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"Une approche psychosociologie du mal être dans le monde agricole qui se traduit en Inde par le passage à l’agroécologie et à un plan d’accompagnement des agriculteurs en détresse en France" par Jacques Hallard

dimanche 28 novembre 2021, par Hallard Jacques



ISIAS Psychosociologie Mal-être agricole Inde Agroécologie France

Une approche psychosociologie du mal être dans le monde agricole qui se traduit en Inde par le passage à l’agroécologie et à un plan d’accompagnement des agriculteurs en détresse en France

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 28/11/2021

Plan du document  : Introduction Sommaire {{}}Auteur


Introduction

Ce dossier est composite et transdisciplinaire, et il constitué à usage didactique : les documents sélectionnés ont été répartis dans 3 rubriques codées A, B et C.

La Rubrique A présente quelques documents pour clarifier les notions de psychologie sociale, de psychosociologie, de sociologie psychologique, d’approche socio-psychologique et de socio-psychologie : c’est la dénomination de Psychosociologie qui a été choisie et mentionnée dans le classement de ce dossier.

« Pour les uns, la psychosociologie est la forme de psychologie sociale qui part de la psychologie de l’individu dans la société, de même que la socio-psychologie part des phénomènes psychologiques proprement collectifs qui vont au-delà des motivations individuelles. Pour les autres, elle se distingue de la psychologie sociale en ce sens qu’il s’agit d’un mode de traitement de l’individu essentiellement pratique… » (Wikipédia)

Les secteurs des sciences humaines et sociales et le monde médical abordent un grand nombre de syndromes qui vont des maladies mentales aux maladies psychiatriques, et encore des troubles de comportement aux crises existentielles et la banale dépression saisonnière …. La considération médicale de ces syndromes rend la compréhension difficile au niveau des individus et des populations.

Le contexte actuel rend les conditions de vie plus difficiles pour beaucoup, et un peu partout sur la Planète - : les pressions de toutes natures (économiques, sociétales, environnementales et sanitaires) affectent un grand nombre de personnes, induisant des états de mal-être, mettant en péril les organisations humaines, et même les institutions et en faisant reculer les accès aux droits humains et à la démocratie dans maints état-nations…. – On peut voir à ce sujet : ’Dossier - Palu et Corona : même combat ? Face au quadrilemme (écologie, santé, social, économie), tout reste à faire autrement.’ par Jacques Hallard

La Rubrique B fait un point sur la situation dans certains des états de l’Inde, et introduit quelques initiatives pour développer des programmes d’agriculture naturelle exemplaires ou d’agroécologie à grande échelle, mais non sans difficultés de tous ordres !

Un ouvrage de Bruno Dorin et Frédéric Landy, publié en 2002, montrait « la singularité, l’originalité du développement de l’économie agricole et alimentaire de la fédération indienne aux cours des vertes années (1947-2001) : il est rappelé ici (5) et la rubrique B se termine avec une rétrospective sur les suicides de paysans en Inde : elle fait aussi ressortir les controverses qui se manifestées sur ce sujet (5bis).

Des tentatives de solutionner un mal être qui est omniprésent dans le monde agricole d’une manière générale, ont été proposées avec l’agroécologie. Des articles relatant ce thème ont été postés antérieurement postés et sont disponibles sur ces sites :

Actions engagées à propos du mal être dans le monde de l’agriculture. Pour y faire face, un plan d’accompagnement des agriculteurs en détresse a été présenté par le gouvernement français et assorti de feuilles de route et de mesure concrètes, qui ont toutefois été suivies de diverses appréciations… (7 à 12).

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Sommaire


Rubrique A

D. Quelle est la différence entre psychologie sociale et sociologie ? - Par Claude

E. Introduction à la Psychosociologie d’après Wikipédia

F. Psychologie sociale et des organisations - PST003 – Vidéo 2:42 - 30 janvier 2020 - CNAM Bretagne

G. Sociologie, psychologie et sociologie psychologique – Par Bernard Lahire - Dans Hermès, La Revue 2005/1 (n° 41), pages 151 à 157

H. L’approche socio-psychologique de Horkheimer, entre Fromm et Adorno - Katia Genel - Document diffusé par ‘journals.openedition.org’

I. Comment comprendre nos troubles existentiels à la lumière de la sociopsychologie ? - 28 juillet 2020 à 13:52 - Par Lucien Fauvernier – Document ‘.psychologies.com’ – Entretien avec Vincent de Gaulejac

J. Comprendre que la dépression est une maladie ” Suzanne, 34 ans - Mis à jour le 29 juin 2009 à 17:57 – Document ‘psychologies.com’

Rubrique B

Rubrique C

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Rubrique A

D.
Quelle est la différence entre psychologie sociale et sociologie ? - Par Claude | Oct 12, 2019 | psychologie | Document ‘lps-aix.com’ - Photo

Alors que la sociologie et la psychologie sociale sont toutes les deux considérées comme faisant partie des sciences sociales, elles ont de grandes différences. Et pourtant, nombreux sont ceux qui ont l’habitude de les confondre. Malgré des noms qui peuvent sonner de manière similaire, chacune de ces disciplines considère le monde d’un point de vue différent. Et en fin de compte, une fois qu’on reconnait les grandes lignes directrices de chacune d’entre elles, l’on constate que leur objectif est également très différent.

Qu’est-ce que la sociologie ?

Comprendre le fondement et les principes de la sociologie est la première étape pour mieux comprendre la différence entre la psychologie axée sur les interactions sociales et la sociologie elle-même. Selon l’Américan Sociological Association, la sociologie est l’étude scientifique et l’évaluation de la société. Cela comprend : l’analyse des modèles d’interaction sociale, des relations avec les autres et de la culture. Les sociologues étudient ces interactions et examinent leurs relations avec les autres couches sociales. Cela peut inclure la complexité des relations entre deux personnes, les interactions se déroulant au sein d’une entreprise et leur impact sur les économies locales et mondiales. Le sociologue cherche des modèles de comportement, mais suppose qu’il y aura des variations dues aux choix et aux actions individuelles. Ces choix contribuent à façonner le monde qui nous entoure. Par exemple, un sociologue intéressé par l’impact de la religion peut mener une étude pour déterminer si le nombre d’églises par habitant a un effet positif, négatif ou neutre sur les questions telles que :

  • La criminalité
  • Le revenu brut moyen
  • L’éducation moyenne
    Il peut ensuite décomposer cette information en fonction d’autres critères socio-économiques. Dans des termes plus simples, la sociologie consiste à examiner le comportement de groupes de personnes.

Qu’est-ce que la psychologie sociale ?

La psychologie sociale est l’étude de la façon dont les personnes sont façonnées et affectées par leur environnement social. Un sociologue peut, par exemple, s’intéresser aux habitudes de dépense d’une population donnée en période de déclin économique. Mais il pourra également s’orienter vers la manière dont une personne gère le stress lors d’une situation d’économie instable. Les psychologues sociaux, tout en examinant le rôle que la société joue sur un individu, s’intéressent davantage sur le rôle que le stress, les défis sociaux, les préjugés et autres activités de la vie quotidienne ont sur le fonctionnement mental et émotionnel d’une personne.

La différence entre le sociologie et la psychologie sociale

Alors, quelle est la différence entre la psychologie sociale et la sociologie ? La psychologie sociale est un domaine de la sociologie et se concentre sur l’étude de ce qui fait que les gens réagissent d’une certaine manière alors qu’ils sont en présence d’autres personnes. De manière assez similaire, la sociologie est également une étude de la société, mais dans un cadre d’application un peu plus large. Il cherche, en effet, à expliquer des problèmes importants dans notre société et dans le monde entier en analysant les origines, les institutions, l’organisation et les réseaux de la société à l’aide de méthodes empiriques et d’une analyse critique des données de recherche collectées.

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Plus d’informations > https://maisondelarecherche.univ-amu.fr/unitesderecherche/laboratoire-de-psychologie-sociale/

LPS. Séminaire du Laboratoire de Psychologie Sociale - Maison de la Recherche

Source : https://lps-aix.com/wp-content/uploads/2019/06/alone-513525_640.jpg

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E.
Introduction à la Psychosociologie d’après Wikipédia

La psychosociologie peut être considérée comme science de l’action et pratique d’intervention (praxis) engagée dans la vie sociale.

Elle constitue un domaine de recherche et de pratiques d’interventions variées. Il s’agit d’un courant transdisciplinaire d’apparition récente qui rassemble des sociologues, des psychologues, des psychanalystes, des pédagogues.

Une forme de la psychologie sociale

Pour les uns, la psychosociologie est la forme de psychologie sociale qui part de la psychologie de l’individu dans la société, de même que la sociopsychologie part des phénomènes psychologiques proprement collectifs qui vont au-delà des motivations individuelles.

Pour les autres, elle se distingue de la psychologie sociale en ce sens qu’il s’agit d’un mode de traitement de l’individu essentiellement pratique.

Il existe une approche d’intervention psychosociale intéressante. En effet, à l’Université Laval, à Québec, Yvon Pépin a créé cette approche visant à analyser les problèmes en fonction des interactions, de l’insertion, de l’intervention. (3I)

Champ d’application

La psychosociologie puise ses sources théoriques dans les différents courants des sciences humaines et elle continue d’ailleurs de subir de multiples influences.

La cohérence interne de la psychosociologie n’exclut donc pas la diversité de ses orientations qui diffèrent en effet parfois profondément, tant du point de vue des thèmes et des orientations théoriques que de celui des méthodes et des visées. Au fil du temps, cependant, en France en particulier, se différenciant de plus en plus de la psychologie sociale universitaire largement dominée par l’épistémologie expérimentale, une psychosociologie clinique a pris forme.

On peut ainsi constater une convergence sur un certain nombre de positions essentielles ; une attention particulière aux rapports à autrui, en respectant la singularité et la capacité d’évolution et d’apprentissage de chacun ; une conception du changement mettant l’accent sur les processus plus que sur les états ; une prise en compte des phénomènes affectifs et inconscients affectant les conduites et les représentations individuelles et collectives, et de l’implication des chercheurs et des intervenants dans les questions qu’ils étudient ou par rapport auxquelles ils interviennent ; des idées favorisant l’autonomie des personnes et leur participation effective à la vie de leurs organisations ainsi qu’au traitement des problèmes qui les concernent1.

La psychosociologie, à l’inverse de la sociologie, ne fait pas de césure entre l’individu et le collectif. Elle étudie les conduites humaines et les phénomènes sociaux comme des processus relationnels à l’intérieur desquels le psychologique et le collectif sont indissociables. Elle analyse l’articulation, les interactions entre l’individuel et le collectif. Elle appréhende donc l’humain comme un être relationnel, une réalité interactive, au cœur d’un jeu d’influence entre contrainte et contrôle d’une part, écart et autonomie d’autre part.

En France, depuis les années 1970, plusieurs courants de psychosociologie clinique ont été développés, notamment en sciences de l’éducation et dans le travail social. René Barbier, professeur émérite à l’université Paris 8 a synthétisé leur évolution historique dans un article du ’journal des chercheurs’ http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/spip.php?article1693 [archive]

Article complet avec notes et références sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychosociologie

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F.
Psychologie sociale et des organisations - PST003 – Vidéo 2:42 - 30 janvier 2020 - CNAM Bretagne

Pour vous inscrire : https://www.cnam-bretagne.fr/introduc... L’UE PST 003 est un cours d’introduction à la psychologie sociale du travail et des organisations. A partir d’un examen de l’histoire de la discipline, le cours présente les spécificités du regard psychosocial sur le travail et les situations de travail. Il interroge les différences entre psychologie individuelle, psychologie sociale et sociologie. Le cours présente quelques notions fondamentales en psychologie sociale (représentations sociales, théories de l’attribution, comparaison sociale) et en psychologie des groupes. Un point est fait sur les méthodes, en particulier la méthode expérimentale et la recherche action. Le cours examine ensuite les théories de l’organisation du travail et spécifie les épreuves psychosociales que les organisations imposent aux professionnels, au plan individuel et collectif. Ceci permet de poser la question des rapports entre les dimensions individuelles, collectives et organisationnelles du travail. Enfin, le cours aborde le problème des risques psychosociaux et questionne la place de la psychologie dans les milieux de travail.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=CLkut_hj2gY4

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G.
Sociologie, psychologie et sociologie psychologique – Par Bernard Lahire - Dans Hermès, La Revue 2005/1 (n° 41), pages 151 à 157

1 Où commencent et où s’arrêtent les domaines respectifs du sociologue et du psychologue ? Durkheim se montre-t-il impérialiste lorsqu’il écrit que « la psychologie est destinée à se renouveler en partie » sous l’influence de la recherche sociologique ou lorsqu’il affirme que « toute la sociologie est une psychologie », au risque de brouiller les frontières disciplinaires ? En fait, l’évolution des perceptions concernant ce qui est sociologique et ce qui ne l’est pas soulève le délicat problème de la définition du « social ». Cet article défend l’idée selon laquelle, pour gagner en autonomie scientifique et accroître son champ d’intelligibilité, la sociologie doit accepter la diversité des échelles d’observation et intégrer à la liste des variations de comportements sociologiquement étudiables les variations interindividuelles et intra-individuelles des comportements laissées jusque-là à la psychologie.

La sociologie comme psychologie collective

2 Émile Durkheim écrivait en 1900 que « la psychologie [...] est destinée à se renouveler en partie » sous l’influence de la recherche sociologique, « car si les phénomènes sociaux pénètrent l’individu de l’extérieur, il y a tout un domaine de la conscience individuelle qui dépend en partie de causes sociales dont la psychologie ne peut faire abstraction sans devenir inintelligible » (Durkheim, 1975, note 5, p. 35). Puis, en 1908, il affirmait que « toute la sociologie est une psychologie, mais une psychologie sui generis » et que « cette psychologie est destinée [...] à renouveler bien des problèmes que se pose présentement la psychologie purement individuelle et même, par contrecoup, la théorie de la connaissance. » (Ibid., p. 61). La sociologie, au fond, « aboutit elle-même à une psychologie », mais à une psychologie que Durkheim juge (en 1909) « plus concrète et complexe que celle que font les purs psychologues » (Ibid., p. 185) de son époque. Où commencent et où s’arrêtent les domaines respectifs du sociologue et du psychologue ? Durkheim se montre-t-il impérialiste en intervenant de la sorte, au risque de brouiller les frontières disciplinaires ?

3 Il ne faudrait en tout cas pas déduire de cette présentation chronologique une montée en puissance de l’audace du sociologue corrélative à une institutionnalisation progressive de sa discipline. En 1885, alors qu’il n’a encore que 27 ans, le jeune Durkheim peut écrire, dans un compte-rendu pour la Revue philosophique d’un ouvrage (Grundriss der Sociologie) du sociologue allemand Ludwig Gumplowicz, que la société ne peut se comprendre comme un tout homogène qui déterminerait de l’extérieur les comportements individuels.

En lisant ce compte-rendu, on ne peut s’empêcher de penser, d’une part, que Durkheim y développe des arguments critiques qui pourraient s’adresser à une partie de sa propre évolution scientifique future et, d’autre part, qu’il n’a cessé d’hésiter tout au long de son parcours sur la question des rapports individu/société, psychologie/sociologie, etc. : « On nous présente les sociétés comme des forces, simples et indivisibles, qui mènent et poussent violemment devant elles les individus dont elles sont composées. Mais n’est-ce pas admettre je ne sais quel principe social, fort analogue au principe vital d’autrefois, quoique moins scientifique encore ? […] Sans doute une société est un être, une personne. Mais cet être n’a rien de métaphysique. Ce n’est pas une substance plus ou moins transcendante ; c’est un tout composé de parties. […] Mais, dit-on, l’individu est un effet, non une cause ; c’est une goutte d’eau dans l’océan ; il n’agit pas, il est agi et c’est le milieu social qui le mène. Mais de quoi ce milieu est-il fait, sinon d’individus ? Ainsi nous sommes à la fois agents et patients, et chacun de nous contribue à former ce courant irrésistible qui l’entraîne. […] L’étude des phénomènes sociologiques-psychiques n’est donc pas une simple annexe de la sociologie ; c’en est la substance même. Si les guerres, les invasions, les luttes des classes ont une influence sur le développement des sociétés, c’est à condition d’agir d’abord sur les consciences individuelles. C’est par elles que tout passe, et c’est d’elles en définitive que tout émane. Le tout ne peut changer que si les parties changent, et dans la même mesure. » (Durkheim, 1975, p. 351-352. Souligné par moi).

4 En fait, ces quelques morceaux choisis tirés de l’œuvre de Durkheim à propos soit du caractère psychologique de toute sociologie, soit des effets de renouvellement que les travaux de la sociologie ne peuvent manquer de produire sur la psychologie, résument bien les rapports étroits que ces deux disciplines ont entretenus durant cette grande période fondatrice de la sociologie française. Certes, Durkheim et ses collaborateurs portent un jugement très négatif sur certaines démarches psychologiques qu’ils perçoivent – à juste titre – comme des réductions naturalistes du comportement humain (psychophysiologie, psychologie raciale, psychologie des peuples, etc….).

Mais les caricatures scolaires de l’approche durkheimienne des faits sociaux – purement objectiviste, traitant les faits comme de « simples » choses, préférant les corrélations statistiques entre variables à la prise en compte des individus et de leurs représentations, etc. – finiraient par nous faire oublier que Durkheim et les durkheimiens (Mauss, Halbwachs [1][1] Maurice Halbwachs a été élu en 1939 au Collège de France sur…, etc….) n’ont cessé de parler de la (leur) sociologie comme d’une psychologie collective [2][2]Durkheim a écrit que « la psychologie collective, c’est la….

C’est aussi, entre autres, sous l’intitulé « psychologie collective » que les animateurs de L’Année sociologique ont recensé les ouvrages de « psychologie sociale ». La diversité des intitulés de la rubrique consacrée au compte-rendu des travaux de psychologie sociale est d’ailleurs assez révélatrice de l’hésitation entre deux positions :

  • position de fort cousinage scientifique ; ces recherches relèvent d’une autre discipline, la psychologie, mais intéressent au plus haut point la sociologie : « Psychologie des groupes », « Psychologie sociale », « Psychologie collective » ;
  • position intégratrice ; ces recherches font partie intégrante de la sociologie : « Sociologie psychologique », « Conditions sociologiques de la connaissance », « Mentalité des groupes », « personnalité collective » (Mucchielli, 1998, p. 321-322).
    La frontière entre le domaine de la sociologie et le domaine de la psychologie n’a cessé de faire l’objet de débats et d’être déplacée. Pour ne prendre qu’un exemple emblématique, aujourd’hui canonisé comme sociologue mondialement reconnu, Erving Goffman n’en a pas moins été perçu à ses débuts – vers la fin des années 1950 – comme un chercheur au profil très « psychologie sociale » (Winkin, 1988, p. 87), du fait qu’il s’intéressait à des questions d’interactions interindividuelles ou de rapports des individus aux situations sociales, et moins aux groupes et à leurs rapports. Pourquoi ce qui peut apparaître à une époque comme relevant de la psychologie sociale peut, à une autre époque, être perçu comme étant au cœur de la discipline sociologique ? L’évolution des perceptions concernant ce qui est sociologique et ce qui ne l’est pas soulève le délicat problème de la définition du « social », et plus précisément la question des luttes scientifiques ayant pour enjeu le monopole de la définition légitime du « social ».

Échelle d’observation et mode de découpage des objets

5 Toute définition du social engage une échelle particulière d’observation et un type déterminé de découpage des objets (Lahire, 1996). Classiquement considérés comme des notions pleinement sociologiques (c’est-à-dire désignant des réalités sociales), des termes tels que groupes, classes, catégories, mouvements, courants, institutions, organisations, univers, mondes ou champs impliquent une observation du social à une échelle telle que les individus y apparaissent regroupés, rassemblés, agrégés, et parfois même presque totalement effacés.

6 Au cours de leur histoire, les sociologues se sont ainsi intéressés à des principes de variation des comportements, des pratiques, des cultures, des représentations, etc., plutôt macro-sociologiques : variations inter-époques, variations inter-civilisations, variations inter-sociétés ou variations inter-groupes (inter-classes ou inter-catégories). Ils ont pu aussi s’occuper des variations intra-groupes/classes/catégories (e. g. les différences hommes/femmes dans les différentes classes sociales), mais n’ont que très rarement porté leur attention sur les variations inter-individuelles et intra-individuelles étudiées dans certains secteurs de la psychologie (comme la psychologie différentielle). Lorsqu’ils ont changé d’échelle d’observation et adopté une focale plus micro-sociologique, ils se sont rapprochés des individus, mais cela ne les a pas conduits vers un plus grand intérêt pour ces derniers. Ce sont davantage les « types d’activité » (Howard Becker) ou les « cadres de l’interaction » (Erving Goffman) qui ont alors été privilégiés.

7 La tentation est forte chez les chercheurs d’affirmer, de façon tranchée et définitive, quel est le « bon » principe de variation, quelle est l’échelle d’observation la plus pertinente, quel est l’angle de vue le plus juste ou le mode de sélection des objets le plus intéressant. Et c’est d’ailleurs souvent de cette manière qu’ils procèdent dans leurs luttes visant implicitement à s’arroger le monopole de la définition légitime du « social ». Pourtant, en changeant d’échelle d’observation et de mode de découpage des objets, on produit des connaissances de nature différente et d’égale dignité.

Sociologie psychologique

8 La démarche qui guide une grande partie de mes recherches repose sur l’idée selon laquelle le social gagne à être saisi autant à l’échelle des individus qu’à celle des catégories ou des groupes (Lahire, 1995, 1998, 2002 et 2004). Qu’apprend-on et que voit-on du monde social lorsqu’on le regarde le plus systématiquement possible du point de vue de la variation intra-individuelle des comportements ? L’idée consistant à se demander ce que font, sentent, croient ou pensent les mêmes individus dans des domaines ou sous-domaines différents de pratiques est apparemment simple. Elle ne va pourtant pas de soi en sociologie.

