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"Hérédité épigénétique “What Genes Remember” " De quoi les gènes se souviennent-ils ? " par le Dr. Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 12 janvier 2009, par Ho Dr Mae-Wan

L’hérédité épigénétique des caractères acquis est plus puissante que l’hérédité génétique

L’expérience de vie d’un organisme, à une génération donnée, peut modifier les gènes transmis à la génération suivante par le biais d’une grande variété de mécanismes qui brouillent la distinction entre la génétique et l’épigénétique. Dr. Mae-Wan Ho

ISIS Press Release 12/01/09 Communiqué de Presse de l’ISIS en date du 12/01/2009

Une version entièrement référencée de cet article, intitulé Epigenetic Inheritance - What Genes Remember est accessible par les membres de l’ISIS sur le site suivant : www.i-sis.org.uk/epigeneticInheritance.php
Une version électronique du rapport complet peut être téléchargée à partir du magasin en ligne ISIS.

" Les fardeaux des pères et de leurs pères "

Les expériences et les évènements de la vie des jeunes garçons peuvent affecter, non seulement leur santé dans le cours de leur existence future, mais aussi la santé de leurs fils et de leurs petits-fils.

Au Royaume-Uni, le groupe de recherche dirigée par Marcus Pembrey à l’Institut de Santé Infntile, Institute of Child Health, University College de Londres, au Royaume-Uni, a publié les conclusions de ses travaux en 2006 dans la revue European Journal of Human Genetics [1], accompagnées de notes et de commentaires, sous le titre "Les péchés des pères et de leurs pères" [2].

Deux ans plus tard, un long article intitulé "De quoi les gènes se souviennent-ils ? ", a déclaré ceci dans une publication scientifique parue dans Prospect Magazine [3] : « Beaucoup de généticiens pensent désormais que le comportement de nos gènes peut être modifié par les expériences de la vie, et même que ces changements peuvent être transmis aux générations futures.” Cette constatation peut transformer notre compréhension de l’hérédité et de l’évolution."

L’importance de la conclusion tient au fait qu’elle s’écarte des effets bien connus et généralement acceptés, que notre environnement exerce sur le fœtus à naître, encore dans le ventre de la mère, ou d’autres effets maternels, dont la médiation est assurée par de nombreuses dispositions de l’ovocyte au cours de l’embryogenèse et puis, après la naissance, à travers le lait maternel.

En revanche, les effets transmis par la lignée paternelle sont associés à des spermatozoïdes qui contiennent très peu de choses en dehors des gènes du père.

Quelque part, l’expérience de vie en tant que jeune garçon semble avoir une incidence sur les gènes et ces changements sont transmis à ses descendants de sexe masculin, dans ce qui semble être un cas d’hérédité des caractères acquis, au sens que lui donnait Lamarck, ce que de nombreux biologistes ont encore du mal à admettre. (voir l’encadré ci-après).

Lamarck, le fléau des Néo-Darwinistes

Naturaliste français, Jean Baptiste de Lamarck (1744-1829) est connu pour avoir inventé la discipline de la biologie et aussi pour être le premier à proposer une théorie de l’évolution : l’évolution des organismes par des méthodes naturelles et non pas grâce à la création.

Les deux principaux mécanismes de la théorie de l’évolution de Lamarck sont :

d’une part, l’utilisation et la non utilisation ; l’utilisation d’un organe donné améliore et renforce le développement des organes ou des tissus, tandis l’absence d’utilisation de cet organe a comme résultat sont atrophie ;

d’autre part, l’ "hérédité des caractères acquis", c’est-à-dire la transmission aux générations suivantes de la tendance à développer de nouvelles caractéristiques que l’organisme a acquis au cours de son propre développement.

La théorie de Lamarck a précédé, de plus de 50 ans, la théorie de l’évolution par la sélection naturelle de Charles Darwin [4] (voir Lamarck the Mythical Precursor, ISIS scientific publication).

Si Darwin avait bien invoqué l’hérédité des caractères acquis comme un mécanisme subsidiaire de la sélection naturelle des variations aléatoires, ses disciples d’aujourd’hui, les néo-Darwinistes, sont vigoureusement opposés à toute influence perturbatrice du Lamarckisme.

Ils insistent sur le fait que les variations génétiques - des changements de séquences de base de l’ADN - se manifestent par des mutations aléatoires et étrangères à l’environnement ou de leurs aptitudes à survivre, qui sont ensuite soumises à une sélection environnementale ; ces mutants qui en réchappent survivent donc, tandis que le reste de la population disparaît et s’éteint. [5] (voir Lamarck Why Won’t Go Away, ISIS publication scientifique).

