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"De la viande et du lait provenant d’animaux clonés : il y a de quoi s’inquiéter" par le Dr. Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

mercredi 16 mars 2011, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS Santé Clonage OGM
De la viande et du lait provenant d’animaux clonés : il y a de quoi s’inquiéter
Cloned Meat & Milk Coming
Le clonage par transplantation nucléaire est complètement différent du clonage par scission d’embryons : le premier mode de clonage est étroitement associé à une modification génétique des animaux d’élevage qui sont ‘fabriqués’ pour produire des médicaments dans leur lait ; dans la déréglementation qui est en cours de mise en place en Europe, pour la viande et le lait issus d’animaux ‘fabriqués’ par clonage, la Commission Européenne est sur le point d’autoriser la commercialisation de produits qui sont contraires à l’éthique et hautement dangereux, et qui sont par ailleurs aussi tout à fait illégaux
Dr. Mae-Wan Ho

Rapport ISIS 16/03/2011
S’il vous plaît à diffuser largement et à transmettre à vos représentants politiques
La version originale en anglais s’intitule Cloned Meat & Milk Coming ; elle est accessible sur le site www.i-sis.org.uk/Cloned_Meat_and_Milk_Coming.php?...
http://www.i-sis.org.uk/foodFutures.php
Publication ISIS-TWN Report - Sustainable World 2nd report - Food Futures Now *Organic *Sustainable *Fossil Fuel Free - Mae-Wan Ho, Sam Burcher, Lim Li Ching & others

La viande et le lait issus de clonage vont être déréglementés

Le lait et la viande provenant de la progéniture d’animaux "clonés" pourraient bientôt être mis en vente sans aucune étiquette, nous avertit le groupe européen des consommateurs BEUC [1]. La Commission européenne (CE) menace de faire passer en force la proposition soutenue par le gouvernement britannique.

Actuellement au Royaume-Uni, il est illégal de vendre de la viande ou du lait provenant d’animaux clonés ou de leur progéniture, et tous ceux qui souhaitent le faire doivent demander l’autorisation auprès d’un organisme spécialisé, la Food Standards Agency.

La Commission Européenne veut autoriser la mise sur le marché de la nourriture issue de la progéniture des clones animaux, sans étiquetage, d’une part et elle veut maintenir la nécessité d’une approbation, d’autre part, mais elle s’oppose à la vente d’aliments provenant des animaux clonés eux-mêmes. Le gouvernement britannique n’a pas d’objection à la vente de viande et de lait provenant directement d’animaux clonés.
La Commission Européenne fait valoir qu’une interdiction sur les aliments, contre les risques des descendants d’animaux clonés, va déclencher une guerre commerciale avec les États-Unis, où le clonage est très communément pratiqué. La Commission Européenne affirme que les États-Unis n’ont pas de système officiel de traçabilité pour identifier les animaux qui sont des descendants de clones : il serait donc impossible d’étiqueter les aliments qui en résultent.

Il y a actuellement un peu plus de 100 descendants d’animaux clonés dans les fermes britanniques, mais cela va augmenter considérablement si la Commission Européenne obtient ce qu’elle veut. La proposition est appuyée par Caroline Spelman, secrétaire d’État britannique pour le Ministère de Environment, de l’Alimentation et des Affaires rurales.
Selon l’organisme BEUC, l’écrasante majorité des consommateurs de l’Union Européenne ne veut pas que le clonage puisse être utilisé à des fins de production alimentaire. Quelque 84 pour cent des habitants sont préoccupés par la santé à long terme et par la sécurité alimentaire.
Le premier veau descendant de clone, Dundee Paradise, est né dans une ferme dans le Shropshire, au Royaume-Uni, en 2006. Cet animal, ainsi que ses frères et sœurs, ont produit plus de 100 descendants ; actuellement, la plupart de ces vaches laitières de type Holstein sont encore trop jeunes pour produire du lait.

Tous les clones ne sont ni égaux ni semblabes

Il y a une histoire de malentendu sur la nature précise du ‘clonage’ qui a commencé avec la Food and Drugs Administration (FDA), l’Administration des l’alimentation et des médicaments aux Etats-Unis [2] (Is FDA Promoting or Regulating Cloned Meat and Milk ? SiS 33).

Tous les clones ne sont pas égaux. Très peu de gens s’opposent à un clonage par scission de l’embryon au stade de deux ou quatre cellules, lorsque les cellules séparées donnent chacune un embryon, ce qui entraîne que les jumeaux ou les quadruplés ne diffèrent pas des descendances qui surviennent naturellement de temps à autre.