9 S’il m’a paru nécessaire d’examiner le monde social à l’échelle des individus et de découper les objets de cette façon, c’est parce que je partais à la fois de l’intérêt pour le type de problèmes-solutions inscrit dans la théorie de l’habitus comme théorie de la socialisation et de la pratique (l’intérêt pour le social ou l’histoire à l’état incorporé, sous formes de dispositions à agir, à croire, à sentir, etc.), et de la remise en question – empiriquement fondée – d’un certain nombre d’aspects de cette théorie.

Le point principal qui m’a amené à systématiser le changement d’échelle et de point de vue, concerne la question de la transférabilité des dispositions (ou des schèmes) postulée (plutôt que vérifiée empiriquement) par la théorie de l’habitus comme « système de dispositions durables et transférables ». En regardant le monde social à l’échelle individuelle, on prend vite conscience du fait que les influences socialisatrices qui façonnent les individus sont loin d’être parfaitement cohérentes (ce que l’on présuppose souvent lorsqu’on évoque abstraitement les « classes de conditions d’existence » constitutives des habitus), que les individus ont donc rarement des patrimoines de dispositions homogènes, et, enfin, que les dispositions (plus ou moins fortement constituées et plus ou moins hétérogènes) dont ils sont les porteurs ne sont pas systématiquement transférées quel que soit le type de situation dans lequel ils sont amenés à agir.

10 Cherchant à expliciter et à nommer le type de démarche que je mettais en œuvre, j’ai parlé de « sociologie psychologique » (Lahire, 1998, p. 223-239), sans avoir au départ à l’esprit que Durkheim et Mauss avaient utilisé à quelques reprises cette expression [3][3] Marcel Mauss parle indistinctement de « psychologie… ou des expressions proches [4][4]Durkheim parle de « socio-psychologie » (1991, p. 341)..

L’intention principale était pour moi de souligner la légitimité de la question de la variation individuelle des comportements, plus évidente dans une partie de la psychologie que dans le domaine de la sociologie, tout en indiquant que mon projet scientifique ne sortait pas du domaine de la sociologie, qu’il était une réponse logique (inscrite dans un prolongement critique) aux problèmes soulevés par la théorie de l’habitus et qu’il n’y avait donc aucune raison de le placer sous le drapeau disciplinaire de la psychologie différentielle, sociale ou autre.

En utilisant plus fréquemment depuis l’expression « sociologie à l’échelle individuelle », je m’efforce d’éviter toutes les attentes (déçues) que provoque l’expression « sociologie psychologique ». Nul doute cependant qu’une grande partie de ce qui se fait et se pense en psychologie sociale (de manière cependant moins évidente lorsqu’elle est strictement expérimentale) pourrait aujourd’hui être considérée comme légitimement sociologique, et ce, malgré ses rattachements institutionnels à la psychologie. Mais cela est une autre histoire.

Inquiétudes disciplinaires

11 Tout changement d’échelle d’observation et de mode de découpage des objets, ne peut manquer de déclencher une série de questions et d’inquiétudes. L’« individu » n’est-il pas un terrain réservé aux différentes psychologies (de la psychologie cognitive à la psychanalyse en passant par la psychologie sociale et la psychologie différentielle) ? La sociologie ne doit-elle pas exclusivement s’occuper des réalités collectives, c’est-à-dire d’objets où les individus disparaissent en tant qu’êtres socialement singuliers au profit d’agrégats, de groupes, d’organisations, de champs, de cadres d’interactions, etc. ? En quoi les variations individuelles pourraient-elles constituer un objet spécifique pour la sociologie ?

12 La seule manière pour le sociologue de répondre à ce genre de questions est de convaincre de la nature sociale de ce qu’il étudie. En l’occurrence, il s’agit de montrer que les réalités individuelles sont socialement produites, et ce, jusqu’en leurs plis les plus singuliers. Il faut, au fond, appliquer à la lettre la formule de Durkheim lorsqu’il définit le point de vue sociologique par le fait d’« expliquer le social par le social », et mettre ainsi en évidence les origines et les causes sociales des variations individuelles des comportements et des attitudes.

13 C’est très précisément ce que j’ai essayé de montrer dans un travail récent sur les pratiques culturelles des Français (Lahire, 2004) en faisant apparaître que les variations intra-individuelles des comportements culturels sont le produit de l’interaction entre, d’une part, la pluralité des dispositions et des compétences culturelles incorporées (supposant la pluralité des expériences socialisatrices en matière culturelle) et, d’autre part, la diversité des contextes culturels (domaine ou sous-domaine culturel, contextes relationnels ou circonstances de la pratique) dans lesquels les individus ont à faire des choix, pratiquent, consomment, apprécient, etc. L’origine et la logique de telles variations sont donc pleinement sociales.

14 Mais on pourrait légitimement se demander dans quelle mesure cette sociologie à l’échelle des individus ne participe pas d’une atomisation des objets de recherche et d’une perte d’intérêt pour les phénomènes macro-sociaux. Deux réponses me semblent ici possibles. Pour répondre à ce type d’objection ou de critique, on peut tout d’abord noter le fait qu’étudier le social individualisé en ses cas les plus singuliers – comme l’ont fait, entre autres, le sociologue Norbert Elias (1991) et deux micro-historiens, Giovanni Lévi (1989) et Carlo Ginsburg (1980) – ne détourne aucunement le regard du général, du global ou du macro-social. L’étude de cas particuliers, y compris lorsque les cas en question s’avèrent statistiquement très improbables, peut être conçue et construite comme une contribution à l’étude du général ou du global.

15 Toutefois, s’arrêter à cette réponse, ce serait accepter de réduire l’étude du monde social à l’échelle individuelle, à l’étude de cas et commettre une grave erreur de compréhension. Car ce qui se manifeste à l’échelle individuelle (à l’échelle des variations intra-individuelles) des comportements culturels, d’une part, est susceptible d’objectivations statistiques et, d’autre part, est directement en rapport avec les structures générales du monde social.

16 Par exemple, un fait statistique tel que la forte probabilité d’observation, dans toutes les classes sociales, de profils culturels individuels dissonants sous l’angle du degré de légitimité culturelle des pratiques et des préférences culturelles s’explique en grande partie par la structure différenciée de nos sociétés. C’est parce que les individus de nos sociétés sont susceptibles de participer successivement ou simultanément à plusieurs groupes ou institutions, qu’on observe chez eux de plus ou moins grandes variations intra-individuelles de leurs comportements culturels.

La variation intra-individuelle des pratiques et des préférences culturelles est donc la trace ou le symptôme, à l’échelle du social incorporé, d’une part, de la pluralité de l’offre culturelle et, d’autre part, de la pluralité des groupes sociaux (des plus micro aux plus macro), susceptibles de soutenir (supporter) ces différentes offres culturelles, qui composent nos formations sociales hautement différenciées. Elle est le produit de la forte différenciation sociale, et plus précisément de la pluralité des influences socialisatrices, des contextes et des temps de la pratique. Théoriquement raisonnée, la saisie des réalités les plus individuelles ne renvoie ni à la singularité irréductible des destinées individuelles, ni à une illusoire liberté de choix d’individus sans attache ni racine (et délestés de tous déterminants sociaux), mais bien au contraire à la structure d’ensemble des sociétés qui les ont engendrées.

17 Pour gagner en autonomie scientifique et accroître son champ d’intelligibilité, la sociologie doit donc accepter la diversité des échelles d’observation et intégrer à la liste des variations de comportements sociologiquement étudiables les variations inter-individuelles et intra-individuelles des comportements, sans prendre ces changements de points de vue de connaissance pour des transformations de la réalité historique elle-même, et sans abandonner l’étude de la réalité sociale à l’échelle des variations intergroupes ou inter-sociétés.

Notes

  • [1]
    Maurice Halbwachs a été élu en 1939 au Collège de France sur une chaire intitulée « Psychologie collective ».
  • [2]
    Durkheim a écrit que « la psychologie collective, c’est la sociologie tout entière » (Durkheim, 1898). Cf. aussi M. Mauss (1991) et M. Halbwachs (1929, 1938 et 1939).
  • [3]
    Marcel Mauss parle indistinctement de « psychologie collective » ou de « sociologie psychologique » (Mauss, 1991, p. 289).
  • [4]
    Durkheim parle de « socio-psychologie » (1991, p. 341).

Mis en ligne sur Cairn.info le 19/11/2013

https://doi.org/10.4267/2042/8966

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Source : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2005-1-page-151.htm

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H.
L’approche socio-psychologique de Horkheimer, entre Fromm et Adorno - Katia Genel - Document diffusé par ‘journals.openedition.org’

Résumé

Le cadre du programme interdisciplinaire de recherche défini par Max Horkheimer dans les années 1930 doit beaucoup à Erich Fromm, qui a introduit la psychologie sociale dans la Théorie critique de la société. Or, une décennie plus tard, Fromm est la cible privilégiée des attaques et sa théorie apparaît désormais comme incompatible avec les positions défendues par Horkheimer et Adorno. Partant de ces tensions qui ont marqué l’histoire de l’École de Francfort, le présent article vise à éclaircir le déplacement qu’elles traduisent sur le plan épistémologique. Si Horkheimer et Fromm partagent des prémisses communes, le premier, dans son travail avec Adorno, se rapproche de manière croissante de la doctrine freudienne alors que le second s’en éloigne. Nous voudrions montrer que l’accord entre Fromm et Horkheimer fut surtout négatif puisqu’il portait sur la critique de Freud : les divergences entre les deux penseurs apparaissent clairement, dès lors qu’on pose en profondeur la question de l’usage de la psychanalyse pour analyser l’un des problèmes centraux de la théorie de la société, l’antagonisme entre individu et société.

Entrées d’index

Mots-clés : caractère, autorité, domination, Théorie critique, psychanalyse

Plan :

Remarques préliminaires : de la querelle institutionnelle au problème épistémologique

Le primat de l’approche sociopsychologique dans l’élaboration du programme

Convergences éphémères et divergences : l’ambivalence de l’accord

L’autorité et la réification

La question du caractère et de la subjectivité

Psychanalyse et théorie de la société : le problème de l’antagonisme entre individu et société

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1 Selon la formule célèbre de Max Horkheimer, « la psychanalyse est l’une de ces pierres angulaires (Bildungsmächte) sans lesquelles notre propre philosophie ne serait pas ce qu’elle est »1. Et en effet, lorsqu’il prend la direction de l’Institut de recherche sociale en 1930 et qu’il lui assigne pour tâche l’élaboration d’une théorie philosophique dialectiquement imbriquée avec une pratique scientifique spécialisée, Horkheimer confère une place essentielle à la psychanalyse au cœur de la Théorie critique de la société. Que recouvre la prédominance de cette approche sociopsychologique qui semble constante dans la « première » École de Francfort, de la collaboration serrée de Horkheimer avec Erich Fromm jusqu’à celle avec Theodor W. Adorno ? Derrière la convergence apparente des positions de Fromm et Horkheimer sur le premier programme articulant psychanalyse et théorie de la société, on découvre des ambivalences et de fines divergences plus souterraines, présentes depuis le début et qui doivent être mises au jour afin d’éclairer le changement de direction que prend la théorie de la société de Horkheimer avec Adorno. Mais expliquons-nous tout d’abord sur la nécessité de revenir sur la question de la psychanalyse dans l’École de Francfort.

Remarques préliminaires : de la querelle institutionnelle au problème épistémologique

2 Notre point de départ est un constat concernant l’histoire institutionnelle de l’École de Francfort. L’importance de la sociopsychologie dans le programme de recherche de l’Institut, qui lui confère en quelque sorte sa spécificité, est due à l’influence de Fromm ; plus précisément, c’est son apport psychanalytique spécifique qui permettait – voire appelait – les recherches empiriques. Mais une décennie plus tard, après sa rupture avec l’Institut qui intervient officiellement en 1939, Fromm est la cible privilégiée des vives attaques de ses anciens collaborateurs. Citons, outre La Dialectique de la raison (qui, sans attaquer directement Fromm, développe une utilisation de la psychanalyse en rupture avec ses positions), « La psychanalyse révisée »2 (texte issu d’une conférence d’Adorno mais exprimant des idées partagées par Horkheimer) ou le célèbre ouvrage de Herbert Marcuse, Eros et civilisation3 – deux pièces de la querelle dite du « néorévisionnisme »4. La théorie de Fromm, à mesure qu’elle prend un tournant critique à l’égard de Sigmund Freud (culminant dans Escape from Freedom5), apparaît comme de plus en plus incompatible avec les positions défendues par Horkheimer avec Adorno et par Marcuse. Mais malgré cette rupture, certains aspects de la théorisation de Fromm (le caractère sadomasochiste par exemple) continuent d’être utilisés par les théoriciens critiques, et notamment par Adorno à la fin des années 19406, établissant ainsi une continuité avec le travail initial de l’Institut dans les années 1930. Partant de ces tensions dans la collaboration institutionnelle, des échanges et polémiques entre les chercheurs de l’Institut – à Francfort, puis en exil –, on peut poser au plan épistémologique le problème du rôle de la psychanalyse dans la théorie de la société de Horkheimer. L’apport conceptuel d’Adorno remplace celui de Fromm (le tournant pouvant être situé autour de 1937-1938), ce qui correspond aussi à un déplacement épistémologique : la psychanalyse n’est plus un simple complément de la théorie de la société, mais devient une approche critique par elle-même. L’étude de ce trajet peut ainsi fournir une explication des transformations qui affectent le programme de recherche initial de la Théorie critique jusqu’au tournant de La Dialectique de la raison.

3 Pourquoi rouvrir le dossier de la psychanalyse dans l’École de Francfort, que l’on pouvait considérer comme relativement bien traité depuis une trentaine d’années, par des auteurs comme Russel Jacoby, Chistopher Lasch, Joel Whitebook ou Jessica Benjamin7 ? Une première raison tient précisément à ce que la plupart des études sur la question traitent de la querelle du néorévisionnisme, mais reviennent peu sur le premier programme de Horkheimer qui avait intégré en son sein des aspects essentiels de la pensée de Fromm. Or, si Adorno a dès 1936 critiqué Fromm dans des termes qui sont finalement assez proches de ceux des critiques ultérieures8, ce n’est pas le cas de Horkheimer. Les critiques portées par Adorno confirment que certaines thèses de Fromm, ensuite développées dans une direction « révisionniste », sont déjà en germe dans ses contributions des années 1930, lesquelles sont non seulement acceptées par Horkheimer pour la Revue de recherche sociale, mais semblent de surcroît constituer pour le directeur de l’Institut une véritable source d’inspiration. Dès lors, il convient d’expliquer cet accord initial entre Fromm et Horkheimer ainsi que la rupture qui s’en est suivie.

4 La seconde raison est liée aux lectures actuelles de la tradition de la Théorie critique, et notamment à celle d’Axel Honneth dans son article « Kritische Theorie »9. Sa démarche consiste à faire valoir des voies théoriques mineures, issues de la périphérie de l’École de Francfort et non prises en compte par le cercle interne, comme des alternatives aux tendances fonctionnalistes de la théorie critique de la société – l’une de ces alternatives étant l’approche psychanalytique de Fromm (plus précisément celle du Fromm tardif). Honneth est donc conduit à réévaluer l’importance de Fromm ; en outre, il reprend à son compte l’idée selon laquelle la théorie des pulsions est plus problématique qu’utile à la philosophie sociale – sa théorie intersubjective puisant elle-même à d’autres sources, notamment à la psychanalyse de la relation d’objet de Donald W. Winnicott. Sans partager l’évaluation positive qui est faite de Fromm dans cet article, nous suivons sa méthode, attentive aux dialogues et polémiques. En envisageant la collaboration des chercheurs dans son aspect dynamique, nous pourrions parvenir à d’autres conclusions : faire valoir, certes, les problèmes posés par l’usage de la psychanalyse de Horkheimer et Adorno, mais montrer aussi l’impensé de Fromm, lié à son refus de la théorie des pulsions. Cette théorie constituait un défi à relever, que les approches actuelles tendent à contourner.

5 Pour expliquer la première configuration du rapport entre psychanalyse et théorie de la société, caractéristique du programme des années 1930, ainsi que la nature du changement accompli par la collaboration avec Adorno dans les années 1940, nous pouvons avancer l’hypothèse suivante : une théorie de la société qui s’alimente à une approche sociopsychologique ancre nécessairement sa critique de la domination et sa perspective d’émancipation dans une conception de l’individu. C’est dans ce soubassement anthropologique de la critique de la société et dans la manière dont il a évolué chez Horkheimer comme chez Fromm que se trouve le nœud de la divergence entre les deux théoriciens, malgré le croisement de leurs perspectives méthodologiques dans les années 1930.

Le primat de l’approche sociopsychologique dans l’élaboration du programme

6 Le terme quelque peu alambiqué de sociopsychologie (ou de psychologie sociale) utilisé par les commentateurs de la première École de Francfort10 désigne en réalité la psychanalyse, que Horkheimer appelle psychologie et parfois psychologie des profondeurs, et que Fromm appelle psychologie sociale analytique. Elle renvoie à une psychologie individuelle appliquée aux phénomènes sociaux et non à une psychologie collective. Même si Fromm introduit en grande partie la psychanalyse dans le programme, Horkheimer, ainsi qu’Adorno, ont déjà à cette époque une formation spécifique en psychanalyse et en psychologie, grâce au professeur Hans Cornelius. La psychologie est utilisée par Horkheimer dans une perspective de théorie de la connaissance, comme un pendant empirique de la philosophie transcendantale kantienne, visant à montrer l’activité du sujet à l’œuvre dans la perception et la cognition11. C’est sous cette forme qu’elle est intégrée au niveau théorique – notamment dans la théorie générale de la domination de Horkheimer – puisqu’il s’agit d’expliquer comment la domination, comprise comme soumission à la réalité, passe par les catégories cognitives.

7 Dans le même temps, la psychologie constitue – cette fois plus précisément en tant que psychologie sociale – une approche empirique nourrissant la philosophie sociale. Le discours de prise de fonction de Horkheimer en 1930 soulignait en effet l’importance des « intermédiaires psychiques »12 dans l’interrogation sur la société, conférant un certain primat à la sociopsychologie et rendant l’apport de Fromm essentiel. La démarche de Fromm rejoint à cet égard celle de Reich dès les années 1920 : il s’agissait de remédier grâce à la psychanalyse à l’insuffisance de la théorie matérialiste, à laquelle une véritable théorie psychologique faisait défaut. L’articulation entre Freud et Marx s’impose ainsi à l’Institut pour approfondir la dimension subjective du marxisme, mais selon une analyse négative visant à expliquer l’échec de la révolution prolétarienne et le ralliement des masses au nazisme.

8 Cette articulation passe par une reprise psychanalytique de la notion d’idéologie, reprise marquée d’une certaine ambiguïté puisqu’il s’agit d’aller contre le sens initial de la notion en désignant la mobilisation de pulsions psychiques irréductibles aux intérêts et qui peuvent même aller contre ces intérêts. Sur ce point, on constate une correspondance entre les textes de Horkheimer et les contributions de Fromm. Lorsque Fromm définit sa méthode 13, il indique que le matérialisme historique peut se passer de la psychologie, là où l’idéologie est l’expression immédiate des intérêts économiques, mais requiert la psychanalyse pour éclairer comment « la situation économique se transforme en idéologie » par le biais de la vie pulsionnelle14. Cet usage de la psychanalyse pour analyser les mécanismes psychiques, cristallisés en un caractère, qui contrarient la formation de la conscience de classe, commande également l’analyse de Horkheimer dans « Geschichte und Psychologie »15. Ce texte formalise en quelque sorte les idées issues de la psychologie sociale analytique. Horkheimer critique une conception trop mécaniste de l’histoire pour mettre au jour une autre dimension, psychologique, pouvant expliquer comment adviennent « des mécanismes psychiques rendant possible que les tensions entre les classes sociales, qui poussent à des conflits sur la base de la situation économique, puissent demeurer latentes »16. L’appareil psychique, conditionné économiquement dans son contenu et dans l’intensité de ses modifications, est un facteur de perpétuation des rapports de domination. En 1936, Horkheimer précise cet élément explicatif : ce n’est pas la simple force qui contraint les hommes, mais la composition psychique des différents groupes sociaux. C’est ainsi qu’il forge son concept d’autorité, en le distinguant de la violence et de l’art de gouverner d’un côté, et du simple rapport économique de l’autre17.

9 Parmi les perspectives et les outils apportés par Fromm, qui vont servir de base aux études empiriques (les études sur les ouvriers et les employés, puis sur l’autorité et la famille), citons l’intérêt pour la famille et la problématique du caractère. Il s’agit pour Fromm d’expliquer l’adhésion au capitalisme non par des passions générales, mais par des types historiquement déterminés, psychologiques mais aussi culturels : la notion de caractère s’alimente aux analyses freudiennes sur le caractère anal, mais aussi à celles de Paul Federn et Wilhelm Reich18, et plus généralement au portrait du type protestant ou bourgeois chez Max Weber ou Werner Sombart19. Dans sa dimension psychanalytique, le caractère autoritaire est pour Fromm l’expression de la médiation entre les pulsions individuelles et les contraintes sociales20. Mais la problématisation psychanalytique du caractère est indissociablement culturelle : Fromm fait un portrait du type bourgeois patricentré, décrit à l’aide du caractère anal, en montrant que sa prédominance est liée à la société protestante21. L’usage initial de la théorie freudienne implique donc une correction des analyses dans le cadre d’une théorie historique de la société.

10 On constate que sont déployés ici des éléments communs entre Fromm et Reich, ainsi qu’avec les autres théoriciens critiques. Faut-il dès lors ranger cette constellation d’auteurs sous la bannière d’un contexte théorique commun, dans un courant « freudo-marxiste » qui serait unifié ? Fromm et Reich s’accordent sur l’importance de la famille, sur le rôle du caractère comme médiateur entre la structure économique et la superstructure idéologique, ainsi que sur la critique de Freud. Le désaccord survient surtout lors du tournant biologique de Reich22. Horkheimer, Adorno et Marcuse partagent cette critique de Reich avec Fromm, même s’ils prennent au sérieux le « naturalisme » de Freud et le font valoir contre la tendance de Fromm à atténuer le rôle des pulsions et à accorder une importance croissante à la culture et aux relations interpersonnelles dans la formation du caractère.

