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"En France, l’État garantit la liberté de conscience et d’expression (croyances ou convictions), donc la liberté religieuse, la séparation des organisations religieuses et des institutions publiques, l’égalité de tous devant la loi" par Jacques Hallard

mercredi 7 décembre 2022, par Hallard Jacques


ISIAS Liberté Laïcité Mixité Parité Egalité Fraternité 1 sur 2

En France, l’État garantit la liberté de conscience et d’expression (croyances ou convictions), donc la liberté religieuse, la séparation des organisations religieuses et des institutions publiques, l’égalité de tous devant la loi

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 06/12/2022

Série : Liberté Laïcité Mixité Parité Egalité Fraternité – Partie ‘1 sur 2’

http://www.alteregoratio.org/wp-content/uploads/2018/07/image-3-300x188.png

Source : Lycée A. Carrel (Paris, 19ème) : Laïcité et liberté d’expression : humour, jusqu’où peut-on aller ? - Posté le 25 juillet 2018 - Source

Plan du document : Présentation Préambule Introduction Sommaire Auteur

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Laïc ou laïque - La finale -ic dans laïc et la finale -ique dans laïque servent généralement à distinguer le masculin et le féminin, peu importe que le mot signifie « qui n’appartient pas au clergé » ou « qui n’est pas un religieux ». Mais cette distinction entre le masculin et le féminin n’est pas toujours visible dans la finale du nom ou de l’adjectif. Ainsi, pour ce qui est du nom, l’usage le plus répandu consiste à écrire laïc au masculin et laïque au féminin. Cependant, la forme laïque, employée pour le nom au masculin, n’est pas fautive. Source : https://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=5284


Introduction

Ce dossier, destiné à un usage pédagogique, est la première partie de la Série : Liberté Laïcité Mixité Parité Egalité Fraternité.

Les documents rapportés ici, écrits ou sonores, laissent successivement la place à une large palette de contributeurs variés sur les thèmes de ce dossier :

Anne Rosenbach écrivaine et journaliste pour ‘France Inter’

Les autorités gouvernementales concernées en France

Un conseiller d’état : Roger Errera (1933–2014)- Citation : « « Le droit n’est pas une fin en lui-même, mais une expression de valeurs en vue de l’ordonnancement de rapports sociaux au sein d’une société libre et équitable ». Source

Des pédagogues anonymes proposant une méthode de travail sur ces notions pour leurs élèves

Le président de la section du contentieux du Conseil d’État Bernard Stirn, professeur associé à Sciences Po – « Bernard Stirn, né le 27 août 19521 à Caen, est un hautfonctionnaire français. Il est le président de la section du contentieux du Conseil d’État du 14 décembre 2006 au 28 mai 2018… » - Source

Le pasteur et théologien James Woody pasteur de l’Eglise protestante unie de Montpellier, Blog « Esprit de liberté », introduisant successivement :

Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, avec ses commentaires – « Nicolas Cadène, né le 29 juillet 1981 à Nîmes, est un juriste et militant politique et associatif français. Rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité rattaché au Premier ministre du 5 avril 20131,2 au 5 juin 20213, ancien conseiller ministériel4, il est depuis septembre 2021 directeur adjoint d’une direction départementale interministérielle (DDI)5. Ancien membre du bureau et du Conseil national du Parti socialiste (jusqu’en 2018), il a été candidat d’ouverture EELV aux élections législatives de 20226. Il est membre résidant de l’Académie de Nîmes7… » - Source

Édouard Philippe, Homme d’état, ancien 1er Ministre, Diplômé de Sciences Po et de l’ENA, membre du Conseil d’État,… , depuis 2021, président du parti politique de centre droit Horizons. Source – Son site : JH2022-12-06T17:09:00J

Édouard Philippe - Info et actualité Édouard Philippe

« James Woody, né le 24 août 1972 à Paris, est un théologien français du protestantisme libéral. Il est pasteur de l’Église protestante unie de France… » - Source – Voir Esprit de liberté – Blog du pasteur James Woody

Roland Pfefferkorn, Professeur (« Roland Pfefferkorn est un sociologue français, professeur émérite de sociologie à l’Université de Strasbourg, membre du laboratoire CNRS Dynamiques européennes (Dyname – UMR 7367)… » - Source – Voir https://sspsd.u-strasbg.fr/Pfefferkorn ). Il est introduit dans un entretien de l’Union Rationaliste par Emmanuelle Huisman-Perrin : ancienne élève de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, maître de conférences en philosophie à l’IEP de Paris et professeur de philosophie en CPGE, spécialisée dans les études sur le ’genre’. Elle anime un cours à l’Institut d’Études Politiques sur ’ La Mort en perspectives ’ – Voir aussi Emmanuelle Huisman Perrin : podcasts et actualités -L’Union rationaliste (UR) « est une association française à but non lucratif fondée en 1930 sous l’impulsion, en particulier, du médecin Henri Roger et du physicien Paul Langevin. Elle promeut le rôle fondamental de la raison dans les capacités d’adaptation, d’organisation, d’expérimentation et de critique propres à l’espèce humaine. Elle vise à faire reconnaître que les avancées techniques, scientifiques, politiques et culturelles de l’homme sont principalement dues à la raison. Elle lutte contre les différentes formes de dogmatisme ainsi que contre le recours au surnaturel. Elle promeut une éducation laïque et républicaine. Elle anime des colloques, des conférences, une émission radio sur France Culture (un dimanche matin par mois) et publie deux revues (une bimestrielle et une trimestrielle), et distribue un prix annuel récompensant une œuvre d’inspiration rationaliste. L’Union rationaliste compte parmi ses membres des savants de renom, professeurs au Collège de France ou prix Nobel, des membres de l’Institut de France, ainsi que des écrivains célèbres.. » - Source.

Marie Bidaud, membre de la Grande Loge Féminine de France (GLFF), Présidente de la Commission Nationale de la Laïcité de son obédience- « La Grande Loge féminine de France (GLFF) est une obédience maçonnique française née en 1952 dont les membres sont exclusivement féminins. Elle fut fondée par la transformation de « l’Union maçonnique féminine de France », formée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en vue de créer la première obédience maçonnique exclusivement féminine. Depuis, elle se développe principalement en France et en Europe. L’obédience fait partie du courant des obédiences dites libérales… - Source – Voir : Grande Loge Féminine de France : Accueil

Le dernier document concerne un article de ‘Reporterre’ appelant à une pétition face à « La liberté d’informer attaquée » - ‘Reporterre’ est un média indépendant dédié à l’écologie sous toutes ses formes. Le journal est géré par une association d’intérêt général à but non lucratif, et n’a donc pas d’actionnaire. Il emploie une équipe de journalistes professionnels, et de nombreux contributeurs. Le journal est en accès libre, sans publicité, et financé à 97% par les dons de ses lecteurs… - Voir Reporterre - Le média de l’écologie et https://fr.wikipedia.org/wiki/Reporterre

Les documents choisis pour la partie ‘1 sur 2’ de ce dossier sont indiqués en détails avec leurs accès dans le Sommaire ci-après.

La suite de ce travail fera l’objet d’une mise en ligne sur ISIAS et sera désignée par ISIAS Liberté Laïcité Mixité Parité Egalité Fraternité 2 sur 2

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Sommaire

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  • Oui, ça vaut le coup de défendre la laïcité à l’école ! - Jeudi 17 novembre 2022 - Provenant du podcast En toute subjectivité – Diffusion ‘France Inter ‘
    Illustré par cet entretien - Buste de Marianne à Chevigny-Saint-Sauveur en Côte d’Or ©Maxppp - JC Tardivon

Pour ceux qui chérissent cette valeur républicaine, la laïcité est un puissant cadre de paix et de fraternité, et l’école est son lieu privilégié. Par Anne Rosencher Journaliste et écrivain

Vous vouliez revenir sur les atteintes à la laïcité à l’école : 720 ont été signalées en octobre, soit deux fois plus que le mois précédent…

Oui, et l’on a appris en début de semaine qu’une professeure de collège à Montauban a été mise sous protection policière, après avoir été filmée à son insu par une élève qu’elle réprimandait pour être venue en classe vêtue d’une abaya – cette tenue religieuse ‘recouvrante’. La vidéo, ponctuée qui plus est par un commentaire menaçant, a tourné sur les réseaux sociaux, tant et si bien que l’enseignante, donc, a été mise sous escorte. Oui. Nous vivons cette époque-là.

[Addenda - L’abaya (en arabe : عباية ʿabāyah) est un vêtement féminin porté au-dessus des autres, traditionnel dans les pays musulmans du Moyen-Orient — principalement en Arabie saoudite et dans les pays du golfe Persique — et du Maghreb…. – Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abaya ].

Les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la récente offensive contre la laïcité

Beaucoup de vidéos circulent fournissant conseils pratiques et éléments de langage pour mettre en échec la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école. Mais ce qui m’inquiète presqu’autant, c’est d’entendre, en face, une petite musique qui s’installe dans les conversations du quotidien. Vous avez peut-être vous-même déjà entendu ce genre de phrases : « à quoi bon aller embêter des ados » ? « Est-ce que ça n’engendre pas plus de violences ? » « Est-ce que ça vaut le coup » ? Ces hésitations, a priori bégnines, viennent renforcer le sempiternel discours des ennemis de la loi de 2004, qui y voient un jusqu’au boutisme français et prétendent y débusquer un racisme under-cover qui avancerait masqué

Et donc ça énerve…

Oui ! Le contre-sens est total. Pour ceux qui la chérissent, comme moi, la laïcité est au contraire un puissant cadre de paix et de fraternité, et l’école est son lieu privilégié.

C’est ce sanctuaire où les petits Français de toutes origines apprennent à devenir des citoyens guidés par la raison, en faisant fi des étiquettes. Certes, le droit à la différence est primordial. Mais l’expression de cette différence n’est un choix que si elle s’accompagne de la possibilité d’être différent de sa différence. Or le lieu où l’on se questionne, celui de l’esprit critique, imperméable aux dogmes et aux assignations identitaires, se nomme l’école laïque. La laïcité ne combat pas la spiritualité : elle endigue les prétentions politiques des religions et les rappels à l’ordre communautaires. Et ça, la plupart des Français, la plupart des parents, de toutes origines, le savent bien.

Un mot, enfin, sur le modèle multi-culturaliste américain, qu’on cite souvent pour nous complexer sur une soit disant « névrose française »…

Les Etats-Unis sont une grande démocratie, et ils sont fiers de leur modèle. D’accord. Mais c’est le leur. Quand, cet été, j’entendais invoquée « la volonté de dieu » à tours de bras pour justifier politiquement le recul sur le droit à l’avortement, je me suis dit : vive la laïcité ! Alors oui, mille fois oui, ça vaut le coup de la défendre. Et les profs ne peuvent pas être les seuls à prendre en charge cette responsabilité. Aidons-les !

Mots clefs : Info Société Religions – Spiritualité Laïcité Enseignement

L’équipe - Anne Rosencher Production- Voir Épisodes précédents

Source : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite/en-toute-subjectivite-du-jeudi-17-novembre-2022-4071525

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  • Rappels - Qu’est-ce que la laïcité ? - Droits et libertés - Publié 07/05/2015 | Modifié 02/02/2022 – Document officiel ‘gouvernement.fr’
    La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public. La laïcité implique la neutralité de l’Etat et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction.

La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses.

La laïcité implique la séparation de l’Etat et des organisations religieuses. L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’Etat —qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte— ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses. De cette séparation se déduit la neutralité de l’Etat, des collectivités territoriales et des services publics, non de ses usagers. La République laïque impose ainsi l’égalité des citoyens face à l’administration et au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances.

La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public.

https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/styles/illustration-centre/public/contenu/illustration/2019/01/quest_ce_que_le_laicite_def.jpg?itok=gh6QHirm

Vidéo ’La laïcité depuis 1789 en moins de 2 minutes !’ par ’Vie publique’

Depuis 2011, la journée du 9 décembre, jour anniversaire de la promulgation de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, est consacrée à la laïcité. Faisons le point en moins de 2 minutes.

L’actualité - Toute l’actualité L’actualité de la Première ministre Espace presse Agenda Discours et rapports - Les actions du Gouvernement Les actions Les portraits de la relance Conseil des ministres - Le Gouvernement et les institutions Composition du Gouvernement Services de la Première ministre Visite virtuelle de Matignon Le savez-vous ?

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Source : JH2022-12-04T21:39:00J

https://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-laicite

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  • La laïcité - Cultes et laïcité – Document officiel Ministère de l’Intérieur
    La laïcité repose sur trois principes : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.

La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou ne de pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir.

Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint par le droit au respect de dogmes ou prescriptions religieuses.

La laïcité suppose la séparation de l’État et des organisations religieuses. L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’État —qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte— ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses.

De cette séparation se déduit la neutralité de l’État, des collectivités et des services publics, non de ses usagers.
La République laïque assure ainsi l’égalité des citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. 

La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public. 

Source : www.gouvernement.fr - https://www.interieur.gouv.fr/Publications/Cultes-et-laicite/La-laicite

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  • Liberté religieuse et laïcité - Pour une politique de paix civile - Roger Errera (1933–2014, Conseiller d’Etat) – Document de référence de 2005 ‘cairn.info’ - Dans Études 2005/11 (Tome 403), pages 475 à 486
    La commémoration du 100e anniversaire de la loi de 1905 a donné lieu à d’amples discussions et à la publication de nombreuses études [1]. Le débat doit se poursuivre : tout n’a pas été dit, et ce qui l’a été laisse parfois songeur. Il a plus été question de laïcité que de liberté religieuse ; séparation et laïcité ont été volontiers confondues, et l’on a peu parlé de discrimination. Le présent article a deux objets : d’abord montrer comment une réflexion sur la formation de notre droit permet de mieux comprendre la nature juridique de la laïcité ; puis, en tenant compte de cet acquis et de pratiques actuelles, poser, dans les deux domaines indissociables de la liberté religieuse et de la laïcité, les bases d’une politique fondée sur la paix civile.

Aux origines de notre droit

Trois constats juridiques et historiques conduisent à mieux comprendre ce qu’est la laïcité de l’Etat.

La laïcité de l’Etat est un principe constitutionnel parmi d’autres, de même valeur : la liberté de conscience, la liberté religieuse, la séparation des Eglises et de l’Etat, les libertés d’expression, d’association et d’enseignement, l’interdiction de toute discrimination religieuse. Aucun n’est absolu. Ils doivent être conciliés entre eux, avec d’autres exigences, par exemple l’ordre public.

