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"CRISPR, une enzyme spécialisée pour couper l’ADN, provoque des résultats inattendus même sur le site d’une modification génétique. Les implications pour la sécurité alimentaire des plantes modifiées par édition génomique n’ont pas été étudiées" par GMWatch

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 10 juin 2019, par GMWatch



ISIAS Génétique

CRISPR, une enzyme spécialisée pour couper l’ADN, provoque des résultats inattendus même sur le site d’une modification génétique. Les implications pour la sécurité alimentaire des plantes modifiées par édition génomique n’ont pas été étudiées !

L’article d’origine a été publié le 16 avril 2019 par GMWatch sous le titre « 
CRISPR causes unexpected outcomes even at the intended site of genetic modification  » et il est accessible sur ce site : https://www.gmwatch.org/en/news/latest-news/18885-another-study-shows-crispr-causes-off-target-effects

Illustration : explosion et dommages à l’ADN.

Encore une autre étude a montré que la nouvelle technique de modification génétique CRISPR avait eu des effets inattendus. Les résultats pourraient avoir des implications pour la sécurité alimentaire des plantes modifiées par édition génomique et produites à partir et à l’aide de cet outil de génie génétique.

[Selon Wikipédia, « La correction de séquence génomique (Genome Editing pour les anglophones) ou « correction du génome avec des nucléases modifiées », (aussi désigné par l’acronyme GEEN, pour « genome editing with engineered nucleases »), ou souvent improprement appelée édition génomique ou édition du génome (expressions à éviter car le mot anglais ’editing’ ne correspond pas à édition), ou encore parfois dite édition génétique (mais cette expression est aussi à éviter car ayant d’autres sens1) regroupe un ensemble de techniques de manipulations du génome via la « réécriture du matériel génétique » 2. Ces techniques peuvent être appliquées aux plantes, aux animaux3, aux champignons et aux microbes. Certains laboratoires proposent d’aussi de les appliquer au génome humain… » Source de l’article complet : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89dition_g%C3%A9nomique ].

Dans la nouvelle étude (voir résumé ci-dessous), les auteurs ont étudié les résultats obtenus dans les cellules lorsque le système CRISPR était utilisé pour supprimer le fonctionnement du gène en perturbant la séquence normale d’unités de base, sous la forme d’insertions et de délétions d’unités de base d’ADN.

[Système CRISPR - D’après Wikipédia, «  CRISPR ou Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats - En génétique, les Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (« Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées »), plus fréquemment désignées sous le nom de CRISPR (acronyme prononcé /ˈkrɪspəʳ/), sont des familles de séquences répétées dans l’ADN. Une telle famille se caractérise par des séries de répétitions directes courtes (de 21 à 37 paires de bases) et régulièrement espacées par des séquences appelées « spacer », généralement uniques, de 20 à 40 paires de bases. Le système CRISPR-Cas9, d’abord utilisé pour typer des souches de bactéries est récemment devenu un outil de génie génétique à fort potentiel1… » Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Clustered_Regularly_Interspaced_Short_Palindromic_Repeats - Voir également un autre article de Wikipédia fort bien documenté sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cas9 ].

[Indel (voir ci-après dans le texte de cet article traduit) - D’après Wikipédia, « Indel est un mot-valise utilisé en génétique et en bio-informatique pour désigner une insertion ou une délétion dans une séquence biologique (acide nucléique ou protéine) par rapport à une séquence de référence. On peut observer en particulier mettre en évidence des indels lorsqu’on effectue des comparaisons au moyen de programmes d’alignement de séquences. Le terme indel a été introduit parce que la notion d’insertion ou de délétion est relative suivant le choix de la séquence utilisée comme référence : à une insertion dans une séquence correspond une délétion dans la séquence qui lui est comparée. Indel permet ainsi de désigner globalement la variation biologique, sans préjuger de quelle séquence constitue la référence. Le mot indel a été inventé par le mathématicien Joseph Kruskal1. Les indels sont la conséquence de mutations génétiques donnant lieu à des variations de séquence, soit au sein de la même espèce (c’est un exemple de variation allélique), soit entre espèces, au cours de l’évolution. On estime par exemple que le génome humain contiendrait environ 500.000 sites polymorphiques correspondant à des indels2…. » Article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Indel ].