Cette conviction est bien ancrée dans le dogme central de la biologie moléculaire, exprimé par Francis Crick, qui avait établi et décrété que les flux d’informations génétiques passent, d’une manière stricte et univoque, de l’ADN à l’ARN puis à la protéine (laquelle détermine les caractéristiques de l’organisme sélectionné par l’environnement), et que le flux d’informations ne peut jamais se manifester dans le sens opposé.

Dans leur mode d’expression, l’environnement ne peut pas agir avec un retour d’information sur les gènes ; ainsi des caractères acquis ne peuvent être héréditaires.

Depuis le milieu des années 1970, sinon avant, les généticiens moléculaires ont été conduits à admettre des éléments de preuves qui étaient de plus en plus en contradiction avec le dogme central et, dès le début des années 1980, une nouvelle génétique, basée sur la notion de "génome fluide", a vu le jour [6] (voir Living with the Fluid Genome, ISIS publication).

Mais en dehors de quelques « hérétiques », personne n’osait s’opposer au dogme central ou à la théorie néo-darwinienne de l’évolution qui en dépend.

Les choses ont beaucoup changé depuis que le génome humain, et beaucoup d’autres à la suite, ont été séquencés et déposés dans une base centrale de données librement accessibles [7] (Death of the Central Dogma, SiS 24). La base de données n’est pas très bonne pour les affaires [commerciales], ni pour la découverte de médicaments [8 ] (The human genome sellout , ISIS News 6), mais elle s’avère cependant être une très bonne affaire [7] « pour la recherche qui expose la pauvreté de l’idéologie du déterminisme génétique et qui a pourtant été, en premier lieu, à l’origine de la création de la base de données ».

En 2004, la série Life after the Central Dogma [9] (Science in Society 24) a marqué la fin de déterminisme génétique et fourni une documentation qui indique pourquoi la nouvelle génétique exige une approche écologique détaillée et minutieuse et qu’elle doit être prise en compte en matière de santé publique, d’environnement et de politique sociale.

Les résultats des recherches menées ces dernières années ont permis de renforcer et d’argumenter fortement ce message auprès des décideurs politiques.

Il semble maintenant acquis que les expériences de vie des personnes au cours des périodes critiques de leur développement en bas âge, peut influencer, non seulement leur propre vie en tant qu’adultes, mais également la vie de leurs enfants et et de leurs petits-enfants.

Les recherches et études Avon

Le projet de recherche en matière de santé au Royaume-Uni, appelé Avon Longitudinal Study of Parents and Children (ALSPAC) est un programme à long terme qui a impliqué plus de 14.000 personnes inscrites au cours de la grossesse des mères en 1991 et 1992.

Après analyse des données de l’étude, les chercheurs ont montré que les fils de pères qui avaient fumé avant la puberté, présentaient à l’âge de 9 ans un indice de masse corporelle (mesure de l’obésité) de 18,15 contre 17,23 chez les fils des pères qui n’avaient jamais fumé [1].
Mais il n’y avait pas d’effet sur l’indice de masse corporelle chez les filles.

Face à cette intrigante constatation, l’équipe de recherche s’est tournée vers d’anciens enregistrements de personnes nées en 1890, 1905 et 1920 près d’Överkalix, une communauté isolée du Nord de la Suède, là où auparavant, il avait été fait état d’un rapprochement entre le mode d’approvisionnement alimentaire ancestral, d’une part, et la longévité et les décès par maladies cardiovasculaires et par diabète, d’autre part.

Une nouvelle analyse de ces dossiers a montré que l’approvisionnement alimentaire des grands-pères paternels au cours de l’enfance, est en effet lié à un risque de décès chez les petits-fils, mais pas chez les petites filles.

La faible disponibilité des denrées alimentaires a été associée à un risque réduit de mortalité chez les petits-fils de 35 pour cent, tandis que la disponibilité de la nourriture a été associée à un risque accru de mortalité de 67 pour cent par rapport aux témoins.

En revanche, l’état nutritionnel de la grand-mère paternelle n’avait pas eu d’influence sur les petits-fils, mais qu’il avait affecté les petites filles d’une façon similaire.

Une grande disponibilité des aliments a augmenté le risque de décès pour les petites-filles de 113 pour cent, alors qu’une moindre disponibilité en aliments avait diminué le risque de décès de 49 pour cent.

