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"L’intelligence artificielle avec l’apprentissage automatique et les signaux gravitationnels pourraient permettre de détecter rapidement les tremblements de terre puissants et accélérer les alertes aux risques" par Carolyn Gramling

Traduction et compléments de Jacques Hallard

dimanche 15 mai 2022, par Gramling Carolyn

ISIAS IA Signaux gravitationnels Détection des tremblements de terre

L’intelligence artificielle avec l’apprentissage automatique et les signaux gravitationnels pourraient permettre de détecter rapidement les tremblements de terre puissants et accélérer les alertes aux risques

La surveillance des variations de la vitesse de la lumière dans le champ gravitationnel de la Terre pourrait accélérer les alertes aux risques.

Ajout du document « Observation de signaux précoces de perturbation du champ de gravité terrestre liés à de multiples séismes »

Traduction du 12 mai 2022 avec ajout d’u document - par Jacques Hallard d’un article de Carolyn Gramling en date du 11 mai 2022 publié par ‘sciencenews.org’ sous le titre « Machine learning and gravity signals could rapidly detect big earthquakes  » ; accessible sur ce site : https://www.sciencenews.org/article/machine-learning-gravity-earthquake-ai

Photo - Un séisme de magnitude 9 a frappé au large des côtes japonaises en 2011, déclenchant un tsunami qui a dévasté une grande partie de la côte du pays, dont la ville d’Otsuchi (illustrée). Les scientifiques développent un système d’alerte précoce qui utilise l’IA pour détecter les signaux de gravité générés presque instantanément par les tremblements de terre. Toshiharu Kato/Croix-Rouge japonaise/IFRC/Getty Images

Les tremblements de terre massifs ne font pas que déplacer le sol, ils modifient à la vitesse de la lumière le champ gravitationnel de la Terre. Des chercheurs ont appris à des ordinateurs à identifier ces minuscules signaux gravitationnels, démontrant ainsi comment ces signaux peuvent être utilisés pour déterminer l’emplacement et la taille d’un fort séisme presque instantanément.

Il s’agit d’une première étape vers la création d’un système d’alerte très précoce pour les tremblements de terre les plus puissants de la planète, rapportent les scientifiques le 11 mai 2022 dans la revue ‘Nature’.

Un tel système pourrait contribuer à résoudre un problème épineux en sismologie : comment déterminer rapidement la magnitude réelle d’un séisme massif immédiatement après qu’il se soit produit, explique Andrea Licciardi, géophysicien à l’Université Côte d’Azur à Nice, en France. Sans cette capacité, il est beaucoup plus difficile d’émettre rapidement et efficacement des alertes de danger qui pourraient sauver des vies.

Lorsque les grands tremblements de terre se manifestent, les secousses et les tremblements envoient des ondes sismiques à travers le sol qui apparaissent comme de grandes ondulations sur les sismomètres. Mais les méthodes actuelles de détection basées sur les ondes sismiques ont notoirement du mal à faire la distinction entre, par exemple, un tremblement de terre de magnitude 7,5 et de magnitude 9 dans les quelques secondes qui suivent un tel événement.

[D’après Wikipédia, « Les ondes sismiques, ou ondes élastiques, sont des mouvements vibratoires qui se propagent à travers un milieu matériel et peuvent le modifier irréversiblement si leur amplitude est suffisante. Elles sont engendrées par un événement initial, généralement un séisme. L’impulsion de départ déplace les atomes du milieu, qui en poussent d’autres avant de reprendre leur place, ces déplacements oscillatoires se propageant ensuite de proche en proche. Un séisme émet des ondes sismiques dans toutes les directions. La physique des milieux élastiques est régie par l’équation de Navier, qui implique l’existence de deux grands types d’ondes, mises en évidence expérimentalement : les ondes de volume qui traversent la Terre et les ondes de surface (ondes L) qui se propagent dans une couche d’épaisseur limitée sous la surface terrestre. Les ondes de volume se subdivisent par ailleurs en ondes longitudinales (ondes P) et transversales (ondes S). Sur les enregistrements des sismographes, les ondes P, S et L se succèdent ou se superposent. Leur vitesse de propagation et leur amplitude sont modifiées par les structures géologiques qu’elles traversent ; c’est pourquoi les signaux enregistrés sont la combinaison d’effets liés à la source, aux milieux traversés et aux instruments de mesure… » – Source : . https://fr.wikipedia.org/wiki/Onde_sismique ].