Le droit international, désormais partie du droit national, permet d’approfondir la notion de liberté religieuse. Qui lit l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme voit ce qui manque à nos lois [2]. La liberté religieuse a une dimension à la fois privée et publique : cela veut dire qu’entre la liberté de conscience et la liberté des cultes, il existe tout un espace social public dont cette liberté a besoin pour s’exprimer. Cette dimension est individuelle autant que collective. La liberté religieuse inclut le droit d’enseigner la foi et celui, pour les confessions, de s’organiser librement. La même liberté gouverne leurs relations avec les fidèles ou les hiérarchies, s’il y en a, situés à l’étranger.

Les laïcisations, l’affirmation de la séparation des Eglises et de l’Etat et celle de la laïcité se sont le plus souvent accompagnées de l’affirmation parallèle de la liberté religieuse et de ses implications concrètes. En veut-on des exemples ? On le vit en 1881-1882 [3], puis en 1905 : avant de proclamer la séparation des Eglises et de l’Etat, la loi affirme dans son article 1er deux principes fondamentaux, qui sont aussi des obligations positives de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes [4]… » En 1946 et en 1958, la double proclamation constitutionnelle de la laïcité, celle de l’Etat et celle de l’enseignement public, va de pair avec celle de deux principes constitutionnels : en 1946, l’interdiction de toute discrimination à raison des croyances dans le travail et dans l’emploi [5], en 1958 le respect, par la République, de toutes les croyances [6]. Ce dernier sera également mentionné, un an plus tard, dans la loi Debré du 31 décembre 1959 [7].

Ainsi, sous trois régimes, au niveau constitutionnel ou législatif, l’affirmation de la liberté religieuse et de ses implications a été étroitement associée aux mesures de laïcisation, au sens large du terme. Cela interdit d’y voir une mesure de circonstance ou le fruit d’un marchandage politique. Ce lien était nécessaire. Il est aujourd’hui le fondement de notre droit positif. En a-t-on tiré toutes les conséquences ?

Ces constats guident la recherche d’une définition du contenu et des limites de la notion de laïcité. Une fois de plus, un retour sur l’histoire récente nous éclaire. On trouve dans les débats parlementaires de 1945-1946 l’affirmation du lien entre laïcité et liberté religieuse [8]. En 1946, Maurice Schumann affirme avec force l’idée selon laquelle l’Etat a aussi, dans ce domaine, des obligations positives, en particulier dans une société pluraliste :

L’Etat a le devoir, alors que la nation est composée de personnes qui n’ont pas les mêmes croyances, de permettre à chacun des citoyens de vivre conformément aux exigences de sa conscience. Il en résulte que la doctrine de la neutralité – ou, pour mieux dire, de l’impartialité de l’Etat à l’égard des croyances de tous les membres de la communauté nationale – ne saurait se concevoir comme une contrainte restrictive[9]

C’est bien l’inspiration de la loi de 1905. Ecoutons A. Briand :

Non seulement la République ne saurait opprimer les consciences ou gêner, dans ses formes multiples, l’expression extérieure du sentiment religieux, mais encore […] elle entend respecter et faire respecter la liberté de conscience et la liberté des cultes[10].

Cent ans après, ce texte reste d’actualité [11]. Quarante ans plus tard, le Conseil d’Etat se situe dans le droit fil du meilleur de cette tradition républicaine libérale lorsqu’il affirme, dans son avis relatif à la compatibilité avec le principe de laïcité du port par les élèves de l’enseignement public de signes d’appartenance à une communauté religieuse – avis dont nombre d’esprits forts se sont gaussés : « Le principe de laïcité implique nécessairement le respect de toutes les croyances. »

A bien considérer l’ensemble de ces données, on peut définir la laïcité de l’Etat comme l’alliance de la neutralité des services publics, de la liberté de conscience, de la liberté religieuse et de l’interdiction de toute discrimination religieuse.

Pour une politique de paix civile

Commençons par trois remarques :

  • L’affirmation de la laïcité en France, décision politique à traduction juridique, ne se comprend que sur fond de sécularisation, phénomène de société. Il ne faut ni confondre ces deux ordres de faits, ni les dissocier totalement [12].
  • Loin d’être l’expression d’un quelconque « pacte social », le fondement des valeurs républicaines, vulgate idéologique assez répandue, la laïcité est aujourd’hui non une essence immuable mais un compromis, une règle du jeu progressivement acceptés. Sa pratique a connu des variations, parce que les principaux acteurs ont eux-mêmes changé au fil du temps : l’Etat, les confessions religieuses, anciennes et nouvelles venues, l’Islam en particulier [13].
  • L’on constate depuis quelques années la résurgence d’une laïcité de combat, source d’une suspicion antireligieuse. Les exemples ne manquent pas, venant de représentants des pouvoirs publics [14]. Les trois co-présidents du Conseil des Eglises chrétiennes en France – Mgr Ricard, le Pasteur de Clermont et Mgr Emmanuel – ont attiré l’attention du Président de la République sur ce fait dans une lettre du 8 décembre 2003. Mgr Ricard a réitéré en termes fermes cette préoccupation en 2004, dans son discours d’ouverture de l’Assemblée plénière des évêques à Lourdes [15].
    Venons-en à la paix civile, et donc à la civilité. J’emprunte ce beau terme à Emile Poulat :

L’idéal d’une société laïque, ce n’est donc pas une parfaite neutralité : elle n’a pas à concilier des principes, mais des revendications dont chacune, à la limite, menace le principe même de son existence. Elle doit établir et maintenir la loi des parties entre elles, à l’encontre de tout groupe, de tout individu qui n’en veut pas pour soi au nom de la vérité qu’il professe ou de la liberté qu’il cultive. Elle cesse d’exister si elle doit régner sur la jungle et par la force, dompter des appétits sans retenue ou des rivalités sans pitié : elle suppose une certaine civilité des esprits et des mœurs[16].

Pour tenter de traduire en termes d’action et de politique publiques ce qui en découle, je poserai quelques préceptes de base avant de présenter ce que peut être, ici, une telle politique.

Préceptes de base :

  • Respecter et faire respecter les principes constitutionnels.
  • Même remarque au sujet des règles fondamentales propres à chaque service public (l’école, l’hôpital, la prison, l’administration, etc.).
  • Eviter deux tentations récurrentes de la culture politique et administrative française : celle du recours hâtif et inconsidéré à la loi ou à la réglementation dès qu’un problème nouveau se pose ; et, de façon générale, celle de l’injonction autoritaire.
  • Sortir, quand on le peut, du raisonnement en termes binaires, qui étouffe la réflexion et l’initiative des acteurs : soit un droit, ou une obligation, soit une interdiction, assortie de sanctions. Des facultés dûment encadrées, des modus videndi raisonnables, des accords négociés et acceptés, parce que fondés sur le respect de l’identité de chacun, peuvent souvent suffire, à condition de les vouloir et de les assumer, c’est-à-dire de ne pas se cacher. Savoir aussi inventer, expérimenter. L’enseigne-t-on aux futurs responsables publics ? J’en doute.
  • Pas d’angélisme non plus : il y a des situations où cette démarche n’est pas possible, parce que le domaine ne s’y prête pas ou que les interlocuteurs, quels qu’ils soient, ne le veulent pas. La civilité, la paix civile, comme la liberté, ont des ennemis qu’il faut savoir désigner et combattre.
  • Qu’il y ait des limites à un tel exercice ne saurait le disqualifier à l’avance, surtout en invoquant des « principes » qu’on se pressera d’oublier ou de contourner, sans l’avouer.
  • Savoir, au besoin, recourir à des personnalités ou des institutions extérieures indépendantes.
  • Attacher le plus grand soin à la formation et à l’information des acteurs et des parties en cause.
  • Les conflits les plus vifs se produisent souvent à propos de problèmes « ponctuels », de règles « de détail », ou qui semblent telles parce que leur signification n’a pas été comprise à temps. Dans de tels contextes, l’application stricte du principe d’égalité peut conduire à sous-estimer ou négliger un fait : le respect effectif et concret du principe de non-discrimination peut nécessiter, en matière de liberté de conscience et de liberté religieuse, des règles particulières, des aménagements à un droit commun regardé jusque-là comme suffisant. S’abriter derrière l’égalité de traitement pour assujettir chacun, en toute circonstance, à une même norme peut conduire, dans certains cas, à méconnaître ces libertés.
    Une politique de paix civile, ou du bon usage des accommodements. – J’entends par « accommodements », non une série d’astuces ou de recettes plus ou moins honorables par lesquelles on achète – ou croit acheter – pour un temps « la paix » ou le calme, mais la pleine application des règles de base, conformément à l’esprit de liberté et de paix civile qui, dans ce domaine, est celui de nos lois. Il a des précédents de haute valeur, notamment pour qui veut bien regarder notre histoire et celle de l’Europe d’avant 1789 [17]. Le but : « la pratique de l’ajustement mutuel [18] ». A la vérité, dans ce domaine de la laïcité et de la liberté religieuse, aucun corps de règles, si détaillé soit-il, ne fournit par avance la solution à la fois juridiquement correcte, simple, acceptable par toutes les parties, assurant la nécessaire sécurité juridique, et automatiquement applicable à des situations différentes. Il n’est donc ni étonnant ni déshonorant qu’il y ait eu ou qu’il y ait des hésitations, des flottements, des tâtonnements avant d’établir une juste pratique. On l’a déjà vu, on le verra encore. Seuls les partisans attardés d’un régalisme suranné s’en chagrineront.

Rassurons vite ceux qui ne verraient dans ce qui précède qu’illusion éloignée des dures réalités du « terrain » : la République sait faire, et même très bien faire, lorsqu’elle s’en donne les moyens. Ainsi, la manière dont fut résolue, de 1920 à 1924, la question des associations cultuelles est une première illustration, dont toutes les leçons ne sont pas épuisées [19]. Retenons-en les vertus de la négociation, c’est-à-dire du temps nécessaire pour écouter et convaincre, et aussi l’utilité de consulter des instances extérieures. En voici d’autres exemples.

L’aménagement du temps. – Question doublement importante, vu qu’il s’agit des rythmes et des calendriers religieux, et de leurs conséquences pratiques dans la vie sociale. Regardons notre calendrier des fêtes légales : il est en grande partie d’origine chrétienne et catholique. Sur les onze jours fériés et chômés, cinq sont d’origine non religieuse [20]. Si la question se pose désormais en France, c’est en raison de la présence et de l’affirmation identitaire plus visibles de confessions dont le calendrier religieux est autre (les musulmans, les juifs, entre autres). Comment faire pour en tenir compte ? Une solution a été trouvée pour les agents de l’Etat et les élèves de l’enseignement public (soit près de 14 millions de personnes). Ni loi spéciale, ni nouveaux jours fériés, mais une simple circulaire, c’est-à-dire un mode qui ne permet pas d’édicter les droits ou des obligations qui n’existent pas déjà.

En voici deux exemples. Depuis plus de quarante ans, le ministre de la Fonction publique adresse chaque année aux autres ministres une circulaire : les chefs de service peuvent permettre aux agents désirant participer aux cérémonies célébrées à l’occasion des principales fêtes propres à leur confession de s’absenter à ces dates, dans la mesure compatible avec les nécessités du service. Une faculté, donc, non un droit. On notera ce qui ne figure pas dans la circulaire : l’obligation pour les agents de justifier de leur appartenance confessionnelle ; et ce qui y figure : l’indication des confessions en cause et de ce que sont ces « principales fêtes ». Et notre Etat laïque de s’enquérir et de consulter qui de droit en se penchant sur le calendrier religieux des uns et des autres. Le résultat ? Une circulaire libérale, intelligente et raisonnable, qui mentionne les fêtes musulmanes [21], juives [22] et bouddhistes [23], et précise que les deux premières commencent la veille au soir. Il y a plus : pour les Arméniens, la circulaire citait, outre le 6 janvier (Noël), deux jours, en février et en avril, assortis de la mention : « Commémoration des événements marquant l’histoire de la communauté arménienne ». En 2003, cette prudence sémantique a sans doute paru insuffisante et l’on put lire : « Jeudi 24 avril 2003 : commémoration du 24 avril ». On ne saurait en dire moins. Or la même République avait par une loi du 29 janvier 2001 reconnu « le génocide arménien de 1915 », sans aller toutefois jusqu’à désigner les auteurs de ce crime, ni le pays où il fut commis. L’application de cette circulaire n’a jamais causé de difficulté.

Pour les élèves de l’enseignement public, une circulaire du 12 décembre 1989, prise peu après l’avis du Conseil d’Etat sur le port de signes religieux, est rédigée en termes analogues. Le problème du samedi pour les juifs a donné lieu, en 1995, à une décision du Conseil d’Etat sur recours du Consistoire central israélite de France [24]. Le décret du 18 juillet 1991 sur les droits et obligations des élèves mentionnait l’assiduité, mais était muet sur d’éventuelles autorisations d’absence pour motifs religieux, d’où le recours. Le Conseil d’Etat a rejeté deux positions extrêmes : y voir un droit était ajouter au texte ; les interdire était contraire à la liberté religieuse. Conclusion : le décret n’interdit pas et ne pouvait interdire aux élèves le demandant de bénéficier éventuellement d’autorisations d’absence nécessaire à l’exercice d’un culte ou à la célébration d’une fête religieuse. Ces autorisations peuvent être accordées si elles sont compatibles avec leurs études et avec l’ordre public. Le chef d’établissement décide.

L’alimentation. – Elle est à la fois le quotidien, le plus visible et le symbolique. Les prescriptions alimentaires (aliments proprement dits, préparation, mode d’abattage des animaux) tiennent une place notable dans de nombreuses religions, en particulier l’islam et le judaïsme. La restauration collective se développe. Une demande d’adaptation est faite. Comment y répondre ? Il existe, d’évidence, en particulier dans les services publics (écoles, prisons, hôpitaux, armée) des limites – financières, matérielles, politiques – à une telle adaptation. Cela posé, celle-ci est possible et se pratique. En voici deux exemples.

Dans les cantines scolaires, et en l’absence même de circulaire (fait singulier dans une administration qui n’en est pas avare), une pratique libérale s’est progressivement instaurée, tenant compte de certaines données religieuses. Lorsque de la viande de porc est servie, il existe des plats de substitution. Il en va de même pour la viande en général (poisson ou œufs).