Une étude antérieure sur la même base de données ALSPAC avait démontré une association entre un poids élevé à la naissance chez les petits enfants et le diabète de type 2 chez les grands-parents maternels ; mais ceci n’avait pas été observé en ce qui concerne les grands-pères. [10].

L’hérédité épigénétique

Les résultats des études ALSPAC ont révélé que les expériences vécues au cours d’une période cruciale de la vie pouvait avoir une influence sur plus d’une génération et s’exprimer de façon différente et spécifique en fonction du sexe.

Bien que les mécanismes impliqués chez les êtres humains ne soient pas encore connus, ce genre d’effets trans-générationnels est prise plus au sérieux en raison des effets similaires - maintenant décrit comme "hérédité épigénétique" - qui ont été observés dans un grand nombre d’études chez des animaux.

Par exemple, concernant la manière dont un rat adulte réagit au stress, il a été trouvé que cela dépendait des soins que sa mère lui avait prodigué de façon correcte lorsqu’il était petit, et qui allait marquer certains gènes pour le reste de sa vie [11] (Caring Mothers Reduce Response to Stress for Life, SiS 24) ; nous avons été amenés à mettre à jour une histoire fascinante [12] (Caring Mothers Strike Fatal Flow against Genetic Determinism, SiS 41).

Une autre série d’études montre qu’une seule exposition des rats au cours de l’embryogenèse à un fongicide, la vincozoline, est suffisant pour provoquer une série de maladies graves et des anomalies chez les adultes et que ces évènements sont transmis aux trois générations suivantes [13] (voir Epigenetic Toxicology, SiS 41).

Un changement épigénétique est habituellement défini comme un évènement qui n’implique pas de modifications des séquences d’ADN, ou « l’adaptation structurelle des régions chromosomiques de manière à enregistrer le signal ou de perpétuer des états d’activités altérées » [14] ; mais cette définition est devenue rapidement obsolète.

En réalité, les modifications épigénétiques englobent une grande variété de mécanismes qui agissent non seulement au moment de la transcription, mais également après la transcription et la traduction des messages génétiques et, de fait, même la possibilité de réécrire elle-même l’ADN génomique [15, 16] (voir Epigenetic Inheritance through Sperm Cells, and Rewriting the Genetic Text in Brain Development and Evolution, SiS 41)

Les mécanismes épigénétiques comprennent divers changements chimiques de l’ADN génomique qui sont catalysés par des enzymes (méthylation de la cytosine dans des résidus des dinucléotides CpG), ainsi que des changements des protéines histones au niveau de la chromatine (méthylation, acétylation, phosphorylation, ubiquitinylation, etc) : ces changements chimiques font appel à d’autres protéines comme des facteurs de transcription et des répresseurs, ce qui va déterminer dans son ensemble l’état de l’activité de gènes spécifiques ou des ensembles de gènes [17, 18].

Ces mécanismes épigénétiques comprennent également des modifications des messages génétiques transcrits [19, 20].

Des ARN qui sont systématiquement édités, altèrent les séquences des bases nucléiques, telles que la modification de l’adénosine (A) en inosine (I), qui est interprétée comme guanosine (G), ce qui donne un tout nouveau message. Des épissures alternatives créent des protéines différentes et l’interférence ARN détermine quels messages sont clivés ou bloqués dans la traduction.

Des
acteurs de transcription, qui assurent la promotion de l’expression de certains gènes, peuvent être impliqués dans le même temps, dans la répression des gènes voisins [19].

Enfin, les mécanismes épigénétiques comprennent la transcription inverse de la modification des transcriptions [15, 16], ce qui a pour effet de réécrire les messages génétiques qui sont codés dans l’ADN génomique et, par conséquent, de brouiller totalement les frontières entre l’épigénétique et la génétique.

Les modifications épigénétiques se produisent lors de la différenciation des cellules, de sorte que différents gènes sont exprimés, différents messages sont modifiés, par exemple dans les cellules du cerveau, par opposition aux cellules de la peau, et elles sont héritées par les cellules filles à travers la division cellulaire.

La plupart des modifications épigénétiques sont « effacées » dans les cellules germinales qui produisent la génération suivante (la méthylation de l’ADN est étudiée plus en détail à cet égard), mais certaines modifications survivent et sont transmis à la génération suivante.

Nous allons traiter ces sujets avec différents exemples qui vont être repris dans d’autres articles de cette série.

Définitions et compléments en français

Dossier complet en fichier PDF à demander à yonne.lautre@laposte.net