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"Energie - Des algues vertes utilisables pour la séquestration du carbone et pour la production de biocarburant" par le Docteur Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

vendredi 14 avril 2006, par Ho Dr Mae-Wan

Energie - Des algues vertes utilisables pour la séquestration du carbone et pour la production de biocarburant

Des algues vertes prolifiques qui sont capables de capturer ou séquestrer le gaz carbonique de l’atmosphère et d’en faire un biocarburant. S’agit-il d’une option soutenable qui a été négligée ? se demande le Docteur Mae-Wan Ho

Communiqué de presse de l’Institut ISIS en date du 10/04/2006

Cet article, parmi d’autres, constitue l’une des parties du Rapport ISIS 2006 "Which Energy ?", "Quelle énergie ?", qui a fait l’objet d’une revue soumise au Gouvernement du Royaume-Uni le 25 mai 2006 à Londres.

La version complète en anglais, intitulée Green Algae for Carbon Capture & Biodiesel, avec toutes les références bibliographiques, est consultable sur le site : www.i-sis.org.uk/GAFCCAB.php par les membres de l’Institut ISIS. Details ici.

“The Institute of Science in Society” = ISIS, est une organisation non gouvernementale basée à Londres, Grande Bretagne. Le site web est http://www.i-sis.org.uk Les informations générales concernant cet institut sont disponibles auprès de Sam Burcher, joignable par sam@i-sis.org.uk L’institut ISIS est dirigé par Mae-Wan HO, dont la messagerie est m.w.ho@i-sis.org.uk

En Grande Bretagne, un énorme projet de capture, ou séquestration, et de stockage de carbone est assailli de problèmes

Le gouvernement britannique a investi 25 millions de £ dans un projet de démonstration (CCS) de capture et de stockage de carbone, conduit par la compagnie pétrolière britannique BP, comme moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre CO2.

Ceci implique de capturer le gaz carbonique des émissions des centrales électriques et des équipements de production d’hydrogène ou de pétrole et de gaz, sous une forme relativement pure, en le stockant ensuite dans des formations géologiques souterraines, formées de couches poreuses de roche, dans des gisements plus ou moins taris de pétrole ou de gaz, dans des couches aquifères salines profondes (la roche poreuse peut contenir de l’eau salée à grande profondeur sous terre), ainsi que dans des filons houillers qui ne peuvent pas être extraits ni exploités.

Le secteur de l’énergie au Royaume-Uni étant responsable de 35 pour cent des émissions de carbone, le projet CCS semble ainsi une manière efficace d’aborder le problème. Le secteur Britannique de la Mer du Nord a un grand potentiel de stockage, qui est estimé dans une fourchette de 20.000 à 260.000 Millions de tonnes de CO2. Mais, pour le moment, il est illégal de vidanger de grandes quantités de CO2 sous la Mer du Nord.

Néanmoins, la compagnie norvégienne Statoil a déjà réinjecté le CO2 , co-produit avec le gaz naturel, dans une couche aquifère profonde recouvrant son champ d’exploitation en mer de Sleipner depuis 1996 ; jusqu’à maintenant, rien ne semble avoir fui des six millions de tonnes de CO2 qui y ont été stockés. Les géologues continuent de surveiller la situation.

Une autre approche, déjà adoptée dans le programme North Sea Enhanced Oil Recovery (EOR) pour la récupération du pétrole en Mer du Nord, consiste à injecter le CO2 sous terre pour le dissoudre dans le pétrole, ce qui rend ce dernier plus mobile et plus facile à extraire.

Les gisements de pétrole de la Mer du Nord ont une capacité de stockage estimée aux environs de 700 Millions de tonnes de CO2. Les opérations pétrolières du Royaume-Uni s’approchent de la fin de leur exploitation et le programme EOR pourrait retarder la cessation des opérations et permettre de récupérer du pétrole supplémentaire.

Cependant, il y a des problèmes d’ordre économique dans la capture du gaz carbonique CO2 , qui pourraient compromettre l’efficacité des centrales électriques. Le gaz carbonique capturé doit également être transporté jusqu’aux lieux de dépôts et cela pourrait impliquer la pose de milliers de kilomètres de canalisations.
D’ailleurs, il y a des craintes majeures quant à de l’intégrité et la faisabilité du stockage dans des formations géologiques : la possibilité de fuites et de déperditions pendant les phases de stockage et de transport, ainsi que des impacts potentiels sur l’écosystème marin, liés à l’injection du CO2 dans les profondeurs océaniques.

Selon le ministère de l’énergie des Etats Unis, on estime généralement que la capture du CO2 est le facteur limitant économiquement et qu’elle représente 75 pour cent du coût total du programme CCS.

Ce que personne ne semble vouloir prendre en compte, c’est que les humbles algues vertes pourraient offrir un moyen rentable et sans danger pour l’environnement, pour capturer ou séquestrer le gaz carbonique CO2 sur place, sans avoir besoin de le transporter ni de le stocker.

Dans le même temps, ces algues vertes sont capables de fournir un biocarburant de façon bien plus efficace et de manière soutenable, par rapport aux plantes supérieures cultivées pour produire des biocarburants.

Voir à ce sujet l’article "Biofuels for oil addict", "Des biocarburants pour les accros du pétrole" dans ce volume, accessible par : www.i-sis.org.uk/BFOA.php).

