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"A l’occasion de l’Aïd el Fitr 2022, évocation des pratiques ésotériques et mystiques du soufisme avec Ibn Arabi (1165-1240), Abdelkader (1807-1882) et Titus Burckhardt (1908-1984)" par Jacques Hallard

lundi 2 mai 2022, par Hallard Jacques

ISIAS Islam Monde musulman Spiritualités Soufisme

A l’occasion de l’Aïd el Fitr 2022, évocation des pratiques ésotériques et mystiques du soufisme avec Ibn Arabi (1165-1240), Abdelkader (1807-1882) et Titus Burckhardt (1908-1984)

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 01/05/2022

Plan du document : Préambule {{}}Introduction Sommaire#ZUSAMMENFASSUNG Auteur


Préambule

Aïd el-Fitr - عيد الفطر عيد الفطر, fête de la rupture : c’est la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de ramadan. Elle est célébrée le premier jour du mois de chawwal. Elle est aussi parfois appelée aïd as-Seghir (ʿīd aṣ-ṣaḡīr, عيد الصغير), « la petite fête », par opposition à l’aïd al-Kebir, « la grande fête ».

Détails sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%AFd_el-Fitr

Evocation :

Action de rappeler quelque chose d’oublié, de rendre présents à l’esprit des souvenirs : L’évocation des années passées. Synonyme : suggestion

Action de mentionner quelque chose, de faire allusion à quelque chose. Synonymes : allusion - mention - rappel

Source : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9vocation/31891

Soufisme – « Le soufisme (en arabe : ٱلتَّصَوُّف, at-taawwuf) désigne les pratiques ésotériques et mystiques de l’islam1 visant la « purification de l’âme » en vue de se « rapprocher » de Dieu. Il s’agit d’une voie d’élévation spirituelle par le biais d’une initiation au sein d’une tariqa2, terme qui désigne, par extension, une confrérie rassemblant les fidèles autour d’un maître spirituel.

Le soufisme trouve ses fondements dans la révélation coranique et dans l’exemple de Mahomet3. On peut donc dire qu’il est présent, depuis les origines de la révélation prophétique de l’islam, dans les branches sunnite puis chiite, bien qu’il ait pris des formes différentes dans les deux cas.

Le soufisme renvoie à ce que l’islam appelle « ihsan » (excellence) : le fait d’adorer Dieu comme si on le voyait. C’est-à-dire que le soufisme a pour but ultime d’ouvrir le « cœur » de l’initié à la vision béatifique, à la connaissance suprarationnelle et unitive du Principe divin. Ceci le différencie des sciences profanes, qui se fondent sur des efforts de pensée. L’être réalisé obtient sa science directement par dévoilement et vision.

Au début de l’islam, des oulémas et des savants comme Ibn Khaldoun se sont élevés contre ce qu’ils qualifiaient de « dérives » du soufisme. Ils ont émis des critiques, que ce soit sur la pratique religieuse, ou sur le dogme de certaines confréries4. De nos jours, le wahhabisme est totalement opposé aux pratiques soufies… »

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/32/Al%C4%AB.png/220px-Al%C4%AB.png

Soufisme à la lumière du Coran et de la Sunna

Détails sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Soufisme

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Introduction

Dossier ouvert à l’occasion de la fête de l’Aïd el Fitr 2022 qui marque la fin du jeûne du Ramadan chez les musulmans.

Trois personnalités ont été choisies : elles ont en commun de se référer au soufisme, l’un des courants historiques et des divers mouvements basés sur l’islam. Le sujet a été abordé dans une série intitulée « Divers aspects du monde arabe et de l‘islam » mise en ligne sur ISIAS sous le titre suivant : ’Distinguo entre Islamisme, Salafisme, Soufisme, Chiisme, Sunnisme, Wahhabisme’ par Jacques Hallard ; mardi 13 août 2019 - ISIAS Monde arabe et Islam.

1. La personnalité d’Ibn Arabi (1165-1240) théologien soufi, juriste, poète, métaphysicien et philosophe andalou dont cette déclaration typique est souvent citée : ’Je crois en la religion de l’amour’…. Ainsi que celle-ci : « Un lieu qui n’est pas empreint de féminité n’est pas fiable. » Ibn ‘Arabi…

2. L’émir Abdelkader ou Abdelkader ibn Muhieddine (1808-1883), un chef religieux et militaire algérien, qui mena la lutte contre la conquête de l’Algérie par la France au milieu du XIXe siècle, prisonnier à Amboise en France, initié à la franc-maçonnerie et qualifié de ’meilleur ennemi de la France’. Lors d’un séjour ‘forcé’ au Proche-Orient sous l’Empire Ottoman, qu’il consacre au soufisme, ses positions lui valent d’être qualifié de « sauveur des chrétiens d’Orient » : il y exprimait « un respect constant pour ce que l’on appelle désormais les droits de l’homme, surtout en ce qui concerne ses opposants chrétiens ». « Il suscita une admiration généralisée pour son intervention cruciale afin de sauver la communauté chrétienne de Damas d’un massacre en 1860 et cela lui amena des honneurs et des récompenses du monde entier ».

3. Le citoyen suisse de langue allemande Titus Burckhardt (1908-1984), un philosophe, écrivain, historien, historien de l’art sacré, classé parmi les grands « ésotéristes » du 20ème en Occident. Il apprit l’arabe, se convertit à l’ésotérisme musulman et voyagea beaucoup dans tous les pays du monde arabo-musulman, avec une réelle prédilection pour le Maroc. Il y séjourna longuement dans les années 1930 et il fut nommé en 1972 expert auprès de l’UNESCO et chargé jusqu’en 1977 d’un programme de préservation de la Médina de Fès…

Les documents sélectionnés pour ce dossier figurent dans le sommaire ci-après.

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Sommaire

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  • Ramadan - Aïd el Fitr : la date lundi 2 mai 2022 qui marque la fin du jeûne a été annoncée en France - Publié le 30 avril 2022 à 19h01 – Document ‘sortiraparis.com’

    La Mosquée de Paris et son jardin en fleurs

Photo - Par Rizhlaine F. · Photos par My B. ·

En France, le Ramadan aura débuté le 2 avril 2022. Ce mois de jeûne suivi par les musulmans constitue l’un des cinq piliers de l’Islam. La fin du ramadan est marquée par la fête de l’Aïd el Fitr. La date de celle-ci a été annoncée lors de la Nuit du Doute.

Cette année, le ramadan en France a commencé le samedi 2 avril 2022. Ce mois saint de la religion musulmane incite les pratiquants à jeûner de l’aube jusqu’au crépuscule. Il s’agit là de l’un des cinq piliers de l’Islam. La fin du ramadan se clôture par la fête de l’Aïd-el-Fitr. Mais quand celle-ci aura-t-elle lieu ?

Il faut d’abord noter que les dates du ramadan sont établies selon le calendrier hégirien, qu’on appelle également le calendrier islamique ou musulman. Celui-ci étant basé sur les cycles lunaires, il diffère de quelques jours du calendrier grégorien auquel nous sommes habitués. Les dates du début et de la fin du ramadan sont d’abord estimées selon des calculs astronomiques avant d’être confirmées officiellement lors de ce qu’on appelle la Nuit du Doute. Lors de celle-ci, on procède à une observation du ciel, afin de définir si le croissant de lune marquant le début d’un nouveau mois est visible ou non.

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Selon les premières estimations, cette année, l’Aïd-el-Fitr devait tomber le lundi 2 mai 2022 au soir. Ce samedi 30 avril 2022, lors de La Nuit du Doute, la commission religieuse a officialisé la date de fin du mois de jeûne à la Grande Mosquée de Paris. Le dimanche 1er mai 2022 constitue bien le dernier jour de jeûne de ce Ramadan 2022 ce qui confirme la date de l’Aïd El Fitr le lundi 2 mai 2022. 

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Muhyî al-Dîn Ibn ‘Arabî (1165-1240) est le « Grand Maître » (al-Shaykh al-Akbar) de la spiritualité et de l’ésotérisme islamiques. Depuis son Andalousie natale jusqu’à Damas, dernière étape de sa pérégrination en ce monde, il a parcouru toutes les stations de la Voie soufie. Désigné comme le « Sceau muhammadien de la sainteté » – le Sceau universel étant, selon l’islam, Jésus – il était dès lors investi pour laisser une œuvre écrite aussi dense qu’abondante.

Œuvre paradoxale que la sienne : chaque jour davantage étudiée et traduite, source d’inspiration pour beaucoup de non musulmans, après avoir fait l’objet de polémiques séculaires en terre d’islam, elle n’est pas à la portée du premier fidèle venu. On peut évoquer la complexité métaphysique, la formulation allusive et la profusion de la terminologie, mais en définitive c’est le caractère initiatique de cette œuvre qui explique qu’elle parle à certains tandis qu’elle reste hermétique au plus grand nombre.

Une doctrine aussi subtile peut troubler même les apprentis soufis, et c’est pourquoi, en pays musulman, les cheikhs interdisaient souvent à leurs disciples de lire l’œuvre d’Ibn ‘Arabî par eux-mêmes. Cette doctrine accorde pourtant une attention rigoureuse à la lettre du Coran et au modèle muhammadien, mais elle dérange le conformisme religieux en explorant les possibilités inouïes de la révélation. Ibn ‘Arabî fut certes l’héritier de la tradition soufie, mais il lui a offert une formulation à la fois plus ample et plus précise. Le soufisme postérieur est donc largement débiteur de l’homme et de son œuvre.

Ces passages sont extraits des Futûhât makkiyya (« Les Illuminations de La Mecque »), somme spirituelle très exhaustive ; des Fusûs al-hikam (« Les Chatons de la sagesse »), ouvrage plus concis qui récapitule la doctrine métaphysique du cheikh ; enfin, les vers proviennent du recueil de poèmes mystiques Tarjumân al-ashwâq (« l’Interprète des désirs »). Tous ces extraits témoignent de l’universalisme qui anime la doctrine d’Ibn ‘Arabî, universalisme de la révélation énoncé par le Coran dans la notion de « Religion immuable » (dîn qayyim ; cf. Coran 30 : 30), dans le verset 5 : 48 cité ici et en bien d’autres occurrences. Le Prophète a illustré maintes fois ce pluralisme, lui qui affirmait que 124.000 prophètes, depuis Adam jusqu’à lui-même, avaient été envoyés à l’humanité.

Sur ces bases, certains soufis ont professé « l’unité transcendante des religions », thème auquel Ibn ‘Arabî a fourni un cadre doctrinal. À ses yeux, toutes les croyances, et donc toutes les religions sont vraies, car chacune répond à la manifestation d’un Nom divin. Il y a ainsi une unité fondamentale de toutes les lois sacrées, et chacune détient une part de vérité. La diversité des religions est due à la diversité des « relations » que Dieu entretient avec le monde, et à la multiplicité des manifestations divines, « qui ne se répètent jamais », dit le cheikh ailleurs. Puisque Dieu est conforme à l’opinion que le fidèle se fait de Lui, Ibn ‘Arabî en conclut d’abord que les croyances sont conditionnées par les différentes théophanies reçues par les êtres et par la conception fragmentaire que chacun se fait de Dieu ; ensuite que Dieu accepte toutes les croyances – pas au même degré bien sûr – car les conceptions humaines ne sauraient limiter l’Être divin. Enfin, quelque-soit le destinataire du culte que voue l’homme (Dieu dans ses diverses dénominations, mais aussi la nature ou les idoles), c’est toujours Dieu qu’il adore, même s’il n’en est pas conscient.

Textes d’Ibn ‘Arabî : « Dieu est trop vaste et trop immense pour être enfermé dans un credo à l’exclusion des autres »

Les religions révélées ne sont diverses qu’à cause de la diversité des ‘relations divines’. Si la ‘relation divine’ qui demande qu’une chose particulière soit permise dans la loi révélée était la même que celle qui demande qu’elle soit interdite, cela impliquerait que les décisions divines ne peuvent changer, or il est établi qu’elles changent. Si ce n’était pas le cas, cela signifierait que cette parole divine est incorrecte : « À chacun de vous, Nous avons donné une loi et une voie » (Coran 5 : 48). Or il est vrai que chaque communauté a une loi et une voie apportées par son prophète ou son messager. Donc l’abrogation des décisions divines est une réalité.