Suite du texte traduit

En effet, les premières estimations de la magnitude sont basées sur la hauteur des ondes sismiques appelées ondes P, qui sont les premières à arriver aux stations de surveillance. Or, pour les tremblements de terre les plus forts, l’amplitude de ces ondes P initiales atteint son maximum, ce qui rend difficile de distinguer des tremblements de terre de magnitudes différentes.

Mais les ondes sismiques ne sont pas les premiers signes d’un tremblement de terre. Toute cette masse qui se déplace lors d’un gros séisme modifie également la densité des roches à différents endroits. Ces variations de densité se traduisent par de minuscules changements dans le champ gravitationnel de la Terre, produisant des ondes ’d’élastogravité’ qui traversent le sol à la vitesse de la lumière - encore plus rapidement que les ondes sismiques.

On pensait autrefois que ces signaux étaient trop infimes pour être détectés, explique le sismologue Martin Vallée, de l’Institut de physique du globe de Paris, qui n’a pas participé à la nouvelle étude. Puis en 2017, Vallée et ses collègues ont été les premiers à rapporter avoir vu ces signaux d’élastogravité dans les données des stations sismiques. Ces résultats ont prouvé que ’vous avez une fenêtre entre le début du tremblement de terre et le moment où vous recevez les ondes [sismiques]’, explique M. Vallée.

Mais les chercheurs se demandaient encore comment transformer ces signaux d’élastogravité en un système d’alerte précoce efficace. Les ondes de gravité étant minuscules, elles sont difficiles à distinguer du bruit de fond dans les données sismiques. Lorsque les scientifiques ont procédé à un examen rétroactif, ils ont constaté que seuls six mégaséismes au cours des 30 dernières années ont généré des signaux d’élastogravité identifiables, dont le séisme de magnitude 9 de Tohoku-Oki en 2011 qui a produit un tsunami dévastateur qui a inondé deux centrales nucléaires à Fukushima, au Japon (SN : 3/16/11). (Une première estimation de la magnitude de ce séisme, basée sur les ondes P, était de 7,9).

C’est là que les ordinateurs peuvent intervenir, explique M. Licciardi. Lui et ses collègues ont créé PEGSNet, un réseau d’apprentissage automatique conçu pour identifier les ’signaux d’élastogravité rapides’. Les chercheurs ont entraîné les machines sur une combinaison de données sismiques réelles recueillies au Japon et de 500.000 signaux gravitationnels simulés pour des tremblements de terre dans la même région. Les données gravimétriques synthétiques sont essentielles pour l’entraînement, explique M. Licciardi, car les données réelles sont très rares et le modèle d’apprentissage automatique a besoin de suffisamment d’informations pour pouvoir trouver des modèles dans les données.

[Selon Wikipédia, « En physique, une onde gravitationnelle, appelée parfois onde de gravitation, est une oscillation de la courbure de l’espace-temps qui se propage à grande distance de son point de formation. Albert Einstein a prédit l’existence des ondes gravitationnelles en 1916 : selon sa théorie de la relativité générale qu’il venait de publier, de même que les ondes électromagnétiques (lumière, ondes radio, rayons X, etc.) sont produites par les particules chargées accélérées, les ondes gravitationnelles seraient produites par des masses accélérées et se propageraient à la vitesse de la lumière dans le vide. Cependant, la réalité des ondes gravitationnelles a été longuement débattue. Einstein changea plusieurs fois d’avis à ce sujet, la question étant de savoir si ces ondes avaient effectivement une existence physique ou bien si elles constituaient un artefact mathématique résultant d’un choix du système de coordonnées. Pour statuer, et disposer à cette occasion d’un nouveau test de la relativité générale, seule la recherche expérimentale pouvait lever le doute. Les efforts dans ce sens ont été engagés à partir des années 1960, avec la réalisation des premières barres de Weber. Depuis 2016, l’existence des ondes gravitationnelles est confirmée, grâce à une première observation faite le 14 septembre 2015. Cette observation ouvre un champ nouveau d’observation de l’univers à grande échelle, d’autant que les ondes gravitationnelles ne sont pas arrêtées par la matière. En revanche elle laisse encore ouverte la question de l’existence du graviton. Le succès des détecteurs interférométriques à détecter un déplacement maximal de ± 2 × 10−18 m permet, en 2016, d’espérer un élargissement du spectre d’observation avec les développements techniques à venir…. » - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Onde_gravitationnelle ].