En prison, univers de contrainte, les détenus ont cependant des droits : « Chaque détenu doit pouvoir satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle » (Art. D.432 du code de procédure pénale). Pour les détenus musulmans, par exemple, très nombreux, l’aménagement peut porter sur le choix des produits pouvant être achetés en cantine et, pendant le ramadan, sur le mode de conservation de la chaleur des repas servis à heure fixe (achat d’une plaque chauffante ou d’un thermo-plongeur) [25].

La mort. – Outre la liberté religieuse, le droit français repose ici sur plusieurs principes : la liberté des funérailles, le respect de la volonté du défunt et le respect pour les morts. Les cimetières, services publics municipaux, doivent respecter les principes de non-discrimination et de neutralité. C’est dans ce cadre juridique que s’est posée la question des « carrés », objet d’une demande croissante de la part des juifs et des musulmans. Une circulaire du ministère de l’Intérieur, vieille d’une trentaine d’années, y a répondu de façon libérale et raisonnable : il s’agit d’une faculté, non d’un droit. Si l’on en établit, il faut respecter deux règles : pas de séparation matérielle avec les autres parties et pas de contrôle de l’appartenance religieuse de la personne. Dans les hôpitaux, des instructions indiquent la marche à suivre pour tenir compte, sur demande, de certaines prescriptions religieuses relatives à la toilette des morts.

L’objection de conscience pour motifs religieux et le cas des Témoins de Jéhovah. – Elle a été admise en 1963. La loi mentionnait alors les « convictions religieuses ou philosophiques ». Le texte actuel parle de « motifs de conscience [26] ». Encore fallait-il demander le statut pour l’obtenir. Rien de plus normal. Que faire de ceux qui, refusant d’effectuer leur service pour des motifs religieux, refusaient aussi de demander le statut d’objecteur, tout en l’acceptant ? Une loi spéciale étant exclue, on appliqua strictement la loi, d’où des centaines de condamnations à un an – voire deux – d’emprisonnement, ce qui interdisait aux intéressés l’accès à la fonction publique. Le résultat était manifestement excessif. On finit par sortir de cette impasse. « On », c’est-à-dire le cabinet du ministre de la Défense et l’avocat des objecteurs. Comment ? Par un échange de lettres : avant son incorporation, l’intéressé écrivait à l’administration pour déclarer que, pour des motifs de conscience résultant de son appartenance aux Témoins de Jéhovah, il refusait d’accomplir son service militaire. Cette lettre était interprétée comme une demande de statut d’objecteur, qui était accordée et respectée [27]. Bon exemple d’adaptation mutuelle, fruit d’une négociation discrète.

Un acquis libéral menacé ?

Plusieurs éléments risquent aujourd’hui de freiner ou de compromettre le développement de telles pratiques libérales. Il s’agit d’abord de deux décisions politiques récentes : l’interdiction législative du foulard et la création, à l’initiative du ministre de l’Intérieur, d’un conseil représentatif de l’islam de France. L’inquiétude provient aussi de certaines attitudes sociales et psychologiques, et des résultats de la hantise du « communautarisme ».

Encore le foulard. – Je ne reviendrai pas en détail sur cette affaire, des incidents de 1989 au collège de Creil à la position du Conseil d’Etat et à la loi du 15 mars 2004 [28]. Avant même le dépôt du projet de loi, j’ai exprimé publiquement par deux fois mon opinion [29]. Ce que je critique, c’est la méthode adoptée – le recours à la loi – et le parti retenu : l’interdiction totale. Le problème pouvait se régler au niveau de l’établissement, sur la base de principes clairs, avec l’aide du Ministère et en recherchant le concours actif de tous : chefs d’établissement, enseignants, familles, élèves, tiers ; en tenant compte des situations locales ; et en faisant preuve de pédagogie. Le mot est-il déplacé ici ? Encore aurait-il fallu une décision politique au sommet reposant sur une position nette, expliquée à tous et prenant parti sur la place de ce problème par rapport à tous ceux, nombreux, qui se posent à l’enseignement public. Un autre choix a été fait. Qu’il ait eu le soutien de l’opinion n’empêche pas d’affirmer que la mission de l’école publique a toujours été d’accueillir, non d’exclure, et qu’une politique d’intégration s’accommode mal d’interdictions générales [30].

La création d’un Conseil du culte musulman. – L’autre fait politique est la création, à l’initiative du ministre de l’Intérieur et après vingt ans de tâtonnements, à marches forcées à la fin, d’un Conseil du culte musulman en France. S’il est trop tôt pour dresser un bilan, il est légitime de s’interroger sur la méthode régalienne employée, celle de l’injonction et de l’intervention autoritaire. Cette méthode a des précédents [31] ; elle a des adeptes ; elle a aussi des limites. Entend-on « régénérer » l’islam et les musulmans de France, par exemple en se préoccupant de la formation des imams ? Est-ce là la mission d’un Etat laïque ? Sur le plan des réalités, quels sont les moyens et la capacité de ce Conseil et des instances régionales face aux problèmes : choix du cadre juridique approprié, édification des lieux de culte, insuffisance du nombre des aumôniers dans les prisons – sans parler des relations avec les pays étrangers ? Surtout, deux ombres pèsent sur le débat autour de l’Islam : celle du contexte national – l’immigration et la politique d’intégration ; et celle du contexte international – les conflits du Moyen-Orient, le terrorisme international. Elles ne sont pas près de se dissiper [32].

Sur le « communautarisme ». – Depuis des années, la hantise ou la dénonciation du « communautarisme » font partie du discours public en France. S’y ajoute, à l’occasion, celle du multiculturalisme, en montrant du doigt le contre-modèle « anglo-saxon ». Sauf à se contenter d’une exécration vague permettant de transformer une peur diffuse en alibi, il faut tenter de faire la lumière sur ce terme et les réalités qu’il peut désigner, et d’aller plus loin dans la réflexion.

Ce mot, « communautarisme », peut renvoyer à un système dans lequel chaque individu serait d’abord et surtout défini et considéré, et se verrait reconnaître des droits collectifs spécifiques à raison du groupe ou de la communauté (religieuse, ethnique, linguistique) à laquelle il appartiendrait. Si c’était le cas, chacune de ces communautés affirmerait et cultiverait systématiquement sa différence. De là un risque de dénaturation ou d’érosion de l’identité nationale, voire de régression sociale. Il y a en France un très large consensus pour rejeter un tel système et tout ce qui pourrait y mener. Celui-ci a fondé le refus, justifié, du gouvernement de signer ou de ratifier les deux conventions du Conseil de l’Europe relatives à la protection des minorités nationales et aux langues régionales ou minoritaires.

Cela dit, il y a aujourd’hui, dans un petit nombre d’établissements publics d’enseignement, de la part d’élèves d’origine maghrébine, des comportements inadmissibles : contestation de certains enseignements (éducation physique et sportive, philosophie, lettres, histoire, sciences de la vie) et de certaines activités scolaires ; prosélytisme accompagné de pressions et de violence ; refus de la mixité ; banalisation de l’antisémitisme et du négationnisme ; régression de la condition féminine. Ils s’accompagnent de très graves carences de l’institution de l’Education nationale : absence de circulation de l’information ; personnels laissés à eux-mêmes. Mais de cela, qu’il faut nommer et combattre, on ne parle guère. Pourquoi [33] ?

Une remarque sémantique, enfin, car les mots ont leur importance : les hommes politiques seraient bien avisés, non seulement de ne pas abuser du terme « communautarisme », mais aussi de ne pas parler de « communauté », par exemple musulmane ou juive, là où elle n’existe pas – sauf à parler à la cantonade, c’est-à-dire, selon le Littré, « parler à un personnage qui n’est pas en scène ».

***

Le débat ne s’arrête pas là. Posons ici deux principes, deux constats, un appel.

Deux principes. La liberté religieuse ne se divise pas. Il faut le redire, car ce qu’écrivait J. Carbonnier il y a trente-six ans reste vrai : « La conception française de la liberté religieuse relève d’un tripartisme semi-concordataire plutôt que d’un pluralisme sans rivages [34]. » Le second principe : au-delà du pluralisme, il n’y a pas de société sans valeurs communes et affirmation publique de celles-ci, en premier lieu par les autorités responsables. Quant aux « mœurs », c’est-à-dire aux comportements, c’est affaire de culture, de mentalités collectives et de temps. Il suffit de songer à l’égalité entre les hommes et les femmes dans les textes et dans la réalité sociale.

Deux constats. Le premier : la société française a changé. Dans ce qui est le plus vieux pays d’immigration d’Europe, des groupes issus de celle-ci sont devenus non seulement plus visibles dans la cité, mais aussi, à l’occasion, porteurs d’une affirmation nouvelle de leur identité, notamment dans l’espace public. Y a-t-il des limites à une telle affirmation et à sa reconnaissance ? Je le pense. Il reste à les explorer et à les justifier. Affaire d’identité, non seulement pour ces groupes, mais aussi, par ricochet, pour la société qui les entoure. Le second constat : les membres de ces groupes sont aussi plus conscients de leurs droits et de l’écart qui peut séparer les principes des réalités vécues. La discrimination raciale en matière d’emploi et de logement, biens rares, est ancienne. Ce qui est nouveau, c’est l’expression de la sensibilité individuelle et collective des intéressés et le refus de la résignation. Est mis en cause le retard des pouvoirs publics et, au-delà, de toute notre culture juridique et administrative à affirmer ici une volonté politique et à se doter des instruments adéquats. C’est aujourd’hui affaire urgente d’ordre public, c’est-à-dire de paix civile. La juxtaposition du principe républicain d’égalité des droits et de l’objectif proclamé de l’intégration, d’une part, de la persistance des discriminations, d’autre part, nourrit les replis identitaires.

Un appel  : il y eut, voici cent ans, les inventaires, de violente mémoire. Le moment est venu de faire calmement l’inventaire des richesses de nos multiples héritages juridiques, religieux, institutionnels et de nos pratiques, pour aborder avec civilité, dans un esprit de liberté, de respect et de responsabilité les problèmes qui se posent et continueront de se poser, quitte à mettre en péril quelques fonds de commerce. L’enjeu est considérable : éclairer et préparer les choix à faire, apaiser les tensions, et poser ainsi les fondements de la paix civile.

Notes

  • [*]
    Cet article a pour origine le texte d’une conférence prononcée à Bordeaux en juillet 2004, lors d’une session organisée par la Communion Oratorienne.
  • [1]
    Il faut mettre à part la profondeur et la richesse du livre d’Emile Poulat, Notre laïcité républicaine, Berg International, 2003, et son précédent essai, La solution laïque et ses problèmes, Berg International, 1997.
  • [2]
    « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. – 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection d’autrui. »
  • [3]
    Cf. l’art. 2 de la loi du 28 mars 1882, aujourd’hui article L.141-3 du code de l’éducation : « Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, outre le dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires. »
  • [4]
    « … sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».
  • [5]
    Préambule de la Constitution de 1946, 5e alinéa.
  • [6]
    Constitution, art. 1er.
  • [7]
    Cf. l’article 1er de la loi du 31 décembre 1959, aujourd’hui article L.141-2 du code de l’éducation : « Suivant les principes définis dans la Constitution, l’Etat assure aux enfants et adolescents dans les établissements publics d’enseignement la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances. L’Etat prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l’enseignement public la liberté des cultes et de l’enseignement religieux. » Sur la notion de respect, cf. R. Errera, « Le respect, catégorie juridique », dans Le Respect, de l’estime à la déférence : une question de limite, Ed Autrement, 1993, p. 146, rééd. Seuil, 1997.
  • [8]
    « L’Etat devient laïque à partir du moment où il proclame et protège la liberté religieuse », R. Capitant, ministre de l’Education nationale, Assemblée consultative provisoire, 28 mars 1945, p. 845.
  • [9]
    Assemblée nationale constituante, 3 septembre 1946, J.O., p. 3 474.
  • [10]
    A. Briand, Chambre des députés, 4 mars 1905.
  • [11]
    Un juriste, J. Rivero, ne dira pas autre chose en 1949 : « … dès lors que l’Etat abandonne à la liberté de chacun le domaine religieux, il doit accepter le fait religieux tel qu’il se présente à lui, déterminé par les règles des Eglises et les impératifs de la conscience ; la laïcité ne saurait donc exiger des fidèles une vie religieuse au rabais », La Notion juridique de laïcité, Dalloz, 1949, p. 137.
  • [12]
    Sur la notion de sécularisation, cf. J. Baubérot, Laïcité 1905-2005, entre raison et passion, Seuil, 2004 ; et O. Roy, La Laïcité face à l’Islam, Stock, 2005.
  • [13]
    Je renvoie, sur l’ensemble de ce sujet, à la vigoureuse et éclairante mise au point d’O. Roy, op. cit.
  • [14]
    Le maire de Nogent-sur-Marne, M. Martin, enjoint aux futurs époux, par note, de « ne porter aucun signe d’appartenance religieuse, philosophique, syndicale ou politique ostentatoire » lors de la cérémonie du mariage, car « la laïcité ne saurait être remise en cause à l’Hôtel de Ville », Le Monde, 21-22 décembre 2003. A Bobigny, la préfecture interdit l’accès de la Salle d’honneur à plusieurs femmes invitées à fêter leur naturalisation, parce qu’elles portent un foulard, « pour éviter toute interprétation communautariste », Le Monde, 24 décembre 2004. A Montreuil, le maire et député, M. Brard, interrompt, le 6 février 2005, un service religieux protestant, Le Monde, 11 février 2005. Dans le Var, un aumônier en soutane est empêché par le chef d’établissement d’entrer dans celui-ci.
  • [15]
    « Il ne peut y avoir de liberté religieuse que s’il y a liberté d’expression et possibilité de communication de sa pensée, non seulement dans les relations personnelles, mais aussi dans l’espace social », Le Monde, 6 novembre 2004.
  • [16]
    La Solution laïque et ses problèmes, op. cit., p. 54-55.
  • [17]
    O. Christin, Les Paix de religion, l’autonomisation de la raison politique au xvie siècle, Seuil, 1997.
  • [18]
    Mgr Ricard, Le Monde, 11 nov. 2003.
  • [19]
    Le refus par le Saint-Siège de la loi de 1905 – et en particulier des associations cultuelles prévues – posa un problème : comment arriver à la création d’associations acceptables par l’Eglise et conformes à la loi sans toucher à celle-ci ? La démarche unilatérale et autoritaire de 1905 étant exclue, restait la négociation, facilitée par l’écoulement du temps et le changement des acteurs. Elle mit en présence quatre ans durant le gouvernement, le Saint-Siège et l’épiscopat après consul-tation approfondie du Conseil d’Etat et d’éminents juristes. Et l’on n’a abouti ni à un traité, ni à une loi, mais à un simple échange de lettres, toujours en vigueur.
  • [20]
    Les 1er janvier, 1er et 8 mai, 14 juillet et 11 novembre.
  • [21]
    Pour 2003, l’Aïd el Adha (12 février), l’Al Mawlid Annabaoui (14 mai) et l’Aïd el Fitr (25 novembre). Les dates de ces fêtes étant fixées à un jour près, les autorisations d’absence peuvent être données avec un décalage d’un jour en plus ou en moins.
  • [22]
    Pour la même année, Rosh Hachana (27 et 28 septembre) et Yom Kippour (6 octobre).
  • [23]
    16 mai 2003, fête du Vesak.
  • [24]
    Consistoire central israélite de France, 14 avril 1995, p. 171.
  • [25]
    Un troisième exemple concerne l’abattage des animaux : les prescriptions rituelles du judaïsme et de l’islam doivent être conciliées avec les règles relatives à la sécurité sanitaire, à la protection de l’environnement et à celle des animaux. Ainsi, en règle générale, l’animal doit être étourdi, après immobilisation, avant d’être abattu. Des dérogations ont été admises, par le droit national et le droit communautaire, à condition que l’abattage soit effectué dans un abattoir par un sacrificateur agréé par l’Etat ou autorisé individuellement. D’où d’autres problèmes (pour l’Aïd el Kebir, le nombre des abattoirs est insuffisant).
  • [26]
    Article L.116-1 du code du service national.
  • [27]
    Trois députés s’indignèrent, y voyant une « discrimination » illégale, une « faveur » indue, accordée, qui plus est, à une « secte » (le mot dit tout) « sans caractère légal » ; cf. les questions posées par MM. Guyard, J.O.A.N., 3 avril 1995 ; réponse du ministre de la Défense, J.O.A.N., 8 mai 1995. Brard et Glavany, J.O.A.N., 11 mars 1996 ; réponse du Ministre, J.O.A.N., 8 avril 1996.
  • [28]
    Loi du 15 mars 2004 interdisant, dans les établissements publics d’enseignement du premier et du second degré, « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse », aujourd’hui article L.141-5-1 du code de l’éducation.
  • [29]
    Déposition, le 28 octobre 2003, devant la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la question du port des signes religieux à l’école, Assemblée nationale, rapport n° 1275, 4 décembre 2003, 2 vol. ; 2, p. 565. « Une loi inutile et nuisible », Le Monde, 6 décembre 2003, reproduit dans Istina, avril-juin 2004, p. 133.
  • [30]
    Un rapport relatif à l’année scolaire 2004-2005 a recensé, selon Le Monde du 27 août 2005, 639 « signes religieux », soit « deux grandes croix, onze turbans sikhs et autres signes, tous des voiles islamiques » ; 47 exclusions définitives ont été prononcées. Comment lire ce bilan comptable ?
  • [31]
    Ceux de 1790 (la Constitution civile du clergé), de 1801-1802 (le Concordat et les articles organiques) et de 1806-1807 (la convocation de l’assemblée des notables juifs puis du sanhédrin).
  • [32]
    Cf. O. Roy, La Laïcité face à l’islam, op. cit.
  • [33]
    Voir le rapport de J.-P. Obin, Les Signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires, Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement et de la Recherche, juin 2004.
  • [34]
    Dalloz, 1969, p. 367.

