or, pour faire face au défi sans précédent posé par ces nouvelles limites planétaires, les cornucopiens continuent de mobiliser les mêmes recettes fondées sur la course en avant technologique. La substitution consisterait cette fois-ci à réparer ou remplacer des services écologiques que la nature ne parvient plus à maintenir. Qu’il s’agisse de remplacer les insectes polinisateurs par des robots, d’opacifier l’atmosphère pour contrebalancer le réchauffement climatique ou encore de capter le carbone atmosphérique afin de le réinjecter dans la lithosphère, les cornucopiens ne manquent pas d’idées. Même si, jusqu’à présent, elles restent très hypothétiques.

Graphique montrant que sur 9 variables du système Terre monitorées, au moinssur les 9 variables du système Terre, 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire.

Sur 9 variables du système Terre monitorées, au moins 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire. Stockholm Resilience Centre,, CC BY

Une nouvelle forme de « conservatisme technologique » ?

A l’heure de l’urgence écologique et climatique, la pensée cornucopienne est-elle encore pertinente ? On peut en douter. Mais alors, pourquoi est-elle si présente parmi les décideurs politiques et économiques ?

Peut-être tout simplement parce que la pensée cornucopienne a ce mérite immense : en prétendant prolonger la domination de l’humain sur la nature grâce à la technologie, elle permet à ses défenseurs de ne pas débattre des conditions sociales, culturelles, économiques et politiques qui permettraient de nous réconcilier avec les limites planétaires. Cet optimisme technologique est d’ailleurs l’une des douze excuses listées par l’Université de Cambridge pour repousser à plus tard l’action face au dérèglement climatique. Pour paraphraser et détourner un slogan écologiste, il semble bien que le plus important pour les cornucopiens soit en effet là : « ne pas changer le système, quitte à changer le climat ».

Mots clefs : croissance économique innovation théorie économique limites planétaires

Découvrez ’Ici la Terre’, notre newsletter Environnement - Vous cherchez à suivre au plus près l’actualité environnementale ? Chaque jeudi, recevez directement dans votre boite mail une sélection d’articles pour comprendre ces sujets au cœur des préoccupations actuelles. Jennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie - [Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Vous aimerez aussi :

Jusqu’à quand pourrons-nous dépasser les limites planétaires ?

La sobriété, impensé de la politique européenne sur les matériaux critiques

Débat : Décarbonation, quotas… que faire de l’avion, privilège d’une minorité ?

Notre audience - Le réseau global The Conversation a une audience mensuelle de 18 millions de lecteurs et une audience globale de 42 millions à travers les republications sous la licence Creative Commons.

Vous voulez écrire ? - Écrivez un article et rejoignez une communauté de plus de 168 700 universitaires et chercheurs de 4 683 institutions. Enregistrez-vous maintenant

Ce que nous sommes Notre équipe Nos valeurs Charte éditoriale Règles de republication Recevoir nos newsletters Nos flux Faire un don Nos institutions membres Kit de communication pour les institutions membres Événements Transparence financière - Contactez-nous - Politique de confidentialité Préférences de consentement Mentions légales

Source : https://theconversation.com/les-cornucopiens-sont-parmi-nous-mais-qui-sont-ils-210481

Retour au début du sommaire


  • Podcasts de la série ‘Le Pourquoi du comment : économie et social’ - Par Dominique Méda – Podcasts diffusés par ‘France Culture’ « L’esprit d’ouverture »
    À propos des podcasts : Les chercheuses de l’Institut Veblen abordent avec pédagogie les questions que l’on se pose sur l’économie et le social sans oser les formuler. Sciences et Savoirs

L’équipe : Dominique Méda Production - Corinne Amar Collaboration - Clotilde Pivin Réalisation - Accueil France Culture Podcasts - La radio - Contacter France Culture

Nous contacter Questions fréquentes (FAQ) La Médiatrice Votre avis sur le site

Les chercheuses de l’Institut Veblen abordent avec pédagogie les questions que l’on se pose sur l’économie et le social sans oser les formuler. En savoir plus

Épisodes :

Croissance, post-croissance, décroissance 4/4 : Pourquoi parle-t-on de post-croissance ?

Depuis la fin des années 1990, la critique de la croissance est redevenue audible. Certains plaident même de plus en plus vigoureusement pour la décroissance voire la post-croissance.  30 juin • 4 min

Croissance, post-croissance, décroissance 3/4 : Pourquoi parle-t-on de dégâts de la croissance ?