Suite du texte traduit

Une fois entraînés, les ordinateurs ont été soumis à un test : suivre l’origine et l’évolution du séisme de 2011 au Tohoku comme s’il se produisait en temps réel. Le résultat était prometteur, selon M. Licciardi. L’algorithme a été capable d’identifier avec précision la magnitude et l’emplacement du séisme cinq à dix secondes plus tôt que les autres méthodes.

Cette étude est une preuve de concept et, espérons-le, la base d’un prototype de système d’alerte précoce, explique M. Licciardi. ’Pour l’instant, il est conçu pour fonctionner ... au Japon. Nous voulons construire quelque chose qui puisse fonctionner dans d’autres régions’ connues pour leurs puissants tremblements de terre, notamment le Chili et l’Alaska. À terme, l’espoir est de construire un système qui puisse fonctionner à l’échelle mondiale.

Les résultats montrent que PEGSNet a le potentiel d’être un outil puissant pour les alertes sismiques précoces, en particulier lorsqu’il est utilisé avec d’autres outils de détection des tremblements de terre, explique M. Vallée.

Il reste cependant du travail à faire. D’une part, l’algorithme a été entraîné à rechercher un point unique pour l’origine d’un tremblement de terre, ce qui est une approximation raisonnable si l’on se trouve loin. Mais de près, l’origine d’un tremblement de terre ne ressemble plus à un point, c’est en fait une région plus vaste qui s’est rompue. Si les scientifiques veulent obtenir une estimation précise de l’endroit où une rupture s’est produite à l’avenir, les machines doivent rechercher des régions, et non des points, ajoute M. Vallée.

Des progrès plus importants pourraient être réalisés à l’avenir, lorsque les chercheurs mettront au point des instruments beaucoup plus sensibles, capables de détecter des perturbations du champ gravitationnel de la Terre, même les plus infimes, tout en filtrant les autres sources de bruit de fond qui pourraient masquer les signaux. Selon M. Vallée, la Terre est un environnement très bruyant, de ses océans à son atmosphère.

’C’est un peu le même défi que celui que doivent relever les physiciens lorsqu’ils tentent d’observer les ondes gravitationnelles’, explique M. Vallée. Ces ondulations de l’espace-temps, déclenchées par des collisions cosmiques colossales, sont un type très différent d’ondes gravitationnelles (SN : 2/11/16). Mais les signaux d’ondes gravitationnelles sont également éclipsés par le bruit de la Terre - dans ce cas, des microtraumatismes dans le sol.

Citations

A. Licciardi et al. Instantaneous tracking of earthquake growth with elastogravity signals. Nature. Published online May 11, 2022. doi : 10.1038/s41586-022-04672-7.

M. Vallée et al. Observations and modeling of the elastogravity signals preceding direct seismic waves. Science. Vol. 358, December 1, 2017, p. 1164. doi : 10.1126/science.aao0746.

Carolyn Gramling

About Carolyn Gramling E-mailTwitter- Carolyn Gramling is the earth & climate writer. She has bachelor’s degrees in geology and European history and a Ph.D. in marine geochemistry from MIT and the Woods Hole Oceanographic Institution.

À propos de Carolyn Gramling : elle est rédactrice spécialiste de la terre et du climat. Elle est titulaire d’une licence en géologie et en histoire européenne et d’un doctorat en géochimie marine du MIT et de la ‘Woods Hole Oceanographic Institution’.

https://www.sciencenews.org/wp-content/uploads/2019/08/sn-fallback.png

Source du document traduit : https://www.sciencenews.org/article/machine-learning-gravity-earthquake-ai

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Annexe - Observation de signaux précoces de perturbation du champ de gravité terrestre liés à de multiples séismes

Ces nouvelles observations des perturbations de gravité, précédant les ondes sismiques, confirment le potentiel de ces signaux pour les systèmes d’alerte précoce aux tremblements de Terre.