Nous savons de façon certaine que la relation de Dieu à Muhammad dans la religion qu’Il lui a révélée est différente de la relation qu’Il a établie avec tout autre prophète. Si ce n’était pas le cas, et si la relation qui demande la révélation d’une loi spécifique était unique, alors les religions révélées seraient une (Futûhât makkiyya, éd. Dâr Sâdir, Beyrouth, I, 265).

Les doctrines religieuses divergent en fonction de la divergence des regards qui sont portés sur Lui [Dieu]. Or, chaque personne qui regarde ainsi n’adore et ne professe que ce qu’elle a amené à l’existence dans son propre cœur. Elle n’a donc amené à l’existence qu’une chose créée, et non le Dieu Réel. Mais c’est pourtant dans cette forme doctrinale qu’Il Se manifeste à elle. L’Essence en tant que telle est unique, mais tu ne peux Le percevoir qu’ainsi [dans le monde de la relativité et de la multiplicité] (Futûhât makkiyya, IV, 211).

Celui qui professe une foi dogmatique loue uniquement la divinité incluse dans sa profession de foi et à laquelle il se rattache. Les œuvres qu’il accomplit lui reviennent, et en définitive il ne fait que se louer lui-même […] L’éloge qu’il adresse à ce qu’il professe est donc un éloge qu’il s’adresse à lui-même. C’est pourquoi il blâme ce que professe autrui, ce qu’il ne ferait pas s’il était équitable. Celui qui se limite à cet objet d’adoration particulier est de toute évidence un ignorant, du fait même qu’il s’oppose aux convictions d’autrui au sujet de Dieu. S’il connaissait, en effet, la parole de Junayd : « La couleur de l’eau est celle de son récipient », il accepterait de chacun sa propre croyance ; il connaîtrait Dieu en toute forme et en toute profession de foi. De lui n’émane qu’une opinion, et non une science. C’est pour cela que Dieu a dit : « Je suis auprès de l’opinion que Mon serviteur a de moi » ; Je ne Me manifeste à lui que dans la forme de sa croyance. Ainsi, la divinité des convictions dogmatiques est prisonnière des limitations ; c’est donc la divinité que contient le cœur de Son serviteur. La Divinité absolue, quant à Elle, ne peut être contenue par rien, car Elle est l’essence des choses et l’essence d’Elle-même (Fusûs al-Hikam, éd. ‘Afîfî, p. 226).

Tout ce qui est autre que Dieu est fabriqué, et les dieux des croyances sont fabriqués. Absolument personne n’adore Dieu tel qu’en Lui-même. Il n’est adoré qu’en tant qu’Il est fabriqué par l’adorateur. Comprends donc ce secret, car il est extrêmement subtil ! (Futûhât makkiyya, IV, 229).

Prends garde à ne pas te limiter à un credo particulier en reniant tout le reste, car tu perdrais un bien immense […]. Que ton âme soit la substance de toutes les croyances, car Dieu est trop vaste et trop immense pour être enfermé dans un credo à l’exclusion des autres. Il a dit en effet : « Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu » (2 : 115), sans mentionner une direction plutôt qu’une autre (Fusûs al-Hikam, éd. ‘Afîfî, p. 113).

« Mon cœur est devenu capable de toutes les formes
Une prairie pour les gazelles, un couvent pour les moines
Un temple pour les idoles, une Ka‘ba pour le pèlerin,
Les Tables de la Thora, le Livre du Coran.
Je professe la religion de l’Amour, et quelque direction
Que prenne sa monture, l’Amour est ma religion et
Ma foi » - (Tarjumân al-ashwâq).

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A propos de l’auteur Eric Geoffroy

Éric Geoffroy enseigne l’islamologie à l’Université de Strasbourg et dans d’autres centres. Spécialiste du soufisme, ses travaux sont traduits en plusieurs langues. Il travaille aussi sur les enjeux de la spiritualité dans le monde contemporain (la mondialisation, l’écologie…). Son dernier ouvrage est paru chez Albin Michel sous le titre « Allah au féminin – Le Féminin et la femme dans la tradition soufie ».

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Source : https://consciencesoufie.com/ibn-arabi-ou-la-doctrine-de-luniversel/

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Image dans Infobox.

Naissance7 août 1165
Murcie, Taïfa de Murcie
Décès 16 novembre 1240 (à 75 ans)

District de Ṣāliḥiyya at Jabal Qāsiyūn, Damas, Ayyoubides

École/tradition Soufisme
Principaux intérêts Mysticisme, Métaphysique soufie, Poésie
Œuvres principales Les Illuminations de la Mecque ; Le Livre des chatons des sagesses ; Le Secret des Noms de Dieu
Influencé par Platon1 ;Averroès 2 ; Abou Madyane ;Mohammed ibn Qasim al-Tamimi
A influencé Ibn al-Farid ; Abu Said al-Baji ; Fairuzabadi ; Al-Suyuti ; Ahmed Mohammed al-Maqqari ; Yusuf an-Nabhani ; René Guénon ; Michel Vâlsan

Abū ʿAbd Allāh Muammad ibn ʿAlī ibn Muammad ibn ʿArabī al-ātimī a-āʾī (en arabe : أبو عبد الله محمد بن علي بن محمد بن عربي الحاتمي الطائي), mieux connu sous le nom d’Ibn ʿArabi, né le 26 juillet 1165, à Murcie, et mort le 16 novembre 12403, à Damas, également appelé « ach-Cheikh al-Akbar » (« le plus grand maître », en arabe)4. Egalement, en Europe et pendant le Moyen Âge , il était connu comme Dr. Maximus. Il est aussi surnommé : Ibn Aflatûn, le fils de Platon, est un ouléma, théologien, juriste, poète, soufi, métaphysicien et philosophe andalou5,6,7, auteur de 846 ouvrages présumés. Son œuvre domine la spiritualité islamique depuis le XIIIe siècle, et il peut être considéré comme le pivot de la pensée métaphysique de l’islam8. Il est le plus grand penseur de la doctrine ésotérique du « Wahdat al-wujud » (Unicité de l’Être). Il eut quelques ennemis dans le domaine exotérique9. Dans l’ésotérisme islamique, il est considéré comme le « sceau de la Sainteté »10. Selon certains auteurs, Dante Alighieri, dans la Divine Comédie, aurait été influencé par son œuvre11.

Article complet à voir sur ce site : https://consciencesoufie.com/ibn-arabi-ou-la-doctrine-de-luniversel/

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  • Le portrait d’Ibn Arabî - Par Florian Besson - Publié le 01/04/2013 • modifié le 15/04/2020
    Gravure - Portrait de Ibn Arabi (Moheiddin ou Moyiddin Ibn Arabi, 1165-1240) appele Cheik al Akbar ou Ibn Aflatun, mystique soufi et philosophe arabo andalou – 19ème siecle - Gravure colorisée - Ibn Arabi (1165-1240), Arab Andalusian Sufi mystic and philosopher - Colored engraving - 19th century. ©PrismaArchivo/Leemage /AFP

Né en 1165 à Murcie (en Al-Andalus) et mort en novembre 1240 à Damas, Ibn Arabî est un théologien et un maître soufi arabe, déployant une pensée extrêmement complexe et fascinante.

Un parcours géographique

Né à Murcie, Ibn Arabî grandit à Séville où sa famille s’est installée dès 1173. C’est là qu’il se forme aux différentes sciences islamiques, étonnant ses professeurs, nous dit-il lui-même, par ses talents intellectuels. Il grandit dans cet empire almoravide qui, on l’a vu avec Ibn Rushd/Averroès ou al-Idrisi, fait une large place aux savoirs et aux intellectuels. Ibn Arabî fait d’ailleurs la connaissance d’Averroès en 1179, dans une rencontre apparemment organisée par son père, ce qui indiquerait que ce dernier s’investit plus dans la formation intellectuelle de son fils que celui-ci ne veut le laisser entendre. Dans ses écrits en effet, Ibn Arabî s’attache à se poser comme un homme qui s’est fait tout seul, indépendamment des influences ou des volontés des autres : s’il mentionne ainsi sa rencontre avec Ibn Rushd, c’est pour mieux minimiser l’importance qu’aurait eu le philosophe andalou sur la formation de sa pensée. Etudiant brillant, Ibn Arabî rédige dès les années 1185 des traités de jurisprudence, de théologie, de philosophie. Mais très vite, il est attiré par la voie mystique et ésotérique et se détourne des sciences profanes.

En 1200, Ibn Arabî part pour l’Orient, d’abord pour faire le pèlerinage à La Mecque, où il arrive en 1201, puis pour aller de ville en ville chercher l’enseignement des grands maîtres soufis. Le soufisme, repensé en profondeur par Al-Ghazalî [1], est alors en train de se structurer comme science religieuse par excellence et comme mouvement organisé : Ibn Arabî peut ainsi loger dans des maisons d’accueil, les khanqâ, dirigées par des sheikhs qui surveillent les disciples. En 1204, au moment où les croisés prennent Constantinople, il est à Mossoul, où il reçoit l’enseignement du grand maître soufi Alî ibn Jamî. Ses convictions hétérodoxes lui valent également un bref séjour dans les prisons du Caire en 1206. On le retrouve ensuite à Konya, où il enseigne à un groupe de jeunes étudiants parmi lesquels Sadr al-Dîn al-Qûnawî, un jeune homme originaire de Tunis que Ibn Arabî a adopté, qu’il forme et avec lequel sa fille se mariera. Il sera lui aussi un grand imam et un grand maître soufi. Après l’Anatolie, Ibn Arabî vit en Arménie, à Bagdad, à Alep. Il est alors surnommé « le grand maître » (sheikh al-akbar), et c’est auprès de lui désormais que de jeunes étudiants viennent chercher des révélations et des conseils. Il participe ainsi puissamment de la structuration du soufisme et de son ouverture. Après plus de vingt ans d’errance, il s’établit à Damas où il passe les quinze dernières années de sa vie ; il y meurt en 1240, et sera enterré au pied du Mont Qassioun.

Un parcours spirituel

Ce parcours géographique à travers le Dar al-Islam est aussi un parcours spirituel. En 1196, à Fès, Ibn Arabî reçoit une révélation de la part du Prophète Muhammad : celui-ci lui apparaît en rêve pour lui remettre la « pierre de la sagesse ». Cette pierre, symbolisant la vérité atteinte à travers la Révélation, est le point de départ d’une réflexion mystique : seul le véritable croyant, ayant parcouru la voie mystique, pourra en embrasser simultanément toutes les facettes. Celui que Ibn Arabî surnomme « l’homme parfait » doit, par la méditation, parvenir à faire l’expérience de la Présence divine (hadarât), en se rapprochant le plus possible de la « Présence totale ». Cette métaphore permet également à Ibn Arabî de parler des autres religions du Livre : tous les Prophètes, d’Abraham à Muhammad en passant par Jésus, ont reçu la même pierre, mais ils la taillent tous différemment. Enfin, cette révélation lui permet de donner aux saints une place fondamentale dans l’islam : les saints (walis) reçoivent une partie de la lumière de Dieu, telle qu’elle est reflétée par la révélation muhammadienne, et ils peuvent ensuite refléter cette lumière vers les autres. Le rôle spirituel et social des saints trouve sa formulation théorique la plus accomplie chez Ibn Arabî : les saints se distinguent par la puissance spirituelle (baraka) dont ils rayonnent et qui se manifeste par des miracles (karamât). C’est là un point clairement hétérodoxe et auquel de nombreux docteurs de la loi s’opposeront (et s’opposent toujours). Pour Ibn Arabî, cette hiérarchie des saints est dominée par un « pôle », Alî, le neveu et gendre du Prophète, et close par un « sceau des saints » (tout comme Muhammad est le « sceau des Prophètes ») qui n’est autre que… lui-même.

Ibn Arabî aura de nombreuses autres visions et apparitions, qui le guideront dans son évolution spirituelle. Il reçoit ainsi la visite d’Ibn Rushd en 1199, un an après la mort de celui-ci [sic], et est poussé par lui à quitter l’Espagne. A La Mecque en 1201, il a une véritable révélation théophanique et mystique auprès d’une jeune fille, Nizhâm. Celle-ci, comme le souligne H. Corbin dans son étude de référence sur Ibn Arabî, joue le même rôle pour lui que Béatrice pour Dante : elle est sa Sophia, l’incarnation même de la beauté du monde, de l’amour de Dieu et de la vérité que le mystique cherche à atteindre.