La question qui est posée concerne le clonage par transplantation nucléaire, une procédure tout à fait différente, dans laquelle le noyau d’une cellule d’un animal adulte ou d’un embryon en développement est transféré dans un ovule mature dont le noyau d’origine a été supprimé. Les œufs sont ensuite activés de manière à ce qu’ils se développent et les embryons qui en résultent sont implantés dans l’utérus de mères porteuses, préalablement traitées aux hormones pour les recevoir afin qu’elles mènent la conception à son terme.

Les promoteurs et les autorités chargées de la réglementation ont donné l’impression que le clonage par transplantation nucléaire est tout simplement le dernier développement dans un ‘continuum’ des technologies de la reproduction assistée, qui ont commencé par l’insémination artificielle, puis avec l’ovulation multiple et le transfert d’embryons, la fécondation in vitro, la cryoconservation d’embryons, le clonage par scission d’embryons et, depuis les années 1980, par le transfert nucléaire ou transplantation nucléaire [2].

Après une consultation publique nationale aux Etats-Unis, la FDA a émis ses directives qui se traduisent par la conclusion suivante [3] : « La viande et le lait provenant de clones de bovins, de porcs et de chèvres, et les descendants provenant de clones d’espèces traditionnellement consommées comme des aliments, sont aussi sûrs, comme nourriture, que les aliments provenant d’animaux élevés traditionnellement ».

Toutefois, le ‘moratoire volontaire’ qui était en place sur la viande et le lait d’animaux clonés est resté en place à la demande du Département américain de l’agriculture, alors que le moratoire sur la viande et le lait issus de la progéniture des animaux clonés a été levée. Donc, en ce qui concerne les États-Unis, il y a effectivement une déréglementation totale de la vente de la viande et du lait issus du clonage.

Le clonage par transplantation nucléaire ne produit absolument pas des copies identiques

Pourquoi cloner par transplantation nucléaire ? Contrairement à la longue procédure classique de reproduction, la transplantation nucléaire est une procédure qui permet une duplication rapide d’un animal qualifié ‘d’élite’, mais elle ne produit jamais des copies identiques, dans tous les cas.
Malheureusement, la duplication par transplantation nucléaire est loin de produire des individus qui sont identiques.

Tout d’abord, les cellules accumulent des mutations dans le cadre de leur développement, de sorte que chaque cellule, dans un organisme vivant, a le potentiel d’avoir un génome (ensemble du matériel génétique dans le noyau) qui est sensiblement différent du génome d’une lignée germinale à l’origine de l’organisme qui a hérité de ses parents ; ainsi, une cellule donnée peut présenter une différence par rapport aux autres cellules de l’organisme auquel elle appartient. [4] (Death Sentence on Cloning, SiS 19).

La pratique récente du clonage à partir de cultures cellulaires (à la fois des cellules souches et d’autres types de cellules), est encore moins susceptible d’aboutir à des copies identiques [5] (Unacceptable Death Rates End Cloning Trials in New Zealand, SiS 50), puisque les cellules cultivées cumulent à la fois des mutations et des anomalies chromosomiques à des taux beaucoup plus élevés.

Les mutations et les anomalies chromosomiques dans les noyaux donneurs peuvent expliquer le taux élevé d’échecs des embryons clonés, mis à part les erreurs généralement reconnues et les échecs de « reprogrammation », initiés par le cytoplasme de l’œuf, qui suppriment les marques épigénétiques de l’ADN du noyau donneur et qui se remet à l’état de ‘totipotence’, avec la capacité de donner naissance à toutes sortes de cellules lors du développement de l’embryon.

Deuxièmement, une partie substantielle de l’héritage génétique d’un individu animal se trouve dans les mitochondries (des sortes de petites centrales énergétiques dans la cellule), qui ne sont pas transférées avec le noyau, mais qui sont mises à contribution par l’œuf destinataire. Cela introduit potentiellement une incompatibilité entre le matériel génétique mitochondrial et celui du noyau, ce qui peut aussi contribuer au taux élevé d’anomalies et de décès chez les animaux clonés.