Les années 1970 sont celles de la prise de conscience des dégâts de la croissance. Qu’entend-on par -à ? A quoi ces critiques ont-elles abouti ?  23 juin • 4 min

Croissance, post-croissance, décroissance 2/4 : Pourquoi mesure-t-on la croissance du PIB ?

La croissance du produit Intérieur Brut est mesurée depuis le milieu du XXème siècle. Pourquoi a-t-on eu besoin et continue-t-on de consacrer autant de soin à cette mesure ?  16 juin • 4 min

Croissance, post-croissance, décroissance 1/4 : Pourquoi reconstituer les étapes de la croissance ?

Les économistes s’intéressent aux étapes de la croissance. De nombreux travaux ont été consacrés à la question. A quoi servent-ils donc ?  9 juin • 4 min

Conditions de travail en France. Un état des lieux 5/5 : Pourquoi les conditions de travail des hommes et des femmes sont-elles différentes ?

Les femmes et les hommes ne sont pas exposés aux mêmes pénibilités et aux mêmes risques dans leur travail. L’enquête française sur les conditions de travail, en particulier sa dernière vague passée en 2019, permet d’en savoir plus sur cette question.  2 juin • 4 min

Conditions de travail en France. Un état des lieux 4/5 : Comment revaloriser les métiers du lien ?

Depuis peu, tous les projecteurs sont braqués sur les métiers du lien : permettant de tisser des liens entre les personnes, très largement occupés par des femmes, trop souvent caractérisés par un statut précaire, ils seront pourtant de plus en plus indispensables. Comment les revaloriser ?  26 mai • 4 min

Conditions de travail en France. Un état des lieux 3/5 : Comment augmenter l’emploi des seniors ?

L’augmentation de l’emploi des seniors est devenu un impératif partout en Europe : permettre aux plus de 55 ans de rester en emploi constitue à la fois une alternative au recul de l’âge de départ à la retraite et un complément indispensable à celui-ci.  19 mai • 4 min

Conditions de travail en France. Un état des lieux 2/5 : Comment mesurer la qualité de vie au travail en Europe ?

Les gouvernements aiment soutenir leurs réformes en invitant leurs concitoyens à aller voir ce qui se passe dans les pays voisins. Ceux qui ont les meilleurs résultats devraient être imités. Qu’en est-il en matière de qualité de vie au travail ?  12 mai • 3 min

Conditions de travail en France. Un état des lieux 1/5 : Pourquoi le travail est-il devenu insoutenable pour une large partie de la population française ?

Les enquêtes consacrées à l’étude des conditions de travail sont formelles : il y a une grave crise du travail en France. Comment la mesurer ?  5 mai • 3 min

Ce que l’Intelligence Artificielle fait à l’emploi 5/5 : Pourquoi ChatGPT n’entraînera-t-il pas le grand remplacement des humains ?

Le 23 mars 2023, paraissait une nouvelle étude inquiétante annonçant à nouveau le grand remplacement d’une partie des emplois aux Etats-Unis par le logiciel ChatGPT. Cette étude est-elle plus convaincante que les autres ?  28 avril • 4 min

Ce que l’Intelligence Artificielle fait à l’emploi 4/5 : Pourquoi peut-on parler de management par les algorithmes ?

Le travail est de plus en plus prescrit par des logiciels qui imposent des scripts d’activité précis et contribuent à déshumaniser le travail. Mais peut-on aller jusqu’à parler de management par algorithme ?  21 avril • 4 min

Ce que l’Intelligence Artificielle fait à l’emploi 3/5 : Pourquoi est-il faux de dire que les robots sont en train de nous remplacer ?

La thèse du grand remplacement des humains par les robots bat son plein. Pourtant, si l’on regarde bien qui entraîne les intelligences artificielles, les choses apparaissent un peu plus compliquées. 14 avril • 4 min …..

Retour au début du sommaire

Retour au début de l’introduction

Retour au début du Préambule

Retour au début du dossier


Collecte de documents et agencement, traduction, [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 29/08/2023

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

Site : https://isias.info/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS Ecologie Economie Psychosociologie.5

Mis en ligne par le co-rédacteur Pascal Paquin du site inter-associatif, coopératif, gratuit, sans publicité, indépendant de tout parti, un site sans Facebook, Google+ ou autres GAFA, sans mouchard, sans cookie tracker, sans fichage, un site entièrement géré sous Linux et avec l’électricité d’Énercoop , géré par Yonne Lautre : https://yonnelautre.fr - Pour s’inscrire à nos lettres d’info > https://yonnelautre.fr/spip.php?breve103

http://yonnelautre.fr/local/cache-vignettes/L160xH109/arton1769-a3646.jpg?1510324931

— -