https://doi.org/10.3917/etu.035.0475

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  • Document pédagogique - Liberté de pensée, liberté de conscience, laïcité -– Document ‘lelivrescolaire.fr’ - P.294-295
    ACTIVITÉ 4 - Liberté de pensée, liberté de conscience, laïcité - Axe 2 : Garantir les libertés, étendre les libertés : les libertés en débat

Chap 1. Libertés, égalités, discriminations
Chap 2. L’exercice de la liberté
Chap 3. Libertés en question

Compétences :

➡ Être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations.
➡ S’exprimer en public de manière claire, argumentée, nuancée et posée.

La liberté de pensée et la liberté de conscience constituent des libertés fondamentales. Inscrites dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et rappelées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, elles sont le fruit d’une longue conquête et sont liées à l’un des grands principes républicains : la laïcité.

À l’aide des documents, réalisez une capsule vidéo dans laquelle vous expliquerez les principes de la liberté de conscience et de la laïcité.

Vocabulaire

Blasphème : injure à l’encontre d’une religion.

Laïcité : attitude de neutralité vis‑à‑vis des religions : un État laïque ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte.

Liberté de conscience : droit pour toute personne de croire – ou de ne pas croire – à ce qu’elle veut.

Liberté de pensée : droit pour toute personne d’avoir et de communiquer ses idées, ses opinions, ses croyances, etc…

1 Repères historiques sur la laïcité

Que dit la loi ?

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789.

Art. 1. La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Art. 2. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. […]

Le reste du texte de loi fixe les modalités d’application de celle-ci (répartition des biens de l’Église, associations cultuelles, etc.).

Loi sur la séparation des Églises et de l’État, 1905.

Étape 1

Préparer son propos (Doc. 1 et 2)

Relevez les principales évolutions chronologiques du concept de laïcité.

Voir la correction

Numérique La Charte de la laïcité élaborée par le ministère de l’Éducation nationale. À découvrir ici.

3 Peut‑on critiquer les religions ?

Le blasphème a été défini par l’Église catholique comme « tout propos ou acte irrespectueux contre Dieu » et comme « une défaillance dans l’expression de la foi ». La notion de blasphème n’a donc de sens que du point de vue des religions. Ce sont elles qui déterminent en effet ce qui est injurieux ou diffamatoire envers elles‑mêmes. Ce sont elles qui interdisent le blasphème car elles prétendent avoir le monopole de la vérité et du sacré. […]

Certains prétendent aujourd’hui qu’il faudrait limiter la critique des religions au nom du respect qui leur serait dû en raison des fonctions qu’elles assurent dans la société et qui peuvent favoriser l’intégration et maintenir la paix civile. […] Il est vrai que le délit de blasphème subsiste plus ou moins dans le Code pénal de nombre d’États de l’Union européenne (Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, Grèce, Italie, Irlande, Malte, Norvège, Pologne, Royaume‑Uni). […]

En République laïque et démocratique, le blasphème n’existe pas. […] La justice publique n’a pas à faire respecter les dogmes religieux. La liberté de blasphémer est un droit découlant de la liberté de pensée et d’expression. La liberté de pensée est absolue ou elle n’est pas.

Jean‑Paul Scot, « Liberté de conscience et respect de la laïcité », L’humanite.fr, 9 janvier 2015.

4 La laïcité à l’école

Caricature de Zep pour la
brochure « La laïcité à l’école »
éditée par le canton de Genève
et publiée en 2016.

Caricature de Zep pour la brochure « La laïcité à l’école » éditée par le canton de Genève et publiée en 2016.

Étape 2

Rédiger un texte (Doc. 3 et 4)

1. Relevez les limites à la liberté de conscience.

2. Rédigez le texte de votre capsule vidéo.
Voir la correction

Numérique La laïcité, un concept à géométrie variable, sur FranceTV. À découvrir ici.

Étape 3

Réaliser une capsule vidéo -
Sur un logiciel comme Tellagami, enregistrez une capsule vidéo expliquant les rapports entre liberté de conscience et laïcité.

Conseil : Pour réaliser votre capsule vidéo :
- créez votre personnage ;
- choisissez le décor ;
- enregistrez votre voix ;
- quand le résultat vous convient, partagez votre capsule vidéo.

L’analyse

Avez‑vous mis en valeur les dates importantes, avez-vous défini les mots‑clés ?

Avez‑vous expliqué les débats autour de la laïcité et du blasphème ?

Source : https://www.lelivrescolaire.fr/page/7071535

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  • Eclairage - L’État, garant de la liberté religieuse - Par La Rédaction - Dernière modification : 2 août 2022 – Document pratique ‘vie-publique.fr’
    La loi de 1905 dans son article 1er reconnaît la liberté religieuse : ’La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public’.

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État(nouvelle fenêtre) prolonge l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789(nouvelle fenêtre) qui consacre la liberté d’opinion, même religieuse. La Convention européenne des droits de l’homme(nouvelle fenêtre) prévoit également dans son article 9 que ’la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’.

Sont ainsi garanties la liberté de conscience et la liberté de manifester son appartenance religieuse. La liberté religieuse suppose la liberté pour chacun d’exprimer sa religion, celle de la pratiquer et celle de l’abandonner, dans le respect de l’ordre public.

Pour l’État et les services publics, ceci implique la neutralité face à toutes les religions et à toutes les croyances. L’État se doit de rendre possible l’exercice et la pratique de tous les cultes.

Les aumôneries

Les aumôneries, instituées dans certains établissements publics, sont une traduction concrète de l’obligation pour l’État de garantir la liberté religieuse.

L’État doit permettre à chacun de pratiquer son culte en assistant aux cérémonies ou en suivant l’enseignement propre à sa croyance. Si un croyant est retenu dans un établissement géré par l’État, il doit pouvoir pratiquer son culte au sein de cet établissement. C’est pourquoi la loi de 1905 prévoit la mise en place d’aumôneries dans les hôpitaux, les prisons et les lycées, c’est-à-dire dans des lieux qui possèdent un internat qu’on ne peut pas quitter. Son article 2 qui interdit toute subvention à un culte prévoit que ’pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons’.

Le statut et le fonctionnement des aumôneries varient selon les institutions.

Dans les hôpitaux, la gestion des aumôneries se fait au niveau de l’établissement de santé. C’est le conseil d’administration qui décide du nombre d’aumôniers, au regard de la demande des patients hospitalisés et de leurs familles, et c’est le directeur de l’hôpital qui les nomme sur proposition des autorités religieuses. Les indemnisations des aumôniers sont donc inscrites dans le budget de l’hôpital. Nombreux religieux s’inquiètent toutefois des contraintes budgétaires et des regroupements d’hôpitaux qui conduisent les conseils d’administration à juger les aumôneries non prioritaires. Aujourd’hui, la majorité des intervenants dans les services d’aumônerie sont des bénévoles.

En prison, sept confessions sont agréées au plan national : catholique, israélite, musulmane, orthodoxe, protestante, bouddhiste, Témoins de Jéhovah. Le statut de ces aumôniers est fixé par le code de procédure pénale. Ils sont agréés par l’administration pénitentiaire après consultation des autorités religieuses et avis du préfet. Ils sont indemnisés en tant qu’agents publics contractuels. Des bénévoles, aumôniers ou auxiliaires, les assistent.

En 2019, l’administration pénitentiaire recense 1 745 intervenants cultuels (indemnisés ou bénévoles) répartis comme suit :

  • Culte bouddhiste : 19
  • Culte catholique : 757
  • Culte israélite : 69
  • Culte musulman : 239
  • Culte orthodoxe : 63
  • Culte protestant : 384
  • Culte Témoins de Jéhovah : 214.
    Dans les collèges et lycées publics, la création de services d’aumônerie est possible à la demande des parents. Les aumôniers de l’enseignement public ne sont pas rémunérés par l’administration bien qu’agréés par le recteur. Dans les établissements avec internat, l’institution d’une aumônerie est de droit dès que des parents en ont formulé la demande. Dans les établissements sans internat, la création d’une aumônerie relève d’une décision du recteur. Le recteur apprécie l’opportunité de cette création et d’organiser l’enseignement religieux à l’intérieur de l’établissement. Dans tous les cas, les cours ont lieu pendant les heures laissées libres par l’emploi du temps scolaire. À la différence des élèves et des personnels, les aumôniers peuvent porter une tenue ou un signe religieux dans un établissement scolaire.

Non prévues par la loi de 1905, les aumôneries militaires sont organisées par la loi du 8 juillet 1880(nouvelle fenêtre) et par un décret du 30 décembre 2008(nouvelle fenêtre), modifié en dernier lieu par undécret du 22 juin 2022(nouvelle fenêtre). Les aumôniers militaires sont des militaires servant en vertu d’un contrat de trois ans, renouvelable. Ils sont soumis à une période probatoire de six mois, qui peut être prolongée pour adaptation insuffisante aux fonctions ou si la sécurité de la défense l’exige. Ces aumôniers relèvent de l’état-major des armées et détiennent le grade unique d’aumônier militaire. Ils assurent le soutien religieux du personnel de la défense et des militaires de la gendarmerie nationale, qui le souhaitent. Un arrêté du 15 juin 2012(nouvelle fenêtre) prévoit quatre aumôneries (catholique, israélite, protestante, musulmane) organisées en structures hiérarchisées sur le modèle de la hiérarchie militaire. Les aumôniers en chef des quatre cultes sont nommés par le ministre de la défense sur proposition des autorités religieuses. Les autres aumôniers sont nommés sur proposition de leur aumônier en chef.

Les prescriptions religieuses

Le libre exercice du culte peut avoir des conséquences dans la vie sociale et nécessiter des adaptations du droit commun. Afin de garantir la liberté religieuse, l’État décide parfois de déroger à des réglementations. Dans d’autres cas, il interdit purement certaines prescriptions religieuses.

Les rites d’abattage halal ou casher

L’article R214-70 code rural et de la pêche maritime (nouvelle fenêtre) prévoit une exception à l’obligation d’étourdir les animaux avant leur abattage ou leur mise à mort pour les abattages prescrits par l’islam ou le judaïsme, le respect de ces rites étant un élément de la liberté de culte. Les abattages halal ou casher ne peuvent toutefois avoir lieu que dans des abattoirs autorisés par le préfet. Lors de la fête de l’Aïd-el-Kébir, fête musulmane du sacrifice, des abattoirs temporaires peuvent être autorisés si le nombre d’abattoirs est insuffisant dans certains endroits.

