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"Le Printemps des Poètes (12-28 mars 2022) - Journée internationale des femmes (8 mars) - Femmes poétesses écrivaines arabes et berbères (du 7ème, 12ème siècle à nos jours) – Femmes et religion en Islam" par Jacques Hallard

lundi 7 mars 2022, par Hallard Jacques


ISIAS Créations artistiques Poési
es Musiques Littérature Femmes Islam

Le Printemps des Poètes (12-28 mars 2022) - Journée internationale des femmes (8 mars) - Femmes poétesses écrivaines arabes et berbères (du 7ème, 12ème siècle à nos jours) – Femmes et religion en Islam

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 07/03/2022

Plan du document : Présentation Préambule Introduction Sommaire#ZUSAMMENFASSUNG Auteur

https://orientxxi.info/IMG/arton1162.jpg?1453199534

Calligraphie « islam » - © Mohammed Abou Aziz, 2016 – Source – « Les calligraphies qui illustrent les articles sont l’œuvre de Mohammed Abou Aziz, artiste jordanien d’origine palestinienne qui vit et travaille à Amman. Sa recherche artistique associe calligraphie et peinture. En 2002, l’Institut du monde arabe (IMA) a exposé ses calligraphies à même le sel de la mer Morte, un travail réalisé avec le photographe Jean-Loup Sauverzac. Source

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Présentation

A l’occasion de la Journée internationale des femmes (8 mars), d’une part, et de l’évènement en France intitulé « Le Printemps des Poètes  » (12-28 mars 2022), d’autre part, ce dossier propose une ouverture sur ‘Les femmes et la religion en Islam’, et plus particulièrement la découverte de quelques femmes écrivaines et poétesses arabes et berbères dans l’Islam (du 7ème et du 12ème siècle) dont :

Pour en savoir plus, voir Almoravides et Almohades, la domination berbère - 27 mai 2019 Pablo MENGUY– « La valse des empires musulmans (5/8). Entre 1062 et 1269, deux dynasties dominent le Maghreb, les Almoravides (1062-1150) et les Almohades (1150-1269). Elles contrôlent un vaste territoire qui s’étend de l’ouest du Sahara à la péninsule ibérique… » - Source : https://les-yeux-du-monde.fr/actualites-analysees/proche-moyen-orient/40425-almoravides-et-almohades-la-domination-berbere

Voir la carte de l’Empire almoravide (wikimedia), et la carte de l’étendue de l’Empire almohade à son apogée (wikimedia).

Ce dossier est une contribution qui s’ajoute aux publications antérieures sur les femmes en Islam (dans les sociétés musulmanes), qui ont été postées sur le site ISIAS :

Selon Roland Laffitte : Chercheur indépendant et essayiste, président de la Société d’études linguistiques et étymologiques françaises et arabes (Selefa) (suite)

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Préambule

Pour constituer ce dossier, la démarche adoptée est typiquement transdisciplinaire, qui se définit ainsi : « La transdisciplinarité se nourrit énormément d’interdisciplinarité. L’apport principal consiste en la volonté de traverser toutes ces approches, ces résultats, ces points de vue, etc..., dans la perspective de dégager des éléments transversaux à toutes les disciplines. Il s’agit évidemment d’une utopie, mais le principe même d’essayer permet de trouver des résultats très intéressants. La transdisciplinarité veut déborder les champs disciplinaires afin d’envisager l’objet d’étude dans sa complexité et surtout dans son caractère absolu (tel un système). La finalité de la transdisciplinarité ne reste pas inscrite dans la recherche disciplinaire proprement dite, à l’instar de l’interdisciplinarité qui va puiser autour d’elle pour enrichir son propre champ disciplinaire. Car, comme l’indique son préfixe « trans », la transdisciplinarité est cette posture scientifique, épistémologique et intellectuelle qui se situe à la fois entre, à travers et au-delà des disciplines, des approches compartimentées. Ce processus d’intégration et de dépassement des disciplines a pour objectif la compréhension de la complexité du monde moderne et présent, envisagé dans une perspective transversale, à la fois dans l’espace et dans le temps ». Source

Concrètement, ont été associés ici :

  • Une célébration : la Journée internationale des femmes – célébrée le 8 mars chaque année - qui est fixée par les Nations Unies et qui propose cette fois une formation sur le thème « Genre et changements climatiques » …le genre, les droits humains, les changements climatiques et les énergies renouvelables.
  • Un évènement  : le Printemps des Poètes Édition 2022 centrée sur « L’Éphémère »
  • La suite d’une recherche personnelle portant sur le rôle des femmes en Islam (c’est-à-dire dans les sociétés musulmanes), et en particulier en assemblant des connaissances disponibles sur des écrivaines et poétesses d’origine arabe et berbère ayant vécu à partir du 7ème siècle … jusqu’à nos jours.
    Rappel pour mémoire : Selon les règles typographiques généralement suivies par l’Imprimerie nationale, l’université et la presse, on écrit donc islam avec un /i/ minuscule lorsqu’il s’agit de la religion islamique, mais on use de la graphie Islam avec un /I/ majuscule quand il s’agit des sociétés et des populations musulmanes en général.

Sont maintenant passés en revue : la Journée internationale des femmes (8 mars chaque année) et Le Printemps des Poètes Édition 2022 : « L’Éphémère » (Du 12 au 28 mars 2022.

On peut soit lire les détails sur ces deux sujets à la suite, soit passer directement à l’introduction ou au sommaire de ce dossier.


Journée internationale des femmes : 8 mars chaque année

Photo : FAO/Mónica Castaño - Haut du formulaire

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Les femmes et les hommes qui travaillent dans des secteurs dépendant de l’environnement, comme l’agriculture, sont affectés par les changements climatiques. Toutefois, les femmes y sont plus vulnérables du fait de facteurs socioéconomiques et culturels.

L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable

Faire progresser l’égalité entre les sexes dans le contexte de la crise climatique et de la réduction des risques de catastrophes est un des grands défis du XXIe siècle.

On sait que les femmes sont plus vulnérables aux changements climatiques que les hommes, car elles constituent la majorité des populations les plus pauvres et des plus dépendantes aux ressources naturelles que la crise climatique menace le plus.

Dans le même temps, les femmes et les filles sont des agents de changement et des femmes leaders puissantes dans l’adaptation climatique. Elles sont impliquées dans des initiatives durables dans le monde entier et leur participation a pour résultat une action climatique plus efficace.

Continuer à examiner les opportunités, ainsi que les contraintes, pour donner aux femmes et aux filles les moyens de faire entendre leur voix et d’être des actrices égales dans la prise de décision liée aux changements climatiques et à la durabilité est essentiel pour le développement durable et une plus grande égalité des sexes. Sans l’égalité des sexes aujourd’hui, un avenir durable et égal reste hors de notre portée.

En cette Journée internationale des femmes du 8 mars, proclamons « L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable ».

Illustration - Vous pensez bien connaitre la question des femmes et les changements climatiques ? - Répondez à ce quiz de 5 questions pour le savoir.

Genre et changements climatiques : formation des Nations Unies

Le genre et l’environnement - Vous voulez savoir pourquoi la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes peut contribuer à de meilleurs résultats environnementaux ? Inscrivez-vous à ce cours en ligne pour mieux comprendre les liens entre le genre et l’environnement.

L’égalité des sexes et les droits humains dans le contexte de l’action climatique et des énergies renouvelables - Cette formation à votre rythme offre une vue d’ensemble des liens entre le genre, les droits humains, les changements climatiques et les énergies renouvelables. Elle fournit les connaissances et les outils nécessaires pour intégrer et mettre en place l’égalité des sexes dans l’accès aux énergies renouvelables et à l’entreprenariat.

Ressources complémentaires - Illustration

Le saviez-vous ?

Sur 1,3 milliards de personnes vivant dans la pauvreté, 70 % sont des femmes. Dans les zones urbaines, 40 % des foyers les plus pauvres sont dirigés par des femmes.

Les femmes sont les principales productrices de nourriture dans le monde (50-80 %), mais ne sont propriétaires que de moins de 10 pour cent des terres.

Quatre-vingts pour cent des personnes déplacées à la suite de catastrophes ou changements liés au climat sont des femmes et des filles.

Les changements climatiques peuvent provoquer plus de violences basées sur le genre, une augmentation des mariages d’enfants, et une aggravation des problèmes liés à la santé sexuelle et reproductive.

Index de A à Z - Accueil- Origines de la journée- Récits- Ressources- Célébrations de l’ONU- Bas du formulaire

Lire la totalité sur ce site : https://www.un.org/fr/observances/womens-day


Le Printemps des Poètes Édition 2022 : « L’Éphémère » - Du 12 au 28 mars 2022

Il en va des mots comme des chansons d’amour qui reviennent par surprise au détour d’une voix, d’un souvenir, d’une émotion. « J’ai pris la main d’une éphémère… », dansait dans ma mémoire. Sans que je sache qui le premier, de Montand ou de Ferré, avait semé ce trouble de l’étrangère en moi. Adolescents nous ne comprenions pas tout à cette romance des années folles, ni même à ce poème que l’on disait ‘roman inachevé’, mais pressentions ce mystère de « l’éternelle poésie » qu’Aragon dilapidait sans crier gare.

Une seule et unique voyelle, quatre fois invoquée, entre la fièvre, le murmure, la foudre, l’imaginaire, l’insaisissable, l’à-venir, l’impensé, le maternel, le fugace, la soif, l’énigme, le précaire, l’effervescence, le friable, l’envol, l’impermanence.

Plus vaste que l’antique ‘Carpe Diem’ et plus vital aussi, L’éphémère n’est pas qu’un adjectif de peu d’espoir. C’est un surcroît d’urgence, de chance et de vérité. Une prise de conscience toute personnelle et cependant universelle, comme un quatrain d’Omar Khayyam, un haïku d’hiver, un coquelicot soudain, une falaise à soi, un solstice d’été, un arbre déraciné ou la vingtaine de numéros d’une revue de poètes du siècle dernier.

Il est temps de sonder à nouveau l’éphémère. De ne pas attendre à demain. De questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la plus secrète, la plus inouïe de nos existences.

Dans les pas de Pina Bausch qui nous a légué cette renversante image : la danseuse Clémentine Deluy, née un 21 mars, n’en finit pas de traverser la scène en robe du soir, portant ce stupéfiant sac à dos à même ses épaules nues. ‘Comme la mousse sur la pierre’, tel était le titre de l’ultime spectacle, puisé en terre chilienne et photographié par Laurent Philippe, qui a escorté la chorégraphe du Tanztheater de Wuppertal durant des années. La magie étant que celui qui a choisi d’immortaliser L’Éphémère n’est autre que le fils de l’un de nos plus grands poètes français, Ludovic Janvier.

Sophie Nauleau

[« Sophie Nauleau, née le 21 mai 19771 à Toulouse, est une écrivaine française, productrice de radio sur France Culture… » - Portrait de Sophie Nauleau par Alexa Brunet, Grambois, 6 juin 2009. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sophie_Nauleau ]

L’affiche dédiée aux organisateurs est accessible en libre téléchargement ci-après. Communiqué de presse- L’affiche - Pour organisateurs- Emblème du Printemps des Poètes- Découvrez L’Opération Coudrier- Bibliographie

En lumière - 10 février 2022 - Là où dansent les éphémères

Livre 1èrede couverture  : 108 poètes contemporains se côtoient et proposent des textes pour la plupart inédits. Le plus jeune a 20 ans à peine, le plus âgé était bientôt centenaire. Tous partagent notre quotidien. Sur le thème de l’éphémère, leurs écrits sont d’une diversité et d’une richesse qui sont étonnantes. Ils offrent un large panorama de la poésie de notre époque.

Là où dansent les éphémères, anthologie, Castor Astral, 17 euros, 464 pages.
En libraire dès le 10 février - Le Castor Astral et la Maison de la poésie vous donnent rendez-vous (…)

Voir l’évènement- 3 février 2022 - L’Éphémère – 88 plaisirs fugaces

Livre 1èrede couverture - L’ comme L’instant, E comme Envol, P comme Passion, H comme Humanité… C’est sur le mode d’un acrostiche que les Éditions Bruno Doucey ont conçu l’anthologie de la 24e édition du Printemps des Poètes. L’éphémère et son unique voyelle invoquée quatre fois, l’inachevé, le fugace, le passager… Sans omettre ces insectes qui ne vivent qu’un jour, l’enfance et ses changements incessants, la brièveté de la vie humaine au regard des temps géologiques, la mémoire en lutte contre l’effacement, le rêve plus insaisissable (…)

Voir l’évènement- Revue de presse - Toute la revue de presse

La marraine - Photo - Parce que le nom de Golshifteh Farahani s’accorde à L’ÉPHÉMÈRE. Parce que celle qui tourna avec Abbas Kiarostami autant que Ridley Scott a le sens du fugace. Parce que cette belle exilée a le goût des mots et des âmes libres. Où qu’elle soit, même en tournage d’un film d’action à Prague, elle est notre éternelle marraine de L’Éphémère… - Suite

[« Rahavard Farahani, dite Golshifteh Farahani (en persan : گلشیفته فراهانی), est une actrice et chanteuse française d’origine iranienne1, née le 10 juillet 1983 à Téhéran… » - Source ]

Photo de l’affiche - Après le « Studio aux oiseaux » de Sarah Moon, l’affiche de la 24e édition du Printemps des Poètes est signée Pina Bausch [Photo]. Une image extraite de son tout dernier spectacle : « …como el musguito en la piedra, ay si, si, si… », créé au Tanztheater Wuppertal en juin 2009. Photographie de Laurent Philippe… - Suite

Poème de l’instant - Charles Juliet - Une joie secrète :

Immergés tous deux au plus reculé d’un silence qui efface le monde

La calme tension de ton écoute prends, prends mes mots

Donnons-nous du vivant !

Charles Juliet, « Une joie secrète », Voix d’encre, 2002.

Charles Juliet - Photo - © Alain Blanc

Charles Juliet naît le 30 septembre 1934 à Jujurieux (Ain). Quatrième enfant d’une famille aux conditions de vie très modestes, le tout jeune Charles a un mois lorsque sa mère biologique est internée dans un hôpital psychiatrique. Deux mois plus tard, il est confié à une famille de paysans qu’il ne quittera plus. Il lui faut attendre sa septième année pour enfin apprendre l’existence de cette mère absente. Il apprend tristement la nouvelle lors de l’enterrement de celle-ci, victime de « l’extermination douce » à trente-huit ans seulement, dans l’asile où elle était placée. À douze ans, il entre comme enfant de troupe à l’école militaire d’Aix-en-Provence. Il y reste huit ans, avant d’être admis à l’École de santé militaire de Lyon. À vingt-trois ans, alors grandement intéressé par la littérature, il abandonne ses études de médecine pour se consacrer exclusivement à l’écriture. Débute ainsi une longue période de solitude durant laquelle il travaille ses écrits sans pour autant jamais n’être publié. Il lui faudra attendre quinze ans avant de voir paraître son premier livre ‘Fragments’, préfacé par Georges Haldas. C’est néanmoins au cours de cette même période qu’il fait la rencontre de divers artistes tels que Michel Leiris, Bram van Velde, Raoul Ubac, Pierre Soulages, Samuel Beckett. Il vit alors à Marseille dans le 2ème arrondissement. Il gagne la reconnaissance du public avec ‘L’Année de l’éveil’, récit romancé de son expérience d’enfant de troupe, qui remporte le Grand prix des lectrices de « Elle » en 1989. En 1995, il publie aux éditions POL, ‘Lambeaux,’ un journal en plusieurs volumes tenu depuis 1957. Empreint d’une grande et intime sincérité, ce récit autobiographique laisse entrevoir au lecteur la personnalité discrète et pour le moins complexe de son auteur. Désormais reconnu, ses poèmes et autres ouvrages sont traduits dans de nombreuses langues dont l’allemand, l’espagnol, l’italien, l’anglais, le polonais, le japonais, le vietnamien, le turc, le coréen ou le chinois. Parallèlement à son activité d’écriture, Charles Juliet a également réalisé plusieurs séries d’émissions à ‘France Culture’.

Extrait :

Ton regard. Ta voix … tu parais, ton regard s’empare du mien, m’enveloppe de silence, de tendresse.

Ta voix garde l’empreinte de ce qui t’a meurtrie et pourquoi naguère n’ai-je pas été là
pour empêcher que survienne l’épreuve qui t’a laissé cette fêlure.

Tu parais… mes cinq sens se mettent à l’affût, se tendent avidement vers ta bouche,
tes seins, tes flancs, vers tes mains prometteuses.

C’est toi qui donnes sens et saveur à ma vie et pourtant tu es ma blessure, c’est toi qui me fais grandir.

Poème inédit, commandé par le ‘Printemps des Poètes’, 2007.

Bibliographie à lire à la source : https://www.printempsdespoetes.com/Charles-Juliet

Poème de l’instant - Edith Azam - Poèmes en peluches

Un jour ma tête fait un poème
un jour ma tête fait un oiseau
un jour je réfléchis comment faire
pour mettre un oiseau dans mon poème.
Et depuis cette histoire, je l’ai tout le temps dans la tête.

Édith Azam, ‘Poèmes en peluches’, Le port a jauni, 2021.

Source de tout cela : https://www.printempsdespoetes.com/Edition-2022

A propos du thème ‘L’Éphémère’, choisi en 2022 pour l’évènement du ‘Printemps des Poètes’ en France, on peut ajouter ici un travail artistique original :

Lorsque l’on prononce à l’envers le mot sel en arabe, Melh, cela donne Helm le rêve. Ces éphémères calligraphies se sont effacées le jour même, mais elles restes gravées à jamais dans la mémoire des cristaux de sel

Reproduction à voir  : « Lorsque l’on prononce à l’envers le mot sel en arabe, Melh, cela donne Helm le rêve. Ces éphémères calligraphies se sont effacées le jour même, mais elles restent gravées à jamais dans la mémoire des cristaux de sel » - In « Le Partage du sel © », une œuvre artistique « photo-calligraphique » de Jean-Loup de Sauverzac, photographe et Muhamad Abu Aziz, calligraphe jordanien : Genèse d’une aventure qui ne manqua pas de sel ! – Visionner toute l’ouvre sur ce site : http://sauverzac-photographie.over-blog.com/album-2001150.html

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Introduction

Cet épais dossier s’est ouvert sur une Présentation, suivie d’un Préambule.

L’ensemble des documents sélectionnés concernent des femmes du Monde musulman poétesses et écrivaines ; il a été agencé autour des 5 rubriques suivantes codées de A à E :

A. Al-Khansā’ - En arabe الخنساء. Parfois transcrit al-Ḫansâ’ ou el Kanssa. (avant 610 – entre 634 et 644),

B. Wallada bint al-Mustakfi (en arabe ولادة بنت المستكف) (Cordoue, 994<1010> #C]ʽiya al-Gharnātiya (نزهون بنت القلاعي الغرناطية, onzième siècle)

D. Hafsa bint al-Hayy dite al-Rakuniyya (حفصة بينت ألهي ديت الركنية 1135-1191)

E. Femmes et religion en Islam – Ecrivaines

Ce volumineux dossier - conçu dans une démarche transdisciplnaire de caractère académique – se termine par les 2 ajouts suivants :

Addenda - Petit glossaire de l’Islam réalisé par ‘Fleurs d’Islam’

Addenda - Un apprfondissement sémantique choisi : « Islam et islamisme : le grand flou » – Enregistrement de 55 minutes de ‘France Culture’ - Le 06/03/2022

Les clefs de lecture pour les poétesses et les écrivaines arabes et berbères (du 7ème, 12ème siècle à nos jours), ainsi que des documents sur les femmes de l’Islam dans l’Histoire du monde musulman, sont détaillées travers les rubriques codées de A à E et agencées dans le sommaire ci-après

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Sommaire


  • Al-Khansā’ - En arabe الخنساء. Parfois transcrit al-ansâ’ ou el Kanssa. (avant 610 – entre 634 et 644),

  • Nazhūn bint al-Qulāʽiya al-Gharnātiya (نزهون بنت القلاعي الغرناطية, onzième siècle)

#C


  • Hafsa bint al-Hayy dite al-Rakuniyya (حفصة بينت ألهي ديت الركنية 1135-1191)

#ZUSAMMENFASSUNG


  • Femmes et religion en islam – Ecrivaines

Addenda - Un apprfondissement sémantique choisi : « Islam et islamisme : le grand flou » – Enregistrement de 55 minutes de ‘France Culture’ - Le 06/03/2022

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  • Al-Khansā’ - En arabe الخنساء. Parfois transcrit al-ansâ’ ou el Kanssa. (avant 610 – entre 634 et 644),
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    Al-Khansā’ (avant 610 – entre 634 et 644), une poétesse de renom – 15 janvier 2018 - Document ‘histoireparlesfemmes.com’
    Tumād̩ir bint ʿAmr, surnommée Al-Khansā’ (avant 610 – entre 634 et 644), est une femme de lettres du 7ème siècle et la poétesse arabe la plus connue de la littérature arabe.

Les élégies - Dessin par Kahlil Gibran

Al-Khansā’ nait avant 610 dans le Nejd, en Arabie préislamique, au sein d’une famille riche de la tribu des Banū Sulaym. L’adjectif Khansā’ de son surnom désigne par extension la gazelle. En 612, son frère Mu’awiyah est assassiné par des membres d’une autre tribu et Al-Khansā’ incite un autre de ses frères, Sakhr, à le venger. Sakhr est blessé dans la bataille et meurt un an plus tard des suites de ses blessures. A l’époque, les poétesses écrivent des élégies pour les morts et les déclament devant la tribu lors de compétitions publiques. Les élégies d’Al-Khansā’ en honneur de ses frères morts au combat lui valent respect et notoriété.

Quatre fils

Al-Khansā’ a quatre fils : Yazīd, Muʿāwiyah, ʿAmr, and ʿAmrah. Contemporains du prophète Mahomet, la mère et les fils se convertissent à l’Islam. En 636, les quatre fils d’Al-Khansā’ sont tués lors de la bataille d’al-Qadisiyyah, entre les Arabes musulmans et les Perses sassanides lors de la conquête musulmane de la Perse. En recevant la nouvelle, Al-Khansā’ aurait dit : « Loué soit Allah qui m’honore de leur martyr. Et j’ai foi en mon seigneur pour me réunir avec eux dans sa grande pitié ».

Le poète arabe al-Nābighah al-Dhubyānī, lui aurait dit : « Vous êtes la meilleure poétesse des djinns et des humains ». D’après un autre récit, il lui aurait plutôt dit : « Si Abu Basir [un autre poète] n’avait pas déjà déclamé ses vers, j’aurais dit que vous êtes la plus grande poétesse des Arabes. Allez, vous êtes la plus grande poétesse parmi ceux avec une poitrine ». Ce à quoi Al-Khansā’ aurait répondu : »Je suis la plus grande poétesse parmi ceux possédant des testicules aussi ». Les poèmes d’al-H̠ansā’ ont été rassemblées dans un recueil de plus de 1.000 vers à l’époque abbasside, au 9ème siècle.

Est-ce une poussière dans ton œil ?

« Est-ce une poussière dans ton œil ?
Est-ce une douleur ?
Ou verse-t-il des pleurs
À cause d’une demeure
Vide de ses habitants ?
Mes yeux ressemblent,
Quand son souvenir m’effleure,
À des torrents ruisselant
Sur mes joues. »
Traduction d’Anissa Boumediène (« Moi, poète et femme d’Arabie », éd. Sindbad, coll. La Bibliothèque arabe-Les Classiques, Paris)

Liens utiles :

Page Wikipédia d’al-H̠ansā’
Page Wikipédia d’al-H̠ansā’ en anglais
Khansâ, « Le“Dîwân” »

Femmes de lettres, Moyen Âge - Arabie, Poétesse

Source : https://histoireparlesfemmes.com/2018/01/15/al-khansa-poetesse/

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  • Al Khansa, la plus grande poétesse arabe – Par Fatema Chahid - 03 septembre 2018 – Photo crédit Pierre Huguet/Biosphoto/AFP – Document ‘lecourrierdelatlas.com’
    Célèbre pour ses élégies funèbres à la mémoire de ses frères, cette femme de lettres a marqué la poésie de la période préislamique. Sa vie est une suite de deuils qu’elle va transcender dans des poèmes parmi les plus beaux de la littérature arabe.

Tumadir Bint Amr, surnommée Al-Khansa, naît à la fin du VIIe siècle, à l’époque préislamique (avant 610), dans une riche famille du Nejd, de la tribu arabe des Abou Soulaym. Avec ses deux frères Sakhr et Mou’awiya, elle fait partie des “Moukhadramines”, ceux nés à la charnière des époques préislamique et islamique.

On la dit belle et d’un port princier. En âge de se marier, la jeune femme rejette la demande de Dourayd Ibnou ­Assamma, un poète de noble ascendance, riche et vieux, refusant toute union hors de sa tribu.

Elle épouse finalement son cousin, Rawaha, mais il se révèle joueur, buveur et très dépensier. Par deux fois au bord de la misère, Al-Khansa reçoit l’aide financière de son frère Sakhr. Divorcée, elle se remarie avec un autre de ses cousins, Mirdass, dont elle aura quatre fils. En 629, elle rencontre le prophète Mohamed et se convertit à l’islam.

Toute son existence sera marquée du sceau de la mort. Son frère Mou’awiya est assassiné par une tribu rivale. Suivant la coutume chez les Arabes de cette époque, elle demande à Sakhr de le venger. La mort frappe à nouveau car, à son tour, ce dernier succombe à une blessure au combat. Il était le frère adoré auquel elle vouait un amour quasi-obsessionnel. Pour lui, elle écrira des élégies funèbres, “marathi”, parmi les plus belles de toute la littérature arabe. Elle le pleure jusqu’à en perdre la vue.

Les poèmes d’Al-Khansa se répandent. Elle reçoit l’hommage de ses pairs masculins, qui la considèrent comme celle qui porte ce genre littéraire à des sommets encore ­jamais égalés.

Ses élégies sont rassemblées en 802

Selon la tradition, elle se rend chaque année au grand marché d’Uqaz, à La Mecque, où tous les poètes viennent rencontrer leur aîné, Al-Dhubyani Al-Nabigha, pour lui présenter leurs écrits. Elle émerveille le maître par son génie. Le prophète lui-même est impressionné. Il la faisait asseoir auprès de lui et lui disait : “Fais-moi entendre ta poésie, ô Khannousa !” révélant par ce diminutif toute l’affection qu’il lui portait.

La poétesse sera encore frappée par la fatalité. Ses quatre fils, convertis à l’islam, partent faire le jihad et meurent tous à la bataille d’Al-Qadisiyya. Inconsolable, elle meurt vers la moitié du VIIe siècle, sous le califat d’Omar Ibn Al-Khattab.

Deux siècles plus tard, en 802, à l’époque abbasside, toutes ses élégies sont rassemblées par le philologue Ibn Al-Sikkit, dans ‘Diwan Al-Khansa’, un recueil de plus de 1.000 vers. L’œuvre a été traduite depuis en plusieurs langues. Une édition critique a été réalisée en 1888 par l’orientaliste Louis Cheikho. 

Autrice : Fatema Chahid

le courrier de l’atlas - lecourrierdelatlas

Le Courrier de L&#39 ;Atlas - Overview, Competitors, and Employees | Apollo.io

Source : https://www.lecourrierdelatlas.com/notre-histoire-al-khansa-la-plus-grande-poetesse-arabe-20525/

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  • Article de Wikipédia sur la poétesses Al-H̠ansā’
    Al-H̠ansā’ vue par le poète et peintre libanais Khalil Gibran (1917).
Biographie {{}} {{}}
Naissance Avant 610

Nejd

Décès Entre 634 et 644

Nejd

Nom dans la langue maternelle الخنساء
Activités Poétesse, écrivaine
Fratrie Sakhr ibn ʿAmr (d)
Autres informations
Religion Islam

« Le Nejd, Nedjed, ou Najd (en arabe : نجد), est la région centrale de l’Arabie saoudite. Étymologiquement, najd signifie « haut plateau » en arabe… » - Carte : Le Nejd superposé aux divisions politiques modernes de l’Arabie saoudite.. ». Source

Al-Khansā’ (en arabe : الخَنْساء) est le surnom de Tumād̩ir bint ʿAmr (تُماضِر بنت عمرو), poétesse arabe semi-légendaire qui serait née dans la période qui précède l’avènement de la prophétie du Prophète Mohammed (avant 610) et serait morte sous le califat de ʿOmar ibn al-Khat̩t̩āb, entre 634 et 644. L’adjectif Khansā’ signifie « qui a le nez écrasé » et désigne par extension la gazelle1,2.

Éléments biographiques

Les anecdotes, largement légendaires, relatives à la vie d’al-H̠ansā’, nous sont connues grâce aux grands ouvrages des IXe et Xe siècles consacrés à la vie des poètes, tels T̩abaqāt Fuh̩ūl al-Šuʿarā’ d’Ibn Sallām al-Ǧumah̩ī, al-Šiʿr wa-l-šuʿarā’ d’Ibn Qoutayba, le Livre des chansons d’Abū al-Faraǧal-Is̩fahānī.

D’après Ibn Qoutayba, elle aurait été demandée en mariage par le poète Durayd b. al-S̩imma, de la tribu de Ǧušam, qu’elle aurait rejeté sans ménagement, refusant de se marier hors de sa tribu des Banū Sulaym3.

Selon une autre tradition, elle se serait rendue au marché de ʿUkāz̩ où les poètes venaient rencontrer leur aîné al-Nābiġa al-D̠ubyānī et lui présenter leurs vers. Al-Aʿšā et H̩assān b. T̠ābit seraient entre autres venus entendre l’avis de leur maître sur leurs vers. Entendant la poésie d’al-H̠ansā’, venue après eux, al-Nābiġa al-D̠ubyānī s’exclame : ’Par Dieu, si Abū Bas̩īr [= al-Aʿšā] ne m’avait pas déjà récité [ses vers], je t’aurais déclaré la meilleure poétesse d’entre les djinns et les hommes !’4.

D’autres anecdotes, toujours chez Ibn Qoutayba, insistent sur l’attachement d’al-Khansā’ pour son frère S̩akḫr. Ce dernier partage par deux fois sa fortune en deux et en donne la meilleure part à al-H̠ansā’ pour renflouer son mari qui s’était ruiné à force de dons4.

À la mort de S̩akḫr, sa sœur le pleure jusqu’à en devenir aveugle4.
Elle se convertit à l’islam après sa rencontre avec le prophète Mahomet.

Œuvre poétique - À ses débuts, Al Khansa composait des quintiles et des tercets. Jusqu’à ce que ses frères Muʿawiya et Sakhr furent tués dans des combats entre leur tribu, les Banū Sulaym, et des tribus rivales. Elle ne cessa de pleurer jusqu’au qualifia de Omar. En particulier son petit frère Sakhr qu’elle aimait d’un amour indescriptible. Cette tristesse fut transmise dans ses œuvres, jusqu’à affecter #la majeure partie des poètes de son époque. La poésie de al-H̠ansā’ est principalement constituée du sentiment de deuil, d’éloges et de répétitions, traduisant alors ses pleurs, sa tristesse et son chagrin à travers ses œuvres.

Elle doit donc sa célébrité à ses élégies funèbres (marāt̠ī) à la mémoire de ses deux frères. De plus al-H̠ansā’, avant sa conversion à l’Islam, était très proche de Hind bint ‘Utba, femme de l’un des plus éminents dirigeants de la tribu quraychite et ancienne ennemie du prophète Mahomet. Ce qui participa à sa reconnaissance auprès des arabes durant la période préislamique.

Les élégies d’al-H̠ansā’ ont été rassemblées dans un recueil (dīwān) de plus de 1000 vers à l’époque abbasside, probablement par le philologue Ibn al-Sikkīt (mort en 858). Une édition critique a été réalisée par Louis Cheikho en 1888.

Illustration : Al-H̠ansā’ vue par le poète et peintre libanais Khalil Gibran (1917).

Source de l’article complet avec notes et références : https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-H%CC%A0ans%C4%81%E2%80%99

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  • Al Khansa, le ’plus grand parmi les personnages qui ont des seins’ (et des testicules, aussi) - Les classiques du dimanche - August 30, 2020 – Par mlynxqualey - Traduction du 22 février 2022 par Jacques Hallard d’un article intitulé « Sunday Classics : Al Khansa, the ‘Greatest Among Those with Breasts’ (& Testicles, Too) ». Diffusé par ‘arablit.org’
    Le dernier classique du dimanche du Mois de la femme en traduction (#WiTMonth) est le souverain incontesté de l’élégie du septième siècle :

Al-Khansāʾ - le nom d’usage de Tumāḍir bint ʿAmr ibn al-Ḥārith ibn al-Sharīd (575 - env. 644CE) - est l’un des noms démesurés de la poésie arabe, surtout connu pour les poèmes qu’elle a écrits à partir de 612 environ, des lamentations pour la mort de ses frères Muʿāwiyah et Ṣakhr, qui sont apparemment morts de blessures subies au combat. Elle était célèbre de son vivant pour sa poésie et son amour-propre, ayant rejeté la demande en mariage d’un homme puissant. Elle croyait au pouvoir de sa poésie et est réputée pour s’être présentée au Souq ’Ukaz à La Mecque pour les concours de poésie.

Selon des rapports ultérieurs, elle s’est convertie à l’islam alors qu’elle avait une cinquantaine d’années. Ses fils ont combattu lors de la bataille d’al-Qadisiyyah, à laquelle, selon la légende, elle était présente.

Une histoire souvent répétée est que le poète Al-Nābighah al-Dhubyānī a dit à Al-Khansāʾ qu’elle était ’le plus grand poète parmi ceux qui ont des seins’, ce à quoi elle aurait répondu : ’Je suis le plus grand poète parmi ceux qui ont des testicules, aussi.’ (Traduction Arab Women Writers : A Critical Reference Guide 18731999.) - A Critical Reference Guide 1873-1999).

Les élégies d’Al-Khansa ont été recueillies plus tard par Ibn al-Sikkit (802-858 CE), un érudit littéraire du début de l’ère abbasside.

Emily Drumsta, qui s’est entretenue avec ArabLit au sujet de son cours ’Women’s Writing in the Arab World’, a déclaré : ’Il est impossible de parler d’élégie sans commencer par al-Khansa’, et la traduction par [Geert Jan] Van Gelder de son plus célèbre poème (pour son frère Sakhr) est vraiment très bonne. Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de traductions poétiques d’autres femmes élégistes pré-modernes importantes [...]’.

La traduction de Van Gelder, dans Classical Arabic Literature : Une anthologie de la bibliothèque de la littérature arabe, s’ouvre :

James Montgomery’s écrit sur la façon dont il a finalement connecté avec les poèmes d’al-Khansa dans le chapbook Loss Sings , revu par Sarah Irving pour ArabLit, qui écrit :

La poésie d’Al-Khansāʾ est un élément de base des anthologies de la littérature arabe classique, et en tant que telle, elle a été exposée au lectorat anglophone selon l’évolution des styles et des goûts en matière de poésie. Ainsi, de nombreuses versions disponibles sont florides, larmoyantes et verbeuses. Il n’en va pas de même pour les contributions de Montgomery, qui sont propres, dépouillées, souvent simples dans le choix des mots :

« La nuit est longue, elle refuse le sommeil.

Je suis paralysé par les nouvelles -

Ibn ’Amr est mort ».

L’effet est lourd de conséquences ; la profondeur de la douleur d’Al-Khansāʾ et le sentiment d’une force implacable qui lui ôte force et vitalité sont palpables. Il n’y a rien de plus inexorable que la dernière ligne :

Puis le temps est venu, et a récolté sa malice. Le temps ne faillit jamais.

Il n’est pas facile de traduire un art qui non seulement s’exprime dans une autre langue, mais qui s’inscrit aussi dans un contexte artistique, associatif et émotionnel très différent. Montgomery parle magnifiquement de ce défi dans ‘Loss Sings’. Pourtant, ce qui se traduit si facilement chez al-Khansa, c’est sa confiance en soi. Il est assez facile pour chacun d’entre nous, en 2020, d’imaginer qu’une femme poète soit louée d’une manière aussi maigre, ’Pas mal pour quelqu’un qui a des seins’. Et répondre par une remarque acerbe sur les parties intimes d’un homme.

Plus encore :

En lire davantage :

‘Loss Sings’ and the Relevance of Poetry from Nearly a Millennium and a Half Ago

Bulaq 23 : ‘Poems That Cross Language and Time’

Book review : Personal grief in ‘Loss Sings’ offers a new perspective on classical Arab poet

Tags : #WITMonth al-Khansā featuredAL Women in Translation Month

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Mlynxqualey – Photo – ARABLIT & ARABLIT QUARTERLY - A magazine of Arabic literature in translation HOME ABOUT US

Source : https://arablit.org/2020/08/30/sunday-classics-al-khansa-the-greatest-among-those-with-breasts-testicles-too/

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  • Un almanach spirituel : Al-Khansa – 1er février 2021 – Document vidéo 5:51 ‘youtube.com/c/Granolasoul’ – Texte traduit de l’anglais par Jacques Hallard.
    La poétesse arabe, Tamadir bint Amr, est plus connue sous son nom de plume, al-Khansa. Née vers 575, elle était la fille d’un chef de tribu du Najd. Au cours de sa vie, elle a perdu deux frères et quatre fils de mort violente - des pertes qui ont fortement influencé sa vision et son écriture. Elle était également une contemporaine de Mahomet et s’est convertie à l’islam au milieu de la cinquantaine.

La poésie d’Al-Khansa se concentre sur les thèmes de la lamentation et du départ, et ses poèmes évoquent fréquemment le désespoir lié à la perte de la vie. Même à son époque, elle était célèbre pour ses talents de poète et d’écrivain - et elle le savait. Lorsque l’un des principaux poètes masculins de l’époque a déclaré qu’elle était ’le plus grand poète parmi ceux qui ont des seins’, elle a répondu : ’Je suis aussi le plus grand poète parmi ceux qui ont des testicules’. Aujourd’hui, al-Khansa est vénérée comme l’un des plus grands poètes arabes qui aient jamais vécu - homme ou femme.

Notre inspiration pour cette journée de l’almanach provient de l’un des poèmes classiques de perte d’al-Khansa, écrit après la mort de son frère. Il s’agit d’une courte pièce intitulée ’Lament for a Brother’.

Lamentation pour un frère - Par Al-Khansa

Qu’avons-nous fait à la mort pour que tu nous traites ainsi, avec toujours une autre prise.

Un jour un guerrier, le lendemain un chef d’état charmé par la loyauté ; tu choisis les meilleurs : une mort inique, inégalable.

Je ne me plaindrais pas si tu étais juste, mais tu prends les dignes, en nous laissant des idiots…

Accès par https://open.spotify.com/episode/6VHdCwRyYYoBvrPPs2tusV

Source de cet extrait : https://www.granolasoul.com/spiritual-almanac-al-khansa-monday-february-1-2021/

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  • Ouvrage d’al-Khansâ : «  Le “Dîwân”  » - Par Yoto Yotov - 30.IX.2012 – Document ‘notesdumontroyal.com’
    Ouvrage – 1èrede couverture -

Il s’agit du Divan (Recueil de poésies) d’al-Khansâ*, poétesse bédouine, qui chanta avec une émotion poignante la mort prématurée de ses deux frères (VIe-VIIe siècle apr. J.-C.). La poésie c’était l’enthousiasme des femmes bédouines. Dans les grandes circonstances de leur vie, la douleur, la reconnaissance, l’indignation faisaient jaillir des profondeurs de leur âme des chants toujours naturels, parfois sublimes. « Le lecteur ne doit pas oublier qu’au désert toute émotion vive se traduisait par une improvisation poétique  ; ce qui serait un pédantisme ridicule dans notre civilisation raffinée, était le cri de la nature chez les peuples primitifs », dit le père Victor de Coppier**. Les femmes bédouines savaient peindre en termes justes et pittoresques un beau cheval aux pieds « ferrés de vent du Sud et de vent du Nord » ; elles s’entendaient à décrire une lance à la hampe souple et solide, une cotte de mailles aux anneaux inflexibles, un casque à la bombe étincelante ; elles aimaient à vanter une incursion heureuse, les noms des vainqueurs, les noms des aïeux et les longues lignées des familles reliées par une généalogie précise aux premières hordes descendues en Arabie ; à la mémoire du guerrier qui n’était plus, elles excellaient à composer des hymnes de deuil (« marthiya »***). Or, les hymnes de deuil se muaient le plus souvent en hymnes de guerre ; car après avoir pleuré le héros mort, après avoir rappelé sa bravoure, sa libéralité, sa fidélité au serment, son hospitalité généreuse, son mépris de la vie, son sacrifice de tout intérêt et de tout sentiment à l’austère devoir, il fallait, selon les lois du désert, demander la rançon de son sang. Maintes fois, les accents douloureux d’une mère, d’une épouse, d’une sœur mirent les armes aux mains d’une tribu entière. On le sent bien, les poésies des femmes bédouines ne restaient que rarement dans les limites de la sage modération, puisqu’elles attisaient sans cesse la guerre civile. « Mais, à un autre point de vue, celui de la formation des nobles caractères, ces poésies eurent une influence admirable qu’elles gardent encore : elles furent une école d’héroïsme. Ces vers débordant d’énergie et d’enthousiasme… fortifient l’âme comme une tragédie du grand Corneille, et par là ils ont eu chez les Arabes et peuvent avoir parmi nous une influence vraiment salutaire : notre siècle affadi a besoin de se retremper aux héroïques traditions du désert », conclut le père de Coppier****.

Il n’existe pas moins de cinq traductions françaises du Divan, mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle du père de Coppier.

« قذى بعينك ام بالعين عوّار
ام ذرّفت اذخلت من اهلها الدّار
كأنّ عيني لذكراه إذا خطرت
فيض يسيل على الخدّين مدرار
تبكي لصخر هي العبرى وقد ولهت
ودونه من جديد التّرب استار »
— Passage dans la langue originale

« Ton œil est-il blessé ? Est-il malade ?
Ou bien épanche-t-il ses larmes quand tu es seule à la maison ?
Oui ! Mon œil, à son souvenir, déborde
Et mes joues sont baignées de pleurs.
Pleure sur Ṣaḫr, ô source de mes larmes !
Entre lui et nous, un rideau de terre est tiré. »
— Passage dans la traduction du père de Coppier

« Est-ce une poussière dans ton œil ?
Est-ce une douleur ?
Ou verse-t-il des pleurs
À cause d’une demeure
Vide de ses habitants ?
Mes yeux ressemblent,
Quand son souvenir m’effleure,
À des torrents ruisselant
Sur mes joues.
Secouée par les sanglots
L’affligée privée de son frère
Pleure Çakhr tandis qu’un écran de terre
Fraîchement retournée
Le sépare d’elle à jamais. »
— Passage dans la traduction de Mme Anissa Boumediène (« Moi, poète et femme d’Arabie », éd. Sindbad, coll. La Bibliothèque arabe-Les Classiques, Paris)

« Est-ce un fétu de paille ? Est-ce une maladie qui est dans mon œil ? Ou bien est-ce la maison veuve de ses habitants qui me fait verser des pleurs ?
Lorsque je l’entends mentionner (mon frère), il semble que mon œil répand des torrents de larmes qui ruissellent sur mes joues…
Elle pleure Sakhr, l’affligée privée de son frère que vient de cacher comme un voile la poussière de la tombe. »
— Passage dans la traduction de René Basset (dans « La Poésie arabe antéislamique », XIXe siècle, p. 37-39)

« Est-ce une chassie, dans ton œil, ou une lésion, ou bien pleure-t-il lorsque la maison est déserte ?
Quand son souvenir se présente, on dirait que les pleurs sont un torrent qui déborde et inonde mes joues !
Elle pleure Çakhr, celle qui pleure, le cœur brisé ! Entre lui et nous est un rideau de terre fraîche ! »
— Passage dans la traduction d’Albert Lentin (dans « Les Plus Beaux Textes arabes », éd. La Colombe, Paris, p. 19-21)

« Est-ce un fétu, est-ce une maladie qui m’irrite les yeux ? Ou bien tombent-elles mes larmes parce que notre demeure est veuve de ses enfants ?
Hélas ! Celle qui verse ces pleurs cuisants, pleure un frère qu’elle a perdu ; entre elle et lui est jeté désormais un voile : la terre récente de la tombe. »
— Passage dans la traduction de Nicolas Perron (« Femmes arabes avant et depuis l’islamisme », XIXe siècle)

Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF >

** p. XVII.

*** En arabe مرثيّه. Parfois transcrit « mersiye », « marsiyeh », « marsiya », « marsia » ou « marṯiya ».

**** p. XVII.

Carte du globe

Mots-clefs : 6e siècle, al-Khansâ, arabe, Arabie, femmes écrivains, poésie, poésie arabe, poétesses arabes, Victor de Coppier

Exposé gratuit sur la littérature • Fait à Montréal, Canada - © 2010-2022 Notes du mont Royal

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Source : https://www.notesdumontroyal.com/note/293

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  • Wallada bint al-Mustakfi (en arabe ولادة بنت المستكف) (Cordoue, 994<1010 - id. 26 mars 1091)

  • Découvrir la péétesse Wallada bint al-Mustakfi - 24 avril 2019 - Garance Asbl
    L’histoire de cette femme rebelle met en péril le mythe de l’Occident berceau du savoir, de la culture et de l’émancipation et révèle toute la richesse de l’héritage musulman. Ce portrait met en lumière une poétesse qui a pris un malin plaisir à provoquer ses contemporains en brisant les codes, se dénudant autant qu’il lui plaisait en public, s’acoquinant à sa guise, et déclamant ses vers, parfois sensuels et obscènes, à un public mixte. Pour en savoir plus : http://www.garance.be/spip.php?articl...

Musique utilisée dans cette vidéo - En savoir plus - Écoutez de la musique sans publicité avec YouTube Premium - Titre : La grenade - Artiste : Clara Luciani - Album : La grenade - Concédé sous licence à YouTube par UMG (au nom de Universal Music Division Romance Musique) ; LatinAutorPerf, Sony ATV Publishing, CMRRA, LatinAutor - SonyATV, LatinAutor, UNIAO BRASILEIRA DE EDITORAS DE MUSICA - UBEM, Polaris Hub AB, ASCAP et 11 sociétés de gestion des droits musicaux.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=cXfksGrXu-4

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  • Wallada bint al-Mustakfi (en arabe ولادة بنت المستكف) (Cordoue, 994<1010 - id. 26 mars 1091) d’après Wikipédia
Biographie
Naissance Entre 994 et 1010

Cordoue (Al-Andalus)

Décès26 mars 1091

Cordoue

Nom dans la langue maternelleولادة بنت المستكفي
Activités Poétesse, écrivaine
Père Muhammad III
Autres informations
Religion Islam
CheveuxBlond vénitien
Yeux Bleus (d)
Genre artistique Poésie

Wallada, exactement Wallada bint al-Mustakfi (en arabe ولادة بنت المستكف) (Cordoue, 994<1010> https://fr.wikipedia.org/wiki/Po%C3%A9sie] andalouse, princesse omeyyade, fille de Muhammad al-Mustakfi Billah (Muhammad III) (976-1025), un des derniers califes omeyyade de Cordoue.

Biographie

Jeunesse - Son enfance et sa jeunesse se passent dans une période de troubles et de guerre civile en al-Andalus, qui surviennent après la mort du grand vizir Almanzor en 1002 et qui marquent l’agonie du Califat de Cordoue. Son père est assassiné en 1025 à Uclès, ne laissant derrière lui aucun héritier masculin, ce qui ne fait qu’encourager chaque wali à se proclamer émir, et ouvrir ainsi la première période des taïfas.

Poétesse controversée - Wallada semble n’avoir subi aucune mesure répressive à l’avènement de la dynastie des Bani Jawhar à Cordoue. Elle garde son statut de princesse et continue à organiser chez elle des salons littéraires « Majaliss Al Adab », où se rencontrent poètes, philosophes et artistes. Elle se consacre également à l’instruction des filles de bonne famille.