Développant dans ses écrits un véritable parcours mystique, Ibn Arabî est influencé par Al Hallaj [2] : il s’agit rien de moins que de se fondre en Dieu (c’est la fanâ’, la disparition de l’âme en Dieu). Le mystique doit accomplir un parcours spirituel qui passe par plusieurs étapes (maqâm), pour atteindre le Vrai et découvrir le sens caché (bâtin) des textes religieux. Pour cela, Ibn Arabî propose notamment une lecture mystique du Coran : son vrai sens résiderait dans les premières lettres qui ouvrent chaque sourate, et non dans le message en lui-même.

Il aura une grande influence : non seulement il fonde une école de spiritualité propre, qu’on appelle akbarienne, mais ses écrits sont repris par diverses autres confréries soufies. Il s’attache dans ses écrits à proposer une voie médiane apte à réconcilier les différentes confréries soufies, mais les forces centrifuges seront les plus fortes, et le soufisme ne se conjuguera qu’au pluriel.

Une pensée métaphysique

L’œuvre d’Ibn Arabî ne se laisse pas facilement appréhender. D’abord par son ampleur : c’est près de 850 ouvrages que le mystique andalou aura rédigés au cours de sa vie. Ensuite par sa difficulté : brassant philosophes grecs (notamment Platon, ce qui lui vaut le surnom de Ibn Aflatûn, le fils de Platon) et lectures contemporaines de ceux-ci, poèmes mystiques et ouvrages théologiques, il livre des textes pétris de référence et souvent délibérément écrits comme des énigmes que le lecteur devra percer. Les titres mêmes de ces œuvres tiennent davantage de la poésie que de la philosophie : citons Mawâqi al-Nujûm, Le couchant des étoiles, ou encore le Kitâb inshâ’ ad-dawâ’ir al-ihâtiyya, La production des cercles. On peut tout de même dégager quelques grandes lignes de force.

Ibn Arabî dégage trois modes d’accès à Dieu. Celle de la Sharîa, de la Loi, consiste à appliquer à la lettre les préceptes rapportés par le Coran, la Sunna et les hadîth : c’est la voie la plus répandue, la moins difficile, mais aussi la moins satisfaisante car l’on n’arrive qu’à une connaissance indirecte de Dieu, la connaissance directe devant attendre la mort. La voie de la Haqîqa, vérité métaphysique, est celle des philosophes qui tentent de comprendre les causes et les effets. Enfin, la voie de la Tarîqa (le chemin) est la voie spirituelle et exotérique qui seule peut mener à la « réalisation de la Vérité dans le cœur du croyant ». Cette voie mystique n’est pas à proprement parler irrationnelle pour Ibn Arabî, car précisément elle permet à l’esprit d’échapper à lui-même, d’aller au-delà de la raison charnelle (le nafs) et de ses limites, pour atteindre Dieu.

Les grands philosophes-médecins (Ibn Rushd, Ibn Sina/Avicenne, Maimonide) faisaient de l’étude des phénomènes un mode de connaissance de Dieu, alliant ainsi la science et la foi. Ibn Arabî reprend en partie cet héritage, mais en déplace les enjeux : Dieu a créé le monde, et se manifeste dans toutes les créatures. « Le monde est un miroir pour Dieu » écrit-il dans. Ibn Arabî ne s’oppose donc pas à la démarche scientifique d’un Averroès (contrairement à Al-Ghazalî), mais la considère comme incomplète, relevant de la Haqîqa. En sorte que le parfait croyant n’est plus celui qui cherche à élucider les phénomènes pour mieux connaître Dieu, mais celui qui comprend que le monde n’est qu’un miroir, et donc que les phénomènes ne sont que les reflets de Dieu. Alors que le philosophe étudie les œuvres de Dieu, le mystique, lui, « voit Dieu à l’œuvre » écrit Ibn Arabî.

Mais l’homme ne peut atteindre la réalité de Dieu, son essence : il ne peut le connaître qu’à travers Ses noms (le Miséricordieux, le Clément, le Pardonneur, le Juste,…). « Et Dieu apprit à Adam tous les noms » trouve-t-on ainsi dans le Coran (sourate 2, verset 31). La Création, pensée on l’a vu comme miroir, reflète les noms de Dieu sans pour autant les absorber : Ibn Arabî ne construit pas une lecture panthéiste de la nature, ce qui a souvent été reproché aux soufis par les oulémas musulmans. Certes Dieu se voit dans sa Création, mais comme reflet, sans que son essence ne se confonde avec les substances des choses. On pourrait dire qu’Ibn Arabî théorise une voie mystique modérée. Cette vision de Dieu renvoie directement à une pratique soufie, dans laquelle la récitation à l’infini des noms de Dieu (une pratique appelée zikr), associée à des danses, mène à un état de transe propice à des visions mystiques. L’autre pratique privilégiée est le concert spirituel (samâ), une récitation de poésie amoureuse.

Dans cette vision, l’homme est la créature privilégiée, la seule apte à recevoir la Révélation, car elle est la seule à résumer en elle tous les noms de Dieu : c’est la théorie dite de « l’homme parfait », un homme qui reproduit à son échelle le cosmos. Du coup, Ibn Arabî, réfléchissant sur l’essence divine et ses liens avec la création, est amené à construire la théorie dite de l’unicité de l’être, wahdat al-wujûd, qui sera systématisée plus tard par son disciple al-Qûnawî. Dieu est l’être absolu, le seul qui existe vraiment, alors que tous les autres étants sont à la fois contingents (ils auraient pu ne pas exister) et subordonnés (ils dépendent d’un autre étant). Seul Dieu est nécessaire, seul Dieu n’existe que pour lui-même. Cette notion reprend en l’amplifiant celle du tawhîd, l’affirmation de l’unicité divine (« il n’y a d’autre dieu que Dieu »), l’un des dogmes fondamentaux de l’islam.

D’où, au final, la place-clé de l’amour dans cette doctrine. Ibn Arabî propose une vision théophanique : l’amour profane est le support de l’amour divin. En sorte que Dieu ne s’incarne pas dans l’être aimé, mais que celui-ci reflète Dieu. « L’objet de l’amour, quel qu’il soit, est Dieu » écrit-il dans le Traité de l’amour. La principale capacité du mystique est l’imagination, c’est-à-dire précisément la capacité de voir les reflets divins dans les choses et les êtres, et de les aimer pour ça. Le soufi allie donc pratiques ascétiques – il méprise les richesses du monde, ce qui se manifeste par l’errance, le jeûne, la mendicité – et amour profond de la Création.

Conclusion

En construisant une doctrine extrêmement complexe et hermétique, Ibn Arabî participe puissamment de la structuration du soufisme et de son accomplissement comme science religieuse majeure. Au moment où Ibn Rushd réconcilie l’approche scientifique et la foi, Ibn Arabî propose quant à lui un mode d’approfondissement de la relation à Dieu à travers la voie mystique et ésotérique. Ibn Arabî, entre Al-Andalus et Damas, joue ainsi un rôle-clé dans la revivification d’un islam qui est sur le point de subir de plein fouet le choc mongol.

Bibliographie :

- M. Chodkiewicz, Le sceau des saints. Prophétie et sainteté dans la doctrine d’Ibn Arabî, Paris, 1986.

- H. Corbin, L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabî, 1993.

- Éric Geoffroy, Initiation au soufisme, Paris, 2004.

  • Arabie Saoudite
  • Syrie
  • Histoire
    Florian Besson - Agrégé d’histoire, élève à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, les recherches doctorales de Florian Besson portent sur la construction de la féodalité en Orient Latin, après un master sur les croisades.

Voir toutes ses publications

Notes :

[1] Philosophe et mystique persan né en 1058 et mort en 1111.

[2] Mystique persan né en 857 et supplicié à Bagdad en 922 en raison de ses opinions hétérodoxes.

Source : https://www.lesclesdumoyenorient.com/Ibn-Arabi.html

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  • Personnalité de l’émir Abdelkader (Abdelkader ibn Muhieddine – 1808-1883) décrite par Wikipédia
    Pour les articles homonymes, voir Émir Abdelkader (homonymie).
Abdelkader El-Djezairi

عـبـد الـقـادر الـجـزائـري

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Abdelkader ibn Muhieddine

Reproduction - Portrait de l’Émir Abdelkader par Jean-Baptiste-Ange Tissier, en 1852.

Nom de naissance Abdelkader ibn Muhieddine

عبد القادر بن محي الدين

Naissance 6 septembre 1808

El Guettana, Régence d’Alger

(Empire ottoman)

Décès 26 mai 1883 (à 74 ans)

Damas, Vilayet de Syrie

(Empire ottoman)

Grade Émir
Années de service 1832 – 1847
Conflits Conquête de l’Algérie par la France
Faits d’armes Bataille de la Macta

Bataille du Sig

Bataille de Sidi-Brahim

Bataille du Oued Aslaf

Bataille d’Agueddin

Bataille de la Sikkak

Bataille de Mascara

Bataille de l’Habrah

Distinctions Grand-croix de la Légion d’honneur

Ordre de Pie IX

1re classe de l’ordre du Médjidié

Ordre du Sauveur (grand-croix)

Abdelkader ibn Muhieddine (en arabe : عبد القادر بن محي الدين (ʿAbd al-Qādir ibn Muyiddīn), aussi connu comme l’émir Abdelkader, ou Abdelkader El Djezairi (Abdelkader l’Algérien), né le 6 septembre 1808 à El Guettana, dans la régence d’Alger, et mort le 26 mai 1883 à Damas, alors dans l’Empire ottoman et dans l’actuelle Syrie, est un émir, chef religieux et militaire algérien, qui mène une lutte contre la conquête de l’Algérie par la France au milieu du XIXe siècle.

Savant musulman et soufi, il se retrouve de façon inattendue à mener une campagne militaire. Il constitue un groupement de populations de l’ouest algérien qui, pendant de nombreuses années, résistent avec succès contre l’une des armées les plus avancées d’Europe. Son respect constant pour ce qu’on appelle désormais les droits de l’homme, surtout en ce qui concerne ses opposants chrétiens, suscite une admiration généralisée ; son intervention cruciale pour sauver la communauté chrétienne de Damas d’un massacre en 1860 lui amène des honneurs et des récompenses du monde entier. En Algérie, ses efforts pour unifier le pays contre les envahisseurs extérieurs le voient salué et qualifié de « Jugurtha moderne »1 et sa capacité à combiner autorité religieuse et politique, le conduit à être acclamé comme « prince parmi les saints, et saint parmi les princes »2.

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  • Conférence sur Ibn ʿArabi : ’Je crois en la religion de l’amour’ - Par Institut du monde arabe Conférences – Le 11/03/2020 (mis à jour le 22/07/2021 à 10:05)
    Docteur en sciences de l’Islam, mais aussi poète, philosophe, Ibn ʿArabi est considéré comme le pivot central de la pensée métaphysique de l’Islam.

Ibn ʿArabi

Ibn ʿArabi • Crédits : Wikimedia Commons - Getty

Référence majeure du soufisme, Ibn ʿArabi a fondé son enseignement sur le Coran et l’exemple prophétique. Dans Les Cinq Piliers de l’islam, anthologie thématique de son chef-d’œuvre, Les Révélations de La Mecque, il présente la signification intérieure des fondements de la religion musulmane : la profession de foi, la prière, le jeûne, l’aumône rituelle et le pèlerinage. Un écrit qui illustre que, bien loin de la récupération haineuse désormais répandue à des fins plus politiques que spirituelles, d’autres visions de l’islam sont possibles. 

Une rencontre enregistrée en janvier 2019.

Leili Anvar, maîtresse de conférences en langue et littérature persanes à l’Inalco

Abdallah Penot, traducteur de traités soufis et des sources musulmanes, créateur des éditions Alif et des éditions i, directeur de l’institut Asharite

Hassan Boutaleb, membre de la section scientifique de la fondation Emir Abdelkader, traducteur de traités soufis

Jean Annestay, éditeur et cofondateur des éditions i, codirecteur aux éditions Entrelacs de la collection Hikma sur le soufisme, auteur de l’essai Une femme soufie en Islam, Râbi’a al-’Adawiyya.

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Chrétiens d’Orient

Ibn Arabi, l’Esprit de Sainteté, avec Sakhr Benhassine.