Convergences éphémères et divergences : l’ambivalence de l’accord

11 Il faut à présent expliquer comment de profondes divergences ont pu naître entre Horkheimer et Fromm à partir de l’accord initial sur le cadre de recherche. Les divergences sont tout d’abord rendues possibles par la structure de coopération mise en place par Horkheimer, structure qui autorise une instrumentalisation des acquis psychanalytiques de Fromm. C’est là le signe qu’il y avait finalement une indépendance plus grande entre la théorie et les recherches empiriques que la volonté d’imbrication dialectique exprimée dans le programme – autrement dit, la « multidisciplinarité » était une menace constante pesant sur l’« interdisciplinarité », si l’on suit les analyses de Helmut Dubiel23. Si Fromm influence véritablement le programme, ses apports peuvent être également considérés comme des apports d’expertise alimentant la philosophie sociale ; et cela explique qu’ils aient pu être repris de manière partielle même par Adorno. Les notions de caractère, de famille et d’autres outils psychanalytiques (la formation du surmoi, la notion d’identification) sont en grande partie utilisés par Horkheimer pour poser, et même pour traduire empiriquement, un problème théorique marxiste : celui de la base et de la superstructure, que Horkheimer situe dans la lignée de la question de l’esprit et de la réalité, c’est-à-dire du rapport entre sphère matérielle et sphère culturelle.

12 Ensuite, et cette deuxième raison est essentielle, des divergences ont pu naître parce que l’accord de Horkheimer avec Fromm repose sur une « réception critique » de Freud ; c’est donc un accord négatif sur la nécessité d’affronter le problème du rapport de l’individu à la société en articulant la psychanalyse à une perspective théorique soucieuse de l’historicité. Les différences initialement ténues de leurs positions éclateront comme points de dissension dès lors que se préciseront les termes du problème et les pistes de solution. Horkheimer et Fromm partagent une double appréhension de la psychanalyse, comme complément de la théorie matérialiste de la société et comme objet de critique. Leur usage des concepts psychanalytiques, qui vise à un diagnostic critique de la société, enveloppe toujours une critique du défaut d’historicité de ces concepts : ils entendent démontrer que les pulsions prétendument anhistoriques sont en réalité constituées socialement et historiquement. Fromm critique le complexe d’Œdipe en montrant que la société patriarcale en est la condition objective, ainsi que le surmoi comme intériorisation psychique des instances idéologiques spécifiques d’une société donnée. L’intérêt pour le matriarcat 24 va dans la même direction. En s’appuyant sur les analyses de la société de droit matriarcal de Robert Briffault et Johann J. Bachofen, Fromm entend montrer que les modifications instinctuelles sont historiques et peuvent se réaliser dans un autre type de société : le matriarcat montre que la libido individuelle est conditionnée socialement et peut donc être modifiée 25.

13 On trouve également cette critique de Freud dans la perspective historique du dépassement de la philosophie bourgeoise qui est celle de Horkheimer au début des années 1930. Dans « Égoïsme et émancipation »26, Horkheimer critique l’injonction au renoncement pulsionnel qui sous-tend les conceptions de la nature humaine. Il montre comment l’égoïsme fonctionne dans les conditions de l’époque bourgeoise contre la morale officielle des temps modernes et se trouve donc réprimé. Il utilise la théorie freudienne pour sa critique de la domination, mais dans les limites d’une critique corrélative de Freud qu’il considère comme un penseur bourgeois, répercutant dans sa théorie le discours idéologique qui fait obstacle aux revendications au bonheur de l’individu – notamment à travers la défense du principe de réalité puis l’hypothèse de la pulsion de mort. Le matérialisme de Horkheimer, hédoniste mais profondément pessimiste, va acquérir un certain tragique en acceptant les implications biologiques de la théorie des pulsions, jusqu’à souscrire à la critique du néorévisionnisme en tant qu’il concourt à orienter la psychanalyse vers une adaptation conformiste à la société telle qu’elle est, au lieu de prendre en considération la tâche plus philosophique de « surmonter les rationalisations par une rationalité conséquente »27.

14 Nous arrivons à un troisième aspect de la collaboration ambiguë de Horkheimer avec Fromm. Au sein même de la voie sociopsychologique, qui semble faire l’objet d’un accord durable, on a affaire à des glissements de sens qui affectent des notions essentielles, notamment l’autorité et le caractère : Horkheimer et Fromm vont continuer à utiliser les mêmes termes sans se référer aux mêmes problématisations. Ceci explique les lignes de continuité apparentes, malgré l’abandon du programme interdisciplinaire dans les années 1940, puisque la voie sociopsychologique reste dominante dans la théorie de la société et la notion de caractère autoritaire est reprise. La divergence concerne la conception de la subjectivité, et plus généralement le soubassement anthropologique de la domination ; elle va s’accentuer avec le passage au premier plan de l’analyse de la réification et de ses répercussions psychologiques chez Adorno et Horkheimer. Examinons les glissements de sens évoqués.

L’autorité et la réification

15 Dès les Études sur l’autorité et la famille de 1936, une double problématisation de l’autorité est présente chez les deux auteurs : la critique du patriarcat et l’analyse du déclin de l’autorité. Horkheimer conçoit l’autorité à partir des analyses de Fromm sur le caractère mais insiste de manière croissante sur l’émergence d’une autorité des « faits », c’est-à-dire de nouvelles formes d’autorité issues de la décomposition de l’autorité familiale elle-même. Cette problématisation était également présente chez Fromm : le caractère masochiste, tel qu’il le décrit, est celui qui se soumet, via des rationalisations, à l’ordre des choses (la contrainte des faits, la volonté de Dieu)28. Fromm avait analysé le déclin de l’autorité, mais il ne déploie pas véritablement par la suite son analyse vers la réification : il accentue plutôt la spontanéité, et ses présupposés (plus optimistes et existentiels) l’éloignent du diagnostic que Horkheimer va établir.

16 La transformation fondamentale qui s’opère au sein de la problématisation sociopsychologique elle-même peut être résumée comme un déplacement d’accent vers le déclin de la famille et de l’individu, qui affecte la compréhension de l’autorité comme de la subjectivité. Dans les termes d’Adorno en 1935 : « la véritable “médiation” entre psychologie et société ne se situe pas dans la famille, mais dans la marchandise et dans le fétiche », « le fétichisme est le véritable corrélat de la réification »29. Dans sa lettre à Leo Löwenthal en 1942, Horkheimer évoque à son tour ce déplacement, qui a finalement été opéré :

C’est justement la décadence de la famille bourgeoise qui permit à sa théorie de parvenir à ce nouveau stade qui apparaît dans « Au-delà du principe de plaisir » et les écrits qui suivirent. Ce tournant dans sa philosophie montre bien que lui-même, dans son propre travail, avait bien compris les changements auxquels il est fait allusion dans la partie de l’article sur la Raison consacrée au déclin de la famille et de l’individu.30

17 Horkheimer révise son jugement sur l’ancrage de la doctrine freudienne dans son époque, pour défendre l’idée que Freud aurait réfléchi par ses analyses la situation historique du déclin de la famille, que Raison et conservation de soi analysait de son côté. Ce texte manifeste un élargissement du diagnostic de la critique de la domination à une problématique de la rationalité et de la rationalisation dans la civilisation. L’autorité s’est modifiée sous l’influence d’une rationalité devenant instrumentale :

Avec le déclin du moi et de sa raison réflexive, les relations humaines se rapprochent d’une limite, où la domination de tous les rapports personnels par les rapports économiques transforme en une nouvelle manière d’immédiateté la médiation universelle de la vie collective par la marchandise. […] L’autorité problématique du maître est déconstruite, en faveur d’une autorité inconditionnelle et anonyme, et pourtant omniprésente, dont les exigences prennent le dessus. Cette autorité est celle des toutes-puissantes formes-finales (Zweckformen) de la société de masse.31

18 Cet infléchissement marque clairement le questionnement de Horkheimer sur la famille elle-même dans les années 1940, notamment dans l’article « Authoritarianism and family today » de 1949 32. Ce texte pourrait sembler contredire l’évolution que nous mettons en évidence, car la problématique de la famille y est centrale et paraît être déployée en continuité avec les analyses de 1936. En réalité, elle s’y trouve infléchie dans la direction indiquée de la réification et de la marchandise : ce n’est plus la crainte que la famille patriarcale génère des caractères autoritaires qui est soulignée, mais l’idée que la famille s’est décomposée et ne peut plus jouer son rôle de rempart contre la société33. Elle devient préparation à la domination sociale en fournissant une « éducation au réalisme », au lieu de favoriser la formation d’une autonomie critique. Le diagnostic de 1936 portait bien en lui des éléments développés dans les années 1940, sur fond d’un glissement de l’analyse de l’autorité patriarcale vers l’analyse du déclin de l’autorité sous l’effet des processus de réification.

La question du caractère et de la subjectivité

19 Ces différences dans l’analyse de l’autorité renvoient à une divergence fondamentale de Fromm et Horkheimer sur la conception de la subjectivité et la possibilité de l’autonomie. Cette divergence est déjà en germe au début de la collaboration. On peut le constater sur la question du matriarcat : si le matriarcat ouvre une perspective utopique et critique chez Fromm, la présence de cette thématique chez Horkheimer passe davantage par une réflexion sur le rôle de la mère dans la socialisation. Elle devrait conférer une identité structurante et une autonomie, mais son rôle est déjà subverti par les processus de réification. Plus généralement, ce thème sert à faire la généalogie du sujet masculin et à poser la question d’une forme de subjectivité dotée d’une autonomie non abstraite, prenant en compte la reconnaissance de l’autre. Ce sera le cas dans La Dialectique de la raison, qui contient une sorte d’histoire de la subjectivité rationnelle dominatrice de la nature et s’efforce de faire apparaître un autre rapport à la nature. À l’inverse, la normativité du sujet défendu par Fromm dès les analyses de l’autorité de 1936 engage à chercher une solution à la crise de l’autorité du côté d’un moi rationnel fort et dominateur – qui sera ensuite décrit comme intégré – susceptible d’atténuer l’autorité irrationnelle du surmoi. La critique de Fromm, selon laquelle Freud aurait mis l’accent sur l’adaptation et non sur les forces productrices du moi, est le nœud de la divergence qui va apparaître sur la conception du caractère. Ainsi, lorsqu’Adorno reprend à son compte cette notion, il lui donne davantage le sens d’un « système de cicatrices » que d’une totalité harmonieuse ou stable34.

20 Si la différence de conception de la subjectivité apparaît nettement, il faut toutefois mettre en évidence la complexité de cette opposition et la finesse des divergences. Même s’ils refusent l’idée d’un caractère intégré, Horkheimer et Adorno ont toutefois réactivé deux points très proches des analyses frommiennes. Dans leur diagnostic du déclin de l’individu, on trouve l’idée selon laquelle le moi faible est potentiellement autoritaire, puisqu’il est façonné directement par les processus de réification auxquels il ne peut résister faute d’autonomie (la faiblesse du moi étant au cœur du diagnostic de la « susceptibilité au fascisme » dans Études sur la personnalité autoritaire). D’autre part, le moi faible est celui qui va se soumettre à une autorité quelle qu’elle soit et prendre des traits conformistes – ce qui rappelle la distinction de Fromm entre autorité véritable qui confère l’autonomie et révolte infinie contre les autorités, qui dissimule une recherche de l’autorité à tout prix.

21 Le diagnostic selon lequel l’individualité ne peut plus se constituer comme autonome repose sur l’idée que l’intériorisation de la bonne autorité n’est plus possible, ce qui a transformé l’autorité en une forme de conformisme. L’intériorisation des valeurs substantielles donnait un sens au renoncement et permettait la production d’idéaux qui forgeaient une conscience critique ; le devenir instrumental de la raison modifie l’autorité en la détachant des liens affectifs sur lesquels elle reposait et en la rattachant à l’idéalisation de figures puissantes. Ce qui est miné par là, c’est la base de résistance à l’autorité, la possibilité de la révolte qui permettait l’accession à l’autonomie35. Le moi fort n’est pas dominateur, puisqu’il s’efforce de déployer un rapport à la nature, aux autres et à lui-même, qui n’est pas de l’ordre de la rationalité instrumentale.

Psychanalyse et théorie de la société : le problème de l’antagonisme entre individu et société

22 Pour rendre raison de l’éloignement de Fromm et Horkheimer dans les années 1940, il faut considérer la double évolution en sens contraire du rapport à la psychanalyse de chacun des chercheurs : pendant que Fromm prend ses distances avec Freud et revient à Marx (depuis le milieu des années 1930 jusqu’à Escape from Freedom), Horkheimer accomplit le chemin inverse, en une sorte de chiasme. Pour Horkheimer, avec Adorno, la psychanalyse n’est plus seulement une psychologie sociale dans laquelle la question est de révéler un « inconscient social », mais une discipline depuis laquelle la critique d’un noyau marxien est possible – en particulier son anthropologie. La psychanalyse révélait une dimension de l’objectivité sociale impensée par le matérialisme historique ; elle devient le vecteur d’une critique du rapport de domination sur la nature enveloppé par l’anthropologie marxiste des forces productives. On passe d’une analyse du caractère comme reflet d’une inhibition des forces productives au diagnostic du déclin de l’individualité, autrement dit de la production d’un type d’homme privé d’autonomie dont les pulsions peuvent être plus directement manipulées. Le changement d’orientation qui s’opère au sein de la voie sociopsychologique et conduit à une divergence croissante avec Fromm est donc compréhensible comme un glissement dans la conception anthropologique36. La lettre de Horkheimer à Löwenthal le confirme :

Avec l’ensemble de concepts liés à la notion de pulsion de mort, nous avons affaire à des catégories (au sens allemand du terme) anthropologiques.37

23 Dans ce nouvel agencement, la psychanalyse radicalise l’anthropologie qui fonde la théorie critique de la domination, dans le sens d’une anthropologie des pulsions. La philosophie de l’histoire qui sous-tend l’usage de la psychanalyse s’est modifiée 38. La psychanalyse permet de produire un diagnostic anthropologique (celui du « déclin de l’individu ») modifiant en retour la théorie de la société.

24 Fromm, Horkheimer et Adorno sont finalement confrontés au même problème fondamental (celui de l’apport possible de la psychanalyse au problème de l’antagonisme entre individu et société), auquel ils ne donnent pas le même sens ni la même solution. Les divergences s’expriment au niveau des présupposés de la critique, dans la spécificité de l’articulation entre théorie de la société et psychanalyse.

25 Horkheimer va progressivement affronter le problème de la pulsion de mort, à mesure qu’il va creuser, dans les théorisations sur la rationalité, ce qu’il en est de la conservation de soi 39. Il souligne que la véritable psychologie est une psychologie de l’individu et de la libido 40 et que quand cela est nécessaire, il faut se référer de façon orthodoxe aux premiers écrits de Freud. Il défend si l’on ose dire un retour à Freud, qui implique la théorie des pulsions, le noyau même refusé par Fromm, contre qui ces remarques sont dirigées. Le renversement est intéressant, puisque l’appareil conceptuel de Fromm avait précisément apporté au premier programme une focalisation sur l’individu, en créant une articulation prometteuse entre marxisme et psychanalyse ; mais c’est ce retour de Horkheimer à la psychanalyse freudienne de la libido qui permet de forger, dans les années 1940, le diagnostic de la liquidation de l’individu. Fromm prend un chemin inverse avec Escape from Freedom 41. Ce texte vise à expliquer l’émergence des traits de caractère bourgeois sans se référer à une structure pulsionnelle fixe comme chez Freud, mais avec l’idée d’un potentiel pulsionnel modifié et façonné historiquement. Fromm s’éloigne de Freud dont il refuse la théorie des pulsions et certains aspects de l’anthropologie de la civilisation. Sa pensée prend une direction de plus en plus existentielle sous l’influence des interactionnistes (l’accent est mis sur la culture et l’interpersonnalité), visible dans le concept d’aliénation 42.

26 Horkheimer et Adorno entendent poser le problème ouvert par la théorie freudienne – problème que Fromm veut en quelque sorte résoudre au sein d’une « psychanalyse sans Freud », à savoir le problème de l’antagonisme entre individu et société. La psychanalyse freudienne avait rencontré cette question avec la théorie des pulsions appliquée à la culture. Les théoriciens critiques ont hérité du problème posé par Freud comme d’une aporie 43 : si la pulsion de mort est inhérente à la civilisation, comment penser une théorie de la société ? Autrement dit, comment faire travailler la radicalité de la découverte freudienne dans une théorie de la société ? L’analyse freudienne enseigne effectivement que la civilisation s’édifie sur le renoncement aux pulsions, sur une agressivité que les individus retournent contre eux-mêmes (l’agression étant intériorisée sous la forme du surmoi). La civilisation repose sur cette force de destruction : l’agressivité la menace, mais lui est en même temps inhérente. Cela a des répercussions que la théorie de la société doit prendre en compte : l’agressivité fondamentale de l’homme, la violence inhérente à la civilisation, sont constitutives de la subjectivité. Telle est la « leçon » que tire Horkheimer à partir de l’expérience du fascisme 44. Le risque est que la théorie de la société en reste à un équilibre des forces, et ne parvienne pas à penser la transformation sociale.

27 La voie frommienne, pour appréhender la manière dont la société bloque les forces créatrices de l’homme, rabat la nature sur la culture et contourne en quelque sorte le problème. Le refus de la découverte freudienne empêche Fromm de mettre en question l’optimisme anthropologique marxien et sa conception du progrès comme développement des forces productives de l’humanité. L’idée que la solution tient dans une meilleure adaptation ou un déploiement du potentiel des individualités permet d’éviter le double risque qui guette la théorie de la société lorsqu’elle admet l’hypothèse freudienne : celui du pessimisme (le conflit pulsionnel en l’homme ne débouchant sur aucune perspective de transformation sociale) ainsi que celui de la généralisation (le problème de la domination étant posé comme constant et anhistorique). Mais c’est peut-être faute d’avoir posé dans toutes ses implications le problème de l’articulation entre psychanalyse et théorie de la société. Il peut difficilement, à partir de sa conception de la psychanalyse, produire une critique de la réification des sphères de la culture et de l’interpersonnalité. De leur côté, Horkheimer et Adorno saisissent la structure pulsionnelle comme une seconde nature issue des médiations historiques, et s’efforcent de déployer à partir de la psychanalyse elle-même une pensée de l’historicité.

28 Ainsi, la voie sociopsychologique initialement privilégiée dans le programme interdisciplinaire de la Théorie critique s’est nettement différenciée dès lors qu’une véritable articulation avec la psychanalyse, ouvrant la possibilité de recevoir les problèmes qu’elle met au jour, a été cherchée par la théorie de la société. La difficulté est alors de déployer la théorie de la société, critique de la domination mais ouvrant des perspectives d’émancipation, à partir de cette conception anthropologique. L’autonomisation de la psychanalyse pose un défi à la théorie de la société, en raison de son pessimisme sur les possibilités d’une action sociale transformatrice du réel. Dès lors, la critique de la domination se résorbe chez Horkheimer et Adorno dans la perspective modeste d’une éducation repensée à la lumière des acquis de la psychanalyse ; une autre piste – esquissée par Adorno – consiste à produire une véritable articulation entre la subjectivité repensée psychanalytiquement dans son antagonisme avec la société et l’analyse précise des conditions institutionnelles juridiques et politiques.

Notes

1 Lettre de Horkheimer à Löwenthal, 31 octobre 1942, envoyée de Pacific Palisades, Californie (Collection de Löwenthal), citée dans M. Jay, L’Imagination dialectique. Histoire de l’École de Francfort, Paris, Payot, 1977, p. 127-128.

2 Th. W. Adorno, « Die revidierte Psychoanalyse », Gesammelte Schriften, vol. VIII, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1972, p. 20-42 (La Psychanalyse révisée, trad. J. Le Rider, suivi de J. Le Rider, L’Allié incommode, Paris, L’Olivier, 2007). On peut citer également la critique de la psychanalyse, visant très clairement Fromm, des paragraphes 36 à 40 de Minima Moralia (Th. W. Adorno, Minima Moralia. Réflexions sur la vie mutilée, trad. É. Kaufholz et J.-R. Ladmiral, Paris, Payot, 2001, p. 61-71).

3 H. Marcuse, Eros et civilisation. Contribution à Freud, trad. J.-G. Nény et B. Fraenkel, revue par l’auteur, Paris, Minuit, 2002, notamment la postface : « Critique du révisionnisme néo-freudien ».

4 La querelle du néorévisionnisme porte sur l’interprétation de Freud : les révisionnistes refusent le noyau biologique de la découverte freudienne et insistent sur l’importance de la culture. Adorno, comme Marcuse, tient les interprétations de Fromm (assimilées à celles des culturalistes américains Karen Horney, Harry Stack Sullivan, Clara Thompson, en dépit de la distance que Fromm a prise à l’égard de cette école) pour une révision du freudisme qui en perd la substance critique – un mouvement d’« amnésie », selon les termes de Russell Jacoby qui en retrace l’histoire intellectuelle (R. Jacoby, Social Amnesia. A Critique of Contemporary Psychology, New Brunswick, Transaction Publishers, 1997).

5 E. Fromm, Escape from Freedom, New York, Rinehart and Co., 1941.

6 Th. W. Adorno, E. Frenkle-Brunswick, D. J. Levinson et R. Nevitt Sanford, The Authoritarian Personality, New York, Harper and Brothers, 1949.

7 Outre l’ouvrage de R. Jacoby mentionné, citons C. Lasch, Haven in a Heartless World. The Family Besieged, New York, Basic Books, 1979 ; J. Whitebook, Perversion and Utopia. A Study in Psychoanalysis and Critical Theory, Cambridge, The MIT Press, 1995 ; ainsi que les articles de J. Benjamin (par exemple « The end of internalization : Adorno’s social psychology », Telos, no 32, 1977, p. 42-64).