Sa poésie est reconnue comme aussi fine et douce qu’elle l’était elle-même. D’après les récits historiques, elle portait une robe sur laquelle étaient brodés en or des vers d’amour. Elle prenait part aux joutes de poésie en exprimant ses sentiments avec grande liberté et audace, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. Elle a aussi eu de nombreux défenseurs de son honnêteté, comme Ibn Hazm, auteur du Collier de la colombe, et le vizir Ibn Abdus, son éternel protecteur, apparemment resté à ses côtés jusqu’à son décès.

Liaison avec Ibn Zeydoun - Mais Wallada est restée dans les mémoires pour son histoire d’amour tapageuse avec Ibn Zeydoun. C’est à l’occasion d’une des soirées de compétitions poétiques qu’elle le rencontra. Leur liaison défraye la chronique dans la Cordoue du XIe siècle. Sur cette relation, ils composent huit des neuf poèmes qui nous sont parvenus, dans lesquels ils expriment leur désir de retrouver l’amant aimé, puis la déception, la douleur et le reproche à la suite de leur séparation brutale. Ibn Zeydoun continuera à écrire à son amour perdu, qu’il ne pourra pourtant jamais plus revoir.

Wallada serait décédée vers l’âge de 100 ans en 1091 *, selon certains, le jour même de l’entrée des Almoravides à Cordoue, soit environ vingt ans après la mort d’Ibn Zeydoun.

Bibliographie :

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  • Musique - Música Andalusí ’Wallada bint al-Mustakfi’ - 30 novembre 2010 - sh4m69 – Traduit de l’espagnol par Jacques Hallard – Enregistrement 5:09 : trio musical, chants et défilement d’illustrations
    Wallada bint al-Mustakfi (Córdoba, 994-1091)

I.-Je suis faite pour la gloire - Dary al-istihlal

II.-Quand le soir tombe - Dary iraq al-ajam WALLADA BINT AL MUSTAKFI ou WALADA ALMOSTACFI, également connue sous le nom de WALLADA, est née à Cordoue en 994. Elle était la fille du calife omeyyade Muhammad Mustafkí. Célèbre pour son grand talent poétique, elle était le plus célèbre des écrivains andalous, mais c’était aussi une femme d’une beauté bouleversante : belle silhouette, teint blanc, yeux bleus, cheveux roux... l’idéal de l’époque. Après la mort de son père, n’ayant pas de descendance masculine, Wallada hérita de tous ses biens et, à l’âge de 17 ans seulement, se débarrassant de toute tutelle masculine, elle ouvrit un palais et un salon littéraire à Cordoue, où elle offrait un enseignement de la poésie et du chant aux filles des familles puissantes et peut-être instruisait-elle les esclaves à la poésie, au chant et aux arts de l’amour. Après tout, elle était la fille d’Amin Am, une esclave chrétienne envoyée à Médine pour être cultivée, et sa nourrice et enseignante était l’esclave noire Safia. Parmi ses élèves se trouvait Muhya Bint Al Tayyani, une jeune femme de condition très modeste (fille d’un vendeur de figues) qu’elle accueillit chez elle et qui finit par la dénigrer dans de cruelles satires. Sa position sociale privilégiée lui confère un caractère exceptionnel, bien que la personnalité de Wallada, sensible et raffinée, ce serait de toute façon distinguée, car Wallada était la femme la plus cultivée, la plus célèbre et la plus scandaleuse de Cordoue. Elle marchait dans les rues sans voile et, à la mode des harems de Bagdad, elle portait ses propres vers brodés sur le bord de sa robe ou sur des tuniques transparentes. La légende veut que sur le côté gauche, on puisse lire : ’Je suis faite, par Dieu, pour la gloire, et je marche, fière, à ma façon’, et sur le côté droit : ’Je donne volontiers ma joue à mon amoureux et je donne mes baisers à qui en veut’. Seuls neuf de ses poèmes ont survécu, dont cinq sont satiriques, et elle a été entourée d’une certaine réputation d’audace et de cinglante. En outre, certaines allusions quelque peu osées dans ses vers, probablement combinées aux représailles de ses ennemis, l’ont fait passer dans l’histoire pour une femme immorale et licencieuse, ce à quoi s’ajoute le fait qu’elle ne s’est jamais mariée et qu’elle était connue pour avoir eu plusieurs amants. À l’âge de 20 ans, elle a rencontré l’homme qui a marqué sa vie à jamais. C’était lors d’une nuit de fête de la poésie, où l’on s’amusait à compléter des poèmes les uns pour les autres, selon la coutume cordouane de l’époque. Son histoire d’amour et de chagrin avec Ibn Zaydum (un noble d’excellente position, avec une grande influence politique et l’intellectuel le plus élégant et le plus séduisant de l’époque) est devenue une légende. C’est le choc de deux vanités littéraires, dont elle prend la tête. Après une histoire d’amour passionnée, publique et versifiée, l’idylle se brise rapidement. Plusieurs des poèmes qui lui restent sont nés de cette relation. Deux d’entre elles expriment la jalousie, le désir et l’envie de se rencontrer ; une autre exprime la déception, la douleur et le reproche ; cinq sont des satires acerbes contre son amant, à qui elle reproche, entre autres, d’avoir des amants masculins, et la dernière fait allusion à sa liberté et à son indépendance. Lorsqu’elle rompt sa relation avec Ibn Zaydum, elle devient l’amante de l’homme fort de Cordoue, le vizir Ibn Abdus, rival politique et ennemi personnel d’Ibn Zaydun, qu’elle prive de ses biens et finit par mettre en prison. C’est pendant cette période de captivité physique et amoureuse qu’Ibn Zaydun a écrit ses poèmes les plus célèbres. Mais Wallada ne voulait pas le revoir. C’est ce qui a vraiment créé la légende. Ibn Zaydun, après avoir recouvré sa liberté, se promenait la nuit dans les palais en ruine de Medina Al Zahara, symboles d’une passion qui avait été détruite. La légende veut que tout Cordoue l’ait vu errer, hagard, malade d’amour, et ait entendu parler de ses poèmes soumis, implorant un pardon qui ne fut jamais accordé. Ruinée dans sa fortune et son crédit, Wallada parcourut l’Espagne des royaumes de Taïfas, peut-être aussi des royaumes chrétiens, exhibant son talent et accordant peut-être ses faveurs, mais elle revenait toujours chez Ibn Abdus, dans le palais duquel elle finit par vivre, sans toutefois l’épouser, et sous la protection duquel elle lui survécut, toujours altière et belle, jusqu’à l’âge de 80 ans. Elle meurt le 26 mars 1091, le jour où les Almoravides entrent dans Cordoue. Le soir venu, attends ma visite, car je vois que la nuit est la meilleure pour cacher les secrets ; je ressens un amour pour toi que si les étoiles le ressentaient, le soleil ne brillerait pas, la lune ne se lèverait pas et les étoiles ne partiraient pas pour leur voyage nocturne. Interprètes : Eduardo Paniagua & El Arabi Sergheni

Source : https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q et https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q&list=RDA7emWoNnTc8&index=2

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  • {{}}
    Musique - Música andalusí - Ave Veloz ou Oiseau martinet (Wallada bint al-Mustakfi) - 28 février 2011 - sh4m69 - Traduit de l’espagnol par Jacques Hallard – Enregistrement 4:05
    Wallada bint al-Mustakfi (Cordoue, 994-1091) ولادة بنت المستكفي - Déceptions et reproches – « Certainement qu’Ibn Zaydun, malgré son prestige, était ébranlé par les bosses de son pantalon. Si un pénis voyait, sur quelque palmier, il serait parmi les oiseaux les plus rapides. Certes, Ibn Zaydun, malgré son prestige, me calomnie injustement, sans qu’il y ait faute de sa part. Chaque fois que je l’approche, il me regarde avec rancœur, comme si j’étais venue pour le castrer « - Interprètes : Eduardo Paniagua & El Arabi Sergheni.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=A7emWoNnTc8

https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q&list=RDA7emWoNnTc8&index=2

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    Musique - Wallada bint al-Mustakfi - 24 avril 2019 - Garance Asbl – Vidéo 1:55 avec commentaire d’Elsa Tarlton - Clara Luciani (artiste  : musique et chant)
    L’histoire de cette femme rebelle met en péril le mythe de l’Occident berceau du savoir, de la culture et de l’émancipation et révèle toute la richesse de l’héritage musulman.

Ce portrait met en lumière une poétesse qui a pris un malin plaisir à provoquer ses contemporains en brisant les codes, se dénudant autant qu’il lui plaisait en public, s’acoquinant à sa guise, et déclamant ses vers, parfois sensuels et obscènes, à un public mixte. Pour en savoir plus : http://www.garance.be/spip.php?articl...

Musique utilisée dans cette vidéo : En savoir plus - Écoutez de la musique sans publicité avec YouTube Premium - Titre : La grenade - Artiste : Clara Luciani - Album : La grenade - Concédé sous licence à YouTube par UMG (au nom de Universal Music Division Romance Musique) ; LatinAutorPerf, Sony ATV Publishing, CMRRA, LatinAutor - SonyATV, LatinAutor, UNIAO BRASILEIRA DE EDITORAS DE MUSICA - UBEM, Polaris Hub AB, ASCAP et 11 sociétés de gestion des droits musicaux.

Source pour visionner : https://www.youtube.com/watch?v=cXfksGrXu-4

https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q&list=RDA7emWoNnTc8&index=2

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    Musique - Wallada, la dernière andalouse - ولادة آخر أندلوسية – Vidéo 4:05 - 22 mars 2021 - Youcef L’Asnami
    Pour son premier roman, SKF a choisi de raconter la vie tumultueuse de Wallada une poétesse issue de la noblesse andalouse dans une Andalousie en plein déclin du Califat Ommeyade de Cordoue et rongée par les dissensions politiques. Nous sommes au 11eme siècle. Le roman retrace une des périodes la plus passionnée de Wallada : la rencontre d’Ibn Zeydoun, autre grand poète de cette époque, leur histoire d’amour brève mais si riche en émotions transcris dans leur poésie. Toute la nature humaine y passe, amour, haine, trahison, jalousie, illusions, descente aux enfers… dans une des plus belles régions de la péninsule ibérique.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=sDjq1apRj9U

https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q&list=RDA7emWoNnTc8&index=2

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    Musique - Wallada & Ibn Zaydun - Eduardo Paniagua & El-Arabi Ensemble – Vidéo 1 heure 55 minutes - 28 février 2014 – Extrait - bassil othman – Enregistrement musical et chants arabo-andalous.
    Musique utilisée dans cette vidéo - En savoir plus - Écoutez de la musique sans publicité avec YouTube Premium - Titre : Camino Orgullosa. Taqsim´ud istihlal - Artiste : Eduardo Paniagua - Album : Pneuma, el Poder Espiritual de la Música Antigua (Pneuma, Spirit Concédé sous licence à YouTube par The Orchard Music (au nom de Pneuma) ; LatinAutor, Muserk Rights Management, LatinAutorPerf et 1 sociétés de gestion des droits musicaux - Titre : Enamorado Nostálgico (II Murallas Inexpugnables / Palacio del E - Artiste : Eduardo Paniagua - Album : Músicas del Alcázar - Concédé sous licence à YouTube par The Orchard Music (au nom de Pneuma) ; Muserk Rights Management - Titre : Pasa Tus Miradas - Artiste : Eduardo Paniagua - Album : Medicina del Alma - Concédé sous licence à YouTube par The Orchard Music (au nom de Pneuma) ; Muserk Rights Management et 1 sociétés de gestion des droits musicaux - Titre : Despedida Del Agua. Artiste : Eduardo Paniagua - Album : Agua De Al-Andalus - Concédé sous licence à YouTube par The Orchard Music (au nom de Pneuma) ; Muserk Rights Management, Latin Autor et 1 sociétés de gestion des droits musicaux.

Sources : https://www.youtube.com/watch?v=4B1BBCsxY3A - https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q&list=RDA7emWoNnTc8&index=2

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    Une Poétesse andalouse indépendante et provocante : Wallada bint al-Moustakfi – Document ‘garance.be’
    L’histoire de la femme rebelle du mois met en péril le mythe de l’Occident berceau du savoir, de la culture et de l’émancipation et révèle toute la richesse de l’héritage musulman. Wallada bint al-Moustakfi a pris un malin plaisir à provoquer ses contemporain.e.s en brisant les codes, se dénudant autant qu’il lui plaisait en public, s’acoquinant à sa guise, et déclamant ses vers, parfois sensuels et obscènes, à un public mixte.

On est dans une enclave très particulière de l’Histoire, celle de l’Espagne musulmane, l’al-Andalus. L’occupation musulmane de l’Espagne, durant huit siècles (entre 711 et 1492), a offert à l’Espagne un fleurissement culturel extraordinaire. Aujourd’hui encore, en déambulant dans les rues andalouses, on peut admirer les vestiges de l’art musulman mêlant raffinement et luxe avec ses nombreuses arabesques, ses palais et minarets dominant les villes, les monuments comme l’Alcazar de Séville, la Giralda, l’Alhambra...

L’Espagne a aussi joui d’un bourgeonnement des savoirs. Les Maures - nom donné aux musulmans au cours de l’Europe médiévale - ont enrichi les mathématiques en apportant leur système de chiffres en Occident, la langue espagnole de milliers de mots, les connaissances de l’Antiquité en traduisant les écrits grecs, le développement de l’agriculture grâce aux techniques d’irrigation d’Afrique, etc…

Fleurissent de nombreux foyers d’études, des bibliothèques … A Cordoue est constituée l’une des plus grandes bibliothèques du monde, qui comptait jadis des femmes érudites parmi son personnel. Et malgré quelques controverses, l’Espagne musulmane est aussi considérée comme une période de coexistence relativement tolérante entre les trois religions monothéistes (islam, judaïsme et christianisme).

Le XIe siècle à Cordoue, où brilla et transcenda Wallada, est donc une période plutôt érudite et tolérante. Certaines femmes, selon leur statut social et religieux, accédaient à un haut niveau d’éducation. Les règles juridiques et religieuses soumettant les femmes aux hommes étaient, en pratique, parfois transgressées et certaines femmes musulmanes d’al-Andalus ont donc réussi à s’affirmer dans de nombreux domaines : le droit du mariage et de la famille, les droits de succession et de propriété, l’éducation, l’art, la littérature, les espaces religieux et l’emploi.

Toutefois, ces avancées étaient considérées comme des transgressions. Le parcours de Wallada est un exemple du combat d’insubordination que ces femmes ont mené et marque une rupture avec la vision traditionnelle des femmes musulmanes et des femmes médiévales en général.

Poétesse

A Cordoue, centre d’une vie extravagante, Wallada a joui d’une éducation sophistiquée, cultivée et relativement libre. Elle se distingue comme ‘adiba’ (femme de lettre) et devient la poétesse et la femme la plus célèbre de l’al-Andalus.

Au décès de son père, elle est âgée d’une trentaine d’années. Grâce notamment à son haut niveau d’éducation et à sa grande fortune héritée, elle s’affranchit de toute une série d’interdits, de tabous imposés aux femmes. La poétesse casse les codes traditionnels médiévaux, obstacles à son autonomie et à sa liberté personnelle. Elle délaisse le voile, fière de sa beauté, et arbore des vêtements transparents des harems de Bagdad en public.

Sur sa manche gauche est brodé : « je permets à mon amant de caresser ma joue, et j’offre mon baiser à celui qui le désire ». Une réponse impertinente au juge suprême de la ville, Ibn Rushd (connu en occident sous le nom d’Averroès), l’accusant d’être une prostituée. Mais aussi une invitation séduisante où elle consacre son propre contrôle sur son corps et son droit d’accorder son amour à qui elle le désire (amant ou inconnu).

Elle est admirée pour sa beauté et son tempérament de femme fière, intelligente, éloquente et engagée. Sa plume, à son image, est audacieuse et trouble ses contemporain.e.s, faisant d’elle le sujet de potins et de rumeurs. Ses vers déclamés en toute insouciance, sans causer de réprimande, témoignent non seulement d’un esprit libre, mais aussi d’une société qui « tolère » une telle transgression de genre. Ses poèmes provocants, aux notes sensuelles, témoignent de son refus de se conformer et de son désir d’être maîtresse de son pouvoir de séduction. Ses poèmes déclamés avec ardeur reflètent la femme passionnée et volontairement provocante qu’était Wallada.

Illustration - Wallada est également célèbre pour avoir fondé son propre salon littéraire, plaque tournante pour les poètes, les personnalités littéraires et les nobles contemporain.e.s. D’autres femmes-poètes, en Al-Andalus avaient déjà créé de tels salons, notamment Sukayna bint al-Husayn. Wallada innove car elle passe outre la coutume qui impose que les salons littéraires soient séparés entre les hommes et les femmes par un hijab. Son salon ne présente pas cette ségrégation, Wallada organise des rassemblements mixtes. Elle prend part aux joutes de poésie, compétitions habituellement réservées aux hommes, où elle déclame ses vers volontairement audacieux.

Ainsi, elle acquiert une certaine reconnaissance dans ce milieu masculin. Les personnalités littéraires sont attirées par son talent et cherchent sa compagnie et son approbation. Son salon devient aussi une école de poésie pour femmes où ses enseignements gratuits aident de nombreuses femmes de la classe moyenne à s’élever et la rendent très populaire en ville. Elle y enseigne la poésie et les arts de l’amour aux femmes de toutes les classes, des plus nobles aux esclaves.

Amante passionnée et libre

Sa grande fortune lui permet d’être financièrement indépendante et de rester, tout au long de sa vie, libre dans ses choix amoureux et de s’affranchir de la tutelle masculine. Elle prend plusieurs amant.e.s mais ne se marie jamais. On la décrit comme une femme qui commande dans la rue, à la maison et au lit.

C’est lors des joutes de poésie qu’elle rencontre son premier grand amour Ibn Zeydoun avec lequel elle vivra une brève passion scandaleuse. Elle expose publiquement, avec audace, ses sentiments et ses désirs sexuels ardents qui la dominent, et elle y fait souvent allusion dans les poèmes passionnés qu’elle déclame. Wallada s’affranchit aussi des conventions de l’amour courtois en prenant les initiatives dans sa relation avec Ibn Zeydoun. La norme décrit un amant masculin qui, courageux, dans le nuit, se faufile secrètement, affrontant tous les dangers, jusqu’au domicile de sa bien-aimée, qui l’attend, sagement. Pourtant, dans un mépris flagrant pour la convention, Wallada inverse ces rôles. Depuis leur première rencontre, c’est elle qui fixe les règles, qui fixe l’heure et le lieu du rendez-vous et qui brave les dangers sur le chemin qui mène à son amoureux :

Sois prêt pour ma visite à l’obscurité, parce que la nuit est la meilleure gardienne des secrets.
Si le soleil sentait l’étendue de mon amour pour toi, il ne brillerait plus, la lune ne se lèverait plus, et les étoiles s’éteindraient d’émoi. 
 

Notre poétesse vit aussi une relation amoureuse avec l’une de ses élèves, Muhya bint al-Tayani, d’une classe sociale nettement moins élevée. Wallada, amoureuse, entreprend de l’éduquer à l’art de la poésie jusqu’à ce qu’elle devienne elle-même poétesse. Très démonstrative et libre dans sa vie sexuelle, Wallada devient un symbole de libération pour les femmes de son temps. Elle résiste aux impératifs de genre qui l’empêchent de choisir les amant.e.s de son choix. Libre aussi dans sa plume, elle ose s’essayer à la satire, s’en prenant à ses amants. Elle écrit des poèmes d’injures, parfois obscènes, notamment contre Ibn Zeydoun, des textes qui offensent l’opinion publique.

Malheureusement, aujourd’hui, il reste très peu de traces des poèmes de Wallada, seules quelques lignes nous sont parvenues. De manière générale, les vers écrits par les femmes ne traversent pas souvent les siècles de filtrage et de censure sexistes. Dans les recueils de poésie hérités, les poèmes des femmes ne figurent pas aux côtés de ceux de leurs homologues masculins, mais sont souvent relégués au dernier chapitre de livres, comme ceux de Wallada, de Kitab al-sila fi tarikh, d’Aln Bashkuwal et d’Uyun al-Akhbar. Quant aux poèmes de Wallada, en particulier ses poèmes d’injures contre Ibn Zeydoun, elles ont offensé certain.e.s de ses contemporain.e.s qui se sont abstenu.e.s de traduire ses poèmes et ont condamné son comportement.

Si vous projetez de passer vos vacances en Andalousie, vous pouvez profiter d’un itinéraire orienté sur les femmes en al-Andalus et guidé par une femme, guide écrivaine, Emma Lira. Vous pourrez notamment découvrir une sculpture représentant les mains de Wallada et d’Ibn Zeydoun érigée sur la place El Campo Santo de los Mártires à Cordoue.

Pour en savoir plus :

  • Abdullah al-Udhari (2017) : Classical Poems by Arab Women : A Bilingual Anthology. Saqi Books, London.
  • Asma Afsaruddin (2010) : Literature, Scholarship, and Piety : Negotiating Gender and Authority in the Medieval Muslim World. Religion & Literature 42(1/2), 111-131.
  • Kamila Shamsie (2016) : Librarians, Rebels, Property Owners, Slaves : Women in al-Andalus. Journal of Postcolonial Writing 52, 178-188.
    © 2009 Garance ASBL - Avec le soutien de la COCOF - Source : http://www.garance.be/spip.php?article1244

https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q&list=RDA7emWoNnTc8&index=2

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    Cycle de conférences : Wallada, la dernière andalouse – Annonce par vidéo - Sortie le 15 juillet 2021- Fondation Malek Chebel
    « Voyage dans l’imaginaire de l’Andalousie classique » - Un cycle de 7 conférences ’Balad Al andalus, l’Andalousie a été le rêve éveillé des Arabes, un rêve grandeur nature, une sorte de conte de fées pour adulte, vécu en temps réel, c’est-à-dire durant sept siècles, entre le VIIIe et le XVIe siècle. Naguère l’Andalousie englobait l’Espagne et le Portugal, quasiment toute la péninsule ibérique à l’exception d’une petite bande au nord de l’Espagne. Par l’Est, les Arabes réussirent à franchir les Pyrénées et passant par Avignon, remontèrent le lit du Rhône et de la Garonne. Peu de temps avant sa mort Jacques Berque écrivait : « J’appelle à des Andalousie toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l’inlassable espérance » (Andalousies, 1981) Nous voyagerons à travers l’Andalousie de Wallada avec l’attrait de la (re)découverte d’un espace qui a pratiqué et porté les valeurs d’échange, de dialogue et de fraternité.

Le goût du syncrétisme à l’heure du village mondial et de la perspective de la terre commune au vivre ensemble harmonieux, donneront à nos échanges un écho très contemporain. Nos pérégrinations estivales vous entraîneront, tous les jeudis, au cœur de l’Espagne musulmane, naguère centre du monde.

Cordoue était au cœur de toutes les romances, capitale andalouse incontestée visitée par l’inteligencia judéo-chrétienne et musulmane pendant plusieurs siècles – certains et non des moindres y sont nés, Averroès, Maïmonide, Ibn Hazm. Chantée aussi bien par les poètes que par les voyageurs, la ville a toujours occupé une place singulière au sein des imaginaires, des histoires et des mémoires d’un passé mythique et mythifié.

Philosophie, structure politique, débats théologiques, dialogue interreligieux, convivencia, progrès scientifique, autant de prismes par lesquels nous aborderons l’œuvre de Sidali Koudri Filali qui nous plonge dans le cœur battant d’un moment historique ayant fondamentalement enrichi le patrimoine intellectuel universel.

C’est dans cet illustre décor qu’advient l’histoire de Wallada, à la fois reflet de son temps et trajectoire intemporelle. ’ Ghaleb Bencheikh et Sidali Koudri Filali, et Mikaïl Chebel en médiateur reçoivent un auteur chaque jeudi à 20h du 22 juillet au 2 septembre 2021 pour débattre à propos de l’Islam des Lumières qu’illustre parfaitement le roman : Wallada, la dernière andalouse. Mikaïl Chebel, Président de la Fondation Malek Chebel

Voir aussi : Fondation Malek Chebel

Sources : https://www.youtube.com/watch?v=x-A9p9rM6Xc

https://www.youtube.com/watch?v=pVzeKXUDI8Q&list=RDA7emWoNnTc8&index=2

NB. En cas de difficultés pour écouter à partir des sources indiquées : copier les titres choisis et les rechercher avec un moteur de recherche (par exemple Google).

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Nazhuu bint al-Qila’i


  • La courtisane et poétesse de Grenade : Nazhun al-Garnatiya bint al-Qulai’iya d’après Wikipédia – Traduction reprise par Jacques Hallard
    Nazhun al-Garnatiya bint al-Qulai’iya (XIe siècle) était une courtisane et une poétesse de Grenade, connue pour ses vers scandaleux, son érudition et ses origines modestes (peut-être une esclave). Bien que peu de ses œuvres nous soient parvenues, elle est, parmi les poètes féminins andalous médiévaux, la deuxième en nombre d’œuvres conservées après sa contemporaine Hafsa Bint al-Hajj al-Rukuniyya ; elle apparaît généralement en train de prendre le dessus sur les poètes masculins et les aristocrates qui l’entourent par ses invectives pleines d’esprit. Selon Marla Segol, ’en règle générale, Nazhun représente son corps d’une manière qui perturbe les stratégies conventionnelles de contrôle de la parole et de la sexualité des femmes, et proteste contre la marchandisation du corps des femmes’ [1].

Dans la traduction d’A. J. Arberry, l’une de ses diverses ripostes est la suivante : [2]

Le poète al-Kutandi a mis au défi l’aveugle al-Makhzumi de compléter les vers suivants :

« Si tu avais des yeux pour voir l’homme qui te parle…. » 

L’aveugle n’a pas réussi à trouver une suite appropriée, mais Nazhun, qui était présent, a improvisé de cette façon :

Aussi nombreux qu’ils puissent être

Vous regarderiez tous muettement

L’or brillant de ses bracelets de cheville.

La lune montante, semble-t-il,

Dans ses boutons brillants scintillent,

Et dans sa robe, je le crains,

Se balance un mince rameau ».

Sources :

  • Arie Schippers, ’The Role of Women in Medieval Andalusian Arabic Story-Telling’, in Verse and the Fair Sex : Studies in Arabic Poetry and in the Representation of Women in Arabic Literature. A Collection of Papers Presented at the Fifteenth Congress of the Union Européenne des Arabisants et des Islamisants (Utrecht/Driebergen, September 13–19, 1990), ed. by Frederick de Jong (Utrecht : Publications of the M. Th. Houstma Stichting, 1993), pp. 139–51 http://dare.uva.nl/document/184872.
  • Marlé Hammon, ’Hafsa Bint al-Hajj al Rukuniyya’, in Medieval Islamic Civilisation : An Encyclopedia, ed. by Josef W. Meri, 2 vols (New York : Routledge, 2006), I 308.
  • Marla Segol, ’Representing the Body in Poems by Medieval Muslim Women’, Medieval Feminist Forum, 45 (2009), 147-69 : http://ir.uiowa.edu/mff/vol45/iss1/12.
    References :

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    Nazhūn bint al-Qulā’iya al-Gharnātiya – La poétesse insultante – Environ 1100, Grenade – Document ‘scribblewits.org’
    Dans ce temps, il n’y avait pas de ‘Comedy Central Roasts’. (C’est l’une des raisons pour lesquelles le passé était si magique). Mais les gens d’alors aimaient se moquer les uns des autres, tout autant que nous le faisons aujourd’hui.

La seule différence est qu’ils le faisaient avec de la POÉSIE.

Nazhūn bint al-Qulā’iya al-Gharnātiya était probablement une esclave poète dans le royaume arabe médiéval d’Andalousie (l’Espagne actuelle). Elle était experte dans l’art de la poésie invective, qui est une forme ancienne de comédie d’insultes. Les poètes invectivistes s’échangeaient des vers acérés et mordants, comme dans un rôti ou un combat de rap.

L’universitaire Marla Segol appelle Nazhūn ’ la plus outrancière des poètes’.

Nazhūn a fait un énorme coup d’éclat lorsqu’elle a échangé des insultes avec un redouté et célèbre poète invectiviste masculin, al-Makhzumi. Voici ma traduction moderne :

Al-Makhzumi : Tu es une putain.

Nazhūn : Oui, une vieille pute comme ta mère.

Al-Makhzumi : Vous êtes une sale pute et je peux vous sentir à un kilomètre. Dieu devrait te montrer ’la verge’. Cela t’apprendra.

Nazhūn : Cela n’a aucun sens parce que je VEUX cette verge ! Donne-la moi !

Al-Makhzumi : Vous êtes à moitié décente, et sous vos robes se trouve une chatte mouillée et négligée.

Nazhūn : Vous venez d’un pays non civilisé qui sent la merde et vous êtes né avec un seul œil. Regarde, je suis une femme et je te bats à ton propre jeu !

Ils se renvoyèrent la balle jusqu’à ce que quelqu’un mette fin à l’altercation, mais cette bagarre devait établir la réputation de Nazhūn qualifiée de ’courageuse’ et comique.

Certains de ses vers d’invectives et de ses poèmes d’amour survivent à ce jour !

Lisez-les aux liens ci-dessous et célébrez cette femme d’esprit de l’Histoire !

Representing the Body in Poems by Medieval Muslim Women (PDF)

The role of woman in medieval Andalusian Arabic story-telling (PDF)

scribblewits | Etsy

Source : https://www.scribblewits.org/blog/nazhun-bint-al-qula-iya-al-gharnatiya-the-insult-poet

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    Des femmes artistes réagissent à des poèmes arabes anciens dans une nouvelle exposition - 31 janvier 2017 – Document ‘dazeddigital.com’
    Une nouvelle exposition demande à près de 50 femmes originaires de certains des pays touchés par l’interdiction de Trump d’interpréter d’anciens poèmes arabes sur la luxure féminine.

À l’heure où l’un des dirigeants les plus puissants du monde est capable d’interdire l’entrée de migrants en provenance de pays à majorité musulmane, il est de plus en plus vital d’entendre les diverses voix des femmes arabes et musulmanes et de leurs partisans. Heureusement, c’est exactement ce que propose la prochaine exposition d’art révolutionnaire Radical Love : Female Lust.

Après que l’actrice irlandaise Róisín O’ Loughlin a trouvé un recueil de poèmes arabes écrits par des femmes radicales pendant des milliers d’années, principalement entre le 7e et le 12e siècle, elle a su qu’elle devait les partager avec le monde chaotique. Ces textes, qui ressemblent davantage à des paroles de chansons modernes, ne sont étonnamment pas si éloignés de l’expérience des femmes d’aujourd’hui. ’Je voulais les montrer d’une manière qui capture leur esprit dynamique...’ dit O’Loughlin. ’Quelles que soient les contraintes extérieures imposées à ces femmes, elles ont conservé une indépendance d’esprit qui est source d’inspiration.’

Débarrassés de l’idée que la sexualité féminine n’est puissante que dans certaines cultures, les versets anciens démontrent la férocité de la convoitise féminine, qu’il s’agisse de faim sexuelle, d’autonomie ou de simple coup de foudre. ’Qu’il s’agisse d’esclaves, d’esprits ou de princesses, tous se délectent d’une vitalité et d’une sexualité féminines qui sont le cauchemar de quiconque a de petites mains’, explique O’Loughlin.

Se faisant les championnes des créations féminines arabes et musulmanes passées et présentes, 48 artistes féminines émergentes et acclamées de différentes cultures ont forgé des œuvres d’art modernes et sensuelles inspirées par les scribes séculaires. Les résultats sont beaux, audacieux et courageux et témoignent de toutes sortes de convoitises à une époque de division.

D’une militante féministe péruvienne à des artistes syriens déplacés, en passant par une cinéaste britanno-ghanéenne, une ’magicienne murale multidimensionnelle’ éthiopo-américaine, des photographes d’Égypte, de Turquie, d’Arabie saoudite et d’Indonésie, sans oublier les favorites de Dazed, Rosaline Shahnavaz et Ilona Szalay, Radical Love sera un dialogue entre le passé et le présent, tout en révélant le pouvoir de la passion féminine.

Nous nous sommes entretenus avec O’Loughlin pour parler de sa première exposition d’art, de l’importance de l’art multiculturel et de l’exposition comme un ’fuck you to fascism’.

’Au départ, j’ai hésité à même mentionner le mot (islamophobie) parce que je voulais que l’exposition soit exempte de cette folie qui infecte nos sociétés, mais les musulmans de sept pays ont été interdits d’entrée aux États-Unis. Les artistes de l’exposition sont originaires de quatre de ces pays... donc c’est tout simplement impossible. ’

Qu’est-ce qui vous a inspiré le lancement de Radical Love : Female Lust ?

Róisín O’ Loughlin : Radical Love a été fondé en décembre 2015 comme une plateforme pour promouvoir l’amour à travers l’art. C’était une réponse à ce qui a suivi les attentats de Paris ; l’intensification des bombardements en Syrie et le vitriol associé dirigé vers les réfugiés fuyant la crise et les musulmans à travers le monde. J’avais le sentiment qu’une telle colère et une telle peur étaient dangereuses, non seulement pour les innocents qui étaient visés, mais aussi pour quiconque voulait conserver un sentiment d’humanité.

Comment votre perception de l’’autonomisation’ a-t-elle été affectée par votre découverte du premier poème, un texte du XIe siècle de Wallada bint al Mustakfi ?

Róisín O’ Loughlin : Eh bien, je déteste le jargon et pour moi, le mot ’empowerment’ appartient à la publicité, il a été coopté pour nous vendre tout, des lames de rasoir aux petits jus tristes, alors c’était cool de tomber sur quelqu’un qui avait les couilles de l’incarner à une époque différente... Je défie quiconque de lire Wallada sans être totalement impressionné. Elle était tellement sûre de sa valeur qu’elle a fait broder ces mots sur sa tunique (transparente) :

Je suis faite pour des objectifs plus élevés et par Allah

Je poursuis mon chemin avec fierté.

Je permets à mon amant de toucher ma joue

Et j’accorde mon baiser à celui qui le désire.

C’est comme si Rihanna avait fait quelque chose, mais c’était il y a plus de mille ans ! Elle m’a (aussi) fait penser à Malala : ’Tout ce que je veux, c’est une éducation et je n’ai peur de personne’ - les déclarations sans concession de femmes excellentes.

*** Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite) ***

Source : https://www.dazeddigital.com/artsandculture/article/34516/1/women-artists-respond-to-ancient-arabic-poems-in-new-show

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    Nazhun al-Garnatiya bint al-Qalai’iya : An Interior Life - Margaret Begg ’22 – Document ‘sites.google.com/wellesley.edu’ – Traduction reprise par Jacques Hallard
    Ouvrage – 1èrede couverture - A. J. Jarberry, ’Moorish Poetry’, une traduction de l’anthologie dans laquelle Ibn Sa’id a inclus les œuvres de Nazhun.

Dans la traduction anglaise d’A. J. Arberry, The Pennants of the Champions and the Standards of the Distinguished, les personnes ne sachant pas lire l’arabe peuvent découvrir le génie poétique de nombreux poètes d’Al-Andalus, d’Afrique du Nord et de Sicile.

Comme le note Arberry dans l’introduction de son texte, le recueil original a été compilé en 641/1243 de notre ère par l’Andalou Ibn Sa’īd, un homme érudit issu d’une riche famille qui a beaucoup voyagé dans la région (Arberry 1953 ; ed. al-Dayah 1987). Ibn Sa’īd a inclus dans son anthologie deux des poèmes dialogués de Nazhun al-Garnatiya, tous deux extraits d’échanges auxquels elle se livrait vraisemblablement en tant qu’amuseuse asservie à la cour arabe (qaynah).

Très peu d’informations biographiques sur cette remarquable poétesse ont survécu jusqu’à aujourd’hui, de sorte que l’essentiel de ce que les chercheurs peuvent dire sur sa voix poétique et son influence littéraire provient d’une lecture attentive des vers qui lui sont attribués dans le livre d’Arberry. Il n’existe aucun recueil indépendant de sa poésie, et la grande majorité de ses vers les plus cités proviennent de la poésie invective qu’elle produisait pour divertir les hommes de la haute société par des joutes verbales (Segol 2009). Le fait que Sa’īd ait inclus deux des poèmes de Nazhun dans sa compilation du XIIIe siècle témoigne de l’impression indéniable que sa vie et son œuvre ont eu dans la région. Il a structuré le manuscrit par lieu, puis a classé les poètes par profession, listant notamment les œuvres de Nazhun dans la catégorie ’ femmes ’ plutôt que ’ poètes ’ (Arberry 1953 : 92).

Compte tenu des preuves qui suggèrent qu’elle avait reçu une formation professionnelle et qu’elle composait ses vers en fonction de son asservissement, l’accent mis sur son sexe plutôt que sur son statut professionnel rappelle au lecteur que si la poésie des femmes dans l’al-Andalus médiéval était commercialisée et utilisée pour le divertissement, elle était beaucoup moins souvent préservée et transcrite que celle des hommes (Hammond 2003 : 3). Les vers de Nazhun inclus dans les Pennants n’ont probablement survécu que parce que les historiens les ont d’abord inclus dans les biographies des hommes qu’elle visait dans ses invectives.

Ouvrage – 1èrede couverture – L’édition la plus récente de l’anthologie d’Ibn Sa’id, éditée par Muhammad Ridwan al-Dāyah en 1987.

Le fait que le dialogue masculin encadre une si grande partie de ce qui reste des vers du poète spirituel a conduit beaucoup de gens à mettre en doute la présence d’une véritable voix féminine dans ses poèmes dialogués (Hammond 2003 : 3). Une telle conclusion, cependant, est réductrice et ignore le fait que l’œuvre de Nazhun est porteuse d’un profond héritage, à la fois dans le contexte de son identité de femme poète asservie et indépendamment de celui-ci. La transcription de ses vers dans les Pennants - un recueil contenant relativement peu de poèmes dialogués et d’invectives - témoigne de leur valeur littéraire transcendante, mais des lectures modernes attentives révèlent comment son identité a influencé et contraint les poèmes.

Alors qu’Arberry décrit la réponse de Nazhun à l’accusation d’Abu Bakr, son possible amant, de son inconduite sexuelle comme ’un joli compliment sur le nom d’Abu Bakr’ (Arberry 1953 : 23) en prenant pleinement en considération le poids de l’identité de Nazhun, la critique littéraire moderne Alev Adil offre une interprétation plus nuancée du même poème. Dans son commentaire, elle écrit : ’mais elle est généreuse avec son amour ; [Abu Bakr] a la première place. Son corps est une maison d’amour, un sanctuaire. Là où une femme libre, pieuse, mariée, une muhsana vivait dans la maison comme une prison afin d’être séquestrée du regard public, le cœur de Nazhun devient le refuge qui accueille Abu Bakr depuis la rue ’ (Adil 2016 : 220). Adil attribue une signification au symbolisme du cœur dans le poème et dissèque les expériences de Nazhun en tant que femme asservie qui jouissait d’une plus grande mobilité publique que les femmes mariées et de haut statut en al-Andalus.

Cette analyse de la poétique corporelle significative de Nazhun encourage une exploration et une imagination de la vie interne de Nazhun que ne permettent pas la Poésie mauresque d’Arberry et les Pennants de Sa’īd. Pourtant, toutes les transcriptions et traductions des invectives de Nazhun témoignent de leur force et de son talent de poète professionnelle confrontée à d’importantes restrictions corporelles tout en jouissant d’autres libertés en tant que qaynah.

Les femmes qui avaient accès à une éducation à la lecture et à l’écriture dans l’al-Andalus préislamique

Elles appartenaient généralement à l’une des deux catégories suivantes : la muhsana (femme pieuse) et la hurra (femme) (Segol 2009 : 149). Les muhsana étaient techniquement libres et jouissaient de la richesse et du statut social, mais elles devaient se confiner à la maison et étaient donc confrontées à de grandes limitations physiques. À l’inverse, les femmes qaynah auraient appartenu à la catégorie des hurra.

Si ce statut permettait de voyager et de se déplacer plus librement, il privait en même temps les femmes de leur autonomie en les asservissant. Il permettait l’accès à l’éducation mais faisait du corps de la femme une marchandise, tout comme ses contributions artistiques (Segol 2009 : 151). Ce réseau complexe d’oppressions et de privilèges nécessite une analyse intersectionnelle de la voix poétique de Nazhun, qui n’est pas simplement celle d’une femme poète ou d’une poétesse asservie, mais d’une femme poète asservie.

L’image d’un encrier plein de larmes représente l’identité unique de Nazhun en tant que femme dont l’éducation, les émotions vécues et les contributions artistiques durables étaient toutes liées à la nature obligatoire de son travail.

Les Qaynahs étaient éduquées dans le but de divertir et de tenir compagnie aux nobles, ce qui positionnait les femmes comme des produits sur un marché contrôlé par les hommes qui accordaient une grande importance à leur attrait et à leur esprit. Ce système était compris et accepté en al-Andalus : un auteur bien connu du nom d’al-Jahiz a même écrit une lettre satirique dans laquelle il se moquait que les hommes s’en prennent sexuellement aux qaynahs. Dans cette lettre, al-Jahiz présente l’image de l’encrier des larmes : une représentation des capacités d’écriture des qaynahs comme étant liées au travail émotionnel et à la manipulation masculine que leur asservissement impliquait (Segol 2009 : 153).

Pour interpréter les vers les plus étudiés de Nazhun, il est essentiel de comprendre le rare pouvoir que détenaient les femmes poètes et scribes tout en soulignant à quel point la capacité d’écrire dépendait de leurs relations avec les hommes. Le statut social d’une poétesse pouvait changer en fonction de la perception masculine de sa valeur et de sa beauté, et il existe des documents attestant que des hommes ont libéré des qaynahs par le mariage après avoir été impressionnés par leurs vers (Segol 2009 : 154).

Étant donné le potentiel de mobilité sociale de la vie de Nazhun en tant que poète érudite, les risques qu’elle prenait dans ses invectives qui la distinguaient des autres qaynahs deviennent encore plus remarquables. Par exemple (bien qu’aucune information strictement biographique n’existe pour confirmer une telle observation), le poème de Nazhun cité dans les Pennants fait référence à une liberté sexuelle qui insinue qu’elle a transcendé le désir de se marier par rapport à sa situation. Abu Bakr affirme que Nazhun donne ’libre cours / à toute l’humanité / qui vient sur son chemin’. Le ’jeu’ de Nazhun dans cette accusation pourrait facilement s’appliquer à la fois à son activité sexuelle et au jeu de mots de son verset de capping au tribunal. Les deux interprétations impliquent des hommes, mais aussi le fait que Nazhun s’approprie l’expression de son identité par le biais de son corps et de son esprit. Sa réponse à Abu Bakr (’tu occupes / Une place dans mon cœur que je / Refuse aux autres’, Arberry 1953 : 93) confirme que même si elle ne l’exprimait que dans des poèmes ancrés dans un dialogue facétieux avec les hommes, elle se sentait à l’aise pour déclarer un contrôle sans équivoque sur qui pouvait accéder à son cœur, et donc à son corps.

Cette autonomie corporelle complique les hypothèses réductrices de subordination totale qu’un lecteur peu familier avec la vie intérieure nuancée des qaynahs pourrait faire à propos de Nazhun. L’encrier plein de larmes de la poétesse représente certainement la frontière manquante entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle, ainsi que la culture qui encourage la marchandisation masculine de son expression littéraire et de son autonomie corporelle. Pour bien comprendre comment Nazhun a utilisé son éducation et son expression émotionnelle pour maximiser son expérience de la liberté, il faut tenir compte de la mobilité sociale et physique que lui conférait son identité de poétesse asservie.

Après avoir établi un cadre adéquat pour comprendre l’identité intersectionnelle de Nazhun, une évaluation plus complète de la façon dont la poétesse considérait son genre et son statut se présente.

L’élément le plus essentiel d’une telle analyse est l’invective qu’elle adresse au poète aveugle al-Makhzumi, dans laquelle elle affirme de façon célèbre : ’ Par création, je suis peut-être une femme / Mais ma poésie est masculine ’ (Hammond 2003 : 5). Une lecture attentive de sa déclaration énergique dans son contexte textuel permet de comprendre l’héritage exceptionnel de Nazhun parmi tous les poètes d’al-Andalus.

Reproduction – Inkwell with Zodiac Signs. Iran ?, early 13th century. New York, Metropolitan Museum of Art, 59.69.2a, b : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/451491

Reproduction Arabic text and English translation of Nazhun’s closing invective against al-Makhzumi, “Tell the Vile One a Word” - (Hammond 2003 : 5).

Tout au long de l’échange ludique mais néanmoins chargé entre les deux maîtres de la satire et du vers, le corps sexualisé et sexué joue un rôle central. Avant que Nazhun ne fasse sa fameuse déclaration, les descriptions plaisantes des organes génitaux masculins et féminins occupent une place centrale dans leur badinage courtois. Comme le note Marle Hammond,

Les insinuations d’Al-Makhzūmī sur la promiscuité de Nazhun prennent des formes plutôt flagrantes tant dans sa conversation que dans sa poésie : il lui dit d’abord qu’elle sent la prostituée, puis il appelle Dieu à lui ’ montrer un pénis ’ et enfin, dans ses deux couplets, il suggère carrément qu’elle est surexploitée à travers, par exemple, son allusion à la levée de sa sirba. (Hammond 2003 : 10)

L’homme attaque la sexualité de Nazhun et attribue une odeur nauséabonde à son vagin, mais il privilégie également le pénis comme instrument correcteur utilisé contre la femme.

Bien que la nature de la cape soit satirique, le discours patriarcal reflète néanmoins les valeurs de l’époque et de la culture dans lesquelles Nazhun a écrit et joué. Par conséquent, en affirmant que sa poésie est masculine, Nazhun défend non seulement explicitement son talent littéraire et les risques qu’elle prend avec ses blasphèmes, mais elle sape également la manière dont son rival satiriste utilise le pénis dans ses invectives contre elle. L’analyse de l’anecdote par Marla Segol révèle comment Nazhun utilise la caractérisation sexiste des organes génitaux par al-Makhzūmī pour prendre le dessus dans le capping :

[al-Makhzūmī] décrit son corps comme poreux, présentant les organes génitaux féminins comme une menace et une source de corruption. De son côté, elle joue sur le grotesque, maximisant la menace impliquée par un corps poreux. Lorsque al-Makhzumi la maudit en disant : ’ Je l’ai entendue parler, que Dieu ne lui fasse pas entendre le bien, et ne lui montre rien d’autre qu’une verge ’, Nazhun renverse la malédiction : ’O vieillard infâme, tu te contredis ! Avec quoi [autre qu’une baguette] une femme peut-elle être mieux dotée ?’. Ici, son double sens est à double tranchant. Il s’agit d’une sagesse conventionnelle cachant une menace : la sagesse conventionnelle est que, en tant que femme, elle désire le pénis ; la menace est qu’elle pourrait très bien le garder. (Segol 2009 : 157)

Associée à la vulgarité audacieuse avec laquelle elle écrit sur les organes génitaux, la poétique pleine d’esprit de Nazun confirme son statut d’hurra, mais met également en lumière sa capacité à contrôler le discours qui entoure son expression sexuelle.

Encore une fois, le pouvoir que Nazhun affirme sur son propre corps sexualisé défie le système patriarcal qui a tenté de réduire son identité à celle d’un objet sexuel existant pour se produire à la cour. Compte tenu de cette analyse, le lecteur peut comprendre les dernières lignes de ’Tell the Vile One a Word’ non seulement comme une promotion par Nazhun de son talent littéraire dans un domaine dominé par les hommes, mais aussi comme un exemple de sa remise en question des pouvoirs sociaux qui fonctionnaient pour limiter sa sexualité et sa mobilité en tant que poète asservie.

Une analyse du symbolisme et de la voix poétique des autres œuvres de Nazhun qui ont survécu permet de mieux comprendre l’importance d’interpréter sa poésie comme influente, à la fois pour sa subversion et son adhésion à des tropes littéraires de premier plan dans le contexte crucial de son identité. Bien que ses poèmes d’invectives soient de loin les plus étudiés et les plus cités en raison des limites qu’elle a admirablement détruites par son blasphème, ’Bless Those Wonderful Nights’ mérite des éloges, tant pour ses images conventionnelles que pour la manière dont Nazhun les encadre différemment de ses contemporains.