[Jonction d’extrémités non homologues après Wikipédia

La jonction d’extrémités non homologues (en anglais Non-Homologous End-Joining ou NHEJ) est un mécanisme de réparation de l’ADN qui permet de réparer des lésions provocant des cassures double brin (CDB). C’est un mécanisme non-conservatif (contrairement par exemple à la réparation par recombinaison) c’est-à-dire qu’il ne restaure pas la séquence initiale de l’ADN ; mais seulement la continuité de l’ADN endommagé par une cassure double brin. Cette réparation conduira ainsi au changement de l’information génétique, en général une délétion, et donc possiblement à l’apparition d’une mutation pour le gène concerné si la cassure survient à l’intérieur d’un gène.
Cette réparation est possible grâce à l’intervention de la protéine Ku70/80 (dimère entre deux sous-unités : Ku70 et Ku80) qui va interagir avec les deux extrémités d’ADN résultant de la cassure. Cette protéine va ensuite agir par essais et erreurs pour tenter d’établir une interaction transitoire entre les deux extrémités d’ADN. Pour cela, Ku possède plusieurs activités :

  • activité nucléase : élimination des nucléotides endommagés par la cassure et incompatibles avec la ligature des extrémités. En particulier Ku permet de produire des extrémités 5’-phosphate et 3’-OH compatibles avec la suture des brins par l’ADN ligase.
  • Recrutement d’autres protéines impliquées dans la réparation : Une protéine-kinase ADN dépendante (DNA-PK), une ADN ligase spécifique, une terminal-transférase.
    À chaque fois, la protéine Ku70/80 vérifie si l’hybridation est possible et si oui, c’est-à-dire s’il y a homologie de 2 à 4 bases, la jonction est stabilisée et la cassure a été transformée en deux lésions simple brin. Il y a alors comblement des éventuels régions simple brin restantes par une ADN polymérase qui prend comme matrice le brin d’ADN qui vient d’être réparé par la protéine Ku. Ku recrute également une ADN ligase spécifique (ADN ligase IV chez les eucaryotes, ADN ligase D chez les bactéries) qui suture les brins en reformant les liaisons phopshodiester clivées. Lorsque les extrémités de la cassure du brin ne sont pas nettes, la protéine Artemis va agir en supprimant quelques bases. Son activité endonucléase est aidée par la transférase terminale TdT et va rendre possible la suture des brins par l’ADN ligase. C’est lors de ce processus dit ’processus de fin’ que certaines bases peuvent être détruites et ainsi mener à des mutations. La continuité initiale du chromosome a ainsi été réparée mais sa séquence nucléotidique est changée par cette réparation biochimique : il y a donc introduction d’une mutation consécutive à la réparation. Le mécanisme de réparation par jonction d’extrémités non-homologues est impliqués dans la formation de la diversité du répertoire d’anticorps, au travers d’un mécanisme appelé recombinaison V(D)J. Les souris déficientes dans la jonction d’extrémités non-homologues ont ainsi un phénotype d’immunodéficience sévère.

Voir aussi

Suite de la traduction…

Les indels sont produits par le processus de réparation de l’ADN, connu sous le nom de jonction d’extrémités non homologues (NHEJ en anglais), qui s’active pour réparer les extrémités coupées de la molécule d’ADN, une fois que le CRISPR a procédé à la rupture de son ADN à double brin.

Les auteurs ont découvert qu’au lieu de détruire totalement la fonction d’un gène ciblé par CRISPR chez 50% des lignées cellulaires étudiées, les indels ont entraîné une altération de la séquence des unités de base de l’ADN du gène, de sorte qu’elle produit désormais de nouveaux types d’ARNm (molécules d’ARN messager) ou de nouvelles protéines.

Dans la formation des jonctions d’extrémités non homologues (NHEJ), la réparation intervient après que le CRISPR ait achevé ses fonctions et elle est donc indépendante de cet outil d’édition de gènes, quelle que soit la précision avec laquelle l’ingénieur en génétique effectue la coupe initiale à médiation CRISPR en termes de possibilités. Des résultats similaires peuvent être attendus lorsque le CRISPR (contrairement à la manipulation intentionnelle) coupe l’ADN en un site non cible dans des gènes non ciblés.

La nouvelle étude est actuellement publiée sur le site Web de prépublication bioRxiv et n’a donc pas encore été évaluée par des pairs.

Cependant, il y a tout lieu de croire que des résultats inattendus du type décrit dans cette étude se produiront dans les plantes issues de CRISPR où le but est l’inactivation d’un gène par la formation des indels et jonctions d’extrémités non homologues (NHEJ, puisque ces processus sont très similaires chez les plantes et chez les animaux.

De nombreux articles ont montré des effets inattendus du processus CRISPR et d’autres outils d’édition de gènes, bien que la plupart de ces études portent sur des lignées cellulaires humaines et humaines, mais des erreurs génétiques ont également été documentées dans de nombreuses plantes, par exemple : Zhu and colleagues, 2017 [1] ; Wolt and colleagues, 2016 [2]. Le document de Wolt présente un tableau des effets non ciblés chez les plantes.