8 Voir la lettre d’Adorno à Horkheimer du 21 mars 1936, citée dans R. Wiggershaus, L’École de Francfort. Histoire, développement, signification, trad. L. Deroche-Gurcel, Paris, PUF, 1993, p. 254. Adorno y attaque l’article de Fromm, « Die gesellschaftliche Bedingtheit der psychoanalytischen Therapie » (Zeitschrift für Sozialforschung, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, vol. IV, 1935, p. 365-397 ; désormais noté Zeitschrift, IV) et sa conception de la psychanalyse, notamment sa critique de Freud au nom de la défense de la bonté de l’analyste : c’est « sentimental et faussement immédiat. […] Si, comme nous, on critique Freud sur sa gauche, on n’a pas le droit de laisser passer des choses comme l’argument niais du “manque de bonté” ».

9 Voir A. Honneth, « Kritische Theorie. Von Zentrum zu Peripherie einer Denktradition », Die zerrissene Welt des Sozialen. Sozialphilosophische Aufsätze, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1999, p. 25-72.

10 Voir notamment A. Söllner, Geschichte und Herrschaft. Studien zur materialistischen Sozialwissenschaft (1929-1942), Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1979.

11 « Matérialisme et métaphysique », Théorie traditionnelle et théorie critique, trad. C. Maillard et S. Muller, Paris, Gallimard, 1996, p. 93-137.

12 M. Horkheimer, « Situation de la philosophie sociale et tâches d’un Institut de recherche sociale », Théorie critique. Essais, trad. Collège de philosophie, Paris, Payot, 1978, p. 78.

13 « Über Methode und Aufgabe einer analytischer Sozialpsychologie », Zeitschrift, I, 1932, p. 28-54. C’est le premier article publié par Fromm dans la revue.

14 Ibid., p. 46.

15 Ce texte est publié dans le même numéro de la revue ; voir Zeitschrift, I, p. 125-144.

16 « Geschichte und Psychologie », art. cité, p. 136.

17 « Autorité et famille », Théorie traditionnelle et théorie critique, ouvr. cité, p. 252.

18 S. Freud, « Caractère et érotisme anal » (1908), Névrose, psychose et perversion, trad. J. Laplanche, Paris, PUF, 1981 (La première date, entre parenthèses, est celle de l’édition originale. Il en est de même dans la suite des notes). Federn est considéré comme le premier à avoir posé le problème du caractère autoritaire, en situant dans l’attitude patriarcale l’un des fondements psychologiques de l’échec de la révolution ; voir P. Federn, Zur Psychologie der Revolution : die vaterlose Gesellschaft, Vienne, Anzengruber Verlag, 1919.

19 M. Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, trad. J.-P. Grossein, Paris, Gallimard, 2003 ; W. Sombart (1913), Le bourgeois. Contribution à l’histoire morale et intellectuelle de l’homme économique moderne, trad. S. Jankélévitch, Paris, Payot, 1926.

20 C’est ce que montre l’essai sur la caractérologie psychanalytique, point de départ d’une psychologie sociale qui étudie comment les traits communs des membres d’une société sont conditionnés par la nature spécifique de cette société. E. Fromm, « Die psychoanalytische Charakterologie und ihre Bedeutung für die Sozialpsychologie », Zeitschrift, I, p. 253-277.

21 Voir « Die sozialpsychologische Bedeutung der Mutterrechtstheorie », Zeitschrift, III, p. 221, et Escape from Freedom, ouvr. cité.

22 Voir la description positive du caractère génital dès L’analyse caractérielle, trad. P. Kamnitzer, Paris, Payot, 1992.

23 Il y a multidisciplinarité quand la recherche fait appel aux différentes disciplines pour enrichir son objet de l’extérieur (d’où le risque d’une fragmentation du problème) ; l’interdisciplinarité correspond à la situation de coopération disciplinaire dans laquelle le problème généré de l’extérieur est repris à l’intérieur des disciplines et permet leur intégration supradisciplinaire. Selon Dubiel, le programme francfortois réduit l’interdisciplinarité à l’intégration des analyses disciplinaires spécifiques dans la construction philosophique. Voir Wissenschaftsorganisation, ouvr. cité, p. 137-147.

24 Intérêt partagé par un certain nombre de nos auteurs : Fromm, Benjamin, Löwenthal et même Horkheimer.

25 E. Fromm, « Robert Briffaults Werk über das Mutterrecht », Zeitschrift, II, 1933, p. 382-385 et « Die sozialpsychologische Bedeutung… », art. cité, Zeitschrift, III.

26 « Égoïsme et émancipation. Contribution à une anthropologie de l’âge bourgeois », Théorie traditionnelle et théorie critique, ouvr. cité, p. 139-227.

27 M. Horkheimer, « Ernst Simmel and freudian philosophy », The International Journal of Psychoanalysis, vol. XXIX, 1948, p. 111.

28 E. Fromm, « Zum Gefühl der Ohnmacht », Zeitschrift, VI, 1937, p. 117.

29 Dans la lettre à Benjamin du 5 juin 1935 (Correspondance Adorno-Benjamin, trad. P. Ivernel, Paris, La Fabrique, 2003, p. 106), Adorno évoque une lettre à Horkheimer dans laquelle il a défendu cette idée « contre Fromm et surtout Reich ».

30 Lettre d’octobre 1942 citée par Jay, évoquée à la note 1 (M. Jay ajoute entre crochets que Horkheimer fait probablement allusion à une partie de Raison et conservation de soi). Löwenthal demandait quelle réponse faire à Ernst Kris qui s’était enquis de la position de l’Institut à l’égard de la psychanalyse de Freud.

31 Voir dans Raison et conservation de soi, trad. J. Laizé (première partie : Éclipse de la raison, trad. J. Deboury), Paris, Payot, 1974, p. 222-223.

32 « Authoritarianism and the family today », The Family : Its Function and Destiny, R. N. Anshen éd., New York, Harper & Brothers, 1949, p. 359-374 (soulignons que ce texte est publié parmi d’autres textes à teneur révisionniste ou culturaliste, de Fromm et Ruth Benedict notamment). On note la même évolution dans l’article « Familie », Soziologische Exkurse : nach Vorträgen und Diskussionen, Institut für Sozialforschung éd., Francfort-sur-le-Main, Europäische Verlagsanstalt, 1967.

33 Ce qui a des répercussions sur les rôles parentaux : les mères font de l’éducation des enfants une science tandis que le rôle des pères décline.

34 The Authoritarian Personality a en effet été traduit par Der autoritäre Charakter en allemand. Dans La Psychanalyse révisée, Adorno définit le caractère comme le résultat d’une série de chocs infligés à l’individu, de cicatrices jamais complètement intégrées.

35 Ce diagnostic a été critiqué de manière convaincante par J. Benjamin, art. cité.

36 On ne saurait désigner par « anthropologie » l’identification de traits constants de la nature humaine au principe des tendances politiques, modèle récusé par Horkheimer dès son analyse de Machiavel ; il ne peut s’agir que d’une anthropologie historique et dialectique. M. Horkheimer, Les Débuts de la philosophie bourgeoise de l’histoire, trad. D. Authier, Paris, Payot, 1974.

37 Lettre de 1942 citée, note 1.

38 Le tournant advient sous l’influence théorique de Walter Benjamin ; il est lisible dans les textes que Horkheimer fait circuler dans une brochure contenant ses « Thèses sur l’histoire » (Walter Benjamin zum Gedächtnis, 1942), notamment Raison et conservation de soi et L’État autoritaire.

39 Lorsqu’il ressaisit le diagnostic de la liquidation de l’individu, Horkheimer commence significativement par rappeler : « Le thème de notre époque est la conservation de soi alors qu’il n’y a aucun soi à conserver. » Voir « Émergence et déclin de l’individu », dans Éclipse de la raison (avec Raison et conservation de soi), ouvr. cité, p. 137.

40 Jay souligne l’importance du concept de libido, qui « postule l’existence d’une strate du psychisme humain qui échappe irrémédiablement à un véritable contrôle social ». Voir M. Jay, ouvr. cité, p. 128.

41 L’idée du texte est que l’homme a « peur de la liberté » et se réfugie dans l’autoritarisme ou dans le conformisme.

42 Ce concept d’aliénation, avec des connotations psychologiques et existentielles, est au cœur de l’ouvrage de Fromm, The Sane Society, New York, Rinehart and Winston, 1955.

43 Voir G. Raulet, « La mort aux deux visages. Sur le statut de l’agressivité et de la pulsion de mort dans Malaise dans la civilisation », Autour du Malaise dans la culture de Freud, J. Le Rider éd., Paris, PUF, 1998, p. 55-78. Raulet s’interroge sur la manière dont l’École de Francfort hérite de l’« aporie freudienne », c’est-à-dire de la difficulté de prendre en compte les deux niveaux du « malaise dans la civilisation » diagnostiqué par Freud : le niveau de la répression des pulsions et le niveau de la lutte d’Eros et Thanatos qui semble indépassable.

44 M. Horkheimer, « Lehren aus dem Faschismus », Gesellschaft im Übergang, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch Verlag, 1982.

Pour citer cet article - Référence électronique : Katia Genel, « L’approche sociopsychologique de Horkheimer, entre Fromm et Adorno », Astérion [En ligne], 7 | 2010, mis en ligne le 31 août 2010, consulté le 27 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/asterion/1611  ; DOI : https://doi.org/10.4000/asterion.1611

Cet article est cité par Bernard, Françoise. (2016) Les traversées des recherches critiques : entre cheminements parallèles, entrelacs et entrechocs. Questions de communication. DOI : 10.4000/questionsdecommunication.10452

Auteure : Katia Genel

L’auteure est agrégée de philosophie, diplômée en philosophie et en sociologie. Elle prépare une thèse de philosophie sur Max Horkheimer et la première période de la Théorie critique à l’Université Rennes 1, en cotutelle avec l’Université Goethe de Francfort. Elle est actuellement en séjour d’études à l’Institut de recherche sociale à Francfort. Elle a présenté et annoté : Pascal, Trois discours sur la condition des grands et six liasses extraites des Pensées, Gallimard (Folioplus), 2006. Elle a publié « The Question of Biopower  : Foucault and Agamben », Rethinking Marxism, volume XVIII, no 1, janvier 2006 ; « Responsabilité morale et théorie sociale dans l’École de Francfort. D’Adorno à Honneth », Raisons politiques, no 28, 2007.

Droits : Astérion est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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I.Comment comprendre nos troubles existentiels à la lumière de la sociopsychologie ? - 28 juillet 2020 à 13:52 - Par Lucien Fauvernier – Document ‘.psychologies.com’ – Entretien avec Vincent de Gaulejac 

[Voir les travaux de Vincent de Gaulejac [né le 10 avril 1946 à Croissy-sur-Seine), sociologue et professeur des universités émérite français] sur ce site : https://www.cairn.info/publications-de-Vincent-de%20Gaulejac—1600.htm ]

Face à un mal-être existentiel, notre premier réflexe est souvent de nous demander ce qui peut bien clocher dans notre tête… Pour Vincent de Gaulejac, sociologue clinicien, c’est oublier que notre psyché est influencée en permanence par son environnement : la société. Pour retrouver l’équilibre, la sociopsychologie propose de réinterroger notre histoire individuelle à la lumière de la sociologie. Explications.

Votre dernier livre s’intitule « Dénouer les nœuds sociopsychiques », qu’est-ce qu’un nœud sociopsychique ?

Vincent de Gaulejac : L’idée du nœud correspond, de façon imagée, à nos problèmes psychiques. Un nœud se construit au fil du temps, lorsqu’il y a un conflit ou un problème, c’est quelque chose qui a à voir avec l’histoire personnelle mais aussi familiale et sociale. Le nœud est donc un ensemble de fils, qui normalement sont dissociés, mais finissent par faire une pelote compacte d’éléments différents qui sont intriqués les uns les autres. Voilà pourquoi je parle de nœud sociopsychique afin d’illustrer le fait que nos problèmes psychiques sont tous liés à un contexte, une histoire sociale.

Comment ces nœuds sociopsychiques peuvent-ils impacter notre existence ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Vincent de Gaulejac : Ils se manifestent de multiples façons, les symptômes peuvent être nombreux : un sentiment de mal-être, un malaise existentiel, un trouble psychosomatique… Un bel exemple de nœud sociopsychique est le sentiment de honte qui peut, par exemple, entraîner une dépression. La honte est à la fois psychique de par son ressenti mais aussi totalement sociale. Sartre disait ainsi : « La honte naît sous le regard d’autrui ». C’est donc via le regard de l’autre que l’on se sent invalidé, humilié, disqualifié… Cela vient toujours d’un rapport social et en même temps, c’est un sentiment très douloureux, très intime, qui touche au plus profond, aux sources du narcissisme, de l’idéal du moi, de l’estime de soi…

L’envie est également quelque chose qui peut être problématique si l’on se place dans l’optique d’avoir toujours envie de quelque chose, de toujours plus, de mieux… Être envieux n’est pas quelque chose de positif, on parle du « poison de l’envie ». C’est quelque chose que nous refoulons, que généralement, nous n’avons pas envie de voir en nous et pourtant, l’envie nous traverse toutes et tous. Dans nos échanges sociaux, l’envie est toujours présente, au sein de la famille, on peut avoir envie de montrer que l’on a mieux réussi que son frère ou sa sœur, dans le milieu professionnel que l’on est le meilleur de tous les employés… C’est quelque chose de très fort qui peut rendre malade certaines personnes. C’est à la fois une pulsion individuelle mise en lumière, voire commandée, parfois, par la société.

Vous sous-entendez que la société pourrait « profiter » de ces zones de failles psychiques chez les individus ?

Vincent de Gaulejac : Ma réflexion poursuit une recherche que j’avais menée avec Nicole Aubert intitulée « Le coût de l’excellence dans les organisations » où nous montrions au sein des grandes entreprise l’impact psychique sur les salariés du management « par l’excellence ». Ce management repose sur une sollicitation permanente à se dépasser, être le meilleur, avec par conséquent des stimulations narcissiques très fortes qui peuvent faire disjoncter les employés. Cela montrait très clairement le lien entre formes de gestions, processus de management et le psychisme des individus. Ces derniers adoptaient dans ce contexte un fonctionnement psychologique très particulier, que nous avions caractérisé par l’’adhésion passionnelle’, et qui liait l’entreprise et le salarié par un lien proche de l’état amoureux entre deux individus. Aujourd’hui, il me semble qu’on ne peut plus séparer ce qui est du registre de l’analyse psy et ce qui est du ressort de l’analyse des organisations sociales. Cela s’illustre d’ailleurs très clairement avec les nombreux débats autour de la souffrance au travail et les risques psycho-sociaux.

La plupart du temps, nous sommes conscients de ce qui se joue entre notre psyché et nos interactions sociales, pourtant, nous laissons s’installer des situations problématiques qui peuvent nous faire souffrir…

Vincent de Gaulejac : La subtilité ici est de distinguer l’inconscient du non-conscient. Dans mon livre, je prends l’exemple de Chantal, assistante sociale, arrivée à l’aube de sa retraite épuisée par son travail. On ne peut pas dire qu’elle a menée toute sa carrière de façon inconsciente bien sûr, mais plutôt de façon non-consciente. Elle l’a enfouie en elle, sans qu’elle soit pour autant refoulée, il n’y pas de problème pour elle à raconter ce qu’elle a vécu. Simplement, toute sa vie professionnelle s’est construite depuis tellement longtemps qu’elle a oublié l’impact qu’elle pouvait avoir sur son existence globale. Nous avons trop tendance à penser, comme Chantal, que notre histoire est ancrée dans le passé, alors qu’en réalité, elle est agissante dans notre présent.

Pour aller plus loin

Livre 1èrede couverture. Pour aller plus loin, découvrez Dénouer les nœuds sociopsychiques (Odile Jacob) de Vincent de Gaulejac.

Vous indiquez à ce propos que nous nous imaginons propriétaires de notre histoire alors qu’en général, nous en sommes plutôt l’objet, que voulez-vous dire ?

Vincent de Gaulejac : Face à notre angoisse existentielle dire : « Je suis né telle date à tel endroit, j’ai vécu ci et ça, voici mon histoire qui explique qui je suis » est tellement facile. Bien sûr, cela est précieux, c’est un outil de construction identitaire sans lequel nous serions un peu perdus… Mais nous nous trompons en imaginant que nous sommes maîtres de notre histoire. C’est plutôt notre histoire qui nous fabrique. Par exemple, beaucoup de gens disent avoir un rapport conflictuel avec leur histoire et souhaiteraient en avoir une autre. Mais on ne choisit pas son histoire ! On ne naît pas au milieu de nulle part, sans aucun contexte, maîtres absolus de notre destin ! C’est ce que j’essaye de travailler à travers une clinique de l’historicité : nous ne pouvons pas refaire notre histoire, en revanche, nous pouvons devenir sujets et acteurs de cette histoire, pas seulement son objet ou son produit.

Pour dénouer les nœuds sociopsychiques et redevenir acteurs de notre histoire, vous proposez des groupes de travail, comment se déroulent-ils ?

Vincent de Gaulejac : Chaque année, une dizaine d’ateliers ou « groupes d’implication et de recherche » sur des thématiques variées ont lieu. C’est à mi-chemin entre la thérapie et un exercice sociologique et politique. Dans ces groupes, chaque participant peut parler de lui, de ses problématiques mais aussi échanger avec les autres concernant des sujets professionnels, familiaux ou même politiques et de leurs impacts sur sa vie. Il y a quelque chose proche du sociodrame développé par le thérapeute Jacob Levy Moreno avec, également dans la tradition du « Jeu et réalité » de Winnicott, des exercices de mise en scène d’une situation vécue.

Nous montons des saynètes sur des conflits réels vécus, mais où la personne joue un autre rôle que le sien. Chantal, par exemple, a pu rejouer un événement très dur de sa vie professionnelle en endossant le rôle de sa supérieure, qu’elle n’avait pas trouvé assez ‘soutenante’ à l’époque. Généralement, les participants se rendent compte que ce sont eux-mêmes qui se sont mis en difficulté. Changer de rôle permet de prendre de la distance par rapport à quelque chose qui nous est arrivé et le rejouer permet de mieux comprendre ce qui c’est vraiment passé. Cela dévoile également le processus d’intériorisation qui est à l’œuvre dans les conflits socio-familiaux, ou liés au travail, et montre bien l’interpénétration qui existe entre le psychique et le social.

Pour aller plus loin - Participer à un groupe d’implication et de recherche - Plus d’informations sur le site du Réseau international de sociologie clinique ou sur le site de Vincent de Gaulejac https://vincentdegaulejac.com/

Pour aller plus loin 

==> Vincent de Gaulejac, sociologue : “Une société sans culpabilité ? Ce serait l’enfer !” - La culpabilité est aussi un facteur de socialisation. Elle nous empêche d’accepter trop facilement l’inégalité, l’injustice et l’exploitation.

On en parle sur le forum de Psychologies :

La dynamique introspective Par Véronique Ploix psychopraticien

Si je suis flexible, je sais m’adapter ou je suis suradapté(e) ? Par Elisa Monnet psychopraticien

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Comprendre que la dépression est une maladie ” Suzanne, 34 ans - Mis à jour le 29 juin 2009 à 17:57 – Document ‘psychologies.com’

J’ai fait deux tentatives de suicide : une à 17 ans, une à 27 ans. Aujourd’hui, j’ai 34 ans. Je suis mariée, j’ai un petit garçon de 18 mois, et je suis heureuse de vivre.

Mes tentatives de suicide sont intervenues lors de phases dépressives intenses : dégoût de la vie, dépréciation de ma personne, grande fatigue physique et morale, perte d’identité. Aujourd’hui, je sais que je peux à nouveau vivre une dépression (nul ne sait ce que l’avenir nous réserve). Mais je sais aussi une chose : le suicide n’est pas la solution.

La solution, c’est d’aller voir un médecin, de comprendre que la dépression est une maladie, qu’elle se soigne, avec des médicaments certes, mais aussi et surtout par une psychothérapie. L’aide du corps soignant est nécessaire, vitale. Comprendre que la dépression est une maladie, c’est déjà un premier pas. Par la suite, je me suis documentée, j’ai apprivoisé cette maladie, j’ai appris à vivre avec.

Les phases de dépression sont maintenant plus espacées, plus courtes, moins douloureuses et moins pénibles à vivre. J’en ressors à chaque fois différente, elles me font mûrir, grandir, et j’apprécie d’autant plus la vie quand je retrouve mon dynamisme et ma joie de vivre. La pratique de la sophrologie m’aide aussi beaucoup.

Je me dis aujourd’hui que j’ai la chance inouïe d’être encore en vie, et les plus simples plaisirs de la vie ont une saveur inégalable.

On en parle sur le forum de Psychologies

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Rubrique B


  • Inde : une région du sud fait le pari d’une agriculture 100% vertueuse avec l’agroécologie - Publié le 22/11/2021 22:38 Mis à jour le 22/11/2021 23:00 - Article rédigé par A.Forget, U.Cailloux, A.Pandey - France 2 - France Télévisions – Document ‘francetvinfo.fr’
    Dans une région du sud de l’Inde, 800.000 paysans cultivent leurs terres sans aucun pesticide. C’est le plus grand projet d’agroécologie au monde. 

Dans le sud de l’Inde, la région agricole autour d’Anantapur, l’une des plus grandes du pays, est en pleine conversion vers une agriculture 100% naturelle, à rebours du modèle agricole indien. La terre compte huit millions de paysans, dont Surendra Reddy. Le fermier a été l’un des premiers convertis. Depuis quatre ans, il cultive ses champs sans produits chimiques. ’Au début, le passage à l’agriculture naturelle a été très difficile. Après des années d’utilisation de produits chimiques et de pesticides, ma terre était devenue comme morte’, confie-t-il. 