Reproductions A et B - Mosaic pavement with a lion and gazelle, 724–43 or 743–46. Reception hall, Khirbat al-Mafjar, Palestinian Territories.

La gazelle non sexuée de Nazhun donne un aperçu de sa relation avec sa propre féminité et joue un rôle tout aussi important dans la décentralisation du genre de l’être aimé dans ’He Desires Me’.

L’intention du poète de ne pas donner de genre à la gazelle nécessite une réflexion sur l’importance globale du genre et de l’incarnation physique dans son muwashshaha. Comme elle était l’une des trois ou quatre femmes connues pour avoir composé une chanson d’amour strophique à son époque (bien qu’il y ait probablement d’innombrables compositions non enregistrées ou anonymes), toute tentative de construire une biographie de Nazhun serait incomplète sans une discussion de ’He Desires Me’.

La gazelle est une image clé pour comprendre le rôle du genre dans l’un des seuls poèmes autonomes durables de Nazhun, ’Bless Those Wonderful Nights’, et dans son muwashshaha (poème strophique), ’He Desires Me’. Le texte du premier poème doit être considéré dans son intégralité pour apprécier la signification de la gazelle :

Bénissez ces merveilleuses nuits, et le meilleur de tous, les samedis

Si tu avais été là, tu nous aurais vus enfermés ensemble

Sous les yeux endormis du chaperon

Comme le soleil dans les bras de la lune

Ou une gazelle haletante dans les griffes d’un lion (al-Udhari 1999).

La gazelle apparaît dans d’innombrables poèmes écrits par des poètes masculins et féminins dans le monde préislamique et islamique, y compris en al-Andalus. Si la gazelle de Nazhun peut être considérée au premier abord comme une gazelle parmi tant d’autres apparaissant dans l’Anthology of Moorish Poetry d’A. J. Arberry, ses références à la capture et à la captivité compliquent cette image classique et familière. Si les images d’amour et de nature qui fondent le poème lui confèrent un ton paisible, une anxiété sous-jacente provient de la présence imminente du lecteur du poème, qui observe l’étreinte. Le fait que le chaperon puisse se réveiller de son sommeil pour découvrir le couple aggrave cette anxiété. Ce sous-entendu aurait pu être négligeable selon l’interprétation du traducteur du poème, si ce n’était de la manière dont Nazhun complique également l’imagerie populaire pour communiquer un sentiment de confinement ou de restriction. Le fait que le couple soit ’enfermé’ (5) ensemble fait allusion à une possession qui, bien que réciproque, élimine néanmoins tout sentiment d’autonomie dans leur amour. De même, le soleil et la lune apparaissent dans un nombre apparemment infini de poèmes arabes anciens, mais l’image de Nazhun de la lune tenant le soleil dans ses bras (7) suggère un moment de perturbation cosmique. Tout ceci culmine dans l’image la plus importante du poème : la capture de la gazelle.

Contrairement à Hamda bint Ziyad, une autre poétesse andalouse bien connue qui représente des gazelles dans son poème ’Mes larmes révèlent mes secrets’ pour souligner que son amour lui apporte la sécurité et la félicité naturelle, Nazhun se concentre sur le côté perturbateur de la nature et l’aspect chaotique souvent voilé de l’amour.

En terminant son poème d’amour par l’image d’une gazelle tombant volontairement en proie au désir charnel et prédateur du lion, Nazhun permet un érotisme nuancé que l’on pourrait même interpréter comme une acceptation de la dynamique du pouvoir qui a probablement pénétré ses relations amoureuses en tant que femme de faible statut social à la cour.

Cependant, la nature androgyne du poème permet une plus grande flexibilité dans l’interprétation de la perception de Nazhun de la dynamique des genres dans les relations amoureuses. Bien que la gazelle représente typiquement une présence féminine, l’image n’a pas de genre décisif dans ’Bless Those Wonderful Nights’ ou ’He Desires Me’ (Hammond 2010 : 164).

La volonté de Nazhun d’adopter une image nettement féminine dans sa poésie tout en subvertissant son association féminine semble intentionnelle à la lumière de son désir de ’ mettre de côté [son] rôle de femme et d’adopter des traits plus masculins ’ (Schippers 1993 : 151).

Le fait que son travail qualifié de poète l’ait rendue ’ masculine ’, mais que son identité de femme l’ait soumise à l’esclavage et à une possible stigmatisation sexuelle, fournit un cadre important pour lire même les poèmes de Nazhun qui ne semblent pas initialement contenir de messages sur le genre et la liberté. La ’gazelle haletante’ (8) reste un sujet sexuel non sexué, à la fois capturé par le lion androgyne et excité par sa poursuite.

L’album El hechizo de babilonia (2000) de Luis Delgado présente les poèmes chantés de six poètes féminins d’Al-Andalus, en mettant leurs compositions en musique. La deuxième piste de l’album, ’Me Desea’, contient un échantillon du muwashshaha de Nazhun, largement sous-étudié (Hammond 2010 : 154).

Jusqu’à la sortie de l’album en 2000, le monde universitaire n’a guère prêté attention à la contribution unique de Nazhun aux textes strophiques médiévaux. Si les chercheurs ont reconnu que les femmes chantaient et jouaient souvent sur ces chansons, ils ont essentiellement ignoré la possibilité d’une paternité féminine dans ce genre. Comme le souligne Hammond dans l’introduction de son analyse du muwashshaha,

’Il est peut-être approprié que ce muwashshaha, qui fait partie d’un corpus de musique ’populaire’ qui circulait principalement, on le suppose, entre les musiciens, apparaisse sur un CD de musique du monde avant qu’un spécialiste de l’écriture féminine ne parvienne à s’attaquer aux divers problèmes textuels qu’il pose’ (Hammond 2010 : 154).

Les problèmes textuels auxquels Hammond fait référence tournent principalement autour de la question de savoir si Nazhun fournit ou non une voix féminine dans le poème. Conformément au format traditionnel du muwashshaha, les derniers vers du poème, appelés kharja, proviennent de la voix distincte d’une jeune fille :

« Il me désire tant qu’il ne me voit pas, il me désire.

Mais quand il me voit, il tourne le dos, comme s’il ne me voyait pas ».

La voix est ici confondue avec le locuteur du reste du poème, qui se sent également abandonné par l’être aimé, mais le genre de l’être aimé et du locuteur reste androgyne.

Comme mentionné précédemment, la conception de la gazelle neutre du poème est un exemple de Nazhun qui distancie intentionnellement le genre de son poème :

« Quand la vision de la bien-aimée m’est apparue, cette gazelle d’un être humain ».

En décrivant le bien-aimé comme une vision plutôt que comme un être humain terrestre - et donc pas nécessairement sujet à un genre binaire - et en employant ensuite l’image féminine de la gazelle, Nazhun élimine efficacement l’association automatique de la gazelle avec la féminité.

Compte tenu de la mesure dans laquelle le sens des œuvres de Nazhun qui ont survécu, ont été obscurcies par la traduction et enterrées dans les biographies d’hommes, son désir de s’éloigner, ainsi que sa poésie, d’une identité et d’une incarnation strictement féminines est justifié.

Après tout, il a fallu qu’un musicien moderne désincarne littéralement son muwashshaha de son format textuel et le produise sous forme de musique pour que le poème reçoive une attention académique adéquate.

Le rôle de Nazhun en tant que qaynah lui a permis de développer son talent littéraire inégalé, mais une lecture attentive de ses vers révèle la manière dont les négociations complexes concernant sa liberté sexuelle et corporelle ont influencé sa relation à la féminité.

Pour cette raison, une approche intersectionnelle est essentielle afin de construire une vie intérieure pour Nazhun, pour comprendre l’identité de la célèbre poétesse, qui prend en considération sa subordination économique et sa position sur le continuum de la libération sexuelle comme étant inextricables l’une de l’autre.

Références des citations :

Adil, Alev. “Another way of saying : A reverie on the poetry of al-Andalus,” Journal of Postcolonial Writing 52/2 (2016) : 218-224.

al-Udhari, Abdullah. Classical Poems by Arab Women : A Bilingual Anthology (London : Saqi Books, 1999).

Arberry, A.J. Moorish Poetry : A Translation of the Pennants (Cambridge : Cambridge at the University Press, 1953).

Hammond, Marle. “He said ‘She said’ : Narrations of Women’s Verse in Classical Arabic Literature. A Case Study : Nazhuūn’s Hijaū’ of Abuū Bakr al-Makhzuūmī,” Middle Eastern Literatures 6/1 (2003) : 3-18.

Hammond, Marle. Beyond Elegy : Classical Arabic Women’s Poetry in Context (Oxford : Oxford University Press, 2010).

Schippers, A. “The Role of Woman in Medieval Andalusian Arabic Story-Telling,” in Verse and the Fair Sex : Studies in Arabic Poetry and in the Representation of Women in Arabic Literature, ed. Fredrick de Jong (Utrecht : M. Th. Houtsma Stichting, 1993), 139-152.

Segol, Marla, “Representing the Body in Poems by Medieval Muslim Women,” Medieval Feminist Forum 45/1 (2009) : 147-169.

Copyright © Laura Ingallinella | The authors. All rights reserved. Source : https://sites.google.com/wellesley.edu/worldofourown/virtual-rooms/nazhun-bint-al-qulaiya

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    Nazhūn bint al-Qulāʽiya al-Gharnātiya (نزهون بنت القلاعي الغرناطية, onzième siècle) était une courtisane et poète grenadine, remarquée pour ses vers scandaleux. – (From Wikipedia, the free encyclopedia) – Traduction du 23/02/2022 par Jacques Hallard.
    Sa vie

On sait peu de choses sur la vie de Nazhun. Les dictionnaires biographiques arabes médiévaux et les récits de sa poésie sont les principales sources. Ibn al-Abbar la présente comme une (quasi-)contemporaine de la Ḥamda bint Ziyād al-Muaddib du XIIe siècle. [Des anecdotes sur Nazhun font également apparaître Abu Bakr al-Amā al-Makhzumi comme son professeur des arts de la satire ; il semble avoir vécu au XIIe siècle, quelque temps après 1145 ; [2] en effet, Nazhun ’ figure de manière si importante ’ dans les notices biographiques sur al-Makhzumi que ’ sa renommée semble être complètement entrelacée avec la sienne ’. Elle était censée être la fille d’un qadi (juge) [3] : 4, 13 fnn 5, 8, 10 

Son Œuvre

Bien que peu de ses œuvres survivent, Nazhun est, parmi les poètes féminins andalous médiévaux, probablement en deuxième position après sa contemporaine Hafsa Bint al-Hajj al-Rukuniyya pour la quantité de ses œuvres préservées : les sources classiques lui attribuent vingt et une lignes de vers provenant de sept poèmes. En outre, le Ùddat al-jalīs plus tardif d’Àlī ibn Bishrī lui attribue une muwashshaḥa de vingt-cinq vers [3] : 13 fn 7 lui donnant la distinction d’être la seule femme poète du recueil 4]. Elle apparaît généralement en train de prendre le dessus sur les poètes masculins et les aristocrates de son entourage avec ses invectives pleines d’esprit. Selon Marla Segol, ’en règle générale, Nazhun représente son corps d’une manière qui perturbe les stratégies conventionnelles de contrôle de la parole et de la sexualité des femmes, et proteste contre la marchandisation du corps des femmes’ [5] L’étude de son œuvre a été entravée par le fait que les spécialistes ne comprennent pas, ou choisissent de ne pas s’étendre sur son obscénité et ses doubles sens [3] : 6 

Dans la traduction de A. J. Arberry, l’une de ses diverses ripostes est la suivante : [6]

Le poète al-Kutandi a mis au défi l’aveugle al-Makhzumi de compléter les vers suivants :

Si tu avais des yeux pour voir, l’homme qui te parle - L’aveugle n’a pas réussi à trouver une suite appropriée, mais Nazhun, qui était présente, a improvisé de cette façon :

Aussi nombreux qu’ils puissent être

Vous regarderiez tous muettement

L’or brillant de ses bracelets aux chevilles.

La lune montante, semble-t-il,

Dans ses boutons brillants qui scintillent,

Et dans sa robe, je le crains,

Se balance un mince rameau…

Lire tous les détails et la bibliographie sur ce site : https://en.wikipedia.org/wiki/Nazhun_al-Garnatiya_bint_al-Qulai%CA%BDiya

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    Musique - Style : Musique du monde/musique ethnique – Référence à Nahzun – Traduction par Jacques Hallard
    Formation  : Víctor Muñiz guitare, ud, voix / Juanmi Cabral guimbri, voix / Wafir Sheikheldin ud, percussions, alto, voix / Vincent Molino ney, hautbois de poitou, cromorne, axabeba, flûte à bec, harmonium.

Le groupe Photo

Nazhun Bint Al Qalai, poétesse grenadine du XIIe siècle, était célébrée en son temps pour ses vers satiriques et sa personnalité anticonformiste et libre. ’Malheureux qui en me voyant pense que son désir d’allumer le feu du combat à mes dépens est accompli, va manger là-bas et bon appétit....’.

Il s’agit d’un projet musical qui cherche à réinterpréter l’héritage de l’’Ars Antiqua’ européen, des nubas andalouses à la Renaissance.

Quatre musiciens ayant une grande expérience de la musique ancienne et traditionnelle, passionnés par l’improvisation et le développement créatif de la musique modale, se sont réunis dans ce projet.

Musiciens :

Vincent Molino / Montpellier, France, 1958. Flûtiste et claviériste depuis sa jeunesse, il se consacre actuellement à la musique ancienne et ethnique, devenant l’un des meilleurs interprètes en Espagne du ney (flûte orientale en roseau). Membre fondateur de groupes tels que ’Radio Tarifa’ et ’La Banda Morisca’, il participe activement à d’innombrables projets de musique orientale et renaissance et de musique pour le théâtre. Il a un large éventail d’enregistrements avec d’innombrables groupes. Il a travaillé avec Eduardo Paniagua, Begoña Olavide, Ars Antiqua Musicalis et Ramiro Amusategui. Il a produit des disques de La Banda Morisca et Eva Medina.

Víctor Muñiz / Madrid, 1976. Diplômé en guitare flamenca au C.S.M. Rafael Orozco de Córdoba, il se distingue par sa technique raffinée. Il a travaillé comme directeur musical dans des festivals internationaux tels que le festival Lagory d’Oslo, et a effectué des tournées avec différentes compagnies de flamenco dans des pays tels que la France, la Suisse, le Maroc, le Venezuela, la Norvège, l’Allemagne, Dubaï, le Liban, etc. et dans différents tablaos de Madrid et de Barcelone tels que El Corral de la Pacheca, El Cordobes, Casa Patas, Cardamomo, Torres Bermejas ou Café de Chinitas, avec des artistes de premier plan tels que José Maya ou Paloma Fantova. Dans le domaine du jazz, il a partagé la scène avec Javier Colina et Jordi Bonell. En musique ancienne, en tant qu’Oudiste, il a commencé à travailler avec Vincent Molino et Wafir Gibril.

Juanmi Cabral / Trebujena, Cádiz, 1970. Cofondateur de La Banda Morisca. Grand connaisseur du cante jondo. Il a joué dans de nombreux festivals de musique du monde en Espagne, aux États-Unis et en Europe. Guitariste flamenco depuis son plus jeune âge, joueur dans la Peña Flamenca ’La Trilla’ à Trebujena. Résident à Vejer, où il donne des cours de flamenco et accompagne le groupe de danse local, avec lequel il a réalisé des échanges dans le nord du Maroc dans le cadre de la coopération culturelle. Grande expérience dans des groupes de rock, incursions dans la musique roots méditerranéenne, et collaborations avec l’auteur-compositeur-interprète Carlos Chaouen.

Wafir S. Gibril / Kurdufan, Soudan, 1964. Diplômé du conservatoire de musique de Khartoum (Soudan). Il a travaillé sur de nombreux projets de musique traditionnelle, flamenco et ancienne (Eduardo Paniagua, Musicantes, Jorge Pardo, Radio Tarifa, entre autres). Musicien éveillé et inquiet, il maîtrise une infinité d’instruments et fait ses premiers pas à l’accordéon dans les groupes d’Abdul Aziz Almubarak, Mohammad Al Amin et Abdul Karm Al Kably. Il aborde les musiques les plus diverses dans les domaines les plus inexplorés : avec la musique ancienne d’Eduardo Paniagua, l’asturien Hevia, le castillan La Musgaña, le flamenco Joaquín Ruiz, le sénégalais Djanbutu Thiossane ou Radio Tarifa, sans négliger son magnifique travail en solo.

Vidéo musicale à écouter à la source : https://www.escenaensevilla.es/artistas/nahzun

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    Autres musiques et chants arabo-andaloux en mémoire à la poétesse Nazhun – Traduction par Jacques Hallard – Original : Noches en los Jardines del Real Alcázar 2021 · aishi kimura · 26 juillet 2021
    Musiciens -Photo

Vincent Molino / Montpellier, France, 1958. Flûtiste et claviériste depuis sa jeunesse, il se consacre actuellement à la musique ancienne et ethnique, devenant l’un des meilleurs interprètes en Espagne du ney (flûte orientale en roseau). Membre fondateur de groupes tels que ’Radio Tarifa’ et ’La Banda Morisca’, il participe activement à d’innombrables projets de musique orientale et renaissance et de musique pour le théâtre. Il a un large éventail d’enregistrements avec d’innombrables groupes. Il a travaillé avec Eduardo Paniagua, Begoña Olavide, Ars Antiqua Musicalis et Ramiro Amusategui. Il a produit des disques de La Banda Morisca et Eva Medina.

Víctor Muñiz / Madrid, 1976. Diplômé en guitare flamenca au C.S.M. Rafael Orozco de Córdoba, il se distingue par sa technique raffinée. Il a travaillé comme directeur musical dans des festivals internationaux tels que le festival Lagory d’Oslo, et a effectué des tournées avec différentes compagnies de flamenco dans des pays tels que la France, la Suisse, le Maroc, le Venezuela, la Norvège, l’Allemagne, Dubaï, le Liban, etc. et dans différents tablaos de Madrid et de Barcelone tels que El Corral de la Pacheca, El Cordobes, Casa Patas, Cardamomo, Torres Bermejas ou Café de Chinitas, avec des artistes de premier plan tels que José Maya ou Paloma Fantova. Dans le domaine du jazz, il a partagé la scène avec Javier Colina et Jordi Bonell. En musique ancienne, en tant qu’Oudiste, il a commencé à travailler avec Vincent Molino et Wafir Gibril.

Juanmi Cabral / Trebujena, Cádiz, 1970. Cofondateur de La Banda Morisca. Grand connaisseur du cante jondo. Il a joué dans de nombreux festivals de musique du monde en Espagne, aux États-Unis et en Europe. Guitariste flamenco depuis son plus jeune âge, joueur dans la Peña Flamenca ’La Trilla’ à Trebujena. Résident à Vejer, où il donne des cours de flamenco et accompagne le groupe de danse local, avec lequel il a réalisé des échanges dans le nord du Maroc dans le cadre de la coopération culturelle. Grande expérience dans des groupes de rock, incursions dans la musique roots méditerranéenne, et collaborations avec l’auteur-compositeur-interprète Carlos Chaouen.

Wafir S. Gibril / Kurdufan, Soudan, 1964. Diplômé du conservatoire de musique de Khartoum (Soudan). Il a travaillé sur de nombreux projets de musique traditionnelle, flamenco et ancienne (Eduardo Paniagua, Musicantes, Jorge Pardo, Radio Tarifa, entre autres). Musicien éveillé et inquiet, il maîtrise une infinité d’instruments et fait ses premiers pas à l’accordéon dans les groupes d’Abdul Aziz Almubarak, Mohammad Al Amin et Abdul Karm Al Kably. Il aborde les musiques les plus diverses dans les domaines les plus inexplorés : avec la musique ancienne d’Eduardo Paniagua, l’asturien Hevia, le castillan La Musgaña, le flamenco Joaquín Ruiz, le sénégalais Djanbutu Thiossane ou Radio Tarifa, sans négliger son magnifique travail en solo.

Víctor Muñiz guitare, ud, voix / Juanmi Cabral guimbri, voix / Wafir Sheikheldin ud, percussions, alto, voix / Vincent Molino ney, hautbois de poitou, cromorne, axabeba, flûtes à bec, harmonium.

Le groupe

Nazhun Bint Al Qalai, poétesse grenadine du XIIe siècle, était célébrée en son temps pour ses vers satiriques et sa personnalité anticonformiste et libre. ’Malheureux qui en me voyant pense que son désir d’allumer le feu du combat à mes dépens est accompli, va manger là-bas et bon appétit....’.

Il s’agit d’un projet musical qui cherche à réinterpréter l’héritage de l’’Ars Antiqua’ européen, des nubas andalouses à la Renaissance.

Quatre musiciens ayant une grande expérience de la musique ancienne et traditionnelle, passionnés par l’improvisation et le développement créatif de la musique modale, se sont réunis dans ce projet.

Programme

Les Cantigas de Santa María et la musique européenne du XIIIe siècle - / 800e anniversaire de la naissance d’Alphonse X le Sage

Nu alerst (Walter von der Vogelweide)

Des oge mais quer’ eu trobar (Cantiga de Santa María CSM 1)

Pois que dos reyes (Cantiga de Santa María CSM 424)

Nuit merveilleuse (Moaxaja)

Crucifigat Omnes (Conductus médiéval)

Istikhbar Zidane - Inklab Zidane (Nuba Zidane)

Santa María Estrela do Día (Cantiga de Santa María CSM 100) / Como podem (Cantiga de Santa María CSM 166)

Quen a omagen (Cantiga de Santa María CSM 353)

La Fuente Fría (Musique de la tradition sépharade)

Istampita Ghaetta (danse européenne médiévale)

Üsküdara (Musique de tradition sépharade)

Synopsis

Les Cantigas de Santa María, composées dans la seconde moitié du XIIIe siècle et héritage poétique et musical d’Alfonso X, le Roi Sage, constituent une œuvre d’une valeur artistique extraordinaire. On pourrait dire qu’il s’agit de la dernière grande œuvre musicale modale européenne avant le triomphe de la polyphonie au XIVe siècle, triomphe qui marquera, avec l’’Ars Nova’, le début de la voie originale que la culture musicale européenne classique empruntera seule au cours des siècles suivants.

Sur le plan politique, le règne d’Alphonse X marque la fin de la domination musulmane sur la quasi-totalité de la péninsule, à l’exception du royaume de Grenade. Néanmoins, la splendeur de la culture arabo-andalouse a continué de fasciner et d’inspirer les Européens.

Deux vidéos (2:08 et 4:46) à écouter à la souce suivante : https://nochesenlosjardines.alcazarsevilla.org/grupos/nahzun

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    • Hafsa bint al-Hayy dite al-Rakuniyya
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    Hafsa bent al Hadj dite al-Rakuniyya, poétesse d’al Andalus - 26 janvier 2021 - Par Lamine BENALLOU – Document ‘algeriecultures.com’
    Je voudrais vous entretenir aujourd’hui de l’une des plus grandes poétesses qu’a connue l’Andalousie. Malheureusement assez peu considérée, malgré le grand nombre de poèmes qui nous sont parvenus, essayons de tracer quelques traits de sa riche biographie.

La monographie la plus complète sur sa vie, est celle de Louis di Giacomo : « Une poétesse andalouse du temps des Almohades : Hafsa bint al Hâjj ar-Rukuniyya » (Hespéris, 34-1947) qui raconte merveilleusement le rôle de la femme et de surcroît poétesse et lettrée dans la société arabo-andalouse.

Hafsa serait née vers les années 530-1135. Elle appartenait à une famille riche et noble de Granada et était d’une grande beauté. Elle tiendrait son nom d’une contrée que lui aurait attribué le khalife Abd al Mou’min, près de Granada, du nom de Rakuna.

Elle reçut une éducation de lettrée et d’érudite ; ses biographes louent sa grande culture et la qualifient de « ustada », (maestra) de son époque. Elle était chargée de l’éducation des princesses almohades au palais de Yaqoub al Mansour à Marrakech.

L’épisode le plus connu de la vie de Hafsa furent son amour et ses relations tumultueuses avec le poète Abou Djaafar Ahmed b. Abd al Malik Ibn Saïd qui débutèrent en 549/1154, connurent des hauts et des bas jusqu’à la mort de l’écrivain en 560/1163 et furent la cause directe de son exécution.

La beauté de Hafsa fut également à l’origine de la grande passion qu’elle provoqua chez le gouverneur almohade de Granada, le prince Abou Saïd Othman, fils du khalife Abd al Mou’min qui s’installa à Granada vers 551-1155. A cette date, Abou Saïd Othman n’était qu’un adolescent. Il semblerait qu’il tomba sous le charme de Hafsa, un peu plus tard.

En tout cas, l’histoire a retenu le fait que Hafsa acceptait le jeu de la séduction de ses deux courtisans et amants en même temps. Ce qu’il y avait de remarquable et d’étonnant, c’est qu’elle avait en quelque sorte le beau rôle ; ce qui démontre, si besoin est, la force et le pouvoir des femmes en Andalousie.

Les relations entre le gouverneur de Granada et Abou Djaafar, qui était en plus, son secrétaire, ne firent donc que se détériorer. La jalousie poussa le poète à écrire des vers critiques et satiriques sur Abu Saïd Othman, dans un poème dédié à Hafsa : comme le prince avait le teint très brun, le poète, reprochant à Hafsa l’intérêt qu’elle portait au prince, lui demanda dans un poème resté célèbre :

« Que trouves-tu de beau à ce noir ? Je pourrai t’en acheter au marché (d’esclaves), pour vingt dinars, n’importe lequel et beaucoup plus beau que lui. »

Ce fut également la jalousie, en plus de la répression et des griefs faits à sa famille (son père fut emprisonné par les Almohades), qui poussa Abou Djaafar à rejoindre les troupes rebelles de Ibn Mardanis, opposé aux Almohades qui occupa Granada quelques mois en 1162.

Craignant des représailles pour sa conduite, Abou Djaafar devra fuir à Alcala la Real et à Málaga où il fut découvert par des espions d’Abou Saïd Othman. Arrêté, il fut torturé et crucifié sur ordre du prince almohade.

Malgré les caprices amoureux du passé de Hafsa, la poétesse garda le deuil pour Abou Djaafar, sans faire cas des menaces qu’elle reçut de la part du prince.

Après ce tragique évènement, il semblerait que Hafsa abandonna la poésie, ou alors ses poèmes disparurent puisque son amoureux, Abou Djaafar à qui elle dirigeait ses écrits, n’était plus de ce monde.

Les derniers éléments qui filtrent sur sa vie, c’est sa fonction d’enseignante des princesses almohades à Marrakech.

Hafsa fut très célèbre à la cour de Granada et nombreux sont les poèmes dirigé à Abou Djaafar auxquels le poète répondait, exalté, dans des vers qui nous sont parvenus jusqu’à aujourd’hui.

Je terminerai en citant l’un de ses poèmes où elle écrit :

A Abou Djaafar >

Je viens te voir ou tu viendras dans ma maison ?

Tu seras à l’abri de la soif et de l’ardeur du soleil lorsque tu m’accueilleras :

Mes lèvres seront une fontaine douce et fraîche, et les branches de mes tresses, une ombre dense.

Réponds-moi rapidement ; ce n’est pas me rendre service, oh, mon Djamil, faire en sorte de faire attendre ta Butayna.

PS : pour la biographie de Hafsa et celle d’autres poétesses andalouse, je vous recommande l’ouvrage très documenté de Teresa Garulo, Diwan de las poetisas de al-Andalus. Madrid, Ed. Hiperión, 1986. 162 p., où est répertorié un grand nombre de poétesses andalouses.

Lamine BENALLOU

Le HCA publie un dictionnaire Français-Tamazight

Le mot est un glissement sémantico-morphologique de mo[r]t

Source : https://algeriecultures.com/alternances/hafsa-bent-al-hadj-ar-rakuniyya-poetesse-dal-andalus/

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    La poétesse du 12ème siècle : Al-Rakuniyya d’après Wikipédia
    Hafsa bint al-Hajj, dite Al-Rakuniyya, née à Grenade vers l’an 1135 et morte à Marrakech en 1191, est l’une des poétesses andalouses les plus célèbres d’Al-Andalus

Biographie :

Fille d’un noble d’origine berbère, qui était un personnage riche et influent dans cette ville, elle est née vers l’an 1135, selon la majorité de ses biographes, dans la ville de Grenade où elle a passé son enfance et sa jeunesse dans un contexte d’agitation politique intense, qui marqua la chute des Almoravides et l’instauration du califat des Almohades.

Par son talent et sa culture, tout comme par sa beauté, elle a pu occuper tôt une place importante à la cour des almohades de Grenade, où elle a développé une activité littéraire et éducative intense et atteint rapidement une renommée qui a dépassé les limites de Grenade. Elle a été envoyée à Rabat (1158) avec un groupe de poètes et nobles grenadins devant le calife Abd al-Mumin. Celui-ci lui a accordé ce qu’on appelle Rakuna (sorte de salon littéraire), près de Grenade, d’où vient le nom avec lequel a été connue la poétesse, Al-Rakuniyya.

C’est dans cette atmosphère de courtoisie et de poésie, qu’elle a connu le poète grenadin Abu Jafar Ibn Saïd, de la lignée illustre des Banu Saïd, avec lequel elle a entamé une relation amoureuse publique vers l’an 1154. Cette relation a donné lieu a un intense échange de poèmes entre les deux amants, qui ont été conservés jusqu’à nos jours. Ces amours ont été chantées de même par les poètes de leur groupe littéraire.

Leur situation s’est compliqué durant l’année 1156, à l’arrivée à Grenade du gouverneur almohade, le prince Abu Saïd Utman, fils du Calife Abd Al-Mumin, tombé éperdument amoureux de la poétesse. Officiellement, Hafsa n’a pas donné suite aux sentiments du gouverneur, mais elle a quitté son amant Abu Jafar, peut-être fatiguée des velléités amoureuses de ce dernier, ou en raison des pressions du prince envers elle ou sa famille. Cette situation serait à l’origine d’un triangle amoureux conflictuel. Abu Jafar, qui avait été l’ami et le secrétaire du prince Abu Saïd, a fait de celui-ci l’objet de ses poèmes satiriques, et a fini par prendre part à une rébellion politique contre le gouverneur, raisons pour lesquelles, celui-ci l’a fait emprisonner et finalement crucifier durant l’année 1163, à Malaga.

Hafsa a pleuré la prison et le décès de son amant dans des vers poignants et elle a porté l’habit de veuve pour lui, malgré les menaces du gouverneur. Elle s’est retirée de la cour, en abandonnant l’activité poétique et en se consacrant exclusivement, à partir de cette époque, à l’enseignement.

Elle a vécu de cette manière une grande partie de sa vie, jusqu’à ce que, vers l’année 1184, elle accepta l’invitation du Calife Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, pour diriger à Marrakech l’éducation des princes almohades. Elle y est restée jusqu’à 1191, l’année de son décès.

Hafsa est la poétesse andalouse dont on conserve le plus grand nombre de production poétique, grâce surtout, à l’intérêt de ses biographes et de la famille Banu Saïd. Au total, sont arrivés jusqu’à nous dix-sept de ses poèmes, d’une grande qualité littéraire. Héritière de la tradition poétique arabe, Hafsa, contrairement à ce qui est habituel dans celle-ci, est toutefois capable d’exprimer, avec une grande beauté, ses sentiments réels dans un langage spontané. La majorité de ses vers de type amoureux, s’adressaient à Abu Jafar, bien qu’il y ait aussi quelques satires et éloges à Abu Saïd. Son inspiration atteint son sommet dans ceux où elle exprime son regret et son chagrin de l’emprisonnement et du décès de son amant.

Exemple des femmes indépendantes et cultivées de l’époque de splendeur d’Al-Andalus, Hafsa a été très respectée, malgré ses libertés apparentes, à son époque et par les biographes postérieurs. Ibn al-Khatib a dit d’elle : « La grenadine, a été unique en son temps par sa beauté, son élégance, sa culture littéraire »

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    Hafsa bint al-Hajj, dite Al-Rakuniyya : poétesse d’Al-Andalus – Document ‘histoireparlesfemmes.com’
    Hafsa bint al-Hajj, dite Al-Rakuniyya (1135 – 1191) est une poétesse andalouse d’origine berbère, reconnue pour son talent et sa culture.

Des poèmes amoureux

Dessin représentant Hafsa bint al-Hajj en tenue de cour, avec une robe verte et rouge et des bijoux d’or et de pierres précieuses aux oreilles et autour de la têteVue d’artiste  : Hafsa bint al-Hajj vue par l’illustratrice Sarah Ponceblanc

La plupart des biographes datent la naissance d’Hafsa bint al-Hajj à 1135. Fille d’al-Hajj ar-Rukuni, un homme d’ascendance berbère, elle nait dans la ville de Grenade, alors sous domination almoravide. Issue d’une famille noble, elle grandit et passe sa jeunesse à Grenade, où elle bénéficie d’une éducation de qualité. Son talent, sa culture et sa beauté lui gagnent rapidement une place à la cour. Ses écrits lui valent une renommée au-delà des murs de la ville.

Hafsa se lie avec le poète andalou Abu Jafar Ibn Saïd, avec qui elle entame une liaison. Leur relation a inspiré un échange de poèmes amoureux, parvenu jusqu’à nous ; des membres de leur cercle littéraire ont aussi été inspirés par leur liaison. Hafsa connait le succès, voyage à Rabat avec des poètes et des nobles, tient un salon littéraire. Ses poèmes, passionnés, sont d’une grande qualité littéraire.

Amours et pressions

La situation du couple se complique lorsque la dynastie almoravide s’effondre et laisse la place au califat des Almohades. Le prince Abu Saïd Utman, arrivé en 1156 pour gouverner Grenade, tombe amoureux d’Hafsa bint al-Hajj. Victime de pressions ou lassée de leur relation, la poétesse quitte son amant tout en repoussant le gouverneur. Abu Jafar, secrétaire et ami du prince Abu Saïd, le prend pour cible dans ses domaines et finit par rejoindre une révolte contre les Almohades.

Capturé, Abu Jafar est emprisonné puis exécuté par crucifixion en 1163, à Malaga. Son arrestation, puis son décès, frappent durement Hafsa, qui pleure son ancien amant. Malgré les menaces d’Abu Saïd, elle porte des vêtements de deuil en son honneur et se retire de la cour. Délaissant l’écriture, elle se consacre alors à l’enseignement.

En 1184, Hafsa est invitée à Marrakech par le Calife Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, pour y diriger l’éducation des princes almohades. Elle y meurt en 1191. De son œuvre, dix-sept poèmes nous sont parvenus, principalement de ceux qu’elle a échangés avec Abu Jafar mais également quelques satires et éloges à Abu Saïd, ainsi que des lamentations du décès de son amant.

La colombe chante sa tristesse

Sur ta vie, notre union attriste le jardin,
sinon il aurait montré de l’envie et de la peine.
Le fleuve n’aime pas nous voir si proches,
Et la colombe chante sa tristesse.
Ne te mets pas en colère,
Car la colère empêche les bonnes actions.
Si le ciel a montré ses étoiles,
Ce n’est que pour nous espionner.

Photo - Liens utiles :

Page Wikipédia d’Hafsa bint al-Hajj
Page Wikipédia d’Hafsa bint al-Hajj (anglais)

26 juin 2017 - Femmes de lettres, Moyen Âge - Andalousie, Poésie, Poétesse

Navigation des articles - Affiches – portraits de femmes - La sultane Hürrem, femme d’influence – Source : https://histoireparlesfemmes.com/2017/06/26/hafsa-bint-al-hajj-poetesse-dal-andalus/

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    Hafsa bint al-hajj al-Rakuniyya, la poétesse de Grenade – Par Juan Ramón Ortega – Splendide photo – Traduction du 05 mars 2022 par Jacques Hallard - Document ‘istopiahistoria.blogspot.com’
    Dans la Grenade nasride, alors que les Almoravides étaient sur le point de disparaître, une femme est apparue à la cour de l’Alhambra. Aujourd’hui, lorsque vous la rencontrez, vous ne pouvez que vous abandonner à ses pieds.

D’après les chroniques qui nous sont parvenues sur sa vie, nous pouvons non seulement la décrire comme passionnante et stimulante pour son époque, mais aussi dire qu’elle était triste, très triste.

Visage - Le grand vizir de Lojá, Ibn al-Khatib, la décrit comme suit : « Elle était unique en son temps pour sa beauté, son élégance, sa culture littéraire et sa mordacité ».

Nous parlons de Hafsa bint al-Hajj, une femme née dans une noble maison berbère de Grenade (1135) qui a reçu une éducation exquise. A tel point que, comme nous l’avons dit, elle est entrée dans le cercle des poètes de cour.

Ses poèmes et ses écrits, ainsi que son enseignement, résonnaient à travers les plâtres du palais de la colline Sabika. Sa voix ne ravissait pas seulement les oreilles habituées aux mots éloquents, car dans la ville, ses poèmes étaient connus et appréciés du vulgaire ; sa simplicité et sa spontanéité, ainsi que sa grande beauté, faisaient rêver les jeunes vierges d’un jeune homme qui les ferait tomber amoureuses de ses mots, et inversement, tous les jeunes hommes rêvaient d’une femme comme Hafsa.

Avec cette description, tout le monde ne tombe pas amoureux, et c’est ce qui est arrivé à Abu Ja’far Ibn Sa’id, des Banu Sa’id, une autre famille très importante de Grenade. Leur relation était connue pour ses poèmes dédiés, mais un amour aussi charmant et romanesque doit avoir ses épines.

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Par le détroit de Jabal Tariq (Gibraltar), une autre faction musulmane commence à entrer, les Almohades, radicaux de la charia (loi islamique) où les poètes, les festivals, les mathématiques et d’autres disciplines si chères à al-Andalus sont haïs par des gens aussi bornés.

Abu Said Utman, le deuxième fils du calife al-Mumín, arrive à Grenade, impétueux et ambitieux, mais toujours relégué au second plan, car son frère Yusuf est le premier né.

Il tomba éperdument amoureux de Hasaf et bien qu’il fut rejeté par la poétesse, il accepta plus tard de prendre du plaisir avec lui, bien que tout en secret, il n’était pas bien vu qu’une femme soit dans le cercle des conseillers du prince, encore moins qu’elle soit aussi libre que les femmes andalouses étaient habituées, et encore moins qu’un prince, qui était régi par la règle stricte du prophète, maintienne une relation avec elle, et cela fit beaucoup souffrir la relation avec son amour, Abu Ja’far.

Abu Ja’far a permis pendant un certain temps ce double jeu car Hafsa, à travers ses poèmes, lui assurait un amour inconditionnel. Malgré la relation avec Utman, le prince almohade continua. Leurs rencontres amoureuses se sont limitées à la clandestinité, et cette situation a érodé l’amour le plus fidèle.

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Utman en a eu assez de voir Ja’far et Hafsa se moquer de son amour et il a décidé de leur rendre la vie misérable : Ja’far a été rétrogradé dans ses responsabilités et Hafsa n’a plus eu le droit de s’habiller comme avant, ni de se promener librement dans le palais.

Son surnom, al-Rakuniyya, vient d’une visite au calife al-Mumin en Afrique, où ses vers ont captivé toutes les personnes présentes, laissant même Ja’far (être considéré) comme un poète médiocre.

Certains disent qu’al-Rakuniyya vient du mot Rakuna, une sorte de salon littéraire, mais il y a d’autres opinions selon lesquelles ce mot vient du fait qu’on lui avait accordé le fief de Rakuna près de Grenade.

Reproduction

Le fait est qu’à leur retour à Grenade, Ja’far n’a pas supporté le trio amoureux et il s’est mis à composer des poèmes cinglants contre son souverain, et a même participé à un complot visant à l’assassiner. Mais elle a été découverte et a dû fuir ; à Malaga, elle a été découverte par des soldats et elle y a fini en prison.

Hafsa a tenté à plusieurs reprises de libérer son bien-aimé d’un tel destin, mais Utman n’aimait plus Hafsa et la méprisait : c’est un amour haineux de savoir que l’on ne peut pas obtenir ce que l’on désire le plus, c’est-à-dire son consentement.

Puis, en 1163, Abu Yafar fut crucifié sur la route de Malaga à Grenade, sous les yeux de Hafsa, qui décide alors de s’habiller en deuil pour son bien-aimé, comme si elle était sa veuve. Dès lors, la poétesse vécu dans un isolement où la tristesse s’empara d’elle.

Le calife Yusuf, frère d’Utman, qui monta sur le trône de son père à cette époque, décida d’envoyer Hafsa à Marrakech, où il avait installé sa cour, pour qu’elle assure l’enseignement de ses enfants, car il connaissait l’histoire et les capacités de l’Andalouse. Hafsa y a vu une échappatoire à ses souvenirs et elle a accepté la proposition, sachant qu’Utman serait loin et que rien dans ce pays ne lui rappellerait Jaffar. Elle y a malheureusement fini ses jours en 1193.

Une histoire comme tant d’autres d’amour et de malchance au destin traître, mais une histoire dont on tombe amoureux quand on la connaît >

Une vidéo en images avec musique sur :

https://lh3.googleusercontent.com/-TraxHUuL_ho/VZ-AClQBevI/AAAAAAAAL8E/XgLS-C0QeuQ/s320/blogger-image—1115897448.jpg

Nous pouvons le recréer dans le roman ‘La loba de al-Andalus’, bien qu’il se concentre sur la vie du roi Mardanish et de sa favorite Zobeyda, les vies de Hafsa, Abu Yafar et Utman, font également partie de l’histoire.

Voici quelques versets d’amour que Hafsa a dédiés à son bien-aimé Abu Ja’far ibn Sa’id :

« Dame de beauté et de noblesse, fermez vos paupières, bienveillante, devant les lignes tracées par mon calame, et les regarder avec des yeux aimants, avec des yeux d’affection, sans prêter attention aux défauts »

Du contenu et de l’écriture :

https://lh3.googleusercontent.com/-MPkdEGerG7g/VZ-ABboW2KI/AAAAAAAAL78/TnHFUj0eP0g/s320/blogger-image--768082261.jpg

« Demandez à l’éclair palpitant dans la nuit sereine, si cela m’a fait me souvenir de mes amours à minuit. Car cela a fait palpiter mon coeur à nouveau et m’a donné la pluie qui tombe sur mes joues.

(A Abu Ja’far)

Poèmes de Hafsa

« Je suis jaloux de mes yeux et de moi-même, de vous, de votre temps ; même si je devais t’enfermer dans mes yeux jusqu’au jour du jugement, je ne serais pas satisfait ».

(A Abu Ja’far)

Bibliographie : www.poetasandaluces.com

mlozar.blogspot.com.es

granadeando.com

bibliolange.wordpress.com

juntadeandalucia.es

deandalusasefarad.blogspot.com

Posted in : H. MEDIEVAL ; AL-ANDALUS

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Source : https://istopiahistoria.blogspot.com/2015/07/hafsa-bint-al-hayy-al-rakuniyya-la.html

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Elle appartient à une famille de Grenade décrite dans les sources arabes comme noble, riche et puissante, peut-être d’origine berbère, puisque, comme le souligne L. di Giacomo, Rakūna - d’où vient le gentilé al-Rakūniyya - est le nom d’une faction berbère établie à l’ouest de Marrakech. Rakūna est aussi le nom d’un village du district d’Alpujarra, lieu d’origine de la poétesse, selon Ibn Sa‛Īd dans le Mugrib. On ne connaît pas la date de sa naissance, que L. di Giacomo suppose autour ou après 530/1135, peut-être sur la base des biographies des différents membres de la famille Ibn Sa‛Īd qu’elle a eu l’occasion de fréquenter, notamment celles de la génération d’Abū Ŷa‛far ibn Sa‛Īd, son amant et le destinataire de la plupart de ses vers ; mais on ne sait pas non plus quand ce poète est né.

Il a dû recevoir une éducation très soignée, car ses biographes, outre sa beauté, louent sa culture et son esprit, ainsi que sa facilité et sa rapidité à composer des poèmes. Plus tard, peut-être dans les dernières années de sa vie, elle est chargée de l’éducation des princesses almohades dans le palais du calife Ya’ûqūb al-Manîūr (580 5184-595 1199) à Marrakech, où elle meurt en 586 1190, selon Yāqūt, ou, selon Ibn al-JaṭĪb, en 580 1184 ou 581 1185.

Son histoire d’amour avec Abū Ŷa‛far ibn Sa‛Īd, l’épisode le plus connu de sa vie, peut être daté des environs de 550/1155 et 559/1164, date de la mort du poète, Victime de la politique - la famille d’Ibn Sa‛Īd rejoint Ibn MardanĪŠ dans sa rébellion contre les Almohades - et de la jalousie du gouverneur de Grenade, le fils du calife ‛Abd al-Mu’min, lui aussi amoureux de la poétesse.

Dix-sept courts poèmes de Ḥafîa al-Rakūniyya ont été conservés, grâce notamment aux soins de la famille Ibn Sa‛Īd, qui souhaitait préserver la correspondance poétique entre Ḥafîa et Abū Ŷa‛far. Cela explique peut-être le silence ultérieur de Ḥafîa.