Plusieurs propositions de lois ont tenté d’interdire l’abattage rituel ou de le limiter aux viandes réellement consommées au nom des pratiques religieuses. De son côté, la Cour de justice de l’Union européenne interrogée sur la légalité d’un décret pris par le gouvernement flamand de Belgique, a jugé dans un arrêt du 17 décembre 2020(nouvelle fenêtre) que l’obligation d’étourdissement des animaux avant l’abattage est compatible avec la liberté religieuse. La réglementation de l’Union ’ne s’oppose pas à ce que les États membres imposent une obligation d’étourdissement préalable à la mise à mort des animaux qui s’applique également dans le cadre d’un abattage prescrit par des rites religieux’. La Cour souhaite ainsi promouvoir le bien-être animal.

Les prescriptions en matière alimentaire

Aucun texte législatif ou réglementaire n’impose d’obligations en la matière. Dans les cantines scolaires, plusieurs maires ont décidé de mettre en place des menus de substitution. Dans un rapport de 2019 consacré au droit à la cantine scolaire, le Défenseur des droits considère que le principe de laïcité ne s’oppose pas à la pratique des menus de substitution et qu’il convient de porter attention à l’intérêt supérieur de l’enfant et à sa liberté de conscience. Pour le Défenseur, une collectivité ne peut pas être obligée de servir un repas de substitution mais elle ne peut pas non plus contraindre un enfant à manger un plat contraire à ses prescriptions religieuses.

Plus récemment, dans une décision du 11 décembre 2020(nouvelle fenêtre), le Conseil d’État a rappelé que les menus de substitution ne sont ni obligatoires, ni interdits. Il n’existe aucune obligation pour les collectivités locales gestionnaires d’une cantine scolaire de proposer aux enfants des repas différenciés leur permettant de ne pas manger des aliments interdits par leur religion et aucun droit pour les usagers qu’il en soit ainsi. En revanche, ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public ne s’opposent à ce que ces collectivités puissent proposer ces repas. Le Conseil d’État précise néanmoins ’que lorsque les collectivités... définissent ou redéfinissent les règles d’organisation’ de la restauration scolaire, elles doivent ’prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent accéder à ce service public, en tenant compte des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont elles disposent’. Dans l’affaire jugée, la commune de Chalon-sur-Saône avait supprimé, au nom du principe de laïcité, les menus de substitution à la viande de porc proposés dans ses cantines depuis 1984.

Les rites funéraires et l’inhumation

Les rites funéraires et l’inhumation sont des composantes majeures de la liberté religieuse.

En matière de funérailles, le respect des dernières volontés du défunt est garanti. Selon la loi du 15 novembre 1887(nouvelle fenêtre) sur la liberté des funérailles, ’tout majeur ou mineur émancipé ... peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture’. Les maires assurent la police des funérailles dans le respect du principe de neutralité. Le code général des collectivités territoriales leur interdit ainsi d’établir des prescriptions particulières, selon que les funérailles ont un caractère civil ou religieux. Les maires ne peuvent pas non plus faire de distinctions concernant les convois funéraires à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort.

Le principe de neutralité s’impose aussi dans les cimetières. La loi du 14 novembre 1881 interdit d’établir une séparation en raison des différents cultes dans les cimetières communaux ainsi que des divisions confessionnelles. Elle déclare tous les cimetières ’interconfessionnels’ et proscrit tout regroupement par confession sous la forme d’une séparation matérielle du reste du cimetière. Ce principe de la neutralité des cimetières a été confirmé par la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.

Néanmoins, par dérogation au droit commun, quelques anciens cimetières confessionnels privés existent encore. Les consistoires israélites ont conservé la propriété des cimetières dont ils disposaient avant 1806. Il reste également des cimetières protestants privés. La légalité de ces cimetières a été confirmée par le Conseil d’État. Il n’est cependant pas possible de créer ou d’agrandir des cimetières confessionnels existants.

De plus, les carrés confessionnels sont admis dans la pratique et même encouragés par les pouvoirs publics afin de répondre aux demandes des familles, notamment de confession musulmane. Une circulaire du ministère de l’intérieur du 14 février 1991 rend possibles des ’regroupements de fait’ des sépultures, sous réserve que la neutralité de l’ensemble du cimetière soit préservée, tant en ce qui concerne l’aspect extérieur des parties publiques que la possibilité laissée aux familles de toutes religions de s’y faire inhumer. Cette pratique a été de nouveau encouragée par la circulaire du 19 février 2008 relative à la police des lieux de sépulture (nouvelle fenêtre). La circulaire de 2008 rappelle que la décision d’aménager des carrés confessionnels appartient au maire et à lui seul. Dans le même temps, le maire doit veiller à ce que les parties publiques du cimetière ne comportent aucun signe distinctif de nature confessionnelle.

Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle, des règles particulières s’appliquent.

Quant à l’inhumation, le code général des collectivités territoriales interdit l’inhumation en pleine terre et sans cercueil, contrairement aux prescriptions des religions juive et musulmane. Cette atteinte à la liberté de culte est justifiée par des raisons sanitaires.

Les fêtes religieuses

Ces fêtes peuvent poser des problèmes de conciliation entre pratique religieuse et vie professionnelle. Le code du travail ne prend en compte que des fêtes catholiques et il ne contient aucune disposition ouvrant le droit à des autorisations d’absence pour motif religieux. Néanmoins, un accord collectif d’entreprise ou une convention collective peut prévoir des autorisations exceptionnelles d’absence pour participer à certaines fêtes ou cérémonies autres que catholiques. Dans le public, une circulaire du ministère de la fonction publique du 10 février 2012(nouvelle fenêtre) liste, à titre d’information, les principales fêtes religieuses des cultes orthodoxe, arménien, musulman, israélite et bouddhiste, pour lesquelles une autorisation d’absence peut être accordée aux agents publics. Il revient à leur chef de service de l’accorder ou pas, en fonction des nécessités du service.

Pour les élèves de l’enseignement scolaire public, des autorisations d’absence peuvent également être accordées pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction, selon une circulaire du ministère de l’éducation nationale du 18 mai 2004(nouvelle fenêtre). En revanche, les demandes d’absences systématiques ou prolongées sont refusées dès lors qu’elles sont incompatibles avec l’organisation de la scolarité (par exemple, une absence systématique le samedi, jour du Shabbat, n’est pas autorisée).

En outre, d’après cette même circulaire, les institutions scolaires et universitaires doivent prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun examen ni aucune épreuve importante ne soient organisés le jour de ces grandes fêtes religieuses.

Toujours concernant les fêtes religieuses, le Conseil d’état a été amené à se prononcer en 2016 sur la tradition des crèches de Noël dans les bâtiments publics (mairie par exemple).

Les tenues vestimentaires et les signes religieux

Dans des cas précis, des textes ont été adoptés pour proscrire des pratiques religieuses.

Ainsi, un décret du 25 novembre 1999 exige des photographies têtes nues sur les cartes d’identité et un autre du 26 février 2001 pour les passeports. Ces décrets excluent donc le port du foulard islamique sur les photographies des papiers d’identité qui était jusqu’alors toléré par l’administration. Cette interdiction, qui vaut aussi pour tout autre couvre-chef (turban, kippa, chapeau...), est justifiée dans l’intérêt de la sécurité publique, comme l’a confirmé le Conseil d’État dans des arrêts du 27 juillet 2001(nouvelle fenêtre) et du 24 octobre 2003(nouvelle fenêtre).

De même, uneloi du 15 mars 2004 encadre, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics(nouvelle fenêtre). Un nouvel article L141-5-1 est introduit dans le code de l’éducation afin d’interdire ’le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse’. En revanche, les signes discrets d’appartenance religieuse restent possibles. Cette loi est adoptée après quinze années de débat autour de la question du port du foulard islamique à l’école. Unavis du Conseil d’État du 27 novembre 1989(nouvelle fenêtre) considérait que le port par des élèves d’un signe manifestant une appartenance religieuse n’était pas par lui-même incompatible avec la laïcité, tout en posant certaines réserves (acte de pression, de prosélytisme, atteinte à la liberté de l’élève, troubles dans l’établissement, rôle éducatif des enseignants ...). La mise en oeuvre de ce principe relevait alors des règlements intérieurs des établissements scolaires.

La loi du 11 octobre 2010(nouvelle fenêtre) interdit la dissimulation du visage dans l’espace public : ’Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage’, sauf exceptions (motifs professionnels, fêtes artistiques...). Cette loi proscrit ainsi notamment le port du voile intégral (burqa) dans l’espace public. Dans sa décision du 7 octobre 2010(nouvelle fenêtre), le Conseil constitutionnel a précisé que, pour ne pas porter une atteinte excessive à la liberté religieuse, l’interdiction ne peut pas s’appliquer dans les lieux de culte ouverts au public.

Plus récemment, le port du burkinisur les plages et dans les piscines municipales a fait son entrée dans le débat public.

Pratiques matrimoniales et successorales

Pour protéger les femmes, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République contient de nouvelles mesures : 

  • la délivrance de certificats de virginité pour permettre un mariage religieux, tradition pratiquée par certaines personnes, est désormais interdite et sanctionnée pénalement. Le fait de contraindre une femme à se soumettre à un tel certificat est aussi puni ;
  • la protection des héritiers réservataires (enfants) sur les biens situés en France est renforcée lorsque la succession relève d’un code étranger qui ne reconnait pas l’égalité des enfants héritiers. Il s’agit d’assurer aux femmes une égalité de droits dans l’héritage. 
    Dossier : L’État et les cultes - Laïcité et loi de 1905

Vie publique : au coeur du débat public

Vie-publique.fr — Wikipédia

Source : https://www.vie-publique.fr/eclairage/20206-letat-garant-de-la-liberte-religieuse-laicite-loi-1905

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  • Laïcité et liberté, compatibilité ? - Intervention de Bernard Stirn, président de la section du contentieux du Conseil d’État, professeur associé à Sciences Po le 16 mars 2017 – Rétrospective historique - Diffusion Rotary de Paris-Ouest - 16 mars 2017]
    [« Bernard Stirn, né le 27 août 19521 à Caen, est un haut fonctionnaire français. Il est le président de la section du contentieux du Conseil d’État du 14 décembre 2006 au 28 mai 2018… » - Source ]

Si les liens entre laïcité et liberté reposent sur des principes anciens et intangibles, de nouveaux débats se développent dans la France d’aujourd’hui qui donnent au sujet un regain d’actualité.

Les principes ont été fixés dès la Révolution.

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » proclame l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Cette phrase fixe les fondements du droit public français en matière de liberté de conscience et trace le cadre d’un débat toujours vivace entre les opinions, qui sont entièrement libres, et leur expression, que des motifs d’ordre public peuvent limiter.

Après la Révolution, des textes fondamentaux ont traduit les principes de la Déclaration de 1789. Deux temps se distinguent.

Le premier est celui du Concordat, conclu le 15 juillet 1801 entre Bonaparte et le pape Pie VII. Les ministres du culte font l’objet à la fois d’une nomination par l’État, qui les rémunère, et d’une investiture canonique, délivrée par le pape. Les principes du Concordat ont été étendus de manière unilatérale par l’État aux deux cultes protestants, réformé et calviniste, et à la religion israélite en vertu des actes organiques du 18 germinal an X (8 avril 1802).

Le second temps, un peu plus d’un siècle plus tard, est celui de la séparation des Eglises et de l’État, proclamée par la loi du 9 décembre 1905. Longuement et parfois âprement discutée au Parlement, la loi de 1905, inspirée notamment par Aristide Briand, traduit un équilibre entre la liberté religieuse et la neutralité de l’État. A son article 1er, elle affirme que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ». Son article 2 décide la séparation, en prévoyant que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

Il est à noter que la loi de 1905 n’a pas été étendue aux trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, lors de leur retour à la France aux lendemains de la première guerre mondiale. Le régime du Concordat continue de s’appliquer dans ces trois départements. Les deux formules, du Concordat et de la séparation, respectent, chacune à leur manière, l’exigence rappelée par l’article 1er de la Constitution, selon laquelle « la France est une république laïque ». Par une décision QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité, le Conseil constitutionnel a confirmé que la Constitution autorisait le maintien en vigueur du Concordat en Alsace et en Moselle. Par une décision du 3 mars 2017, collectivité territoriale de Guyane, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité qui concerne l’ordonnance royale du 29 août 1828 relative au régime des cultes en Guyane, en vertu de laquelle un régime voisin du Concordat s’applique dans ce département d’outre-mer.

La mise en œuvre de la loi de 1905 s’est faite dans un climat de tension entre les autorités publiques, gouvernementales et municipales, qui entendaient souvent promouvoir une conception extrême de la laïcité, et les autorités religieuses qui, dans une France alors très majoritairement catholique, n’acceptent pas toutes l’affirmation de la République. De nombreux litiges, relatifs aux sonneries de cloches, aux processions religieuses, aux funérailles, au port de petites croix par les élèves des écoles, sont alors portés devant le Conseil d’État. Une jurisprudence pacificatrice se développe, qui applique la loi, conformément à son esprit, avec le souci de respecter les traditions, d’accepter la diversité des comportements et de promouvoir la compréhension mutuelle. Particulièrement marquant sont les arrêts Morel et autres du 5 août 1908 et abbé Olivier du 19 février 1909. Une pratique entièrement apaisée de la loi de 1905 s’affirme après la première guerre mondiale. Rompues en juillet 1904, les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège ont rétablies en 1921.

La constitution de 1958 s’inscrit dans la filiation de cette laïcité ouverte et tolérante. Son article 1er affirme que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le conseil constitutionnel a précisé, dans une décision du 19 novembre 2004, que ces règles constitutionnelles « interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».

Dans ce cadre, les principes posés par la loi de 1905 continuent d’être appliqués dans l’esprit qui est le sien. Par des décisions du 19 juillet 2011, le Conseil d’État a ainsi jugé que les collectivités territoriales peuvent financer des projets en rapport avec des édifices ou des pratiques cultuels, comme la restauration d’un orgue dans une église, la réalisation d’un ascenseur pour accéder à la basilique de Fourvière ou l’aménagement d’un équipement qui permette de pratiquer l’abattage rituel dans des conditions sanitaires correctes. Une commune peut conclure avec une association cultuelle musulmane un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d’une mosquée. Le terrain est alors donné à bail pour un loyer modique et l’édifie revient à la collectivité publique à la fin du bail. Ce dispositif avait été utilisé avant la seconde guerre mondiale pour construire dans les banlieues parisiennes en forte expansion démographique des églises, des temples et s des synagogues.