Encore une fois, cet aspect n’a pas été réexaminé ni étudié par les promoteurs et les praticiens de cette technologie. La transplantation nucléaire n’est donc pas strictement un clonage, et il est tout à fait illégal de prétendre qu’il en est ainsi pour autoriser une sortie commerciale [6] (‘Cloned’ Food Animals Not True Clones, SiS 48) *.
* La version en français s’intitule "Les aliments provenant d’animaux ‘clonés’ ne sont pas en fait issus de vrais clones" par le Prof. Joe Cummins & le Dr. Mae-Wan Ho, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard ; elle est accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article4563&lang=fr

Le clonage par transplantation nucléaire et les modifications génétiques (OGM) vont de pair

Une autre raison majeure pour l’utilisation du clonage par transplantation nucléaire est de faciliter la création d’animaux génétiquement modifiés (donc des OGM) pour les industries alimentaires et en particulier pour les industries pharmaceutiques : un rêve qui a motivé en premier lieu le clonage par transplantation nucléaire (voir le chapitre 11 de notre publication [7] Genetic Engineering Dream or Nightmare, ISIS publication).

Et en effet, l’association étroite entre le clonage par transplantation nucléaire et les OGM continue [4] [8](Cloned BSE-Free Cows, Not Safe Nor Proper Science. SiS 33). La possibilité de cloner un animal génétiquement modifié par transplantation nucléaire accélère considérablement la production de ‘troupeaux d’élite’, qui seraient une garantie pour une source inépuisable de ‘super lait’, ou encore de "super médicaments" à partir de leur lait, en utilisant les animaux comme des sortes d’usines pharmaceutiques vivantes.

Malheureusement, ce rêve s’est vite transformé en un véritable cauchemar avec des morts et une "galerie des horreurs" avec des animaux déformés : cela a conduit Ian Wilmut, - le pionnier qui avait créé la première brebis clonée par transplantation nucléaire, dénommée à l’époque Dolly et qui devait se conclure au bout de six ans -, a une condamnation du clonage animal par transplantation nucléaire [4] ; l’entreprise concernée, PPL Therapeutics, s’était effondrée dans le même temps [9] ( Animal Pharm Folds , SiS 19).

Toutefois, l’Agence gouvernementale néo-zélandaise AgResearch a poursuivi ses efforts. Mais elle devait également annoncer la « fin » des expérimentations sur le clonage en février 2011, à cause de « taux de mortalité inacceptables » [5]. La technologie de transplantation nucléaire ne s’est donc guère améliorée depuis 2003, quand Iam Wilmut l’avait abandonnée.

La société AgResearch dit qu’elle continuera à créer des animaux transgéniques [5] en utilisant de « nouvelles technologies », avec des cellules souches embryonnaires, dont il est « peu probable qu’elles causent les mêmes taux de mortalité que le clonage », en vue de produire des produits pharmaceutiques utiles.

La poursuite du développement d’animaux génétiquement modifiés (OGM) sera presque certainement le moyen de continuer le clonage par transplantation nucléaire, d’autant que de nouvelles façons de transformer des cellules ordinaires en cellules souches semblent promettre de meilleures cellules souches qui ne nécessitent qu’une reprogrammation minimale à l’état totipotent [10].

De graves dangers nous guettent avec la déréglementation en Europe
La déréglementation tolère effectivement la pratique du clonage par transplantation nucléaire, alors que la grande majorité du public et des scientifiques la trouve inacceptable vis-à-vis de la souffrance des animaux. Pire, il est clair que cette pratique se poursuit dans le seul espoir de créer des troupeaux d’animaux transgéniques, une autre procédure qui est aussi très inefficace et dangereuse.

C’est pourquoi le clonage par transplantation nucléaire combine efficacement les conséquences néfastes des deux techniques (transplantation nucléaire et OGM) : les dangers pour le bien-être animal et la santé des consommateurs. Et déréglementer le clonage peut signifier, en même temps, la déréglementation des OGM.
La source potentielle de risques pour la santé, du clonage par transplantation nucléaire, qui a été étudiée, est l’échec de la « reprogrammation épigénétique », dans laquelle le cytoplasme de l’œuf lance une série de processus biochimiques pour effacer les marques épigénétiques sur l’ADN et faire en sorte que l’œuf devienne "totipotent" : c’est-à-dire capable de donner naissance à toutes les cellules de l’embryon en développement. Une décennie d’enquêtes et de recherches ont révélé qu’un petit nombre de gènes sont nécessaires pour la totipotence, mais il n’a rien été révélé quant à la façon dont les anomalies et les décès de animaux clonés pourraient être évités [10].

Même les clones qui survivent à l’âge adulte, tels que Dolly, souffrent de plusieurs défauts subtils qui peuvent occasionner des maladies et des décès prématurés au cours de la vie ultérieure [4].