Bibl. : Yāqūt (575/1179-626/1229), IrŠād al-arĪb ilà ma‛rifat al-adĪb, éd. par D. S. Margoliouth, Le Caire, 1923-1930, IV, pp. 119-123 ; al-Šaḥafîa, éd. 119-123 ; al-ŠaqundĪ (m. 629/1231-1232), ’ Éloge de l’islam espagnol (Risāla fĪ faḍl al-Andalus) ’, in Andalousie contre Barbarie, réédité des transls. par Ben Ḥayyān, ŠaqundĪ et Ben al-JaṭĪb, avec une pról. d’E. García Gómez, Barcelone, Publications du Département de langue et littérature arabes, Université de Barcelone, 1976, p. 132-133 ; Ibn DiḤayyān, ŠaqundĪ et Ben al-JaṭĪb, avec une préface d’E. García Gómez. 132-133 ; Ibn DiḤya (mort en 633/1235), Al-Muṭrib min aŠ‛ār ahl al-Magrib, éd. par I. al-AbyārĪ, Ḥ. ‛Abd al-MaŶĪd et A. A. BadawĪ, Le Caire, al-Maṭba‛a al-AmĪriyya, 1954, p. 10 ; Ibn al-Abbār (595-657/1199-1260), éd. dans M. Alarcón et C. A. González Palencia, ’ Appendice à l’édition Codera du Tecmila d’Aben al-Abbār ’, in Miscelánea de estudios y textos árabes, Madrid, Junta para Ampliación de Estudios e Investigaciones Científicas, Centro de Estudios Históricos, 1915, p. 149-690, n° 2891 ; Ibn al-Abbār (595/657-1199/1260), Tuḥfat al-qādim, éd. par I. ‛Abbās. Beyrouth, Dār al-Garb al-IslāmĪ, 1406/1986, p. 240 (n° 104) ; Ibn Sa‛Īd, Al-Mugrib fĪ Ḥulà al-Magrib, éd. par Ḥār al-Magrib, éd. par Š. ayf, Le Caire, Dār al-Ma‛ārif, II, s.d. (2e éd.), 138-139 et 164-166 ; Ibn Sa‛Īd (610/1213 - 685/1286), éd. dans E. García Gómez, El libro de las banderas de los campeones de Ibn Sa‛Īd al-MagribĪ. Antología de poemas arábigoandaluces, éd. pour la première fois et trans. avec introd., notes et index, Madrid, 1942 (2e éd., avec un nouveau pról, Barcelone, Seix Barral, 1978, pp. 61 et 212-214) ; al-BalafĪqĪ, Abū Isḥāq IbrāhĪm b. Muḥammad b. IbrāhĪm (8e/14e s.), Al-Muqtaḍab min kitāb Tuḥfat al-qādim [li-Ibn al-Abbār], éd. par I. al-AbyārĪ, Le Caire, Dār al-Kitāb al-MiîrĪ-Beyrouth, Dār al-Kitāb al-LubnānĪ, 1402/1982 (2e éd.), p. 219 ; Ibn al-JaṬĪb (713/1313-776/1375), Al-Iḥāṭa fĪ ajbār Garnāṭa, éd. par M. ‛A. ‛Inān, Le Caire, Maktabat al-JānŶĪ, I, 1973, pp. 491-494 ; al-SuyūṬĪ (849/1445 - 911/1505), Nuzhat al-Ŷulasā’ fĪ aŠ‛ār al-nisā’, éd. par Ṣ. al-MunaŶŶŶid, Beyrouth, Dār al-Kitāb al-ŶadĪd, 1978, p. 32-35 ; al-MaqqarĪ (986/1577-1041/1632), Nafḥ al-ṭĪb min guîn al-Andalus al-raṭĪb, éd. par I. ‛Abbās, Beyrouth, Dār Ṣādir, 1388/1968, IV, 171-179 ; L. di Giacomo, ’ Une poétesse andalouse du temps des Almohades : ḥafîa bint al-Ḥājj ar-Rukūniyya ’, in Hespéris, 34 (1947), pp. 9-101 ; Ch. Pellat, ’ Ḥafîa bint Ḥadjdj ’, in Encyclopédie de l’islam, 2e éd, III, p. 66a ; ‛U. R. KaḤḤāla, A‛lām al-nisā’ fĪ ‛ālamay al-‛arab wa-l-Islām, Beyrouth, Mu’assasat al-Risāla, 1982, vol. I, p. 267-271 ; M. Sobh, Poetisas arábigo-andaluzas, Grenade, Diputación Provincial, [1985], pp. 94-111 ; T. Garulo, DĪwān de las poetisas de al-Andalus, Madrid, Hiperión, 1986, pp. 71-85 ; F. N. Velázquez Basanta, ’Diálogo poético-amoroso en la Granada Almohade : Abū Ŷa‛far ibn Sa‛Īd y Ḥafîa la Rakūniyya’, in Anales de la Universidad de Cádiz, III-IV (1986-1987), pp. 149-169

C. del Moral Molina, Un poeta granadino del siglo XII : Abū Ŷa‛far ibn Sa‛Īd, selecc. de poemas, trad. e introd., Granada, Universidad, 1987, pp. 25-29 et 47-54 ; M.ª L. Ávila, ’Las mujeres ’sabias’ en al-Andalus’, in M.ª J. Viguera (ed.), La mujer en al-Andalus. Reflejos históricos de su actividad y categorías sociales, Madrid, Ediciones de la Universidad Autónoma de Madrid-Sevilla, Editoriales Andaluzas Reunidas, 1989, no. 38 ; M.ª J. Rubiera, Poesía femenina hispanoárabe, Madrid, Editorial Castalia, 1990, pp. 138-147 ; C. del Moral, ’Poesía de mujer, poesía de hombre : la diferencia de género en la lírica andalusí’, in C. del Moral (ed.), Árabes, judías y cristianas. Mujeres en la Europa medieval, Grenade, Universidad, 1993, pp. 173-193 ; C. del Moral Molina, Abū Ŷa‛far ibn Sa‛Īd : un poeta granadino del siglo XII, Madrid, AECI, 1997, pp. 26-33 et 54-61 ; B. Gruendler, ’Lightning and Memory in Poetic Fragments from the Muslim West. Ḥafîah bint al-Ḥājj (m. 1191) et Ṣārah al-Ḥalabiyyah (m. c. 1300) ’, dans A. Neuwirth et A. Pflitsch (dir.), Crisis and Memory in Islamic Societies. Actes de la troisième académie d’été du groupe de travail Modernité et islam tenue à l’Institut d’Orient de la Société orientale allemande à Beyrouth, Würzburg, Ergon, 2001, p. 435-452 ; T. Gallega Ortega, ’ Ḥafîa al-Rakūniyya ’, dans J. Lirola Delgado et J. M. Puerta Vílchez (dir.), Enciclopedia de al-Andalus. Diccionario de autores y obras andalusíes, vol. I, Grenade, El Legado Andalusí, 2002, pp. 232-233 ; R. Brann, ’He Said, She Said : Reinscribing the Andalusi Arabic Love Lyric’, in J. P. Decter and M. Rand (eds.), Studies in Arabic and Hebrew Letters in Honor of Raymond P. Scheindlin, Piscataway, NJ, Gorgias Press, 2007, pp. 7-15.

Teresa Garulo

Real Academia de la Historia : DB-e

Source : https://dbe.rah.es/biografias/59715/hafsa-bint-al-hayy-al-rakuniyya

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Illustration - La poétesse andalouse Hafsa bint al-Hajj (12e s.). Peinture de J. L. Muñoz.

Nous continuons dans TAM TAM PRESS avec la section de poésie anthologique, appelée ’LES POEMES PENDUS’ *, avec des textes de poètes morts choisis par Ildefonso Rodríguez et Eloísa Otero. Le vingt-et-unième auteur à figurer dans cette section est Hafsa bint al-Hajj (Grenade, 1135-Marrakech, 1191), également connue sous le nom de al-Rakuniyya ou Perle de Grenade, l’un des poètes les plus célèbres d’al-Andalus au Moyen Âge. Fille d’un noble berbère, elle a passé son enfance et sa jeunesse dans la ville où elle est née, recevant une éducation exquise. Femme cultivée et séduisante, elle a mené une vie intense et a réussi à s’exprimer dans ses vers avec une spontanéité et une liberté absolues, en utilisant un langage simple. Elle était ’unique en son temps pour sa beauté, son élégance, sa culture littéraire et sa mordant’, selon les mots du poète Ibn al-Khatib.

Hafsa a écrit des poèmes d’amour - dont la jalousie, la peur, les rendez-vous secrets, etc. - mais aussi des poèmes satiriques et panégyriques. Elle a entretenu une relation double et conflictuelle, d’une part avec le poète grenadin Abu Ja’far - auquel elle s’est unie en 1154, et auquel elle a dédié nombre de ses poèmes - et d’autre part avec le gouverneur almohade de la ville, le prince Abu Said, qui est tombé follement amoureux d’elle. En 1163, après la mort de son premier amant - emprisonné et crucifié après avoir collaboré à une rébellion contre le gouverneur - Hafsa a déversé son chagrin dans des vers poignants, a revêtu son habit de veuve et a défié les menaces du gouverneur. Dans sa tristesse, elle se retire de la cour, abandonne la poésie et se tourne vers l’enseignement. Elle finit par s’installer à Marrakech à l’invitation du calife al-Mansur, où elle dirige l’éducation des princesses almohades de 1184 à sa mort en 1191.

Elle est considérée comme un grand poète, au même titre que les poètes masculins de son époque. Grâce à l’intérêt de la famille Banu Said (lignée de son premier amant Abu Ja’far) pour la préservation de son héritage, 17 de ses œuvres ont été conservées.

https://tamtampress.files.wordpress.com/2018/11/blogger-image-768082261.jpg?w=508&h=318

Illustration - Poemas de Hafsa bint al Hayy (s. XII)

Dites à ce poète...

Nous nous sommes débarrassés de ce poète parce qu’il est tombé dans les excréments, mais dis-lui :

Retourne dans ton puits, fils de pute, tout comme la merde.

Et si vous nous revoyez un jour, vous verrez, oh vous, les plus méprisables et les plus vils, sans argument, de tous les hommes

C’est le destin qui vous attend si vous vous endormez à moitié.

Une barbe qui aime la merde et déteste l’ambre,

Dieu interdit que personne ne vienne te voir.

Jusqu’à ce qu’ils t’aient enterré !

Réponds-moi tout de suite...

Est-ce que tu viens à moi ou est-ce que je viens à toi ?

Mon cœur s’incline vers ce que vous désirez ;

Mes lèvres sont douces comme l’eau et transparentes et mes boucles sont des branches qui donnent de l’ombre ;

J’espère que vous aurez soif et que vous brûlerez quand l’heure de la sieste se présente à moi.

Réponds-moi tout de suite...

Je loue ces lèvres parce que je sais ce que je dis et je sais de quoi je parle, et je leur rends justice, je ne mens pas devant Dieu ;

En eux, j’ai bu un crachat plus délicieux que le vin.

Un visiteur vient chez vous : son cou est celui d’une gazelle, un croissant de lune pendant la nuit ; son regard a le charme de Babylone et la salive de sa bouche est meilleure que celle des filles de la vigne ; ses joues affrontent les roses et ses dents confondent les perles, peut-elle passer, avec ta permission, ou doit-elle partir, pour une quelconque circonstance ?

À Abu Ja’far

Vous, qui avez la prétention de brûler dans la plus ardente affection, sachez que je n’aime pas votre billet et vos lamentations. Il n’a jamais été aussi plaintif

L’amour qui est vrai parce qu’il fait confiance et rejette et rejette les craintes timides.

Avec toi, c’est la victoire : n’imaginez pas la victoire.

Les nuages se cachent toujours une pluie fertile dans votre sein.

Et le Palm offre toujours ombre fraîche et lit moelleux.

Ne vous plaignez pas, vous savez très bien la cause de mon silence.

Dame de beauté et de noblesse, fermez vos paupières, bienveillante, devant les lignes que mon calame a tracées, et regardez-les avec des yeux d’affection, sans prêter attention aux défauts du contenu et de l’écriture.

J’envoie une salutation, qui ouvre les calices des fleurs.

Et fait pigeonner les colombes sur les rameaux, à celui qui est absent, mais qui habite dans mon cœur, bien que mes yeux ne puissent le voir.

Je suis jaloux de mes yeux et de moi-même, de vous, de votre temps.

Même si je devais t’enfermer dans mes yeux jusqu’au jour du jugement, je ne serais pas satisfait.

Une femme de mon rang ne peut pas faire le deuil ; un amour de la félonie ; mes pleureuses payées te pleureront pour moi dans le coucher du soleil.

Ma gorge morte ne me dénoncera pas, elle ne peut plus prononcer ton nom.

Les chanteurs évanouiront les casidas que sous un faux nom j’ai écrit pour vous.

Les feuillures moisies pourriront avec l’abandon derrière les treillis des cours.

Le rossignol de nos réunions sera transpercé par la sagitta de mon arbalète.

Seul l’oreiller de fleurs d’oranger connaîtra les pleurs étouffés et l’expiation de mon orgueil.

Qui a chanté pour vous parmi les grenadiers, est aujourd’hui une femme de ronces et d’orties, ses tétons suintent, du lait caillé au pavot.

Oh, quelle mort cruelle tu m’as donnée !

Que deviendrai-je à l’aube sans la braise de ta peau… dans la tombe froide de mon lit ?

Ils me menacent de me vêtir de deuil.

Pour un être cher, ils m’ont tué par l’épée.

Que Dieu ait pitié de ceux qui sont libraux avec ses larmes ou celui qui pleure celui que ses rivaux ont tué, et peut être les nuages du soir, avec une générosité comme la sienne, arroser la terre partout où il va !

[* Versions basées sur la comparaison des traductions de différentes anthologies].

Source : https://tamtampress.es/2018/11/19/nueve-poemas-de-hafsa-bint-al-hayy-al-rakuniyya-poetisa-andalusi-del-siglo-xii/

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    The Moor with the Beads (Le Maure aux perles) de Jan Tysiewicz (1853) - Hafsa Bint al-Hajj dite « Al-Rakuniyya » - Reproduction – Document ‘nordafricaines.wordpress.com’
    Considérée par beaucoup comme la poétesse andalouse la plus réputée de son époque, au même titre que Wallada bint al-Mustakfi et Nazhun bint al-Qila’i, on ne sait que peu de choses sur elle, bien que sa biographie soit moins obscure que celles des autres poétesses andalouses et maghrébines de son époque. Les informations à son sujet augmentent à mesure qu’elle prend de l’âge et qu’elle se lie à certaines personnes, se retrouve dans certains lieux. Les détails explosent notamment à l’aune de l’établissement de la dynastie almohade en 1154, aux débuts de sa relation avec Abu Ja’far, poète aristocrate grenadin et fils d’Abd al-Malik, seigneur de Qalaat Bani Said (ville au nord-ouest de Grenade).

Les détails sur son enfance et sa jeunesse sont quasi inexistants. Elle naît à Grenade en 1135 au sein d’une famille berbère opulente, et a très probablement reçu une éducation très pointue au vu de ses qualité rédactionnelles, de la finesse de ses écrits, et de la réputation de Grenade à être une ville médiévale où florissent la littérature et la musique.

Abu Ja’far s’éprend donc de Hafsa Bint Al Hajj dès 1154, et lui fait parvenir une invitation que cette dernière ignore. Abu Ja’far continua à lui dépêcher des poèmes désespérés…

«  (…) Ah, si tu voyais quel état est le mien, alors que la nuit a laissé tomber ses ombres !

Je gémis tristement d’ardente passion au point que, (ayant entendu un etre plus gémissant que lui), le ramier prend du répit.

Je suis un amant dont le désir véhément qu’il a pour sa bien-aimée prolonge le tourment.

Elle l’a traité avec rigueur et n’a même pas répondu à ses salutations. »

… Jusqu’à ce que Hafsa cède et lui accorde un rendez-vous :

«  (…) Tu es dans l’erreur la plus complète (sur le code de l’amour) et le pouvoir que tu détiens ne te donne aucun avantage.

Depuis que tu es dans cette compétition, tu n’as pas cessé d’avoir la sécurité pour compagne ;

Mais voici que tu viens de faire un faux pas et que tu t’es couvert de honte en divulguant ton amertume.

Par Dieu, les nuages versent en tous temps leurs eaux ;

En tous temps aussi la fleur fait éclater sa kimama !

Si tu avais connu mon excuse, tu aurais retenu ta médisante langue.  »

À partir de ce moment, les deux amants se fréquentent, et cela durera pendant plus de dix ans. Le plus surprenant concernant leur idylle est qu’elle prend place dans un contexte historique particulièrement austère. Elle est en parfaite contradiction avec ce que l’on pourrait imaginer être les moeurs médiévales, surtout à l’époque des dynasties almoravide et almohade, réputées pour leur rigorisme. Les deux amants vivent ouvertement leur relation hors du cadre du mariage, au vu et au su de tous, comme l’atteste les joutes sensuelles qu’ils s’échangeaient et qui ont marqué la littérature en langue arabe. Malgré la cristallisation de cette relation —a priori interdite— dans des vers, Hafsa resta une femme très respectée, que ce soit au cours de sa vie ou après sa mort.

Une romance à l’origine d’un bouleversement politique

Parallèlement à la rencontre des amants en 1154, un bouleversement politique survient à Grenade : le gouverneur almoravide alors en place livre la ville à la dynastie rivale vainqueur, la dynastie almohade. C’est Abu Said Uthman, fils d’Abd Al Moumen (premier calife almohade), qui gouvernera alors Grenade. Il nomme donc Abu Ja’far comme vizir, disposant de qualités politiques certaines puisqu’il assistait son père dans la gestion des affaires publiques. Dans le même temps, Abu Said intègre dans sa cour les plus grands poètes du Maghreb, et, inévitablement, Hafsa Bint Al Hajj, qui deviendra sa protégée. En 1158, elle est envoyée par le roi auprès de son père, le calife Abdelmoumen, fondateur de la dynastie almohade, qui tombera sous le charme de sa poésie. Il lui offrira par la suite l’autonomie financière, et Rakuna (bourgade/sorte de salon littéraire) qui lui vaudra le patronyme d’Al-Rakuniyya.

Hafsa devient alors l’amante du roi, sans pour autant cesser de fréquenter Abu Ja’far, chose qui créa de très vives tensions entre les deux hommes, rivaux dans la quête de l’amour de Hafsa. D’un côté, Abu Ja’far demande alors au roi de le déchoir de ses fonctions, tout en affichant une rancoeur à encontre à travers des satires acerbes. De l’autre côté, le roi tente de contraindre Hafsa de mettre un terme à sa relation avec le poète.

L’entourage d’Abu Ja’far le persuade alors de tenter de renverser le pouvoir almohade à Grenade mais, averti du complot, Abu Said prend une mesure radicale : il arrête puis condamne à mort Abu Ja’far en 1163.

Hafsa, très affectée par le décès de son amant et malgré l’interdiction, fera paraître son deuil en revêtant les habits de veuve.

Beaucoup d’historiens affirment que Hafsa a délaissé la poésie suite à la mort de son amant, d’autres estiment que les biographes n’ont pas retenu les poèmes postérieurs à cet événement car ils n’étaient plus en rapport à des hommes puissants. On sait néanmoins qu’elle finira sa vie en tant que professeure d’excellence, preuve en est qu’à la demande du calife Yacoub al-Mansour elle fut chargée de l’éducation des princes(ses) almohades au sein du palais à Marrakech.

Elle meurt en 586 après l’Hégire (1190), à l’âge de 56 ans.

Amazigh, Histoire

Source : https://nordafricaines.wordpress.com/2019/10/15/maghrebaufeminin-hafsa-bint-al-hajj/

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    Cinq poèmes de afa bint al-ājj ar-Rakūniyya (« Al-Rakuniyya » – Reprise de la traduction par Jacques Hallard – Original : Five Poem of Ḥafṣa bint al-Ḥājj ar-Rakū)niyya in Translation - Will Pewitt November 28, 2020 – Firrst translated from the Arabic by Will Pewitt – Document ‘columbiajournal.org’ - Poetry, Translation
    Parler à la foudre

Parler à la foudre, un souvenir de ma bien-aimée -...plongeant dans l’obscurité... s’il se souvient comment il m’a foudroyée : a fait battre mon coeur, une pluie de coups.

Comme nous marchions

Alors que nous marchions ensemble, ton jardin n’a pas fait un grand sourire, mais ses couvrait ses floraisons, rendant nos sourires avec une envie verte.

Et comme nous parlions ensemble, ta rivière n’a pas donné un rire pétillant, mais éructait et criait pour étouffer notre entrée en matière.

Le monde ne s’adoucit pas, juste parce que nous nous transformons en miel.

Chaque jour, même l’aube ensoleillée se brise pour effacer ces étoiles amoureuses.

Habillé de deuil

Habillé de deuil, porté plus profondément que les vêtements, c’est ce tissu intérieur qui les incite à la menace.

Dieu, donne tes bénédictions à ceux qui sont piégés dans les larmes, invisibles comme les sourires de ceux qui ont été tués, volés comme l’eau d’un puits.

Que les nuages habillent ce jour, une pâle offrande.

L’étreinte de Dieu : une récompense pour une main que je n’ai pas pu prêter.

Quand je te rends visite

Quand je te rends visite, je me présente moi-même : une offrande pour ta consommation, comme une succulente gazelle.

Mais peut-être que tu es parmi les morts sans faim - ça doit être ce qu’ils voulaient dire quand ils ont dit que tu étais trop occupé pour me voir.

Je suis devenue un enfant

Je suis devenue un enfant jaloux de mes propres yeux, furieux qu’ils puissent t’accueillir, souriant pour le moment où je te volerai.

Comme des parents, mes yeux demandent de la prudence, en te tenant hors de portée.

Ils ne me font penser à rien d’autre que, plus tard, un jour, le jour de la libération.

A propos de l’auteur

Ḥafṣa bint al-Ḥājj ar-Rakūniyya était une noble de Genade connue pour sa légendaire histoire d’amour avec un vizir, qui s’est terminée tragiquement lorsqu’un dirigeant jaloux l’a tué. Elle devint plus tard préceptrice royale à Marrakech pour les filles de la dynastie almohade. Seules, une soixantaine de lignes de sa poésie ont survécu jusqu’à nos jours.

À propos du traducteur

Will Pewitt a publié de nombreux ouvrages dans une variété de genres : de la fiction et de la non-fiction à la poésie et à la philosophie. Il enseigne actuellement la littérature mondiale et l’écriture à l’Université de Floride du Nord. Pour lire plus de son travail > voir son site WPewitt.com.

Source : http://columbiajournal.org/five-poem-of-%E1%B8%A5af%E1%B9%A3a-bint-al-%E1%B8%A5ajj-ar-rakuniyya-in-translation/

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    • Femmes et religion en islam – Ecrivaines
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    Les femmes et la religion en islam : un couple maudit ? - Sossie ANDEZIAN - Religions – Document ‘journals.openedition.org’ - https://doi.org/10.4000/clio.493
    Résumés

Français English

L’auteur examine la place des femmes musulmanes dans la vie religieuse algérienne et de façon plus générale dans la société algérienne, dans une perspective socio-historique et anthropologique. Après une revue de la littérature qui met en évidence l’importance des femmes dans la sphère religieuse des premiers siècles de l’islam, l’auteur montre que celles-ci, progressivement marginalisées, ont investi le mysticisme comme lieu d’expression de leur rapport au divin. S’appuyant sur un travail de terrain qu’elle a effectué dans l’ouest algérien, elle décrit et analyse les formes et les modalités d’implication de ces femmes dans l’univers du mysticisme maghrébin, le sens qu’elles donnent à leurs pratiques, leurs effets sur leur position dans la société.

Plan

1. Femmes de religion en islam : une catégorie désuète ?

2. Le mysticisme maghrébin au féminin

3. Un rapport au religieux contesté

Texte intégral

1 Il sera question ici de la place des femmes dans l’univers religieux de l’Algérie, dans une perspective anthropologique et socio-historique. Et c’est à partir de ce lieu que sera proposée une approche du statut des femmes dans les sociétés musulmanes, des représentations dont elles sont l’objet, de la manière dont elles s’inscrivent dans le paysage social. Contribution modeste à l’approfondissement de l’analyse des liens qui se sont tissés entre religion et société en islam.

2 1. Femmes de religion en islam : une catégorie désuète ?

3 De nombreux passages du Coran faisant référence aux « croyants et croyantes » présupposent l’égalité des hommes et des femmes dans le domaine religieux. « Les soumis, les croyants, les dévôts, les sincères, les patients, les humbles, les charitables, les abstinents, les chastes, hommes et femmes et ceux qui ne cessent d’invoquer le nom de Dieu, obtiendront de Lui leur pardon et une belle récompense » 1. Pas de restrictions quant à l’acquisition du savoir religieux par les femmes ni à leur prise en charge de fonctions religieuses importantes. Elles sont tenues aux mêmes devoirs religieux, seules les périodes d’impureté rituelle les empêchant d’accomplir leurs obligations.

4 Dans les faits, les femmes musulmanes sont dans l’ensemble absentes des lieux de décision touchant la vie religieuse de leur communauté, peu présentes dans les centres de savoir religieux, tolérées dans les mosquées derrière un rideau, une porte, une grille. Or, dans l’histoire de l’islam, des femmes se sont distinguées par leur rôle dans la vie religieuse. À l’appui d’ouvrages anciens de théologiens musulmans, I. Goldziher 2 cite des exemples de femmes ascètes, saintes, fondatrices de congrégations religieuses féminines, directrices d’hôpitaux, formatrices en sciences religieuses...

Ces dernières seront nombreuses à l’époque médiévale, en particulier en Andalousie où les activités scientifiques des femmes étaient bien acceptées dans certains domaines de connaissance, la science du Hadith 3 notamment. Shuhda bint el-Ibari, écrivain du VIe siècle de l’hégire, est reconnue pour sa compétence dans la détermination de la validité des propos attribués au Prophète et pour ses célèbres conférences sur Bukhari 4. Mais c’est dans le monde du mysticisme qu’elles sont et qu’elles resteront les plus nombreuses. Lorsqu’elles sont reconnues comme saintes, autrement dit lorsqu’elles ont atteint le même degré de perfection humaine que les hommes, elles sont investies des mêmes pouvoirs, bénéficient des mêmes honneurs, accèdent au même niveau de savoir initiatique. La figure de Rabia el-Adawiyya est emblématique à cet égard.

5 Ces femmes appartiennent au passé glorieux de l’islam et l’on sait peu de choses sur les conditions de leur accession à de hautes fonctions religieuses. Une histoire sociale serait nécessaire dans chaque cas afin de déterminer d’une part, les logiques qui ont conduit de telles individualités à s’introduire dans un univers masculin par excellence, d’autre part, le traitement qui leur était réservé par les hommes. De tels travaux de recherche restent encore à faire. Ici, on se limitera à se poser la question de savoir pourquoi les femmes ont fait du mysticisme leur terrain d’élection, à tel point qu’au Maghreb on a souvent caractérisé ce dernier de religion des femmes, et quelle place elles y ont occupée.

6 2. Le mysticisme maghrébin au féminin

7 Le mysticisme musulman ou soufisme privilégie l’expérience sensible de la foi par rapport à l’observance canonique, mais demeure fidèle à la Loi Coranique. Présent dès les premiers siècles de l’islam, il se développe grâce à des maîtres mystiques (Sheykh-s) qui proposent des méthodes initiatiques (Tarîqa-s ou Voies) aux aspirants, dans le cadre d’organisations confrériques notamment, pour les guider dans leur cheminement spirituel. Au Maghreb, le soufisme revêt une forme originale connue sous le terme de maraboutisme qui jouera un rôle de première importance dans tous les domaines de la vie sociale. Étroitement associé au culte des saints et dominé par les manifestations extatiques, le soufisme maghrébin favorise l’émergence de figures de saints ou amis de Dieu (wâli-s) reconnus ou non par les clercs officiels, savants ou simples musulmans réputés pour leur piété, théologiens, hommes de loi et/ou fondateurs de Voies initiatiques, faiseurs de miracles ou thaumaturges, patrons locaux, fous de Dieu...

Il donne naissance à des organisations religieuses appelées tarîqa-s (ordres et confréries), à des lignages et tribus maraboutiques, à des dynasties de descendants du Prophète 5. Phénomène polymorphe et polysémique, il contribue à l’islamisation définitive du Maghreb ainsi qu’à la construction d’une identité locale face aux envahisseurs étrangers (portugais, espagnols, ottomans, français). À l’aube du vingtième siècle, il est vigoureusement concurrencé puis supplanté par les mouvements nationalistes et réformistes. Ceux-ci, relayés plus tard par les États indépendants, le combattront de façon systématique avant d’imposer un islam réformé, « épuré » des croyances et des pratiques étrangères (de leur point de vue) à l’islam des Pieux Ancêtres.

8 En Algérie, supposé avoir été éradiqué au milieu du XXe siècle par le mouvement réformiste (Islâh)6, le maraboutisme a toujours ses adeptes, moins nombreux certes qu’aux siècles passés et plus isolés. Ses institutions (zâwiya-s, qubba-s) n’ont pas complètement disparu et certaines constituent encore des lieux d’accueil et de réunion des adeptes. Les organisations qui s’y rattachent (tarîqa-s) ont survécu dans certains cas à la lutte des réformistes contre leurs chefs, sous d’autres formes et avec d’autres fonctions. Quant au personnel religieux - sheykh-s, moqaddem-s - si la plupart d’entre eux poursuivent leurs activités dans le domaine de l’enseignement religieux (lorsqu’ils en ont les qualifications), dans le domaine thérapeutique ou dans le domaine artistique, d’autres sont toujours sollicités pour leurs compétences religieuses, en tant qu’intermédiaires entre les hommes et Dieu. Observées en milieu féminin et en milieu masculin, en milieu rural et en milieu urbain, parmi des illettrés comme parmi des lettrés, les pratiques du maraboutisme, individuelles ou collectives, vont depuis les activités les plus informelles aux activités les plus organisées et revêtent différents aspects selon les individus et les groupes.

9 La pratique du maraboutisme par les femmes est intégrée à leurs activités sociales et insérée dans leur cycle de vie. Elle se déroule dans des lieux clos, à l’intérieur des maisons et des sanctuaires. Alors que la plupart des activités formelles des confréries sont réservées aux hommes, les femmes ont leurs propres activités, telles que visites aux tombes des saints, réunions hebdomadaires, pèlerinages. Leurs réunions sont dirigées par une responsable, une moqaddma, désignée par le chef d’une confrérie lorsqu’il s’agit de réunions d’affiliées d’une confrérie, ou autoproclamée comme telle.

Quelles soient issues ou non de lignages saints, ces femmes qui seront investies de la grâce divine (baraka), doivent posséder des qualités personnelles pour rendre cette baraka effective qu’elles transmettront aux autres femmes en échange d’offrandes. Elles animent des séances spirituelles collectives composées de récitation de litanies, de chants laudatifs à l’intention du Prophète et des saints, de danses de transe rituelle. Elles ont également un rôle d’écoute, de soutien et de conciliation auprès de femmes en difficulté, mais leur rôle essentiel consiste à transmettre les demandes de faveur que les visiteuses adressent à Dieu à travers la chaîne des saints qui remonte jusqu’au Prophète.

10 C’est de la période coloniale que datent les sources les plus nombreuses relatives à la place des femmes dans le mysticisme maghrébin. Récits de voyageurs, documents administratifs (enquêtes, circulaires, décrets) et travaux ethnographiques 7. Portraits de femmes investies de rôles religieux d’une part, descriptions de pratiques rituelles (célébrations de rites de passage et de fêtes islamiques, réunions et pèlerinages sur les tombes des saints) de l’autre.

11 Les femmes ayant des fonctions religieuses sont « taleba-s » (enseignantes coraniques) ; « mrabta-s » (maraboutes), vivantes ou décédées, ayant hérité leur statut de leur père en l’absence de descendance mâle, objets de vénération de la part des hommes et des femmes ; épouses de marabouts ; épouses de moqaddem-s remarquées pour leur piété et qui, selon leurs dispositions personnelles peuvent suppléer leurs époux et se voir attribuer des fonctions religieuses ; représentantes de marabouts (moqaddma-s) ; autres femmes exceptionnelles membres de confréries ou connues pour leur ascétisme, leur instruction religieuse, leur piété, leur intelligence, leur comportement social exemplaire. Rentrent également dans cette catégorie des « bahlula-s » (folles, faibles d’esprit manifestant des dons occultes). Toutes ces femmes ont acquis un savoir religieux (c’est surtout le cas de femmes originaires de grandes familles ou de filles de taleb-s et de marabouts) et/ou un savoir occulte dont elles assurent la transmission dans les milieux féminins.

12 Dans son article intitulé « Notes sur l’islam maghrébin », E. Doutté8 fait l’inventaire des femmes saintes du Maghreb, les « maraboutes » désignées par le terme « Lalla  » 9. S’il les situe dans la tradition islamique du culte des saints, il explique le rôle « considérable » joué par ces femmes dans la région par leur inscription dans la lignée des « prophétesses » berbères de la période pré-islamique. Sans entrer dans le débat qui oppose les défenseurs de l’identité berbère du Maghreb aux défenseurs de son identité islamique, retenons l’idée que l’islam maghrébin a admis en son sein des femmes qui se sont singularisées par leur savoir, leur piété, leur ascétisme, leurs prodiges.

On connaît les noms des plus célèbres d’entre elles, celles dont la réputation s’étend au-delà de leur localité : Lalla Aïsha el-Mannubiya de Tunis, Lalla Setti de Tlemcen en Algérie, Lalla Marnia qui a donné son nom à une ville algérienne près de la frontière marocaine, Lalla Mimouna près de Fès au Maroc. Il serait fastidieux et inutile d’énumérer l’ensemble des saintes répertoriées dans la littérature coloniale. Mais il paraît intéressant de rendre compte des caractéristiques de ces femmes et de leur image dans leurs sociétés respectives.

13 Ascètes mais aussi savantes, note A. Mouliéras 10, à propos d’une sainte de Fès, Lalla Alia, qui donnait des cours de logique dans la mosquée des Andalous. Mais, ajoute-t-il, les savants ne semblaient pas beaucoup apprécier la présence à leurs côtés de représentantes de la science islamique. Il souligne par ailleurs la rareté des figures féminines dans les recueils biographiques consacrés aux saints. Lorsqu’il en est fait état, elles sont présentées en référence à des hommes, en tant que filles, femmes, mères de pieux personnages. Ainsi, Lalla Setti serait la fille du grand saint Sidi Abdelqader Jilani vénéré dans tout le monde musulman.

14 Généralement les saintes maghrébines sont mariées, mais la plupart abandonnent leur famille dès qu’elles se sentent touchées par la grâce divine. N’étant pas frappées par les mêmes tabous que les femmes ordinaires dans leurs rapports avec les hommes, elles sont souvent assimilées à des prostituées dans les traditions locales. C. Trumelet 11 rapporte la légende de Lalla Tifellent qui, après une période de vie ascétique, aurait brutalement basculé dans la prostitution. De nombreux passants attirés par sa grande beauté auraient laissé leur vie entre les bras de cette redoutable amante.

15 Craintes ou aimées, ces femmes sont sollicitées aussi bien par des hommes que par des femmes en difficulté, pour leur capacité à entrer en contact avec le monde invisible peuplé d’esprits, de saints, de prophètes, êtres surnaturels qui sont perçus comme des intermédiaires entre les hommes et Dieu.

16 Des travaux ethnographiques ainsi que des récits de voyage du XIXe et du début du XXe siècle confirment l’existence de telles femmes dans la société maghrébine sur la base d’observations directes. On trouve dans M. Gaudry 12 des portraits de maraboutes des Aurès (Est algérien), mortes ou vivantes. Ces dernières appartiennent à des familles maraboutiques et ont succédé à leur père à la tête de la zâwiya familiale. Plus au sud, I. Eberhardt 13, une journaliste-voyageur du début du siècle, rencontre d’autres figures tout aussi originales. Lalla Zeyneb, maraboute de la prestigieuse zâwiya Rahmaniya d’el-Hamel de Bou-Saada, l’impressionne vivement. Femme à la personnalité forte, nous dit-elle, instruite en arabe comme le meilleur des taleb-s, grande ascète, Lalla Zeyneb demeurée célibataire, sans enfants, consacre sa vie à la confrérie. A Kenadsa, I. Eberhardt découvre des sanctuaires abritant des corps de femmes maraboutes, Lalla Aïcha et Lalla Keltoum, de la famille de Sidi Mohammed ben Bou Ziane, fondateur de Kenadsa et de la confrérie des Ziyaniya. Elle y entend parler d’une femme, Lalla Khaddouja, parente du marabout, laquelle, après une période de veuvage, épouse un de ses cousins en lui faisant promettre de l’emmener à la Mekke. Rendue dans la ville sainte, Lalla Khaddouja n’en reviendra jamais, réalisant ainsi un vœu secret, pense-t-on dans son entourage.

17 Qu’elles aient ou non la sympathie des auteurs qui les dépeignent, ces femmes apparaissent comme des marginales : célibataires, mariées sans enfants, prostituées, femmes habillées en hommes ou se faisant passer pour tels. En tout cas c’est ainsi qu’elles sont perçues dans la société. Leur statut de « maraboute » pas plus que l’exercice de fonctions religieuses n’entraînent leur égalité avec les hommes.

La confidence que fera Lalla Zineb à I. Eberhardt est révélatrice de l’ambivalence des attitudes des affiliés d’ordres religieux à l’égard de femmes maraboutes : « Ma fille... j’ai donné toute ma vie pour faire le bien dans le sentier de Dieu... Et les hommes ne reconnaissent pas le bien que je leur fais. Beaucoup me haïssent et m’envient. Et pourtant j’ai renoncé à tout : je ne me suis jamais mariée, je n’ai pas de famille, pas de joie... » 14. Leurs dons sont attribués à leur ascendance paternelle ou à une altération de leur état mental.

Pour les caractériser on pourrait reprendre la 15 pour décrire la position de « femmes sans hommes » dans la société algérienne en référence à la notion de « betwixt and between » de V. Turner 16. En effet, ces femmes ont un statut ambigu dans la mesure où elles oscillent entre les catégories du féminin et du masculin, de l’humain et du divin, de l’impur et du pur.

18 Les récits de pèlerinages

17 soulignent avec force la transgression, par les femmes, du principe de ségrégation sexuelle, avec des scènes de « débauche » (prostitution, rapports sexuels hors mariage, scènes de familiarité avec les hommes, déguisement...). Toutes ces situations sont décrites comme des moments extraordinaires, comme des parenthèses dans le cours normal de vies de femmes. Ainsi, même dans le mysticisme où les femmes étaient mieux tolérées que dans l’islam institué, le rapport au religieux des femmes est synonyme de transgression.

19 Les informations sur la vie religieuse féminine se font plus rares dans la littérature scientifique et romanesque contemporaines. La plupart des travaux présentent les visites aux tombes des saints, les réunions de femmes dans une zâwiya, les pèlerinages comme l’expression de la religiosité féminine par excellence 18. Certains soulignent même l’importance du rôle des femmes par rapport à celui des hommes dans la reproduction de ces phénomènes religieux 19. Toutefois leurs activités apparaissent autonomes, voire marginales. Dans les cas où une comparaison est établie entre rituels féminins et rituels masculins, comme le fait S. Ferchiou par exemple, la division du travail religieux est présentée de manière dichotomique, le travail des hommes étant qualifié de « religieux », celui des femmes de « curatif ». Les hommes auraient une attitude contemplative avec des objectifs d’ordre spirituel, cherchant à établir à travers leurs prières un contact avec Dieu, tandis que les femmes se montreraient plus actives, visant à obtenir un bénéfice immédiat au moyen de rituels de possession lesquels, par les chants, la musique et la danse, permettraient de se débarrasser des esprits ou de les apaiser. L’auteur qualifie les hommes d’ascètes et les femmes d’animistes.

20 3. Un rapport au religieux contesté

21 Dans les luttes que des réformateurs maghrébins ont menées contre le mysticisme à différentes périodes de l’histoire, les femmes sont des cibles privilégiées. Elles sont accusées de développer des pratiques illicites, d’encourager les hommes à la débauche dans les lieux de pèlerinage, de pervertir l’esprit de l’islam. Comment cette lutte se traduit-elle dans l’Algérie d’aujourd’hui ? C’est ce que je propose d’examiner en me basant sur un travail de terrain que j’ai mené entre 1982 et 1990 dans l’ouest algérien, dans la région de Tlemcen.

22 En octobre 1990, quelques mois après le succès du Front Islamique du Salut (FIS) aux élections municipales, la ville de Tlemcen qui aurait dû, selon la coutume locale, être le théâtre de nombreuses célébrations publiques et privées pour commémorer la naissance du Prophète (Mawled el-Nabawi ou Mouloud dans l’idiome local), n’est pas au rendez-vous. Pas de guirlandes, pas d’illuminations, pas d’annonce de festivités. Selon des rumeurs, qui demeurent infondées, la municipalité aurait interdit toute manifestation en dehors des veillées de prière dans les mosquées.

Les femmes se sentent particulièrement visées et sont persuadées qu’on veut les empêcher de se réunir dans les zâwiya-s, comme elles en avaient l’habitude, pour prier jusqu’à l’aube. Elles fournissent, comme preuve à l’appui, la fermeture depuis plusieurs jours du sanctuaire de Sidi Boumediène, grand savant mystique et patron de la ville, où elles se rendaient en procession au petit matin à l’heure présumée de la naissance du Prophète. Il est vrai que ce sanctuaire est resté fermé quelque temps à la suite d’une altercation entre des islamistes et le gardien des lieux. Que ce fait se soit produit aux alentours du Mouloud semble être l’effet du hasard. Mais peu nous importe de savoir s’il s’agit d’une coïncidence ou pas. C’est en tant que révélateur des représentations du rapport des femmes au religieux dans une société en plein bouleversement qu’il nous paraît intéressant.

23 Malheureusement, je n’ai pas pu effectuer une enquête exhaustive qui m’aurait permis de mettre en lumière les mobiles du conflit ayant opposé le gardien aux islamistes en question 20. Aussi, je m’appuierai sur les rumeurs qui circuleront dans la ville et ses environs, et, plus important, sur les débats que cet incident suscitera dans différents milieux, dans les assemblées féminines notamment.

24 Selon les uns, les islamistes auraient reproché au gardien d’encourager le culte des morts en autorisant des musulmans, dont un grand nombre de femmes, à prier au pied d’un cercueil. Selon d’autres, ils s’en seraient pris à lui parce qu’il faisait payer leur visite aux touristes étrangers relativement nombreux dans ce lieu qui constitue un patrimoine architectural de la ville.

25 Pour les femmes, il ne fait pas de doute que c’est leur pèlerinage la nuit du Mouloud qui est en cause. En effet, pour s’y rendre, elles doivent, pour la plupart, traverser la ville avant d’emprunter des ruelles étroites qui mènent au sanctuaire situé dans un ancien village suburbain resté périphérique et entouré d’une forêt considérée comme un repaire de bandits, de tueurs et de buveurs. Sortir en pleine nuit entre femmes, sans la présence d’hommes de la famille, pourrait être interprété comme une invitation à les accompagner faite à des hommes inconnus, avec lesquels elles sont soupçonnées de vouloir entretenir des relations. N’est-ce pas à l’aide de tels arguments qu’un censeur des mœurs du XVe siècle, Mohammed el-Uqbani 21, avait dénoncé les conduites peu recommandables des femmes tlemcéniennes, en insistant notamment sur le caractère ambigu de leurs réunions ? Ce réformateur des mœurs ne voyait qu’une seule finalité à toute forme de rassemblement féminin, que ce soit les visites aux cimetières ou les manifestations de deuil ou encore les activités de tissage : la recherche du contact des hommes et des divertissements illicites en leur compagnie.

La femme principe du mal, c’est ce que semble dire ce célèbre juriste. Lourd héritage pour nos tlemcéniennes qui, cinq siècles plus tard, entendent toujours les mêmes reproches. Pourtant, la mémoire locale - du moins la mémoire féminine - n’a pas conservé le souvenir de ce traité des mœurs. Mais c’est un point de vue masculin tellement ancré dans les esprits qu’il fait partie de leur réalité quotidienne.

Les femmes âgées évoquent plus facilement la lutte des réformistes contre le maraboutisme au milieu du siècle. Elles voient, au reste, dans les islamistes d’aujourd’hui les héritiers directs des réformistes de cette époque. En effet, les réformistes algériens des années 1930 se sont très vite attaqué aux particularismes religieux, pratiques ancrées dans les traditions familiales : le culte des saints bien sûr, et encore une fois les pratiques funéraires féminines.

Voici, sous la plume de J. Berque, un des meilleurs connaisseurs du Maghreb de cette période, la réaction des femmes algéroises à l’interdiction par le Sheykh réformiste T. el-Oqbi de leurs réunions dans les cimetières : « C’était déjà une pratique vicieuse combattue par les dévôts de l’Afrique romaine ! Bien longtemps après sainte Monique, le sayh el-’Oqbi la combat dans la personne gracieuse des Algéroises de 1930. Car cette pratique n’est pas seulement de piété, elle est aussi, à certains égards, de société et même de réjouissance. Elle allie intimement la vie et la mort. Les jeunes femmes avaient l’habitude, non tellement de se recueillir sur les tombes, que d’y papoter en croquant des pâtisseries. Celles-ci portaient, en souvenir d’un cadi misogyne d’Alger, un nom charmant. On les appelait des “oreilles de cadi” ; on croquait donc des “oreilles de cadi” ; et le sayh el-Oqbi venant à les interdire, malicieusement on nomma les pâtisseries “oreilles d’el-’Oqbi” » 22.

26 Ce qui semble d’abord en cause dans ces pratiques féminines, c’est les sorties entre femmes, dans des lieux déserts. Dans le cas des femmes qui comptaient se réunir dans le sanctuaire de Sidi Boumediène à l’issue de leur veillée, cette sortie est d’autant plus répréhensible aux yeux des censeurs qu’elle se déroule la nuit. Ce faisant, les femmes transgressent un des principes qui fondent encore l’ordre social, le principe de la ségrégation sexuelle de l’espace.

Dans l’Algérie indépendante, même si beaucoup de femmes ont accédé à l’instruction et même si certaines occupent de hautes fonctions, leur accès à l’espace public, autrement dit à l’espace masculin, en dehors des périodes d’activité professionnelle, demeure largement soumis au contrôle des hommes. La ségrégation sexuelle a pris une grande ampleur depuis l’entrée des islamistes dans l’arène politique. Loin d’avoir créé le phénomène, ceux-ci n’ont fait qu’entériner une situation préexistante en cherchant à la légitimer par l’invocation de la loi divine.

27 Le deuxième élément sur lequel s’appuient les islamistes pour justifier leur réprobation de ce type de réunion est le caractère « illicite » des pratiques auxquelles s’y livrent les femmes : « le dhikr et la transe ».

28 En islam, la transe religieuse se développe grâce au soufisme et trouve un écho favorable auprès de ses adeptes. C’est un moyen de communication privilégié avec le monde invisible. Le rite soufi qui produit la transe est le dhikr. Traduit par « souvenir du cœur », le dhikr est d’abord une forme de prière recommandée par le Coran, dont certains versets incitent le croyant à se remémorer Dieu le plus souvent possible. Les soufis en font une technique de lecture du Livre sacré, basée sur la répétition, un grand nombre de fois, de certains chapitres et versets, récitation qui se termine par l’invocation de Dieu et de ses noms. L’organisation du mouvement soufi en ordres religieux s’accompagne de la codification du rituel du dhikr. D’une simple méthode de prière, non exclusive des prières canoniques, le dhikr devient un système liturgico-technique visant l’obtention des plus hauts états mystiques.

29 Plusieurs formes de dhikr se développent au cours de l’histoire du soufisme. L’introduction du chant, de la musique instrumentale et de la danse, transforme le dhikr en concert spirituel qui finit par désigner l’ensemble de la cérémonie rituelle. Celle-ci comporte des exercices rythmiques, conjuguant techniques récitatives de formules liturgiques ou des noms divins, caractérisées par le contrôle respiratoire, le contrôle des postures et des gestes d’aspect spectaculaire, altérant l’équilibre physiologique et produisant des états de transe. Technique mentale de prière, de méditation et de concentration, le dhikr se double d’une technique d’expérimentation physique de la présence divine.

30 Théologiens et juristes, qui ont fini par admettre l’existence des saints sous la pression du consensus populaire, ont toujours protesté contre la pratique du dhikr et de la transe, surtout lorsqu’elle s’accompagne de manifestations physiques importantes : râles, pleurs, cris, évanouissements, danses..., comme c’est souvent le cas dans les assemblées féminines.

31 Les femmes réprimandées par les « barbus » - selon leurs propres termes -, la nuit du Mouloud, pour avoir récité le dhikr, défendent cette pratique avec forces arguments. Le dhikr est licite puisqu’il célèbre Dieu et proclame son unicité et sa transcendance. La profession de foi islamique, selon laquelle un croyant musulman atteste qu’il n’y a de divinité que Dieu et que Mohammed est son messager, est une des litanies les plus entendues dans les réunions féminines.

Le dhikr est considéré comme d’autant plus licite qu’il est transmis oralement, qu’il a comme support la mémoire. Bien que les textes sacrés constituent une référence fondamentale pour ces femmes illettrées pour la plupart, la parole est davantage valorisée. L’aptitude à retenir le dhikr serait plus précieuse que la maîtrise de l’écriture parce qu’elle est une faveur divine. La mémoire serait plus sûre que la plume des clercs en tant que véhicule de transmission des prières de louange divine.

32 La parole des femmes mystiques contre l’écriture des réformistes, notait C. Opitz23 dans son travail sur le mysticisme féminin chrétien entre le XIIIe et le XVIe siècle, citant l’exemple de saintes italiennes illettrées qui se revendiquaient comme des femmes de l’oral.

La primauté de la parole sur l’écriture serait-elle une caractéristique universelle du mysticisme féminin ? Oui, répondent d’autres spécialistes de la question, D. Régnier-Bohler 24 notamment. Se référant également au mysticisme féminin de l’époque médiévale, l’auteur souligne la spécificité du langage des femmes mystiques de l’époque qui s’affirme comme une parole totale, affective, inventée, face au langage de la raison tenu par les hommes, et qui intègre le corps comme support sensoriel, avec des cris et des pleurs.