Lorsque de grands séismes se produisent, ils déplacent d’énormes quantités de masse. Ces mouvements créent de minuscules perturbations du champ gravitationnel de la Terre, auxquelles les sismomètres sont immédiatement sensibles. Ces signaux d’élastogravité (PEGS – « Prompt elastogravity signals ») arrivent ainsi avant les ondes sismiques, et ont donc le potentiel d’améliorer les systèmes d’alerte précoce en réduisant le temps nécessaire à l’estimation de la taille des forts séismes.

La faible amplitude de ces signaux d’élastogravité les a toutefois rendus difficiles à détecter : les premières observations des PEGS remontent seulement à 2016 et 2017. À présent, Martin Vallée et Kevin Juhel, chercheurs à l’IPGP et auteur d’une étude parue en février dans Journal of Geophysical Research, rapportent de nombreuses nouvelles observations de ces signaux provenant de cinq séismes d’une magnitude comprise entre 7.9 et 8.8, d’une taille ainsi nettement inférieure au séisme de Tohoku (magnitude 9.1) à partir duquel leur existence a été découverte.

 

http://www.ipgp.fr/sites/default/files/styles/moyenne/public/ipgp_mechanisms_spotlight_pegs.jpg?itok=ttFUbaBQ

Amplitudes maximales des signaux d’élastogravité précoce pour différents types de séismes de magnitude 8,5

Les chercheurs ont identifié ces signaux en utilisant une approche en plusieurs étapes. Tout d’abord, pour mieux comprendre les configurations dans lesquelles les PEGS sont observables de manière optimale, des simulations numériques ont été réalisées afin d’évaluer l’impact de la profondeur et du type de séisme sur l’amplitude attendue des signaux. Les résultats indiquent qu’à magnitude égale, les séismes décrochants superficiels et les séismes profonds ont plus de chances d’être enregistrés que les séismes de subduction. Ces informations ont guidé les auteurs dans leur analyse des enregistrements des grands séismes des 25 dernières années.

Cette analyse a directement révélé la présence de PEGS lors de plusieurs grands séismes : le séisme de 2012 dans le bassin de Wharton (magnitude 8.6, ce qui en fait le plus grand séisme décrochant jamais enregistré) et deux tremblements de terre profonds de magnitude 8.2 (Fidji, 2018 et Bolivie, 1994). En combinant les observations de plusieurs instruments, les chercheurs ont également été en mesure d’améliorer suffisamment les rapports signal-sur-bruit pour détecter les ondes d’élastogravité de deux événements supplémentaires : le séisme décrochant de magnitude 7.9 au large de l’Alaska (2018) et le séisme de subduction de Maule (Chili, 2010, magnitude 8.8).

Ces résultats montrent ainsi que les observations des PEGS ne se limitent pas à des séismes exceptionnels (magnitude > 9). De plus, dans tous les cas d’études, les observations sont très bien reproduites par les simulations numériques, et ces dernières montrent que les PEGS ont une sensibilité naturelle aux caractéristiques globales du processus sismique. Les signaux d’élastogravité ont donc le potentiel d’améliorer la vitesse et la fiabilité des systèmes d’alerte précoce dans de nombreux contextes. Les deux applications les plus concrètes sont d’accélérer les interventions d’urgence et d’anticiper plus précisément et plus rapidement l’ampleur du tsunami à venir.

En savoir plus :

> Texte traduit et adapté du “Research Spotlight” réalisé par l’AGU sur cette étude

> Vallée et Juhel, Journal Geophysical Research : Solid Earth, doi:10.1029/2018JB017130, 2019

> L’article sur la publication de 2017 dans Science : De nouveaux signaux précédant les ondes sismiques : comment les perturbations précoces de gravité permettent de quantifier la magnitude des forts séismes

Contact : Martin Vallée et Kévin Juhel - Date de publication : 24 Avril 2019 – Source : http://www.ipgp.fr/fr/observation-de-signaux-precoces-de-perturbation-champ-de-gravite-terrestre-lies-a-de-multiples

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Traduction, [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 15
/05/2022

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

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Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS IA Signaux gravitationnels Détection des tremblements de terre.2

Mis en ligne par le co-rédacteur Pascal Paquin du site inter-associatif, coopératif, gratuit, sans publicité, indépendant de tout parti, géré par Yonne Lautre : https://yonnelautre.fr - Pour s’inscrire à nos lettres d’info > https://yonnelautre.fr/spip.php?breve103

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