Institut du monde arabe

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Allah au féminin : le féminin et la femme dans la tradition soufie

Représenter Mahomet : les évolutions de l’islam

Comprendre le fait religieux

Tags : Soufisme Islam – Religion musulmane Leili Anvar Le Coran Proche et Moyen-Orient Poésie arabe Idées Conférences sur la philosophie Conférences Religion et spiritualité

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  • Abdelkader, de ’meilleur ennemi de la France’ … à sauveur des chrétiens d’Orient - 15/02/2022 - Par Yann Lagarde
    Chef spirituel soufi, Abdelkader s’est battu durant une quinzaine d’années contre la colonisation de l’Algérie par les Français. Le chef arabe a su au fil du temps gagner le respect de ses adversaires, jusqu’à jouer un rôle crucial lors d’émeutes anti-chrétiennes à Damas, des années après.

5 min

Il fut “le meilleur ennemi” de la France. Abdelkader lutta pendant quinze ans contre l’occupation française en Algérie. Chef de guerre arabe, leader spirituel, père de la nation algérienne, il fut autant redouté qu’admiré des Français et inspira Victor Hugo et Arthur Rimbaud. Acteur de la paix religieuse, et de la réconciliation, il sauva aussi des milliers de chrétiens d’Orient du lynchage. 

Abdelkader naît en 1808, près de Mascara dans la province d’Oran, alors sous domination ottomane. Il est issu de la noblesse religieuse soufie, d’une lignée qui se revendique du prophète Mahomet.

Après la conquête d’Alger par les Français en 1830, il rejoint la rébellion qui s’organise. Orateur charismatique, il est désigné par les tribus comme Âmir al-Muminin “émir des croyants”.

Ahmed Bouyerdene, historien : ’Sa stratégie va être basée sur une guerre de harcèlement. Il dira : ’Je vais être une épine dans votre pied’ en parlant de cette puissance qu’il découvre au fur et à mesure. Il s’agissait pour l’émir d’unir des tribus, des langues différentes autour d’un seul idéal, celui du jihad face au conquérant étranger.’

Une guerre asymétrique

Il mène des raids, des actions de guérilla, et remporte plusieurs victoires face à une armée plus importante et mieux équipée. Face à l’influence grandissante de l’émir vêtu de blanc, les Français négocient plusieurs trêves fragiles, qu’ils rompent à chaque fois.

Durant ces quelques années, il unifie sous sa bannière de vastes territoires.
Il fonde les prémices d’un État Algérien, avec une armée rémunérée, une administration, un impôt, des instances de consultation.

Abdelkader se distingue par le traitement humain qu’il accorde aux prisonniers, établissant une charte du respect de leurs droits, en libérant certains sans contrepartie. 

Ahmed Bouyerdene :On le comparait à une sorte d’ogre du désert, de Barbe bleue et on se rend compte qu’on a face à soi, un esprit chevaleresque, un homme avec des principes, entouré de livres. Le capitaine de Saint-Hippolyte, rapporte à propos de l’émir : ’C’est un modèle éthique qu’on ne trouve pas ici en France’”.

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La Question du jour

Histoire de la colonisation française : comment notre regard a changé ?

En 1847, après plus de quinze ans de combat, Abdelkader, pris en tenaille, négocie de déposer les armes, contre un sauf-conduit en Orient. Mais la France trahit son engagement en le capturant et le transfère avec son entourage au château d’Amboise.

Une figure épique pour les orientalistes

Il reçoit le soutien d’intellectuels épris d’orientalisme et d’artistes romantiques, dont Victor Hugo, qui s’inquiète de son sort et compose un poème à sa gloire.

Ahmed Bouyerdene : ’L’émir Abdelkader est une figure littéraire, une figure romantique, une figure épique. Le jeune Arthur Rimbaud va commettre un poème d’éloge envers l’émir, qu’il considère comme le Jugurtha des temps modernes.’

Napoléon III, admirateur de l’émir, le fait libérer contre le serment de ne plus créer de troubles.

En 1860, de violentes émeutes antichrétiennes éclatent en Syrie, faisant des milliers de victimes. Abdelkader, s’interpose lui-même et sauve des centaines de chrétiens en les abritant dans sa propre demeure. Cette action lui vaut une reconnaissance internationale et de multiples distinctions, dont la grand-croix de la Légion d’honneur en France et deux revolvers que lui offre Abraham Lincoln.

La propagande coloniale tente de récupérer son histoire, en en faisant un récit positif d’assimilation.

Ahmed Bouyerdene : ’On ne peut pas imaginer une noblesse émanant de populations “barbares”. Donc l’émir, comme il est noble, comme il est remarquable, on va lui inventer une généalogie espagnole. On va dire qu’il n’est pas arabe, mais espagnol. Plus tard on dira que c’est un chrétien qui s’ignore. On va dire qu’il est étroit dans l’Islam, qu’il est mûr pour devenir chrétien.’

Malgré toutes ces tentatives de récupération, Abdelkader ne trahit pas son serment et reste en retrait de la vie politique. Le mystique soufi se consacre à la théologie et au dialogue interreligieux, jusqu’à sa mort, en 1883, à 74 ans, à Damas.

Après l’indépendance de l’Algérie, il est érigé en héros national par le FLN et ses cendres sont transférées à Alger.

Peu de figures historiques suscitent une telle aura des deux côtés de la Méditerranée… et même de l’autre côté de l’Atlantique, ou des colons américains ont fondé en 1846 la ville d’Elkader, inspirés par la lutte de l’émir.

À RÉÉCOUTER 47 min

Le Temps du débat

“Rapport Stora : la repentance est-elle un piège politique ?”

Yann Lagarde

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Guerre d’Algérie : Emmanuel Macron reconnaît que l’avocat algérien Ali Boumendjel a été ’torturé et assassiné’

Xavier Driencourt : ’Il faut normaliser la relation franco-algérienne mais pas la banaliser’

Les Accords d’Evian, et ensuite : après la guerre sans nom, une drôle de paix

Tags : Culture Prime Algérie Colonisation Chrétiens d’Orient Histoire

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  • À Amboise, la France rend hommage à son ’meilleur ennemi’, l’émir Abdelkader - Publié le : 05/02/2022 - 12:49 - Texte par : Grégoire SAUVAGE– Rapport Stora
    Illustration - La sculpture en hommage au héros national algérien, l’émir Abdelkader, créée par l’artiste Michel Audiard, a été vandalisée avant son inauguration à Amboise, le 5 février 2022. © Guillaume Souvant, AFP - 5 mn

Suivant une recommandation du rapport de l’historien Benjamin Stora, une stèle en hommage à l’émir Abdelkader, héros de la lutte contre la conquête française de l’Algérie, a été inaugurée samedi, à proximité du château d’Amboise. L’œuvre a été vandalisée peu avant la cérémonie.

C’est un nouveau geste symbolique, censé amener la France et l’Algérie sur le chemin de la réconciliation des mémoires. Une stèle rendant hommage à l’émir Abdelkader, figure de la lutte contre la colonisation et père de la nation algérienne, a été inaugurée, samedi 5 février, sur les bords de la Loire, à Amboise.

Qui était l’émir Abdelkader, à qui la ville d’ #Amboise rend hommage ? ⬇️ https://t.co/PrCWQzsziI - NR Tours (@NR_Tours) January 30, 2022

Signe que la démarche dérange, l’œuvre, intitulée ’Passage Abdelkader’ et signée de l’artiste tourangeau Michel Audiard, a été vandalisée avant l’inauguration, qui a tout de même eu lieu. Le maire d’Amboise, Thierry Boutard (DVD), a fait part de son ’indignation’.

L’histoire de la ville royale et son célèbre château construit au XVesiècle sont en effet intimement liés au destin épique de ce militaire algérien charismatique, savant et religieux. Un personnage ’passerelle’ entre l’Orient et l’Occident, selon Benjamin Stora, qui avait recommandé cet hommage à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie dans son rapport remis à Emmanuel Macron.

’C’est une personnalité qui s’impose dans l’optique d’un rapprochement des mémoires. Elle permet de souligner la complexité et les paradoxes de la relation dans l’espace colonial. À un moment, ennemi de la France, Abdelkader est devenu allié de la France’, rappelle l’historien Pascal Blanchard, joint par France 24.

Spécialiste du fait colonial, Pascal Blanchard a récemment proposé une liste de 318 noms pour apporter davantage de diversité dans l’espace public, dans laquelle figure celui de l’émir. ’Abdelkader coche toutes les cases pour entrer dans le panthéon des imaginaires’, glisse l’historien.

Issu d’une famille de l’aristocratie religieuse, Abdelkader est choisi par les tribus de l’Ouest algérien en 1832 pour organiser la résistance contre l’envahisseur français. Passé maître dans l’art de la guérilla, il dirige des campagnes de harcèlement efficaces mais se révèle aussi un habile négociateur.

De la résistance à l’exil

Pendant 15 ans, Abdelkader mène la vie dure aux colonisateurs, leur infligeant des défaites célèbres comme lors de la bataille de la Macta, en 1835. Acculé militairement, lâché par le Maroc sous la pression des Français, il est finalement contraint de capituler, en décembre 1847, face aux troupes d’Henri d’Orléans, gouverneur général de l’Algérie.

L’émir propose alors sa reddition à une condition : pouvoir se retirer à Alexandrie ou à Acre. Au mépris de la parole donnée, il est emmené en France, à Toulon puis Pau, avant d’être interné au château d’Amboise.

’C’est une longue tradition française que d’éloigner du champ colonial les personnalités qui s’y opposent’, souligne Pascal Blanchard, citant notamment le cas Abdelkrim el-Khattabi, rebelle marocain, exilé sur l’île de La Réunion en 1926.

Abdelkader arrive à Amboise en novembre 1848 avec une suite d’une centaine de personnes : membres de sa famille, compagnons et domestiques. Arrachés au désert, ses fidèles souffrent de conditions de vie difficiles dans ce château glacial et insalubre. Plusieurs membres de la suite meurent pendant leur détention.

Inauguré en 2005, un jardin d’Orient, situé dans l’enceinte du château d’Amboise, composé d’un cénotaphe et de vingt-cinq stèles gravées contemporaines, symbolise ces destins tragiques.

Pendant sa détention, l’émir se consacre à l’étude, l’écriture, la méditation et la prière. Pour rendre plus supportable la captivité, le capitaine Boissonnet, en charge des prisonniers, autorise l’appel du muezzin cinq fois par jour depuis la tour Garçonnet.

Puis en 1851, Adbelkader est autorisé à sortir du château pour des promenades sous surveillance pendant lesquelles il converse avec les habitants. Et hier comme aujourd’hui, les locaux lui vouent un profond respect.

’Tout le monde aime, respecte et estime l’émir à Amboise’, assure l’écrivaine amboisienne Martine Le Coz, auteure du livre ’Le Jardin d’Orient’ (éditions Michalon), contactée par France 24. ’Il avait notamment de longues conversations avec l’abbé Rabion. C’était un grand érudit et un initiateur du dialogue interreligieux. Déjà, pendant la guerre, il s’était rapproché de l’évêque l’Alger pour écrire une charte sur la manière de traiter les prisonniers de guerre’.

Héros d’une histoire commune

Abdelkader obtient finalement sa libération auprès de Napoléon III en 1852, en échange de sa promesse de ne jamais retourner en Algérie.

Il deviendra par la suite un interlocuteur de premier plan pour la France dans le monde arabe. En 1860, il accède à une reconnaissance internationale en jouant un rôle capital pendant des manifestations anti-chrétiennes à Damas, en Syrie, s’interposant entre les émeutiers et leurs victimes.

Cinq ans plus tard, il est reçu à Paris avec tous les honneurs du Second Empire, puis il est invité à l’inauguration du canal de Suez. L’ancien ennemi est devenu un allié de poids et son image de sage emporte l’adhésion des élites françaises, notamment franc-maçonnes.

Avec ce nouvel hommage dédié à l’émir Abdelkader, figure de tolérance et d’ouverture d’esprit, de droiture et de magnanimité, l’Élysée veut donc symboliser la possibilité d’une réconciliation entre les deux pays.

Cependant, dès l’annonce du projet l’année dernière, une pétition lancée par une cinquantaine d’intellectuels algériens s’était opposée à ’ce détournement’ d’un patrimoine qui ’appartient à notre pays, à notre peuple et à tous les peuples qui ont résisté aux entreprises coloniales’.

’Nous avons peut-être des mémoires différentes mais nous avons une histoire commune’, estime, pour sa part, Pascal Blanchard, qui pointe ici les critiques d’une petite minorité. ’Ce serait une erreur de penser que chacun doit avoir des héros qui lui ressemble’.