L’expérience mystique est vécue par les femmes autant physiquement que spirituellement. Peut-être faudrait-il préciser, du moins pour ce qui concerne l’expérience des femmes avec lesquelles j’étais en contact, que la spiritualité s’exprime par des canaux sensoriels, d’où l’aspect violent que prennent quelquefois les danses de transe rituelle. D’ailleurs, cette expérience semble être de l’ordre de l’indicible, puisque je n’ai jamais réussi à faire mettre des mots sur ce qu’elles venaient de vivre. Au mieux étaient utilisés des termes traduisant des états physiologiques tels que la soif, la faim, l’ivresse, la désaltération, la satiété, pour décrire les sensations produites par ce qu’elles appellent l’amour et le désir de Dieu.

33 Comment s’étonner alors que des réformateurs, musulmans comme non-musulmans, aient cherché de tout temps à canaliser le mysticisme féminin qu’ils finissaient par considérer comme une déviance, tellement il débordait, à leurs yeux, des cadres habituels de l’expression de la piété ?

Les femmes musulmanes pratiquant le mysticisme sont craintes, même par leurs homologues masculins qui les accusent de bavarder (le caquet des femmes, autre stéréotype universel du mysticisme féminin) au lieu de réciter le dhikr, de se laisser posséder par des esprits maléfiques au lieu de se remplir d’amour divin par la transe rituelle.

Aussi, peut-on expliquer la répression dont les pratiques féminines du mysticisme maghrébin ont fait l’objet à travers l’histoire par la peur du désordre qu’éveillent leurs conduites chez les hommes. Cette peur traduit la persistance des représentations mythiques relatives à la nature maléfique des femmes.

Dans les sociétés musulmanes, l’image de la femme « impure », « immature », « à la foi douteuse » est très courante. D’où la marginalisation des femmes dans la sphère religieuse. Ce phénomène est une constante dans les religions monothéistes, soutiennent R. Hoch-Smith et A. Spring 25, s’appuyant sur les travaux relatifs à la place des femmes dans la vie religieuse de différentes sociétés à différentes époques.

L’instauration du monothéisme s’est accompagnée partout de la suppression des spécificités religieuses de manière à constituer des sociétés homogènes. Lorsque les réformistes algériens s’en prennent aux femmes en dénonçant le caractère illicite de leurs pratiques religieuses, c’est parce qu’elles constituent une entrave à la diffusion de leur idéologie fondée sur l’uniformisation et la rationalisation des modes de croire, de penser et d’agir.

Si la répression paraît plus sévère aujourd’hui, c’est parce que leurs auteurs, les islamistes, affichent leurs opinions de manière plus radicale que les réformistes des années trente qui étaient soucieux d’effectuer leur retour aux sources de l’islam en accord avec leur siècle. Et si, comme toujours, ce sont les femmes qui constituent la cible privilégiée de tels « inquisiteurs », c’est parce que leur statut juridique est toujours défavorisé par rapport à celui des hommes.

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Bibliographie > lire à la source : https://journals.openedition.org/clio/493

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    L’amour de la femme dans l’Islam - Document ‘rfan.ir/french’ : publication ‘journals.openedition.org’
    L’une des opinions à l’origine du mépris envers la femme

Elle a trait à l’austérité sexuelle et à la sanctification du célibat. Comme l’on sait, dans certaines religions les relations sexuelles sont impures par nature. Selon la croyance des adeptes de ces religions, ceux qui sont le plus à même de parvenir aux degrés spirituels sont ceux qui vivent en célibataires toute leur vie. Les chefs de ces religions autorisent uniquement le mariage afin de troquer la grande corruption contre la petite. Ils prétendent que la plupart des gens n’étant pas capables d’endurer le célibat, ils sont voués au libertinage et tombent dans la prostitution, entrant ainsi en contact avec de nombreuses femmes. Aussi, il est préférable qu’ils se marient afin de n’avoir de contact qu’avec une femme seulement. Le rejet du corps de la femme constitue la source de la quête de l’ascétisme et de la préférence pour le célibat. De là, l’amour de la femme est considéré comme une grande corruption morale.

L’islam combat durement ce préjugé. Il considère que le mariage est sacré et que le célibat est impur. L’islam dit : « L’amour de la femme est une composante de la morale des prophètes. » (Wasâ’il, Vol. 3, p. 3). Le noble Prophète (s) dit : « Je suis attaché à trois choses : le parfum, la femme, la prière. » Bertrand Russel dit : « On trouve dans toutes les religions une forme de rejet de l’amour physique, hormis dans l’islam. L’islam établit des limites et des prescriptions regardant cette forme d’amour, valant pour le bien commun, mais jamais ne le considère comme impur. » Du point de vue de l’islam, non seulement l’amour physique n’est pas incompatible avec la spiritualité, mais il fait même partie de la conformation des prophètes (as). Le noble Prophète (s) et les Imâms immaculés (as), selon les nombreux textes et hadiths qui nous sont parvenus, manifestent ouvertement leur amour et leur attachement envers la femme et, à l’inverse, ils blâment sévèrement ceux qui développent un goût pour le monachisme. 

L’un des compagnons du noble Envoyé (s), ‘Othmân ibn Maz ?ûn, emmène si loin son adoration qu’il jeûne tous les jours et veille toutes les nuits en prière jusqu’à l’aube. Son épouse en informe le noble Envoyé (s). Alors que la colère est visible sur son visage, il se rend auprès de ‘Othmân ibn Maz ?ûn et lui dit : « ô ‘Othmân, sache que Dieu ne m’a pas envoyé pour le monachisme. Ma loi est une loi aisée et naturelle. Personnellement, je prie, je jeûne et j’ai des relations sexuelles avec mon épouse. Celui qui veut suivre ma religion doit accepter ma Sunna. Le mariage et les rapports sexuels entre la femme et l’homme font partie de mes traditions. »

Khadîja (as) est de quinze ans plus âgée que le noble Prophète (s). (Après la mort de Khadîja (a),) à chaque fois qu’il mentionne son nom, le noble Prophète (s) évoque sa grandeur et parfois, des larmes coulent sur ses joues au point d’irriter ‘A’isha.

‘A’isha au contraire, et ce parce qu’elle est jeune, se prévaut de sa jeunesse. Une fois, elle va jusqu’à dire : « Une vieille femme n’a pas tant d’importance. Pourquoi lui en accordes-tu tant ? » Il lui dit : « Que dis-tu là ? Pour moi, Khadîja (as) était autre chose. » Lors de la nuit de noces de l’Imâm ‘Alî (as) et de son Excellence Zahrâ (as) conformément à la coutume – et il est probable que cela ait toujours cours dans certains villages – lorsque la jeune mariée et le gendre du Prophète (a) sont emmenés dans la chambre, les femmes se sont rassemblées derrière la porte.

Mais le Prophète (s) dit : « Personne n’a le droit de se rassembler là, éloignez-vous, partez toutes ! » Un peu plus tard, le Prophète (s) passe à proximité et voit qu’Asmâ’ bent (1) ‘Umays ne s’en est pas éloignée. Il lui dit : « N’ai-je point dit que personne ne reste ici ? Pourquoi n’es-tu pas partie ? » Elle lui répond : « ô Envoyé de Dieu (s), Khadîja (as) au moment de sa mort a transmis ses dernières volontés et m’a dit : ‘Asma’, je suis en train de mourir et je suis inquiète pour ma fille Fâtima (Son Excellence Zahrâ (as) est la plus jeune de ses filles). Je pense que sa nuit de noces arrivera, or cette nuit-là, la jeune mariée a besoin de sa mère, il y a des choses que l’on ne peut évoquer qu’avec sa mère, et moi je ne serai pas là. Je te charge de prendre soin de Zahrâ (as) lors de sa nuit de noces.’ » Asma’ dit (car c’est elle qui relate ce hadith) : « A peine ai-je prononcé le nom de Khadîja (as) que je vois couler les larmes bénies du noble Prophète (s). » Il me dit : « Alors, reste. » Il dit : « Je suis là au cas où Zahrâ (as) appelle quelqu’un, dans ce cas je me rapprocherais, il se peut qu’elle veuille quelque chose. » Il est le Prophète (s), mais il n’en demeure pas moins que son lien marital est à ce point solide.

L’une des épouses de l’Imâm Hosayn (as) se nomme Rabâb et elle est la seule à se trouver à Karbalâ. Elle est la mère de Sakîna. Son Excellence (as) manifeste un grand dévouement envers elle et on a même rapporté de lui ces vers-ci :

Par l’Ami, je jure combien j’aime la demeure dans laquelle se trouvent mon épouse Rabâb et ma fille Sakîna

Mon cœur désire dépenser pour elles mon bien et ma fortune afin que personne ne me nuise et ne me fasse obstacle.

(Fî rahâb A’imma ahl al-bayt (as), Vol. 3, p. 166).

Voyez les liens d’amour de ces élus de Dieu ! C’est ainsi qu’ils sont à l’égard de leurs épouses et ce à tel point qu’il est dit à leur sujet (et leurs épouses) : « Vous et vos épouses, entrez au paradis avec allégresse. » (Sourate Al-Zûkhrûf (L’ornement) ; 43 : 70). De la même manière, le comportement et les déclarations du noble Prophète (s) concernant son Excellence Zahrâ (as) corroborent l’importance accordée par l’islam à l’amour envers les femmes. En voici des exemples :

L’Envoyé de Dieu (s) dit : « Fâtima (as) fait partie de moi. Celui qui la met en colère me met en colère. » (Khasâ’is Nisâ’î, p. 35 ; Konz al-‘amâl, Vol. 6, p. 220). Il dit aussi : « Celui qui l’attriste, m’attriste, celui qui la tourmente… me tourmente. Celui qui la réjouit, me réjouit. » (Fadhâ’il al-khamsa, Vol. 3, pp. 5 à 15). Il dit ailleurs : « ô Fâtima (as) ! Dieu est en colère lorsque tu es en colère, comme Dieu est satisfait lorsque tu es satisfaite. » (Dhakhâ’ir al-‘uqba, p. 39 ; Mîzân al-i ?tidâl dhahabî, Vol. 2, p. 72).

Il dit à un autre moment : « Cet ange est venu me transmettre la nouvelle que Fâtima (as) est la maîtresse des femmes du paradis. » (Sahîh Tirmidhî, Vol. 2, p. 306). Il dit également : « ô Salmân, celui qui aime Fâtima (as) se trouve au paradis et celui qui est son ennemi se trouve en enfer. ô Salmân, le fait d’aimer Fâtima (as) est utile lors d’une centaine d’états dont les principaux sont : l’instant de la mort, la tombe, la pesée des actes, le lieu où l’on se rassemble pour attendre la résurrection, le pont du sirât (2) et le compte. Lorsque ma fille est satisfaite de quelqu’un, je suis satisfait de lui, et lorsque je suis satisfait de quelqu’un, Dieu est satisfait de lui, et lorsque Fâtima (as) est en colère contre quelqu’un, Dieu est en colère contre lui. » (Farâ’id al-simtayn, Vol. 2, p. 67).

Selon le glorieux Prophète (s), Zahrâ (as) jouit d’un statut élevé. Il n’est pas possible d’évaluer réellement ce que sont l’estime et l’honneur dont Fâtima (as) dispose auprès de l’Envoyé de Dieu (s). Ce que l’on peut dire de mieux est que les mots n’ont pas la capacité d’assumer une telle charge. Disons seulement : « Elle occupe l’espace le plus étendu du cœur de son père et jouit de la meilleure des situations au sein du monde que constitue l’existence même du noble Prophète (s). Lorsque le glorieux Prophète de l’islam (s) avait l’intention de partir en voyage, Fâtima (as) était la dernière à qui il faisait ses adieux, et lorsqu’il revenait, elle était la première à recevoir sa visite. » (Mustadrak al-Sahîhîn, Vol. 1, p. 498).

‘A’isha rapporte : « Lorsque Fâtima (as) entre à l’intérieur, son père se lève, l’embrasse et la fait asseoir à sa place. » Elle dit de même : « Un jour, le Prophète (s) embrassa la gorge de Fâtima (as). Je dis : ‘ô Envoyé de Dieu (s) ! Tu as accompli une chose que tu n’accomplissais pas auparavant !’ Son Excellence (s) répondit : ‘ô ‘A’isha, lorsque je me languis du paradis, j’embrasse la gorge de Fâtima (as)’ »

back to 1 Fille de.

back to 2 Nom du pont menant au paradis, mince comme le fil d’une épée, et enjambant l’enfer.

Références :

Akhlâq jensî dar eslâm va jahân-e gharb (La morale sexuelle en islam et en Occident), pp. 17-18 ; Fâtima Zahrâ (as) az velâdat tâ chahâdat (Fâtima Zahrâ (as), de la naissance à la mort), p. 227. Traduit par le Docteur Hosayn Farîdvanî ; Motaharî, Mortezâ, A^shenâ’î bâ Qur’ân (Connaissance du Coran), Vol. 5, pp. 30-33.

Publié par http://www. journals.openedition.org /french

Source : https://www.erfan.ir/french/57332.html

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    Hammam, nudité et ordre moral dans l’islam médiéval (II) - Mohammed Hocine Benkheira - The Hammam, Nudity and Moral Order in Medieval Islam (II) - p. 75-128 - https://doi.org/10.4000/rhr.5783 - Document ‘granolasoul.com’
    [Note du rédacteur et traducteur de ce dossier> Une très longue étude spécialisée avec les références qui sont intégrées à la suite. Le lecteur ou la lectrice, - pressés ou moins intésserés - peuvent se reporter directement à l’article suivant s’ils le souhaitent]

Résumés : Français English

Avec le hammam, les oulémas ont été confrontés au problème épineux de la nudité physique. Tout en en restreignant la fréquentation pour les femmes, qui ne doivent s’y rendre que pour un motif légitime (menstrues, accouchement, maladie), on veille à la stricte ségrégation des sexes : baigneurs et baigneuses doivent ceindre un pagne. Cette doctrine, fixée dès le iiie/ixe siècle, est martelée dans les siècles suivants par les juristes, toutes écoles confondues : c’est l’occasion pour eux de tenir un discours sur la sexualité des fidèles et de définir ce qu’est l’ordre moral conforme à la sharîca. Telles sont les conclusions de notre étude (en deux parties), fondée sur l’analyse de la littérature légale.

Plan

Les juristes et la police du regard

1. Le mâlikisme

2. Les shâficites

3. Les hanafites

4. Le hanbalisme

5. Un juriste almohade : Ibn al-Qattân (m. 628/1231)

6. Les traités de police urbaine (hisba)

7. La perte de l’honorabilité (cadâla)

Vers un code moral : pudeur, économie, piété

Conclusion : un lieu de dressage

Texte intégral

Les juristes et la police du regard

  • 1 Toute la partie qui suit est en étroite relation avec le débat sur la nudité. Pour des raisons comp (...)
  • 2 Kitâb al-mabsût, Beyrouth, 1986, X, 145 et sq. Il est tellement admiratif qu’il déclare qu’il aurai (...)
  • 3 Cette question a toujours préoccupé les hanbalites. Même s’il n’a composé aucun ouvrage précis sur (...)
  • 4 Saraẖsî, op. cit., 146.
    1 De manière générale, après le iiie/ixe siècle, peu de juristes jettent l’anathème sur celles et ceux qui aiment aller au hammâm1. Le projet d’interdire la fréquentation du hammâm, au moins pour les femmes, a échoué. Il y a à cela plusieurs raisons.

Premièrement, comme nous l’avons amplement souligné, la pratique du bain est bien enracinée dans le pourtour méditerranéen, y compris dans sa région moyen-orientale. On ne le répétera jamais assez, les musulmans ont trouvé déjà là le bain et la culture qui l’accompagne. Il est plus difficile de déraciner des habitudes que de les empêcher de s’implanter.

Deuxièmement, le bain remplit aussi bien des fonctions thérapeutiques que religieuses. On croit véritablement à son rôle médical ; et les médecins ne manquent pas de prescrire des bains en guise de cure.

Troisièmement, les hommes de religion sont demeurés divisés à son sujet. Tous n’ont pas été hostiles à son égard. On constate que le hammâm est devenu le prétexte à tenir un discours normatif sur la nudité des corps. Après le iiie/ixe siècle, on assiste à la transformation du débat et au développement d’une discussion casuistique compliquée sur ce que l’on peut montrer et en présence de qui.

Ainsi les anciennes questions sont abandonnées en grande partie. L’unanimité s’est faite sur la possibilité pour les femmes de fréquenter le hammâm, à condition qu’elles aient une raison valable, et l’obligation pour tous les baigneurs – femmes et hommes – de se couvrir. Si pour les hommes, il n’y a pas de discussion sur la partie du corps à cacher – il s’agit du bas-ventre, plus précisément, disent les casuistes, celle comprise entre le nombril et le genou –, pour les femmes, le consensus s’avère plutôt difficile à établir. La partie de son corps qu’elle peut découvrir dépend à la fois du statut de la femme et du statut de la personne en présence de laquelle elle se trouve. La différence des sexes n’est ni l’unique critère, ni le critère principal. On n’exige pas la même pudeur d’une femme de condition libre et d’une esclave. Ce qu’elle peut dévoiler en présence d’une parente au degré prohibé n’est pas identique à ce qu’elle peut montrer à une étrangère, voire à une personne non musulmane.

De nombreuses interrogations émaillent un débat qui sera nourri.

Dès le ive/xe siècle, il sera achevé du côté hanafite, grâce à Abû al-Hasan al-Karẖî (m. 340/952) qui a composé à ce sujet un traité intitulé Kitâb al-hazr wa-l-ibâha limâ fîhi min bayân mâ yahillu wa mâ yahrumu min al-mass wa-l-nazar. Saraẖsî en a résumé le contenu2. D’autres synthèses verront le jour plus tard, comme celle que l’on doit à Faẖr al-dîn al-Râzî (m. 606/1209), dans son commentaire coranique, sur le verset 24, 31, ou celle du traditionniste maghrébin, cAlî b. al-Qattân (m. 628/1231), qui vécut sous la dynastie des Muwahhidûn (Almohades), et qui fait preuve d’un plus grand rigorisme que ses prédécesseurs3. Mais c’est à al-Karẖî que l’on doit le modèle casuistique que ses successeurs vont tous emprunter : partir de la question du regard, en variant tantôt le sujet tantôt l’objet. Il en arrive à définir quatre situations : 1° le regard de l’homme porté sur un autre homme ; 2° le regard d’une femme porté sur une autre femme ; 3° le regard de la femme sur un homme ; et 4° le regard de l’homme en direction d’une femme 4.

2 La critique du hammâm est au départ le fait des milieux les plus rigoristes et les plus portés à l’ascétisme, comme les soufis mais aussi les ahl al-hadî, qui voient tous les plaisirs du corps comme ambigus. Abû Tâlib al-Makkî (m. 386/996), qui appartient en toute certitude aux premiers, n’est pas hostile aux seconds, dont il cite les principales autorités dans sa somme.

  • 5 Il s’agit de la transgression d’une règle posée par un hadith (voir 1re partie).
  • 6 L’alcool de dattes a donné lieu à un riche débat au cours du iie/viiie siècle.
  • 7 Qût al-qulûb, Beyrouth, 1995, I, 338.
    Parmi les innovations [blâmables], il y a la fréquentation du hammâm par les femmes sans raison valable et le fait également que les hommes s’y baignent sans pagne. Il s’agit d’un péché grave (fisq) 5. On a interrogé Ibrâhîm al-Harbî au sujet de savoir s’il était permis de faire la prière derrière celui qui boit de l’alcool de dattes sans s’enivrer 6. Il a répondu : « Oui ». Alors on l’a questionné au sujet de celui qui va au bain mais ne porte pas de pagne quand il est à l’intérieur. Il a répondu : « On ne doit pas faire la prière derrière lui. » Cela s’explique par le fait qu’il y a une divergence au sujet de l’alcool de dattes quand il n’engendre pas l’ivresse, alors que le bain sans pagne est défendu unanimement (bi-ijmâc). Un docteur disait : « Le baigneur a besoin de deux pagnes, un pour son visage et un autre pour son bas-ventre, car autrement il ne saurait trouver son salut en allant au hammâm ». Quant à Ibn cUmar il disait : « Le hammâm fait partie des choses agréables qui ont été inventées 7 ».

3 C’est cette critique qui va être reprise par les juristes sunnites, développée et adaptée à leur propre casuistique. C’est ce que nous allons voir maintenant.

1. Le mâlikisme

4 Sans prôner l’interdiction de fréquenter le hammâm, le mâlikisme se singularise par une position parmi les plus restrictives.

  • 8 Sahnûn, Al-mudawwana al-kubrâ, Le Caire, s.d., I, 90.
  • 9 Qayrawânî, Kitâb al-jâmic, éd. Abdelmagid Turki, Beyrouth, 1990, 236, n° 150.
  • 10 Qayrawânî, op. cit., 241, n° 159.
  • 11 Mohammed H. Benkheira, « ‘‘La maison de Satan’’. Le hammâm en débat dans l’islâm médiéval », Revue (...)
  • 12 illâ an yakûna macahâ fîhi ahadun(Qayrawânî, op. cit., 233). Cet accompagnateur ne peut être qu’une (...)
    5 Mâlik (m. 179/795) défend au sujet du hammâm un point de vue qui combine hostilité de principe et tolérance. Alors qu’il ne voyait pas d’objection à la prière dans le hammâm si l’endroit choisi était propre, ni d’ailleurs non plus dans les cimetières 8, il aurait tout de même déclaré : « Les bains publics ne sont pas des maisons (buyût) [que connaissaient] les premières générations » 9. On lui aurait demandé une fois : « Un homme peut-il entrer dans le hammâm vêtu d’un pagne alors qu’une partie des baigneurs n’en portent pas ? – Cela ne me plaît guère. » 10 On sait également que lui-même n’aurait jamais mis les pieds dans un tel lieu 11. Il était ainsi sur la ligne que l’on prête à Ibn cUmar, qui est présenté comme le parangon de l’École de Médine, à laquelle appartenait Mâlik. cAbd al-Malik b. Habîb (m. 238/852), un des grands disciples andalous de Mâlik, nous apprend qu’il désapprouvait la fréquentation du bain public par les femmes, parturientes ou malades, sauf si elles étaient accompagnées 12. Cette règle était déjà défendue par un autre grand mâlikite Ibn al-Qâsim (m. 191/806) :
  • 13 Qayrawânî, op. cit., 237, n° 154.
    On demanda [à Ibn al-Qâsim] : « Le pagne que l’on porte pour entrer dans l’étuve doit-il avoir des dimensions déterminées ? – Non. » Il ajouta : « Je réprouve la fréquentation du bain public par la femme, même malade, sauf si elle est accompagnée [par une parente ou une servante ?] » 13.

6 Cette règle ne sera cependant jamais entérinée, y compris parmi les mâlikites.

7 Ces derniers ont par contre contribué à la propagation d’une autre recommandation : il faut éviter le hammâm où les baigneurs ne portent pas de pagne. Selon la cUtbiyya, qui a pour auteur Muhammad al-cUtbî (m. 255/869), un autre Andalou, Asbagh (m. 255/839) a interrogé Ibn al-Qâsim au sujet de la fréquentation du hammâm :

  • 14 Qayrawânî, op. cit., 241, n° 159. Voir aussi Benkheira, op. cit., 431.
    « S’il est vide ou si tu y entres avec des gens qui se couvrent et font attention (yastatirûna wa yatahaffazûna), je n’y vois point de mal. Si tu t’y mêles avec ceux qui ne font pas attention (man lâ yubâlî), mon opinion est que tu ne dois pas le fréquenter même si toi tu prends des précautions (wa in kunta mutahaffizan fî nafsika) ». Asbagh a ajouté : « J’ai connu l’époque où Ibn Wahb (m. 197/812) fréquentait le hammâm avec le commun (câmma), pour ensuite s’en abstenir et n’y aller que quand il était vide »14.

8 Cette position sera défendue également, plusieurs siècles après, par Ibn Rushd (m. 520/1126). Le grand juriste des Murâbitûn (Almoravides) ira même plus loin : on n’est pas certain de ne pas porter le regard par inadvertance sur le corps nu d’autrui.

  • 15 Ibn Rushd, Al-bayân wa-l-tahsîl, Beyrouth, 1984, XVIII, 547.
    Il n’y a aucun mal dans la fréquentation du hammâm par l’homme, quand il est vide, ou si lui-même et ceux qui sont en sa compagnie arborent tous une tenue décente. Cependant s’en abstenir est préférable (tarkuhu ahsan). Quant à Mâlik, il disait à propos du bain de purification (ghusl) avec l’eau chaude du hammâm : « Par Dieu ! Si la fréquentation du hammâm n’est pas une manière juste d’agir (mâ duûl al-hammâm bi-sawâb), comment pourrait-il se laver avec cette eau ? » La raison de la réprobation (karâha) dont la fréquentation du hammâm est l’objet, et même si [le fidèle] se couvre et y est en compagnie d’hommes décemment vêtus, est la crainte qu’il ne porte le regard sur les parties honteuses (cawra) d’autrui sans le vouloir, dans la mesure où il est difficile à celui qui le fréquente avec le commun d’échapper à cela. Quant à y aller sans se couvrir ou avec des gens qui ne se couvrent pas, cela n’est pas licite et n’est pas permis, car couvrir son bas-ventre est une obligation. Celui qui agira ainsi perdra toute honorabilité (kâna jarhatan fîhi) 15.

9 Ibn Rushd n’est pas hostile à la fréquentation du hammâm, mais il prône le scrupule. Car même si tous les baigneurs arborent une tenue décente, rien ne garantit que l’un d’eux ne se découvrira pas involontairement et que le regard d’un autre ne se posera pas ainsi sur lui. Même quand les règles de la décence sont observées, le danger persiste.

10 On constate un infléchissement certain avec l’Égyptien Ibn Shâsh (m. 616/1242) :

  • 16 Ce propos est également rapporté par Ibn al-Hâjj. On pose l’alternative suivante à Mâlik : « Que pr (...)
  • 17 cIqd al-jawâhir al-amîna, éd. Lahmar, Beyrouth, 2003, III, 1292.
    La fréquentation du hammâm par les hommes est permise s’il est vide.

Quant à sa fréquentation en compagnie d’hommes couverts, Ibn al-Qâsim a déclaré : « Il n’y a pas de mal dans cela, mais l’éviter est préférable ». Il a également dit : « On a questionné [Mâlik] au sujet du bain rituel (ghusl) avec l’eau du hammâm ; il a répondu : Par Dieu ! la fréquentation du hammâm n’est pas une bonne chose, comment peut-il être question de se laver avec son eau ! »16. Le caractère répréhensible de sa fréquentation tient ici au fait qu’il n’est pas certain que l’un des baigneurs ne découvre son bas-ventre. Mais il n’y a pas de divergence au sujet de la défense de le fréquenter en compagnie d’individus qui n’observent pas les règles de la décence (wa lâ ilâf fî tahrîm duûlihi maca man lâ yastatir). Le cadi Abû Bakr [b. al-cArabî] (m. 543/1148) a écrit : « Si les baigneurs ne se couvrent pas, Mâlik a dit : Le témoignage de celui qui fréquente ce hammâm sera rejeté ». [Ibn Shâsh cite ensuite les dix règles qui constituent le fameux « code » de bonne conduite du baigneur : voir plus loin]. Cependant si le croyant ne peut pas observer la totalité de ces règles, qu’il se rende tout de même au hammâm et qu’il fasse l’effort de baisser le regard. Si étant à l’intérieur et que vient l’heure de la prière, il devra se couvrir et l’accomplir dans un endroit pur17.

11 À l’époque d’Ibn Shâsh, c’est-à-dire au viie/xiiie siècle, on devient moins exigeant avec les hommes. Avant, on leur déconseillait de fréquenter le bain si les clients n’y portaient pas de pagne ; après, on leur recommande de s’y rendre mais de s’efforcer de garder le regard baissé. On va le voir, Ibn cAbd al-Salâm (m. 797/1395), un autre juriste égyptien défendait une position similaire.

  • 18 Vincent Lagardère, Histoire et société en Occident musulman, Madrid, 1995, 114, n° 4/o.
    12 Au iiie/ixe siècle, dans le Maghreb oriental (Ifrîqiya), on s’inquiète au sujet des femmes qui, sans être malades ni relever des couches, fréquentent le hammâm. Certains juristes estiment que le patron du bain doit être mis en garde la première fois et, en cas de récidive de sa part, il devra être puni à la discrétion des autorités. Quant au hammâm qui avait une mauvaise réputation, on devait en interdire l’accès aux femmes, excepté les malades et les parturientes, et exiger des baigneurs de porter un pagne 18.
  • 19 Lagardère, op. cit., 426, n° 1.
  • 20 Tûsî, Tahîb al-ahkâm., 1981, I, 374, n° 1146.
    13 Une femme peut-elle se dévoiler en présence d’une autre femme ?

Interrogé un jour par l’Émir de l’Ifrîqiyya (le Maghreb oriental comprenant la Tunisie actuelle et l’Est algérien), qui voulait savoir s’il lui était permis de se baigner, tout nu, en compagnie de ses concubines (jawârî), elles aussi totalement dévêtues, Asad b. al-Furât (m. 213/828) déclara que cela était licite. Tel n’était pas l’avis d’un autre juriste Abû al-Qâsim Ibn Muhriz (m. 450/1058). Selon ce dernier, s’il est permis à l’Émir de voir nues ses esclaves et à chacune d’elles de le voir nu, il ne leur est pas permis à elles de contempler leur propre nudité 19. Asad semblait défendre un point de vue moins strict : une femme pouvait porter le regard sur le corps nu d’une autre femme. Le Ve imâm chiite, Muhammad al-Bâqir (m. 119/737), a lui aussi été interrogé au sujet d’un cas similaire. On lui a rapporté qu’un homme allait au hammâm avec ses esclaves-concubines. « Il n’y a pas de mal, aurait-il répliqué, si lui comme elles portent des pagnes et ne sont pas nus comme des ânes qui observent leurs organes les uns les autres » 20.

  • 21 Al-tafrîc, éd. Dahmânî, Beyrouth, 1987, II, 355-6.
    14 Au ive/ixe siècle, Ibn al-Jallâb (m. 378/988), mâlikite irakien, explique que ni l’homme ni la femme ne doivent circuler nus dans le bain ; quant aux femmes, elles ne doivent s’y rendre que pour une raison déterminée 21. Le cadi cAbd al-Wahhâb (m. 422/1032), le dernier grand représentant de l’École mâlikite en Irak, nous apprend que certains de ses condisciples admettaient que les femmes puissent fréquenter sans restriction le hammâm :
  • 22 cAbd al-Wahhâb ne donne pas l’isnâd de ce hadîth, dont le matn ne correspond à aucun hadîth enregis (...)
  • 23 Al-macûna, Beyrouth, s.d., III, 1724, n° 57.
    « La fréquentation (duûl) du hammâm est permise aux hommes qui portent un pagne (mi’zâr), mais non aux femmes sauf pour une raison valable (illâ min cilla), comme un mal qu’on ne peut soigner que par le hammâm, ou comme la nécessité de se laver après la période des menstrues ou un accouchement et parce qu’il fait trop froid [pour se laver à domicile] ou parce qu’on ne peut réchauffer l’eau [à domicile]. Nous avons distingué les hommes des femmes en raison du hadîth suivant : “Le hammâm est la maison où on ne peut cacher sa nudité. Il n’est pas licite à un homme qui croit en Dieu et au Jour Dernier de s’y rendre s’il ne porte pas un pagne, et à une femme qui croit en Dieu et au Jour Dernier d’y aller sans bonne raison (cilla)” 22. Un mâlikite tardif a soutenu que cette défense [faite aux femmes] date d’une époque où il [n’y avait pas de bain public] qui leur était réservé ; quant à aujourd’hui, cela n’est plus le cas et il doit leur être permis [de fréquenter le hammâm] » 23.

15 Pourtant ni lui, ni la majeure partie des mâlikites ne sont sur cette position.

16 Un des grands enjeux du débat est : la nudité d’une femme pour une autre femme est-elle analogue à la nudité d’un homme pour un autre homme ? Certains juristes répondaient négativement à cette question. Ibn Rushd (m. 520/1126) va à l’encontre de cette opinion :

  • 24 Tradition compilée par Ibn Hanbal, Muslim, Tirmiḏî et Ibn Mâja.
  • 25 Tradition compilée par Abû Dâwûd et Ibn Hanbal.
  • 26 Ibn Rushd, op. cit., 547.
    Dans ce domaine les femmes ont le même statut que les hommes ; c’est la conclusion qu’impose la raison (nazar). Il est permis à la femme de voir chez une autre femme ce qu’il est permis à un homme de voir chez un autre homme sur la base de ce que l’on rapporte au sujet du Prophète sous l’autorité d’Abû Sacîd al-Hudhrî (« Un homme ne doit pas regarder les parties honteuses d’un autre homme de même qu’une femme ne doit pas regarder celles d’une autre femme… ») 24, et sous l’autorité d’Abû Hurayra (« Un homme ne doit pas toucher de la main un autre homme et une femme ne doit pas toucher de la main une autre femme ») 25. De ces deux traditions, Ibn Rushd déduit que ce qu’il est permis à une femme de regarder chez une autre femme est comparable à ce qu’il est permis à un homme de regarder chez un autre homme 26.

17 Ibn Rushd invoque plusieurs arguments en sa faveur, notamment celui de la toilette mortuaire d’une femme accomplie par d’autres femmes.

  • 27 Risâla, éd. et trad. de Léon Bercher, Alger, 1979, 306 et 307.
  • 28 Ibn Rushd, op. cit., 548.
  • 29 Cf. Âbâdî/Abû Dawud, cal-ma cbûd sharh Sunan Abî Dâwûd, Beyrouth, 1997, XI, 32, n° 4003.
  • 30 Musannaf, Beyrouth, 1983, I, 295-6, n° 1135 (voir Première Partie).
  • 31 fa-qîla lâ yajûzu li-l-mar’a an tanzur min al-rajul mâ yajûzu li-l-rajul an yanzur ilayhi [min al-r (...)
  • 32 Ibn Rushd, op. cit., 449-50.
    Les oulémas sont unanimes pour considérer que des femmes peuvent faire la toilette d’une autre femme comme des hommes peuvent aussi le faire pour un autre homme. On ne connaît pas à ce sujet de désaccord comme il s’en est manifesté au sujet de la toilette mortuaire de parents mâles au degré prohibé accomplie par des femmes ou de parentes au degré prohibé accomplie par des hommes. Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî (m. 386/996) a soutenu dans la Risâla qu’une femme ne pouvait aller au hammâm que si elle était malade (cilla) 27. Dans son commentaire (sharh) de la Risâla, cAbd al-Wahhâb a expliqué qu’il s’appuyait sur une tradition selon laquelle le hammâm était interdit aux femmes. « Sa fréquentation leur était défendue sauf pour une raison valable ; les femmes ne sont pas semblables aux hommes car la totalité du corps féminin est [assimilée aux] parties honteuses. Il n’est pas permis aux femmes de découvrir celles-ci devant des hommes comme devant des femmes. Or les femmes sont nombreuses à fréquenter le hammâm, une seule ne peut le réserver pour elle toute seule habituellement. On tient donc cela pour réprouvable sauf s’il y a une excuse ». Ce point de vue demande réflexion. Quant à l’interdiction pour les femmes de fréquenter le hammâm, Ibn Rushd déclare ne pas connaître de texte attribué au Prophète. S’il s’agit de l’opinion d’un docteur, il s’agit de désigner l’habitude qu’elles ont d’être nues (ghayr mustatirât).

Quant à ce qu’il a soutenu à savoir que le corps de la femme est [assimilé aux] parties honteuses, qu’il n’est pas permis à un homme ou à une femme de regarder, cela n’est pas exact ; il est tel pour les hommes, non pour les femmes. La preuve en est ce que nous avons rapporté au sujet du Prophète. Il y a également ce qui a été rapporté au sujet de cUmar b. al-Hattâb qui a envoyé une missive à cUbayda b. al-Jarrâh : « On m’a appris que, chez toi, des musulmanes vont au hammâm en même temps que les femmes des païens (mushrikûn). Défends-le leur avec la plus extrême fermeté. Il n’est pas licite à une femme qui croit en Dieu et au Jour Dernier que ses parties honteuses soient vues par des gens qui ne sont pas de sa religion ». Une troisième preuve est ce que nous avons dit au sujet de la possibilité pour des femmes de faire la toilette mortuaire d’une autre femme comme les hommes peuvent faire la toilette mortuaire d’un autre homme. L’opinion d’Ibn Abî Zayd qui estime que la femme ne peut aller au hammâm que si elle est souffrante se réfère au propos du Prophète : « Vous allez conquérir une terre étrangère, où vous trouverez des maisons qu’on appelle hammâm. Les hommes ne devront y entrer que revêtus d’un pagne, mais défendez aux femmes de le fréquenter sauf à celle qui est malade ou à la parturiente » 28.

Il a été ordonné d’empêcher les femmes de le fréquenter hormis la malade ou la partu-riente parce qu’une permission (ibâha) sans réserve pourrait les conduire à n’y point porter de pagne et non parce qu’elles commettraient une faute (im) en le fréquentant avec un pagne. C’est pour cela que sa fréquentation est pour elles réprouvable et non interdite. C’est dans ce sens qu’Ibn Rushd interprète le hadith de cA’isha : « L’Apôtre de Dieu a défendu la fréquentation des hammâms, puis a accordé une dispense (raẖẖasa) aux hommes à condition de porter un pagne ». Si la dispense ne concerne pas les femmes, c’est pour éviter qu’elles n’y entrent dévêtues. Il commente également le hadith au sujet des femmes de Syrie qui rendent visite à la même cÂ’isha 29.

Quand une femme ôte ses vêtements hors de chez elle, elle n’est pas certaine qu’aucun homme ne l’observe alors qu’elle est nue tête ou le corps découvert si elle s’est déshabillée. Si elle est sûre à ce sujet ou si elle est en compagnie de femmes dans le hammâm, des docteurs qui ont examiné ce hadith ont déclaré que cette interdiction date de l’époque où il n’y avait pas de hammâm propre aux femmes. Or aujourd’hui, ce n’est plus le cas, on doit considérer que cela leur est permis. Ibn Rushd tire également argument du hadith de Umm Kulṯûm, qui n’est rapporté que par cAbd al-Razzâq 30, dans lequel on voit cÂ’isha aller au hammâm et s’y faire épiler à cause d’une éruption de boutons. Il en conclut qu’elle désapprouvait la fréquentation du hammâm par les femmes chastes, mais ne l’interdisait pas ; elle ne leur accordait une dispense qu’en cas de maladie. Si cela avait été interdit pour elles, on ne leur aurait point permis de s’y rendre quand elles sont malades. En cas de maladie, aller au hammâm est permis aux femmes, mais quand elles sont en bonne santé cela est blâmable même si elles portent un pagne, car le corps de la femme est [assimilé aux] parties honteuses pour l’homme non pour la femme (li-anna badan al-mar’a huwa cawra calâ al-rajul lâ calâ al-mar’a). Il y a désaccord au sujet du corps de l’homme : est-il comme les parties honteuses pour la femme ? On a soutenu qu’il n’était pas permis à la femme de regarder chez l’homme ce qu’il est permis à un homme de regarder chez un homme 31, mais la vérité (sahîh) est tout le contraire – il est permis à une femme de regarder chez un homme ce qu’il est permis à un homme de regarder chez sa parente au degré prohibé 32.

18 Tout en admettant que pour une femme, montrer son corps nu à une autre femme n’est pas identique à montrer son corps nu à un homme, position soutenue par certains juristes, Ibn Rushd n’admet la fréquentation du hammâm par les femmes que pour des raisons médicales.

19 Ibn Shâsh (m. 616/1242), qui est conciliant avec les hommes, l’est moins avec les femmes comme on peut le constater :

Quant aux femmes il n’est pas question qu’elles y aillent, car la totalité du corps féminin est nudité (cawra), pour l’homme comme pour la femme. Ne vois-tu pas que le Prophète a dit : La meilleure prière pour la femme est celle qui a lieu dans sa chambre à coucher (mida’ihâ), en raison de la décence que cela suppose.

  • 33 Ibn al-Hâjj, op. cit., 356.
  • 34 cAbd al-Wahhâb, op. cit., 1724.
  • 35 Ibn Rushd, Al-muqaddimât al-mumahhidât, éd. Hâjjî, Beyrouth, 1988, III, 437.
  • 36 Ibn Shâsh, op. cit., 1293. On peut constater avec intérêt qu’il cite abondamment Ibn Rushd.
    Durant le pèlerinage, il n’est permis à la femme de dévoiler que son visage et ses mains. Qu’elle aille au hammâm avec son époux, si elle en éprouve le besoin ! Le shaykh Abû al-Qâsim [b. Jallâb] (m. 378/988) a écrit : « La femme ne doit fréquenter le hammâm qu’en cas de besoin » 33. Quant au cadi Abû Muhammad [cAbd al-Wahhâb], il a écrit : « Il y a divergence au sujet de sa fréquentation par les femmes. Certains ont soutenu qu’on devait la leur défendre, sauf en cas de maladie, ou pour la purification rituelle suite à la menstruation ou au retour de couches, ou bien à cause de la rigueur du froid » 34.

On a également soutenu qu’on le leur défendait tant qu’il n’y avait pas de bain public qu’elles pouvaient fréquenter. Aujourd’hui qu’il existe des bains pour femmes, on ne peut le leur interdire. En revanche quand elles s’y rendent, elles devront couvrir la totalité de leur corps. Le shaykh Abû al-Walîd [b. Rushd] a dit : « La règle au sujet de la fréquentation du hammâm par les femmes est la désapprobation non l’interdiction ». Il a ajouté ensuite : « En présence de femmes, la femme n’est tenue de cacher que ce qu’un homme est tenu de cacher en présence d’autres hommes » 35. Son opinion était que le rapport des femmes aux femmes est analogue au rapport des hommes aux hommes ; il y voit la preuve dans le fait qu’il est permis à une femme de procéder à la toilette funéraire d’une autre femme 36.

  • 37 Il rapporte qu’Abû Muhammad al-Murjânî n’acceptait de se rendre à une invitation chez quelqu’un qu’ (...)
  • 38 Ibn al-Hâjj, op. cit., 351-2.
    20 Ibn al-Hâjj (m. 737/1336) est le mâlikite le plus hostile à la fréquentation du hammâm par les femmes. Dans un célèbre ouvrage, où il dresse un réquisitoire de tous les comportements en contradiction avec la loi divine, il consacre quelques pages au hammâm. Pour commencer, il reproche aux hommes de ne pas se préoccuper de la pratique religieuse de leurs épouses, notamment de la régularité de l’observance par elles de la prière rituelle. L’époux, selon lui, est responsable de la prière de sa femme. De nos jours, poursuit-il, l’homme se soucie de sa pratique à lui : par exemple, s’il a des rapports sexuels avec son épouse, il se rend immédiatement après au hammâm pour la purification rituelle, et abandonne sa femme en état d’impureté majeure, car il n’existe pas dans le domicile conjugal d’endroit approprié pour se purifier. Ainsi nombreuses sont les femmes qui sont trop pudiques pour aller au bain à tout instant, car cela reviendrait à dévoiler leur vie sexuelle. Pour cette raison, elles cessent souvent d’effectuer la prière.

Or l’époux se croit à tort non responsable de cette situation. Il existe parfois à domicile un endroit où l’épouse pourrait se baigner et se purifier, mais trop pudique, elle n’ose pas y recourir en raison des allers et venues des membres de la maisonnée. Ibn al-Hâjj juge cette pudeur excessive, voire indue, car, dit-il, « il n’y a pas de place pour la pudeur quand la religion est en cause » (lâ hayâ’ fî al-dîn). Il décrit ainsi le sentiment de la pudeur : l’épouse a honte de se laver en présence de membres de la maisonnée non pas parce qu’ils peuvent l’observer, mais parce qu’ils peuvent se la représenter dans cette situation. La pudeur n’est qu’une forme du sentiment de culpabilité, qui est attaché au geste de se dénuder en postulant un regard imaginaire. Ce qui surprend notre juriste, c’est que les hommes sont capables de faire bâtir ou d’acheter des maisons à prix d’or, ou de donner des sommes considérables pour obtenir la main d’une femme, en revanche, ils ne sont pas en mesure de songer à aménager un endroit pour les ablutions, sans compter le bain rituel (ghusl). Ils songent seulement, dit-il, à leur confort matériel. Ils oublient les choses de la religion jusqu’au jour où, étant en état d’impureté majeure, ils doivent se rendre au hammâm 37. Selon Ibn al-Hâjj, les premiers musulmans qui habitaient le Hijâz, ne connaissaient pas les bains publics et se lavaient chez eux 38.

  • 39 Ibn al-Hâjj, op. cit., 352-3.
    21 Pourtant un croyant ne doit pas donner à son épouse la permission de fréquenter le hammâm « en ces temps », c’est-à-dire sous les Mamelouks, en raison, dit-il, de la décadence religieuse et des habitudes détestables qui y règnent. Les docteurs de la Loi sont en désaccord au sujet de savoir si la relation d’une femme à une autre femme a le statut de la relation d’un homme à un autre homme, ou bien celui de la relation d’un homme à une étrangère, ou encore celui de la relation d’un homme à une parente au degré prohibé. « Or les femmes [de nos jours] ont tourné le dos à tout cela et piétiné le consensus de la Communauté en fréquentant les bains publics toutes nues ».

Par ailleurs, rappelle-t-il, ni la juive ni la chrétienne ne doivent voir le corps nu d’une musulmane de condition libre : « or, musulmanes, chrétiennes et juives se rassemblent dans les bains publics et se dénudent les unes en présence des autres, comment se peut-il [dans ces conditions] qu’un homme autorise son épouse à fréquenter le hammâm ? » Il ne sert à rien, estime-t-il, de louer une pièce séparée (alwa), afin que l’épouse puisse s’isoler, car sortie de ce lieu, elle se mélangera aux autres femmes, qui sont elles souvent dévêtues. Aussi, l’idéal serait que cette pièce soit réellement séparée du hammâm de telle sorte qu’on ne puisse y accéder que de l’extérieur ; cependant cette solution ne serait satisfaisante que si l’époux obligeait en même temps la servante du hammâm (balâna) à ne circuler que décemment vêtue. Ibn al-Hâjj envisage une autre solution, déjà évoquée par ses prédécesseurs : l’époux pourrait louer le hammâm entier, par exemple de nuit, pour le profit de son épouse. Mais la solution pour laquelle il penche indéniablement est le bain pris à domicile, il est la garantie d’une décence plus sûre39.

  • 40 Ibn al-Hâjj, op. cit., 353.
    22 Il y a une autre raison à l’hostilité d’Ibn al-Hâjj à la fréquentation du hammâm par les femmes. Quand elles s’y rendent, elles ne manquent pas d’emporter avec elles leurs plus beaux habits et leurs bijoux les plus précieux. Après le bain, elles les arborent avec arrogance afin que les autres femmes les voient, rivalisant ainsi d’élégance et de richesse. Il est rare qu’une femme qui assiste à un tel spectacle, de retour chez elle, ne demande pas à son époux de lui offrir les mêmes atours somptueux ; or ce dernier ne dispose pas des moyens financiers nécessaires ; c’est ainsi que naissent les problèmes. Une telle situation peut conduire à la séparation des deux époux ou à un conflit permanent entre eux. Ce comportement est contraire à la finalité de la loi divine, qui cherche à établir la sociabilité et l’amour entre les époux40.
  • 41 À plusieurs reprises, Ibn al-Hâjj rappelle que c’est à l’époux ou à celui qui veille sur les intérê (...)
  • 42 Ibn al-Hâjj, op. cit., 353-4. Cette position était déjà défendue par Mâlik (Sahnûn, op. cit., I, 31 (...)
    23 Ibn al-Hâjj imagine les objections qu’un homme pourrait lui faire. Première objection : il est difficile de procéder au ghusl à domicile. Réponse : cela ne serait pas le cas s’il avait fait aménager un cabinet (alwa) à cette fin. Seconde objection : le ghusl à domicile n’est pas semblable à celui qui a lieu dans le hammâm, notamment en hiver. Réponse : durant la saison froide, la femme peut s’abstenir de se laver avec de l’eau parfumée au lotus (sidr) ou avec un autre aromate, puisque quand il fait froid on se salit moins car il y a beaucoup moins de poussière. Il suffit dans ce cas que la femme procède au rite de purification après la période menstruelle et après des rapports sexuels, à condition que son époux lui enseigne comment on peut le faire rapidement 41.