800.000 agriculteurs convertis

Il a également abandonné la monoculture, afin de faire pousser différents types de fruits et légumes sur ses terres : papayes, tomates, ou encore aubergines. Ils grandissent grâce à un mélange à base de bouse et d’urine de vache, qui stimule la vie microbienne sous le sol. ’Aujourd’hui, je repense moins et je gagne plus’, se réjouit Surendra Reddy. Au total, près de 800 000 agriculteurs dans la région se sont convertis à une agriculture 100% naturelle. C’est le plus grand projet d’agroécologie au monde. On le doit à Vijay Kumar, conseiller agricole pour le gouvernement, qui a souhaité développer le programme en réaction à une vague de suicide de paysans dans sa région. 

https://www.francetvinfo.fr/assets/common/images/programs/20-heures-square-0eadb7bd.jpg

20 Heures - Édition du lundi 22 novembre 2021

Ecouter la vidéo à la source suivante : Source : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/inde-une-region-du-sud-fait-le-pari-d-une-agriculture-100-vertueuse_4855093.html

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  • Informations sur l’état indien de l’Andhra Pradesh

    India AP.svg

Localisation de l’État d’Andhra Pradesh en Inde. Source : https://fr.wiktionary.org/wiki/Andhra_Pradesh#/media/Fichier:India_AP.svg

Province d’Andhra Pradesh – Extrais d’un article de ‘merveilles-du-monde.com’

L’Andhra Pradesh abrite plus de 75 millions d’habitants sur une superficie de 276 754 km2. Sa capitale est Hyderabad et la langue officielle est le télougou. L’état tire son nom d’une peuplade qui occupait la région plus de 1000 ans avant J.-C. L’Andhra Pradesh est surtout rural (80% de la population). Les plaines sont très fertiles car bien irriguées par les grands fleuves qui traversent l’état. L’Andhra Pradesh est le plus grand producteur de riz de l’Inde. Il produit aussi du tabac ainsi que de nombreuses variétés de fruits.

Histoire

Les premiers récits concernant la région de l’Andhra Pradesh remonte au grand roi Maurya, Ashoka (IIIe siècle avant J.-C.). À l’époque l’Andhra Pradesh était un grand centre du bouddhisme. Les Satavahama, les Ikshvaku, les Pallava, les Chalukya, les Chola, prirent successivement possession de ces territoires entre le IIe et le Xe siècle. Les Kakatiya bâtirent leur empire sur les ruines de celui des Chola. Ce sont eux qui durent affronter les troupes musulmanes venues du nord. Ils résistèrent jusqu’en 1323, date à laquelle le Sultanat de Delhi prit le contrôle de la région. Au milieu du XVIe siècle la dynastie des Qutb Shahi s’émancipa et fonda la ville d’Hyderabad. En 1687 les troupes mogholes d’Aurangzeb s’emparèrent de la forteresse de Golconde et d’Hyderabad. La région resta sous administration moghole jusqu’en 1724. À cette date le vice-roi Asaf Jahi créa un état indépendant et prit le titre de nizam. Les nizams surent conserver une relative autonomie face à l’impérialisme britannique grâce à un subtil jeu d’alliances. Lors de la lutte pour l’indépendance l’Andhra Pradesh joua un rôle important. L’état entra dans l’Union Indienne en 1947 mais il ne fut créé dans sa forme actuelle (sur des critères linguistiques) qu’en 1956.

Carte de la province d’Andhra Pradesh

Carte d’Andhra Pradesh

Carte d’Andhra Pradesh

Source de l’article complet : https://www.merveilles-du-monde.com/Taj-Mahal/Inde/Andhra-Pradesh.php

Document à consulter : 

Agriculture Farming In Andhra Pradeshhttps://www.agrifarming.in › agricul...-2 sept. 2020 — Andhra Pradesh is an exporter of several agricultural products. Rice, Cotton, Sugarcane, Chilli pepper, mango, and tobacco are the local crops.

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  • Agriculture en Inde - Le programme d’agriculture naturelle de l’Andhra Pradesh a-t-il connu des problèmes à cause d’un cafouillage bureaucratique ? Traduction du 23 novembre 2021 par Jacques Hallard d’un article de G. Ram Mohan - Publié le lundi 06 septembre 2021 – Titre « Has bureaucratic bungling led to problems for natural farming scheme in Andhra Pradesh » -  : Document ‘downtoearth.org.in/’ - Photo
    Cinq ans après son lancement, le non-paiement des salaires du personnel et le battage médiatique excessif affectent le programme, selon les observateurs. Le système d’agriculture naturelle gérée par la communauté d’Andhra Pradesh (APCNF), précédemment connu sous le nom d’agriculture naturelle à budget zéro (ZBNF), a été lancé en fanfare sous le précédent régime du Telugu Desam Party (TDP) en 2016. Cinq ans plus tard, cependant, il a été entaché par le non-paiement des cotisations, alors que les perspectives de l’agriculture naturelle dans l’État n’ont pas beaucoup changé.

L’APCNF a de nouveau été sous les feux de la rampe récemment, lorsque le personnel de terrain a quitté son emploi dans le district de YSR (anciennement Kadapa) et même à Pulivendula, la circonscription de l’actuel ministre en chef, YS Jagan Mohan Reddy.

Les membres du personnel ont affirmé à ce journaliste qu’ils n’avaient pas été payés au cours des sept derniers mois. Ils avaient été nommés par le Centre et les gouvernements des États en 2015.

Le personnel avait déjà été payé il y a sept mois après une tentative de suicide d’un employé dans le district voisin d’Ananthapuramu, qui est perpétuellement sujet à la sécheresse. Près de 25 personnes ont été licenciées sans versement de salaire dans ce district, selon des sources.

GV Ramanjaneyulu, directeur exécutif du Centre pour l’agriculture durable, a déclaré : « Ne pas payer les salaires du personnel, qui plus est pendant la période de la nouvelle maladie à coronavirus (COVID-19), est un crime en soi. L’un des agents survivra-t-il sans le paiement des salaires pendant sept mois ? Les agents disent ensuite que le personnel n’obtient pas de résultats sur le terrain. L’argent alloué dans le budget n’est pas non plus débloqué et détourné à d’autres fins ».

T. Vijay Kumar, vice-président exécutif de ‘Rythu Sadhikara Samstha’ (RYSS), sous l’égide duquel le programme a été lancé, a accepté le retard dans le versement des honoraires des travailleurs : « Cela a causé beaucoup d’angoisse aux cadres de la communauté. Nous sommes en contact avec le département des finances. En fait, une partie de leurs arriérés a été réglée au cours de la dernière semaine d’août 2021. Nous espérons régler une grande partie de leurs arriérés dans un court laps de temps ».

Il a ajouté que les agriculteurs travaillaient pour le programme tout en poursuivant leur propre agriculture. ’Nous envisageons de mettre en place des dispositions pour éviter les retards de paiement’, a-t-il déclaré.

Kumar a noté qu’un montant de 221,36 millions de roupies avait été reçu à ce jour dans le cadre du ‘Rashtriya Krishi Vikas Yojana’. Il s’agit d’une aide centrale à un plan d’État qui doit être mis en œuvre dans certains villages. ’Un montant supplémentaire de 37 millions de roupies a été engagé pour la période 2021-25. La répartition de la responsabilité budgétaire entre le Centre et l’État est de 60:40’, a-t-il déclaré.

Le RYSS a été créé en tant que société à but non lucratif en vertu de la section 8 de la loi sur les sociétés de 2013. Cela a été fait pour créer un mécanisme institutionnel intégré pour tous les programmes, schémas et activités destinés à l’autonomisation des agriculteurs, englobant le bien-être, le développement, le flux de crédit, le soutien financier et les activités connexes.

Des objectifs ambitieux

Le RYSS a signé un protocole d’accord avec la ‘Rural and Environment Development Society’ ‘à but non lucratif du district d’Ananthapuramu.

Il vise à couvrir 500.000 agriculteurs pour transformer 500.000 hectares en agriculture naturelle dans 2.000 bio-villages et 50 % des mandals de l’État entre 2017 et 2022. Le programme vise en outre à étendre sa portée à l’ensemble des 5 500 000 à 6 000 000 d’agriculteurs d’ici 2024.

Ramanjaneyulu a déclaré que de tels programmes d’agriculture naturelle ne sont pas mis en œuvre de manière coordonnée entre les agriculteurs, les universités et le département de l’agriculture.

’Lorsque le programme a été lancé sous le nom de ZBNF après un grand battage médiatique en faisant appel à l’agronome Subhash Palekar sous le précédent régime TDP, il a critiqué le département de l’agriculture et les universités. Ils ont donc essayé de lui donner tort, plutôt que de soutenir l’initiative. Lorsque les problèmes et les lacunes sont portés à l’attention des autorités, elles n’écoutent pas’, a-t-il déclaré.

Il a ajouté que le programme a ensuite été confié à du personnel externalisé sans aucune qualification ; tout le modèle dépendait du fait de choisir des personnes du village et de les former, qui étaient payées 10.000 à 15.000 roupies. L’argent était dépensé pour de grandes foires avec un million d’agriculteurs, mais le personnel de terrain ne pouvait pas être payé.

Les responsables du programme ont également été accusés de manipuler les données et d’exagérer les résultats. Des situations comme celle de la pandémie de COVID-19 n’ont pas été prises en compte lors de la mesure des résultats.

Le programme, selon Ramanjaneyulu, a également été victime de la surenchère et de l’ego des bureaucrates. Lorsqu’une nouvelle personne arrivait à la tête d’une bonne mission, elle ne s’identifiait pas au travail accompli jusqu’alors.

Vijay Kumar a affirmé que l’APCNF s’étendait actuellement sur 3.730 villages, 1.000 unités ou clusters et couvrait tous les ‘mandals’ de l’État.

Le programme a commencé avec 40.000 agriculteurs dans 704 villages en 2016-17 et s’est étendu à plus de 700.000 agriculteurs et travailleurs agricoles dans 3.730 ‘Gram Panchayats’ (GPs).

En 2021-22, le programme aurait inscrit 1.000.000 agriculteurs et travailleurs agricoles dans 3.730 GP.

[« Les ‘gram panchayats’ sont des gouvernements locaux, normalement conçus pour fonctionner au niveau des villages en Inde. Cependant, à la suite d’un nombre croissant de non-reconnaissances de villes par leur État, certains ‘gram panchayats’ peuvent comporter jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’habitants. Il y aurait 265 000 gram panchayats en Inde. Le gram panchayat est la base du système des panchayats. Il peut être établi dans les villages dont la population excède 500 habitants. Il y a un gram panchayat commun à plusieurs villages si la population de ceux-ci isolément est inférieure à 500 habitants. On parle alors de group-gram panchayat. Les gram panchayats ne doivent pas être confondus avec les khap panchayats que l’on trouve dans certaines régions de l’Inde, particulièrement dans le nord (Punjab, Haryana notamment). Ces assemblées de caste n’ont pas de pouvoir légal mais sont néanmoins à l’origine de « jugements » à l’encontre de couples mariés en dehors des règles de la caste et de crimes d’honneur qui en découlent… » - Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gram_panchayat ].

Lacunes du programme

Ramanjaneyulu s’est attardé sur les lacunes de programmes tels que RYSS. Il a déclaré que la transition des agriculteurs vers l’agriculture naturelle nécessitait un personnel de base correctement formé par le département agricole :

« Le gouvernement fait appel à du personnel d’ONG qui étudie l’agriculture dans les universités, mais qui n’apprend pas l’agriculture naturelle, ne serait-ce qu’une heure, au cours de ses quatre années d’études. Comment les universités peuvent-elles rester à l’écart et dire qu’elles ne participent pas à ce projet ? Elles devraient participer et improviser. Elles peuvent s’associer à des personnes qui comprennent l’agroécologie, le nom donné actuellement à l’agriculture naturelle dans le monde ».

K. Nageshwar Reddy, qui dirige ‘People’s Action in Development’, une organisation à but non lucratif du district de YSR, a déclaré que les chefs de projet du district cooptés dans RYSS pendant trois ans avaient été formés à l’agriculture basée sur les intrants chimiques et n’avaient pas montré d’intérêt pour l’agriculture naturelle.

Reddy a encore déclaré que son association à but non lucratif n’avait pas reçu de cotisations du gouvernement au cours des 27 derniers mois, bien qu’elle ait présenté tous les comptes à ce jour.

’Ils nous ont pressés au maximum. J’ai l’impression que les organisations à but non lucratif sont cooptées pour obtenir des fonds, car les agences de financement insistent. Il n’y a pas d’encouragement ni d’appréciation de notre travail. S’il est correctement mis en œuvre, il permettra au gouvernement de réaliser des économies en réduisant les subventions aux intrants chimiques’, a-t-il ajouté.

Vijay Kumar a déclaré que seulement 75 unités / clusters (7,5 pour cent) étaient gérés par des organismes sans but lucratif. Il y a eu un partenariat avec les organisations à but non lucratif dans ces groupes pour utiliser le travail existant qu’elles ont fait sur l’agriculture naturelle.

Les fonctionnaires de terrain étaient soutenus et encadrés par l’équipe de gestion du projet d’agriculture naturelle du district, dirigée par un fonctionnaire du département de l’agriculture en délégation. L’unité de gestion du programme de l’État a supervisé toutes les activités dans le district.

Vijay Kumar a admis que les paiements aux organisations à but non lucratif étaient en attente : ’Nous avons veillé à ce que leur personnel de terrain soit payé. Les paiements sont en attente auprès du département des finances. Nous poursuivons l’affaire et elle sera bientôt résolue.’

Plusieurs travailleurs de l’APCNF auxquels ce journaliste a parlé, ont déclaré sous couvert d’anonymat qu’ils n’avaient pas été payés depuis plus de sept mois maintenant. Même les employés qui avaient quitté leur emploi ont déclaré qu’ils n’avaient pas encore reçu leur dû.

Des initiatives d’agriculture naturelle ont été mises en place dans l’État de 2004 à 2014 sous l’égide du département du développement rural du gouvernement de l’État, sous le nom d’Andhra Pradesh Community Managed Sustainable Agriculture, couvrant les États de l’AP et du Telangana.

On dit que ce programme avait réussi à réduire de 50 % l’utilisation des pesticides, mais qu’il a été tué par les agents. Des problèmes similaires de non-paiement des salaires du personnel et de battage médiatique excessif ont affecté le programme, selon les observateurs.

L’agriculture biologique nécessite également une approche scientifique. Il n’existe aucun mécanisme de reconnaissance ou de certification des produits issus de pratiques agricoles durables. Le gouvernement ne met pas l’accent sur l’offre de soutien. Si tel était le cas, l’APCNF aurait été mis en œuvre par le biais des RBK (Rythu Bharosa Kendras)’, a déclaré Ramanjaneyulu.

Down To Earth

カイルアタウン攻略法! スーパー編 | ALOHA GIRL

Source : https://www.downtoearth.org.in/news/agriculture/has-bureaucratic-bungling-led-to-problems-for-natural-farming-scheme-in-andhra-pradesh-78847

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  • Innovations dans le financement de l’agroécologie à grande échelle - Traduction du 23 novembre 2021 par Jacques Hallard d’une note de Vijay Kumar, vice-président exécutif du Rythu Sadhikara Samstha et champion de l’UNFSS - Document ‘un.org/en’ – Note intitulée « Innovations in Financing scaling up Agroecology  » - Food Systems Summit 2021
    Adoption de l’agroécologie et de pratiques locales, traditionnelles et spécifiques au contexte dans l’Andhra Pradesh, en Inde. Photo

Référence : https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/styles/large-article-image-style-16-9/public/field/image/agroecology-transformation.jpeg?itok=u7_G6bb2

Dans cet article d’opinion, Vijay Kumar de ‘Rythu Sadhikara Samstha’ (Farmers’ Empowerment Corporation) - Gouvernement de l’Andhra Pradesh, Inde, discute des avantages de leur programme d’agriculture naturelle géré par la communauté à l’échelle de l’État. Le programme est décrit comme une solution innovante et transformatrice pour l’agriculture, comprenant les principes universels de l’agroécologie et les pratiques locales, traditionnelles et spécifiques au contexte.

L’investissement impliqué dans la transformation de l’agriculture conventionnelle - basée sur les produits chimiques de synthèse - en agroécologie, est destiné à la diffusion des connaissances, à l’accompagnement des agriculteurs et au soutien des collectifs de femmes qui prennent la tête du processus. Vijay Kumar explique comment un investissement de 1,4 milliard de dollars dans les efforts de transformation permet d’économiser 7,3 milliards de dollars en subventions évitées pour soutenir l’agriculture, et suggère que les gouvernements et les institutions financières devraient sérieusement envisager ce mécanisme de financement.

Graphique de la COP - L’envoyé spécial des Nations unies appelle à mettre l’accent sur l’alimentation lors des prochaines négociations sur le climat afin de limiter le réchauffement de la planète et d’éviter de futures famines.

S’exprimant lors de la COP26 à Glasgow, le Dr Agnes Kalibata a averti que des millions de personnes pourraient souffrir d’insécurité alimentaire si les négociations sur le climat n’abordaient pas les liens avec l’alimentation et l’agriculture.

Image de couverture des Dialogues du Sommet - La dernière mise à jour sur les Dialogues du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires.

Les rapports de synthèse des dialogues des sommets mondiaux, indépendants et des États membres sont désormais disponibles sur le portail des dialogues des sommets sur les systèmes alimentaires. Ces rapports analysent les résultats fournis dans les formulaires de commentaires officiels de plus de 850 dialogues auxquels plus de 100 000 personnes du monde entier ont participé.

Les systèmes alimentaires doivent être à l’ordre du jour de la COP26

Agnes Kalibata, envoyée spéciale, souligne que les systèmes alimentaires doivent continuer à jouer un rôle déterminant dans les négociations climatiques de la COP26 du mois prochain, qui ne pourra vraisemblablement pas atteindre ses objectifs sans des systèmes alimentaires plus durables, inclusifs et résilients.

Quatre choses que vous devez savoir sur les forêts et la santé | ONU DAES | Nations Unies Département des affaires économiques et sociales

Source : https://www.un.org/en/food-systems-summit/news/latest-update-un-food-systems-summit-dialogues

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  • Ouvrage publié en 2002 - Bruno Dorin, Frédéric Landy, Agriculture et alimentation de l’Inde : les vertes années (1947-2001), INRA Editions, Paris, 2002, 253 pages - Sylvain Ropital – Documents ‘journals.openedition.org’
    2 L’ouvrage des indianistes Bruno Dorin et Frédéric Landy cherche ainsi à montrer la singularité, l’originalité du développement de l’économie agricole et alimentaire de la fédération indienne ; singularité ayant façonné ce paradoxe indien, à savoir une production alimentaire gargantuesque sur un sol laissant le tiers de sa population dans le chaos nutritionnel et l’extrême pauvreté. Rappelons brièvement que Bruno Dorin, docteur en sciences économiques et ingénieur en agriculture, a vécu huit années en Inde. Frédéric Landy, quant à lui, est maître de conférences en géographie à l’université de Paris X-Nanterre et chercheur associé du Centre d’Etudes de l’Inde et de l’Asie du Sud 1 (CNRS-EHESS).

3 Epousant la structure d’un manuel, l’ouvrage s’appuie sur une architecture chronologique parfaitement adaptée à la question. Les auteurs Dorin et Landy dépeignent au lecteur l’évolution des questions agricole(s) et alimentaire(s) à travers les changements de stratégies de développement économique depuis la colonisation britannique et ses plantations tropicales. 1947 sonne alors l’indépendance du joyau de la Couronne et l’arrivée de Nehru comme premier chef du gouvernement de la plus grande démocratie du monde fait rentrer l’Inde dans une période de capitalisme d’Etat autocentré, fondé sur l’essor de l’industrie lourde et des grandes infrastructures, laissant peu de place à l’artisanat local et au développement rural. Nehru importe alors massivement des céréales américaines afin de masquer les difficultés de la production agricole nationale. Cependant, les sécheresses consécutives de 1963-1964 l’entraînent dans une spirale de dépendance qui lui sera fatale : les stocks de céréales des paysans épuisés en 1964, Nehru doit augmenter de nouveau ses importations pour anticiper la famine et faire face au mécontentement de la population. L’Etat doit alors assurer le ravitaillement minimum des villes, lutter contre la spéculation et l’envolée des prix afin d’éviter l’explosion de sanglants conflits, qui viendrait s’ajouter aux conséquences dramatiques des deux mauvaises moussons, lesquelles ont en effet « plongé dans la malnutrition des millions d’indiens qui vivaient déjà sous le seuil de pauvreté »2. S’en suit un cataclysme économique sans précédent, qui ébranle aussi bien la croissance industrielle que les grands équilibres du pays. L’indépendance politico-économique de l’Inde semble alors bien relative au regard du chantage des donneurs d’aide, qui subordonnent en effet, la reprise de l’aide au développement à un certain nombre d’assouplissements en matière de politique internationale et de stratégie économique. De plus, l’Inde, qui vient de perdre Nehru connaît alors de telles difficultés de paiements que la Banque Mondiale et le FMI l’obligent à dévaluer fortement la roupie et à concentrer ses efforts sur un développement agricole intensif afin de parvenir à l’autosuffisance alimentaire : c’est la genèse de la Révolution Verte… 

4 L’ouvrage peut ainsi se décomposer en trois parties aussi libres qu’interdépendantes :

  • La présentation des conditions géomorphologiques de l’espace, de la diversité culturelle de la population indienne, et du contexte institutionnel (chapitre 1) commence par brosser le cadre dans lequel se joue la partie.
  • Sont alors exposés les divers bouleversements et révolutions qu’ont connu les systèmes agricoles et d’alimentation indigènes : l’héritage des plantations tropicales à travers la tradition indienne des épices et des noix, les plantations coloniales de thé, café et tabac et le coton (chapitre 2) ; la révolution verte symbolisée par son paquet technologique (forte irrigation, engrais chimiques, combinés à des variétés à haut rendement) transformant l’agriculture traditionnelle indigène en agriculture intensive, commerciale et occidentale (chapitre 3) ; les révolutions blanche du lait et jaune des oléagineux (chapitre 4). D’autres phénomènes agricoles plus récents- émanant de la libéralisation de l’économie indienne de 1991- jaillissent sur le marché intérieur indien par le biais d’entreprises et de coopératives privées dans les secteurs de l’aviculture, de l’horticulture, l’aquaculture, afin de satisfaire aux besoins pressants de consommation de la vaste classe moyenne indienne (chapitre 5). Le lecteur pourra ainsi déceler la pertinence du couple choix politiques-tabous alimentaires mis en relief au cours de la démonstration, ainsi que l’optimiste dynamisme en termes de stratégie de développement agricole et alimentaire. L’Inde est en effet sujette à une certaine autosuffisance de denrées alimentaires au regard des 60 millions de tonnes de stocks publics en blé et riz en 2001 et des exportations réalisées en la matière en 1996.
    La troisième partie rend compte a contrario des lacunes et défaillances du système agricole indien pendant la période dite des « vertes années » ; elle fonde un certain bilan des « révolutions » agricoles successives, révèle l’ampleur du mythe de ces stratégies de développement agricole et alimentaire et permet ainsi de mesurer tous les enjeux du siècle à venir. Le chapitre 6 insiste sur les causes de l’éradication manquée de la pauvreté (centralisation, bureaucratisation, corruption, croissance démographique), le chapitre 7 sur l’inquiétante érosion du capital naturel, l’eau, les sols représentants les premières victimes de la révolution verte en termes de salinisation, d’engorgement, d’assèchement des nappes phréatiques, de pollutions diverses3 (arcenisation d’eaux douces, pesticides, engrais…). A ce chaos environnemental et humain, s’ajoutent de profondes disparités et inégalités aggravées par la libéralisation économique de 1991 (chapitre 8).