>> Excuses, réparations : le rapport Stora sur l’Algérie réveille d’éternelles frictions

>> Rapport Stora sur la guerre d’Algérie : ’Des travaux pratiques plutôt que des excuses politiques’

Tags : Algérie France Colonisation Emmanuel Macron Histoire Château d’Amboise

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Quand l’Europe ferme les yeux : vie et mort en Méditerranée - Habitat & Citoyenneté

Source : https://www.france24.com/fr/france/20220205-%C3%A0-amboise-la-france-rend-hommage-%C3%A0-son-meilleur-ennemi-l-%C3%A9mir-abdelkader

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  • Abdelkader (1807-1882) notre f l’émir - Bruno Étienne – Dans la revue ‘La chaîne d’union2008/2 (N° 44), pages 58 à 67 - Photo
    La France a fait de l’homme qu’on appelle Abdelkader (de son vrai nom ‘Abd al-Qadir ben Muhyi al-Din al-Hasani al-Gaza’iri) le héros d’une image d’Épinal : le rebelle algérien vaincu par le général Bugeaud puis, emmené en captivité, converti aux lumières occidentales. Il deviendra même franc-maçon. La réalité est plus complexe, encore faut-il faire un effort pour bien saisir cette personnalité aux multiples facettes.

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1 Une tradition musulmane veut que Dieu, dans son infinie bonté, envoie, tous les siècles, un homme, saint et savant – ce qui va de pair en islam – pour rectifier la tendance des hommes à s’écarter de la conduite mohamédienne, ce qui les fait sombrer dans la Jahiliyya, l’esprit d’un monde sans esprit. Je ne doute pas qu’au XIXème siècle, cet envoyé ait été l’émir Abdelkader. Voici sa vie, chronologiquement :

2 1808 : naissance à la Guetna, en Oranie, où il vit jusqu’en 1822.

3 1822 : séjour à Oran.

4 1828 : voyage en Orient avec son père (plusieurs dates sont avancées dans une fourchette pour le départ et le retour : 1823-1827 et/ou 1829-1830).

5 1830 (juillet) : début de la conquête de l’Algérie par la France.

6 1832-1847 : résistance d’Abdelkader.

7 22 février 1834 : traité Desmichels.

8 30 mai 1837 : traité de la Tafna.

9 13 mai 1843 : prise de la Smala.

10 14 août 1844 : bataille d’Isly.

11 1848-1852 : internement d’Abdelkader en France : Toulon, Pau puis Amboise.

12 1853 : séjour en Turquie, à Brousse.

13 1855 : installation à Damas (55-83).

14 1860 : il protège des chrétiens lors d’émeutes à Damas.

15 1863-34 : deuxième pèlerinage à La Mecque. Il demeure un an au Hejaz.

16 1865 : voyage en France

17 1867 : voyage en France et en Angleterre.

18 1869 : il assiste à l’inauguration du canal de Suez.

19 26 mai 1883 : mort à Damas.

20 5 juillet 1966 : transfert des cendres et inhumation au cimetière d’El Alia à Alger.

Un saint, un savant, un poète, un héros, mais aussi un militaire et un homme d’État : chacune de ces facettes de sa vie est tellement pleine qu’elle peut contenter celui qui veut ne voir que cela

21 Le paradoxe de la vie de ce grand homme qui fut tout à la fois un saint, un savant, un poète et un héros, sans insister sur ses qualités connues de militaire et d’homme d’État, tient en fait que chacune des parties de sa vie est tellement pleine qu’elle contente ceux qui veulent mettre en valeur un seul de ces aspects : par exemple, les nationalistes algériens se satisferont de son action politique, tandis que les mystiques ou les musulmans pieux mettront en valeur son œuvre ésotérique et son comportement à la fois de croyant et d’émir…

22 Comme si l’une de ses actions pouvait être étrangère à l’autre ! C’est donc parce qu’il est avant tout musulman qu’il va s’opposer aux Français pendant plus de quinze ans et qu’il sauvera les chrétiens en 1860. Il dit à tous ses visiteurs : « Comme vous avez pu le discerner dans le miroir de notre conversation, je n’étais pas né pour être un guerrier… je ne cesse de prier Dieu de me laisser revenir vers ma vocation. ».

23 Bien plus, les Français ont érigé Abdelkader en héros d’image d’Épinal honorant une France qui, après l’avoir combattu militairement, essaya sans succès de l’impliquer dans des projets impérialistes qu’il repoussa, sans jamais cependant revenir sur le serment de fidélité qu’il avait fait à la France.

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24 Cette ambiguïté (dont le sommet est atteint dans l’ouvrage d’Azan au sous-titre stupéfiant alors que c’est un ouvrage très sérieux sur le plan historique : « du fanatisme musulman au patriotisme français ») apparaît constamment dans les bibliographies qui lui sont consacrées, en français comme en arabe – et même en anglais : ainsi, l’Encyclopaedia Universalis lui consacre tout juste deux colonnes, alors qu’à la page suivante, Abdelkrim, le héros marocain de la guerre du Rif, a droit, lui, à trois colonnes. L’émir n’est guère mieux traité dans l’Encyclopédie de l’Islam qui ne signale même pas son Kitab al-Mawafiq.

25 Il est donc possible de faire une double lecture d’Abdelkader : celle de l’homme public, relativement bien connu pour sa période algérienne et son séjour en France, et celle de l’homme privé, compris selon les catégories que l’Islam mystique propose et qu’Abdelkader lui-même développa, celle de l’ésotérisme et de la mystique. Cette partie de sa vie est mieux connue et approchée au Machreq et surtout en Syrie.

L’homme public, assez bien connu maintenant (mais pas forcément bien compris) grâce aux chercheurs et historiens français et algériens, et l’homme privé, ces deux aspects indissociables de sa personnalité se découvrent dans son œuvre littéraire

26 La présence de ces deux aspects – indissociables – de sa personnalité peut se découvrir à travers son œuvre poétique et religieuse. L’activité intellectuelle d’Ab-delkader n’a jamais fait de doute : ses contempteurs et ses ennemis de l’époque de la résistance en Algérie (1832-1847) relèvent tous l’importance de la culture philosophique, théologique d’Abdelkader qui emmène toujours avec lui, quelles que soient les circonstances, une bibliothèque. Celle-ci, qui sera pillée et dispersée par la soldatesque coloniale, a été immortalisée dans l’imagerie d’Épinal par la série de gravures sur « la prise de la Smala. »

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27 Il faut attendre 1903 pour que son fils, l’émir Mohammad, publie à Alexandrie une histoire (partielle) de la vie de son père, dans laquelle il tente d’insérer des poèmes qui seront ensuite publiés sous le titre Diwan. Ce recueil de près de 760 poèmes traite de tous les sujets qui préoccupèrent l’émir de 1832 à 1883.

28 La vie spirituelle d’Abdelkader ne se consume pas dans la fuite mais dans la présence au monde. En 1832, il proclame le jihad, pris ici au sens de guerre juste alors qu’Abdelkader pratique le grand jihad, c’est-à-dire la guerre contre les passions. C’est en effet parce qu’il est musulman convaincu qu’il devient un guerrier, un soldat, pour défendre le dar al-Islam, ce qui, contradictoirement ou dialectiquement, va le conduire à créer un État relativement indépendant bien qu’éphémère et qui va faire de lui le fondateur de la nation algérienne.

29 Abdelkader regrette que les Turcs abandonnent la partie trop rapidement face à l’agression française qui, outre son caractère impérialiste – aspect qui n’est pas maîtrisé par les acteurs de l’époque –, revêt un caractère insupportable puisque émanant des infidèles.

30 Après la prise d’Alger (5 juillet 1830), les Turcs, en effet, sauf dans le Constantinois, ne menèrent pas un combat acharné contre les Français. Aussi, c’est d’abord contre les milices du bey turc qu’Abdelk-ader, proclamé sultan des Arabes et Amir al-Muminin par les tribus d’Oranie, va se battre, puis, pendant quinze ans (1832-1847), contre les Français.

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31 Il faut toutefois distinguer deux périodes très différentes dans ces quinze années. Dans une première période qui va jusqu’en 1838, Abdelkader assoit la souveraineté d’un État nouveau sur les deux tiers de l’Algérie avec, en partie, le soutien équivoque de la France qui espérait instaurer grâce à lui un protectorat.

32 Dans un deuxième temps, jusqu’en 1847, date de sa reddition, ce fut au contraire un combat sans merci dans lequel vont s’opposer, à travers une innovation qui fera ensuite fureur dans l’Histoire (la guérilla), deux civilisations dans un rapport de forces inégal, car la France dut mobiliser contre lui ce qui était, à l’époque, la plus forte armée du monde, et utiliser des méthodes qui ne font pas forcément honneur à notre pays.

À l’époque où Hegel n’avait pas encore fait accepter partout le concept d’État, Abdelkader va jeter les fondements islamiques d’un État nouveau : il fonde une capitale, crée un impôt, bâtit une armée et supprime les distinctions entre tribus

33 Par-delà le détail de la chronologie, ces deux points me paraissent devoir être soulignés : Abdelkader va jeter les fondements islamiques d’un État nouveau : cette expérience est d’autant plus extraordinaire qu’elle n’est pas courante en 1830 (rappelons-nous que Hegel imagine à peine l’État qui deviendra le modèle unique que nous connaissons, alors que l’Allemagne et l’Italie n’existent pas encore en tant qu’États-nations unifiés). Or Abdelkader supprime les distinctions traditionnelles entre les tribus, perçoit l’impôt sous la forme de la dîme coranique, crée une véritable armée et fonde une série de places fortes et une capitale, Takdemt, sur le lieu même de l’ancienne capitale des Rostimides, Tahert.

34 Il remporta même quelques victoires (le fameux combat de la Macta, en juin 1835) mais, devant l’abandon de beaucoup des siens divisés sur l’opportunité de discuter avec les Français et, plus encore, hostiles à cette unification qu’impliquait la politique d’Abdelkader, il se laissa aller à signer le traité de la Tafna -30 mai 1837-, dans lequel il fut trompé par Bugeaud (celui-ci se comportant d’ailleurs d’une façon si vénale que l’étrange marché fit l’objet d’un procès, le bouillant général ayant extorqué 180 000 francs à l’émir).

35 C’est un an après qu’intervient le deuxième aspect extraordinaire de cette aventure. En novembre 1839, Abdelkader envahit la Mitidja et, pendant trois ans, va s’engager dans une guerre de mobilité que l’on peut comparer à celle qui opposa, trente-cinq ans auparavant, les Espagnols aux armées napoléoniennes.

36 Abdelkader utilisa des techniques surprenantes à son époque pour pallier son infériorité numérique et obligea ainsi Bugeaud et ses officiers à s’engager dans une guerre dont les méthodes, par-delà la légende de la casquette du « père Bu-geaud », ne constituent pas une gloire pour l’armée française.

37 Abdelkader doit se réfugier au Maroc où le Sultan, dont l’armée est vaincue à la bataille de l’Isly en août 1844 tandis que Tanger et Mogador sont bombardés par les puissances européennes, doit se résigner à déclarer Abdelkader hors-la-loi.

38 Ce point d’ailleurs fait l’objet d’une controverse historique, y compris sur le plan religieux : plusieurs « fatwa » portent sur ce sujet dont l’une émane des ‘Ulama de Fès dont nous avons plusieurs traductions et sur laquelle je travaille avec le professeur M. Tozy car il s’agit d’un véritable traité de droit public.

39 Mais Abdelkader, cantonné à la frontière algérienne, profite d’une révolte confrérique – en 1845 – pour réorganiser la guérilla en Algérie. Toutefois, ses succès sont trop aléatoires et, cette fois, le sultan du Maroc le fait pourchasser : l’émir doit se rendre aux Français le 23 décembre 1847.

40 Commence alors une période d’exil contradictoire dans ses effets car, à la fois, contrairement aux promesses qui lui ont été faites, Abdelkader est retenu prisonnier en France et, en même temps, il réfléchit, étudie, reçoit des dizaines de visiteurs, organise la première rencontre islamo-chrétienne et, surtout, correspond avec toute l’Europe. Il écrit des textes importants à l’usage des Français.