Quand elle se lave à la maison, elle ne doit pas se découvrir la tête avant de commencer à la laver ; une fois que cela est fait, elle doit sécher ses cheveux, se couvrir de nouveau la tête et ensuite seulement se laver le reste du corps. Ne pas respecter l’ordre de succession des parties du corps n’est pas une faute, car cet ordre n’est pas impératif. Du reste, rappelle Ibn al-Hâjj, si un croyant – homme ou femme – souffre de la tête et si s’abstenir du contact avec l’eau est pour sa santé préférable, alors il devra se limiter à passer la main sur les cheveux. Il donne ensuite l’exemple de la femme qui part en voyage en compagnie de son époux. Ils devront s’abstenir d’avoir des relations sexuelles s’ils n’ont pas suffisamment d’eau pour procéder au rituel de purification 42. Cela ne revient-il pas à donner la priorité aux devoirs religieux sur les devoirs conjugaux ?

  • 43 Ibn al-Hâjj, op. cit., 355.
    24 Ibn al-Hâjj imagine une dernière objection de l’époux : la plupart des gens n’ont pas de moyens, ils ne sont que des locataires et ne peuvent donc faire aménager un endroit isolé pour la purification rituelle et le bain. Réponse : La plupart des demeures disposent d’un débarras (izâna) ou d’une remise. On peut s’en servir pour le bain si on y met une vasque ou une baignoire. Le fond de l’affaire est que celui qui est soucieux d’observer les prescriptions religieuses doit imaginer les astuces pour y parvenir 43.
  • 44 Ibn al-Hâjj, op. cit., 355-6.
    25 L’homme doit enseigner à son épouse les règles à observer durant la purification rituelle du corps.

Ibn al-Hâjj envisage le cas d’une femme tellement obèse qu’elle ne peut atteindre la partie souillée de son corps. Fera-t-elle appel à une domestique, voire une esclave ? Non, car elle ne doit découvrir sa nudité qu’en présence de son époux. Si ce dernier se dévoue pour la laver, il accomplira une bonne action et en sera récompensé, mais il n’y est pas tenu. Dans le cas contraire, elle sera obligée d’effectuer sa prière tout en étant impure. Cacher la nudité apparaît ainsi comme plus important que de se purifier pour la prière rituelle, car se découvrir est défendu à l’unanimité et se purifier a donné lieu à des divergences. La solution casuistique n’est pas la même s’il s’agit d’un homme obèse. Sa femme peut pallier son incapacité si elle le veut, autrement, s’il en a les moyens, il peut acheter une esclave à cette fin. Mais lui aussi peut effectuer la prière en état d’impureté, car c’est moins grave que de se dénuder en présence d’autrui 44.

  • 45 En vérité, il y a autant de « morales » que de statuts (hommes/femmes, liberté/esclavage, musulmans (...)
  • 46 Ibn al-Hâjj, op. cit., 356-7.
  • 47 Ibn al-Hâjj, op. cit., 357.
    26 Même si Ibn al-Hâjj n’est pas choqué par cette « double morale », une pour les hommes, l’autre pour les femmes 45, il déclare : « Que l’homme lui aussi prenne gare à la fréquentation du hammâm, chaque fois qu’il pourra s’en abstenir, ce sera préférable, qu’il ait ou non un motif… Ne vois-tu pas que l’homme qui va au hammâm s’y couvre à l’aide d’un pagne (fûta), mais dès qu’il s’y installe, il s’en débarrasse et demeure nu ? Il en est de même quand il est dans le vestiaire (masla) : il enlève tout et reste nu afin de se sécher. Or nos docteurs ont soutenu qu’il n’est pas permis que soient rassemblés dans le même lieu celui qui est décemment vêtu et celui qui est dénudé » 46.

Si Mâlik a tenu la fréquentation du hammâm pour répréhensible, indique-t-il reprenant un propos de Ibn Rushd, c’est entre autres raisons, que le baigneur pouvait s’y découvrir et qu’un autre pouvait ainsi voir sa nudité, ou à l’inverse qu’il pouvait poser les yeux par mégarde sur celle d’autrui. Nul parmi ceux qui fréquentent le hammâm ne peut échapper à ce danger étant donné le peu de précautions qu’ils prennent. Cela, c’est dans le cas d’un homme décemment vêtu, qui fréquente le hammâm en compagnie de baigneurs eux aussi décemment vêtus. Quant à y évoluer nu ou en compagnie de baigneurs nus, cela n’est pas permis 47.

  • 48 Ibn al-Hâjj, op. cit., 353.
  • 49 Ibn al-Hâjj, op. cit., 357.
    27 S’il est vrai qu’Ibn Rushd réprouvait la fréquentation du hammâm en tenue indécente, pour l’homme comme pour la femme, il ne voyait pas d’objection sérieuse, si la pudeur était sauve, à reconnaître aux femmes le droit de s’y rendre quand elles avaient une justification. Ibn al-Hâjj essaie de ramener son illustre prédécesseur vers sa propre position. Le jugement qu’il porte sur ses contemporains est sévère : « C’est l’état de nos contemporains la plupart du temps. Un tel, vêtu décemment à l’intérieur du bain, est en compagnie d’un autre qui ne l’est pas. C’est ce que nous voyons et qui est connu de tous ». Il reproche même aux baigneuses de refuser les règles de la pudeur : « Si l’une d’entre elles cache la partie comprise entre le nombril et le genou, les autres l’en blâment… jusqu’à ce qu’elle se découvre » 48. Elles sont toutes nues dans les bains, déclare-t-il, aucune n’arbore une tenue décente. La moralité ne règne pas toujours dans les bains fréquentés par les hommes : c’est pour cela qu’il est du devoir du croyant responsable de les éviter autant que possible 49.

28 L’Algérien al-cUqbânî (m. 871/1467), qui constate lui aussi que beaucoup de femmes se moquent de la décence dans le hammâm, n’est favorable à sa fréquentation par les femmes honorables que s’il a été au préalable vidé de sa clientèle douteuse.

  • 50 La discussion sur le fait de savoir si l’époux est tenu ou non d’assumer les frais occasionnés par (...)
  • 51 cUqbânî, Tuhfat al-nâzir wa ghunyat al-âkir fî hifz al-shâca’ir wa taghyîr al-manâkir, p. 268, pub (...)
    Quant à la fréquentation du hammâm par les femmes cela est permis en principe, car il s’agit d’un des bienfaits du corps physique ; cependant on ne peut exiger de l’époux qu’il assume le coût de cette fréquentation car elle ne relève pas de la nécessité, comme la nourriture, le vêtement et le logis ; mais si sa fréquentation s’impose, il est tenu de subvenir aux dépenses de son épouse 50.

Ibn al-Hâjj a soutenu dans ses Nawâzil qu’on ne peut l’obliger à assumer les dépenses occasionnées par le bain qu’en cas de maladie ou de retour de couches. Ibn Abî Zayd al-Qayrâwânî disait lui dans son Épître  : Une femme ne peut se rendre au hammâm que si elle a une raison. Abû Ishâq disait : Mâlik entend par sortie au sujet des femmes le fait d’aller au bain, non que le mari prenne en charge le prix du bain. Mon opinion est qu’il entend par là : si le bain a été vidé de tous ses clients pour sa seule satisfaction à elle. Car quant à y aller en même temps qu’autrui, cela ne se peut… On a dit à Ibn Abî Zayd :

Et si la femme se couvre comme le font les hommes, pour quelles raisons déclarer la fréquentation du hammâm par les femmes répréhensible ? – La femme est nudité (al-mar’a cawra) ; il n’est pas possible qu’elle dévoile ses charmes à d’autres femmes. On a soutenu deux opinions divergentes : le cas d’une femme en présence d’une autre femme est semblable ou à celui d’une femme an présence d’un parent au degré prohibé, ou à celui d’une femme en présence d’un étranger de sexe masculin. Ce dernier point de vue a été soutenu par cAbd al-Wahhâb dans sa glose de l’Épître d’Ibn Abî Zayd (…).

De nos jours, l’usage s’est répandu que seule une minorité de femmes se couvrent ; mais cette minorité a devant les yeux le spectacle des corps nus de la majorité. C’est pour cela que mon opinion est qu’aujourd’hui il y a unanimité pour considérer que la fréquentation du hammâm est défendue aux femmes sauf s’il a été vidé préalablement pour elles ou si elles sont accompagnées par celles qui ont la permission de les voir nues 51.

  • 52 cUqbânî, op. cit., 75-6.
  • 53 Fatâwâ. Jâmic masâ’il al-ahkâm, éd. Hayla, Beyrouth, 2002, I, 132.
    29 Uqbânî s’oppose la position de Ibn al-Qâsim (m. 191/806) à celle de Ibn cAbd al-Salâm (m. 797/1395). La doctrine défendue par le premier est que la fréquentation du hammâm est répréhensible, pour les hommes, même s’ils sont décemment couverts, car on ne peut éviter absolument que l’un ne se découvre accidentellement ou que tel autre ne pose son regard par inadvertance sur le corps nu d’un baigneur ; et elle n’est pas permise s’il s’agit de ne pas s’y couvrir ou si les autres baigneurs y sont totalement dénudés. La doctrine du second est que non seulement la fréquentation du hammâm n’est pas blâmable mais qui plus est, elle est même permise en compagnie de baigneurs impudiques, pourvu que l’on baisse les yeux 52. Le Tunisien Burzulî (m. 841/1438) a recueilli dans sa collection de fetwas la consultation d’Ibn cAbd al-Salâm, qui y exprime une attitude extrêmement tolérante 53.

2. Les shâficites

30 Dans son traité sur la censure des mœurs (al-nahy can al-munkar wa-l-amr bi-l-macrûf), Ghazzâlî (m. 505/1111) dénonce cinq méfaits en relation avec la fréquentation du bain public, parmi lesquels deux comportements indécents :

  • 54 Ihyâ’ culûm al-dîn, Damas, s.d., II, 297 ; L’obligation d’ordonner le bien et d’interdire le mal (I (...)
    En second lieu, il y a les corps nus et les regards posés sur les parties, en particulier le fait que le frotteur découvre la cuisse et la partie en-dessous du nombril afin d’enlever la crasse, voire l’introduction par lui de la main sous le pagne : il est illicite de toucher les organes d’autrui ou de porter sur eux les yeux. En troisième lieu, il y a le fait de s’étendre face contre terre pour se faire rincer les cuisses et le derrière ; ceci est répréhensible même quand cela a lieu par-dessus un tissu ; mais cela n’est pas défendu si l’on ne craint pas l’éveil du désir. De même découvrir ses parties pour le phlébomiste tributaire est un péché : il n’est pas permis à la femme de se montrer nue en présence de la femme tributaire dans le bain, comment cela lui serait-il permis en présence d’hommes54 ?
  • 55 Al-kabâ’ir, Beyrouth, s.d., 57.
    31 ahabî (m. 748/1348), le grand savant shâficite, porté vers le rigorisme hanbalite, déclare que « la fréquentation du hammâm sans pagne » est un des comportements distinctifs du peuple de Loth (min acmâl qawm lût) 55.

32 La position de {{}}), un shâficite également, est moins rigide. Elle rejoint celle de son compatriote mâlikite, Ibn Shâsh :

  • 56 C’est-à-dire le devant et le derrière.
  • 57 Suyûtî, Muntaqâ al-yanbûc, in Nawawî, Rawdhat al-tâlibîn, éd. cAbd al-Mawjûd et Mucawwad, Beyrouth, (...)
    On lui a demandé : « Est-il permis ou non à l’homme qui va au hammâm, où il se met à l’écart des gens, alors que l’on sait que des gens y évoluent entièrement nus, d’y demeurer malgré tout ? ». Il a répondu ainsi : « Il lui est permis de rester dans le hammâm. S’il lui est possible de corriger les mauvais comportements, qu’il le fasse et il en sera récompensé, s’il ne le peut pas, qu’il les dénonce dans son for intérieur, il sera récompensé pour les avoir blâmés. Il devra également éviter de poser son regard sur les corps nus dans la mesure où cela est possible. Il ne devra critiquer que ceux qui se promènent les parties (saw’atayn) 56 totalement découvertes (…). Les gens continuent d’imiter les oulémas dans les matières qui font l’objet de divergences. C’est pour cela qu’on ne doit pas le leur reprocher. Il n’est pas permis au shaficite de critiquer le mâlikite au sujet de ce que lui croit défendu alors que le mâlikite l’estime licite…57 »

33 Dans le cadre de la discussion qui a pour objet l’obligation d’entretien de l’épouse par son conjoint, les juristes shâficites sont à peu près les seuls à poser la question du prix du bain. Incombe-t-il dans tous les cas à l’époux ? La solution proposée par Mâwardî (m. 450/ 1058) repose sur la distinction entre les habitudes des citadins et celles des habitants des campagnes :

  • 58 Al-hâwî al-kabîr, éd. Mucawwad et cAbd al-Mawjûd, Beyrouth, 1994, XI, 429.
    Quant à la fréquentation du hammâm, elle dépend de l’usage (curf). Si les parents de l’épouse, comme les habitants des villages, n’ont pas pour habitude de se rendre au bain, l’époux n’est pas tenu d’en assumer la charge financière. Si par contre ils sont, comme les citadins, habitués à s’y rendre, il devra en supporter les frais au moins une fois par mois ; car la plupart des femmes s’y rendent pour s’y laver après les règles, qui arrivent généralement une fois tous les mois 58.

34 Tout en reprenant la condition des usages du milieu de l’épouse, Shîrâzî (m. 476/1083), qui se déclare partisan de l’obligation pour l’époux de payer le prix du bain, ne fait nulle référence à une périodicité :

  • 59 On avait coutume d’utiliser cet aromate pour parfumer l’eau du bain, y compris pour la toilette fun (...)
  • 60 Al-Muhaḏḏab, Beyrouth, 1995, III, 151.
    Elle a droit à ce dont elle a besoin comme des peignes, du lotus (sidr) 59, des onguents pour la tête et le prix du bain si sa fréquentation fait partie de ses habitudes, car le but en est la propreté ; c’est pour cela que cela incombe au mari, comme balayer la maison et la nettoyer sont du ressort du locataire 60.
  • 61 Cité dans Râficî, Al-cAzîz sharh al-wajîz, Beyrouth, 1997, X, 18 (wa lâ ujrat al-hammâm illâ iâ is (...)
  • 62 Râficî, op. cit., X, 19.
    35 Sans doute, à partir de Ghazzâlî (m. 505/1111), on tend à mettre l’accent sur le motif de la fréquentation du bain public : c’est seulement quand la nécessité (le froid) l’impose que l’époux en devra le prix 61. Raficî (m. 623/1230), commentateur de Ghazzâlî, ne le suit manifestement pas : « Le point de vue manifeste… est que le prix du bain incombe à l’époux sauf si la femme ne fait pas partie des gens qui ont l’habitude de se rendre au bain » 62. Il reprend à son compte la position défendue par Mâwardî et Shîrâzî. Ce n’est pas le cas de Nawawî (m. 667/1273), qui invoque explicitement l’autorité de Ghazzâlî :
  • 63 Nawawî, op. cit., VI, 460.
    Est-ce que le prix du bain incombe à l’époux ? Il y a deux points de vue à ce sujet. Selon le premier, qui a été choisi par Ghazzâlî et qui est le plus vrai, cela ne s’impose à lui que si le froid est tellement intense qu’on ne peut procéder au bain purificateur qu’à l’intérieur du hammâm 63.

36 On peut voir dans la position défendue par Ghazzâlî et Nawawî un déplacement par rapport à celle de Mâwardî et de Shîrâzî : alors que ces derniers se contentent de définir les obligations de l’époux et les droits de l’épouse, les premiers font dépendre l’obligation pour l’époux d’assumer le prix du bain de son épouse des conditions climatiques. En d’autres mots, les épouses ne peuvent se rendre au bain qu’exceptionnellement.

3. Les hanafites

37 Un des principaux partisans de la fréquentation du hammâm par les femmes est sans aucun doute le hanafite Sarasî (m. 483/1090). Il ne le fait pas au nom de l’égalité entre les deux sexes, mais au nom de l’argument suivant : les contraintes en matière d’hygiène pèsent beaucoup plus sur les femmes que sur les hommes.

  • 64 C’est le hadîth que nous avons examiné plus haut ; Saraẖsî en donne ici une version extrêmement abr (...)
  • 65 Il faut corriger le texte ici selon ce qui est dit dans Saraẖsî, op. cit., X, 148.
  • 66 Il y a désaccord à ce sujet : c’est plutôt Ibn cAbbâs que l’on voit fréquenter ce bain à l’occasion (...)
  • 67 Saraẖsî, op. cit., X V, 156. Voir aussi X, 147-8.
    On a dit : « Le bain est la demeure de Satan ». Le Messager de Dieu a dit à son sujet que c’est la pire des maisons, les nudités s’y dévoilent et les eaux usées et les saletés s’y déversent. Certains ont distingué les bains des hommes de ceux des femmes. Ils ont soutenu que la location (ittiâ) du hammâm fréquenté par les femmes était une chose répréhensible car il leur a été défendu de sortir de chez elles et on leur a commandé de rester dans leurs demeures. Leur réunion [hors de chez elles] comporte souvent des dangers. On rapporte qu’un groupe de femmes a rendu visite à cA’isha. Elle leur a dit : « Vous êtes de celles qui fréquentent les bains ? » Et elle a commandé de les faire sortir64. Cependant, la vérité est selon les hanafites qu’il n’y a pas de mal à louer les bains des hommes comme ceux des femmes car nous en avons particulièrement besoin (li-l-hâja) dans nos pays. Le besoin qu’en ont les femmes est plus manifeste, car elles doivent se laver après les menstrues, le retour de couches et des rapports sexuels ; or elles ne peuvent y arriver dans les rivières et les mares comme les hommes 65.

Le but en allant au bain c’est la beauté que l’on obtient en éliminant la crasse ; or les femmes ont plus besoin d’être belles [que les hommes]. On sait que selon un hadith authentique le Prophète a été au bain à Juhfa 66. Quant à la désapprobation qui porte sur sa fréquentation, elle concerne celui qui y évolue nu. En revanche, s’il se couvre, il n’y a pas de mal dans la fréquentation du hammâm 67.

4. Le hanbalisme

  • 68 Ibn Muflih, Al-âdâb al-sharciyya, éd. Arnâ’ût et Qayyâm, Beyrouth, 1996, III, 320.
  • 69 Ibn Muflih, op. cit., 318-9.
    38 Ibn Hanbal (m. 241/855), éponyme du hanbalisme, a été un des principaux continuateurs des ahl al-hadî, c’est sans doute pour cela qu’il était opposé à la fréquentation du hammâm, notamment par les femmes. Salâh, son fils, rapporte à son sujet qu’il s’épilait habituellement chez lui en se servant de pâte. Une fois, cependant, en hiver, il dit à son fils : « Je souhaite aller au hammâm après le coucher du soleil. Préviens le tenancier du bain ». Quand vint le moment, il se ravisa et dit à son fils : « Dis au tenancier du bain que j’ai changé d’avis ». Il s’épila chez lui 68.

Une autre anecdote témoigne de la profondeur de son hostilité envers le bain public. Muhammad b. Yahyâ al-Kahhâl, un de ses disciples, rapporte cette conversation avec le maître : « J’ai interrogé Ahmad au sujet d’un homme qui possédait un bain public, dont les revenus le faisaient vivre, et qui souhaitait le vendre. Il a répondu : Il ne doit pas le vendre en tant que hammâm mais en tant qu’immeuble, et on devra démolir le hammâm » 69. Comme on va le voir, les membres de l’École hanbalite ont rarement suivi le maître, voire même ils s’en sont parfois écartés de manière significative. Les plus grands adversaires des bains publics ne se recrutent pas dans cette École, mais dans le mâlikisme.

39 cAbd al-Qâdir al-Jîlî (m. 561/1166), le grand soufi hanbalite, a défendu un point de vue assez proche de celui de Abû Tâlib al-Makkî et de Ghazzâlî.

  • 70 Al-ghunya li-tâlibî tarîq al-haqq, Beyrouth/Damas, 1996, I, 34.
    Construire, vendre, acheter ou louer des bains publics est répréhensible en raison du spectacle de la nudité des corps (mushâhadat cawrat al-nâs) (…). Pour ce qui est de sa fréquentation, il est préférable de s’en abstenir sauf s’il n’y a pas moyen de faire autrement… la raison en est qu’il fait partie des délices de l’existence. On rapporte que Hasan al-Basrî et Ibn Sîrîn ne le fréquentaient pas. cAbd Allâh, fils de l’imâm Ahmad b. Hanbal, a dit : « Je n’ai jamais vu mon père se rendre au bain (mâ ra’aytu abî qatt daala al-hammâm) ». Si quelqu’un a besoin (hâja) de s’y rendre car la nécessité (dharûra) le lui impose, il lui est permis de le faire, décemment vêtu d’un pagne et le regard dirigé vers le sol afin d’éviter le spectacle des corps nus.

S’il est possible de vider le hammâm de sa clientèle la nuit ou d’y aller de jour à des heures de faible affluence, il n’y a pas de mal. Questionné à ce sujet, l’imâm Ahmad a répondu : « Si tu sais que les baigneurs portent tous des pagnes, tu peux le fréquenter, sinon abstiens-toi » (…). Il est permis aux femmes de le fréquenter dans les mêmes conditions que les hommes et à condition qu’elles aient une excuse ou un besoin comme la maladie, les menstrues ou le retour de couches (…). Celui qui est dans le hammâm ne devra saluer personne ni réciter le Coran… 70

40 Ainsi, même si Ibn Hanbal est réputé n’avoir jamais mis les pieds dans un bain public, les hanbalites ne sont pas opposés à sa fréquentation. Ils rejoignent ainsi la position défendue par les autres Écoles.

41 Ibn al-Jawzî (m. 597/1200), qui est une des plus grandes figures du hanbalisme à Baghdâd à la fin de l’ère saljûqide, infléchira encore plus la position de l’École. Parmi ses nombreux écrits, on relève un petit traité intitulé Ahkâm al-nisâ’, dont le ton général est plutôt traditionnaliste. Il y consacre à la question de la fréquentation du hammâm par les femmes un long paragraphe (§ 17). Après avoir rappelé huit traditions prohibitives, il explicite sa position :

  • 71 Ahkâm al-nisâ’, éd. Iskandrânî, Beyrouth, 2003, 32.
    Un groupe de hanbalites a prescrit aux femmes de ne point fréquenter le bain public sauf pour une raison valable (cilla), comme un mal qu’on ne peut soigner que grâce à des bains ou comme la toilette (ightisâl) après la période des menstrues ou le retour de couches (nifâs), s’il fait trop froid et si elles ne peuvent avoir de l’eau chaude [à domicile], et d’autres raisons semblables. [De telles conditions] sont difficiles à faire respecter par les femmes d’aujourd’hui (nisâ’ haâ al-zamân) car elles ont été élevées et habituées au hammâm, mais non par les Bédouins et tous ceux qui ne connaissent pas le bain public 71.
  • 72 Ibn al-Jawzî, op. cit., 32-3.
    42 Ainsi, même si Ibn al-Jawzî ne rejette pas la règle selon laquelle les femmes ne doivent fréquenter le bain public que sous certaines conditions précises, il refuse qu’elle puisse être généralisée et imposée à toutes les femmes sans nuances. Il préconise de l’appliquer avec compréhension dans le cas des citadines 72. Selon lui, deux raisons expliquent la fermeté des « prohibitionnistes » : d’une part le hammâm est la demeure d’autrui (bayt ajnabî), d’autre part, on s’y déshabille.
  • 73 Ibn al-Jawzî, op. cit., 33.
    43 Si les femmes ont besoin d’y aller et si elles ne craignent pas d’être compromises, elles peuvent le fréquenter. Mais il ne leur est pas permis de porter les yeux sur la nudité des autres femmes ni à celles-ci de porter le regard sur la leur. Est considérée comme nudité chez la femme pour une autre femme (cal-mar’a fî haqq al-mar’a) ce que l’on tient pour telle chez un homme pour un autre homme, [à savoir] la partie comprise entre le nombril et le genou 73.

44 En d’autres mots, une femme n’a pas à se dénuder totalement en présence d’une autre femme, mais la poitrine n’est pas incluse dans la partie taboue. Le lien de parenté n’est pas non plus un motif légitime pour avoir une attitude indécente :

  • 74 Idem.
    Il n’est permis à aucune femme – y compris mère, sœur ou fille – de porter le regard sur la nudité d’une autre femme dès l’âge de sept ans (…). C’est pour cela que nous soutenons qu’il est permis à un homme de faire la toilette d’une fillette avant cet âge, car alors il ne peut y être question de nudité (li-anna alika al-zamân lâ yabutu fîhi hukm al-cawra) et on peut porter le regard sur le corps nu [d’une fillette de moins de sept ans]. C’est la doctrine des hanbalites. Ibn cAqîl (m. 513/ 1120) disait : La vue du corps nu [d’une fillette de moins de sept ans] n’éveille pas le désir sexuel habituellement, c’est pour cela qu’on ne le tient pas pour nudité sur le plan légal 74.
  • 75 Ibidem.
    45 Le statut du regard d’une femme tributaire (immiyya) qui a pour objet une musulmane donne lieu à un désaccord. On attribue à Ibn Hanbal deux opinions opposées. Selon la première, la musulmane est pour la tributaire ce qu’une femme étrangère est pour n’importe quel homme : elle n’en peut donc voir, au mieux, que le visage et les mains. Selon la seconde, le regard de la tributaire a le même statut que celui de la musulmane 75.
  • 76 Ibn al-Jawzî, op. cit., 34.
    46 Ibn al-Jawzî distingue nettement entre la nudité (cawra) et les organes de la génération (farj) : à l’exception de l’époux, précise-t-il, personne ne peut poser sur eux le regard 76.

47 Ibn Qudâma (m. 620/1235) adopte une opinion plus proche de celle d’Ibn Hanbal :

  • 77 Tel n’était pas le point de vue de Mâlik (Sahnûn, op. cit., I V, 509).
  • 78 Ce qui signifie que son témoignage dans le domaine judiciaire n’est pas recevable.
  • 79 Ibn Qudâma, Al-mughnî, Le Caire, 1992, I, 305-6.
  • 80 Ibn Qudâma, op. cit., 306-7.
    Ibn Hanbal réprouvait la construction des bains, leur vente ou achat de même que leur location 77. Il disait de celui qui avait construit un bain pour les femmes qu’il n’était pas honorable (cadl) 78. A bû Dâwûd rapporte qu’ayant interrogé Ibn Hanbal au sujet de la location du bain, ce dernier rnépodit qu’il craignait cela, comme s’il le réprouvait. Quand on lui disait : « - Et même si on exige de celui qui l’a loué que personne n’y pénètre sans pagne (izâr) ? – Peut-il garantir cela ? » C’est comme s’il n’aimait pas cela. Il désapprouvait le bain en raison des choses blâmables (munkarât) qui s’y commettent, comme le dévoilement des parties honteuses (kashf al-cawrât), leur spectacle (mushâhadatihâ) et sa fréquentation par les femmes.

Pour ce qui est de la fréquentation du hammâm, si celui qui y pénètre est un homme qui s’abstient de porter le regard sur le bas-ventre d’autrui et [préserve] le sien du regard d’autrui, il n’y a pas de mal à cela. On rapporte qu’Ibn cAbbâs est entré dans un hammâm à Juhfa. On le rapporte également au sujet du Prophète lui-même, de même qu’à propos de Hâlid b. al-Walîd, ainsi que Hasan al-Basrî et Ibn Sîrîn selon al-Khallâl. Cependant s’il craint de ne pas être en mesure de prévenir cela, on réprouvera qu’il aille au hammâm, car il n’est pas sûr d’éviter de tomber dans l’illicite. Car se dénuder et poser le regard sur les parties d’autrui est illicite… Ahmad b. Hanbal a dit : Si tu sais que tous ceux qui sont à l’intérieur du hammâm portent un pagne, tu peux y entrer, sinon n’y va pas. Sacîd b. Jubayr (m. 95/713) disait : « La fréquentation du hammâm sans pagne est défendue » 79.

Quant aux femmes, il n’est pas question qu’elles le fréquentent, y compris en tenant compte de l’obligation d’être couvertes, sauf si elles ont une excuse, comme la menstruation, le retour de couches, une maladie ou le besoin de procéder à la purification rituelle complète (ghusl), si elles ne peuvent y procéder chez elles, et notamment si l’on craint pour elles un mal quelconque. Dans ce cas, aller au hammâm leur est permis si elles baissent le regard et si elles cachent leurs parties honteuses. Cependant, si l’excuse fait défaut, cela n’est pas permis. Il est défendu de se baigner nu au milieu des gens, car dévoiler ses parties honteuses en présence d’autrui est illicite. Cependant si le bain est vide, alors cela est permis, ainsi que le montrent les exemples de Moïse et Job, qui se sont lavés nus 80.

48 On ne relève pas dans ce passage une tentative de définir un quelconque « code ». On ne lit rien au sujet de la dépense de l’eau ni de l’intention qui explique la volonté d’aller au bain.

  • 81 Voir à son sujet l’ouvrage classique d’Henri Laoust, Essai sur les doctrines sociales et politiques (...)
    49 Parmi nos contemporains, la réputation d’Ibn Taymiyya (m. 728/ 1328) est terrible 81. Ce juriste passe pour le lointain inspirateur des mouvements les plus radicaux. Il est vrai que sur un certain nombre de questions précises – comme le jihâd et les relations avec les non musulmans –, il ne manque pas d’excès. Mais combien est surprenante sa position au sujet du hammâm, dont il apparaît souvent comme un avocat sincère. Il apparaît très clairement comme l’héritier, sur ce point précis, d’Ibn al-Jawzî. Commençons par une brève fetwa. Interrogé par un fidèle au sujet de celui qui s’abstient de fréquenter le hammâm, il répond :
  • 82 Ibn Taymiyya, op. cit., 341.
    Celui qui s’abstient de fréquenter le hammâm parce qu’il n’en éprouve pas le besoin (li-cadam hâjatihi ilayhi), agit bien ; celui qui le fréquente dans une tenue indécente, qui ne se gêne pas pour regarder les corps nus des autres, ou qui fait du tort au tenancier du bain, est un pécheur à blâmer ; celui qui en jouit sans nul besoin, [sa réputation] en est amoindrie et [son témoignage non recevable] ; quant à celui qui s’en abstient alors qu’il en a besoin à tel point que la crasse s’accumule sur son corps et que les poux prolifèrent dans sa tête, est un ignorant, qui doit être blâmé 82.

50 Une autre fois, il est interrogé par un fidèle qui veut savoir si le fait de pénétrer dans un bain public est permis ou non et si tel hadith ne permet pas de répondre dans le sens de la prohibition. Ibn Taymiyya répond sans hésitation : il n’existe pas de tradition prophétique, pas plus chez Muslim que dans une autre compilation, qui statue par l’interdiction de fréquenter le hammâm.

  • 83 Ibn Taymiyya, op. cit., 341-2.
    Il est permis de fréquenter le hammâm si l’on est décemment couvert, si on ne porte pas le regard sur les parties honteuses d’autrui, si le baigneur ne laisse personne poser la main sur les siennes, s’il ne transgresse aucune interdiction et s’il est juste avec le tenancier du bain, car il n’y a aucune faute dans ce cas. Quant à la femme, elle peut se rendre au bain en cas de nécessité, décemment couverte. Peut-elle s’y rendre après qu’elle s’y soit habituée et qu’il lui est pénible de rompre avec cette habitude ? Il y a deux opinions à ce sujet dans la doctrine d’Ahmad et des autres juristes. La première est qu’elle peut y aller : c’était le point de vue d’Abû Hanîfa et celui choisi par Ibn al-Jawzî. La seconde est qu’elle ne peut s’y rendre : c’était le point de vue de nombre des disciples de Shâficî, celui aussi d’Ahmad et d’autres 83.
  • 84 S’agissant de ce dernier, voir Benkheira, « La maison de Satan », 405.
  • 85 Ibn Taymiyya, op. cit., 300-2.
    51 Après avoir rappelé l’opinion d’Ibn Hanbal au sujet du hammâm et les raisons, selon lui, de son hostilité à l’égard de ce dernier, Ibn Taymiyya demande que l’on relativise (taqyîd) le propos. Ainsi il est probable qu’Ibn Hanbal avait en vue les bains publics en Irak, dans le Hijâz et au Yémen, pays dans lesquels il fait chaud la plupart du temps et dont les habitants n’ont généralement pas besoin de bains publics – sous-entendu : comme il y fait chaud, ils peuvent se laver n’importe où. C’est pour cette raison, ajoute-t-il, qu’il n’y avait pas de hammâm dans le Hijâz du vivant de Muhammad et des premiers Califes. Ni lui ni Abû Bakr, ni cUmar, ni cUṯmân 84 n’ont mis les pieds dans un hammâm. Quant à Alî, il vécut en Irak où il y avait des bains publics. Plus d’un Compagnon les a fréquentés. On en construisit un à Juhfa, près de La Mecque, et Ibn cAbbâs s’y baigna alors qu’il était en état de sacralisation. On ne peut, conclut-il, faire dire à Ibn Hanbal qu’il est défendu de fréquenter le hammâm qu’on en ait besoin ou non. Si lui-même, toujours selon Ibn Taymiyya, n’allait pas au hammâm, c’est par imitation d’Ibn cUmar (voir Première partie). Or cela n’est possible que là où il fait chaud, là où les habitants n’ont pas besoin de vêtements chauds comme les fourrures ou les habits ouatés 85.
  • 86 Ibn Taymiyya, op. cit., 302-3.
    52 On doit considérer trois possibilités : 1° on a besoin du hammâm ou 2° on n’en a pas besoin mais dans les deux cas rien ne s’y passe de défendu ; 3° on en a besoin ou non alors que des choses défendues y ont lieu. Dans les deux premiers cas, il ne fait pas de doute que cela est permis. Par exemple un homme fait construire pour ses besoins propres ou ceux des siens un bain dans un pays froid, et il n’y agit pas en contrevenant à la loi divine, ou bien il fait construire un bain public dans un pays froid et veille à ce que rien de répréhensible ne s’y commette, dans ces deux cas la construction, la vente ou la location ont le statut de la fréquentation d’un bain privé, ou possédé en association (mushtaraka) quand on observe l’obligation de baisser les yeux et respecte tout ce qui est défendu. La fréquentation d’un tel bain, déclare Ibn Taymiyya, est permise sans aucun doute. Plusieurs traditions prophétiques l’attestent. D’ailleurs celle qui défend d’effectuer la prière dans le hammâm en présuppose la licéité : « s’il fallait supprimer les bains publics et défendre leur édification et leur fréquentation, la prière n’y aurait pas été interdite » 86.

53 La raison pour laquelle Ibn cUmar a évité le hammâm, c’est parce qu’il vivait au Hijâz, c’est-à-dire dans un pays chaud. Selon Ibn Taymiyya son attitude relève de l’ascétisme (min bâb al-zuhd) dans une situation où le permis est superflu (fî fudhûl al-mubâh).

  • 87 Ibn Taymiyya, op. cit., 303-4.
    Quant à l’ascétisme prescrit c’est le fait de ne pas tenir compte du désir vif pour une chose inutile dans l’Autre monde. Il ne fait pas de doute que si la fréquentation du hammâm n’est d’aucune utilité dans les œuvres en vue de l’Autre vie, s’en abstenir fait partie de l’ascétisme prescrit. Son évitement peut avoir une autre signification : il peut relever du scrupule (warac), qui est le fait d’éviter ce qui peut nuire dans l’Autre monde. Il y a le scrupule obligatoire comme le fait de s’abstenir de ce qui est défendu, mais il y a un autre scrupule, qui consiste à éviter ce qui est ambigu (mushtabahât) parmi les choses répréhensibles et qu’un grand nombre de personnes ne connaissent pas 87.
  • 88 Ibn Taymiyya, op. cit., 305.
  • 89 Ibn Taymiyya, op. cit., 306-8.
    54 La fréquentation du hammâm est défendue si elle conduit à mal agir, comme aller nu, porter les yeux sur le corps nu d’autrui, laisser un étranger toucher son bas-ventre ou toucher soi-même le bas-ventre d’autrui, ou encore faire preuve d’injustice envers le tenancier du bain en ne lui donnant pas son dû, consommer plus d’eau qu’il ne faut, demeurer plus longtemps à l’intérieur de la salle chaude sans l’accord du tenancier, ou bien commettre des turpitudes, tenir des propos obscènes comme cela se fait souvent au hammâm, ou encore négliger les prières obligatoires en s’y attardant 88. Elle peut être obligatoire ou seulement souhaitable, si la purification rituelle ou la toilette du corps auxquelles il faut procéder ne peuvent avoir lieu qu’en son sein 89.
  • 90 Ibn Taymiyya, op. cit., 307.
  • 91 Voir Benkheira, op. cit., 403.
  • 92 Ibn Taymiyya, op. cit.
  • 93 La toilette funéraire a également cette fin : le mort doit se présenter à Dieu sous sa meilleure ap (...)
  • 94 Ibn Taymiyya, op. cit., 308.
    55 Selon Ibn Taymiyya, la toilette du corps afin de le débarrasser de la crasse est recommandable (mustahabba). Il invoque pour appuyer son affirmation des traditions prophétiques. La première a été compilée par Tirmiḏî : « Dieu est propre et aime la propreté ». Il existe plusieurs versions de la seconde, présente dans de nombreuses collections. Il s’agit du hadith de la « saine nature » (fitra) qui impose plusieurs obligations : la circoncision, tailler les moustaches, laisser la barbe pousser, se nettoyer les dents à l’aide d’un cure-dents (siwâk), inspirer de l’eau par le nez (istinshâq), se laver la bouche, tailler ses ongles, laver les articulations des doigts, s’épiler les aisselles, se raser le pubis (câna) et se laver après la selle (istinjâ’).

Ces différentes obligations s’expliquent : la moustache quand elle est longue, retient la nourriture et les liquides ; l’haleine de la bouche s’altère ; sous les ongles de même qu’autour des articulations des doigts s’accumulent des saletés diverses ; quand les poils sont longs sous les aisselles ou dans le bas-ventre, la transpiration donne de mauvaises odeurs. Selon une troisième tradition, on doit tailler les poils et les ongles au moins une fois tous les quarante jours 90.

Une quatrième tradition rend quasi obligatoire un bain hebdomadaire 91. Ibn Taymiyya estime qu’il doit être accompli, même si ce n’est pas un vendredi, de même que ce bain est obligatoire y compris pour le fidèle qui n’est pas tenu d’assister à cette prière collective, comme la femme, l’esclave, le malade ou le voyageur 92. Mais pour des raisons pratiques de même que financières, ce bain peut avoir lieu ce jour, pour la grande prière, car le fidèle doit s’y présenter sous son meilleur jour 93. Le motif de cette prescription selon Ibn Taymiyya est que c’est un jour de grand rassemblement – ce qui implique promiscuité, chaleur, transpiration –, en présence des anges. Or selon une tradition prophétique, ces derniers sont atteints par tout ce qui atteint les humains 94.

  • 95 Idem.
  • 96 Ibn Taymiyya, op. cit., 309.
    56 On sait, nous dit le grand juriste hanbalite, qu’il n’y a pas de meilleur bain que celui que l’on prend à l’intérieur du hammâm, car l’action de l’eau chaude, combinée à celle de l’air chaud, permet de dissoudre la crasse. Or ce qui permet d’atteindre le mieux le but fixé par le Législateur est ce qu’il y a de préférable, s’il n’entre pas en conflit avec ce qui imposerait le contraire 95. Autrement dit, le hammâm est ce qu’il y a de meilleur pour réaliser l’idéal de pureté et de propreté exigé par Dieu. Ibn Taymiyya recourt à un autre argument pour défendre le hammâm : quand un homme a les cheveux sales et désordonnés, quand il a également des poux et que tout son corps est crasseux, cela ne peut que lui être malsain et funeste. La preuve en est que c’est une des raisons pour lesquelles Dieu a permis au pèlerin en état de sacralisation de se raser le crâne tout en offrant un sacrifice, sans invalider le pèlerinage. C’est pour cela que dans une situation pareille, aller au bain devient une obligation certaine. En tout cas, dans la recension de la doctrine d’Ibn Hanbal, trois points de vue sont rapportés, l’un en faveur de l’obligation, le second de la recommandation et le dernier de la permission. Le hammâm procure également repos et délassement, ce qui permet au fidèle d’observer les prescriptions et obligations qui s’imposent à lui 96.
  • 97 Ibn Taymiyya, op. cit., 310.
    57 Si rien de condamnable n’est accompli à l’intérieur des bains publics, dans des pays froids ou chauds, il va de soi dans ce cas qu’en construire n’est pas défendu. Il est avéré qu’on en a construit du vivant des Compagnons, dans le Hijâz comme en Irak, à l’époque de cAlî et d’autres. Quant à Ibn Hanbal, il n’a pas soutenu que cela était prohibé mais que c’était seulement répréhensible, dans la mesure où les comportements licites y côtoyaient ceux qui étaient défendus 97.
  • 98 Voir Benkheira, op. cit., 400-1.
  • 99 Ibn Taymiyya, op. cit., 311.
  • 100 Ibn Taymiyya, op. cit., 312.
    58 Les bains prescrits ou recommandés par la loi islamique sont de trois sortes : les grandes ablutions rituelles pour cause de pollution, de retour de couches ou de menstrues ; le bain du vendredi, jour de la prière collective ; et les autres bains recommandés 98. Or toutes ces variétés de bains ne sont possibles, dans un pays où la température est rigoureuse en hiver, que dans les bains publics. Y procéder ailleurs que dans ce lieu, c’est faire courir des risques à sa santé, voire de jouer avec sa vie.

C’est pour cela que, dans ces pays c’est un devoir d’aller au hammâm dans ce but. Il n’est pas permis par contre de recourir à la lustration pulvérale pour éviter la maladie alors que l’on peut se rendre au bain 99. Aussi Ibn Taymiyya n’hésite pas à soutenir que de ce point de vue construire des bains publics est un impératif religieux (binâ’ al-hammâm wâjib) dès lors que cela permet de répondre à un besoin qui permet d’observer une obligation qui s’impose à chacun. Autre conséquence, qui ressortit au droit de la guerre : quand une ville est conquise, dans laquelle il y a un bain public, on ne devra pas le démolir 100.

  • 101 En vérité, plus pour notre époque que pour la sienne !
  • 102 Ibn Taymiyya, op. cit., 314.
    59 On ne peut tirer du fait que ni Muhammad ni, parmi ses grands Compagnons, Abû Bakr et cUmar n’ont jamais mis les pieds dans un hammâm qu’ils en désapprouvaient la fréquentation ou ne la recommandaient pas, poursuit étonnamment Ibn Taymiyya. Car cela ne signifie pas qu’ils s’en sont abstenus ni qu’ils l’ont évité : il aurait fallu pour cela qu’il y en ait eu de leur temps dans le Hijâz. Il en est du hammâm comme au sujet des nombreux aliments ou des tissus et des vêtements qui étaient inconnus dans le Hijâz du temps de Muhammad. Le docteur hanbalite proclame hardiment 101 : que les musulmans qui vivent au Maghreb, en Syrie, en Égypte, en Irak, au Yémen, dans le Khurasan, en Arménie et en Azerbaïdjan, qui ont à leur disposition de telles nourritures et de tels vêtements, n’aillent pas s’imaginer qu’ils doivent s’en abstenir afin de se conformer au modèle prophétique 102.
  • 103 Ibn Taymiyya, op. cit., 333.
    60 Se dénuder totalement est-il permis ? S’il s’agit de se purifier, cela est permis ; sinon, cela ne l’est pas, que le baigneur soit en groupe ou seul 103. Que doivent faire dans ce cas les pouvoirs publics, quand les baigneurs circulent sans pagne à l’intérieur du hammâm ? Doivent-ils empêcher cela ? Doivent-ils également obliger les tenanciers des bains publics à faire respecter cette interdiction ? Que faire également au sujet de celui qui demeure à l’intérieur du bain alors que vient l’heure de la prière collective du vendredi ?
  • 104 Ibn Taymiyya, op. cit., 337-8.
    Les pouvoirs publics (wulât al-amr) doivent interdire cela ; ils doivent obliger les gens à ne fréquenter le hammâm que le bas-ventre couvert ; les tenanciers des bains publics devront faire respecter cette obligation. Quant aux baigneurs et aux tenanciers qui n’obéissent ni à Dieu, ni à son Messager ni aux pouvoirs publics, ils devront subir un châtiment sévère qui les empêche de récidiver. Ceux qui se dénudent sont des pécheurs (ahl al-fawâhish), qui n’ont honte ni de Dieu ni de Ses créatures. Le Très-Haut a dit : « Dis aux croyants de baisser leur regard et d’être chastes » [24, 30]. Or baisser le regard est un devoir en présence de tout ce dont il n’est pas licite de jouir par la vision, comme les étrangères ou les parties génitales, même si dans ce dernier cas il n’y a pas de plaisir à en tirer par le regard, mais parce qu’il s’agit d’une turpitude.

C’est pour cette raison que le baigneur doit baisser le regard en présence de ceux qui ont le bas-ventre découvert. Si un homme a désobéi [à Dieu] en découvrant ses parties honteuses, on devra lui ordonner la décence. Cela fait partie du commandement du bien et du pourchas du mal qui s’impose à tout un chacun. La chasteté (hifz al-furûj) c’est s’abstenir de toute jouissance défendue, de découvrir ses parties en présence de la personne qui n’est pas autorisée à les voir ou de toucher les parties d’autrui. Il est avéré selon une tradition authentique que le Prophète a défendu que deux hommes ou deux femmes entrent dans un même vêtement et que leurs corps [nus] entrent en contact. Il a commandé que l’on sépare dans les lits les enfants dès l’âge de dix ans. Il a montré cela dans le propos suivant : « Cache tes parties honteuses sauf pour ton épouse ou pour ta concubine », quand on lui demanda : « Ô Messager de Dieu ! Que faire au sujet de la nudité ? Que montrer ? Que cacher quand on se trouve en groupe ? ». Il déclara : « Si tu peux éviter qu’elle soit vue par autrui, fais-le. – Si le fidèle est seul ? – Dans ce cas Dieu a plus droit qu’on fasse preuve de pudeur à son égard qu’envers les hommes ». Il a donc ordonné de se couvrir quand on est seul. Ceci constitue un devoir chez la plupart des docteurs. Toutefois, si le fidèle se lave dans un endroit vide, à côté d’un jardin ou d’un arbre, ou bien dans sa demeure, dans un hammâm [privé] ou dans des circonstances similaires, il lui est permis de se découvrir le bas-ventre dans ce cas selon la majorité des docteurs (…) 104.

61 Comme il semble que certains individus se réfugient dans les bains publics et d’autres lieux pour ne pas participer à la prière collective du vendredi, le docteur hanbalite rappelle le caractère obligatoire de cette importante cérémonie religieuse :

  • 105 Ibn Taymiyya, op. cit., 339-40. La question de celui qui abandonne la pratique de la prière (hukm t (...)
    Quant à l’ouverture des bains publics durant la prière du vendredi, la possibilité pour les musulmans de les fréquenter et d’y demeurer, évitant ainsi de se presser pour aller prier comme Dieu l’a prescrit, ceci également est proscrit à l’unanimité des musulmans. Dieu a défendu la vente de ce dont les musulmans ont besoin la plupart du temps, après que l’appel à la prière du vendredi a eu lieu. Ceci est un avertissement pour ce qui concerne les activités moins urgentes, comme demeurer au bain, dans un jardin ou un lieu semblable. La prière du vendredi est obligatoire à l’unanimité des musulmans. Il n’est donc pas permis de s’en abstenir sans excuse légitime. La fréquentation du hammâm n’en est pas une à l’unanimité des musulmans. Si le fidèle demeure dans le bain pour le plaisir, il est tenu pour un pécheur. S’il était dans un état d’impureté, il aurait pu se purifier plus tôt et ne pas retarder le bain de purification. S’abstenir de prier n’est pas permis.