L’héritabilité des défauts épigénétiques et la reprogrammation des clones n’a pas encore été étudiée. Il est donc assez étonnant que l’USDA [3] et la Commission européenne assument que la viande et le lait provenant des descendances d’animaux clonés sont sans danger, et qu’ils peuvent être mis sur le marché comme des produits alimentaires.

Les autres défauts résultant des mutations et des réarrangements chromosomiques dans les cellules somatiques et dans les cellules cultivées sont incontrôlables et imprévisibles, comme le sont les défauts dus à la non-concordance entre le génome mitochondrial et le génome nucléaire (voir ci-dessus). Ils n’ont pas du tout été étudiés.

Les risques pour la santé et l’environnement des animaux génétiquement modifiés sont légion, comme cela est indiqué dans notre note soumise à la FDA des États-Unis sur la sécurité des aliments issus d’animaux transgéniques [11]. (GM Food Animals Coming, SiS 32) *.
* Une version en français, datant de 2006 mais toujours d’actualité, est intitulée "Modifiés génétiquement, c’est maintenent aux animaux d’élaborer des aliments et des médicaments", d’après un article du Professeur Joe Cummins et du Dr. Mae-Wan Ho, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard. Elle est sera reprise et proposée aux lecteurs prochainement.

Les aliments dérivés des animaux génétiquement modifiés sont susceptibles d’être contaminés par des vaccins actifs, des régulateurs immunitaires et des hormones de croissance, ainsi que des acides nucléiques, des virus et des bactéries qui ont le potentiel de créer de nouveaux agents pathogènes et de déclencher des cancers.

Parmi les catégories d’animaux transgéniques, on trouve ceux qui présentent des modifications "non-héréditaires" et qui pourraient bien être déréglementés ou pas considérés comme des animaux transgéniques. La viande et le lait de ces animaux transgéniques sont encore plus dangereux que lorsqu’ils proviennent d’animaux présentant des adaptations héréditaires.

Quelle garantie la CE et le gouvernement britannique peuvent-il apporter dans le but d’assurer que la viande et le lait transgéniques ne seront pas vendus sur le marché en tant que produits issus des descendants d’animaux clonés ayant été dérégulés ?

Par exemple, un clone d’un animal génétiquement modifié, qui n’a pas réussi à exprimer le médicament requis, pourrait être considéré comme un simple animal cloné et une bête non-OGM. Donc, inconsciemment, le public pourrait être amené à manger des animaux transgéniques de laboratoire qui n’auraient pas atteint le but recherché au départ.

Pour conclure

On doit s’opposer vigoureusement à la déréglementation de la viande et du lait provenant de la progéniture d’animaux clonés : c’est dangereux et contraire à la déontologie et à l’éthique.
Le pire de tout, c’est qu’en cas de dommages, il serait impossible d’identifier la source, de fournir un remède approprié et d’accorder aux victimes une réparation convenable et adaptée.

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Définitions et compléments

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire.
Adresse : 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS Santé Clonage OGM Cloned Meat & Milk Coming French version.2


[1“Clone food could be sold without warning labels as Eurocrats force change in the law”, Sean Poulter, Day Mail, 4 March 2010, http://bit.ly/gK8pFN

[2Ho MW and Cummins J. Is FDA promoting or regulating cloned meat and milk ? Science in Society 33,24-27, 2007.

[3“USA – eating cloned meat and drinking cloned milk”, Meat Trade News Daily, 7 August 2010, http://www.meattradenewsdaily.co.uk/news/050810/usa___eating_cloned_meat_and_drinking_cloned_milk_.aspx

[4Ho MW and Cummins J. Death sentence on cloning. Science in Society 19, 46-47, 2003.to

[5Ho MW. Unacceptable death rates end cloning trials in New Zealand. Science in Society 50 (to appear).

[6Cummins J and Ho MW. ‘Cloned’ food anismals not true clones. Science in Society 48, 48-50, 2010.

[7Ho MW. Genetic Engineering Dream of Nightmare ? The Brave New World of Bad Science and Big Business, Third World Network, Gateway Books, MacMillan, Continuum, Penang, Malaysia, Bath, UK, Dublin, Ireland, New York, USA, 1998, 1999, 2007 (reprint with extended Introduction). http://www.i-sis.org.uk/genet.php

[8Ho MW and Cummins J. Cloned BSE-Free cows, not safe nor proper science. Science in Society 33, 28-31, 2007.

[9Ho MW. Animal pharm folds. Science in Society 19, 43, 2003.

[10Oback B. Cloning from stem cells : different lineages, different species, same story. Reproduction, Fertility and Development 2009, 21, 83-94.

[11Cummins J. and Ho M.-W. GM food animals coming