Ces derniers exemples montrent que la loi de 1905, adoptée à une époque où la religion musulmane n’avait pas de véritable implantation en France métropolitaine, permet de lui assurer, comme aux autres religions, un cadre garantissant son libre exercice. De nouveaux débats apparaissent néanmoins, dans un contexte international marqué à la fois par un univers mondialisé et par le retour de revendications identitaires. La présence en France d’une importante communauté musulmane leur confère une intensité particulière.

Avec le foulard islamique, l’Ecole a été le premier terrain de discussion. L’espace public est concerné, au travers, en particulier, des débats sur le voile intégral, le « burkini » et les crèches de Noël. La question plus générale de signes religieux au travail, dans les services publics mais aussi dans l’entreprise, est aujourd’hui de plus en plus largement posée.

A l’école publique, une stricte neutralité s’impose aux enseignants, qui ne peuvent porter aucun signe religieux. Posés par le Conseil d’État dès l’arrêt abbé Bouteyre du 10 mai 1912, les principes sont constamment affirmés depuis, en dernier lieu par un avis contentieux du 3 mai 2000, Mlle Marteaux. La Cour européenne des droits de l’homme retient une jurisprudence comparable : par un arrêt du 15 février 2001, Dahlab c/ Suisse, elle a rejeté la requête d’une institutrice qui contestait l’interdiction qui lui avait été faite de porter le foulard islamique dans une école publique du canton de Genève. De façon générale, la neutralité du service public impose des strictes obligations à l’ensemble des agents publics.

Pour les élèves, la situation est différente. A l’automne 1989, en l’absence à l’époque de texte sur ce point, le gouvernement a interrogé le Conseil d’État. Par un avis du 27 novembre 1989, le Conseil d’Etat a indiqué que les élèves ont la liberté d’exprimer et de manifester leurs croyances dans les établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d’autrui, et sans qu’il soit porté atteinte aux activités d’enseignement, au contenu des programmes et à l’obligation d’assiduité. Ces préoccupations conduisent à interdire le port de signes religieux qui apparaîtraient, dans le contexte local, comme « un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande ». Tout est alors affaire d’espèce, en particulier pour apprécier si des signes religieux revêtent un caractère « ostentatoire ou revendicatif ». Dans ses formations contentieuses, le Conseil d’État a fait application de ces principes, à partir d’une décision Kherouaa du 2 novembre 1992, éclairée par les conclusions du commissaire du gouvernement David Kessler, qui indiquait, en donnant une très pertinente définition de la laïcité, que « l’enseignement est laïc non parce qu’il interdit l’expression des différentes fois mais au contraire parce qu’il les tolère toutes ». Les mêmes règles s’appliquent aux obligations d’assiduité. Pour certaines fêtes importantes, des autorisations d’absence peuvent être accordées mais le déroulement normal de la scolarité ne peut être mis en cause. Ainsi des enseignements peuvent être organisés dans les classes le samedi matin, comme le Conseil d’État l’a jugé dans un décision du 14 avril 1995, M. Koen et consistoire central des israélites de Paris. Dans ses conclusions sur cette affaire, le commissaire du gouvernement Yann Aguila indiquait qu’il convient de concilier « le temps de l’école et le temps de Dieu ».

Quinze ans après l’avis de 1989, le Parlement a adopté la loi du 15 mars 2004 qui, sans marquer de rupture par rapport à son inspiration, renforce les exigences de laïcité. Cette loi introduit dans le code de l’éducation un article qui dispose que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». La jurisprudence en a tiré les conséquences, en jugeant que si les élèves continuent de pouvoir porter des signes discrets, ils ne peuvent arborer des signes qui traduisent ostensiblement une appartenance religieuse, « tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix » (CE, 5 décembre 2007, M. et Mme Ghazal). La loi ajoute que, dans tous les cas, la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. Elle a permis de régler sans tension excessive la plupart des difficultés dans l’enseignement primaire et secondaire. Elle ne concerne en revanche pas l’université, même si certains envisagent d’étendre à l’enseignement supérieur des dispositions comparables.

Tant avant (4 décembre 2008, Dogru et Kervanci) qu’après la loi de 2004 (30 juin 2009, Aktas et autres c/ France), la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la position française sur les signes religieux à l’école respectait les exigences de la convention.

Au-delà de l’école, la question s’est posée de la dissimulation du visage dans l’espace public. Après un large débat, la loi du 11 octobre 2010 a prévu que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Une amende de 150 euros, assortie le cas échéant d’un stage de citoyenneté, est prévue en cas de méconnaissance de cette interdiction. Un délit, puni d’un an d’emprisonnement, est institué à l’encontre de ceux qui imposent à autrui de dissimuler son visage. Par sa décision du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution, sous réserve qu’elles ne s’appliquent pas « dans les lieux de culte ouverts au public », où elles porteraient une atteinte excessive à la liberté religieuse.

Seule la Belgique a adopté le 1er juin 2011 une loi comparable, que la Cour constitutionnelle a jugée conforme à la constitution belge par une décision du 6 décembre 2012. Le Parlement espagnol a, en revanche, écarté en juillet 2010 un projet analogue. Reconnaissant en la matière une large marge d’appréciation aux États, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la loi française de 2010 ne prescrivait pas des mesures disproportionnées au regard de l’objectif de préserver le « vivre ensemble » (1er juillet 2014, SAS c/ France).

Peu de poursuites pénales ont été engagées sur le fondement de la loi de 2010. En octobre 2014, une spectatrice de l’Opéra de Paris qui refusait de découvrir son visage a sans difficulté accepté de quitter la salle. Au total, la loi a surtout joué un rôle préventif et pédagogique, en limitant le développement du port du voile dans l’espace public.

L’année 2016 a été marquée par les deux débats sur le burkini puis sur les crèches de Noël.

Au cours du mois d’août, des maires de la Côte d’Azur puis d’autres régions maritimes ont pris des arrêtés visant à interdire le port du burkini sur les plages. Par une ordonnance du 26 août 2016, le juge des référés du Conseil d’Etat a rappelé que les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées et que seuls des risques avérés d’atteinte à l’ordre public, qui n’apparaissaient pas en l’espèce, peuvent justifier une mesure restrictive de la liberté personnelle. En définitive seule une interdiction à Cisco, en Corse, a été jugée légale, par une décision du juge des référés du tribunal administratif de Bastia, dont le Conseil d’État n’a pas eu à connaître. Dans les autres communes concernées, l’absence de risque avéré de trouble à l’ordre public a conduit à censurer les arrêtés municipaux d’interdiction, qui portaient une atteinte injustifiée à la liberté personnelle.

A la fin de l’année, le Conseil d’État a tranché sur le fond la question des crèches de Noël dans les édifices publics, qui avait donné lieu à des jurisprudences divergentes des cours administratives d’appel. Les décisions d’assemblée du 9 novembre 2016, commune de Melun et Fédération de la libre pensée de la Vendée, ont relevé que les crèches ont une double signification, de scène inscrite dans l’iconographie chrétienne, d’une part, de décoration qui accompagne les fêtes de fin d’année, indépendamment de toute référence religieuse, d’autre part. Le Conseil d’État en a déduit qu’à l’intérieur des bâtiments publics, sièges de services publics, le principe de neutralité interdit les crèches, sauf si un usage local est établi ou si des circonstances particulières permettent de les regarder comme ayant le caractère d’une manifestation de nature culturelle, artistique ou festive. Dans les autres emplacements publics, en revanche, une crèche peut être installée durant les fêtes de fin d’année, sous réserve que leur installation n’apparaisse pas comme un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse. La question des crèches de Noël ne reçoit donc pas une réponse tranchée, par oui ou par non. Une appréciation au cas par cas, en fonction des circonstances locales, s’impose. Dans chaque commune, il revient au maire de faire application de cette jurisprudence équilibrée, qui a contribué à un apaisement du débat.

La question des signes religieux se pose non seulement dans l’espace public mais aussi sur les lieux de travail.

Des entreprises s’engagent dans des réflexions destinées à favoriser à la fois la tolérance et le sentiment d’appartenance de tous à une même communauté de travail. Tel est le cas, en particulier, en France de la société Paprec, spécialisée dans le traitement des déchets, qui a adopté en 2014 une Charte de la laïcité et de la diversité.

Dans un esprit comparable, la loi du 8 août 2016, dite « loi El Khomri », a introduit dans le code du travail un article qui permet au règlement intérieur d’une entreprise de « contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés, si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise, et si elles sont proportionnées au but recherché ».

Toute en nuances, la jurisprudence sur ces questions est encore en construction, même si la Cour de justice de l’Union européenne vient de la préciser de manière importante.

Dans un premier temps, la Cour de cassation française s’était orientée vers une distinction selon que le salarié concerné participe ou non à l’exécution d’une mission de service public : le foulard islamique aurait pu être interdit aux agents d’une caisse d’assurance-maladie, organisme chargé d’un service public (19 mars 2013, Mme A. c/ CPAM de Saint-Denis), mais pas à une personne qui accueille les enfants dans une crèche, dès lors que celle-ci n’a pas le caractère d’un service public (19 mars 2013 également, Mme L. c/ Association Baby Loup). Mais la cour d’appel de Paris ayant refusé de suivre cette jurisprudence, la Cour de cassation s’est ralliée, en assemblée plénière, à une conception plus large, jugeant en définitive que, même dans le cas d’une crèche qui n’est pas un service public, l’interdiction du foulard islamique pouvait être justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché (arrêt du 25 juin 2014). 

Nuancée est également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Par deux arrêts du 15 janvier 2013, qui concernent tous deux le Royaume-Uni, la cour a admis l’interdiction faite, pour des raisons d’hygiène et de sécurité, à une infirmière de porter une croix (Chaplin c/ Royaume-Uni) mais elle a jugé excessive l’interdiction faite à une hôtesse de l’air d’arborer au-dessus de son uniforme un collier avec une petite croix (Eweida c/ Royaume-Uni).

Sur ces questions délicates, deux questions préjudicielles ont été renvoyées à la Cour de justice de l’Union européenne, l’une par la Cour de cassation de Belgique, l’autre par la Cour de cassation française. Elles portent sur l’interprétation de la directive du 27 novembre 2000 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Par ses décisions du 14 mars dernier, la Cour de Luxembourg leur a apporté une réponse nuancée, qui n’est pas sans rappeler l’approche française. Une interdiction de signes religieux au travail n’est pas une discrimination directe. Mais elle peut constituer une discrimination indirecte. Aussi doit-elle être justifiée par des préoccupations objectives, tenant en particulier aux relations avec la clientèle ou au souci de bonnes relations de travail dans l’entreprise. Elle doit en outre être adaptée et proportionnée à des préoccupations. Une appréciation au cas par cas est dès lors nécessaire.

Les questions touchant aux liens entre ses collectivités publiques et les cultes ainsi qu’à la place des signes religieux dans la vie collective se posent ainsi avec une acuité renouvelée. D’autres sujets se présenteront, qui concernent notamment les patients à l’hôpital ou la pratique du sport. Sur ces sujets, chaque pays réagit en fonction de son histoire, de sa sensibilité, de ses traditions, de ses liens avec les différentes cultures. Mais, au-delà de ces différences, nul doute que des valeurs communes sont partagées, à partir des principes fondamentaux de liberté de conscience, de respect des croyances, de tolérance envers autrui et de neutralité des autorités publiques.

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Le Conseil d’Etat France

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Source : https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/discours-et-interventions/laicite-et-liberte-compatibilite

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Parmi toutes les initiatives heureuses qui auront été conduites durant les semaines qui viennent de s’écouler, saluons le soin qu’a pris Nicolas Cadène, rapporteur général de l’observatoire de la laïcité, pour chasser de fausses idées sur la laïcité. En 24 courtes séquences vidéo, il aborde ce qui fait débat tout en rappelant inlassablement le cadre légal – la loi du 9 décembre 1905.

Toutes ces vidéos sont consultables sur la chaîne vidéo de l’Observatoire.

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Quelques idées à retenir de ces pastilles vidéo :

#1 Il y a neutralité de l’espace publique, mais pas dans l’espace public. Ainsi, les bâtiments publics ne peuvent comporter de signe religieux, mais tout citoyen peut en porter pourvu que cela ne trouble pas l’ordre public.

#2 La loi du 15 mars 2004 impose aux élèves un strict devoir de discrétion et non de neutralité. La neutralité incombe aux personnes en charge d’une mission de service public (les enseignants). La discrétion est demandée pour éviter toute pression sur des personnes mineures qui sont en train de forger leurs propres convictions.

#3 Il faut distinguer les signes ostensibles – les signes visibles de tous -, des signes ostentatoires – les signes accompagnés d’une action, d’un comportement prosélyte, d’une action qui a un caractère revendicatif.

#4 La laïcité soumet à la neutralité tous les fonctionnaires et tous ceux qui exercent une mission de service public. Un élu, lui, est élu pour des convictions politiques qui ne sont pas neutres – il peut aussi mettre en avant ses options religieuses. Les « religieux » n’ont pas manqué de garnir les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat : plus de 400 parlementaires ont été prêtre ou pasteur (le chanoine Kir et l’abbé Pierre étant probablement les plus connus).

#5 Les élus peuvent assister à des cérémonies religieuses, comme tout le monde. En revanche un élu ne devra marquer aucune adhésion au culte, mais pourra respecter les usages (se couvrir la tête, retirer ses chaussures, serrer la main quand il n’y a pas de danger sanitaire).

#6 La laïcité n’est pas contre les religions (elle n’est ni pour ni contre) : elle garantit leur égal traitement, elle distingue ce qui relève du culte et ce qui relève des pouvoirs publics.

#7 La laïcité ne s’impose pas à toutes les entreprises privées, sauf quand elles exercent une mission de service public.

#8 La laïcité n’est pas toujours la neutralité car elle préserve la liberté d’expression, à l’exception des personnes en charge d’une mission de service public.

#9 La loi 1905 concerne toutes les organisations religieuses et non uniquement l’Église catholique. C’est pourquoi il ne faudrait pas l’intituler « séparation de l’Église et de l’État » : il n’y a pas qu’une seule Église qui soit concernée.

#10 La laïcité n’étant contre aucune religion, elle n’est pas contre les musulmans. C’est un principe valable pour tous, qui permet de croire ou de ne pas croire et de changer de religion. Aucun culte en particulier n’est mentionné dans le texte de loi (sinon dans l’article 44 qui fait référence aux dispositifs en vigueur jusque-là).

