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"Le sommet sur l’édition du génome humain est hanté par le spectre de l’eugénisme" par Jacques Hallard

mercredi 3 mai 2023, par Hallard Jacques



ISIAS Edition génomique Eugénisme

Le sommet sur l’édition du génome humain est hanté par le spectre de l’eugénisme

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 30/04/2023

Plan du document : Préambule Sommaire Auteur

Préambule

On peut prendre connaissance à la suite d’informations sur l’eugénisme, d’une part et sur un entretien avec le Professeur Hervé Chneiweiss « Modification du génome : quels enjeux éthiques ? », d’autre part.

On peut également passer directement à la traduction de l’article qui fait l’objet de de document au sommaire

Eugénisme - L’eugénisme est « l’ensemble des méthodes et pratiques visant à sélectionner le patrimoine génétique des générations futures d’une population en fonction d’un cadre de sélection prédéfini ». Il peut résulter d’une politique étatique mais aussi d’une somme de décisions individuelles prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’« enfant parfait », ou du moins « indemne de nombreuses affections graves »1.

Le terme eugenics a été employé pour la première fois en 1883 par le scientifique britannique Francis Galton, dont les travaux participèrent à la constitution de la mouvance eugéniste. Mené par des scientifiques et des médecins, l’eugénisme qui se met en place au tournant du XXe siècle milite pour une politique d’éradication de caractères jugés handicapants ou de développement de caractères jugés bénéfiques. Son influence sur la législation s’est traduite principalement dans trois domaines : la mise en place de programmes de stérilisation contrainte là où la culture dominante le permettait, un durcissement de l’encadrement juridique du mariage et des mesures de restriction ou de promotion de tel ou tel type d’immigration.

En 1906, l’eugénisme se développe aux États-Unis, avec John Harvey Kellogg, qui fournit des fonds pour aider à la création de la « Race Betterment Foundation (en) » à Battle Creek (Michigan)2. Dans un pays où les lois contre le métissage, sont en vigueur depuis le XVIIe siècle. à partir de 1907 y est pratiqué la stérilisation contrainte. Plus de 64 000 personnes sont ainsi stérlisées entre 1907 et 19633. La Loi d’immigration Johnson-Reed de 1924 est proposée dans un contexte de forte xénophobie visant les immigrants d’Europe orientale et méridionale comme les Juifs issus des pays slaves, les Italiens, les Grecs, les Slaves et les Asiatiques4,5.

À partir du 14 juillet 1933, le régime nazi adopte une loi visant à éradiquer les maladies héréditaires par l’euthanasie d’enfants handicapés. Dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, l’eugénisme a été largement abandonné, bien que certains pays occidentaux (les États-Unis, le Canada et la Suède) aient continué à pratiquer des stérilisations forcées. En 19836, Singapour a mis en place, ainsi que la Chine, un système qualifié d’eugéniste7.

Dans la période contemporaine, les progrès du génie génétique et le développement des techniques de procréation médicalement assistée ouvrent de nouvelles possibilités médicales (diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire…) qui nourrissent les débats éthiques sur la convergence des techniques biomédicales et des pratiques sélectives.

L’éventuelle résurgence d’une forme d’eugénisme, après des décennies de promotion des droits de l’homme, se heurte à des critiques en dehors du débat éthique. En particulier, l’eugénisme négatif apparaît comme une violation des droits humains fondamentaux, qui incluent le droit de reproduction. D’autre part, l’eugénisme peut aboutir à une perte de diversité génétique, perturbant artificiellement des millions d’années d’évolution humaine.

Concept - L’eugénisme classique peut se définir comme un programme d’amélioration biologique de populations humaines par sélection artificielle. Elle se donne comme science et comme technique, calquée sur l’amélioration des plantes (par exemple, l’horticulture) et des animaux (élevage domestique).

Cet eugénisme s’est développé dans une période historique déterminée, des années 1860 (après la parution de l’Origine des espèces de Charles Darwin, en 1859) jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale… - Jean Gayon distingue quatre « strates » de l’eugénisme à une échelle historique plus vaste, car l’eugénisme s’inscrit dans une longue tradition ancienne, susceptible de persister au XXIe siècle (« retour de l’eugénisme », ou « nouvel eugénisme »)8… - Article complet sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A9nisme

Modification du génome : quels enjeux éthiques ? Entretien avec le Professeur Hervé Chneiweiss. Publié le 16/03/2021 - Mis à jour le 30/03/2021

Hervé Chneiweiss

En 2020, Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna recevaient le prix Nobel de chimie pour le développement des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9. Cet outil, qui permet de modifier facilement le génome, révolutionne la biologie et soulève de nombreuses questions éthiques. Président du comité d’éthique de l’Inserm et du comité international de bioéthique de l’Unesco, le neurologue et neurobiologiste à Sorbonne Université, Hervé Chneiweiss, fait le point sur cette technologie qui suscite fantasmes et espoirs.

Pouvez-vous nous expliquer ce que recouvre l’édition du génome ?