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Lâché par le sultan du Maroc, Abdelkader se rend et est emmené en France où il se met à réfléchir, recevoir, correspondre avec toute l’Europe, découvrant un monde nouveau. Napoléon III le libère puis cherche à l’instrumentaliser au Proche-Orient

41 Napoléon III, qui pense sans doute déjà à ses projets d’Empire arabe, lui annonce le 16 octobre 1852 que la France l’autorise à s’installer en Turquie, et, en même temps, elle va lui verser une pension suffisamment importante pour que certains auteurs aient pu émettre des opinions malveillantes sur lesquelles j’aurai à revenir.

42 Abdelkader séjourna donc quelques temps à Brousse avant de s’installer, en 1855, à Damas, où il vivra jusqu’à sa mort, sauf pendant ses séjours en Arabie.

43 C’est à ce moment et plus exactement lors des émeutes antichrétiennes qui se produisent à Damas en 1860, que va se constituer l’hagiographie française d’Abdelkader. C’est en effet son geste de protection envers les chrétiens qui lui valut d’être couvert d’honneurs par l’Europe.

44 Napoléon III rêvait de reconstituer un empire arabe au Proche-Orient mais, lors de l’expédition française en Syrie (1860-61), il se heurta à un refus catégorique d’Abdelkader dont il voulait faire l’empereur du Bilad al-Sham (la grande Syrie).

45 Mais c’est en conséquence de l’action d’Abdelkader pendant cette période que se situe un des épisodes les plus controversés de la vie d’Abdelkader : son adhésion à la Franc-maçonnerie, sur laquelle les opinions divergent et dont je pense que l’on peut faire une lecture double comme celle que j’ai proposée dans mes différents ouvrages [1][1]Abdelkader et la franc-maçonnerie suivi de Franc-maçonnerie et… : une lecture publique et une lecture ésotérique.

46 C’est là le secret de l’attitude du « soufi », comme du chevalier Kaddosh ou du Bodhisattva, qui recule sa délivrance pour servir ! Cette posture a été jugée ambiguë par certains : il vit en effet une sorte d’incognito spirituel alors même qu’il joue son rôle dans les affaires publiques mais comme s’il était absent… Max Weber appelait cet “idéal-type” : la virtuosité religieuse intra ou extra mondanité… Inne-rweltlich/Ausserweltlich.

47 Le seul moteur d’Abdelkader tient dans sa conviction qu’il faut goûter les manifestations de la présence divine dans les circonstances « douces et amères ». Toutes ces actions, forts différentes au point d’apparaître, aux yeux de certains, comme incompréhensibles ou contradictoires voire incompatibles, sont motivées par sa conviction « qu’il n’est rien qui n’ait un sens a divinis ».

48 Mais, par-dessus tout, comme son maître le cheikh al-Akbar Muhy al-Din ‘ibn ‘Arabi, il professe et pratique une tolérance et une ouverture aux autres que l’on aimerait bien voir appliquée par nos contemporains, y compris par certains de nos frères.

49 L’émir écrit dans ses poèmes métaphysiques :

50 « Seul peut savoir ce que je dis ici l’initié dont l’être et le rang sont passés au-delà du monde et de l’existence

51 et, dans sa lettre exotérique aux Français :

52 La religion est unique. Si les musulmans et les chrétiens me prêtaient l’oreille, je ferais cesser leurs divergences et ils deviendraient frères à l’intérieur et à l’extérieur… »

La plupart des soufis croient à l’égalité (l’unité transcendante) des religions, tout au moins ils admettent que chaque voie, chaque tradition spirituelle, peut mener l’Homme à Dieu

53 L’extraordinaire tolérance religieuse de l’émir tient de son adhésion aux thèses et théories de son maître Ibn ‘Arabi, il écrit :

54 Tantôt tu me vois musulman et quel musulman !
Parfaitement sobre et pieux, humble et toujours suppliant
Tantôt tu me vois courir vers les églises,
serrer fort une ceinture sur mes reins
Je dis « au nom du Fils » après « au nom du Père » et par l’Esprit
L’Esprit saint : c’est là l’effet d’une quête et non d’une duperie !
tantôt dans les écoles juives tu me vois enseigner
Je professe la Tora et leur montre le bon chemin…

55 Il rappellera toute sa vie ce type d’affirmation qui explique à la fois son comportement ultérieur à l’égard des chrétiens du Liban mais aussi toutes ces relations qu’il entretiendra avec ses nombreux visiteurs, aussi bien en France qu’à Damas, et son attention à toutes les formes de spiritualité qui le pousseront jusqu’à des attitudes jugées hétérodoxes par certains musulmans encore aujourd’hui.

Abdelkader fut un homme de son temps certes, mais un homme accompli (al-Insan al-Kamil) éclairé, lucide, illuminé et lumineux

56 En particulier, certains le soupçonnent de penser que toutes les religions se valent, alors qu’à leurs yeux l’islam est bien « la clôture de la Prophétie »… ce que l’émir ne conteste pas d’ailleurs, mais il le dépasse :

57 « Je ne cesse d’être au sujet de moi, dans la folie et l’éblouissement
En moi est toute l’espérance des hommes
Pour qui le veut le Coran
Pour qui le veut le livre discriminateur
Pour qui le veut la Tora
Pour tel autre Évangile
Pour qui le veut mosquée où prier son Seigneur
Pour qui le veut synagogue
Pour qui le veut cloche ou crucifix
Pour qui le veut Kaaba dont on baise pieusement la pierre
Pour qui le veut images
Pour qui le veut idoles
Pour qui le veut, une retraite où vivre solitaire
Pour qui le veut guinguette où lutiner les biches… »

58 Je rappelle que c’est sur ce thème que se construisit l’article 1er des Constitutions d’Anderson : la liberté du choix religieux… Rûmî allait encore plus loin : « Viens, viens, qui que tu sois, infidèle, religieux ou païen, peu importe ! »

59 Bruno Étienne

Abdelkader fut franc-maçon, et quatre de ses fils aussi

Abdelkader avait déjà fait l’objet de jugements très positifs parmi les intellectuels lors de son séjour forcé en France après sa défaite algérienne, tant il avait fait preuve de tolérance. Installé à Damas, il reçoit les saint-simoniens, le baron de Rothschild, Ferdinand de Lesseps, des soyeux de Lyon et nombre de francs-maçons…
Mais c’est à l’occasion des évènements tragiques de 1860, où il sauve des milliers de chrétiens du massacre, que toute l’Europe le couvre de gloire. Le Grand Orient de France prend officiellement langue avec lui par l’intermédiaire de deux loges : Henri IV et La Sincère Amitié. Il répond favorablement à l’invite de la loge Henri IV dans une lettre d’avril 1861 et répond aux quatre questions traditionnelles adressées aux postulants. Ses réponses se trouvent aux archives d’Aix-en-Provence sous la cote 139 APOM 3/14/3.

Les francs-maçons espèrent se servir de la notoriété de l’émir pour s’implanter au Machreq et Abdelkader espère passer par cette institution pour féconder l’Orient de la technologie occidentale et, en retour, féconder l’Occident de la spiritualité qui semble lui faire défaut. La relation dialogique est donc ambiguë dès le départ !
Comme il revient du Hejaz en 1864 (il a passé un an à la Mecque et à Médine), la loge Henri IV obtient de la loge Les Pyramides à Alexandrie qu’elle donne l’initiation à Abdelkader par délégation, ce qui sera fait en août 1864. Puis, lorsqu’il viendra en France en 1865, il sera reçu à Paris, rue Cadet, et il confirmera son choix.

Au moins quatre de ses fils seront « faits maçons » dans des Obédiences différentes. Mais il refusera jusqu’au bout le jeu politique que la France voulait lui faire jouer en Syrie, alors que ses disciples seront parmi ceux qui participeront à la Nahda, la réforme de l’Islam – une chose que les francs-maçons ne pouvaient imaginer tant ils étaient ignorants des enjeux consécutifs à l’effondrement de l’empire ottoman.

Note [1]Abdelkader et la franc-maçonnerie suivi de Franc-maçonnerie et ésotérisme, Dervy, 2008.

Mis en ligne sur Cairn.info le 28/05/2021 - https://doi.org/10.3917/cdu.044.0058

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Source : https://www.cairn.info/revue-la-chaine-d-union-2008-2-page-58.htm

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Biographie

Naissance 24 octobre 1908

Florence

Décès15 janvier 1984

(à 75 ans)
Lausanne

NationalitéSuisse
Activités Philosophe, écrivain, historien, historien de l’art
Père Carl Burckhardt (en)
Autres informations
Religion Islam
Influencé parFrithjof Schuon, René Guénon, Pérennialisme

Titus Burckhardt (1908-1984) est un métaphysicien traditionaliste suisse, membre de premier plan de l’école pérennialiste. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la métaphysique, la cosmologie, l’anthropologie, l’ésotérisme, l’alchimie, le soufisme, le symbolisme et l’art sacré.

Biographie

Issu d’une famille patricienne de Bâle1, Titus Burckhardt est le fils du sculpteur Carl Burckhardt (1878-1923) et le petit-neveu de Jacob Burckhardt (1818-1897), historien de l’art et spécialiste de la Renaissance ; son arbre généalogique comprend également Jean-Louis Burckhardt (1784-1817), l’explorateur qui a découvert la ville nabatéenne de Pétra et les temples égyptiens d’Abou Simbel2,3. Il naît à Florence le 24 octobre 1908 et, l’année suivante, la famille s’installe à Bâle4. Lors de ses études primaires il côtoie Frithjof Schuon, qui deviendra l’ami de toute une vie2. En 1920, la famille quitte Bâle pour Ligornetto dans le canton suisse du Tessin, où son père décède trois ans plus tard5.

Vers 1927, Burckhardt entame des études de peinture, de sculpture et d’histoire de l’art à Munich et à Paris6. Attiré par un mode de vie traditionnel que l’Occident ne peut lui offrir, il profite des vacances pour se rendre au Maroc (1928 ou 1929), où il se consacre au dessin et à la peinture. Il est subjugué par ce séjour qui voit s’amorcer les premiers pas de sa quête spirituelle. À son retour, il découvre l’œuvre du métaphysicien français René Guénon, dans laquelle « il trouve la clé du monde qui l’avait ébloui »7.

Début 1933, Burckhardt retourne au Maroc à la recherche d’un maître spirituel8. Il se convertit à l’islam et apprend l’arabe9, ce qui lui permettra d’assimiler les classiques du soufisme dans leur langue originale10. Après certaines déceptions, sa recherche le conduit à Fès où il fait la connaissance du cheikh Alî al-Darqâwî8, petit-fils et successeur spirituel de Moulay al-Arabî al-Darqâwî (†1823), le rénovateur de l’ordre shâdhilite11. Il est initié par le cheikh et intègre la tarîqa Darqawiya12. Pour tenter de subvenir à ses besoins, il acquiert un troupeau de moutons qu’il installe dans les campagnes du Moyen-Atlas, ce qui n’améliorera que peu sa précarité économique13. Parallèlement, il suit un apprentissage dans la création de zelliges chez un maître artisan fassi, qui le presse à mémoriser la Alfiyyad’Ibn Malik, un poème didactique de mille vers qui décline toutes les règles de la grammaire arabe ; Burckhardt lui en sera toujours reconnaissant14.

Début 1935, il reçoit la visite à Fès de Frithjof Schuon, qui revient de la zaouia du défunt cheikh al-Alawî de Mostaganem15. Schuon avait été initié par ce cheikh shâdhili en 193216 et Burckhardt ne tarde pas à se rendre compte que le guide qui lui est prédestiné n’est autre que son ami d’enfance17. La totale insertion de Burckhardt à la vie locale le rend suspect aux yeux des autorités françaises, qui le somment de quitter le pays ; il rentre donc à Bâle au printemps 193518. Ce retour au pays marque le début de la relation épistolaire entre Burckhardt et René Guénon19, ainsi que son rattachement à la tariqa de Schuon17. Celui-ci, qui réside alors en France, demande à Burckhardt de s’occuper de la direction spirituelle de ses disciples bâlois17.