#11Il n’y a pas d’interdiction de tenues religieuses dans la rue. A l’époque des débats sur la loi 1905, un député – Charles Chabert – avait demandé l’interdiction des processions religieuses dans la rue et l’interdiction de tout habit religieux dans la rue, en particulier la soutane. Aristide Briand répondit qu’il serait incohérent qu’un projet de loi visant à instaurer un régime de liberté fasse obligation de revoir la coupe de ses vêtements. [Quelques esprits taquins apprécieraient de nos jours que certaines marques de vêtements soient interdites pour cause de mauvais goût]

#12La laïcité n’est pas la neutralité totale des cimetières et des sépultures, mais des parties communes : les sépultures relèvent du privé et peuvent comporter des signes religieux.

#13 La laïcité ne cantonne pas la religion à la sphère privée. Se fondant sur l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme, rappelons que chacun peut exprimer des convictions dans l’espace public pourvu que cela ne trouble pas l’ordre public.

#14 Les jours fériés religieux seraient anti-laïcs. Seul le 1er mai est un jour obligatoirement chômé et payé. D’autres jours fériés peuvent être des fêtes religieuses en plus d’être des jours fériés : ces jours fériés le sont pour tout le monde, toutes confessions et non confession confondues. Pour l’État, ces jours fériés n’ont pas de connotation religieuse.

#15 La neutralité des parents d’élève ne vaut que pour ceux qui exercent une mission de service public par une action pédagogique qu’ils pourraient mener dans un établissement – l’accompagnement d’une sortie scolaire ne relevant pas de cette catégorie.

#16 La laïcité n’est pas une exception française. D’autres États ont intégré ce principe dans leur organisation, selon un mode assez éloigné du nôtre (Belgique, Turquie, Inde) ou selon un mode plus proche (Brésil, Mexique, Sénégal).

#17 La loi du 9 décembre 1905 ne s’applique à l’ensemble du territoire français ; il y a 5 régimes différents selon les lieux (en Alsace-Moselle, Outre-Mer) : 4 millions de Français ne lui sont pas soumis.

#18 La laïcité ne garantit pas toujours l’égalité entre les femmes et les hommes car elle concerne les convictions et non le genre. Par contre, elle affirme l’égalité en ce qui concerne les convictions. Le principe de laïcité n’a pas empêché Émile Combes de militer contre le droit de vote des femmes.

#19 Il convient de distinguer les termes laïcisation et sécularisation. La laïcisation désigne la baisse du religieux dans le champ institutionnel ou le transfert de responsabilité à l’égard d’institutions autrefois gérées par un organisme religieux. La sécularisation désigne la baisse d’influence du religieux dans le champ social (lorsque la pratique religieuse est en baisse). Une laïcisation ne s’accompagne pas nécessairement d’une sécularisation.

#20 La laïcité n’interdit pas le port de burkinis dans les piscines : ils sont interdits pour des raisons d’hygiène. Sur la plage, seule la dissimulation du visage est interdite (pour des raisons de sécurité et d’interaction sociale, comme c’est le cas dans l’ensemble du territoire [Sauf quand les conditions sanitaires imposent de porter un masque dans le sud de la France, ce qui nécessite également des lunettes de soleil].

#21 En 1905 tous les cultes ont accepté et appliqué la loi sans délai à l’exception de l’Église catholique, Pie X ayant jugé cette loi inique). C’est la raison pour laquelle l’Église catholique a conservé la charge des biens cultuels dont elle était restée propriétaire. En 1924, l’acceptation de créer des associations diocésaines a permis d’assumer les charges des nouveaux bâtiments construits dont elles sont propriétaires.

#22 Il y a plusieurs définitions juridiques de la laïcité dans le monde, mais pas en France.

#23 Puisqu’il ne peut y avoir d’emblème religieux dans l’espace public, il ne peut y avoir de crèche de Noël installée dans les collectivités locales à l’exception des crèches qui ont un caractère culturel et traditionnel, ce qui est prévu par l’article 28 de la loi 1905 [expositions].

#24 La laïcité n’impose pas aux élèves de manger les mêmes plats, mais ne demande pas non plus de servir des repas confessionnels. Le principe est de n’assigner aucun élève à ses croyances, mais de favoriser le repas en commun.

Source : https://espritdeliberte.leswoody.net/2020/05/23/mises-au-point-sur-la-laicite/

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  • Histoire et enjeux de la laïcité - 16 septembre 2019 James Woody Théologie - Esprit de liberté – Avec enregistrement RCF de 30 minutes

    Illustration

A l’occasion d’une exposition du 16 au 28 septembre 2019 au temple de Maguelone à Montpellier, je reçois Michel Miaille, professeur honoraire de droit et de science politique, pour parcourir avec lui l’histoire de la laïcité et comprendre son application aujourd’hui.

La laïcité arrive tardivement dans notre vocabulaire car, pendant des siècles, la France a vécu sans laïcité, sans liberté individuelle ni collective au sens contemporain. L’Eglise catholique soutenait l’Etat et l’Etat soutenait l’Eglise catholique.

Un premier pas vers la liberté eut lieu par les Réformes religieuses du XVIè qui commencèrent à inscrire le pluralisme dans le paysage religieux. Toutefois, il serait faux de considérer l’Edit de Nantes de 1598 comme le point de départ de la laïcité. C’est à la Révolution française que le pasteur Rabaut Saint-Etienne fait voter le principe de liberté d’opinion et de culte dans l’article X de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, et non le principe de tolérance comme certains le souhaitaient.

La loi de 1905 qui est à la base de la laïcité en France, instaure une véritable liberté religieuse et non une interdiction de la religion dans l’espace publique. Les cultes sont considérés comme les activités privées librement organisées : la République instaure une neutralité à l’égard des cultes.

Aujourd’hui, la constitution de la République française déclare la République indivisible, laïque, démocratique et sociale – ce qui instaure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de religion. Elle respecte toutes les croyances.

En 2001 la charte des droits et libertés a stipulé en son article 10 que toute personne a droit à la liberté d’expression, de conscience et de religion, ainsi que la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en privé ou en public.

En 2012 le traité de Lisbonne précise, à l’article 16c que l’Union européenne respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, Églises et associations religieuses dans les États membres.

Selon Michel Miaille, la société française a connu trois paradigmes successifs. Jusqu’à la Révolution française, c’est la tolérance qui est structurante : il y a une vérité en dépôt dans l’Eglise qui tolère la présence d’autres opinions temporairement (c’est ce que prévoit l’Edit de Nantes, par exemple). En août 1789 le pasteur Rabaut Saint-Etienne obtient que la liberté soit inscrite dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen – espérant qu’on n’utilisera plus jamais le mot de tolérance qui laisse entendre que les dissidences sont des crimes. A partir de 1905, le nouveau paradigme est la laïcité qui permet aux cultes une véritable liberté pourvu que l’ordre public soit respecté.

Il en ressort trois enjeux pour notre époque : religieux, politique et européen, que Michel Miaille développe dans la seconde partie de sa conférence Histoire et enjeux de la laïcité. (Ecoute de 57:50 minutes)

Histoire et enjeux de la laïcité – Source : https://espritdeliberte.leswoody.net/2019/09/16/histoire-et-enjeux-de-la-laicite/

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  • La liberté a-t-elle un avenir ? - Conversation avec Édouard Philippe et une introduction par le pasteur James Woody - 23 juillet 2021 James Woody Culture, Théologie
    Capture vidéo de l’introduction de James Woody et de l’intervention d’Édouard Philippe

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[Addenda - Édouard Philippe (/e.dwaʁ fi.lip/b Écouter), né le 28 novembre 1970 à Rouen (Seine-Maritime), est un haut fonctionnaire et homme d’État français. Il est Premier ministre du 15 mai 2017 au 3 juillet 2020. Diplômé de Sciences Po et de l’ENA, membre du Conseil d’État, il milite dans les années 1990 au Parti socialiste, où il soutient MichelRocard, avant de se tourner vers la droite. Il participe en 2002 à la création de l’UMP au côté d’Alain Juppé. Après avoir été brièvement membre du cabinet de ce dernier au ministère de l’Écologie en 2007, il rejoint l’entreprise Areva. Il est élu maire du Havre et président de la communauté de l’agglomération havraise (CODAH) en 2010, puis député de la Seine-Maritime en 2012. Porte-parole d’Alain Juppé lors de la primaire de la droite et du centre de 2016, il soutient ensuite François Fillon, mais se met en retrait de la campagne présidentielle lorsque celui-ci est accusé d’emplois fictifs. Le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, le désigne pour diriger un premier gouvernement, puis un second à la suite des élections législatives de 2017. À Matignon, Édouard Philippe est notamment confronté au mouvement des Gilets jaunes, porte un projet contesté de réforme des retraites et gère les débuts de la pandémie de Covid-19. Après les élections municipales de 2020, il démissionne de la tête du gouvernement et retrouve le fauteuil de maire du Havre. Dans la foulée, il est nommé administrateur du groupe informatique Atos. En 2021, il lance et prend la présidence du parti politique de centre droit Horizons… - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89douard_Philippe ]

Suite de la conversation rapportée

Les échanges [et les photos] avec l’assistance sont disponibles à la fin de cet article (rédiger la loi avec les citoyens, culture et liberté, la liberté à Matignon, la prise de risque et la projection, la finance, l’enseignement du fait religieux) – A consulter à la source > https://espritdeliberte.leswoody.net/2021/07/23/la-liberte-a-t-elle-un-avenir-conversation-avec-edouard-philippe/

La liberté d’un point de vue théologique

Dans le droit prolongement du cantique anglo-saxon que nous venons d’entendre, ici, c’est un havre d’humanité. Un temple, c’est un havre d’humanité – une humanité qui se développe par la théologie. La théologie, c’est la science de Dieu, c’est le travail qui consiste à exprimer ce qu’il y a de plus ultime, ce qu’il y a de plus sacré dans la vie, pour le dire avec le vocabulaire religieux. C’est cela que Dieu désigne.

En étudiant les textes bibliques, le théologien découvre une exigence qui a la priorité sur les autres : la liberté. La liberté, est la première parole de ce qu’on appelle le décalogue, appelé parfois – à tort – 10 commandements. « Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir de la terre d’Égypte, de la maison de servitude (Exode 20/2) ». Les paroles qui suivent sont destinées à préserver la liberté du peuple hébreu. Ne pas faire d’image de Dieu pour ne pas devenir l’esclave d’une idéologie ; le shabbat pour ne pas être l’esclave du travail ; charger ses parents pour ne pas être l’esclave de leurs projets ; et les prescriptions sur le prochain pour ne pas être l’esclave de nos envies.

En mettant la liberté en tête de ce texte, le rédacteur biblique place la liberté en tête de son champ lexical, pour employer une formule du philosophe John Rawls. C’est une manière de dire que tant que la liberté n’est pas assurée, on ne peut pas passer à la suite. On ne peut s’occuper sérieusement ni de la fraternité, ni du bonheur, ni de la santé, ni de la justice…

Ceci étant, la liberté n’a pas toujours eu cette place prépondérante dans la pensée des rédacteurs biblique. Elle arrive assez tardivement. L’étude historique et critique des textes bibliques montre que c’est à partir de l’exil à Babylone au VIème, que la liberté fait son apparition dans les récits, que ce soit le récit de l’exode hors d’Égypte ou que ce soient dans les livres de Samuel et des Rois qui racontent la royauté israélite. Ce fut la prise de conscience qu’il n’y a rien de plus important que d’être le maître de sa propre histoire.

Et avant cela, il a fallu un contexte bien particulier qui a émergé au VIIIè avant notre ère. Les archéologues ont constaté que c’est à cette période qu’apparaissent des noms de personnes sur des objets tels que les jarres. Cela indique qu’on commence à avoir conscience de la propriété privée, ce qui traduit une conscience de soi en tant qu’individu à part entière. Et, que cela fasse plaisir ou non, c’est la propriété privée qui, pour une part, a rendu possible l’idée la liberté de l’individu.

Ainsi, quand la théologie chrétienne pense liberté, ce n’est pas en termes d’absence de contraintes, mais en termes de capacités à être maître de son histoire. Je dirais que la liberté, d’un point de vue théologique, c’est le pouvoir qu’on exerce sur soi, ce qui implique d’avoir une conscience de soi, ce qui implique d’avoir une consistance personnelle, d’une part, et ce qui implique aussi que nous ne soyons pas soumis à un pouvoir qui nous bride, qui nous empêche de pouvoir mener notre vie – à la fin du siècle dernier on parlait d’aliénation pour désigner ces situations où ne nous sommes pas libres de nos adhésions [c’est pour cela qu’il y a des récits d’exorcisme dans les évangiles : ce sont des métaphores pour dire que Jésus a libéré de différentes aliénations sociales, religieuses, familiales]. Et, enfin, cela implique d’être assez éclairé pour choisir ses orientations, pour choisir ses adhésions, pour choisir le sens que l’on donne à nos actions, à notre vie.

Le nécessaire dialogue avec le réel

En disant cela j’ai parfaitement conscience de donner le sentiment d’être dans le monde parfait des belles idées. Un temple, n’est-ce pas un lieu hors du monde ? Non, en entrant dans ce temple, nous ne sommes pas sortis du monde. Et une Église, je peux vous le garantir, ce n’est pas un monde parfait, en tout cas ce n’est pas le Royaume de Dieu à chaque instant. Ce n’est pas non plus l’enfer, loin de là (j’ai entendu dire que ce serait assez semblable pour Matignon) Je dois d’ailleurs saluer le travail remarquable des paroissiens qui se sont impliqués dans la préparation de cette rencontre organisée avec dévouement en un rien de temps, alors que les contraintes sanitaires n’ont pas évolué dans le sens d’une plus grande liberté, et je suis particulièrement reconnaissant à Pascale Soula notre secrétaire.