5 La large fresque couvrant l’économie agricole et alimentaire de l’Inde pendant la période 1947-2001, que constitue le présent ouvrage s’achève par la présentation d’un système d’équations 4 obsolète, -résumant caricaturalement l’Inde actuelle- système qui anime encore bon nombre de décideurs au sein de l’Union Indienne, mais qui ne suffit pas, selon les auteurs «  pour que s’exprime l’innovation et que mûrissent tous les fruits qu’on attend d’elle » (p. 203).

En effet, même si le second marché alimentaire de la planète devrait à moyen terme rester un espace assez protégé de l’extérieur (p. 171), il ne semble pas que la prospective gouvernementale actuelle tend à répondre aux bouleversements qui arrivent de l’intérieur : l’Inde des classes moyennes issues du « socialisme à l’indienne » s’émancipe : au moins 80 millions de foyers, soit près de 400 millions d’individus, disposent aujourd’hui de biens de consommation relativement onéreux (automobiles, TV couleur, téléphone portable…) ou plus modestes, inaccessibles quelques années plus tôt. Ce sont autant de foyers qui changent leurs habitudes alimentaires. « A l’horizon 2030, quand l’Inde comptera plus de 1,4 milliard d’habitants, avec une population par ailleurs plus urbanisée, la demande en viandes, œufs et poissons pourrait ainsi tripler, et celle en légumes, fruits et lait n’en serait pas loin.[ …] Bien mal préparée à cette évolution, comment s’organisera l’offre ? »(p. 203). 

6 La conclusion de l’ouvrage pouvant laisser songeur au regard du paradoxe soulevé initialement, il n’en reste pas moins que les auteurs après la réalisation inédite de cette synthèse sur l’économie agricole et alimentaire de l’Union Indienne ont réussi à démontrer dans un grand esprit de clarté les tenants et les aboutissants de la situation actuelle, figeant pour l’heure l’Inde dans le dilemme de la sécurité alimentaire… « Se placer sur le marché mondial ou satisfaire un marché intérieur considérable, désargenté et maintenant poussé vers l’urbanisation et le consumérisme » (p. 10) a tendance à faire passer à la trappe de la conscience la promesse de justice sociale incluse dans la constitution indienne, incarnée en l’espèce par le devoir d’Etat de ne pas laisser tomber ses 300 millions de citoyens indiens, survivant dans le chaos alimentaire et l’extrême dénuement économique et matériel.

Notes

1 Il est notamment l’auteur de Paysans de l’Inde du Sud. Le choix de la contrainte (Karthala, 1994) et de L’Union Indienne (Editions du Temps, 2002).

2 C. Jaffrelot, L’Inde contemporaine, Fayard, Paris, 1996, p. 93

3 Sur ces dernières questions, le lecteur est renvoyé vers deux ouvrages de la physicienne écologiste Vandana Shiva, la guerre de l’eau, privatisation, pollution et profit (L’Aventurine, 2003) et The Violence of Green Revolution-Third World Agriculture (The other India Press, 1991).

4 Alimentation=blé+riz ; Production=irrigation+engrais ; Sécurité=prélèvements+redistribution publique ;

 Emploi=petites entreprises ; asservissement=importation+capital étranger.

List of illustrations : http://journals.openedition.org/developpementdurable/docannexe/image/1241/img-1.jpg

References - Electronic reference - Sylvain Ropital, « Bruno Dorin, Frédéric Landy, Agriculture et alimentation de l’Inde : les vertes années (1947-2001), INRA Editions, Paris, 2002, 253 pages », Développement durable et territoires [Online], Lectures (2002-2010), Publications de 2002, Online since 04 December 2004, connection on 23 November 2021. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/1241

About the author : Sylvain Ropital - Sylvain Ropital, DEA Sociologie du pouvoir, Université Paris, sylazna@yahoo.fr

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Source : https://journals.openedition.org/developpementdurable/1241?lang=en

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5 bis.
Rétrospective sue les suicides de paysans en Inde selon un article de Wikipédia

Le phénomène des suicides de paysans en Inde, souvent du fait de leur incapacité à rembourser les prêts qu’ils avaient contractés, a attiré l’attention depuis les années 19901, même si le taux de suicide des paysans est en réalité plus faible que celui de l’ensemble de la population.

Le Bureau national (indien) des archives criminelles (en) y consacre un chapitre de son rapport annuel2 depuis 2014. En 20143, un total de 5 650 paysans indiens se sont suicidés, soit 4,3 % des 133 266 suicides dans la population globale indienne. Les États du centre et de l’Ouest de l’Inde représentent 90 % de ces suicides de paysans : 2 568 dans l’État du Maharashtra, 898 en Telangana, 826 en Madhya Pradesh, 443 en Chhattisgarh et 321 en Karnataka.

L’Inde est un pays agraire dont environ 70 % de la population dépend directement ou indirectement de l’agriculture. Des militants et des érudits ont présenté un certain nombre de raisons contradictoires aux suicides de paysans, telles qu’un lourd endettement, des politiques gouvernementales médiocres, la corruption liée aux subventions, les mauvaises récoltes, la santé mentale publique[Quoi ?], des problèmes personnels ou des problèmes familiaux4,5,6.

Sommaire

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/da/Farmer_suicide.png/400px-Farmer_suicide.png

Nombre total de suicides d’agriculteurs signalés chaque année en Inde en tant que NCRBC, Inde 7,8,9,10

Les archives historiques relatives à la frustration, aux révoltes et au taux de mortalité élevé chez les agriculteurs indiens, en particulier les producteurs de cultures de rapport, remontent au XIXe siècle11,12. Cependant, les suicides dus à ces raisons étaient rares13. Les taxes foncières élevées des années 1870, payables en espèces indépendamment des effets des famines fréquentes sur la production agricole ou la productivité, combinées à la protection coloniale de l’usure, des prêteurs et des droits des propriétaires terriens, ont contribué à généraliser la pénurie et la frustration du coton et d’autres fermiers menant finalement aux émeutes du Deccan de 1875-1877 14.

Le gouvernement britannique a promulgué en 1879 la loi d’aide aux agriculteurs du Deccan, qui limitait le taux d’intérêt appliqué par les prêteurs aux producteurs de coton, mais l’appliquait de manière sélective à des zones qui servaient les intérêts du commerce du coton britannique13,15. Les taux de mortalité rurale étaient très élevés entre 1850 et les années 1940 dans l’Inde britannique à prédominance agraire16,17. Cependant, les décès liés à la famine dépassaient de loin ceux causés par le suicide, ce dernier étant officiellement classé dans la catégorie « blessures »18. En 1897, le taux de mortalité classé dans la catégorie « blessures » était de 79 pour 100 000 habitants dans les provinces centrales de l’Inde et de 37 pour 100 000 dans la présidence de Bombay19.

Ganapathi et Venkoba Rao ont analysé les suicides dans certaines parties du Tamil Nadu en 1966, et recommandé de limiter la distribution des composés organo-phosphorés agricoles20. De même, Nandi et collaborateurs a souligné en 1979 le rôle des insecticides agricoles librement disponibles dans les suicides dans les zones rurales du Bengale occidental et a suggéré que leur disponibilité soit réglementée21. Hegde a étudié les suicides en milieu rural dans les villages du Nord du Karnataka de 1962 à 1970 et a déclaré que le taux d’incidence de suicide était de 5,7 pour 100 000 habitants22. Reddy, en 1993, a examiné les taux élevés de suicides d’agriculteurs dans l’Andhra Pradesh et leur relation avec la taille et la productivité des exploitations23.

Les reportages dans la presse populaire sur les suicides d’agriculteurs en Inde ont commencé au milieu des années 1990, en particulier par Palagummi Sainath24,25. Dans les années 2000, la question a attiré l’attention internationale et diverses initiatives du gouvernement indien26,27.

Le Bureau national des archives criminelles, un bureau du gouvernement indien du ministère de l’Intérieur, recueille et publie des statistiques sur le suicide en Inde depuis les années 1950, selon les rapports annuels sur les décès et les suicides par accident en Inde. Il a commencé à collecter et à publier séparément les statistiques sur le suicide des agriculteurs à partir de 199528. 12 000 agriculteurs se sont suicidés au Maharastra entre 2015 et 201829.

États touchés

Selon un rapport du Bureau national des archives criminelles, le Maharashtra (3030), le Telangana (1358), le Karnataka (1197), le Madhya Pradesh (581), l’Andhra Pradesh (516) et Chhattisgarh (854), sont les États qui ont le plus souffert de suicides d’agriculteurs30.

Tamma Carleton, chercheur à l’université de Californie à Berkeley, a comparé les données sur le suicide et le climat, concluant que le changement climatique en Inde pourrait avoir une « forte influence » sur les suicides pendant la saison de croissance, déclenchant plus de 59 000 suicides en 30 ans31.

Causes

Diverses raisons ont été avancées pour expliquer les suicides d’agriculteurs en Inde, notamment : inondations, sécheresse, endettement, utilisation de semences génétiquement modifiées, santé publique, baisse de rendement causée par l’utilisation de pesticides en moindre quantité en raison d’investissements moindres. Il n’y a pas de consensus sur les causes principales32,33,34, mais des études montrent que les victimes de suicide sont motivées par plus d’une cause, en moyenne trois causes de suicide ou plus, la principale raison étant l’incapacité de rembourser les prêts. Selon Panagariya, économiste à la Banque mondiale, « le suicide est motivé environ 25 % du temps par des raisons liées à l’agriculture » et « des études montrent systématiquement un endettement accru et un recours accru à des sources de crédit informelles » parmi les agriculteurs qui se suicident35.

Une étude menée en 2014 a révélé trois caractéristiques spécifiques des agriculteurs à haut risque :

  • Ceux qui cultivent des cultures de rapport tels que le café et le coton ;
  • Ceux dont les exploitations sont « marginales », de moins d’un hectare ;
  • Ceux affectés par des dettes de 300 roupies ou plus.
    L’étude a également révélé que les États indiens dans lesquels ces trois caractéristiques sont les plus courantes présentent les taux de suicide les plus élevés.

Raisons des suicides d’agriculteurs* (en 2002)35

Pour cent (des suicides)

Échec des cultures 16,8
Autres raisons 15,0
Problèmes familiaux (avec le conjoint ou d’autres) 13,3
Maladie chronique 9,7
Mariage de filles 5,3
Affiliation politique 4,4
Litiges de propriété 2,7
Fardeau de la dette 2,7
Baisse des cours 2,7
Emprunt abusif (par exemple pour la construction de maison) 2,7
Pertes d’activités non agricoles 1,8
Échec du forage d’un puits 0,9
* Note : « Raisons données par les proches parents

et amis. Chaque cas a plus d’une raison ».

Une enquête régionale menée en 2012 sur le suicide des agriculteurs dans les zones rurales de Vidarbha (en) (Maharashtra) et appliqué une méthode qualitative de hiérarchisation des causes exprimées parmi les familles d’agriculteurs qui s’étaient suicidés36. Les raisons exprimées par ordre d’importance derrière les suicides d’agriculteurs étaient les suivantes : dette, alcoolisme, environnement, prix bas des produits, stress et responsabilités familiales, apathie, irrigation insuffisante, augmentation du coût de la culture, prêteurs privés, utilisation d’engrais chimiques et échec de la récolte. En d’autres termes, la dette liée au stress et aux responsabilités familiales ont été jugés nettement plus élevés que les engrais et les mauvaises récoltes. Dans une étude différente menée dans la même région en 2006, l’endettement (87 %) et la détérioration de la situation économique (74 %) constituaient des facteurs de risque de suicide majeurs37.

Des études datant de 2004 à 2006 ont identifié plusieurs causes de suicide chez les agriculteurs, telles que des systèmes de crédit insuffisants ou risqués, la difficulté de cultiver des régions semi-arides, un revenu agricole faible, l’absence de sources de revenus alternatives, un ralentissement de l’économie urbaine qui a forcé des néophytes à l’agriculture, et l’absence de services de conseil appropriés32,38,39. En 2004, en réponse à une demande de l’All India Biodynamic and Organic Farming Association, la Haute Cour de Bombay a demandé à l’Institut Tata de produire un rapport sur les suicides d’agriculteurs au Maharashtra, et l’institut a soumis son rapport en mars 200540, citant « le désintérêt du gouvernement, l’absence de filet de sécurité pour les agriculteurs et le manque d’accès à des informations liées à l’agriculture comme causes principales de la situation désespérée des agriculteurs dans l’État. »

Une étude indienne réalisée en 2002 indiquait un lien entre les victimes qui se livraient à des activités entrepreneuriales (telles que de nouvelles cultures, des cultures de rapport et la spéculation sur les tendances du marché) et leur incapacité à atteindre les objectifs attendus en raison de toute une série de contraintes41,42.

Politique économique du gouvernement

Des économistes comme Utsa Patnaik, Jayati Ghosh et Prabhat Patnaik suggèrent43,44 que les changements structurels dans la politique macro-économique du gouvernement indien favorisant la privatisation, la libéralisation et la mondialisation sont à l’origine des suicides d’agriculteurs. D’autres contestent ce point de vue45,46.

Cultures génétiquement modifiées

Un certain nombre de groupes d’activistes sociaux et d’études ont proposé un lien entre les cultures génétiquement modifiées coûteuses et les suicides d’agriculteurs47,38 : notamment, le coton Bt (Bacillus thuringiensis) aurait été à l’origine des suicides d’agriculteurs48. Les graines de coton Bt coûtent presque le double de celles ordinaires. Les coûts plus élevés ont obligé de nombreux agriculteurs à contracter des emprunts toujours plus importants, souvent auprès de prêteurs privés appliquant des taux d’intérêt exorbitants (60% par an). Les prêteurs obligent les agriculteurs à leur vendre leur coton à un prix inférieur à celui du marché. Selon les activistes, cela a créé une source d’endettement et de stress économique, voire de suicide, chez les agriculteurs. L’augmentation des coûts dans l’agriculture associée à la diminution des rendements, même avec l’utilisation de semences de coton Bt, est souvent citée comme une cause de détresse parmi les agriculteurs du centre de l’Inde49. Des spécialistes affirment que cette théorie du coton Bt repose sur certaines hypothèses qui ignorent la réalité du terrain50.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8f/Bt_Cotton_Hectares_and_Farmer_Suicides_Time_Trend_India.png/390px-Bt_Cotton_Hectares_and_Farmer_Suicides_Time_Trend_India.png

Usage de coton Bt et suicides d’agriculteurs dans le Madhya Pradesh en Inde, avant et après l’introduction du coton Bt en 200251

En 2008, un rapport publié par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), un groupe de réflexion sur les politiques agricoles basé à Washington, notait l’absence de données relatives aux « chiffres relatifs à la part réelle des agriculteurs qui se sont suicidés et qui cultivaient le coton Bt »38. Afin d’évaluer l’existence « possible (et hypothétique) » d’un lien, l’étude a utilisé une « deuxième meilleure analyse » des preuves relatives aux suicides d’agriculteurs dans un premier temps et aux effets du coton Bt52 ; dans un deuxième temps, l’analyse a révélé qu’il n’existait pas de « relation générale claire entre le coton Bt et les suicides d’agriculteurs »53 mais a également indiqué qu’elle ne pouvait pas rejeter le « rôle potentiel des variétés de coton Bt dans l’augmentation discrète observée des suicides d’agriculteurs dans certains et les années, en particulier au pic de 2004 dans l’Andhra Pradesh et le Maharashtra »54. Le rapport notait également que les suicides d’agriculteurs étaient antérieurs à l’introduction commerciale officielle du coton Bt par Monsanto Mahyco en 2002 (et son introduction non officielle par Navbharat Seeds en 2001) et que ces suicides constituaient une part assez constante du taux de suicide national global depuis 1997. Le rapport note que si le coton Bt peut avoir été un facteur de suicide spécifique, sa contribution est probablement marginale par rapport aux facteurs socio-économiques38,55. Gruere et al.4 discutant l’introduction et de l’augmentation de l’utilisation du coton Bt dans l’État du Madhya Pradesh depuis 2002 et de la baisse observée du nombre total de suicides chez les agriculteurs de cet État en 2006, s’interrogent sur la possibilité que l’augmentation de l’utilisation de coton Bt aurait en réalité amélioré la situation concernant le suicide des agriculteurs dans le Madhya Pradesh.

En 2011, un examen de la preuve concernant la relation entre le coton Bt et d’agriculteurs suicides en Inde a été publié dans le Journal of Development Studies, également par des chercheurs de l’IFPRI, qui a conclu que « les données disponibles ne montrent aucune preuve d’une résurgence de suicides d’agriculteurs. De plus, la technologie du coton Bt s’est révélée très efficace dans l’ensemble en Inde »56. Matin Qaim estime que le coton Bt est controversé en Inde, quelles que soient les preuves scientifiques. Des groupes activistes anti-biotechnologiques en Inde réitèrent leur affirmation selon laquelle il existe des preuves d’un lien entre le coton Bt et les suicides d’agriculteurs, affirmation perpétuée par les médias. Ce lien entre le suicide des agriculteurs et l’industrie de la biotechnologie a conduit à des opinions négatives dans le processus d’élaboration des politiques publiques57.

Stone50 suggère que l’arrivée et l’expansion du coton génétiquement modifié ont conduit à une campagne de désinformation de la part de toutes les parties, aggravant la situation de l’agriculteur. Les militants ont alimenté la légende de l’échec et du rejet du coton Bt par des déclarations sensationnelles de mort de bétail et de suicide d’agriculteurs, tandis que l’autre partie avait incorrectement déclaré que le coton Bt était un succès majeur basé sur une littérature peu concluante. La situation du cotoniculteur est complexe et continue d’évoluer, suggère Stone50. Gilbert déclare en 2013 dans un article publié dans Nature58 : « Contrairement au mythe populaire, l’introduction en 2002 du coton Bt génétiquement modifié n’est pas associée à une hausse des taux de suicide chez les agriculteurs indiens ».

Dans une autre synthèse de 2014, Ian Plewis déclare59 : « En fait, les données disponibles ne corroborent pas la vision selon laquelle le nombre de suicides d’agriculteurs a augmenté à la suite de l’introduction du coton Bt. En considérant tous les États, il existe des preuves pour soutenir l’hypothèse selon laquelle l’inverse est vrai : les taux de suicide d’agriculteurs ont en fait diminué après 2005, alors qu’ils avaient augmenté avant »59,60.

Lire l’article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Suicides_de_paysans_en_Inde

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Rubrique C


  • France - Pourquoi tant de suicides chez les agriculteurs ? - 7 juillet 2021, 21:02 CEST – Auteurs : Pierre Chadat- Maitre de Conférences HDR, IAE Clermont Auvergne - School of Management, Université Clermont Auvergne (UCA) - Dany Gaillon - Directeur des Etudes, Psychologue, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) - Thierno BahMaître de Conférences en sciences de gestion, Université de Rouen Normandie – Document ‘theconversation.com’
    Déclaration d’intérêts : Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

Partenaires : Université de Rouen Normandie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et Université Clermont Auvergne fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR. Voir les partenaires de The Conversation France

Photo - En 2015 à Sainte-Anne-d’Auray (Bretagne), un homme plante une croix blanche en mémoire des agriculteurs qui se suicident chaque année. Jean-Sébastien Évrard / AFP

Double homicide suivi d’un suicide d’une même famille d’agriculteurs dans la Creuse, suicide d’un maire agriculteur dans le département du Rhône, scandale lié à des déclarations politiques ironisant sur la corde avec laquelle un paysan avait mis fin à ses jours… En ce début d’année 2021, l’actualité médiatique ne cesse de témoigner de situations de détresse dans le monde agricole.

La surreprésentation du suicide dans ce secteur était d’ailleurs l’objet du rapport Damaisin remis au ministre de l’Agriculture le 2 décembre 2020. Il fait état de 372 suicides d’exploitants agricoles pour la seule année 2015. Cela concerne particulièrement des hommes de plus de 45 ans, travaillant dans les exploitations d’élevage qui sont consacrées à la viande bovine, un métier souvent exercé par nécessité et non par choix.