Il est du devoir des pouvoirs publics d’obliger tous ceux qui sont concernés par la prière du vendredi, parmi les habitants, les commerçants et les autres, d’y participer. Celui qui se met en retard pour l’accomplissement de cette obligation devra subir une punition qui le poussera lui et ses pareils à obtempérer (…) 105.

62Le caractère licite de la fréquentation du hammâm ne fait aucun doute aux yeux d’Ibn Taymiyya :

  • 106 Ibn Taymiyya, op. cit., 431.
    Si le fidèle se trouve dans une grande ville et qu’il a une excuse pour ne pas aller au hammâm, soit parce que ce dernier n’est pas ouvert, soit à cause de son éloignement, ou encore parce qu’il n’a pas à sa disposition l’argent nécessaire, ou pour une autre raison semblable, il pourra procéder à la prière après une lustration pulvérale. Celle-ci est obligatoire s’il n’est pas en mesure d’user d’eau parce qu’elle fait défaut, ou bien par crainte d’un mal qui pourrait le frapper du fait de l’utilisation de l’eau. Il n’a pas besoin dans tous ces cas de recommencer la prière (…) 106.
  • 107 Par exemple, Ibn Taymiyya, op. cit., 442 et 444.
    63 Il répète cet enseignement dans d’autres consultations107. Le débat engagé au sujet de la lustration pulvérale ne nous concerne pas ici. Il ressort que la fréquentation du hammâm aux fins de purification paraît aller de soi aux yeux d’Ibn Taymiyya.

64 On lui a adressé une fois une question, plus du point de vue féminin :

  • 108 Ibn Taymiyya, op. cit., 445.
    Il s’agit de la femme, qui a des rapports sexuels avec son époux, et qui ne peut aller au hammâm car elle n’en a pas les moyens ou pour une autre raison. Peut-elle recourir à la lustration pulvérale ? Est-il répréhensible dans ce cas pour son époux d’avoir avec elle des relations charnelles (mujâmaca) ? De même, si l’heure de la prière arrive alors qu’elle ne s’est pas purifiée et craint que si elle se rendait au hammâm, elle manquerait sa prière, peut-elle accomplir cette dernière grâce à la lustration pulvérale ? Ou bien peut-elle faire sa prière à l’intérieur du hammâm 108 ?
  • 109 Ibn Taymiyya, op. cit., 446.
    65 La réponse du grand docteur hanbalite est que les deux sexes sont égaux pour ce qui concerne l’état d’impureté majeure (al-junb sawâ’ kâna rajulan aw imra’atan). Si pour une raison ou une autre – maladie, etc. –, l’individu en état d’impureté majeure ne peut utiliser de l’eau pour se purifier, il lui est permis de recourir à la lustration pulvérale. Il poursuit : « Et il n’est pas répréhensible que le mari ait des rapports charnels avec son épouse, voire même il y est tenu, de même qu’il doit avoir avec elle de telles relations en voyage. Ils feront la prière après une lustration pulvérale [en guise de purification] » 109.
  • 110 Ibn Muflih, op. cit., III, 318. Ce point de vue est précédé d’un qâla, sans que l’on sache si le su (...)
    66 Le jugement de Muhammad b. Muflih (m. 763/1362) est en retrait par rapport à celui d’Ibn Taymiyya. Selon lui, le fait même d’édifier des bains publics pour une clientèle féminine est un motif de perte de son honorabilité (al-laî yabnî hammâm li-l-nisâ’ laysa bi-cadl) car elles y découvrent leur nudité et s’y donnent en spectacle 110.
  • 111 Ibn Muflih, op. cit., 319.
  • 112 Idem.
  • 113 Ibidem. Voir Ibn Taymiyya, op. cit., XV, 379.
  • 114 Ibid.
  • 115 Ibid.
    67 Les hommes peuvent fréquenter le bain public s’ils sont sûrs d’éviter les regards prohibés, sinon sa fréquentation est répréhensible. Elle devient illicite si l’intention est d’y commettre des choses défendues 111. S’ils savent, estimait Ibn Hanbal, que tous les baigneurs y étaient décemment couverts d’un pagne, ils peuvent s’y rendre, sinon ils doivent s’en abstenir. Les femmes sont soumises à la même condition, outre qu’elles doivent avoir un motif valable comme la maladie, l’impureté majeure, les menstrues, le retour de couches ou par crainte de se laver à domicile, faute de quoi sa fréquentation leur est interdite 112.

Il y a ainsi une différence nette entre les hommes et les femmes. Toutefois Ibn al-Jawzî et Ibn Taymiyya considéraient que la fréquentation du hammâm par la femme qui y était habituée, même si elle n’avait pas un motif légitime, était permise, si elle ne pouvait s’en passer 113. Une musulmane ne doit pas s’y dénuder en présence d’une tributaire (immiyya) 114. Ibn Muflih rapporte également que des hanbalites ont aussi soutenu que la femme devait y vêtir une chemise en tissu fin, par-dessus laquelle elle verserait l’eau, dans le bain public mais non dans le bain privé 115.

5. Un juriste almohade : Ibn al-Qattân (m. 628/1231)

68 Dans un ouvrage entièrement consacré à la police du regard, comme celui dû à la plume d’Ibn al-Qattân, la question de la nudité des corps est au cœur du problème. Nous n’évoquerons ici que les passages qui ont directement trait à la moralisation des attitudes dans les bains publics.

  • 116 Ibn al-Qattân, Al-nazar fî ahkâm al-nazar bi-hâssati al-basar, éd. Samadî, Beyrouth/Casablanca, 199 (...)
    Casus : Est-il permis à la femme croyante de montrer à une autre femme croyante des parties de son corps – comme la poitrine, le cou, le ventre, les poils du ventre et le dos – qui n’entrent pas dans les parties honteuses (cawra) ? Cette question est à l’origine de divergences aussi. Certains docteurs disent : il est permis à une femme de voir chez une autre femme ce qu’il est permis à un homme de voir chez un autre homme. D’autres disent : cela n’est pas permis, la femme est totalement nudité (hiya cawra kulluhâ) pour une autre femme comme pour un homme ; c’est pour cela qu’il ne lui est pas permis de se dénuder que ce soit en présence d’un homme ou d’une femme.

C’est la doctrine (mahab) du cadi Abû Muhammad cAbd al-Wahhâb b. Nasr al-Mâlikî (m. 422/1032) dans le « Commentaire de l’Épître ». C’est dans ce casus que trouve son origine la divergence au sujet de la fréquentation du hammâm par les femmes décemment couvertes, étant donné qu’il n’est pas permis par principe de dévoiler ses parties. D’autres oulémas disent au contraire qu’il leur est permis de montrer ce qu’elles montrent à leurs parents au degré prohibé (awî mahârimihâ) comme le visage, les mains et les pieds, qu’elles soient belles et désirables ou non 116.

  • 117 Sur ce débat, voir Benkheira, L’amour de la Loi, 45-104.
  • 118 Ibn al-Qattân, op. cit., 233, n° 54.
    69 On voit bien que le débat au sujet du hammâm n’est pas exceptionnel mais rejoint la discussion plus large, qui a pour objet la définition de ce qu’il faut entendre par « parties honteuses » (cawra), étant donné que la règle est que toute partie du corps assimilée à ces « parties » doit être cachée. Cette définition hésite entre une version minimaliste – les parties honteuses coïncidant avec le bas-ventre – et une version maximaliste – tout le corps de la femme, y compris sa voix, est nudité, donc partie honteuse. Cette divergence survit jusqu’à nos jours, comme le montre le débat contemporain sur le voile féminin : en effet, ceux qui se réclament du courant salafiyya prescrivent de voiler la totalité du corps de la femme, y compris son visage et ses mains 117.

Un autre aspect de la discussion a trait au statut en général du corps féminin dans la société.

Il serait inexact de penser cependant que cette discussion ne concerne pas les hommes directement : un important débat casuistique a eu pour objet la cuisse des hommes, pour savoir si on devait oui ou non l’inclure dans la « nudité » à cacher. Ce que l’on doit retenir de ce texte, c’est que tout regard est par nature dangereux ou au moins ambigu. Il n’y a pas de nudité en soi, mais seulement dans le rapport à autrui, c’est pour cela qu’elle varie selon le sexe de l’autre, son âge, son degré de proximité (parent/étranger) et son appartenance communautaire (musulman/non musulman). S’agissant de ce dernier cas, Ibn al-Qattân s’aligne sur la position de ceux qui, minoritaires, estiment que les femmes tributaires n’ont pas à porter le regard sur le corps nu des musulmanes 118.

70 Il n’y a pas de divergences au sein de la Umma au sujet de la défense pour une femme de porter le regard sur les parties honteuses d’une autre femme, ni au sujet de l’interdiction de se dénuder en présence d’autres femmes comme en présence d’hommes. Il n’y a pas de conflit à ce sujet. Mais si on estime qu’elles fréquentent le hammâm totalement nues, personne ne peut douter qu’il faut interdire cela et que les époux doivent leur défendre d’agir ainsi. Il s’agit d’un constat au sujet d’un mauvais comportement, sur lequel il n’y a pas de divergences. Si on considère que certaines vont au hammâm en cachant leur bas-ventre alors que d’autres y sont découvertes, cela ne sert à rien puisqu’elles regardent celles qui sont dénudées. Leur est-il permis d’aller au hammâm en couvrant leur bas-ventre mais le corps découvert, comme le font les hommes auxquels cela est permis ? Il y a quatre opinions parmi les oulémas à ce sujet :

  •  La défense absolue. Cette opinion peut être acceptée vu que des femmes font preuve de peu de décence et ne cachent pas leurs parties honteuses. Si on rencontre des femmes couvertes, d’autres s’y promènent nues. Les partisans de ce point de vue sont de ceux qui ne permettent pas à une femme de porter le regard sur le corps d’une autre femme (…).
  •  La défense simple, sauf en cas de nécessité comme la maladie, le retour de couches (nifâs) ou bien s’il n’est pas possible de se baigner ailleurs, en raison du froid ou d’un autre motif. Cette opinion rejoint la première sauf que l’on a excepté l’état de nécessité.
  •  La réprobation. Cette opinion admet qu’une femme puisse voir le corps d’une autre femme et que l’une puisse se dénuder en présence de l’autre aussi. Mais il juge [la fréquentation du hammâm dans les conditions décrites précédemment] répréhensible par crainte de ce que peut entraîner la nudité (inkishâf).
  • La permission. Il s’agit de ceux qui soutiennent qu’il est permis à une femme de découvrir son corps en présence d’autres femmes et qu’une femme peut poser les yeux sur le corps d’une autre femme, hormis ses parties honteuses (…).
  • 119 Ibn al-Qattân, op. cit., 237-9, n° 56.
    71 L’opinion la plus vraisemblable à mes yeux au sujet de ce cas est que la fréquentation du bain est permise si les femmes sont entièrement couvertes, et répréhensible ou défendue si seul leur bas-ventre est couvert 119.

6. Les traités de police urbaine (hisba)

  • 120 Vincent Lagardère, op. cit., 362, n° 316.
  • 121 Evariste Lévi-Provençal, Séville musulmane au début du xiie siècle. Le traité de Ibn cAbdûn sur la (...)
    72 Les peurs des juristes ne sont pas de purs fantasmes. Ils ont quelques fondements dans les comportements de certains groupes d’hommes dans les villes. Ainsi à Cordoue, vers le xie/xiie siècle, on dut détruire le banc d’une boutique qui était mitoyenne avec un hammâm parce que des hommes s’y installaient et prenaient plaisir à importuner les femmes qui sortaient du bain 120. Dans cette même perspective, à la même époque, dans une autre grande cité de l’Andalousie, à Séville, Ibn cAbdûn, auteur d’un traité de police urbaine (hisba), recommande : « Le gabeleur des bains publics ne doit pas s’installer dans le vestibule des thermes quand ceux-ci s’ouvrent pour les femmes : c’est là motif à commerce charnel et à fornication » 121.
  • 122 Sur cette institution, voir Robert Buckley, « The muhtasib », Arabica, 1992, XXXIX, fas. 1 (sur les (...)
  • 123 Robert Serjeant, “A zaidî manual of hisbah of the third century (H)”, Revista degli Studi Orientali(...)
  • 124 Lévi-Provençal, op. cit., 108, n° 152.
  • 125 Charles Pellat, « Un “traité” de hisba signé : Saladin », in Renato Traini (éd.), Studi in onore di (...)
  • 126 Rachel Arié, « Traduction annotée et commentée des traités de hisba d’Ibn cAbd al-Ra’ûf et de cUmar (...)
  • 127 Dien Izzi, The theory and the practice of market law in medieval islam, London : Gibb Memorial Trust (...)
  • 128 Dien Izzi, op. cit., 46.
  • 129 Ibn Taymiyya, op. cit., 340.
    73 Sans cesse, les traités de police urbaine (hisba) 122 évoquent la nécessité de veiller aux bonnes mœurs et notamment de promouvoir la décence dans les bains publics. L’auteur d’un manuel yéménite du iiie/ixe siècle, l’imâm zaydite al-Nâsir li-l-haqq Hasan b. cAlî al-Utrûsh (m. 304/917) écrit : « Le muhtasib est tenu de commander au tenancier du bain de ne permettre à personne de fréquenter son établissement si ce n’est vêtu d’un pagne [vient ensuite une tradition prophétique pour appuyer cela]. L’employé du bain ne doit appliquer la pâte à épiler sur le corps du baigneur que sur la partie en-dessous des genoux ; quant à la partie au-dessus, c’est au baigneur de l’appliquer lui-même, ce sera plus décent. Il doit également défendre l’entrée du bain aux femmes sauf celles qui ont un motif valable (cilla) »123.

Au début du xiie siècle, Ibn cAbdûn, en Andalousie, rappelle l’interdiction d’évoluer nus pour tous : « Dans les thermes, le baigneur, le frotteur et le barbier ne doivent circuler qu’en caleçon ou en culotte courte »124.

Entré à Alep en 579/1183, Saladin fait rédiger par son secrétaire particulier un décret précisant les règles à faire respecter par le muhtasib. Parmi de nombreuses recommandations, on relève celle-ci : « Qu’il réprouve, est-il proclamé, avec la plus grande vigueur la nudité, surtout dans les bains publics » 125. Un traité andalou de la fin du Moyen Âge et dont l’auteur, cUmar al-Garsîfî, est un inconnu, ne dira pas autre chose : « Il ordonnera aux gens de couvrir leurs parties honteuses là où il est possible de le faire, dans les bains publics et autres lieux de ce genre »126.

Le hanafite Sunâmî (viie-viiie/xiiie-xive) recommande au muhtasib de ne pas permettre aux baigneurs de circuler nus à l’intérieur du hammâm. Il doit également ordonner de construire une séparation entre hommes et femmes 127. La femme ne doit aller au bain qu’avec la permission de son époux ; et quand elle s’y rend, elle devra se voiler. Elle peut y aller sans permission si elle est voilée et si elle a une bonne raison, comme la maladie ou le retour de couches. Certains considèrent que, même en l’absence d’un motif valable, la permission de l’époux suffit si elle se voile 128.

Dans le même sens, Ibn Taymiyya (m. 728/1328) rappelle ses devoirs au détenteur du pouvoir : « Il incombe à celui qui gouverne qu’il empêche quiconque d’agir ainsi [circuler nu à l’intérieur du bain] d’une manière légale, de même qu’il doit obliger le tenancier du bain à ne permettre à personne d’y avoir accès sous la forme défendue ». La journée du vendredi, les bains publics devaient être pris d’assaut par les fidèles qui se préparaient pour la prière collective du début de l’après-midi, car il est vivement recommandé de prendre un bain ce jour. Certains baigneurs devaient profiter de cette confusion pour traîner dans les bains publics et ne pas assister donc à l’office. Ibn Taymiyya n’oublie pas ces derniers et les ajoute à sa critique : « La fréquentation du bain à elle seule ne constitue pas une excuse valable pour ne pas participer à la prière du vendredi » 129.

74 On constate que les juristes résistent à la tendance qui se manifeste parmi les fidèles les plus prompts à vouloir interdire la fréquentation du hammâm aux femmes.

Citons le Yéménite Yahyâ b. Hamza (m. 749/1348), qui était zaydite :

  • 130 Kitâb tasfiyat al-qulûb, 525.
    La fréquentation des bains publics par les femmes est blâmable sauf pour la menstruante, la parturiente et la malade. Doit-on le leur signifier ou non, il y a ce sujet des hésitations. Le plus probable est que l’on ne doit leur reprocher dans les bains que ce que l’on reproche aux hommes. Quant à leur interdire d’aller au bain, on ne le peut sauf si ce dernier est associé à une chose mauvaise, qu’il faut faire disparaître avant même l’entrée au hammâm… 130

75 La question de la fréquentation du hammâm par les femmes est en rapport avec la discussion plus vaste de leur liberté de circulation. Considérons ce qu’écrit le juriste hanafite Ibn Nujaym (m. 970/1562) :

  • 131 Al-Ashbâh wa-l-nazâ’ir, Damas, 1983, 205.
    Le mari devra frapper son épouse dans les quatre cas suivants : si elle ne se fait pas belle après qu’il le lui a demandé ; si elle refuse de le rejoindre dans le lit alors qu’elle s’est purifée des menstrues ou du retour de couches ; si elle sort du domicile conjugal sans raison et sans son autorisation ; si elle n’observe plus la prière quotidienne… Elle peut sortir sans son autorisation dans un cas d’extrême urgence si elle en a le droit, ou si c’est une sage-femme, ou une laveuse de morts, ou si c’est pour rendre visite à ses deux parents une fois par semaine, ou ses autres parents au degré prohibé une fois par an. Hormis ces cas, elle ne peut se rendre chez des étrangers, pour les soigner ou participer à des banquets, elle ne doit pas sortir, y compris avec son autorisation. Et si jamais elle sort avec son autorisation, ils auront désobéi tous deux. Il y a des divergences au sujet de la fréquentation du hammâm par les femmes : l’opinion prise en compte est que cela est permis à condition qu’elle ne se fasse pas belle et ne se parfume pas 131.

76 Le problème, c’est quitter le domicile conjugal, échapper même un court instant à la surveillance du mari, de sa belle-mère ou des domestiques. Les rues sont un espace sur lequel personne ne peut exercer un contrôle étroit, même si le muhtasib a précisément cette fonction.

  • 132 Ibn Kaṯîr, Al-bidâya wa-l-nihâya, éd. cAbd al-Mawjûd et Mucawwad, Beyrouth, 1997, XI, 302 ; Ibn al-J (...)
  • 133 Ibn Kaṯîr, op. cit., XII, 103. Sur l’expulsion des prostituées de Baghdâd au ve/xie siècle, voir Ge (...)
    77 Parfois, exceptionnellement, on a assisté à des tentatives extrêmes. Ainsi en 405/1014, le Calife fâtimide du Caire al-Hâkim (m. 411/ 1020) interdit aux femmes de sortir de chez elles, de contempler le spectacle de la rue des terrasses et de fréquenter les bains publics. Il mit en place un système de contrôle de la population et fit exécuter de nombreuses femmes qui refusèrent de se soumettre 132. La politique de ce calife fâtimide ne se distinguait guère de l’attitude rigoriste des premiers docteurs sunnites vis-à-vis du hammâm. Au cours du même siècle, le Calife cabbâside de Baghdâd al-Muqtadî mena lui aussi une politique de moralisation des mœurs, mais moins excessive. Il chassa, en 469/1067, les chanteuses et les prostituées de la capitale et interdit aux hommes la fréquentation du hammâm sans pagne, sans en défendre cependant l’accès aux femmes. Tout cela fut conduit sous la pression des prédicateurs hanbalites et de leurs ouailles 133.

7. La perte de l’honorabilité (cadâla)

  • 134 Ibn Shâsh, op. cit., III, 1292. Il en est de même de Shâficî qui soutenait, selon Muzanî, que le té (...)
  • 135 Lagardère, op. cit., 114, n° 4/o. Il devra également subir un châtiment physique (cUqbânî, op. cit.(...)
  • 136 Ibn Rushd, Bayân, XVIII, 547.
  • 137 Op. cit., I, 357 (il s’appuie d’ailleurs sur Ibn Rushd).
  • 138 Lagardère, op. cit., 45, n° 169.
  • 139 Badâ’ic al-sanâ’ic, Beyrouth, 1996, VI, 408.
  • 140 Op. cit., XIII, 8.
  • 141 Rawdhat al-tâlibîn, éd. Abd al-Mawjûd et Mucawwad, Beyrouth, 1992, VIII, 202.
  • 142 Op. cit., I, 277-281.
    78 Une des menaces qui pèsent sur l’homme qui ne se couvre pas dans le hammâm, ou qui le fréquente en même temps que des baigneurs impudiques ou encore qui ne s’oppose pas à ce que sa femme s’y rende sans raison valable, est la perte de son honorabilité (cadâla), condition sine qua non pour que son témoignage soit accepté par le juge. Quelques lignes, parfois des pages entières, sont consacrées à cette question dans les ouvrages de droit. Généralement, on considère que toute faute majeure entraîne la perte de l’honorabilité. Les mâlikites expriment à ce sujet une opinion très stricte ; il est vrai que l’on prête à Mâlik lui-même ce point de vue 134.

Les membres de l’École qui se réclame de lui n’ont pu faire moins. Ainsi pour le Maghrébin Yahyâ b. cUmar (m. 289/901), le témoignage de qui circule nu dans le bain public n’est pas recevable tant qu’il ne s’est pas repenti 135. C’est également le point de vue de Ibn Rushd (m. 520/ 1126) 136 et de Ibn al-Hâjj (m. 737/1336) 137.

Ahmad b. al-Qâsim al-Qabbâb (m. 708/1310), Marocain de la même école, va plus loin encore quand il affirme que l’homme qui donne de l’argent à son épouse pour se rendre au bain public, cesse de jouir de l’irréprochabilité (cadâla) car « de nos jours », les femmes y circulent complètement nues 138.

Le hanafite Kâsânî (m. 587/1191) partage ce point de vue : « Point d’honorabilité pour celui qui circule dans le bain sans pagne car cacher son bas-ventre (cawra) est un devoir » 139.

Le shâficite Râficî (m. 623/1230) est moins précis à ce sujet. Pour lui, seules les fautes majeures (kabâ’ir) entraînent la perte de l’honorabilité, non les fautes mineures (saghâ’ir) ; or il range le fait de circuler nu dans le bain (kashf al-cawra fî-l-hammâm) parmi ces dernières 140.

Nawawî (m. 667/1273), shaficite lui aussi, range également la tenue indécente ou impudique (kashf al-cawra) parmi les fautes mineures141. Mais tous les shâficites ne sont pas unanimes à ce sujet.

Ainsi Ibn Hajar al-Haytamî (m. 973/1567), à une époque plus tardive, voit dans le fait d’exhiber ses parties sans nécessité et d’évoluer à l’intérieur du hammâm sans pagne une des grandes fautes majeures, qu’il fait figurer au soixante-quatorzième rang dans une échelle qui en compte quatre cent soixante-sept 142.

Vers un code moral : pudeur, économie, piété

79 Selon toute probabilité, le premier à rassembler les règles de conduite que doit observer le fidèle à l’intérieur du bain public et à les présenter sous une forme systématique est le soufi Abû Tâlib al-Makkî (m. 386/996).

  • 143 Ce constat est rémanent chez les juristes à toutes les époques : ils se plaignent en permanence que (...)
  • 144 Cette idée, où l’on sent la volonté de rompre avec la tradition païenne du bain, n’est-elle pas d’o (...)
  • 145 Il y a ici une référence à la censure morale et religieuse théorisée par les juristes « commander l (...)
  • 146 Le prix du bain pose un problème délicat aux juristes, car en effet comment estimer a priori l’eau (...)
  • 147 Cette dernière idée est certainement une des plus importantes au ive/ xe siècle au sujet du bain pu (...)
  • 148 Makkî, op. cit., II, 495-6.
    De nos jours, il est préférable de s’abstenir de fréquenter le hammâm parce qu’un grand nombre d’individus y évoluent entièrement nus et qu’on ne peut y faire respecter la Loi 143.

Toutefois, sa fréquentation est permise (mubâh) (…). Des Compagnons de l’Apôtre de Dieu sont entrés dans des bains en Syrie. On ne doit pas aller au hammâm par appétit (shahwa), [dans le but de satisfaire] un plaisir mondain (li-câjil hazz dunyâh) ou sans raison (cabatan), par penchant (hawâ) 144, car comme il s’agit d’un acte humain (camal min acmâl al-cabd), chacun est responsable de ses actes et aura à en rendre compte.

Concernant la fréquentation du hammâm, il y a huit règles (ahkâm), dont quatre obligatoires (farâ’idh) et quatre surérogatoires (nawâfil). Les devoirs [du baigneur] sont : 1° couvrir sa nudité ; 2° baisser le regard ; 3° il ne doit toucher son corps qu’avec sa main ; 4° il doit ordonner le bien, comme s’il voit un homme nu, il doit lui dire « Couvre-toi, cela est illicite ou cela ne t’est pas permis, ou l’Apôtre de Dieu a défendu d’entrer dans le hammâm sans pagne » 145.

Dès lors qu’il a dit cela, il n’est plus astreint à rien d’autre, même s’il est amené à voir d’autres choses défendues. Cependant il ne doit pas essayer de faire usage de la contrainte car cela est une prérogative de l’autorité chargée de faire respecter l’ordre religieux (al-imâm al-qâ’im bi-sâlih al-dîn). Les règles surérogatoires sont : 1° il ne doit rechercher la pureté que dans un but religieux (li-ajl al-dîn) et la propreté que dans celui du culte, car la pureté est la meilleure des choses qui ont trait à l’Autre monde (âkhira) et le hammâm est ce qu’il y a de mieux pour se purifier (ghâyat al-tuhr) ; 2° il doit donner le prix du bain au propriétaire à l’entrée ; 3° il ne doit pas verser de l’eau sur lui en trop grande quantité sans nulle nécessité, ni laver ses deux pieds avec la quantité d’eau nécessaire pour en laver trois, surtout s’il s’agit d’eau chaude 146 ; 4° il doit se rappeler au contact avec la chaleur du hammâm du Feu 147 [éternel] 148.

  • 149 Dans les lignes qui suivent, je résume le texte de Ghazzâlî..
    80 Le shâficîte Ghazzâlî (m. 505/1111), qui a été profondément marqué par Makkî, donnera également sa version de ces règles. Il distinguera entre des devoirs (wâjib) et des règles à proprement parler (sunan) 149.
  • 150 L’exposé de Ghazzâlî est quelque peu confus à ce sujet. Il commence par dire « quant aux règles, el (...)
  • 151 En référence à l’obligation de prendre un bain pour la prière collective du vendredi.
  • 152 Le problème que pose le prix du bain tient au fait que l’on doit se projeter dans le futur, car on (...)
  • 153 Cependant « se laver les pieds à l’eau froide à la sortie du bain prévient le mal de tête » selon u (...)
  • 154 Ghazzâlî, Ihyâ’ culûm al-dîn, Damas, s.d., I, 123-4.
    Il n’y a pas de mal dans la fréquentation du bain public.

Les Compagnons du Messager de Dieu sont entrés dans les bains de Syrie. L’un d’entre eux a dit : « La plus douce des maisons est le bain public, il purifie le corps physique et remémore le Feu ». On a rapporté cela sous l’autorité de Abû al-Dardâ’ et de Abû Ayyûb al-Ansâri.

Un autre a dit : « La plus détestable (bi’s) des maisons est le bain public, il découvre les nudités et éloigne la pudeur ». Ce propos attire l’attention sur ses maux, le précédent sur ses bienfaits. Il n’y a pas de mal à rechercher ses bienfaits, si l’on se garde de ses dangers.

Celui qui fréquente le bain public doit observer quelques règles et obligations. Ainsi il est tenu à deux devoirs concernant sa propre nudité et deux autres concernant la nudité d’autrui. Quant aux deux obligations concernant sa propre nudité, il se doit de la protéger du regard d’autrui ainsi que du toucher de la part d’autrui ; il doit laver lui-même ses parties et enlever la crasse de ses propres mains ; il doit empêcher le frotteur de toucher sa cuisse ainsi que la partie comprise entre son nombril et le pubis. Quant à permettre de toucher de la main ce qui ne fait pas partie des organes génitaux afin d’en éliminer la saleté, c’est une éventualité, mais le plus juste c’est la défense, car concernant les parties on a assimilé le toucher au regard ; il doit en être de même du reste de la nudité, comme la cuisse.

Pour ce qui est des deux devoirs qui ont trait à la nudité d’autrui, il devra baisser les yeux afin de ne pas porter le regard sur elle et interdire de la découvrir, car interdire le mal est obligatoire. Cette obligation ne tombe que s’il craint de recevoir des coups ou des injures… La détermination c’est aujourd’hui de s’abstenir d’aller au hammâm dans la mesure où la nudité des corps s’y étale, notamment la partie comprise entre le nombril et le pubis, car les gens ne la tiennent pas pour nudité. Or la Loi la considère comme telle et la tient pour tabou. C’est pour cela qu’il est préférable de se rendre au hammâm quand il est vide. Bishr b. al-Hariṯ a dit : « Il n’est pas rude l’homme qui, ne possédant qu’un dirham, le donne pour vider le hammâm ». On a vu Ibn cUmar dans le hammân son visage tourné vers le mur, alors qu’il avait mis un bandeau sur ses yeux. Un soufi a dit : « Il n’y a pas de mal à aller au hammâm à condition d’avoir deux pagnes, l’un pour sa nudité, l’autre pour se voiler la tête et protéger ses yeux ». Quant aux règles, elles sont au nombre de dix1 0. 1° L’intention : il ne doit pas se rendre au bain pour un motif mondain, ou sans raison, pour satisfaire une passion (hawâ) ; il doit avoir pour objectif la propreté afin d’être beau pour la prière151. 2° Il doit donner le prix du bain au tenancier (hammâmî) avant d’entrer dans la salle chaude, car on ne connaît pas la dépense qu’il occasionnera ni ce qu’escompte le tenancier 152. 3° Il devra entrer à l’intérieur du hammâm du pied gauche. 4° Il devra prononcer des paroles propitiatoires (« Au nom de Dieu, le Bienfaisant, le Miséricordieux ! je me réfugie auprès de Dieu, contre la souillure et l’impureté, le Malin ignoble, Satan le lapidé »). 5° Il doit pénétrer dans le hammâm quand il est vide ou bien, s’il en a les moyens, il le loue pour lui tout seul, car s’il n’y a dans la salle chaude que des gens pieux et ceux qui veillent à ne pas dévoiler leur nudité, le regard posé [accidentellement] sur les corps nus donne lieu à un trouble du fait de l’absence de pudeur qui évoque à l’esprit les parties [des baigneurs]. L’homme qui a ceint un pagne ne peut éviter de se découvrir parfois quand il fait tel ou tel mouvement ; le regard [du baigneur] peut ainsi se poser involontairement sur la nudité d’autrui. C’est pour cette raison que Ibn cUmar a mis un bandeau sur ses yeux. 6° Il doit se laver les deux bras à l’entrée.7° Il ne doit pas se précipiter dans l’étuve avant la première sudation. 8° Il doit éviter de verser l’eau en trop grande quantité mais se restreindre à ce qui lui est nécessaire, surtout pour ce qui concerne l’eau chaude, qui est chère et exige des efforts. 9° La chaleur qui règne dans le hammâm doit l’aider à se remémorer la chaleur du Feu éternel. Qu’il s’imagine un instant enfermé pendant une heure dans l’étuve et compare cette situation à celle de la Géhenne. L’étuve est le lieu le plus ressemblant avec l’Enfer : il y a du feu en-dessous et l’obscurité au-dessus. Les autres règles ou usages sont, pour ce qui concerne la loi religieuse : à l’entrée, il ne devra saluer personne ; si on le salue, il ne répondra pas au salut en utilisant le mot « paix » (salâm) mais se taira ; s’il préfère il pourra dire « Que Dieu te pardonne ! » ; il n’y a pas de mal dans la poignée de mains ; il devra éviter de parler en excès ; la récitation du Coran devra demeurer silencieuse (sirran) ; il n’y a pas de mal à dire à voix haute la formule protectrice contre le Démon ; il est répréhensible d’aller au hammâm un peu avant le coucher du soleil et entre cet instant et la dernière prière (cishâ’), car c’est durant ce moment que les démons se répandent ; il n’y a pas de mal à se faire frotter le corps par un employé du bain, en dehors des parties défendues ; une fois que le bain est terminé, il devra remercier Dieu pour cette grâce. Pour ce qui concerne la médecine : le bain après l’épilation prévient la lèpre (judhâm) ; l’épilation une fois par mois apaise la bile jaune, éclaircit le teint et accroît la puissance sexuelle ; en hiver, uriner debout à l’intérieur du bain vaut mieux que d’ingurgiter des médicaments ; en été, un somme après le bain équivaut à la prise de médicaments ; après la sortie du bain, on se lavera les pieds avec de l’eau froide pour prévenir la goutte 153 ; mais il est blâmable de s’asperger la tête d’eau froide ou d’en boire au moment de quitter le bain 154.

81 Abû Bakr al-Samcânî (m. 562/1166) est l’auteur d’un traité sur les règles de bonne conduite en ce qui concerne le bain public. Cet ouvrage ne nous est pas parvenu. Nous en connaissons le ton grâce à quelques passages qui sont cités par deux autres célèbres shâficites, Nawawî (m. 667/1273) et Suyûtî (m. 911/1505).

  • 155 Il doit dire la formule propitiatoire qui commence par acûu bi-llâh par laquelle on obtient la pro (...)
  • 156 Nawawî, Kitâb al-majmûc, Beyrouth, 1995, II, 236-7 ; voir aussi Suyûtî, Muntaqâ, 102-3.
    L’essentiel du discours sur le hammâm est que sa fréquentation est permise aux hommes pourvu qu’ils se couvrent et baissent les yeux, et répréhensible pour les femmes sauf si elles ont un motif, comme le retour de couches ou si elles sont malades. On a déclaré blâmable la fréquentation du hammâm pour les femmes car la règle de se couvrir est dans leur cas plus impérieuse (mubâlagha), dans la mesure aussi où se déshabiller hors de chez elles, est une grave atteinte (hitk) et où sortir et se réunir [hors de chez elles] constitue un désordre (fitna) et un mal.

Le baigneur doit faire preuve d’une bonne éducation : il doit notamment se remémorer, au contact de la chaleur du hammâm, celle du Feu éternel ; il doit se réfugier auprès de Dieu 155 contre sa chaleur et Lui demander de l’envoyer au Paradis ; son but doit être la propreté et la purification et non le plaisir et la volupté ; il ne doit pas y entrer s’il voit des gens nus, mais rebrousser chemin ; il ne doit pas non plus y effectuer la prière canonique ; il ne doit pas y réciter le Coran ni saluer ; après être sorti, il devra demander pardon à Dieu et faire deux prosternations, car on dit « le jour du bain est un jour de péché » (yawm al-hammâm yawm im) 156.

  • 157 Ibn Muflih, op. cit., 321.
  • 158 Muntaqâ, 104.
    82 Le hanbalite Ibn Muflih (m. 763/1362) ne fait pas preuve d’une grande originalité par rapport à ses prédécesseurs, notamment Ghazzâlî. Toutefois, on ne rencontre certaines règles que chez lui : le baigneur devra tout en se dirigeant vers un endroit du hammâm vide s’efforcer de regarder en direction du mur ; il devra également éviter de jeter des regards par-dessus son épaule 157. Suyûtî (911/1505) quant à lui se contente de reproduire en l’abrégeant le « code » de Ghazzâlî 158.

83 Selon Qurtubî (m. 671/1273), le verset 24, 30, constitue le fondement scripturaire de la défense pour les hommes de fréquenter le hammâm sans pagne. Il cite à ce sujet un propos attribué à Ibn cUmar : « La plus agréable des dépenses, c’est l’argent que l’on donne pour être seul au hammâm ». La fréquentation du hammâm par les hommes est permise quand ils sont couverts d’un pagne, pour les femmes également en cas de nécessité, comme pour la toilette après les menstrues, les couches ou en raison d’une maladie. Toutefois il est beaucoup plus préférable, pour elles, qu’elles se baignent si cela leur est possible à domicile (fî buyûtihinna). À l’appui, il rapporte le hadîth de Umm Dardâ’ (voir précédemment), ainsi que cet autre compilé par Bazzâr (m. 292/904) : « – Prenez garde à une maison qu’on appelle hammâm. – Ô Messager de Dieu ! il aide à supprimer la saleté. – Couvrez-vous [alors]. »

  • 159 Qurtubî, op. cit., XI, 149-50.
    Quant à fréquenter le hammâm de nos jours, cela est défendu pour les gens vertueux et pieux (ahl al-fadhl wa-l-dîn), en raison de la prédominance de l’ignorance parmi les gens, qui jettent leurs pagnes et se dénudent facilement au beau milieu de la salle chaude. Ainsi on peut y voir des hommes biens faits, à la chevelure blanche, debout, tandis que ceux qui en sortent, dévoilant leur nudité, couvrent leur bas-ventre de leurs mains ; et personne ne fait rien pour mettre fin à cette situation. Si cela a lieu parmi les hommes, c’est encore pire parmi les femmes ! Notamment dans les grandes cités dont les bains publics sont dépourvus pour les yeux des gens de visions chastes.

Les oulémas disent que si l’on se couvre, on peut aller au hammâm à condition d’observer dix conditions : 1° [Le croyant] ne doit y aller que dans l’intention de se soigner ou bien de se purifier de la transpiration. 2° Il doit s’y rendre pendant les heures où il est vide ou les moments de faible affluence. 3° Il doit couvrir sa nudité à l’aide d’un pagne en tissu épais. 4° Il doit diriger son regard vers le sol ou en direction du mur afin qu’il ne le porte [par mégarde] sur ce qui est défendu. 5° Il doit changer ce qui est mal avec douceur, en disant : « Couvre-toi, Dieu te couvrira ! » 6° Si on le frotte, il doit empêcher qu’on approche sa nudité, qui désigne la partie comprise entre le nombril et le genou, sauf s’il s’agit de son épouse ou de son esclave [de sexe féminin, bien sûr].
Il y a une divergence au sujet des cuisses, pour savoir si elles font ou non partie de la nudité. 7° Il doit payer un prix défini par une stipulation [écrite] ou par l’usage. 8° Il ne doit verser de l’eau sur lui-même que selon son besoin. 9° S’il n’a pas les moyens de s’y rendre seul, il peut s’entendre avec des gens qui ont le souci de leur religion pour qu’ils louent le hammâm pour leur usage collectif. 10° Il doit lui remémorer l’Enfer et ses tourments. Si [observer toutes ces règles] ne lui est pas possible, qu’il se couvre et s’efforce de baisser le regard 159.

84 Une autre version de ce code a été donnée par Ibn al-Hâjj (m. 737/1336), ce juriste mâlikite particulièrement sourcilleux et préoccupé par la lutte contre « les innovation blâmables » (bidac) :

  • 160 Ibn al-Hâjj, op. cit., 358.
    Nos docteurs de la Loi ont permis la fréquentation du hammâm sous certaines conditions. 1) Personne – homme ou femme – ne doit se rendre au hammâm si ce n’est dans un but thérapeutique (illâ li-l-tadâwî). 2) On ne doit s’y rendre que pendant les moments où il est vide ou quand les baigneurs ne sont pas nombreux. 3) On doit se vêtir d’un pagne épais. 4) On doit diriger son regard vers le sol ou le mur afin qu’il ne se pose pas sur ce qui est défendu. 5) [Le baigneur] doit intervenir avec douceur pour faire cesser tout comportement indécent en disant [au baigneur] « Couvre-toi, que Dieu te couvrira ! » 6) Si quelqu’un le frotte, il ne doit permettre à personne d’autre que son épouse ou sa concubine de lui frotter la partie entre le nombril et le genou. 7) Il doit payer un prix déterminé à l’entrée. 8) Il ne doit utiliser que la quantité d’eau correspondant à ses besoins. 9) S’il ne peut pas [louer] pour lui seul le hammâm, il peut s’entendre [pour le louer en commun] avec des gens qui veillent sur leur religion. 10) Le bain doit lui rappeler le châtiment éternel160.
  • 161 Ibn Shâsh, op. cit., III, 1292-3.
  • 162 Al-Qawânîn al-fiqhiyya, Alger, 1987, 347.
    85 Le « code » défini par Qurtubî se retrouve, presque mot pour mot, chez deux autres mâlikites : l’Égyptien Ibn al-Shâsh (m. 616/1242), qui déclare l’emprunter à Ibn al-Arabî (m. 543/1148) 161, et l’Andalou Ibn Juzayy (m. 741/1340) 162. Ce code est issu des différentes règles énoncées par al-Makkî au ive/xe siècle. La version qu’en donne ce dernier ne comporte pas les règles n° 2 et 9.

86 Comme on l’a vu à l’instant, le hanbalite Ibn Taymiyya (m. 728/ 1328), lui aussi, a eu à prendre position sur le hammâm, dont il a pris la défense, contre une tendance à son avis trop rigoriste. Il a été conduit dans cette perspective à définir les règles de conduite du baigneur musulman.

  • 163 Ibn Taymiyya, op. cit., 334.
    Le baigneur devra couvrir ses parties. Il devra faire en sorte que personne ne les voit ni ne les touche, que ce soit l’employé (qayyim) qui le lavera ou tout autre ; il ne devra pas de son côté porter les yeux sur le bas-ventre d’autrui ni non plus le toucher, s’il ne s’agit pas de soins. Il devra recommander le bien et défendre de mal agir, selon les lieux, comme le Prophète a dit : « Celui d’entre vous qui est présent alors qu’on accomplit une mauvaise action, il devra intervenir pour la faire cesser, s’il ne le peut il devra la condamner verbalement, sinon il la condamnera dans son for intérieur ». Le baigneur devra donc recommander de se couvrir [à ceux qui sont nus] ; mais s’il lui est possible de fréquenter un bain où aucune mauvaise action ne s’accomplit, cela est préférable, car assister à un tel spectacle alors que rien ne vous y contraint est défendu.
    Il ne doit pas gaspiller l’eau, car cela est défendu absolument, en raison des droits du tenancier. L’eau qui s’y trouve est un bien d’entre ses biens, qui a un prix (qîma). Il devra observer les règles de la Sunna en matière de purification (…) 163.
  • 164 Ibn Taymiyya, op. cit., 335.
    87 Ibn Taymiyya insiste plus que tous les autres juristes sur la nécessité de tenir le bain pour un lieu pur : « Dans le hammâm, le sol est en principe pur ». Même si des baigneurs y ont uriné, suffisamment d’eau y a été jetée pour faire disparaître toutes ces impuretés 164.

88 Ainsi si l’on met de côté Abû Tâlib al-Makkî, ce sont principalement des juristes du vie/xiie siècle et après qui ont essayé de définir les règles de la bonne conduite que doit observer le croyant quand il se rend au hammâm. Cela explique sans aucun doute le fait qu’avant cette époque, bien peu de traités se préoccupent de ces problèmes.

Conclusion : un lieu de dressage

  • 165 « Vous trouverez la vertu, écrit-il dans De la vie heureuse, au temple, au forum, à la curie, elle (...)
  • 166 Fikret Yegül, Baths and bathing in classical Antiquity, Cambridge, 1992, 40.
  • 167 Yegül, op. cit., 41-2.
  • 168 Yegül, op. cit., 315.
  • 169 Yegül, op. cit., 317.
  • 170 Yegül, idem  ; Dominique Laty, Histoire des bains, P.U.F., coll. Que sais-je ?, 1996, 37.
    89 La critique du bain public formulée par les juristes musulmans s’inscrit dans la longue durée de la culture proche-orientale.

Au ier siècle, Sénèque 165 et Pline l’Ancien se sont élevés contre la dépravation des mœurs et le goût pour le luxe, dont les thermes étaient selon eux une des principales cristallisations 166.

Dans l’Empire romain, la critique des bains publics était associée à celle de l’éthylisme, de la gloutonnerie et de la licence sexuelle. On tenta en vain d’interdire les bains mixtes 167.

Les Pères de l’Église enfourchèrent la même thématique, avec plus d’intransigeance, de sévérité mais aussi d’efficacité. « Celui qui a été baigné une première fois en Christ n’a nul besoin d’un second bain », écrit St Jérôme. Malgré son hostilité au bain public, l’Église n’alla jamais jusqu’à l’interdire de manière absolue 168. Un ermite palestinien estimait que la pratique du bain est bénéfique quand elle a des buts thérapeutiques ; dans les autres cas, elle ramollit le corps et éveille l’appétit charnel. Tout en admettant l’utilité du bain sur le plan médical, les autorités ecclésiastiques ne manquaient pas de dénoncer « l’atmosphère de plaisir et de péché » qui l’entourait. L’Église tenta également d’imposer l’idée que les bains de l’époque païenne étaient liés au démon ; elle les purifia ; et on continua à les fréquenter. Au ive siècle, un Père de l’Église décrivait un bain syrien comme une place où le diable avait posé ses pièges 169. L’association entre le diable et les tentations pécheresses propres au bain allait de soi aux yeux d’un croyant strict au Moyen Âge. Dans les Actes apocryphes de Jean, quand l’Apôtre entre à Éphèse, il commence par exorciser le bain qui est hanté par un démon particulièrement retors, probablement l’esprit de la déesse Artémis, qui est liée aux eaux. Les thermes de Dioclétien à Rome ont dû également être purifiés au xie siècle, sous Urbain II, avant qu’ils soient partiellement inclus à un monastère. Le bain comme activité ressortissant de la luxure s’opposait de manière claire à la notion chrétienne de spiritualité, réfugiée dans une exaltation du corps souffrant. C’est pour cela que les rites d’une institution païenne qui avaient symbolisé pendant des siècles le culte du corps physique et de sa beauté devaient être rectifiés avant d’être acceptés par la nouvelle religion. L’Église était disposée à accepter la pratique du bain si on en expurgeait la composante de plaisir et si elle était donc réduite à sa dimension hygiénique ou médicale. C’est pour cela que Grégoire le Grand (504-604) déclara que le bain répondait aux besoins du corps physique et ne devait pas avoir pour but de procurer des plaisirs, mais il ne le réprouva pas 170.

  • 171 En Syrie, dès le ive/xe siècle, « les principales agglomérations [étaient] en général pourvues d’un (...)
    90 De leur côté, les hommes de religion en islâm vont concentrer le feu de la critique sur le terrain de la morale sexuelle.

Confrontés à cette invention exogène, si utile et si agréable, qui est déjà là, puisqu’elle fait partie des équipements de la ville byzantine, ils ont été amenés à déployer tout leur art de la casuistique pour entériner cette adoption. Tout en se défiant du hammâm, voire en le dénonçant, ils vont lui donner droit de cité. Alors que les plus pieux d’entre eux, pour ne pas parler des plus zélés, adressent de sévères critiques au bain public, il ne disparaît pas pour autant du monde musulman ; au contraire, il est adapté à la nouvelle religion et devient même un des symboles les plus forts de sa civilisation 171. Voire même, certains n’hésitent pas, comparant l’étuve à l’Enfer, à faire du hammâm un instrument d’édification des baigneurs.

  • 172 Malgré une approche très discutable, voir les éléments d’information dans Abdelwahab Bouhdiba, La s (...)
    91 En devenant hammâm, les thermes romains ont vu leur fonction anthropologique subir une mutation significative : ils sont devenus un des lieux incontournables du dressage des sujets. Regardés avec méfiance, critiqués et dénoncés pour les fautes qui s’y commettaient, les bains publics n’ont jamais pourtant disparu du monde islamique, comme ce fut le cas en Europe de l’Ouest. Les courants religieux les plus puritains, comme le hanbalisme, les ont admis sous certaines conditions. S’ils ont malgré tout subsisté et sont même devenus un « organe » majeur de la société, c’est parce qu’ils permettaient l’inculcation de notions majeures comme la « décence » ou la « pudeur » 172, cet apprentissage se faisant à la fois par la voie discursive (la prédication surtout) et par le corps lui-même.