Hervé Chneiweiss  : L’ADN contient l’information génétique de tous les êtres vivants sous la forme d’un enchaînement de quatre molécules de base, ou « lettres », qui constituent « l’alphabet du vivant » : l’adénine (A), la thymine (T), la guanine (G) et la cytosine (C). L’édition du génome consiste à modifier de façon précise et contrôlée une séquence d’ADN en y ajoutant, retirant ou modifiant une ou plusieurs bases. L’un de ses objectifs est de corriger les erreurs qui ont pu se glisser dans une séquence de lettres et provoquer des maladies génétiques, comme la mucoviscidose.

En quoi le système CRISPR-Cas9 change-t-il la donne ?

H. C. : La stratégie n’est pas nouvelle : les scientifiques font de la modification du génome depuis 40 ans. Mais les processus qu’ils utilisaient jusque-là étaient lourds, difficiles, chers et nécessitaient des mois voire des années pour être mis en place par des laboratoires experts.

En raison de sa précision, de sa rapidité, de sa simplicité, de sa fiabilité et de son faible coût, CRISPR (clustered regularly interspaced short palindromic repeat) a révolutionné l’édition du génome. Depuis les premières publications en 2012 et les premiers essais en 2015, cet outil nous a permis de changer d’échelle. Aujourd’hui, CRISPR est un outil accessible dans la plupart des laboratoires et exploitable en seulement quelques heures pour un étudiant de master de biologie.

Comment fonctionne cette technologie ?

H. C. : CRISPR-Cas9 est comparable à des ciseaux moléculaires capable d’induire une cassure à un endroit précis du génome. Il se compose d’un guide, qui permet de viser la séquence à couper, et d’une enzyme (Cas9) qui coupe les deux brins d’ADN.
Une fois la coupure réalisée, la cellule va elle-même réparer son ADN. Ces processus de réparation sont rapides, mais peu fiables car ils peuvent retirer ou ajouter à la séquence ADN une ou deux paires de bases en moyenne, voire beaucoup plus.

Avec cet outil, nous maîtrisons donc la coupure, mais pas la réparation de l’ADN ?

H. C. : Effectivement. En général, nous voulons juste empêcher qu’un gène s’exprime : dans ce cas, il suffit de laisser les systèmes de réparation faire. La cassure est mal réparée et le gène est inactivé. Mais si l’objectif est de corriger l’expression d’un gène, cela est plus compliqué car il faut que la réparation rétablisse une séquence « normale » après la cassure.

Pour cela, les scientifiques continuent de développer, à partir de la technique CRISPR, d’autres outils pour modifier directement la séquence ADN. En remplaçant l’enzyme Cas9, par d’autres enzymes, ils peuvent, grâce à des réactions chimiques, modifier une ou plusieurs bases sans avoir à les couper.

Pouvez-vous nous donner des exemples d’application de cette technologie ?

H. C. : Les applications sont multiples et cette technique est aujourd’hui couramment utilisée pour modifier le génome de cellules somatiques chez l’animal et chez l’Homme. En 2018, par exemple, un enfant a été soigné d’une leucémie grâce à la modification de cellules de sa moelle osseuse. Grâce à la modification, les cellules ont exprimé à leur surface une molécule permettant de détruire les cellules tumorales. Cette stratégie thérapeutique réalisée ex vivo (hors du corps) a déjà prouvé son efficacité dans plusieurs cancers très agressifs.

Cette technique est aujourd’hui couramment utilisée pour modifier le génome de cellules somatiques chez l’animal et chez l’Homme.

D’autres maladies nécessitent, en revanche, un traitement in vivo pour corriger directement l’expression du gène responsable de la maladie. C’est le cas, par exemple, de la maladie de Leber, une neuropathie héréditaire de la rétine. Si plusieurs essais sont en cours, ce type de thérapie génique exige encore plusieurs années de développement pour réussir à contrôler le processus de réparation de l’ADN.

Quels risques accompagnent cette innovation ?

H. C. : Il existe toujours un risque d’avoir des effets hors cibles. En témoigne l’apparition, il y a quelques années, de leucémies chez des enfants-bulles qui avaient reçu une thérapie génique lors de laquelle un gène suppresseur de tumeur avait, par erreur, été supprimé.

Quels enjeux éthiques soulève-t-elle ? 

H. C. : Compte tenu des avantages techniques de la méthode et de sa très rapide diffusion, il est important d’évaluer où, quand et comment son usage pourrait poser un problème éthique. Le ciblage d’une cellule somatique (du corps d’un individu) rentre dans le contexte général de toute recherche et traitement : il exige le consentement éclairé des personnes et nécessite d’avoir été validé scientifiquement et d’avoir prouvé son efficacité et son innocuité.

Les questions éthiques se posent lorsqu’il s’agit de modifications génétiques transmissibles à la descendance : la discussion principale concerne les cellules germinales et l’embryon (au stade zygote, c’est-à-dire une seule cellule). Des mécanismes très particuliers, dont nous ignorons encore presque tout, régissent les stades précoces de la vie. Faire une modification transmissible du génome implique donc de réfléchir à la pertinence scientifique et médicale de cet acte. Dans de nombreux cas, il existe d’autres moyens de traiter une maladie.

Mais la question éthique ne se limite pas à l’évaluation des risques et des bénéfices. Notre génome constitue notre lignage par rapport à nos ancêtres. Il nous inscrit comme spécificité dans le vivant. Nous devons, à ce titre, débattre ensemble de l’acceptabilité sociale de modifier ce que l’Unesco a défini comme « le patrimoine commun de l’Humanité ».