De 1936 à 1938, Burckhardt étudie l’histoire de l’art et les langues orientales à l’université de Bâle19. L’année 1937 marque le début de sa collaboration à la revue d’inspiration guénonienne Études traditionnelles20, dans laquelle il publie des articles sur l’art traditionnel, en particulier hindou, chrétien et musulman, sur l’alchimie, la cosmologie et l’astrologie traditionnelles, le folklore, ainsi que sur divers symbolismes. Un bon nombre de ces articles ont été réunis plus tard dans deux ouvragesNote 1. La revue publie également ses traductions de traités soufis d’al-Ghazâlî, d’Ibn Arabî, d’Abd al-Karîm al-Jîlî et d’al-Arabî al-Darqâwî21. Pour le professeur pakistanais Muhammed Suheyl Omar, Burckhardt est l’un des seuls auteurs à avoir, non seulement exposé, mais aussi assimilé la métaphysique d’Ibn Arabî22, ce que confirme l’islamologue iranien Hossein Nasr23, qui affirme en outre que l’œuvre burckhardtienne a contribué à l’intérêt que l’Occident manifeste pour Ibn Arabî depuis la seconde moitié du XXe siècle9.

Il se marie en 193924. Peu après, la maison d’édition suisse alémanique Urs Graf sise à Olten et à Bâle, spécialisée dans la reproduction de manuscrits enluminés du Moyen Âge, l’engage comme directeur artistique et directeur de collection ; il y demeurera jusqu’à sa retraite en 196825. Ses langues de travail sont l’allemand, le français, l’arabe, le latin, l’anglais et l’italien26. Le couple s’installe à Berne, à mi-chemin entre Olten et Lausanne où réside Schuon27. La qualité des ouvrages publiés par Urs Graf confère à cet éditeur une renommée mondiale dans son domaine28 et en octobre 1950, à l’occasion d’une audience privée, Burckhardt remet au pape Pie XIINote 2 les trois volumes d’un fac-similé en quadrichromie du célèbre Livre de Kells (Evangeliorum quatuor codex Cenannensis), évangile de tradition celtique de l’an 800, publié par sa maison d’édition29,30.

En 1952, le couple déménage à Lausanne27 où Burckhardt fonde la succursale romande d’Urs Graf31 et crée la collection Stätten des Geistes (« Hauts lieux de l’esprit »), pour laquelle il écrit et illustre trois ouvrages (Sienne ville de la Vierge, Fès ville d’islam et Chartres et la naissance de la cathédrale), qui viennent compléter, dans la même collection, ceux sur le Mont Athos, le Sinaï, l’Irlande celtique, Constantinople et Kyoto32. Il publie chez d’autres éditeurs en 1951, 1958 et 1960 trois ouvrages clés : Introduction aux doctrines ésotériques de l’islam, Principes et méthodes de l’art sacré et Alchimie, sa signification et son image du monde33. À la suite de Guénon, Coomaraswamy et Schuon, Burckhardt s’affirme comme un des grands porte-parole de la philosophia perennis du XXe siècle, « cette « sagesse incréée » qui s’exprime dans le platonisme, le Vedânta, le soufisme, le taoïsme et les autres authentiques enseignements ésotériques et sapientiels »34. Historien et philosophe de l’art35, ésotériste engagé dans une voie soufie, métaphysicien et artiste36, il voue, selon le philosophe William Stoddart, son activité d’écrivain à l’exposé « des différents aspects de la Sagesse et de la Tradition »37.

Le Maroc ayant recouvré son indépendance (1956), Burckhardt y retourne régulièrement à partir de 196038. En 1972, de concert avec le gouvernement marocain, l’UNESCO le délègue à Fès comme responsable du plan de restauration et de réhabilitation de la médina et de son patrimoine religieux, ainsi que de son artisanat39. Il y restera cinq ans, conscient que la ville ancienne représente le modèle d’urbanisme islamique40 sans doute le mieux préservé, et qu’une fois réhabilitée, Fès « pourrait devenir une référence quant à la continuité d’un modèle urbain traditionnel capable d’évolution tout en gardant ses qualités intrinsèques »41. Les deux premières années, muni d’une planche à dessin et d’un appareil photographique, Burckhardt répertorie seul les bâtiments notables, tant religieux que profanes, de l’extérieur comme de l’intérieur, afin d’évaluer leur état de conservation42. Les trois années qui suivent le voient conduire une équipe interdisciplinaire chargée d’établir un schéma directeur pour la réhabilitation des monuments et du tissu urbain, y compris l’artisanat, « dont le rôle est de façonner un cadre de vie laissant transparaître les valeurs de l’esprit »43. Le « Schéma directeur d’urbanisme de la ville de Fès » est adopté et publié par l’Unesco en 198044.

Durant sa mission à Fès, à la demande des organisateurs du Festival du monde de l’islam (Londres, 1976) — dont il deviendra l’une des forces directrices45 —, Burckhardt rédige un ouvrage général sur l’art musulman, Art of Islam : Language and Meaning46. En tant que spécialiste de l’art et de l’urbanisme traditionnels, il est régulièrement invité à donner des conférences en Orient comme en Occident et à animer ou à participer à des séminaires47,48. L’islamologue Jean-Louis Michon, qui l’a bien connu, décrit ainsi ses qualités d’orateur :

« En tant que conférencier, il faisait preuve d’un rare don pédagogique. Grâce à son humilité naturelle, il savait se mettre à la portée du commun des hommes. Sans jamais tomber dans la simplification ou la vulgarisation, il parvenait à présenter avec clarté des idées-clés, des notions fondamentales qu’il développait sous plusieurs angles avec une bienveillante lenteur [...]. En une heure de causerie prononcée d’un ton tranquille, coupée de silences qui n’avaient rien d’hésitant mais facilitaient la réflexion et l’assimilation, il exposait quelques grands thèmes, illustrés chacun par des exemples particulièrement frappants49. »

Pour le professeur Hossein Nasr, « Burckhardt est le premier Occidental qui a pu exposer sérieusement le sens profond de l’art islamique50 » et, toujours selon Nasr, c’est en bonne partie grâce à son influence que les universités d’Europe et d’Amérique ont ouvert des programmes d’étude sur l’art et l’architecture islamiques51. Ses compétences en ce domaine décident l’Arabie saoudite à le mandater comme conseiller dans l’élaboration des plans d’un campus universitaire à La Mecque. C’est ainsi qu’en 1978 et 1979 il supervise, aux côtés du Prix Nobel égyptien Hassan Fathy et de Jean-Louis Michon, le bureau d’architectes américain chargé des plans afin que soient respectés les principes et l’esprit de l’architecture traditionnelle musulmane52.

Sensible à la spiritualité amérindienne, Burckhardt rend visite en 1979 au chamane Thomas Yellowtail dans l’Ouest américain ; ils s’étaient connus à Paris en 1953, revus à Lausanne en 1954 et avaient maintenu une profonde amitié53. Son intérêt pour les Indiens d’Amérique du Nord s’est exprimé par l’édition de deux ouvrages : la version allemande de Black Elk speaks (1955) et, onze ans plus tard, Der wilde Westen, une compilation illustrée de citations de célèbres chefs indiens ainsi que de cowboys et de colons54.

En 1981, malgré une neuropathie invalidante, Burckhardt se rend une dernière fois à Fès comme invité d’honneur au lancement, par le directeur général de l’UNESCO, de la campagne internationale pour la sauvegarde de la Médina55,56.

Il s’éteint à Lausanne le 15 janvier 198456….

Article complet à lire sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Titus_Burckhardt

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  • Islam - Le soufisme entre Orient et Occident avec Tayeb Chouiref, docteur en islamologie, écrivain, spécialiste de la mystique musulmane - Dans le cadre de l’émission « Questions d’islam » Épisode du dimanche 1er mai 2022 par Ghaleb Bencheikh
    Titus Burkhardt Photo - Métaphysicien suisse, Titus Burckhardt fut un membre éminent de l’ “école traditionaliste” du vingtième siècle. Il a consacré toute sa vie à l’étude des différents aspects de la Sagesse.

Résumé

Métaphysicien Suisse, Titus Burckhardt fut un membre éminent de l’ “école traditionaliste” du vingtième siècle. Il a consacré toute sa vie à l’étude des différents aspects de la Sagesse et de la Tradition.

Avec Tayeb Chouiref (Écrivain, spécialiste de la mystique musulmane et des sciences du Hadith). Photo

Le « groupe de Bâle » n’est connu que de certains initiés. Et pourtant une confrérie soufie occidentale s’y réunit depuis des décennies. Le métaphysicien Titus Burkhardt ((1908-1984) en fait partie. Membre de premier plan de l’école de la sagesse pérennialiste, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la cosmologie, l’anthropologie, l’ésotérisme, l’alchimie, le soufisme et l’art sacré.

Toutefois, l’œuvre de Titus Burkhardt demeure méconnue nonobstant son cheminement spirituel qui est médité par de nombreux intellectuels. Aussi l’islamologue Tayeb Chouiref présente l’homme et son enseignement dans une société travaillée par de forts courants de sécularisation.

Pour en parler : Tayeb Chouiref, docteur en islamologie, écrivain, spécialiste de la mystique musulmane et des sciences du Hadith. A annoté et présenté « Titus Burckhardt. Le soufisme entre orient et occident » (Ed. Tasnim, 2020).

La pause musicale :

Gurdjieff de Hartmann - Alain Kremski - Vol. 6 - Ritual Of A Sufi Order

Voie soufie, voix d’amour - Institut du monde arabe

Israel in Egypt - Coffret - Werner Ehrhardt

Thèmes associés : Sciences et savoirs Société Religions – Spiritualité Islam

L’équipe : Ghaleb Bencheikh – Production : Daphné Abgrall – Collaboration : Franck Lilin – Réalisation

Accueil France Culture Questions d’islam - Voir tous les épisodes

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-d-islam/titus-burkhardt-1228622

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  • D’Orient et d’Occident : Titus Burckhardt (1908-1984) – Document ‘moncelon.fr’
    « Que celui qui vient d’entrer en Islam bénisse les autres, car il est comme une épée fraîchement tirée du fourreau »

Aperçus biographiquesAmi personnel de Frithjof Schuon, Titus Burckhardt, né à Florence en 1908 et mort à Lausanne en 1984, compte parmi les grands « ésotéristes » du 20ème en Occident, parce qu’il a développé, dans le sens de sa propre vocation en Dieu, une œuvre originale, toute entière consacrée à l’art, à l’art traditionnel et sacré, naturellement, qu’il a illustré par des ouvrages auxquels il faut sans cesse se référer. Né dans une famille suisse germanique d’artistes et d’historiens de l’art, il aura beaucoup voyagé dans tous les pays du monde arabo-musulman, avec une réelle prédilection pour le Maroc, où il séjournera longuement dans les années 30. Durant ces années, il apprendra aussi l’arabe et se convertira à l’ésotérisme musulman – sous le nom de Sidi Ibrahim. Ceci, avant de rentrer à Lausanne pour y diriger une maison d’édition (Urs Graf Verlag), spécialisée dans la reproduction de manuscrits médiévaux, et pour se consacrer à des traductions, articles et ouvrages : sur l’alchimie, l’astrologie et l’art sacré.Pourquoi l’art ? C’est, comme il le dira lui-même, que « l’étude de l’art islamique, comme celle de n’importe quel autre art sacré, peut conduire, lorsqu’elle est entreprise avec une certaine ouverture d’esprit, vers une compréhension plus ou moins profonde des vérités ou réalités spirituelle qui sont à la base de tout un monde à la fois cosmique et humain ». Mais aussi, parce que, selon le mot du prophète de l’Islam, « Dieu est beau et il aime la Beauté » : « Cette parole du Prophète, écrit-il, ouvre des perspectives illimitées, non seulement pour la vie intérieure, où la beauté aimée par Dieu est avant tout celle de l’âme, mais aussi pour l’art, dont le vrai but, compris à la lumière de cet enseignement prophétique, est de prêter un support à la contemplation de Dieu. Car la beauté est un rayonnement de l’univers, et toute œuvre belle en est un reflet. » En 1972, il sera nommé expert auprès de l’UNESCO et sera chargé, jusqu’en 1977, d’un programme de préservation de la Médina de Fès. Le Maroc est peut-être le pays auquel il restera le plus attaché, parce qu’il aura trouvé précisément dans ce pays « ce que l’Occident ne peut plus donner, parce qu’il l’a perdu : la présence du Beau dans la vie quotidienne, dans l’entourage bâti, dans le vêtement viril, dans les objets usuels faits de main d’homme et non par la machine. » Cependant, trente ans plus tard, on peut s’interroger sur cette « présence du Beau dans la vie quotidienne » en Orient, en général, car si ce dernier n’a que sa décadence à opposer à la « déviation » occidentale, elle ne sera plus bientôt pour des hommes comme Titus Burckhardt qu’une nostalgie, et cela même si l’Orient, par son activité en général, continue de témoigner malgré tout et à l’évidence qu’il n’y a pas de différence, « au point de vue de la valeur humaine globale, entre l’Orient et l’Occident ». Non seulement sa mission dans la Médina de Fès, mais aussi toute la vie de Titus Burckhardt est une illustration exemplaire de ce propos de Frithjof Schuon dans Sur les traces de la religion pérenne : « Si a priori l’Occident a besoin de l’Orient traditionnel, celui-ci a besoin a posteriori de l’Occident qui a été à son école »A propos de Roger du PasquierDe ce point de vue, l’itinéraire personnel de Roger du Pasquier qui trouva un jour René Guénon sur son chemin est exemplaire. Journaliste, il a en Indonésie, puis en Inde, à la faveur de séjours professionnels, l’expérience de « ce problème majeur de notre temps », selon ses propres termes, à savoir « la confrontation entre l’Orient et l’Occident, entre deux tranches de l’humanité, l’une statique et encore largement fidèle aux valeurs de son passé, l’autre dynamique, tournée vers l’avenir et vouée à l’acquisition du bien-être matériel, devenu le seul critère du progrès ». C’est la lecture de l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues de René Guénon qui sera « une sorte d’illumination » et, selon son expression, « comme le déchirement d’un voile devant des horizons illimités ». Roger du Pasquier, « retourné » par cette lecture qui non seulement modifiait son regard sur l’Inde et ses peuples se met en quête d’un guru. Quête infructueuse, décevante même, auprès de Shri Aurobindo. De retour en Suisse, en 1950, il apprend que René Guénon s’était converti à l’Islam et avait adhéré à l’ésotérisme musulman. Il réalisera le même programme, et c’est à l’étude de l’Islam qu’il consacrera désormais ses efforts, marquant, il y a quelques années, ce qu’il faudrait méditer en ce début de vingt et unième siècle, que l’Islam, « en dépit de sa décadence, de ces turbulences et de ces excès injustifiables commis en son nom (…) demeure un extraordinaire réservoir de foi et de prière » et que, « s’il est toujours capable d’attirer les Occidentaux en quête de l’essentiel », il le doit à « sa spiritualité toujours vivante et au fait fondamental qu’il reste expression directe de la Vérité transcendante, sans laquelle il ne saurait y avoir de véritable religion », in « Humble voyage d’un occidental vers l’Islam », Le Temps stratégique, n°22, automne 1987. 