92 Il n’y a pas une époque où les juristes ne prennent pour cible le hammâm et les baigneurs, en particulier sa clientèle féminine.

On est frappé par la permanence de la récrimination. Il suffit d’ouvrir n’importe quel texte, parmi ceux qui ont été étudiés ici : à entendre chacun des auteurs, tous vivent à une époque de décadence des mœurs, où la pudeur est mise fort à mal. Nous qui avons le privilège de pouvoir considérer d’un coup d’œil cet ensemble conclurons qu’il s’agit d’un effet de miroir. Si tous déclarent vivre à une époque décadente, c’est qu’il n’y a nulle décadence… Dès lors comment expliquer cette dramatisation des juristes et des censeurs ? Le hammâm est un lieu très dangereux ; il peut être à l’origine de troubles, notamment en aidant à répandre des attitudes antagoniques avec la pudeur.

L’homosexualité peut s’y développer, des femmes peuvent y nouer des contacts avec des amants grâce à des entremetteuses. Il faut donc demeurer vigilant, en incitant les autres à la même vigilance. C’est également un lieu menacé en permanence par le désordre moral. C’est pour cela qu’à toutes les époques, des voix s’élèvent pour rappeler le respect des règles de la bienséance par les baigneurs et les baigneuses.

Dans le hammâm, le dressage du sujet s’accomplit par l’intermédiaire du regard d’autrui : l’autre est chaudement invité à ne pas porter le regard sur le corps dévêtu des baigneurs qui le côtoient, mais de ne pas donner non plus son corps nu en spectacle. Le regard d’autrui est ainsi seulement postulé ; il doit suffire à engendrer la crainte. Toutes les règles de la décence sont assujetties à ce postulat. C’est ainsi que se construit le rapport du sujet à son corps : les pulsions, dont l’expression publique et manifeste est défendue, sont renvoyées du côté de l’intime, voire du secret. C’est à l’apprentissage de cette discipline que sert et a servi pour l’essentiel le hammâm.

Source : https://journals.openedition.org/rhr/5783

I’m not going near that one. So, that’s today’s Spiritual Almanac. For additional reading, see The Poetry of Arab Women : A Contemporary Anthology, edited by Nathalie Handal. 

Be kind, take good care and we’ll see you soon. 

“Lament for a Brother” by al-Khansa. Public domain.

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    Femmes écrivaines arabes. Traduit de l’arabe par Mandy McClure - Traduction du 23 février 2022 par Jacques Hallard d’une étude intitulée « Arab women writers ». Translated from the Arabic by Mandy McClure – Document ‘thefreelibrary.com’ - Source : https://www.thefreelibrary.com/Arab+women+writers.-a0194332063
    Contrairement à beaucoup d’autres femmes écrivains, les écrivaines arabes puisent dans un héritage riche et ancien, qui remonte aux civilisations qui ont fleuri dans la région avant la conquête islamique. Quant à l’héritage arabe, il nous ramène à une ancêtre vénérable, al-Khansa’, dont les poèmes et les exploits enregistrés lui confèrent une position sûre dans le canon. Parmi les anecdotes relatées à son sujet, on trouve cette histoire éclairante : on raconte qu’al-Khansa’ se rendit chez al-Nabigha alors qu’il était assis à ’Ukaz et lui récita son célèbre poème ‘ra’iya’. Al-Nabigha lui dit : ’ Si Abou Basir [al-A’sha] ne m’avait pas déjà récité, j’aurais dit que tu es le plus grand poète des Arabes. Va, car tu es le plus grand poète parmi ceux qui ont des seins.’ Al-Khansa’ répondit : ’Je suis aussi le plus grand poète parmi ceux qui ont des testicules’.

Il n’est pas nécessaire de commenter ici l’audace verbale d’Al-Khansa’, que de nombreux critiques européens et féministes pourraient envier.

Al-Khansa’ émerge de manière positive dans la culture ; d’autres étaient ostracisés et considérés comme l’incarnation de la méchanceté et de la dépravation. Dans les périodes ultérieures - les époques abbasside, omeyyade et andalouse - les dictionnaires biographiques et les encyclopédies littéraires sont remplis de centaines de noms de femmes, y compris de poétesses.

Un chercheur a compté 242 poètes féminins, d’al-Khansa’ à Wallada Bint al-Mustakfi, et dans son étude sur les femmes de la période abbasside, Wajda al-Atraqji dénombre quarante-cinq poètes féminins au cours des cent premières années de la période abbasside. Certaines de ces femmes, comme Wallada Bint al-Mustakfi, appartenaient à l’élite dirigeante. Deux vers de poésie qui lui sont attribués auraient été brodés en or sur ses vêtements :

J’ai été faite pour les hautes choses de la vie, par Dieu.

Quand je marche, je me pavane avec fierté.

Je donne ma joue à mon amant

Et mon baiser à celui qui en a envie.

Les noms incluent également des croyants fervents qui ont composé des poèmes soufis, notamment Rabi’a al-’Adawiya, ainsi que des esclaves chanteuses qui étaient des poètes. L’érudit du dixième siècle Abu-l-Faraj al-Isfahani a composé un livre intitulé Rayy al-zama fi man qal al-shi’r rain al-ima (Extraits désaltérants de la vie de poètes filles esclaves), qui contient les biographies de trente et une filles esclaves et des extraits de leur poésie. Peut-être des chercheuses se pencheront-elles sur la vie de ce troisième groupe de poètes, en lisant leur poésie et en analysant leur portrait dans les dictionnaires biographiques médiévaux, tronqués ou emprisonnés sous la rubrique ’fille esclave’.

Jusqu’à présent, aucun chercheur ne s’est intéressé de près à ces poètesses talentueuses, prises dans leur dilemme existentiel de femmes possédées, mais dont le rôle préétabli exigeait une exploitation perpétuelle de l’esprit, de la ruse et de la tromperie. Ces femmes combinaient deux fonctions étranges : elles devaient servir, se soumettre et plaire, mais en même temps, elles étaient des pairs et des rivales en poésie, qui pouvaient prendre le dessus avec une pensée unique ou une tournure de phrase éloquente.

Les écrivaines arabes contemporaines s’inspirent d’une tradition riche et complexe qui englobe la croyante qui récite des poèmes sur l’amour divin, la princesse qui possède le savoir, le pouvoir et le prestige, la jeune esclave formée au luth et qui satisfait son maître, la femme forte et libre capable de s’exprimer en public avec éloquence, parfois avec audace ou même de manière obscène, et la femme timide qui parle à voix basse derrière le rideau. La mère de toutes ces femmes est, bien sûr, Shéhérazade, la maîtresse de la parole, qui raconte histoires sur histoires. Ses contes dépassent le temps et l’espace et, grâce à eux, elle quitte la chambre du roi pour entrer dans le monde.

Les écrivaines arabes contemporaines, leurs textes - l’ensemble des textes qu’elles ont produits - ont ajouté quelque chose, qu’il s’agisse d’une perspective différente, d’un nouveau ton de voix ou d’une sensibilité distincte formée au cours de siècles de silence et d’oppression dans un monde longtemps régi par le patriarcat. Cette sensibilité a également été façonnée par la multiplicité des rôles joués par les femmes, même après qu’elles se soient suffisamment émancipées pour travailler comme écrivaines.

L’historien français Clot Bey raconte que Napoléon lui a parlé du traitement réservé par le général Menou à sa femme égyptienne et de l’influence de ce traitement sur l’ambition des Égyptiennes de changer leur situation. Le général Menou, chef de l’expédition française en Égypte (1798-1801), a épousé une femme de Rosette et, selon l’histoire, l’a traitée comme les Français traitaient leurs femmes (c’est-à-dire les Français de l’aristocratie et de la classe moyenne). Clot Bey rapporte une histoire racontée par Napoléon, selon laquelle le général Menou emmenait sa femme avec lui à diverses réceptions, marchant à côté d’elle et lui offrant son bras. Il lui choisissait un siège en bout de table et lui apportait les mets qu’elle désirait. Quand elle a raconté cela aux femmes du bain public, on dit que leurs visages se sont remplis d’espoir et qu’elles ont pensé que c’était un signe que leur situation allait changer. Elles ont envoyé une lettre au ’Sultan’ Bonaparte lui demandant de forcer leurs maris à les traiter comme Menou a traité sa femme.

Malgré sa particularité, l’anecdote est significative. Il est difficile d’ignorer la source de changement proposée (France/Europe, représentée par le général Menou et Bonaparte). Nous n’ajoutons rien de nouveau si nous notons que la libération des femmes, comme d’autres aspects de la renaissance dans le monde arabe, a soulevé une contradiction problématique entre une entreprise de libération motivée par un désir de modernisation et de progrès et un point de vue qui voyait dans le colonisateur la source principale de cette modernisation. L’histoire de Napoléon concernant la femme de Rosette et son mari français est très suggestive. Le Français est un général venu par la force des armes pour exécuter sa mission de pillage et de contrôle ; la femme est originaire de Rosette, site de l’un des chapitres les plus marquants de la résistance populaire à la campagne française. Les hommes de Rosetta, dont aucun n’emmenait sa femme à des fonctions publiques - en fait, ils n’auraient pas condamné l’un des leurs pour avoir battu sa femme - se sont levés pour faire face à l’invasion et ont donné leur vie dans le processus.

Le dilemme que l’anecdote résume si simplement et si clairement mettrait la question de la libération des femmes sur deux voies divergentes : la première suivrait la route tracée par l’histoire du général Menou en soulignant la partie et en ignorant le tout. La seconde serait consciente de son lien avec les mouvements de libération nationale et sociale. Cette contradiction latente peut expliquer pourquoi Lord Cromer - la figure la plus marquante de l’histoire de l’occupation britannique de l’Egypte - et les journaux égyptiens favorables à l’occupation, comme al-Nil et al-Muqattam, étaient si enthousiastes à l’égard de la libération des femmes, et aussi pourquoi les femmes et les hommes qui ont répondu à l’appel de l’émancipation des femmes ont également contribué au mouvement nationaliste et pourquoi leurs noms sont liés à l’opposition au colonialisme.

Les femmes arabes n’auraient pas contribué à la littérature sans l’appel à échapper aux liens du foyer fermé et à entrer dans la sphère publique, voire à la façonner dans une certaine mesure. Le début de l’éducation des femmes dans les écoles, et plus tard dans les universités, a été une étape fondamentale sur cette voie, et elle n’aurait pas pu se poursuivre sans les efforts des femmes pionnières en Égypte, en Syrie et au Liban, puis en Irak et en Palestine, et plus tard en Jordanie, en Afrique du Nord arabe, au Soudan et dans la péninsule arabique.

Ces efforts ont commencé dans les deux dernières décennies du XIXe siècle en Syrie, au Liban et en Égypte, et se sont poursuivis jusqu’à la Première Guerre mondiale. Des associations de femmes ont été fondées, à commencer par Bakurat Suriya (Aube syrienne), fondée par Maryam Nimr Makariyus à Beyrouth en 1880, et Zahrat al-Ihsan (Fleur de la charité), créée la même année. La tradition des salons littéraires a commencé avec le salon de Maryana Marrash à Alep, le salon de la princesse Nazli Fadil au Caire et le salon d’Alexandra Khuri Averino à Alexandrie. L’émergence de journaux et de magazines a suivi : en 1892, al-Fatah de Hind Nawfal est paru à Alexandrie, la même année que Jurji Zaydan a lancé al-Hilal. L’année suivante, un magazine mensuel pour les femmes est apparu à Alep, al-Mar’a, publié par Madiha al-Sabuni. Au cours des quatre décennies allant de 1892 à 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, vingt-quatre périodiques féminins ont été publiés et diffusés dans les villes de l’Orient arabe. Outre Le Caire, Damas, Beyrouth et Bagdad, des périodiques fondés par des femmes ont été publiés à Alexandrie, Mansura et Fayyum en Égypte, à Tripoli au Liban et à Hums, Hama et Alep en Syrie.

Les femmes maronites libanaises, dont beaucoup se sont installées en Égypte, ont joué un rôle de premier plan dans la création de la plupart de ces revues. Elles ont à leur tour contribué à jeter les bases de la publication de Tahrir al-mar’a (La libération des femmes) de Qasim Amin. Cette période a également vu la publication d’encyclopédies sur la vie de femmes célèbres, la plus connue étant al-Durr al-manthur fi-l-tabaqat rabbat al-khudur (Perles éparses dans la vie des habitantes du harem) de Zaynab Fawwaz, publiée en 1894. Quinze ans plus tôt, en 1879, Ma’rid al-hasna’ fi tarajim mashahir al-nisa’ (Une excellente exposition sur les biographies de femmes célèbres), de Maryam Nasr Allah al-Nahhas, une Syrienne de Tripoli, a été imprimé par la presse al-Misr à Alexandrie.

De 1892 à 1939, la seule Égypte a vu la publication de 571 biographies de femmes (écrites par des hommes et des femmes) dans dix-huit périodiques. Ces biographies étaient le produit d’une conjonction fructueuse de deux traditions : la riche tradition arabe de la biographie et des dictionnaires biographiques, et la tradition européenne de l’écriture sur les femmes célèbres.

Avec seulement deux voix féminines - Warda al-Yaziji (1838-1924) au Liban et ’A’isha al-Taymuriya (1840-1902) en Égypte - les années 1880 ne laissaient pas présager qu’une multitude de femmes écrivains s’apprêtaient à émerger au grand jour. Ces écrivaines ont audacieusement choisi deux débouchés : le journalisme, qui leur donnait un accès immédiat au lectorat et leur permettait de façonner l’opinion publique, et le roman, le genre littéraire le plus malléable et le nouveau venu dans la culture arabe. Dans le journalisme, les femmes ne limitaient pas leurs articles aux magazines féminins, et elles n’écrivaient pas seulement sur la condition féminine et ses revendications. Certaines écrivaient sous leur propre nom (Warda al-Yaziji et ’A’isha al-Taymuriya, les exemples les plus marquants), d’autres sous un pseudonyme.

Zaynab Fawwaz (1846-1914) a publié son premier roman sous le sobriquet de ’femme égyptienne’, bien que la deuxième édition ait été imprimée sous son nom. Malak Hifni Nasif (1886-1918) a publié tous ses articles sous le nom de Bahithat al-Badiya (Chercheur dans le désert). Son livre Nisa’iyat (Choses de femmes), 1910, a été publié sous le même nom. L’utilisation de pseudonymes était si répandue qu’en 1908, l’Association pour le progrès des femmes en Égypte a lancé une campagne pour défendre le droit des femmes à utiliser leur nom, en faisant valoir que la loi islamique l’autorisait, voire l’enjoignait. Bien que la directrice de l’association, Fatima Rashid, ait déclaré un an plus tard qu’en réponse à la campagne de l’association, les femmes avaient commencé à publier sous leur propre nom dans les journaux et les magazines, les choses n’étaient pas si simples. La coutume selon laquelle les femmes utilisent des pseudonymes ou signent leurs œuvres avec des initiales - ou pas du tout - est restée répandue dans de nombreux pays arabes jusqu’à récemment.

En ce qui concerne le deuxième débouché, les romans de femmes ont été publiés à un rythme rapide, voire étonnant, étant donné le retour récent des femmes à l’écriture, après une aussi longue interruption, et la nouveauté de la forme littéraire elle-même. Alice Butrus al-Bustani a publié le roman Sa’iba (Correct) en 1891. Zaynab Fawwaz publie Hush al-’awaqib aw Ghada al-zahira (Bonnes conséquences, ou Ghada radieuse) en 1899 et al-Malik Qurush aw malik al-Furs (Le roi Cyrus ou le roi des Perses) en 1905 (elle a publié une pièce de théâtre, al-Hawa wa-l-wafa’ [Amour et fidélité] en 1893). Vient ensuite le roman Badi’a wa Fu’ad (Badi’a et Fu’ad) de ’Afifa Karam en 1906, suivi de Fatima al-badawiya (Fatima la bédouine) et Ghadat ’Amshit (La beauté de ’Amshit) en 1914. En 1904, Labiba Hashim a écrit un roman, Qalb al-rajul (Le cœur d’un homme), suivi du roman Hasna’ Salunik (La beauté de Salonique) de Labiba Mikha’il Sawaya en 1909 et de Bayn al-’arshayn (Entre les deux trônes) de Farida Yusuf ’Atiya en 1912. Ces romanciers étaient tous originaires du Liban ; certains d’entre eux, comme Zaynab Fawwaz et Labiba Hashim, se sont installés en Égypte, tandis que d’autres, comme ’Afifa Karam, se sont installés aux États-Unis.

La présence intensive des femmes a constitué un incubateur naturel pour les idées sur la libération des femmes, poussant la question dans la sphère publique, où elle est devenue un sujet de débat parmi les plus grands écrivains de la nation.

Au Liban, Butrus al-Bustani (1819-1883) a été le premier à parler du droit des femmes à l’éducation, en défendant cette idée en 1847. En Égypte, Rifa’a al-Tahtawi (1801-1878) a écrit al-Murshid al-amin li-l-banat wa-1 banin (Le guide fidèle des filles et des garçons) en réponse à une demande du ministère égyptien de l’Éducation de ’composer un livre sur les sciences humaines et la pédagogie qui puisse être utilisé pour l’éducation des garçons et des filles.’ Dans son introduction, al-Tahtawi fait l’éloge du khédive Isma’il pour avoir ouvert l’éducation afin que :

  • les filles, comme les garçons, puissent concourir pour trouver les idées les plus novatrices.
  • Il a fait en sorte que l’acquisition des connaissances soit la même pour les deux groupes.
  • Il n’a pas rendu le savoir semblable à l’héritage, dans lequel les hommes bénéficient du double de la part des femmes.
    En 1895, Muhammad ibn Mustafa ibn Khuja al-Jaza’iri publie son livre, al-Iktirath fi huquq al-inath (Sur les droits des femmes), suivi de Tahrir al-mar’a (La libération des femmes) de Qasim Amin en 1899 et al-Mar’a al-jadida (La nouvelle femme) en 1901. Vient ensuite Imra’atuna fi-l-shari’a wa-l-mujtama’ (Nos femmes dans le droit et la société) en 1929, de Tahir Haddad al-Tunsi, qui avait publié un an auparavant un livre sur les travailleurs tunisiens et l’essor du mouvement syndical. D’éminents écrivains ont pris position sur la question des femmes et sont intervenus pour défendre leurs droits, notamment Ahmad Lutfi al-Sayyid en Égypte, Amin al-Rayhani au Liban et les poètes Jamil Sidqi al-Zahawi et Ma’ruf al-Rasafi en Irak.

Ce sont les débuts de l’écriture des femmes arabes dans la période moderne. Les styles et les genres d’écriture choisis par les femmes montrent qu’elles ont puisé dans l’héritage arabe classique tout en profitant des écrits européens disponibles et en les imitant. De manière significative, les femmes écrivains ont ignoré la tradition populaire et folklorique, considérant ce qu’elles écrivaient comme faisant partie de la ’haute’ culture qui n’avait aucun rapport avec les chansons et les histoires populaires de la tradition orale produites par les femmes dans les langues vernaculaires.

Pourquoi ? Le statut social des écrivains n’offre peut-être pas une explication complète. Il y a un autre élément qui ne peut être nié : leur rébellion contre les rôles traditionnels des femmes et leur désir de prouver leur capacité à écrire, une activité liée à l’élite éduquée, d’autant plus que de nombreux hommes dépréciaient leurs capacités intellectuelles. Que cette explication soit fondée ou non, il n’en reste pas moins que la génération pionnière et les générations qui ont suivi ont ignoré la tradition orale des femmes, négligeant ainsi un riche filon culturel. Les femmes arabes en tant que créatrices de textes oraux ont une histoire continue, riche et variée qui s’étend sur des centaines d’années d’histoire et de culture.

À la fin du XIXe siècle, les femmes - en tant qu’écrivaines et critiques - ont contribué à la diffusion des réalisations des femmes. Mayy Ziyada (1886-1941) a poursuivi cette tradition dans la première moitié du siècle suivant, en écrivant les biographies de trois femmes écrivains : Warda al-Yaziji, ’A’isha al-Taymuriya et Malak Hifni Nasif. Ce faisant, elle s’est léguée à elle-même et aux générations suivantes d’écrivains un héritage de l’écriture féminine arabe moderne. Ziyada a écrit et une génération ultérieure d’écrivains féminins a lu et s’est inspirée - et pas seulement en Syrie, au Liban et en Égypte, car le cercle s’est élargi au-delà de ces trois pays.

Dans les années 1930 et 1940, des femmes écrivains d’Irak et de Palestine sont apparues, en plus de l’Égypte, de la Syrie et du Liban. Elles ont écrit des articles pour la presse et la radio, des nouvelles et de la poésie. Les années 1950 ont vu le début d’un élan créatif des écrivaines dans tous les types de genres littéraires. La décennie s’ouvre sur la publication du roman al-Jamiha (La femme défiante) d’Amina al-Sa’id en Égypte et d’Arwa bint al-khutub (Arwa, fille du malheur) de Widad Sakakini en Syrie ; elle se termine par trois romans, considérés déjà à l’époque comme des jalons importants dans l’évolution de l’écriture féminine arabe.

En 1958, Layla Ba’labakki a publié Ana ahya (Je vis), suivi un an plus tard par Ayyam ma’ah (Jours avec lui) de Collette Khuri. L’année suivante, Latifa al-Zayyat, en Égypte, publie al-Bab al-maftuh (La porte ouverte). Deux ans plus tard, Layla ’Ussayran a publié Lan namut ghadan (Nous ne mourrons pas demain), suivi de Tuyur Aylul (Les oiseaux de septembre) d’Emily Nasrallah. Malgré leurs différences, ces romans présentaient une nouvelle voix qui explorait les relations des femmes avec elles-mêmes et avec les hommes, avec les pères et les mères, et avec l’environnement politique et social environnant. Au cours de la même décennie, la Palestine a offert l’une des expériences les plus mûres dans le domaine de la nouvelle, dans les écrits de Samira ’Azzam.

En poésie, il y avait Nazik al-Mala’ika en Irak, dont le poème ’al-Kulira’ (le choléra), publié en 1947, était une œuvre pionnière dans le vers libre moderne, ainsi que Fadwa Tuqan et Salma Khadra Jayyusi en Palestine, la première ayant commencé par l’ode arabe classique, ou qasida, avant de se lancer dans la poésie.

Les textes produits de la fin des années 1940 au début des années 1960 sont le lien entre les anciennes et les nouvelles générations à travers le monde arabe, de la Mauritanie, du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie à l’ouest, aux pays du Golfe à l’est, du Soudan et du Yémen au sud, à l’Irak et au Levant au nord.

Nawal al-Sa’dawi est une autre pionnière qui a soulevé plusieurs questions liées à la liberté des femmes et a attiré l’attention sur les possibilités offertes par les méthodologies du mouvement féministe en Europe et aux États-Unis au début des années 1960. Dans de nombreux ouvrages, dont des études sociologiques, des récits, des romans et des articles de journaux, Nawal al-Sa’dawi a mis en avant un discours nouveau, audacieux et influent, repris par les générations suivantes d’écrivaines, qui l’ont reproduit, développé et utilisé comme point de départ d’un parcours qui a parfois convergé avec ce discours et parfois s’en est éloigné.

Dans le dernier tiers du vingtième siècle, l’écriture des femmes arabes a évolué sur des voies divergentes. Alors que les femmes des générations plus anciennes ont continué à écrire, les nouvelles générations ont travaillé à s’imprégner de leur époque, de leur lieu et de leur expérience, et à développer l’art de l’écriture. Dans le domaine de la poésie, les femmes ont dépassé la forme classique de la qasida pour passer au vers libre et au poème en prose, parvenant parfois à surmonter la sentimentalité et les tropes de l’expression romantique.

Contrairement à la première moitié du vingtième siècle, la nouvelle et le roman ont reçu la plus grande part de l’attention créative des femmes. Les femmes ont écrit des textes qui tentaient de saisir une réalité complexe, compliquée, chargée de contradictions et d’angoisses. Les femmes ont écrit sur la lutte nationale, la guerre civile, l’oppression politique et sociale et la corruption, tout autant que sur les relations avec les hommes et leur statut dans une société dominée par les hommes, en essayant de s’exprimer en tant que femmes et citoyennes. Pour tenter de rendre compte de leur propre expérience, les femmes ont choisi diverses formes d’écriture. Elles ont produit des romans réalistes avec un ordre chronologique clair et un narrateur omniscient, décrivant un aspect de la vie arabe à Beyrouth, au Caire, à Tunis ou à Bagdad, ou elles se sont tournées vers une petite ville ou un village lointain pour décrire la vie de ses habitants. Ils ont produit des textes modernistes dans lesquels l’effondrement de toutes les hypothèses, la fragmentation du temps et l’isolement de l’individu se conjuguent pour imposer une forme romanesque différente. Elles ont écrit des romans historiques dans lesquels elles abordent leur propre réalité en écrivant sur les époques passées.

Dans les autobiographies, les femmes documentent l’histoire de leur vie ou une partie de celle-ci, comme l’expérience de l’enfance ou de la détention politique, ou le récit d’un voyage en Occident. Parfois, elles parlent directement à la première personne, relatant les événements dans l’ordre chronologique ; d’autres fois, elles inventent des styles pour répondre à leurs besoins. En revanche, les efforts créatifs des femmes ont moins porté sur le théâtre, et il y a relativement peu de femmes dramaturges par rapport aux autres types d’écrivains. Est-ce parce que les dramaturges ont besoin d’un mouvement théâtral actif auquel elles peuvent participer, ce qui n’existe que dans un très petit nombre de pays arabes ? Ou bien les femmes dramaturges de talent se sont-elles tournées vers l’écriture pour la télévision ?

Les écrits des femmes arabes traitent d’une diversité de thèmes abordés dans des styles différents, bien que les préoccupations historiques et la conscience d’un double fardeau restent un thème fondamental dans leurs écrits. À l’exception de la Palestine, tous les pays arabes ont obtenu leur indépendance nationale, mais ils n’ont pas trouvé la liberté, la justice ou la prospérité, et les problèmes, ainsi que les contradictions, se sont multipliés.

L’État sioniste est devenu plus violent, l’hégémonie américaine plus féroce, et les gouvernements nationaux ont contribué aux fractures internes par leurs pratiques répressives et leur immobilisme face aux changements fondamentaux. Les écarts entre les classes sociales se sont accrus et le fossé entre les hommes et les femmes s’est creusé. La contradiction entre l’apparence et la vérité, la parole et l’action, l’espoir et l’illusion est de plus en plus grande. Cette réalité sociale confuse, souvent chaotique, se reflète dans les hommes et les femmes et dans leurs relations avec eux-mêmes, les autres et l’environnement.

Depuis les années 1970, la littérature arabe est entrée dans l’ère du doute, et le point d’interrogation a remplacé la certitude. Les romancières arabes ont écrit sur la guerre, la frustration, l’érosion de toutes les idées préconçues et une réalité encore plus étrange que la fiction. De plus en plus de femmes écrivains se sont tournées vers la littérature de l’exil et de la marginalisation. Aujourd’hui, la situation est pleine d’ambiguïté. Les femmes sont ouvertes aux questions mondiales et ont une conscience aiguë de leur situation par rapport à la langue et au discours, à la culture et à l’idéologie. En même temps, elles sont ré-emprisonnées par les idées sur la particularité et le corps diffusées par certains milieux féministes.

Les sphères publique et privée sont de plus en plus imbriquées, et une partie importante des femmes ont appris leurs droits et leurs devoirs. Elles ont appris l’importance de l’écriture, de la pensée, de la théorie et de la pratique, ce qui les qualifie pour occuper une place dans la culture arabe caractérisée par un questionnement intense et une rébellion animée. Ils doivent maintenant relever le défi des forces sociales et intellectuelles qui veulent les renvoyer à leur isolement avec des armes beaucoup plus dangereuses et trompeuses, car elles remplacent la violence, la tyrannie et l’idéologie par la raison, l’éloge et le compliment. Nous ne tomberons pas dans le piège qui consiste à faire l’éloge de l’écriture des femmes a priori ou à les condamner à la prison de ’l’écriture des femmes’ avec ses sujets prédéterminés. C’est un champ ouvert à toutes les expériences et à l’avenir.

Publié pour la première fois en arabe en 2004 par Nour : ‘Foundation for Research and Studies’, Le Caire, et le Conseil supérieur de la culture, Le Caire, sous le titre ‘Dhakira li-l-mustaqbal : mawsu’at al-katiba al-’arabiya’, ’Arab Women Writers’, avec l’aimable autorisation de l’American University in Cairo Press.

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Author : Ashour, Radwa ; Berrada, Mohammed ; Ghazoul, Ferial J. ; Rachid, Amina
Publication : Southwest Review
Article Type : Critical essay
Geographic Code : 70MID
Date : Jan 1, 2009
Words : 3732
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Topics : Arab writersCriticism and interpretation

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    Littérature et psychologie - Critique de livre : Le deuil personnel dans ’Loss Sings’ offre une nouvelle perspective sur le poète arabe classique. Traduction du 06 mars 2022 par Jacques Hallard - Original : Book review : Personal grief in ’Loss Sings’ offers a new perspective on classical Arab poet - M. Lynx Qualey – 26 novembre 2018 – Document ‘thenationalnews.com’
    ‘Loss Sings’ fait partie de la série Cahier, qui propose de courtes réflexions sur l’écriture et la traduction par des sommités de la littérature mondiale, dont des lauréats du prix Nobel et des traducteurs renommés.

Al-Khansa a vécu entre 575 et 645. Alamy

Pendant trois décennies, James E. Montgomery a enseigné la poésie d’Al-Khansa sans en ressentir grand-chose. Il s’est contenté d’aider les étudiants à analyser les poèmes du septième siècle, sans établir de lien personnel avec l’œuvre.

’Je ne savais pas comment les lire ’, écrit Montgomery dans l’introduction de Loss Sings, le nouveau livre de chapitres dans lequel il réfléchit à sa relation avec le traumatisme, la voix et la traduction. Il explique qu’en lisant et en enseignant les poèmes, il a trouvé que les élégies d’Al-Khansa pour ses frères étaient clichées, un ’catalogue conventionnel de vertus’.

Puis, en 2004, le fils du professeur a été victime d’un accident presque mortel. Après cet incident, les poèmes lui sont parvenus.

‘Loss Sings’ fait partie de la série Cahier, qui publie de courtes réflexions sur l’écriture et la traduction par des sommités de la littérature mondiale, dont des lauréats du prix Nobel et des traducteurs renommés. Pour sa part, Montgomery est professeur d’arabe à Cambridge et traducteur des ‘War Songs’ du chevalier et poète Antarah ibn Shaddad.

Dans ‘Loss Sings’, il traduit 15 poèmes d’Al-Khansa et les place parmi des essais sous forme de journal écrits entre le 21 août et le 11 septembre 2007, trois ans après que son fils ait subi une série d’opérations.

Ce livre répond à une question fondamentale pour la traduction des poésies classiques : Comment aider le lecteur à voyager non seulement à travers les langues, mais aussi à travers le temps et des paysages culturels inconnus ? Pour reprendre l’emphase en italique de Montgomery : Comment aider les gens à ne pas simplement lire les poèmes, mais à les approfodir ?

Le voyage d’al-Khansa

La poétesse Tumadir bint Amr ibn al-Hareth ibn al-Sharid al-Sulamiyah (575-645) est surtout connue sous le nom d’Al-Khansa, qui signifie ’le nez retroussé’ en arabe. Elle vivait dans le Najd, dans ce qui est aujourd’hui le centre de l’Arabie saoudite, et était une contemporaine d’Antarah et du prophète Mahomet.

En 612, alors qu’elle avait 37 ans, sa vie a changé. C’est alors que son frère, Mu’awiyah, a été tué par des hommes d’une autre tribu. L’histoire raconte qu’elle a insisté auprès de son autre frère, Sakhr, pour qu’il venge la mort de Mu’awiyah, et bien que Sakhr ait obtenu sa vengeance, il a lui aussi été tué dans le processus de violences.

Al-Khansa a passé le reste de sa vie à composer des élégies. Dans l’essai Al Khansa de l’auteur égyptien Bint al-Shati, on trouve une conversation entre les poètes Al-Khansa et Al-Nabigha, et dans ce couplet, qui a connu un grand succès, le second dit au premier : ’Si Abou Basir [le poète Al-A’sha] ne m’avait pas déjà récité, j’aurais dit que tu es le plus grand poète des Arabes. Va, car tu es le plus grand poète parmi ceux qui ont des seins’, Al-Khansa aurait répondu : ’Je suis aussi le plus grand poète parmi ceux qui ont des testicules’ ! [Même parmi tout les hommes écrivains].

Cet esprit devrait certainement plaire aux lecteurs du XXIe siècle. Pourtant, en traduction anglaise, les poèmes d’Al-Khansa ont eu peu d’impact. La plupart des lecteurs se sont sentis un peu comme Montgomery à ses débuts : les poèmes étaient conventionnels, monotones.

Mais dans ‘Loss Sings’, il crée un moyen de nous faire voyager - non pas jusqu’au VIIe siècle lui-même, mais jusqu’aux poèmes de cette époque. En plaçant l’œuvre du poète dans le contexte de son propre chagrin, il rend l’œuvre à nouveau intime. Les élégies d’Al-Khansa sont maintenant une réponse à la perte de Montgomery : ’Des nuages de tes yeux / Pleure un torrent de larmes / comme un collier de perles’. .....

Dans ’Des nuages de tes yeux’, le poète nous exhorte à ’pleurer pour Mu’awiyah’. Ce commandement intervient peu après que Montgomery ait reçu le rapport d’un chirurgien, qui ’dresse un tableau médical, médico-légal et méticuleux de la douleur toujours croissante de mon fils’. À ce moment-là, nous sommes également émus.

Il est facile pour un lecteur de s’identifier au chagrin du professeur. Que nous ayons ou non passé du temps dans des hôpitaux, nous pouvons imaginer la peur de perdre un enfant, l’aider à subir des interventions chirurgicales et à remplir des documents juridiques. Grâce à cela, nous apprenons aussi à imaginer le traumatisme d’Al-Khansa et à entendre sa voix.

Chagrin et cliché

Nous lisons par-dessus l’épaule de Montgomery, qui découvre la poésie d’Al-Khansa sous un jour nouveau. ’Par le passé, chaque fois que je lisais des complaintes arabes anciennes, je me lassais de leurs itérations et de leur caractère prévisible’, écrit-il. Mais ces mêmes caractéristiques sont paradoxalement celles ’que je considère maintenant comme étant au cœur du deuil, et de la poésie d’Al-Khansa, en particulier’.

Il amplifie cette nouvelle compréhension en intégrant des poèmes plus familiers sur la perte, écrits par des innovateurs canoniques tels que Ben Johnson, John Milton et Seamus Heaney. Ces poèmes font eux aussi appel à des formules imagées. Mais loin d’être malvenus, ce sont les clichés, nous dit Montgomery, qui nous aident à ’récupérer la perte en réhabilitant le lieu commun’. Ils nous rappellent également que, plus que tout autre art littéraire, la poésie console.

Al-Khansa retourne de manière obsessionnelle sur les lieux de sa perte traumatique, créant ainsi une œuvre d’élégies. Il s’agit d’un genre dans lequel de nombreuses poétesses arabes classiques ont été reléguées. Pourtant, elle semble l’avoir adopté. Dans le poème ‘You’ve gone grey’, ses interlocuteurs lui suggèrent d’oublier ses frères, d’aller de l’avant. Au début du poème, Al-Khansa écrit : ’’Tu es devenue grise’, disent les femmes’. La voix narrative réplique : ’Ma détresse rendrait les cheveux gris’. Puis elle se tourne vers un frère mort : ’’O Sakhr,’ je réponds, ’Je suis toute seule / Comment la vie peut-elle être douce,’ dit la voix narrative.

À travers les lentilles que Montgomery nous fournit, les poèmes se transforment. Ce qui était monotonie devient incantatoire ; ce qui était cliché devient une permission d’exprimer notre propre chagrin. Et bien que le premier acte de traduction de Montgomery soit doué, c’est en grande partie grâce à son deuxième acte, dans lequel il partage sa propre peine, que nous pouvons lire les poèmes d’Al-Khansa.

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Source : https://www.thenationalnews.com/arts-culture/books/book-review-personal-grief-in-loss-sings-offers-a-new-perspective-on-classical-arab-poet-1.796140

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Addenda - Petit glossaire de l’Islam réalisé par Fleurs d’Islam

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Liste des termes correspondant à ’Hadith’

1 Termes trouvés.

H

  • Hadith (hadîths) : [ récit , propos ] Ce mot désigne traditionnellement un récit rapportant une parole ou un acte du prophète Mohammad (sur lui la prière et la paix). Il existe des recueils de hadiths (Boukhari, Muslim, etc.), rassemblant de ces récits classés par thème et accompagnés par les noms des personnes les ayant rapportées afin de guarantir leur origine (voir Isnad).
Recherché ’Hadith’ dans le Glossaire. 

28 Termes trouvés.

A

  • Abî Saïd al khodri : Compagnon du prophète Mohammad (sur lui la prière et la paix), il rapporta plus de 1100 Hadiths.
  • Abou Daoud : Savant musulman (mort en 888 E.C./ 275 H.). Un des principaux compilateurs du hadith, auteur du ’Kitab as-sunan’.
  • Abou houreira : Compagnon du prophète Mouhammad et célèbre rapporteur de Hadiths. On a décompté 5374 hadiths rapporté par ce compagnon.
  • Abou Oubaid (’Ubaid) : Savant musulman (mort en 838 E.C./ 223 H.), célèbre compilateur de hadith, auteur du ’Kitab al-Awmal’ consacré aux finances islamiques.
  • Aisha : Fille d’Abou Bakr et femme du prophète Mohammed. Aisha est célèbre pour sa large connaissance de la religion. Morte en 58 de l’hégire (678 de l’ère chrétienne). On a décompté plus de 2000 Hadiths rapportés par Aîsha.
  • Anas Ibnou Malik : Placée par sa mère au service du prophète Mohammed (sur lui la prière et la paix), elle fût un de ses compagnons et rapporta près de 2200 Hadiths.
  • Arba (Al arba’a) : [ les quatres ] Ce terme désigne les 4 célébres compilateurs de Hadith : Abou Daoud, An Nasâi, At-Tirmidhi et Ibn Mâja (Que Dieu les agrées).
  • Asmâ Ur-Rijâl : Compilation encyclopédique des biographies des différents compagnons du prophète Mohammed (sur lui la prière et la paix) et de leurs descendants. Ces ouvrages ont joué un rôle important dans la compilation des hadiths du prophète, permettant aux savants de connaitre les biographies de ses contemporains et de leurs descendants et de s’assurer ainsi de la fiabilité de ceux qui transmirent ces hadiths et des Isnad, chaines de transmetteurs.
    C
  • Chourout al-qaboul : [ Normes de recevabilité ] Terme désignant les règles élaborées par les savants qui rassemblèrent les Hadiths afin de garantir la fiabilité de la chaine de transmetteurs. Parmis ces normes, on retrouve l’étude l’honorabilité (al-�adalah) du rapporteur, et la qualité de sa mémoire (ad-dhabt).
    D
  • Darajât al-qaboul : [ Degrés de recevabilité ] Terme désignant la classification des Hadiths en degré de recevabilité.
    Les savants du Hadith (Mouhadithoun) ont ainsi défini deux grandes catégories : Recevable (maqboûl) et Irrecevable (Mardoûd), ceci afin de certifier l’authenticité des hadiths véritables et d’écarter les hadiths qui avaient été inventés ou déformés dans un but politique, d’intérêt ou sectaire.
    Le degré de recevabilité s’appui sur les normes de recevabilité (Chourout al-qaboul) définies par les savants et qui s’intéressent à la fiabilité des rapporteurs.
    H
  • Hadith (hadîths) : [ récit , propos ] Ce mot désigne traditionnellement un récit rapportant une parole ou un acte du prophète Mohammad (sur lui la prière et la paix). Il existe des recueils de hadiths (Boukhari, Muslim, etc.), rassemblant de ces récits classés par thème et accompagnés par les noms des personnes les ayant rapportées afin de guarantir leur origine (voir Isnad).
  • Ibnou Abbas : Cousin du prophète Mohammad (sur lui la prière et la paix). Compagnon du prophète, il rapporta plus de 1500 Hadiths.
  • Ibnou Omar : Fils du Calife Omar Ibn Al-khattab et compagnon du prophète Mohammad. Il a rapporté de aux environs de 2600 Hadiths,
  • Isnad : ’ Chaîne de garants ’ , garantissant l’authenticité des faits rapportés par une tradition prophétique. Voir Sunnah, Hadiths.
  • Istikhâra (prière de l’) : Salât (prière) composée de deux Rak’âs et suivie d’une invocation d’Allâh pour qu’il nous guide dans le choix du juste chemin. (voir le Hadith 487, vol.9 Sahih Al Boukhari).
    J
  • Jâbir Ibnou Abdillah : Compagnon du prophète Muhammad (sur lui la prière et la paix) ayant rapporté plus de 1600 Hadiths
  • Jihad : [ effort ] Ce terme désigne l’effort réalisé par le croyant sur la voie de la soumission à Dieu. Par extension, ce terme a été utilisé pour désigner le combat mené par les musulmans repoussant les assaults de leurs ennemis. Le prophète Mohammed (sur lui la prière et la paix) a cependant qualifié de ’grand Jihad’ l’effort intérieur mené par le croyant sur la voie de l’Islam, célèbrant ainsi le mérite de celui qui chaque jour repousse les tentations et recherche la meilleure connaissance. Par ailleurs, un Hadith atteste que le pélerinage est pour la femme équivalent au djihad.
    K
  • Khamsa (Al Khamsa) : Les cinq compilateurs de Hadith : Abou Da’oud, An-Nasâ’i, At-Thirmidhi, Ibn Mâjah et Ahmad (Que Dieu les agrées).
    L
  • Laylat al Qadr : [ Nuit du destin ] Nuit où le Coran fut révélé à Mohammed (bsdl) pour la première fois, pendant le mois de ramadan de l’année 610.
    Le jour précis de cette nuit n’est pas connu mais la tradition (sur la base de hadiths) la situe dans les 10 derniers jours du mois de Ramadan, dans l’une des nuits impaires (la nuit du 20 au 21 Ramadan ou celle du 22 au 23 Ramadan, etc. jusqu’à la fin du mois). La veillée de prière en ces nuits est hautement considérée par la tradition.
    M
  • Maqam al mahmoud (Al-maqâm-al-mahmoûd) : Le plus haut degré du Paradis, alloué seulement au Prophète Mohammad (Paix et Bénédiction de Dieu soient sur lui) ; (voir hadith no-242, vol.6 Sahih Al Boukhari).
  • Maqboûl : Terme désignant le degré de recevabilité d’un Hadith. Un Hadith maqboûl est fiable. Les savants du Hadith (Mouhaddithoun) ont défini plusieurs sous-catégories pour ce degré :
    - moutawatir (notoire)
    - Cahih (authentique)
    - Cahih lighayrih (authentique par la multiplication des chaînes)
    - Hassan (Bon)
    - Hassan lighayrih (bon par la multiplications des chaînes)
    Les hadiths maqboûl requièrent une chaîne continue et des transmetteurs sûrs aussi bien moralement que sur le plan de la mémoire.
  • Mardoûd : Terme désignant le degré d’irrecevabilité d’un Hadith. Un Hadith mardoûb est par définition peu fiable. Les savants du Hadith (Mouhaddithoun) ont classé dans cette catégorie les hadiths construits de toute pièce dans un but politique ou sectaire mais aussi les hadiths dont le rapporteur a été entaché moralement ou si l’un des transmetteurs est inconnu (et ne peut donc être moralement appuyé par des témoignages).
  • Moutawâtir, Mutawatir : [ Notoire ] Hadith transmis par un tel nombre de personnes différentes que son caractère authentique ne peut être mis en cause.
    N
  • Najwa (An-nadjwa) : Au jour du jûgement dernier, jour de la résurrection, conversation privée entre Allah et chacun de ses serviteurs. Ce terme désigne également une délibération secrète, une conférence ou consultation. (Coran : 58 ;V :07.13) ; ( Sahih Al Boukhâri, Vol.3 Hadith No.621).
    S
  • Saba (As-saba) : Les sept collecteurs de hadith : Al Boukhari, Mouslim, Abou Da’oud , An-Nasâ’i, At-Tirmidhi, Ibn Mâjah et Ahmad.
  • Sitta (As-sitta) : Les six collecteurs de hadith : Al-Boukhari, Mouslim, Abou Da’oud, An-Nasâ’I, At-Tirmidhi et Ibn Mâjah ; leurs six collections sont appelées ’As-Sihah As-Sitta’.
  • Sounnah (Sunnah) : [ tradition ] Ce terme désigne la tradition islamique tirée de l’exemple de la vie du prophète Mohammed (sur lui la prière et la paix). Ainsi, les hadiths font partie de la Sunnah.
  • Thalatha (Ath-thalatha) : Trio des collecteurs de Hadîth : Abou Dâoud, An Nasâi et At-Thirmidhi.
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Source : http://www.fleurislam.net/media/glossaire/Aff_gloss.php?glossAction=term&glossSearchCriteria=Hadith

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Addenda - Un apprfondissement sémantique choisi : « Islam et islamisme : le grand flou » – Enregistrement de 55 minutes de ‘France Culture’ - Le 06/03/2022

Pour une écoute immédiate > Deux thèses concurrentes sont en débat. Il s’agit de comprendre quels liens unissent islam et islamisme. L’islamisme constitue-t-il une rupture avec l’islam...

Texte à rerouver dans l’émission Questions d’islam par Ghaleb Bencheikh

Deux thèses concurrentes sont en débat. Il s’agit de comprendre quels liens unissent islam et islamisme. L’islamisme constitue-t-il une rupture avec l’islam comme cela est souvent défendu ou n’est-ce que son prolongement quasi mécanique ? La différence est-elle de nature ou de degré ?

Illustration - Comment comprendre les liens qui unissent islam et islamisme ? • Crédits : calvindexter - Getty

Avec la rigueur et l’objectivité scientifique d’un chercheur reconnu, le politiste Haoues Seniguer viendra mettre un peu d’ordre dans le fatras idéel et sémantique que produisent ces deux mots. Il explique que le suffixe « isme » accolé à islam traduit une politisation exacerbée de la religion islamique voulue comme un « intégralisme » intransigeant.

Pour en parler : Haoues Seniguer est maître de conférences en science politique à Sciences Po-Lyon, chercheur au Laboratoire Triangle et directeur adjoint de l’Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman (IISMM). Il est spécialiste de l’islamisme et mène des travaux sur les rapports entre islam et politique en contexte arabe et français. Il est l’auteur de L’islamisme décrypté, paru aux éditions de L’Harmattan en 2020.

Publications d’Haoues Seniguer

Extraits musicaux :

Pink Lady ! Noël Akchoté

À L’Ombre Des Mots, Le Trio Joubran Avec la Voix de Mahmoud Darwich, label World Village

Bibliographie :

Livre – 1èrede couverture - L’islamisme décryptéHaoues SeniguerL’Harmattan, 2020

Intervenant : Haoues Seniguer Maître de conférences en science politique à Sciences Po Lyon, chercheur au laboratoire Triangle (CNRS, ENS)

À découvrir :

L’Islam, une civilisation impériale

Entretien entre un croyant musulman et un athée

L’Islam et l’Europe

Tags : Islam – Religion musulmane Islamisme radical Religion et spiritualité

L’équipe – Production : Ghaleb Bencheikh – Réalisation : Franck Lilin - Avec la collaboration de Daphné Abgrall

Radio France

logo france culture

Retrouvez nous sur : https://www.franceculture.fr/emissions/questions-d-islam/islam-et-islamisme

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Collecte des documents et agencement, traductions (aide DeepL), [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 07/03/2022

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

http://www.isias.lautre.net/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

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