Comment l’édition du génome est-elle encadrée en France et dans le monde ?

H. C. : La France, comme 29 autres pays, a ratifié la Convention internationale d’Oviedo qui interdit toute modification transmissible du génome humain. D’autres Etats, comme le Royaume-Uni, respectent cette convention, mais ne s’interdisent pas de réaliser des modifications génétiques transmissibles dans un contexte très encadré. Certains pays européens, comme l’Allemagne ou la Pologne, trouvent au contraire cette convention trop permissive. En Chine, ce type de modification n’était pas précisément interdit, mais des mesures ont été prises pour encadrer ces pratiques, suite à la naissance, en 2018, des premiers bébés génétiquement modifiés au stade embryonnaire.

Pourquoi ce sujet suscite-t-il, selon vous, autant de fantasmes ?

H. C. : Il suscite surtout le fantasme du déterminisme. Mais le vivant a de façon irréductible une dimension indéterminée. Un gène s’exprime dans et en fonction d’un contexte. A l’instar du film Bienvenue à Gattaca, nous ne pouvons pas lire dans une séquence tout ce qui va se passer dans la vie d’un individu. En témoigne une étude génétique dont l’ambition était de percer le secret des centenaires. Parmi les personnes dont le génome avait été analysé, une femme présentait une mutation génétique susceptible de provoquer une maladie cardiaque mortelle. Pourtant, elle avait 109 ans et avait vécu toute sa vie sans pace maker. Cela prouve à quel point le vivant ne cessera toujours de nous surprendre.

Faculté des Sciences et Ingénierie 4, place Jussieu. 75005 Paris - Nous contacter

Source : https://sciences.sorbonne-universite.fr/actualites/modification-du-genome-quels-enjeux-ethiques

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Sommaire

Traduction du 30 avril 2023 par Jacques Hallard – avec ajout d’une annexe sur le 3èmesommet international concernant l’édition du génome - d’un article de Claire Robinson, en date du 27 mars 2023, diffusé par ‘gmwatch.org’ sous le titre « Human genome editing summit haunted by spectre of eugenics » - Référence : https://www.gmwatch.org/en/106-news/latest-news/20202-human-genome-editing-summit-haunted-by-spectre-of-eugenics

Baby with barcode and disabled older woman

Dans une répétition des événements honteux de 1997, les personnes handicapées sont exploitées dans un battage médiatique autour de la modification génétique humaine.

Le Troisième Sommet international sur l’édition du génome Humain, qui s’est tenu ce mois-ci à l’Institut Francis Crick à Londres, s’est clôturé par une déclaration selon laquelle “l’édition héréditaire du génome humain reste inacceptable à l’heure actuelle”, ajoutant : “Les discussions publiques et les débats politiques se poursuivent et sont importants pour déterminer si cette technologie devrait être utilisée. Les cadres de gouvernance et les principes éthiques pour l’utilisation responsable de l’édition du génome humain héréditaire ne sont pas en place. Soulignant “les risques et les effets involontaires ’ de l’édition génique, la déclaration a averti que “Les normes de sécurité et d’efficacité nécessaires n’ont pas été respectées.”

La déclaration a peut-être suscité des soupirs de soulagement de la part de ceux qui craignaient que les participants au sommet exploitent l’événement pour faire pression immédiatement pour changer la loi interdisant la modification génétique (héréditaire) de la lignée germinale humaine (HGM) au Royaume-Uni. En effet, il s’agissait d’un pas en arrière significatif par rapport à la conclusion du précédent sommet sur la MGH en 2018, qui avait conclu qu’ “il est temps de définir une voie translationnelle rigoureuse et responsable” vers les essais cliniques d’édition germinale.

Mais la déclaration n’a pas réussi à aborder de manière significative la plus grande question éthique autour de l’HGM. Il s’est concentré sur la manière de rendre la technologie acceptable en améliorant “la sécurité et l’efficacité”, tout en échouant à dissiper le spectre de l’eugénisme qui planait au-dessus du sommet.

Le groupe anti-eugénisme ‘Stop Designer Babies’ a souligné que la légalisation de l’HGM conduira inévitablement à une société eugénique de “nantis” et de “démunis’ génétiques dans laquelle les parents fortunés peuvent choisir des traits de ’créateur’ chez leurs bébés, tels que la peau, la couleur des cheveux et des yeux, le QI et les prouesses athlétiques.

Dans le pire des cas, ceux qui ne peuvent pas se permettre une “amélioration” génétique seraient interdits de se reproduire. Et la déclaration ne précise pas si les scientifiques parviennent à résoudre les problèmes de sécurité, mais que “les discussions publiques et les débats politiques” aboutissent à la réponse selon laquelle le HGM devrait continuer à être interdit pour des raisons éthiques, cette décision sera acceptée.

Cette question doit être affrontée de front car contrairement à la croyance commune, l’eugénisme n’est pas mort avec les nazis. Il est très vivant et actif dans les cercles scientifiques au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pourtant, les connexions et les points de vue eugénistes déconcertants de certains des scientifiques qui y sont associés et, historiquement, du lieu qui l’a accueilli, l’Institut Crick, étaient manifestement absents de la publicité autour du sommet. Ce sujet sera abordé plus loin dans cet article.