Aujourd’hui au nombre de 440.000, les exploitations agricoles sont 4 fois moins nombreuses qu’il y a 40 ans. Le monde paysan a connu de profonds bouleversements sur la même période et, prisonnier de multiples paradoxes, l’exploitant a de plus en plus de difficultés à exercer son métier pour différentes raisons.

Comment expliquer cette surreprésentation des agriculteurs dans les statistiques du suicide ? À partir d’une revue de littérature, de témoignages présents sur le web, et d’échanges réalisés en juin 2020 avec une psychologue animatrice de groupes de paroles dans une mutualité santé agricole, nous avons produit une synthèse des composantes de ce mal-être structurel qui dure depuis plus de 50 ans.

Souffrance et dépendance

Il ressort d’abord de notre analyse qu’il existe chez les agriculteurs un sentiment de ne pas maîtriser son propre destin, verrouillé par un marché agricole faussé par des aides publiques. L’un d’entre eux confiait à la psychologue en juin 2020 :

« Je souhaite disparaître. Ça pourra mettre fin aux problèmes. »

Le développement du secteur s’est adossé à la mise en place d’un marché commun agricole avec la politique agricole commune (ou PAC). Cette entrée de l’agriculture dans une économie d’échanges, où il faut amortir et rentabiliser les machines, requiert très souvent d’agrandir la surface de l’exploitation. Cela engendre endettement et modification des conditions de travail.

Les directives européennes en référence à la PAC soutiennent, certes, l’ensemble des filières agricoles et orientent les aides en faveur de la performance à la fois économique, environnementale et sociale des territoires ruraux. Cette programmation se fonde sur un budget important.

Cela rend néanmoins les agriculteurs de plus en plus dépendants des instances européennes. Dans ce contexte, les processus de précarité et de marginalisation s’installent et cela engendre des inégalités de revenus, de niveaux de vie, de statuts, de fiscalité ou bien encore de conditions de travail. La sécurité sociale des agriculteurs, la santé économique de l’exploitation ou de l’entreprise agricole, voire son insolvabilité, reste souvent la principale source de souffrance des agriculteurs selon la Mutualité sociale agricole.

Liasse administrative et épuisement

Les aides ne vont pas d’ailleurs sans contrainte bureaucratique. Il en résulte un sentiment de harcèlement par l’administration, les assurances ou les banques qui apparaissent déconnectées de la réalité de l’activité des principaux intéressés. En juin 2020, la psychologue peut entendre :

« Je ne décroche plus le téléphone. Je ne reçois des appels que de mon banquier. »

Des propos qui font écho à ceux que l’on peut entendre dans les médias :

« On est sans arrêt en train d’être harcelés. Sans arrêt. Et, personne ne nous comprend. Vous pouvez vous faire hospitaliser, personne ne comprendra. » (TF1, mars 2021)

Cela concerne moult procédures : obligation de déclaration, formalisation de dossiers PAC (Politique agricole commune) pour les aides, contrôles à préparer et à subir, mais aussi l’ensemble des normes à respecter dans la réalisation de la production agroalimentaire, la mise en œuvre d’un processus de traçabilité, les réformes sociales à prendre en considération et bien d’autres choses encore.

À cela s’ajoute, un environnement mouvant et en constante évolution pour lequel il est nécessaire de rester en veille. Alors qu’une liasse administrative peut faire basculer l’existence d’une exploitation et de la famille qui lui est liée, un phénomène météorologique pourra agir de même et s’ajouter aux difficultés de prévoyance.

Les agriculteurs et leur famille témoignent également d’un sentiment d’épuisement auprès de la psychologue :

« Je ne dors plus. »

« Mon mari ne se sépare pas de son fusil. Je pleure en cachette. »

Les agriculteurs interrogés dans les médias abondent dans le même sens :

« On ne respire pas. C’est 7 jours sur 7, non-stop. » (TF1, mars 2021)

Un autre témoigne également :

« C’est une spirale qui vous entraîne […] de plus en plus fort, jusqu’au moment où pouf vous tombez, c’est fini. Et aujourd’hui, il y a toujours une fatigue, une hyper sensibilité… » (France 3 Bretagne, juin 2019)

Cet épuisement est en partie lié avec les exigences que requièrent le travail des champs et l’élevage. En effet, d’après l’Insee, les agriculteurs affichent un temps de travail hebdomadaire bien supérieur à celui de l’ensemble des personnes en emploi.

En 2019, pour leur emploi principal, les exploitants agricoles ont déclaré une durée habituelle hebdomadaire de travail de 55 heures en moyenne, contre 37 heures pour l’ensemble des personnes en emploi. Du fait d’un nombre réduit de congés, leur durée annuelle effective excède plus encore celle de l’ensemble des personnes en emploi.

Isolement social et géographique

Dans ces conditions, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s’avère difficile à respecter. D’autant que le travail agricole ne s’arrête pas le week-end et même parfois la nuit.

Photo -

Serge Papin, ancien dirigeant du groupe Système U, a remis le 25 mars dernier un rapport au gouvernement contenant neuf pistes d’amélioration pour « retrouver une meilleure rémunération des agriculteurs ». Ludovic Marin/AFP

Ce sentiment d’épuisement semble d’ailleurs accentué par le fait que l’exploitant agricole a la perception de ne pas être rémunéré à sa juste valeur. La balance contribution/rétribution ne lui paraît pas équilibrée. Ses revenus hors aides sont en berne, en partie à cause de la guerre des prix des acteurs de la grande distribution qui a fait l’objet du rapport Papin, remis le 25 mars 2021 par l’ancien dirigeant de Système U aux ministres de l’Économie et de l’Agriculture.

La suractivité professionnelle alimente par ailleurs un sentiment d’isolement à la fois social et géographique. La psychologue ressemble parfois au seul interlocuteur avec lequel la parole peut se libérer :

« C’est très dur la vie. Je ne peux pas parler avec ma famille, ils ne sont pas des agriculteurs. »

« Je travaille du matin au soir. Pas le temps pour moi. »

« Je ne sors plus. »

D’autres propos, entendus dans les médias, témoignent de cette détresse :

« On essaye de demander de l’aide, et… vous êtes seuls au monde. Il n’y a plus personne qui répond présent, ou alors on vous dit de vous débrouiller. » (France 3 Nouvelle-Aquitaine, septembre 2019)

Alors que l’ampleur du travail offre moins de temps à consacrer à des préoccupations personnelles, l’exploitant agricole, souvent éloigné des lieux de sociabilité, ne bénéficie pas de la proximité de lieux de ressources par exemple des cabinets médicaux ou des hôpitaux, des commerces ou des lieux de loisirs.

Cela n’est pas sans répercussion sur la vie de famille. Dans une société de consommation voire d’hyperconsommation, ce comportement atypique peut engendrer un motif de rupture avec un conjoint (même si le taux de séparation est plus faible que la moyenne chez les agriculteurs) et surtout avec les enfants dont les aspirations sont différentes, entraînant encore davantage l’exploitant agricole dans une spirale de l’isolement.

Jugée, dénigrée, déconsidérée

Ce dernier point rejoint de façon plus générale un sentiment d’agribashing, d’être systématiquement dénigré et désigné coupable en particulier des maux environnementaux. Ces divers témoignages l’illustrent parfaitement :

« On va [attaquer l’agriculteur pour le bruit, la nuisance, le bruit des animaux, pour les odeurs. » (RMC, août 2020)

« Certaines vidéos ont été prises dans des élevages, pas loin de chez nous. En fait, c’était des montages. Ça n’a jamais été vrai, mais une fois que la vidéo est passée… heu, le démenti, personne ne le voit. Et, c’est vraiment ce qui est dommage aussi. » (CNews, janvier 2020)

« C’est trop facile de stigmatiser notre profession au détriment de tout le reste. » (France 3 Nouvelle-Aquitaine, septembre 2019)

Il est certain que ce phénomène d’étiquetage de la population agricole renforce le sentiment d’abandon ou de dévalorisation du milieu rural. À l’heure des réseaux sociaux, la profession se pense incomprise, jugée, dénigrée, déconsidérée.

La représentation collective de cette population de travailleurs reste stéréotypée et accompagnée de préjugés négatifs forts malgré une image qui semble s’améliorer auprès de la population.

Histoire d’héritage

Le dernier élément que nous mettons en avant a trait à l’histoire du sujet et son rapport à l’exploitation. La psychologue entend :

« Je me dis, si ça n’a pas marché, c’est de ma faute. Ça, on ne peut pas se l’enlever. »

« Je préfère me taire et ne pas parler de mes soucis. »

D’autres témoignages dans les médias confirment de l’existence de ce silence omniprésent :

« Dans le système agricole, personne ne dit rien. Tout le monde garde sa misère. » (TF1, mars 2021)

Les représentations du monde agricole font valoir une certaine dureté, en prise avec des normes masculines ou de virilité. Il existe une honte, une culpabilité à dire que l’on est en difficulté. Les hommes n’arrivent pas toujours à demander de l’aide ou exprimer leur fragilité perçue comme un signe de faiblesse.

Le sentiment de culpabilité se trouve même décuplé lorsque nous sommes sur une affaire familiale, léguée sur plusieurs générations. Le poids de l’héritage peut amener à un véritable mutisme de la part de l’individu exploitant et le conduire même parfois à cacher l’état réel de l’affaire.

Rendre pérenne l’exploitation est en effet souvent perçu comme un devoir par l’exploitant dont les ascendants se sont sacrifiés pour conserver et transmettre l’exploitation. Par ailleurs, l’absence de repreneur, notamment d’enfants absents ou désintéressés, peut, chez certains agriculteurs, remettre en cause le travail d’une vie, voire des générations précédentes. Le regard familial et social peut être très lourd dans un territoire où tout se sait et tout se voit.

Afin que le chiffre des 372 suicides ne reste pas une simple statistique, il semble ainsi nécessaire d’agir sur l’ensemble des dimensions visitées dans cet article. D’autant que de nombreux professionnels de la santé mentale expliquent que la période actuelle semble particulièrement propice à une hausse du taux de suicide.

Remerciements à Maria Lefebvre, psychologue intervenante pour la MSA en Normandie auprès d’un groupe de paroles entre 2013 et 2019.

Voir : Politique + Société – The Conversation France

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Source : https://theconversation.com/pourquoi-tant-de-suicides-chez-les-agriculteurs-162965

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  • France - Rémunération, suicides... Un plan d’accompagnement des agriculteurs en détresse présenté ce mardi 23 novembre 2021 - Ouest-FranceGuillaume LE DU. Publié le 23/11/2021 à 08h08 – Document ‘ouest-france.fr’
    Les ministres de l’Agriculture, de la Santé et des Retraites, présentent une feuille de route ce mardi 23 novembre, devant les représentants du monde agricole, sur la « prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté ».

Des réseaux « sentinelles » seront déployés au contact des éleveurs « pour détecter les situations de détresse ou de mal-être » et les aiguiller vers les dispositifs d’écoute comme Agri’écoute.fr qui sera renforcé. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

C’est un chiffre qui fait froid dans le dos. Un agriculteur se suiciderait tous les jours en France, selon la Mutualité sociale agricole (MSA). Les causes ? L’absence de revenu, de considération et l’isolement. « La surmortalité des agriculteurs par suicide (+ 20 %) est un drame humain qui nous oblige à agir, souligne Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture. Il faut lever le tabou sur ce sujet. »

Le gouvernement a décidé de réagir. Après dix-huit mois de travail, Julien Denormandie, mais aussi Olivier Véran et Laurent Pietraszewski, respectivement ministres des Solidarités et de la Santé et secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail, vont présenter aux représentants du monde agricole, ce mardi 23 novembre, rue de Varenne à Paris, une feuille de route sur la « prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté ».

« Mal-être agricole »

Le plan instaure une « nouvelle gouvernance » pour mieux coordonner les différents dispositifs (éco, social, médico-psychologique, administratif) et les faire connaître aux intéressés. Dans tous les départements, un comité réunissant les organisations professionnelles agricoles, la Chambre d’agriculture, la MSA, la coopération agricole, les associations, les vétérinaires, sera chargé de la question du « mal-être agricole ». Les préfectures devront mettre en place ces comités avant fin 2022.

Des référents locaux seront en charge de la feuille de route dans les caisses locales de la MSA. Des réseaux « sentinelles » (élus locaux, associations, agriculteurs, banques, MSA, Coop, etc.) seront déployés au contact des éleveurs « pour détecter les situations de détresse ou de mal-être » et aiguiller vers les dispositifs d’écoute comme Agri’écoute.fr (09 69 39 29 19) de la MSA (24 heures sur 24) qui sera renforcé, ou des structures d’aides (de soins, économiques et sociales). Un coordinateur national sera nommé avant la fin de l’année.

« La rémunération, la mère des batailles »

« C’est un plan ambitieux », selon Julien Denormandie. Le budget d’accompagnement passe à « 42 millions d’euros par an, en hausse de 40 %. » De quoi renforcer l’aide au répit pour lutter contre le burn-out par exemple (MSA). Dans la boîte à outils ? Crédit d’impôts en cas de remplacement à la suite d’une maladie ou d’un accident du travail (60 % des charges), prise en charge de huit séances chez un psychologue, étalement sur cinq ans au lieu de trois des cotisations sociales, réduction de dettes MSA, audits financiers (1 500 € au lieu de 800 €), assouplissement des conditions pour les aides à la relance économique, etc.

« La mère des batailles est la rémunération des agriculteurs », insiste le ministre qui vante la loi Egalim 2 et une meilleure prise en compte des coûts de productions agricoles. « Il en va de notre souveraineté alimentaire. Nous avons l’agriculture la plus durable du monde. Renouvelons les générations, sinon les importations de produits de moins bonne qualité remplaceront peu à peu nos productions », indique le ministre de l’Agriculture qui en profite pour rappeler, aussi, « la revalorisation des retraites des exploitants agricoles à 1 035 € minimum au 1er novembre ». Un effort budgétaire de 283 millions d’euros pour 200 000 chefs d’exploitation agricole

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Source : https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/remuneration-suicides-un-plan-national-pour-les-agriculteurs-en-difficulte-presente-ce-mardi-8eafc78a-4b95-11ec-86fe-f93f315cdcf6

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  • France - Une feuille de route pour prévenir le mal-être des agriculteurs - Publié le : 24/11/2021 – Document ‘agriculture.gouv.fr’ – Photo
    Présentée par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, elle s’appuie sur 3 piliers : humaniser, aller vers et prévenir et accompagner.

Replacer l’humain au centre des préoccupations. Le mal-être de la profession agricole est une réalité qui ne doit pas être un tabou.

Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, accompagné d’Olivier Véran et de Laurent Pietraszewski, a annoncé mardi 23 novembre 2021 la mise en œuvre d’une feuille de route ayant pour objectif de lutter contre ce mal-être en replaçant l’humain au centre des préoccupations.

Présentation de la feuille de route

Ce document est le fruit d’un travail mené collectivement au plus près des territoires qui répond à un triple objectif :

  • protéger les agriculteurs ;
  • revaloriser leur travail ;
  • redonner toute sa valeur à notre alimentation.
    Pour y parvenir, le Gouvernement, qui s’appuie sur des dispositifs déjà existants (Agri’écoute, les associations ou les réseaux « sentinelles » ou les cellules Réagir des chambres d’agriculture), choisit trois piliers : humaniser, aller vers et prévenir et accompagner.

Pilier 1 : humaniser

Le Gouvernement lance la création de comités dédiés à la question du mal-être des agriculteurs dans chaque département. D’ici à fin 2022, plus de 100 comités seront montés (1 par département).

En leur sein, l’État s’engage dans une approche humaine et transversale de chaque situation avec la nomination des référents à la fois dans les cellules économiques (directions départementales des territoires) et dans les cellules sociales (mutualité sociale agricole- MSA) qui porteront une action coordonnée.

Pilier 2 : aller vers, mieux prévenir et accompagner la souffrance

Le Gouvernement va mettre en place et former des réseaux de « sentinelles » dans chaque département, proches d’agriculteurs qui par leur contact quotidien et familier peuvent être à même de détecter en amont des situations de détresse ou de mal-être.

Ces réseaux, qui existent déjà, vont être renforcés par la formation avec des professionnels et la mise à disposition d’outils (brochures, répertoires …).

L’objectif est d’avoir un maillage de sentinelles fort et capables d’accompagner au mieux les situations de détresse.

Pilier 3 : prévenir et accompagner

En ce sens, le Gouvernement a pris plusieurs mesures :

  • augmenter de 40% le budget dédié aux dispositifs d’accompagnement en cas de difficultés (+12 milliards d’euros pour attendre plus de 40 milliards d’euros par an) ;
  • renforcer financièrement des dispositifs permettant de soulager les agriculteurs, notamment l’« aide au répit », qui finance le remplacement jusqu’à 10 jours des exploitants en situation d’épuisement professionnel et le crédit d’impôt remplacement ;
  • doubler le budget dédié aux programmes départementaux d’accompagnement des agriculteurs en difficulté pour atteindre 7 millions d’euros et les rendre accessibles à un plus grand nombre de personnes et plus tôt. Ces programmes qui durent entre 3 et 5 ans permettent aux agriculteurs d’être conseillés à la fois sur la reprise de l’activité et sur les ajustements nécessaires pour redémarrer sereinement ;
  • prolongement du crédit d’impôt remplacement jusqu’en 2024 en cas d’épuisement de l’agriculteur.
    Agri’écoute - Vous-même ou quelqu’un de votre entourage est en situation de détresse psychologique ? Vous redoutez que cette situation conduise à un acte suicidaire ?

Ne restez pas seul face aux difficultés, contactez le service « Agri’écoute » au 09 69 39 29 19 (prix d’un appel local).

En savoir plus

Source : https://www.gouvernement.fr/une-feuille-de-route-pour-prevenir-le-mal-etre-des-agriculteurs

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  • France - Présentation de la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté - 23/11/2021 – Photo Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr
    Mardi 23 novembre 2021, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, et Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des Retraites et de la Santé au travail, ont présenté la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté.

Cette feuille de route a été dévoilée en présence de Françoise Férat, sénatrice de la Marne, Henri Cabanel, sénateur de l’Hérault, Olivier Damaisin, député du Lot-et-Garonne, Josiane Voisin, ergonome, à l’origine du film « Et si on parlait travail ? », Franck Bethys, technicien à la coopérative Apis Diffusion, membre du réseau Agri Sentinelles et Édouard Bergeon, réalisateur qui a présenté un extrait de son documentaire « L’Amour vache » en ouverture de la table-ronde.

À télécharger : Dossier de presse - Feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté (PDF, 1.7 Mo)

(Re)voir la présentation de la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté : https://twitter.com/Agri_Gouv/status/1463088202525331465?s=20

Source : https://agriculture.gouv.fr/presentation-de-la-feuille-de-route-pour-la-prevention-du-mal-etre-et-laccompagnement-des

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    France – Feuille de route du gouvernement en date du 23 novembre 2021 - Prévention du mal-être et accompagnement des agriculteurs en difficulté – 3 notes ministérielles
    La crise sanitaire que nous traversons depuis bientôt deux ans a marqué les esprits tout autant que les corps, créant de la souffrance psychique chez nombre de nos concitoyens. La santé mentale et l’importance de préserver notre capital psychique et, quand il est affecté, de le restaurer, se sont pleinement imposées comme des enjeux fondamentaux de santé publique et de société, en France comme dans les autres pays.

C’est dans cet esprit et avec cet objectif que le Président de la République a réuni et clôturé les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie les 27 et 28 septembre 2021, invitant à faire de la santé mentale l’affaire de tous, il nous a appelé à nous mobiliser collectivement pour promouvoir le bien-être mental et repérer et accompagner le plus précocement possible la souffrance psychique de nos enfants, de nos proches, de nos amis, de nos voisins, de nos collègues...

Les agriculteurs, leurs salariés, leurs familles, figurent au nombre des catégories socio-professionnelles particulièrement exposées à la souffrance psychique, du fait de conditions de travail et de vie difficiles, éprouvées par des aléas climatiques, sanitaires, économiques de plus en plus contraignants. Par fierté, par pudeur, mais aussi souvent par méconnaissance et par difficulté pour ces hommes et femmes d’accéder aux aides et aux dispositifs d’écoute et de soins dont ils auraient besoin et auxquels ils ont droit, leurs souffrances et leur détresse restent tues et cachées. Elles se révèlent hélas souvent trop tardivement au grand jour, à la faveur de ce que l’on qualifie improprement et de façon insupportable de « faits divers » dramatiques : le suicide des agriculteurs. Non, la multiplication silencieuse des suicides d’agriculteurs n’est pas un fait divers, une fatalité, mais un fait social qui doit tous nous interpeller et auxquels nous devons répondre.

Le monde agricole est donc pleinement concerné par les mesures fortes engagées par notre Gouvernement en faveur de la santé mentale des Français et le ministère des Solidarités et de la Santé se tient résolument aux côtés du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour contribuer au déploiement et à la réussite de la feuille de route ambitieuse « prévention du mal-être et accompagnement des agriculteurs en difficulté ».
Cet appui se concrétisera ainsi par la mobilisation des administrations nationales et territoriales de la santé pour faire profiter les acteurs du monde agricole de leur savoir, de leur expérience, de leurs réseaux d’acteurs dans le champ de la santé mentale, en particulier en matière de détection de la souffrance psychique, pour laquelle la formation de secouristes en santé mentale a montré son efficacité. Afin d’accompagner les situations de détresse et d’être à l’écoute des situations personnelles, le dispositif VigilanS, qui permet le suivi des personnes ayant fait une tentative de suicide, sera articulé avec le numéro national de prévention du suicide pour couvrir la population agricole de tout le territoire, y compris celle des DOM avec le numéro unique. Je souhaite par ailleurs lutter résolument contre les freins à l’accès au RSA et à la prime d’activité pour le monde agricole en constituant un groupe de travail technique qui devra établir un état des lieux des spécificités en la matière et avancer des propositions pour améliorer le recours à ces dispositifs.