[Voir CRISPR spin-off causes unintended mutations in DNA - Details - Published : 13 March 2019 - https://gmwatch.org/en/news/latest-news/18811 ].

Le procédé CRISPR avec indels et jonctions d’extrémités non homologues (NHEJ) décrit dans la nouvelle étude, est en fait ce qui peut résulter au niveau biochimique après une modification des plantes, pouvant conduire à une toxicité inattendue et / ou de l’allergénicité.

De nombreuses études sur l’alimentation des animaux (résumées dans le livre GMO Myths and Truths), (Mythes et vérités sur les OGM), montrent des effets toxiques ou allergènes inattendus sur la première génération de plantes génétiquement modifiées. Il est tout à fait possible que la deuxième génération de plantes génétiquement modifiées - produits de l’édition génomique – va présenter des problèmes similaires. Cependant, les études nécessaires (y compris les études d’alimentation à long terme sur les animaux) n’ont pas été réalisées avec des plantes modifiées par édition génomique.

Le Dr Michael Antoniou, un généticien moléculaire basé à Londres, a commenté cette nouvelle étude : ’Les découvertes décrites dans cette étude s’ajoutent aux nombreuses façons par lesquelles l’édition génomique peut mal tourner. Les régulateurs doivent être attentifs et s’attendre à rencontrer des résultats et d’autres tout aussi inattendus, résultant de l’édition génomique, d’une part, et soumettre tous les produits obtenus à l’aide de ces méthodes à une évaluation complète des risques pour la santé, avant d’envisager l’approbation en vue d’une mise sur le marché.

Notes

1. Zhu C, Bortesi L, Baysal C, Twyman RM, Fischer R, Capell T, Schillberg S and Christou P (2017). Characteristics of genome editing mutations in cereal crops. Trends in Plant Science 22:38–52.

2. Wolt JD, Wang K, Sashital D and Lawrence-Dill CJ (2016). Achieving plant CRISPR targeting that limits off-target effects. The Plant Genome 9 : doi : 10.3835/plantgenome2016.05.0047
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CRISPR/Cas9-based mutagenesis frequently provokes on-target mRNA misregulation [La mutagenèse basée sur CRISPR / Cas9 provoque fréquemment une mauvaise régulation de l’ARNm sur la cible].
Rubina Tuladhar, Yunku Yeu, John Tyler Piazza, Zhen Tan, Jean Rene Clemenceau, Xiaofeng Wu, Quinn Barrett, Jeremiah Herbert, David H. Mathews, James Kim, Tae Hyun Hwang, Lawrence Lum (2019). bioRxiv, 583138.
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/583138v1.full

Résumé

L’induction de délétions ou d’insertion (INDEL) par l’activation de la voie des jonctions d’extrémité non homologue (NHEJ), considérée comme source d’erreurs, sous-tend la base mécanique de l’édition du génome dirigée par CRISPR / Cas9.

La capacité de CRISPR / Cas9 à éliminer les gènes (knockouts) est largement attribuable à l’émergence d’un codon de terminaison prématuré (PTC) à partir d’un INDEL induisant un décalage de cadre qui provoque une décroissance induite par le sens (NMD) de l’ARNm mutant.

Cependant, l’impact sur l’expression des gènes induite par les INDEL introduits par CRISPR / Cas9 dans les séquences régulatrices de l’ARN n’a pas été étudié. En dépistant les relations ADN-ARNm-Protéine dans une collection de lignées cellulaires éditées par CRISPR / Cas9 qui hébergent des INDEL, induisant le décalage du cadre dans divers gènes ciblés, nous avons détecté la production d’ARNm ou de protéines étrangères dans environ 50% des lignées cellulaires.

Nous démontrons que ces produits protéiques aberrants sont dérivés de l’introduction des INDEL qui favorisent l’entrée ribosomale interne, convertissent les pseudo-ARNm en molécules codant pour les protéines ou induisent le saut d’exon par la perturbation des activateurs d’épissage des exons (ESE).

Nos résultats obtenus avec les INDEL introduits par CRISPR / Cas9 révèlent les facettes d’un appareil de mémorisation du génome épigénétique qui a probablement évolué pour atténuer l’impact de telles mutations introduites par des agents pathogènes et par la réparation de dommages aberrants à l’ADN, et qui pose plus récemment des problèmes pour manipuler les résultats de l’expression génique à l’aide d’une mutagenèse à base d’INDEL.

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Traductions avec compléments d’informations […] et intégration de liens hypertextes : Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 09/06/2019

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Fichier : ISIAS Génétique CRISPR causes unexpected outcomes even at the intended site of genetic modification French version.2

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