Exploiter les personnes atteintes de maladies génétiques

La couverture médiatique du sommet de Crick - avec des citations de son participant et de scientifiques alliés – était beaucoup moins prudente que la déclaration officielle de clôture du sommet. Les médias se sont fortement concentrés sur la prétendue nécessité de modifier les gènes des humains pour guérir de graves maladies génétiques qui conduisent à un handicap. Par exemple, Robin McKie, rédacteur scientifique de The Observer, a écrit : ’ Les ministres doivent envisager de modifier la loi pour permettre aux scientifiques de procéder à l’édition du génome d’embryons humains pour des maladies génétiques graves – de toute urgence”.

Pour étayer sa position optimiste, McKie a cité, non pas les organisateurs du sommet, mais les conclusions “d’un rapport récemment publié par un jury de citoyens britanniques composé d’individus affectés par des maladies génétiques”. Ce rapport, a déclaré McKie, est “la première étude approfondie des points de vue des personnes vivant avec des maladies génétiques sur l’édition d’embryons humains pour traiter les troubles héréditaires” et a été présenté au sommet.

Qui pourrait contester cela ? Sauf que, comme l’a souligné le Dr David King de ‘Stop Designer Babies’, “Il n’y a aucun besoin médical non satisfait pour l’HGM, alors pourquoi ce sommet en discute-t-il même ?”

Les alternatives disponibles pour les maladies génétiques comprennent le dépistage génétique des embryons de FIV [fécondation in vitro], l’adoption, le dépistage des ovules de donneur ou des embryons de sperme, ou les thérapies géniques somatiques. Ces derniers ne sont pas héréditaires, n’affectent que le patient et ne soulèvent pas les préoccupations éthiques concernant l’eugénisme qui affligent l’HGM héréditaire. Bien que la manipulation génétique des cellules somatiques puisse, en principe, être également utilisée pour ’l’amélioration’ (par exemple, l’amélioration des performances sportives), cela ne serait pas héréditaire et cela a déjà été interdit par le Comité international Olympique, car il est considéré comme offrant un avantage injuste semblable aux hormones stéroïdes améliorant la performance. De plus, bien que des problèmes majeurs d’innocuité et d’efficacité persistent avec la thérapie génique des cellules somatiques, qui doivent être résolus, cela est également vrai pour la MGH héréditaire.

Il y a aussi des indications que le jury des citoyens a été manipulé et trompé. Pete Shanks du ‘Center for Genetics and Society’ a noté que dans leurs discussions sur l’édition génétique héréditaire, les participants au jury de citoyens ont été invités à faire l’hypothèse discutable que la technologie serait sûre et efficace. C’est faux – de nombreuses études ont montré que l’édition de gènes provoque des erreurs génétiques, ce qui pourrait entraîner un cancer ou d’autres maladies graves. Il suffit d’une modification dans une seule cellule pour se tromper et entraîner un cancer sur toute la ligne.

Le fantôme à la fête

Quiconque lit l’article de McKie supposerait que la pression pour la légalisation de l’HGM a été menée par des patients atteints de maladies génétiques. Mais ce n’est pas le cas. Le” fantôme à la fête ’ qui n’est pas mentionné dans l’article est l’un des organisateurs du sommet et son leader le plus éminent, le professeur Robin Lovell-Badge de l’Institut Crick, qui a donné la conférence Galton de la Société eugénique en 2017. Oui, il existe toujours une société d’eugénisme en Angleterre, fondée en 1907 et toujours aussi forte sous le nom rebaptisé, l’Adelphi Genetics Forum.

Famille Eugénique

” Famille eugénique ’ – l’emblème de la bibliothèque de la Société eugénique dans les années 1930. Image via Wiki Commons de l’Institut Galton, anciennement l’eugénisme britannique Society, désormais rebaptisée Adelphi Genetics Forum.

Pour en savoir plus, voir ceci.

Lovell-Badge a trouvé son chemin dans tous les comités impliqués dans l’organisation des efforts visant à affaiblir les règles autour de l’HGM, notamment le comité clé conseillant l’Autorité britannique de Fertilisation Humaine et d’embryologie (HFEA) sur les projets de modification de la Loi sur la fertilisation humaine et l’embryologie plus tard cette année.

Lovell-Badge s’est récemment enthousiasmé par l’idée sérieusement dystopique de “super-soldats ’ génétiquement modifiés pour tolérer l’exposition à des armes biologiques. Il fait également référence aux “Super humains ’ GM dans l’exposition actuelle de Copier-coller au Crick.

Les démunis génétiques : ’Sourds, muets et aveugles’ ?

La professeure Jennifer Doudna, qui a partagé le prix Nobel de chimie 2020 pour son rôle dans l’invention de l’édition de gènes CRISPR, a bénéficié d’un relooking d’image similaire à celui de Lovell-Badge dans le blitz de relations publiques actuel en faveur de HGM. Elle est citée par le Guardian comme prédisant avec enthousiasme : “Nous verrons certainement des thérapies génomiques pour les maladies cardiaques, les maladies neurodégénératives, les affections oculaires et plus encore, et peut-être aussi des thérapies préventives.”