Les algues vertes arrivent à la rescousse

Isaac Berzin, un scientifique, spécialiste des fusées à l’Institut de Technologie du Massachusetts aux Etats Unis, emploie des algues pour purifier les émissions de centrales électriques, évitant ainsi des émissions de gaz à effet de serre , tout en satisfaisant aux besoins énergétiques.
L’idée lui est venue il y a trois ans, bien qu’elle ne soit pas exactement nouvelle (voir plus loin). Il fixé son attention au niveau des émissions gazeuses d’une unité de 20 MW, en installant des tubes transparents avec un milieu de culture d’algues vertes à l’intérieur.

Les algues se sont développées activement, avalant jusqu’à 40 pour cent du gaz carbonique CO2 par la photosynthèse plus, comme bonification supplémentaire, 86 pour cent du protoxyde d’azote, ce qui aboutit à des échappements ou émissions gazeuses beaucoup plus propres pour l’environnement.

Les algues sont récoltées quotidiennement et l’huile est extraite pour faire du biocarburant destiné au transport ; il reste un résidu pâteux vert clair qui peut encore être traité à l’éthanol et produire dans ce cas un carburant pour le même usage (sur ce sujet se reporter à l’article "Ethanol from cellulose biomass not sustainable nor environmentally benign" , "L’éthanol produit à partir de la cellulose de la biomasse n’est ni soutenable ni bénin pour l’environnement", dans cette série, article qui est accessible par le site Internet suivant :

www.i-sis.org.uk/ECBNESEB.php

GreenFuel, la société créée par Berzin à Cambridge, dans l’état du Massachusetts aux Etats Unis, a déjà attiré 11 millions de £ dans des capitaux de placements à risques et elle conduit une expérimentation en service réel dans une usine de 1.000 MW appartenant à une compagnie importante du Sud-Ouest du pays. GreenFuel envisage entre deux et sept projets de ce type, prévoyant un système de production à plein régime d’ici 2009.
Une clef du succès consiste à choisir une algue avec une densité d’huile élevée, soit environ 50 pour cent en poids. Les algues sont prolifiques et peuvent produire 15.000 gallons de biocarburant par acre, soit 68.145 litres par hectare, comparés à peine 60 gallons par acre, soit 273 litres par hectare, à partir du soja.

Berzin estime qu’une centrale de 1.000 MW employant son système pourrait produire chaque année plus de 40 millions de gallons, soit près de 182 millions de litres de biocarburant et 50 millions de gallons, soit plus de 227 millions de litres d’éthanol. Mais cela exigerait une exploitation agricole de 2.000 acres ou hectares, située à proximité de la centrale.

Greenfuel n’est pas seule dans la course pour fabriquer de l’huile à partir des algues. Greenshift Corporation, une jeune société d’une pépinière d’entreprises basée à Mount Arlington dans l’état du New Jersey aux Etats Unis, a accordé une licence pour un filtre de type écran afin de nettoyer le CO2 , lequel appareil a été développé par David Bayless, chercheur à l’université de l’état de l’Ohio.
Un prototype est capable de traiter 140 mètres cubes de fumée par minute, soit une quantité équivalente à l’échappement de 50 voitures ou encore d’une centrale électrique d’une puissance de 3 mégawatts.

Le US National Renewable Energy Laboratory (NREL), le laboratoire national pour les énergies renouvelables aux Etats-Unis, a conduit un projet de recherche de 1978 à 1996 en vue de créer un carburant renouvelable pour les transports, à partir d’algues qui se servent du CO2 rejeté par les centrales électriques à charbon.

Le projet, mené par le scientifique John Sheehan du NREL, a été financé à hauteur de 25,05 millions de $ états-uniens au cours de la période de 20 ans, somme que l’on peut comparer à toutes les dépenses engendrées par le programme des biocarburants durant la même période, soit 459 millions de $ états-uniens.

Ce programme a eu comme conséquence la réunion d’une collection de 300 espèces d’algues vertes et de diatomées, qui sont maintenant entretenues à l’université de Hawaï et qui reste toujours disponible pour les chercheurs.
Bien que quelques problèmes techniques et économiques restent à résoudre, on a estimé qu’il faudrait à peine 15.000 miles carrés (ou 3.8 millions d’hectares) de désert, pour permettre la croissance de suffisamment d’algues pour couvrir presque entièrement les besoins courants de toute la nation en gazole (pour mémoire, le désert de Sonoran, situé aux confins de la Californie et de l’Arizona est 8 fois plus étendu). De plus, les algues utilisent beaucoup moins d’eau que les cultures traditionnelles d’espèces oléagineuses.

Les chercheurs ont également suggéré d’utiliser des algues pour nettoyer la mer de Salton en Californie méridionale [7], dans laquelle plus de 10.000 tonnes d’engrais azotés et de phosphates sont déchargées annuellement.

L’idée était d’utiliser 1.000 ha du système aquatique pour reproduire des algues, telles que Spirulina, avec l’eau de mer, puis de récolter la biomasse d’algues afin de la convertir en biocarburants, alors que les résidus pourraient être réutilisés en agriculture pour sa valeur nutritive comme engrais.

Une évaluation suggère qu’un tel procédé pourrait abaisser de plusieurs centaines de milliers de tonnes les émissions de CO2 à un coût équivalent à 10 $ états-uniens la tonne de CO2.

Mais c’est peut-être du fait de leur potentiel pour la capture ou la séquestration du carbone, que les algues vertes apparaissent les plus attrayantes et cet aspect là n’a presque pas été exploité jusqu’à maintenant.