J’en reviens aux belles idées et aux beaux discours. Penser la liberté ne peut pas se faire sérieusement sans se confronter au réel, c’est-à-dire sans tenir compte des contraintes auxquelles nous sommes confrontés. Et s’il est bien une personne, en France, qui est au cœur des contraintes, c’est le Premier Ministre – le Premier Ministre qui est pris entre les contraintes du programme sur lequel le président de la République a été élu, entre la majorité parlementaire et les contraintes du quotidien : la menace terroriste, la crise sanitaire, la pollution de la planète, la pauvreté, les demandes d’asile de la part de personnes qui fuient l’anéantissement etc. C’est la raison pour laquelle je vous avais invité l’an dernier, Monsieur le Premier ministre à réfléchir à la liberté dans le cadre des 150 ans de ce temple, un lieu pour penser et pour instituer la liberté. Les contraintes sanitaire ne vous avaient pas permis de venir l’an dernier pour engager ce dialogue sur la liberté, entre idéaux et réalités. Le moment est venu d’engager ce dialogue. Non pas de faire le bilan de votre gouvernement, ou de la religion, mais le moment de penser ensemble, nous tous qui sommes réunis ici. Je le fais de manière critique par trois entrées.

Trois manières d’entrer en dialogue

Le pouvoir est contraire à la liberté

À la lecture de votre ouvrage sur votre passage à Matignon, je suis frappé que la liberté ne soit pas invoquée dans les nombreux arbitrages que vous avez faits. Cela donne l’impression que la liberté n’a plus sa place, qu’elle a disparu de l’horizon.

La théologie repère une incompatibilité entre la liberté et le pouvoir politique : quand le peuple demande un roi comme les autres nations (1 S 8), le prophète Samuel met les Hébreux en garde : il prendra vos fils pour ses armées. Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. Il prendra le meilleur de vos champs, de vos vignes, de vos oliviers et les donnera à ses serviteurs. Il prendra un dixième de vos récoltes. Il prendra le meilleur de vos serviteurs, de vos jeunes gens et vos ânes, et il s’en servira pour ses travaux. Il prendra le dixième de votre petit bétail et vous-mêmes vous deviendrez ses esclaves.

Ce que la théologie constate, c’est que le pouvoir politique est une menace pour la liberté, justement parce qu’il a tendance à exercer de multiples coercitions sur le peuple et qu’il a tendance se servir du peuple pour maintenir son pouvoir. Peut-on vraiment préserver la liberté, peut-on sauver quelque chose de la liberté, quand on est aux manettes ?

Les contraintes de la vie courante font de la liberté une variable d’ajustement

L’exercice du pouvoir qui affronte la société réelle, la société imparfaite, ne s’embarrasse manifestement pas de la liberté. Il apparaît que la liberté n’est plus qu’une variable d’ajustement quand il y a des décisions à prendre alors qu’elle devrait être le critère à partir duquel on pense les arbitrages… dans un monde parfait. Le plus criant est la tension entre liberté et sécurité. Au nom de la sécurité, on réduit les libertés individuelles, on réduit la vie privée, on passe tout sous le contrôle de l’État. Et si on soumettait les contraintes à la liberté ?

En faisant de l’État un Dieu tout puissant, les Français se déresponsabilisent et dégradent leur liberté

Le pire, c’est que la réduction des libertés individuelles se fait avec le consentement des individus. Je reviens à l’institution de la royauté avec le prophète Samuel qui annonce le retour à la servitude si le peuple maintient sa demande d’un roi. Quelle est la réponse du peuple ? Le peuple réagit en disant : « il y aura un roi sur nous ! » Comme l’écrira La Boétie au sujet du peuple : « on dirait à le voir qu’il n’a pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude. » Le discours de la servitude volontaire reste d’actualité.

N’y a-t-il pas une tendance fâcheuse, en France, qui consiste à donner de plus en plus de responsabilités à l’État en lui confiant le soin de régler tous les problèmes, ce qui a pour conséquence de déresponsabiliser les individus ou les corps intermédiaires ? L’État devient un Dieu tout-puissant dans l’esprit des Français, or un Dieu tout-puissant, c’est une idole qui prive chacun de ses responsabilités. L’État ne joue-t-il pas un vilain tour aux citoyens en répondant à l’ensemble des situations qui lui sont soumises ? En favorisant l’abandon de la responsabilité individuelle, est-ce que vous ne tuez pas la liberté ?

Instituer la liberté - Rédiger la loi avec les citoyens - Culture et liberté - La liberté à Matignon. Liberté et prise de risque - La liberté face à la finance - L’enseignement du fait religieux

Photos de Bertrand Gattegno (à consulter à partir de la source)

Source : https://espritdeliberte.leswoody.net/2021/07/23/la-liberte-a-t-elle-un-avenir-conversation-avec-edouard-philippe/

https://regardsprotestants.com/wp-content/uploads/2022/02/logo_blogJamesWoody.jpg

« Esprit de liberté » est le blog de James Woody, pasteur de l’Eglise protestante unie de Montpellier. Des articles, prédications et études bibliques alimentent son blog.

Source : https://regardsprotestants.com/partenaires/esprit-de-liberte/

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    Laïcité : une aspiration émancipatrice dévoyée - Union rationaliste - Dimanche 24 juillet 2022 - Provenant du podcast Divers aspects de la pensée contemporaine – Enregistrement ‘France Culture’ de 18 minutes
    Emmanuelle Huisman-Perrin reçoit Roland Pfefferkorn

Roland Pfefferkorn, Professeur émérite de sociologie à l’Université de Strasbourg, membre de l’Union rationaliste et Co-rédacteur en chef de la revue “Raison Présente” analyse les dévoiements de l’idéal laïc qui se manifestent dès la IIIème République.

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Pour en savoir plus :

  • Laïcité une aspiration émancipatrice dévoyée. Roland Pfefferkorn Editions Syllepses 2022
    Numéros de la revue Raison Présente dirigés ou codirigés par Roland Pfefferkorn :
  • Le travail à la peine, n° 218, 2021.
  • Fanatismes, n° 212, 2019.
  • Colonial, postcolonial, décolonial, n° 199, 2016.
  • Genre, travail, santé, n° 190, 2014.
  • Sexualités, normativités, n° 183, 2012.
  • Articuler les rapports sociaux. Classes, Sexes. Races, n° 178, 2011.
  • Racismes, races et sciences sociales, n° 174, 2010.
    Podcast : Play in new window | Download - RSS

Radio France

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Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/divers-aspects-de-la-pensee-contemporaine/union-rationaliste-laicite-une-aspiration-emancipatrice-devoyee-7597504

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Voir plus généralement ce site : https://union-rationaliste.org/laicite/

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L’actualité ne cesse de révéler des drames où les hussards de la République sont la cible d’extrémistes. Une loi imminente veut s’attacher au renforcement des principes républicains. C’est dans ce projet de loi que la Maçonnerie, vigilante contre les extrémismes communautaires, place ses espoirs.

Avec Marie Bidaud Membre de la Grande Loge Féminine de France, elle est la Présidente de la Commission Nationale de la Laïcité de son obédience.

Les dérives séparatistes sont des attaques sournoises contre la laïcité, donc contre la liberté de conscience et la liberté d’expression. Elles prennent le visage de l’islamisme radical, mais aussi de courants extrémistes religieux qui rejettent la science.

Cette loi confortant les principes républicains est fort attendue. Elle garantira la transparence pour les associations de type loi 1901, subsidiées par l’Etat, et les associations cultuelles loi 1905, non subsidiables.

Premier rempart contre les extrémismes : l’école républicaine, qui porte tous les espoirs d’émancipation de l’enfant : éveil à la citoyenneté, développement de l’esprit critique et exigence de la liberté de conscience. La charte de la laïcité est d’ailleurs un outil pédagogique essentiel et incontournable.

Le respect du principe de laïcité est le garant du vivre ensemble. Les femmes et Franc Maçonnes connaissent bien l’incidence de la laïcité dans leur vie, par toutes les libertés conquises.

Avec Marie Bidaud. Membre de la Grande Loge Féminine de France, elle est la Présidente de la Commission Nationale de la Laïcité de son obédience. Elle est représentante régionale de l’IME, l’Institut Maçonnique Européen, au sein de cette obédience. Elle a participé, avec la Présidente, aux auditions auprès de l’Observatoire de la laïcité, et plus récemment, à celle de Marlène Schiappa, Ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mots clefs : Société Religions – Spiritualité

L’équipe - Claire Poinsignon Collaboration - Peire Legras Réalisation

Épisodes précédents

Radio France

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Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/divers-aspects-de-la-pensee-contemporaine/grande-loge-feminine-de-france-la-laicite-rempart-de-notre-republique-6668930

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Voir plus généralement : Grande Loge Féminine de France : Accueil

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    La liberté d’informer attaquée - 29 novembre 2022 à 14h10, Mis à jour le 02 décembre 2022 à 18h05 – Article ‘Reporterre a/s La Ruche’ – Pétition à la suite

    La liberté d’informer attaquée

Par Syndicats de journalistes, sociétés de journalistes, collectifs et associations de journalistes, et plus de 7 800 citoyennes et citoyens

Un journaliste de Reporterre est poursuivi pour avoir fait son métier : informer sur une action militante. Cette procédure menace tous les reporters. Médias et syndicats de journalistes se mobilisent contre cette atteinte à la liberté d’informer.

Si vous voulez soutenir la liberté d’informer et signer cette tribune, rendez-vous ici. Les 7.800 premiers signataires sont ici.

Le 10 novembre 2021, Grégoire Souchay, journaliste pigiste à Reporterre, le média de l’écologie, réalisait un reportage sur une action des « Faucheurs volontaires ». Ceux-ci, dans la foulée des actions qu’ils mènent depuis 2003, pénétraient à Calmont (Aveyron), dans les entrepôts de la firme semencière RAGT, pour y rechercher des semences génétiquement modifiées. Le journaliste suivait les activistes, racontait leur action, les photographiait. Dans son article, publié le 12 novembre suivant, il citait aussi la réaction de l’entreprise RAGT et contextualisait l’événement, rappelant que le Conseil d’État a enjoint au gouvernement français de se mettre en règle avec la loi européenne sur les OGM obtenus par mutagenèse.

Pourtant, le journaliste de Reporterre est poursuivi par la justice, au même titre que les Faucheurs, comme s’il était l’un d’entre eux. Il sera jugé à Rodez (Aveyron) [1]. Il aurait, selon la gendarmerie, « frauduleusement soustrait des sacs contenant des semences de colza » et « volontairement dégradé ou détérioré plusieurs sacs de semence ». Ces accusations sont totalement infondées. Le journaliste n’a fait que son travail d’observation et de témoignage. Et bien qu’il ait présenté sa carte de presse aux autorités, celles-ci n’en ont pas tenu compte, faisant comme s’il était un activiste parmi les autres.

Nous récusons totalement l’accusation. Si nous acceptions que ce journaliste soit condamné, ce ne serait pas seulement Reporterre qui serait atteint, mais tous les journalistes. La jurisprudence sur ce type de cas reste rare. Le risque est clair : tous les journalistes qui couvriraient des actions de militants écologistes, syndicalistes, ou autres, pourraient être accusés des délits commis par ces militants. Il y a donc bien là un enjeu crucial de la liberté d’informer et d’être informé.

« La liberté du travail d’informer est vitale pour la démocratie »

Reporterre est un site d’information sur l’écologie, libre d’accès, sans abonnement, sans publicité, sans actionnaire. Il emploie quinze journalistes en CDI et est lu chaque mois par plus de 1,5 million de visiteurs uniques. C’est la troisième fois qu’un journaliste de ce site d’information est poursuivi. En juin 2020, Alexandre-Reza Kokabi avait passé une dizaine d’heures en garde à vue pour avoir suivi des manifestants ayant pénétré sur la piste de l’aéroport d’Orly. En octobre 2020, Justine Guitton-Boussion et Mannone Cadoret ont été verbalisés alors qu’ils couvraient une action d’écologistes à l’aéroport de Roissy.

Reporterre récuse ces atteintes à la liberté d’informer et d’être informé, et poursuit les procédures juridiques adéquates pour faire reconnaître le droit d’informer. La liberté du travail d’informer est vitale pour la démocratie.

Nous, soussignés, organisations syndicales de journalistes, sociétés de journalistes, collectifs et associations de journalistes, et citoyennes et citoyens, apportons notre soutien à Reporterre qui contribue à éclairer le citoyen sur l’actualité écologique et condamnons le fait que des forces de police ou des magistrats s’en prennent à des journalistes qui effectuent leur mission d’informer.

• Reporterre organise une réunion publique d’information et de défense de la liberté d’informer :

Lundi 5 décembre 2022, à 19 heures à la Bourse du travail, 3 rue du Château d’Eau (Paris 10e), salle Jean Jaurès.

Y prendront la parole : Arié Alimi (Collectif Stop Bolloré), Julia Cagé (politologue), Benoît Collombat (cellule investigation de Radio France), Edwy Plenel (président de Mediapart) (sous réserve), Agnès Rousseaux (directrice de Politis), Schneidermann (fondateur d’Arrêt sur images) et Tristan Waleckx (animateur de « Complément d’enquêtes » sur France 2). Entrée libre. Avec nous, défendez le travail des journalistes et des médias libres. –

Reporterre - Qui sommes-nous ? – ‘Reporterre’ est un média indépendant dédié à l’écologie sous toutes ses formes. Le journal est géré par une association d’intérêt général à but non lucratif, et n’a donc pas d’actionnaire. Il emploie une équipe de journalistes professionnels, et de nombreux contributeurs. Le journal est en accès libre, sans publicité, et financé à 97% par les dons de ses lecteurs.
En savoir plus - Rédaction : Reporterre a/s La Ruche 24 rue de l’Est 75020 Paris - Contacter Reporterre Une question ? Consultez la FAQ Recrutement

(c) Reporterre - Tous droits réservés Plan du site Mentions légales - Source : https://reporterre.net/La-liberte-d-informer-attaquee

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La suite de ce travail fera l’objet d’une mise en ligne sur ISIAS et sera désignée par ISIAS Liberté Laïcité Mixité Parité Egalité Fraternité 2 sur 2


Collecte de documents et agencement, [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 06/12/2022

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer
dans des Alternatives Sociétales

http://www.isias.lautre.net/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS Liberté Laïcité Mixité Parité Egalité Fraternité 1 sur 2 .7.docx

Mis en ligne par le co-rédacteur Pascal Paquin du site inter-associatif, coopératif, gratuit, sans publicité, indépendant de tout parti, un site sans Facebook, Google+ ou autres GAFA, sans mouchard, sans cookie tracker, sans fichage, un site entièrement géré sous Linux et avec l’électricité d’Énercoop , géré par Yonne Lautre : https://yonnelautre.fr - Pour s’inscrire à nos lettres d’info > https://yonnelautre.fr/spip.php?breve103

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