C’est très bien, à condition qu’il s’agisse de thérapies géniques somatiques, où les modifications génétiquement modifiées ne seront pas transmises aux générations futures.

Mais ce qui manque manifestement à l’article du Guardian, ce sont les vues plus larges de Doudna, telles que celles exprimées dans son livre, « A Crack in Creation : Gene Editing » et le Pouvoir impensable de contrôler l’évolution. La citation suivante, pour ceux qui sont sensibles aux tendances eugéniques, fait froid dans le dos : “Fini le temps où la vie était façonnée exclusivement par les forces laborieuses de l’évolution. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, une ère dans laquelle nous aurons l’autorité principale sur la constitution génétique de la vie et tous ses résultats vibrants et variés. En effet, nous sommes déjà en train de supplanter le système sourd, muet et aveugle qui a façonné le matériel génétique sur notre planète pendant des éons et de le remplacer par un système conscient et intentionnel d’évolution dirigée par l’homme.”

Ce n’est peut–être pas une coïncidence si les choix de mots de Doudna-“laborieux”, “sourd, muet et aveugle”, qu’elle applique à l’évolution naturelle, en contraste frappant avec le meilleur des mondes de “l’évolution dirigée par l’homme” – auraient pu être tirés directement du livre de jeu des eugénistes pour décrire les personnes handicapées et autres personnes génétiquement “indésirables”.

Rediffusion de la Directive sur les brevets Life de 1997

Le battage médiatique entourant le sommet Crick n’est pas la première fois que des personnes atteintes de maladies génétiques sont exploitées par ceux qui souhaitent promouvoir le génie génétique et le brevetage de la vie. L’utilisation par le Crick du rapport du jury de citoyens pour plaider en faveur de la libéralisation de l’HGM est une répétition effrayante des événements de 1997, où des personnes handicapées atteintes de maladies génétiques ont été exploitées de manière trompeuse pour faire pression en faveur d’un changement de la législation européenne qui a permis le brevetage des organismes vivants et de leurs gènes. En fait, sans cette tactique, les OGM agricoles n’auraient probablement jamais vu le jour.

L’exploitation a été menée par des personnes liées au réseau LM, un groupe bizarre et sectaire qui ne favorise aucune restriction sur les technologies extrêmes ou le pouvoir des entreprises et qui a infiltré les organismes scientifiques britanniques pendant de nombreuses années. Ce groupe, connu sous le nom de réseau LM, a pendant de nombreuses années exploité sans vergogne les personnes handicapées et les personnes atteintes de maladies génétiques pour poursuivre ses objectifs pro-entreprises. Et les preuves présentées ici suggèrent qu’il le fait toujours.

En 1997, comme l’a rapporté le site Web Lobbywatch de GMWatch, des membres du Parlement européen (MPE) se sont présentés au Parlement à Strasbourg pour voter une loi autorisant les brevets sur la vie. Cette loi, si elle est adoptée, permettrait le brevetage de gènes, de cellules, de plantes, d’animaux, de parties du corps humain et d’embryons humains génétiquement modifiés ou clonés.

Mais la Directive sur les brevets à vie était impopulaire auprès du public et des politiciens. Seulement deux ans plus tôt, les députés européens avaient opposé leur veto à la directive et devaient faire de même.

Alors que les députés s’approchaient du Parlement, ils ont été confrontés à des manifestants en fauteuil roulant lors d’un événement organisé par le groupe de pression, le Genetic Interest Group (GIG). Le directeur de GIG, Alistair Kent, avait rallié les manifestants souffrant de maladies génétiques en affirmant qu’ils étaient sur le point de se voir refuser la possibilité d’un remède si les députés européens ne votaient pas pour la directive sur les brevets à vie. Cette fois, la loi est passée. Le lobbying de GlG est largement reconnu comme ayant été décisif dans son approbation.

Plaintes des groupes d’intérêt des patients

L’action de GIG a suscité des plaintes de la part des groupes d’intérêt très patients qu’il était censé représenter. Les groupes ont souligné que la politique de GIG avait toujours été contre le brevetage des gènes. Alistair Kent a publié une lettre réaffirmant les vues anti-brevets sur la vie du groupe, qui étaient officiellement inchangées. Alors, comment en est-il arrivé à se comporter de manière si contraire ?

Les commentateurs ont noté que le lobbying de GIG avait été financé en partie par SmithKline Beecham, une entreprise qui faisait activement pression pour la directive. Mais il y a peut–être eu un autre facteur que l’argent - le responsable des politiques de GIG, John Gillott. Tout au long de la controverse sur les brevets sur la vie, Gillott menait une campagne de guérilla contre ceux–là mêmes qui auraient dû être les alliés les plus proches de GIG-les écologistes. ” La directive a été vigoureusement combattue“, a écrit Gillott, ’par des militants écologistes qui disent que c’est un aspect de la’ course à la marchandisation de la vie ’ qui équivaut à de la ’biopiraterie’.’Gillott a rejeté ces opinions comme “des ordures colportées par les écologistes’

Le babillard de Gillott était un magazine appelé LM, dont il était rédacteur scientifique. LM a commencé sa vie en 1987 sous le nom de Living Marxism, la revue mensuelle du Parti communiste révolutionnaire (PCR). Le PCR a commencé comme un groupe dissident trotskyste d’extrême gauche. Au début des années 90, cependant, il a subi une transformation idéologique drastique. Ses dirigeants ont tourné le dos à la recherche d’une action de masse de la classe ouvrière.