Bibliographie

L’art de l’Islam, naturellement, publié aux éditions Sindbad, en 1985 et Principes et méthodes de l’art sacré, Dervy, 1995, « exposé métaphysique concernant le sens des formes d’un art qui, parce qu’il est sacré, a sa racine dans l’éternel, le sacré n’étant rien d’autre que la manifestation de l’Éternel dans le temporel ou du Centre sur le pourtour de la roue de l’existence », selon les mots de Seyyed Hossein Nasr.

Mais Titus Burckhardt est aussi l’auteur d’ouvrages consacrés à l’ésotérisme, en particulier d’une remarquable Introduction aux doctrines ésotériques de l’Islam. Dervy-Livres, 1969

Voir aussi René Guénon & Frithjof Schuon - Brehed Kaeppelin

Source : http://www.moncelon.fr/burckhardt.htm

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Introduction de Jean-Pierre Brach (E.P.H.E) puis de Patrick Ringgenberg. Exposé intitulé : « Titus Burckhardt et les arts : entre théorie métaphysique, vision spirituelle et action patrimoniale ». Enregistrement effectué à l’INHA, Paris, décembre 2021, lors du XXXVIIe colloque international de Politica Hermetica. « Art, ésotérisme et politique ». Pour accéder au film : https://www.baglis.tv/esprit/esoteris... Facebook : https://www.facebook.com/Baglis-TV-48... YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCqWp... Vers le site de Politica Hermetica : https://politicahermetica.wordpress.com

APERÇU4:15 -Titus Burckhardt un maître spirituel ?https://www.youtube.com/watch?v=Sj9...YouTube· BAGLIS TV - 9 janv. 2022

Extrait d’un exposé intitulé « Titus Burckhardt et les arts : entre théorie métaphysique, vision spirituelle et action patrimoniale » par Patrick Ringgenberg Pour accéder au film : https://www.baglis.tv/esprit/esoteris... Vers le site de Politica Hermetica : https://politicahermetica.wordpress.com

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  • Addenda - La force du Féminin en islam, selon Ibn ‘Arabi et l’émir Abd el-Kader – Document ‘Conscience soufie’ - Rédigé par Éric Geoffroy | Mardi 5 Mars 2019 à 09:00 – Diffusé par ‘Saphirnews.com’
    Œuvre artistique - Cette contribution d’Eric Geoffroy vient en prélude à la conférence organisée vendredi 8 mars à Paris par la Fondation Conscience soufie. Pour en savoir plus.

    « Un lieu qui n’est pas empreint de féminité n’est pas fiable. » Ibn ‘Arabi

    Parmi les éléments très riches qui tissent l’enseignement islamique sur le Féminin, il y a l’apport primordial d’Ibn ‘Arabi (m. 1240), connu comme le « grand maître » de la spiritualité et de l’ésotérisme de l’islam, ainsi que celui de l’émir Abd el-Kader (‘Abd al-Qadir al-Jaza’iri, m. 1883), son disciple à travers le temps. Rumi, sur notre sujet, apparaît comme bien en retrait. Ibn ‘Arabi et l’Emir sont l’un et l’autre des « héritiers muhammadiens », au sens où tout ce qu’ils formulent, en l’occurrence sur le Féminin et la femme, émane de ce qu’on appelle dans le soufisme la « Présence muhammadienne ».

Dégager les grands traits de la métaphysique du sexe en islam

Limitons-nous ici à la lecture que l’un et l’autre font du - surprenant - verset coranique 66 : 4, dont les exégètes du Coran ont d’ailleurs généralement esquivé l’interprétation. Sa révélation a été suscitée par des « secrets d’alcôve », par l’un des épisodes de conflit, teinté de jalousie, entre les femmes du Prophète et lui-même. Le verset met en scène deux de ses épouses, Aïcha et Hafsa, qui s’étaient liguées contre lui.

Le verset commence ainsi : « Si vous vous repentez toutes deux, c’est que votre cœur incline désormais au bien. » C’est la suite du verset qui interroge Ibn ‘Arabi et Abd el-Kader, et plus largement la logique humaine : « Mais si vous vous liguez contre lui (le Prophète), alors sachez que Dieu est son Maître, qu’il a pour soutien Gabriel, et tout homme juste parmi les croyants, et même les anges ! » Pourquoi Dieu se convoque-t-Il lui-même et convoque-t-il les anges supérieurs et les saints pour qu’ils apportent leur soutien au Prophète contre deux femmes ? Il y a là un apparent paradoxe, que relèvent nos deux auteurs.

Pour comprendre ce qu’ils en disent, il faut d’abord dégager les grands traits de la métaphysique du sexe en islam. Tout ce qui est créé est le fruit de l’union de deux polarités : « activité » (fi‘l, fa‘iliyya) et « réceptivité » (infi‘âl, qâbiliyya), principe masculin et principe féminin, homme et femme, etc. Le verset coranique de référence est celui-ci : « De toutes les espèces Nous avons créé des couples, afin que vous méditiez. » (Coran 51 : 49) La création se reproduit donc par une procession infinie de mariages cosmiques révélé par Dieu ; l’esprit (ruh) féconde l’âme (nafs) ; la nuit et le jour s’interpénètrent, ainsi que l’affirme à plusieurs reprises le Coran ; enfin, bien sûr, Adam féconde Eve.

Pour Abd el-Kader, ‘Aïcha et Hafsa sont des femmes accomplies spirituellement ; elles conjoignent en effet en elles les deux présences de l’actif (fi‘l) et du réceptif (infi‘al). De telles femmes, ayant réalisé en elles la complétude, détiennent la précellence sur l’homme, du fait qu’il a oublié sa féminité, sa réceptivité originelle.

Illustration

Le Divin, dans sa manifestation, a besoin du Féminin pour se révéler

Allons plus loin : la femme est plus proche de Dieu que l’homme, plus « divine » car, comme Dieu, elle est le siège de la gestation, de la production de l’être (al-takwin), le lieu indispensable où se forme l’être humain. (1) Le « Producteur de l’être » (al-Mukawwin) ne fait pas partie de la liste canonique des Noms divins, mais il entre d’évidence dans les attributs de Dieu, qui est celui qui « existencie », amène la créature à l’existence. Après Dieu, c’est-à-dire sur le plan créaturel, c’est bien la femme qui est à l’origine de la vie.

Ailleurs, Abd el-Kader relève encore le caractère stupéfiant du verset 66 : 4. Rappelons d’abord que, selon la doctrine d’Ibn ‘Arabi et donc de son disciple Abd el-Kader, les Noms divins sont des instances intermédiaires entre la pure Essence divine et la création ; de ce fait, ce sont eux qui gèrent le monde. Or, Abd el-Kader nous dit que, « sans la féminité, c’est-à-dire son caractère de réceptivité de l’Agent actif, les Noms divins seraient restés sans effet et totalement inconnus ! »

Le Divin, non dans son Essence mais dans sa manifestation, a en quelque sorte besoin du Féminin pour se révéler ! En d’autres termes, l’Agent actif ne peut produire son effet qu’à partir de cette réceptivité ; sinon il n’est que de l’ordre des possibles (mumkinat). Ibn ‘Arabi comme Abd el-Kader relèvent en ce sens que, sans la fonction de « réceptivité » de la femme, l’activité de l’homme resterait pur néant. Le principe actif, masculin, ne peut se réaliser que lorsqu’il est accueilli par le principe réceptif, féminin. Pourra-t-on encore, dès lors, parler de « sexe faible » ?

« Les femmes sont les semblables des hommes »

Le format de mon texte ne permet pas de développer ce point, mais il est clair que, pour nos deux auteurs, il faut distinguer entre une infériorité de la femme au niveau créaturel, purement « fonctionnel » ou social, et une précellence, une supériorité venant de qualifications propres à elle, de nature spirituelle ou métaphysique. On notera encore que, dans un contexte culturel marqué par la prédominance masculine et le machisme, affirmer que le mâle est en situation de faiblesse et de nécessité face à la femme était proprement révolutionnaire – ce qu’a été l’islam à ses débuts.

Le propos de nos auteurs n’est évidemment pas de placer les deux sexes dans une situation de conflit, de concurrence. Ibn ‘Arabi cite souvent ce hadith « Les femmes sont les sœurs jumelles (shaqa’iq) des hommes », qu’on peut encore lire : « Les femmes sont les semblables des hommes », et il a ces vers :

Les femmes sont les sœurs jumelles des hommes
Dans le monde des esprits comme des corps.
Leur statut est unique
C’est ce qu’exprime le terme « être humain ».
Pour une cause contingente
Le féminin s’est différencié du masculin,
Synthèse primordiale en vertu de
L’Unicité présente dans toutes les essences.
(2)

En définitive, ce qui importe c’est que le Féminin et le Masculin - ou le Masculin et le Féminin, comme on voudra – soient, dans notre état d’incarnation, un miroir assumé l’un(e) pour l’autre. C’est sans doute la condition pour qu’ils réintègrent leur complétude originelle dans l’Un, et qu’ils réalisent ainsi l’« Humain accompli » (al-insan al-kamil) dont nous parle la Tradition islamique.

(1) Abd el-Kader, Kitab al-Mawaqif (« Le Livre des Haltes »), éd. de ‘Abd al-Baqî Miftah, Alger, 2005, I, 330.
(2) Al-Futuhat al-makkiyya, éd. Dar Sader, Beyrouth, s.d., III, 87.

Président de la Fondation Conscience soufie, Éric Geoffroy est islamologue, spécialiste du soufisme, professeur à l‘université de Strasbourg. Il travaille également sur les enjeux de la spiritualité dans le monde contemporain. Auteur d’une douzaine d’ouvrages, il a notamment publié L’islam sera spirituel ou ne sera plus (Le Seuil, 2016) ; Un éblouissement sans fin – La poésie dans le soufisme (Le Seuil, 2014) ; Le Soufisme (Eyrolles, 2013).

Lire aussi :
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Poésie et soufisme : des affinités anciennes qui résonnent jusqu’à aujourd’hui
Prendre soin de son âme

Éric Geoffroy

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