En renforçant une coordination des réseaux de nos deux ministères qui soit adaptée aux réalités locales, nous souhaitons offrir à nos agriculteurs les conditions du bien être mental indispensable au développement et au plein épanouissement d’un secteur professionnel et économique qui fait la fierté de notre pays.

Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé

— -
Depuis 2017, l’action de ce Gouvernement a été résolument orientée vers un objectif pour notre monde agricole : redonner de la valeur.

La reconnaissance d’abord ; c’est le sujet central de la rémunération. Avec les États généraux de l’alimentation et les lois EGAlim, nous avons changé de paradigme en instaurant la « marche en avant du prix » tout au long de la chaine de production et en rééquilibrant les rapports de force qui l’animent. L’ambition de ces lois est que chaque agriculteur puisse vivre dignement de son travail. Ce point est crucial pour un agriculteur en exercice mais également quand il doit prendre sa retraite. Comme le Gouvernement s’y était engagé, le montant des retraites agricoles les plus faibles a été revalorisé au 1er novembre 2021. Plus de 200.000 retraités en ont bénéficié et cette juste reconnaissance sera étendue aux conjoints collaborateurs de nos agriculteurs en 2022.

Mais pour redonner de la valeur au travail de nos agriculteurs, chacun de nous a un rôle à jouer, particulièrement dans son alimentation. En choisissant de consommer des produits locaux et de les payer au juste prix, nous pouvons tous les soutenir économiquement, mais aussi humainement.

C’est cette valeur humaine qu’il nous faut également redonner à notre agriculture. Aujourd’hui, un tabou a été levé, notamment grâce à la libération de la parole sur le mal-être qui peut exister dans le monde agricole. Face à cela, il ne faut pas fermer les yeux. Bien au contraire. C’est tout l’objet de cette feuille de route qui vise à mettre en œuvre une approche plus coordonnée entre tous les acteurs, plus territorialisée et plus individualisée pour accompagner les agriculteurs qui en ont besoin dans toutes les dimensions de leur vie – économique, sociale et de santé –, tout en tenant compte des réalités qui sont les leurs.

En renforçant les moyens humains et financiers dédiés à la détection et la prise en charge des agriculteurs en situation de détresse, en replaçant l’humain au centre des relations entre les agriculteurs et les acteurs institutionnels et en faisant confiance aux acteurs de proximité, cette feuille de route poursuit trois objectifs fondamentaux : humaniser, « aller vers », mais aussi prévenir et accompagner.

Redonner sa valeur humaine à notre agriculture, c’est au fond (ré)instaurer davantage de
contact, de bienveillance et de confiance avec nos agriculteurs. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons mieux repérer les situations de détresse et y faire face collectivement.

— -

Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation

Le Gouvernement a fait de la prévention le fer de lance de sa politique en matière de santé au travail. Avec un objectif : mieux protéger la santé des travailleurs en intervenant le plus tôt possible et tout au long de la carrière. Pour notre système de santé au travail historiquement tourné vers la réparation, c’est un changement de logique profond. Avec l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre
2020 et la loi du 2 août 2021 renforçant la prévention en santé au travail, nous disposons d’un arsenal pour opérer ce changement et instaurer la culture d’anticipation et de prévention des risques professionnels qui manque encore souvent dans notre
pays. Le plan Santé au travail pour la période 2021-2025, qui sera prochainement présenté, vient compléter la traduction concrète donnée à ce concept en organisant la mobilisation de l’ensemble des acteurs.

Renforcement de la prévention primaire, prévention de l’usure et de la désinsertion professionnelle, importance donnée à la qualité de vie et des conditions de travail comme levier de développement de l’entreprise et de bien-être des salariés, ce nouveau cadre est valable pour l’ensemble des secteurs d’activité. À l’heure où sonne la mobilisation pour nos agriculteurs, dont les souffrances s’expliquent par différentes causes mais dont celles issues des enjeux de santé au travail sont manifestes, cette approche nouvelle prend naturellement tout son sens.

Porte d’entrée vers une santé au travail modernisée, elle permettra de renforcer la détection et l’accompagnement des situations de détresse. L’élaboration de cette feuille de route est le fruit d’un travail entre le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, le ministère des Solidarités et de la Santé et le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion. Le renforcement de l’aide au répit pour lutter contre le burnout
par exemple ou la possibilité pour la MSA d’agir pour faciliter le retour à l’emploi de salariés agricoles ou d’exploitants, après un arrêt de travail long ou un accident de travail, sont nés de ce dialogue. C’est par ce travail décloisonné entre santé et travail au niveau national et par une action menée au plus près du terrain, là où se trouvent les agriculteurs, que nous pourrons réussir et être à la hauteur de notre responsabilité.

— -

Laurent Pietraszewski, Secrétaire d’État chargé des Retraites et de la Santé au travail

Si la question du mal-être et du risque suicidaire des agriculteurs a souvent été écartée parce que tabou, elle est aujourd’hui un fait de société pris à bras le corps par les
acteurs du monde agricole et les pouvoirs publics. Dès 2011, des plans d’actions ont
été mis en œuvre notamment avec l’appui de plusieurs acteurs comme la Mutualité
sociale agricole (MSA) ou encore de l’agence Santé publique France. Le travail engagé
par ces structures, notamment en lien avec les instances de proximité (caisses locales,
services préfectoraux...), est aujourd’hui à souligner.

Alors que la mobilisation des différents acteurs est pleine et entière, les réalités vécues
par le monde agricole démontrent la nécessité de renforcer les actions et de mieux les
coordonner tant les situations sont personnelles et multifactorielles.

Cette feuille de route ne partait donc pas d’une feuille blanche. Elle part de dispositifs existants et d’acteurs engagés sur cette question. En particulier, les associations,
comme ‘Solidarité Paysans’, sont des acteurs essentiels de cette action collective.
Elle s’appuie également sur les rapports parlementaires récents, celui du député
Olivier Damaisin puis celui du groupe de travail des sénateurs Françoise Férat et
Henri Cabanel nourris par leurs rencontres sur les territoires et les témoignages
recueillis. Ils démontrent le besoin d’une approche territorialisée, au plus près des
agriculteurs et des salariés en détresse, d’une implication de tous, citoyens, voisins,
associations, réseaux professionnels et d’une forte articulation entre les acteurs, privés et publics, dans les domaines social, de la santé et de l’économie pour permettre
de combattre ces fragilités.

Ainsi, aujourd’hui, Gouvernement, services territoriaux de l’État, Mutualité sociale
agricole, Chambres d’agriculture, représentants du monde agricole, élus, associations,
banques, assureurs, vétérinaires, experts comptables, etc… portent ensemble cette
feuille de route.

→→ Parce que toute situation est individuelle et s’imbrique dans des récits personnels et professionnels, il nous faut humaniser les rapports aux agriculteurs en difficultés et être à l’écoute de chaque cas personnel.

→ → Parce qu’il est encore souvent difficile de parler ouvertement d’une situation de
détresse, et particulièrement dans le monde agricole, il nous faut aller vers celles
et ceux qui sont isolés face à leurs difficultés.

→ → Parce que des solutions et des moyens existent contre ces situations, il nous faut
prévenir et accompagner toute forme de difficultés qu’elles soient personnelles,
économiques ou sociales.

Prévention du mal-être et accompagnement des agriculteurs en difficulté

Humaniser
Dans tous les départements, une cellule dédiée à la question du mal-être agricole sera déployée d’ici la fin 2022. Ces comités de pilotage créés dans chaque département seront structurés autour de coordinateurs locaux des services de l’État, des acteurs de terrain (associations, vétérinaires, organismes agricoles, etc.) et des agriculteurs pour une approche transversale et un suivi territorialisé de ces enjeux.

Elles seront appuyées par la nomination de référents au sein des cellules d’accompagnement économique (directions départementales des territoires) et social (mutualité sociale agricole). En ce sens, la MSA renforce les effectifs dédiés à ces problématiques avec la création d’un poste de référent « mal-être agricole » dans chacune de ses caisses locales.

« Aller vers »
Dès 2022, les réseaux déjà existants de « sentinelles » dans les territoires seront identifiés, structurés, formés et dotés d’outils (guides, répertoires, brochures...) afin de permettre à ces volontaires de tout horizon (élus, associations, pairs agriculteurs...) d’améliorer leurs actions de proximité et de détection auprès de celles et ceux en situation de détresse.

Prévenir et accompagner
Les dispositifs d’accompagnement permettant aux agriculteurs de prendre le recul nécessaire en cas de fragilité seront renforcés dès 2022 avec :
- le renforcement du crédit d’impôt remplacement en cas de maladie ou d’accidents du travail et sa prolongation jusqu’en 2024 ;
- une refonte des dispositifs départementaux d’accompagnement économique des agriculteurs en difficulté avec un élargissement des critères d’accès et un doublement du
budget (7 millions d’euros par an).

Cette feuille de route a été construite dans le cadre d’une large consultation associant parlementaires, services de l’État, représentants des organisations professionnelles agricoles, syndicats de salariés, chambres d’agricultures, Mutualité sociale
agricole, Coopération agricole, associations dont Solidarité Paysans, ordre des médecins, ordre des vétérinaires, ordre des experts comptables, organismes bancaires, assurances, associations d’élus, organismes de formation, fédération des CUMA, fédération des SAFER, distributeurs d’équipements, négoces agricoles, entreprises de travaux agricoles, La Poste...

L’ensemble des actions présentées dans le cadre de cette feuille de route représente un engagement supplémentaire de l’ensemble des parties prenantes, notamment du Gouvernement. Cela se traduit par un budget supplémentaire sur les
dispositifs d’intervention de près de 12 millions d’euros par an.

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

Fichier:Logo du Ministère de l&#39 ;agriculture et de l&#39 ;alimentation (2020).svg — Wikipédia

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    Suicides d’agriculteurs : les annonces du gouvernement saluées par deux sénateurs en pointe sur le sujet - Par Guillaume Jacquot @Algdelest – Document ‘.publicsenat.fr’ - Photo
    Le ministre de l’Agriculture a annoncé une série de mesures pour mieux détecter les risques de suicides chez les agriculteurs et accompagner davantage les situations de grande difficulté. La feuille de route gouvernementale intervient après la remise d’un rapport du Sénat. Ses auteurs estiment avoir été entendus.

Le constat est « terrible », a reconnu ce matin le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie. Ce tableau, c’est celui de la détresse dans le monde agricole. Selon les derniers chiffres de la Sécurité sociale agricole (MSA), 529 suicides ont été recensés en 2016 parmi son 1,6 million d’assurés. Le risque de suicide y est supérieur de 43 % à celui dans la population générale. Au-delà de 65 ans, il est même deux fois plus élevé. Le gouvernement présentait ce 23 novembre sa feuille de route sur la « prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté ». Le plan, annoncé il y a un an, a été officialisé au ministère de l’Agriculture, en présence d’acteurs du monde agricole mais aussi du ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran.

Pour lutter contre les risques de passage à l’acte, le gouvernement table notamment sur le renforcement des réseaux dits « sentinelles », tous les interlocuteurs volontaires qui gravitent autour des exploitants agricoles et qui pourraient être en mesure de détecter les signes de détresse ou de mal-être. Des formations vont leur être dispensées. Il renforce en parallèle l’accompagnement et les aides aux remplacements d’agriculteurs épuisés ou en proie à des difficultés multiples. Au total, l’enveloppe globale dédiée à la lutte contre le mal-être dans l’agriculture va passer de 30 à 42 millions d’euros (+ 40 %).

« Le sentiment que le ministre a parfaitement appréhendé ce que nous avions pu mesurer au fil de nos auditions »

En élaborant ses annonces sur la prévention des suicides chez les agriculteurs, le gouvernement n’est pas parti d’une feuille blanche. Le député du Lot-et-Garonne, Olivier Damaisin (LREM), avait remis au ministre un rapport sur le sujet en décembre dernier. En mars, deux sénateurs, Henri Cabanel (RDSE) et Françoise Férat (Union centriste), avaient listé 63 recommandations sur le sujet, au terme de plusieurs de mois de travaux. Qu’il s’agisse de financer les remplacements pour congés, de renforcer la notoriété du numéro d’appel Agri’écoute ou d’élargir le réseau des sentinelles, de nombreuses propositions du groupe de travail sénatorial se sont retrouvées dans la feuille de route du ministère. Le syndrome du rapport laissé sur une étagère n’a pas eu lieu.

« En toute franchise, nous sommes très satisfaits des annonces qui ont été faites », réagit Henri Cabanel, qui estime le rapport repris au moins « aux trois quarts ». « Le ministre a tenu compte de plusieurs de nos propositions. » Même satisfecit du côté de Françoise Férat. « Je m’y retrouve pleinement. J’ai vraiment le sentiment que le ministre a parfaitement appréhendé ce que nous avions pu mesurer au fil de nos auditions. »

Viticulteur de profession, Henri Cabanel apprécie notamment la volonté de « réhumaniser » les contacts administratifs adressés à la profession, mais aussi le « changement de paradigme » à l’œuvre. « Les agriculteurs ne s’extériorisent pas. Aller vers me semble être la bonne solution. » Ce sont les personnes au contact des agriculteurs qui pourraient recevoir une formation adéquate pour identifier des difficultés : le conseiller technique d’une chambre d’agriculteur, un élu de la MSA, un banquier, un postier ou encore un élu local. Des comités vont aussi être mis en place d’ici un an par les préfectures, afin de mieux coordonner avec les différents acteurs les réponses à apporter aux difficultés traversées par un exploitant. La sénatrice reste encore marquée par ses auditions de la fin 2020, début 2021, de familles endeuillées par la disparition d’un père, d’un fils ou d’un frère. « Cela a été un moment à nul autre pareil. On ne ressort pas indemne d’un tel travail. »

Au-delà de la détection des « signaux faibles », le plan d’action se concentre aussi sur le renforcement de « l’aide au répit ». Son budget est porté de 3,5 à 5 millions d’euros et permettra de financer le remplacement de jours pour les exploitants en situation d’épuisement professionnel. Le crédit d’impôt de remplacement à la suite d’une maladie ou d’un accident du travail, sera prorogé jusqu’au 31 décembre 2024 et son taux sera augmenté à 60 % au lieu de 50 %.

« Ces propositions semblent particulièrement importantes. Il y a des agriculteurs qui n’ont aucun jour de repos, je pense aux laitiers. Cette aide vient faciliter quelques moments de repos qui sont absolument nécessaires », témoigne la sénatrice Françoise Férat. Pour l’année 2019, la durée moyenne hebdomadaire de travail s’élevait à 55 heures chez les agriculteurs, contre 37 heures pour l’ensemble des personnes en emploi, selon l’Insee.

« La racine du mal n’est absolument pas traitée »

Le volet des annonces vient aussi être complété par le renforcement de dispositifs d’accompagnement économique, comme l’augmentation du budget de l’aide à la relance ou des aides au diagnostic des exploitations.

Autre sénateur investi sur les questions agricoles à la commission des affaires économiques du Sénat, le sénateur LR Laurent Duplomb se dit « partagé » sur les décisions. « La feuille du retour du jour améliore la prise de conscience, la prise en compte plus précoce de certains phénomènes que l’on peut endiguer, mais la racine du mal n’est absolument pas traitée », considère cet éleveur de vaches laitières. Le parlementaire de Haute-Loire souligne que le gouvernement ne s’attaque pas vraiment aux problèmes structurels, comme le poids des normes sur l’agriculture ou les « injonctions contradictoires ».

Si elle peut permettre d’améliorer la détection du mal-être, la feuille de route présentée par le gouvernement n’épuise pas pour autant tous les enjeux qui pèsent sur la profession, et notamment la problématique du revenu. Selon l’Insee, le revenu moyen des agriculteurs atteint 1 390 euros (soit 200 euros de moins que le Smic).

« La mère des batailles est la rémunération des agriculteurs », a fait valoir Julien Denormandie, qui rappelle que la loi Egalim 2, récemment adoptée par le Parlement prend mieux en compte les coûts de production. « Le travail sur le revenu n’est pas terminé. Il faut encore et encore trouver des solutions qui permettent aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail », note le sénateur Henri Cabanel.

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© 2021 Public Sénat - Source : https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/suicides-d-agriculteurs-les-annonces-du-gouvernement-saluees-par-deux

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    Une feuille de route pour détecter le mal-être des paysans - mais qui ne s’attaque pas aux responsabilités collectives des difficultés - Communiqué de presse, 23 novembre 2021 - Document ‘solidaritepaysans.org’
    Julien Denormandie présente aujourd’hui sa feuille de route de prévention du
    mal-être et d’accompagnement des agriculteurs en difficultés. Elle n’est pas à la
    hauteur des enjeux et ne répond pas aux besoins concrets des agriculteurs en
    difficulté.

Cette feuille de route est biaisée par :
- La non-prise en considération de la faiblesse du revenu des agriculteurs.
- L’amalgame constant entre « agriculteur en difficulté économique » et « agriculteur
présentant des signes de mal-être ». La surcharge de travail, l’isolement sont d’autres
éléments qui y contribuent, et qui sont générés par le modèle de développement.
- L’amalgame entre « agriculteur en difficulté économique » et « maltraitance
animale », qui est insultant pour les agriculteurs fragilisés dont la priorité est le bien-
être de leurs animaux.
- L’identification des agriculteurs en difficulté par des « sentinelles » en grande partie
créancières des agriculteurs ! Les conflits d’intérêts qui transcendent le monde
agricole, ne peuvent donner lieu qu’à des traitements partisans et partiaux des
situations.

Aucun engagement fort pour soutenir le redressement de l’exploitation (durée des
échéanciers de paiement MSA, coût des procédures collectives...). Rien sur l’accès à la
formation professionnelle des agriculteurs en plan de sauvegarde ou de redressement
judiciaire. Aucune mesure non plus pour faciliter l’accès aux financements des agriculteurs bénéficiant d’un échéancier de paiement ou d’un plan judiciaire d’apurement du passif.

Aucune mesure concrète pour faciliter dès aujourd’hui l’accès des agriculteurs au RSA et à la prime d’activité.

‘Solidarité Paysans’ salue cependant le suivi envisagé après une tentative de suicide,
l’accompagnement des familles endeuillées, le premier pas qu’est la prestation décès, la
hausse du taux de prise en charge de l’aide financière simplifiée pour adapter le poste de
travail, le renforcement de l’aide au répit et l’accès au service de remplacement en cas
d’épuisement professionnel. Encore faut-il pouvoir garantir l’accès de tous les paysans à ce service.

La feuille de route renforce la mission des Chambres d’agriculture, donne un rôle clé à la
MSA et aux cellules d’accompagnement, alors même que ces dernières ne sont toujours
pas opérationnelles sur l’ensemble du territoire. La place des créanciers dans ces cellules
n’est pas remise en cause, alors que la question de la confidentialité au sein de ces cellules pointe le problème de leur composition, et le risque d’un partage d’informations entre créanciers, préjudiciable aux agriculteurs.

Chaque jour, en France, un agriculteur se suicide1. Mais le suicide n’est que la pointe
émergée de l’iceberg de la souffrance au travail des agricultrices et des agriculteurs.

C’est la preuve de l’échec du système agricole industriel encouragé depuis les années 1960 par les politiques publiques françaises et européennes. Il est urgent d’interroger ce modèle industriel de développement agricole qui engendre isolement, surcharge de travail... Ce dont les paysans ont besoin aujourd’hui, c’est de pouvoir vivre dignement de leur travail, de retrouver une autonomie décisionnelle, de pouvoir retrouver la maitrise de leur exploitation. Il y a urgence à modifier les conditions d’exercice du métier pour faire face au changement climatique, à la protection de l’environnement et au renouvellement des générations.

1 CCMSA, Etude sur l’année 2015, publiée en juillet 2019.

‘Solidarité Paysans’ - 104 rue Robespierre – 93 170 BAGNOLET – 01 43 63 83 83
contact@solidaritepaysans.org I @SolPaysans I www.solidaritepaysans.org
Contacts presse : Marie-Andrée Besson (06 30 45 10 65) et Gilbert Julian (06 29 32 27 07), co-présidents de Solidarité Paysans Lucie Chartier, coordinatrice de Solidarité Paysans, 06 51 52 93 56

Liens utiles :
• Propositions que nous avons faites en mars :
https://solidaritepaysans.org/images/imagesCK/files/Plan_operationnel_Contrib
utionSolidaritePaysans_mars2021.pdf
• Infographie réalisée par Solidarité Paysans pour montrer l’intérêt des
procédures collectives en agriculture : https://solidaritepaysans.org/zoom-
sur/infographie-pour-decouvrir-les-procedures-collectives

‘Solidarité Paysans’ - 104 rue Robespierre – 93 170 BAGNOLET – 01 43 63 83 83
contact@solidaritepaysans.org I @SolPaysans I www.solidaritepaysans.org
Contacts presse : Marie-Andrée Besson (06 30 45 10 65) et Gilbert Julian (06 29 32 27 07), co-présidents de Solidarité Paysans Lucie Chartier, coordinatrice de Solidarité Paysans, 06 51 52 93 56

Liens utiles :
• Propositions que nous avons faites en mars :
https://solidaritepaysans.org/images/imagesCK/files/Plan_operationnel_Contrib
utionSolidaritePaysans_mars2021.pdf
• Infographie réalisée par Solidarité Paysans pour montrer l’intérêt des
procédures collectives en agriculture : https://solidaritepaysans.org/zoom-
sur/infographie-pour-decouvrir-les-procedures-collectives
Solidarité Paysans, c’est...
un réseau national de défense et d’accompagnement des agriculteurs en difficultés
un réseau indépendant, ouvert à tous
1 000 bénévoles et 80 salariés au service des agriculteurs en difficultés
3 000 familles d’agriculteurs accompagnées chaque année

Solidarité Paysans
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Interview H2O

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Collecte des documents et agencement en 3 rubriques (A à C), [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 28/11/2021

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

http://www.isias.lautre.net/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS Psychosociologie Mal-être agricole Inde Agroécologie France Accompagnement des agriculteurs en difficulté.2.docx

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