La véritable contradiction dans la société résidait, semblaient-ils argumenter, entre ceux qui croyaient en une domination humaine accrue sur la nature et ceux qui ne le croyaient pas. Ils ont déclaré une guerre d’idées à ceux qu’ils considéraient comme les ennemis du progrès humain. La nouvelle vision du PCR prônait le ’progrès’ en s’opposant à toutes les restrictions sur la science, la technologie (en particulier les biotechnologies) et les affaires.

Gillott était un contributeur clé à Against Nature, une série télévisée de Channel 4 qui faisait la promotion des cultures de plantes génétiquement modifiées et représentait les écologistes comme des nazis responsables de la mort et de la privation dans le Tiers Monde.

Une autre contributrice de LM, Juliet Tizzard, alors directrice du groupe de pression scientifique ‘Progress Educational Trust’, qui soutient le clonage d’embryons et s’oppose aux restrictions sur les technologies génétiques – et entretient des liens étroits avec l’industrie pharmaceutique - figurait également dans le programme. Tizzard était auparavant responsable des politiques et des communications à la HFEA, l’organisation qui dirige actuellement la campagne de légalisation du génie génétique humain.

Le président actuel du Progress Educational Trust est Robin Lovell-Badge.

Entrisme

Bien que LM ait cessé de paraître en 2000, son esprit a perduré dans ses ramifications. Le PCR a adopté la tactique de “l’entrisme – - infiltrer une organisation pour influencer sa direction. Soudain, ses membres étaient affûtés et organisaient des séminaires. Au milieu des années 90, le marxisme vivant était devenu le LM au son inoffensif, tandis que le PCR avait été liquidé. Les LM - ERS ont été de plus en plus entendus dans les débats médiatiques sur des questions litigieuses telles que les cultures de plantes génétiquement modifiées et le changement climatique. Les groupes de pression colonisés par LM comprennent ‘Sense About Science’, le ‘Genetic Interest Group’, le Progress Educational Trust’ et le ‘Science Media Centre’. ‘Sense About Science’ et le ‘Science Media Centre’ ont constamment fait la promotion des cultures de plantes génétiquement modifiées.

Lovell-Badge siège au conseil d’administration de ‘Sense About Science et il est un porte-parole régulier du ‘’Science Media Center ‘pour défendre les intérêts de ces organisations, qui s’alignent sur ceux de leurs bailleurs de fonds.

HFEA : Régulateur ou lobbyiste pour HGM ?

Actuellement au Royaume-Uni, la recherche est autorisée sur les embryons humains mis au rebut du traitement de fertilité, mais l’embryon doit être détruit après 14 jours et ne peut pas être implanté pour une grossesse.

Mais la ‘Human Fertilisation and Embryo Authority’ (HFEA), le régulateur britannique de la fertilité, pense que la loi devrait être modifiée pour la rendre ’adaptée à son objectif’ et ’pertinente’, maintenant que la science et la société auraient ’évolué’. Encore une fois, l’HFEA continue de mettre l’accent sur de nouvelles “options de traitement” pour les personnes atteintes de troubles génétiques graves.

Comment est-il acceptable pour un régulateur de faire pression pour que la loi soit modifiée pour convenir à un lobby minoritaire qui trompe et exploite les personnes atteintes de maladies génétiques est une question qui ne semble pas venir à l’esprit des médias grand public, ni même de la HFEA elle-même.

Un nouveau genre de techno-eugénisme

‘Stop Designer Babies’ avertit que la vague actuelle de battage médiatique autour de l’HGM pour le traitement des maladies promue par le sommet de Crick est vraiment une initiative pour normaliser l’eugénisme. Le groupe affirme que la légalisation de ces techniques générera inévitablement et rapidement un marché commercial pour les traits “d’amélioration”.

Ce danger est reconnu dans un article du Guardian intitulé ’Les thérapies génétiques à venir soulèvent de graves questions éthiques, avertissent les experts’, qui attire à juste titre l’attention sur les craintes des experts selon lesquelles la légalisation du génie génétique humain alimentera “un nouveau type de techno-eugénisme”.

Les experts voient ce développement comme imparable. La professeure Mayana Zatz de l’Université de São Paulo, au Brésil et fondatrice de l’Association brésilienne de dystrophie musculaire, a déclaré qu’elle était “absolument contre l’édition de gènes pour l’amélioration”, mais a ajouté : “Il y aura toujours des gens prêts à payer pour cela dans des cliniques privées et ce sera difficile à arrêter’. La professeure Françoise Baylis, philosophe à l’Université Dalhousie au Canada, estime que l’amélioration génétique est ’inévitable’ parce que beaucoup d’entre nous sont “des capitalistes grossiers, désireux d’embrasser le biocapitalisme”.

Cependant, si les interdictions généralisées actuelles sur le génie génétique des lignées germinales humaines restent en place, un avenir eugénique n’est pas inévitable. ‘Stop Designer Babies’ souligne que 70 pays interdisent l’HGM en raison de sa trajectoire inévitable vers l’eugénisme. Donc, si le Royaume-Uni légalise HGM, ce sera une anomalie.

Fait inquiétant, la récente vague d’articles dans les médias, y compris ceux de the Observer et Guardian, n’envisagent même pas l’idée de maintenir l’interdiction actuelle – qui après tout est aussi simple que de maintenir le statu quo. Au lieu de cela, ils se concentrent sur la façon dont le HGM peut être régi une fois qu’il est (prétendument inévitablement) légalisé. C’est un choix pervers, étant donné qu’il existe des solutions alternatives réalisables pour les maladies génétiques (comme mentionné ci-dessus)…

Alors que l’article du Guardian note qu’il existe de “sérieuses questions éthiques” autour de l’HGM, la principale question éthique mise en évidence dans l’article est le coût des thérapies géniques, qui “les mettra hors de portée de nombreux patients”.

C’est exact – les thérapies géniques coûtent souvent des millions de dollars par dose, ce qui signifie qu’elles ne seront pas largement déployées même si elles se sont avérées efficaces pour traiter les affections ciblées. Cela pourrait conduire à une société divisée entre ceux qui peuvent se permettre de modifier génétiquement leurs enfants et ceux qui ne le peuvent pas, entraînant une discrimination dans de nombreux domaines de la vie et même une interdiction de la reproduction des “démunis génétiques”.

Royaume-Uni et États-Unis : leaders mondiaux de l’eugénisme

‘Stop Designer Babies place le sommet de Crick dans le contexte d’une longue et continue histoire de pensée et de pratique eugéniques, dans laquelle les scientifiques britanniques et américains ont joué un rôle de premier plan au fil des décennies. Parmi ces scientifiques, on peut citer le scientifique anglais Francis Crick, sous le nom duquel l’Institut a été créé, et l’Américain James Watson. En plus d’être les découvreurs de la structure de l’ADN en 1953, Crick et Watson étaient de fervents eugénistes.

Par exemple, Crick a déclaré : ’ Nous devons nous demander si les gens ont le droit d’avoir des enfants, ou du moins d’avoir autant d’enfants qu’ils le souhaitent ? Et si l’enfant est handicapé, ne vaudrait-il pas mieux laisser cet enfant mourir et en avoir un autre ? Et qu’en est-il d’un enfant né incurablement aveugle ? Y a-t-il une raison de nos jours pour garder un tel enfant en vie ? En d’autres termes, ne devrions-nous pas avoir un test d’acceptation pour les enfants ?”

HGM : Éthiquement inacceptable

Alors que la nouvelle poussée pour la légalisation de l’HGM est présentée comme offrant des remèdes pour des maladies génétiques autrement incurables, c’est trompeur. Des solutions réalisables et éthiques aux maladies génétiques sont maintenant disponibles et des thérapies géniques somatiques non héréditaires sont à l’étude.

Même si les problèmes de sécurité actuels sont surmontés, le HGM héréditaire sera toujours éthiquement inacceptable. Les organisateurs du sommet Crick n’ont pas fermement rejeté l’HGM héréditaire pour des raisons éthiques, nous ne sommes donc pas rassurés sur leurs intentions. La légalisation de l’HGM héréditaire représenterait un pas sur la pente glissante vers une société basée sur l’eugénisme.

Informations complémentaires

Pour plus d’informations sur la Directive sur les brevets Life et l’infiltration des organismes scientifiques par le réseau LM, voir :

Lobbywatch, LM Watch
George Monbiot, Emotional blackmail. Monbiot.com, 7 May 1998. 
George Monbiot, Invasion of the entryists. The Guardian, 9 December 2003. 

Contenu 1999 - 2023 GMWatch. Développement Web Par SCS Web Design – Source : https://www.gmwatch.org/en/106-news/latest-news/20202-human-genome-editing-summit-haunted-by-spectre-of-eugenics

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Annexe – Edition du génome : un troisième sommet international - Publié le 06 mars 2023

Gènéthique magazine - Génome

Ce matin débutait le troisième sommet international sur l’édition du génome humain. Avec une heure de retard en raison de manifestations du collectif Stop designer babies opposé à l’édition du génome humain. En effet, la dernière édition du sommet, en 2018, avait été marquée par le scandale provoqué par He Jiankui. La naissance des jumelles modifiées génétiquement reste dans les mémoires (cf. Editer le génome : des conséquences imprévisibles ?). Le chercheur n’est pas invité cette fois, même s’il est revenu sur le devant de la scène récemment, annonçant désormais travailler sur les maladies génétiques rares après avoir purgé une peine de trois ans de prison (cf. He Jiankui : pas d’excuses, pas de regrets ?).

Espoirs, craintes, sécurité, équité

Lors de cette première matinée de congrès, les conférenciers dressent un panorama général. David Liu du Broad Institute indique que plus de 200 patients ont déjà reçu une thérapie mettant en œuvre l’outil CRISPR (cf. Edition de base : une adolescente traitée avec succès).

Plusieurs présentations abordent également des enjeux éthiques. La question de l’équité d’accès à ces thérapies est mise en avant, comme la balance bénéfices-risques, au niveau de l’individu et de sa famille, ou de la société.

Car les risques ne sont pas perçus de la même façon à tous les niveaux. Alors que les chercheurs insistent sur la question de la transmission à la descendance, de laquelle ils excluent les embryons modifiés génétiquement mais non implantés, les patients, ou plutôt leur entourage, semblent voir les choses différemment. C’est ce qu’explique Kelly Ormond, chercheur à l’ETH et à l’université de Stanford.

Soulevant la question de la tolérance vis-à-vis de la maladie et du handicap, elle indique que les familles sont soumises à un « conflit intérieur » : améliorer la vie de leur enfant tout en ne souhaitant pas changer leur personnalité. Ainsi, elles seraient plutôt favorables à des modifications génétiques intervenant avant la naissance, avant qu’elles ne connaissent leur enfant.

Les yeux rivés sur la Chine ?

En dépit de ces présentations assez générales l’attention semble être portée sur la Chine. Deux présentations sont consacrées au changement de réglementation après le scandale des jumelles, une autre se fera l’avocate de toute l’attention que la Chine porte à l’« éthique », allant jusqu’à avancer une mécompréhension des perceptions occidentales liée à une mauvaise connaissance de la langue.

Un plaidoyer en règle alors que la Chine vient de publier, opportunément ?, « un nouveau guide national de bioéthique sur la recherche impliquant des êtres humains »
[1].

Des guides et des réglementations qui ne calment pas les inquiétudes. Filippa Lentzos, chercheur au King’s college London, rappelle qu’en Chine des dizaines de millions d’échantillons ADN sont collectés chez les hommes, avec une visée de « contrôle social ». Et que la société BGI, sous couvert de proposer des tests prénataux à travers le monde, en faisaient autant chez les femmes de nombreux pays (cf. Le dépistage prénatal non invasif de la trisomie 21 au service de l’armée chinoise). Les Etats-Unis viennent d’ailleurs d’ajouter l’entreprise à sa « liste noire commerciale », estimant qu’elle présente « un “risque significatif” de contribuer à la surveillance du gouvernement chinois  »
[2].

Se cantonner à la recherche ?

Mais en pointant la Chine du doigt ne cherche-t-on pas à se rassurer sur nos intentions ?

Au Royaume-Uni, un panel de citoyens composé de personnes ayant l’expérience des maladies génétiques estime qu’il est « urgent » d’envisager un changement de la loi pour permettre aux scientifiques d’éditer le génome d’embryons humains afin de traiter des maladies génétiques graves
[3]. Ce que la loi de bioéthique de 2021 a déjà autorisé en France (cf. [Infographie] : ce que contient la loi de bioéthique 2021).

Bien sûr les scientifiques assurent qu’il ne s’agit que de recherche. Mais, comme le pointe le biologiste Jacques Testart « l’expérimentation pour réaliser la transgenèse d’embryons dans les meilleures conditions n’a de sens que si on prévoit de fabriquer des bébés génétiquement modifiés ». Ainsi, « la “recherche“, toujours mythifiée, permet d’avancer vers ce but sans l’avoir décidé officiellement » (cf. Jacques Testart : L’eugénisme libéral, un « eugénisme de marché »).

Des risques insoupçonnés ?

Au milieu des risques inhérents à l’édition du génome de gamètes ou d’embryons humains
[4], d’autres pourraient passer inaperçus.

La drépanocytose, une pathologie qui « affecte des millions de personnes », comme le pointe une session de l’après-midi, entièrement consacrée à cette maladie, est une cible particulière des thérapies CRISPR (cf. Drépanocytose : vers un essai clinique utilisant CRISPR en France ?).

«  En Afrique centrale, 30 à 50% de la population est atteinte de la drépanocytose, une maladie des globules rouges. Pourquoi ? Tout simplement parce que cela correspond aux personnes protégées contre le paludisme  », explique Didier Lacombe, directeur du service de génétique médicale du CHU de Bordeaux (cf. Préserver la diversité humaine pour faire face aux épidémies ?).

« On parle sans cesse de l’importance de préserver la biodiversité pour les oiseaux ou les ours, mais jamais de l’urgence à sauvegarder la diversité humaine. Or cette dernière est en danger, et sans elle, les futures épidémies n’épargneront personne  », avertit Jacques Testart.

Complément du 09/03/2023 : Victoria Gray, la deuxième patiente atteinte de drépanocytose et traitée avec une thérapie CRISPR a témoigné lors de la conférence (cf. CRISPR Therapeutics et Vertex annoncent des résultats positifs de leur essai chez l’adulte ; Maladies du sang : 75 patients traités avec CRISPR depuis 3 ans). Le traitement développé par Vertex pharmaceuticals et CRISPR Therapeutics, un temps appelé CTX001 et désormais baptisé exa-cel, pourrait être autorisé d’ici un an et devenir ainsi le premier « traitement CRISPR » disponible sur le marché.

Références : 


[1] South China Morning Post, China’s new bioethics guideline ‘most comprehensive’ since gene-edited baby scandal, Echo Xie (04/03/2023)


[2] Reuters, US adds units of China’s BGI, Inspur to trade blacklist, Alexandra Alper et David Shepardson (03/03/2023)


[3] The Guardian, UK government urged to consider changing law to allow gene editing of embryos, Robin McKie (04/03/2023)


[4] Les sessions consacrées à ces sujets se tiendront mercredi 8 mars

Génome

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