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"La vérité sur Tchernobyl " par le Prof. Peter Saunders

Traduction et compléments de Jacques Hallard

jeudi 17 juin 2010, par Saunders Professeur Peter

ISIS Energie Santé
The Truth about Chernobyl
Des chercheurs scientifiques russes de haut niveau nous renseignent sur les morts et les maladies enregistrées autour de Tchernobyl : les cas sont 100 fois supérieurs à ceux qui ont été rapportés par l’AIEA, l’Agence Internationale de l’Energie Atomique.
Prof. Peter Saunders


Rapport de l’ISIS en date du 17/06/2010
L’article original avec références, intitulé The Truth about Chernobyl est accessible par le membres de l’ISIS sur le site www.i-sis.org.uk/theTruthAboutChernobyl.php

Le nucléaire : "l’un des moyens les plus sûrs pour produire de l’énergie" ?

Il y a plusieurs raisons pour rejeter l’option nucléaire dans une économie à « faible taux de carbone » : un examen approfondi a été publié dans le rapport de l’ISIS Green Energies - 100% Renewable by 2050 [1] (Version en français intitulée "Le pouvoir aux populations : 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050" par le Dr. Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard. Accessible sur le site : http://yonne.lautre.net/spip.php?article3756)

Un des plus grands points d’interrogation qui pèse sur l’industrie du nucléaire est le potentiel d’une autre Catastrophe de Tchernobyl, à cette échelle ou même pire.

L’industrie du secteur de l’énergie nucléaire et ses partisans [2] insistent sur le fait que nous n’avons rien à craindre : à la fois la conception et l’exploitation des centrales nucléaires sont beaucoup mieux assurées maintenant qu’elles ne l’étaient en 1986, et il n’y a vraiment aucun risque pour qu’un accident du type de Tchernobyl ne puisse produire aujourd’hui.

Pour ceux qui ne croient pas que toute activité industrielle puisse fonctionner pendant une longue période sans accident grave - et compte tenu de la catastrophe actuelle dans le Golfe du Mexique, il doit y en avoir encore moins de gens qui pensent ainsi, - les partisans du nucléaire avancent une deuxième ligne de défense.

Considérant que Tchernobyl a été, de loin, le pire accident nucléaire qui ait jamais eu lieu, le préjudice causé a été réduit à très peu de choses : tout au plus à quelques milliers de morts et à environ quatre mille cas de cancer de la thyroïde.
Le nombre de décès par unité d’énergie produite a été bien inférieur à celui qui prévaut dans les mines de charbon. Loin d’être particulièrement dangereux, le nucléaire est l’un des moyens les plus sûrs pour produire de l’énergie.

Regardons la vérité en face

Malheureusement, les chiffres que l’industriie du nucléaire cite sont disproportionnés par rapport à la réalité. Tchernobyl a causé beaucoup plus de mal que ce qu’elle admet. La preuve en a été disponible à la fois dans l’ex-Union soviétique et dans le monde occidental pendant un certain temps [3-5]. Un long examen détaillé a récemment paru dans les Annals of the New York Academy of Sciences, les Annales de l’Académie des Sciences de New York, co-écrit par des scientifiques particulièrement qualifiés pour s’exprimer sur la question [6].

Alexei Yablokov est membre correspondant de l’Académie des Sciences de Russie et un chef de file scientifique russe de l’environnement qui a été vice-président de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Vassili Nesterenko, aujourd’hui décédé, était un membre de l’Académie des sciences de Biélorussie [Bélarus]. En 1986, il avait été nommé directeur de l’Institut de physique nucléaire de Minsk. Il a commencé son travail sur Tchernobyl au lendemain de l’explosion en volant dans un hélicoptère au-dessus du réacteur, pour aider à évaluer les dommages ; le rayonnement qu’il a reçu l’a finalement conduit à la mort en 2008, peu avant que l’article de synthèse ne paraisse. En 1990 il a fondé, avec l’aide du célèbre physicien Andrei Sakharov, l’Institut indépendant de radioprotection (BELRAD) [7]. Après sa mort, la direction passa à son fils, Alexei Nesterenko, le troisième auteur du document publié.

Combien de morts après Tchernobyl ?

Le chiffre donné habituellement, pour le nombre de décès dus à Tchernobyl, est de 4.000. De ce nombre, 56 ont été tués dans l’explosion ou ont reçu des doses élevées de radiations et ils moururent peu après ; le reste est une estimation des décès supplémentaires (c’est-à-dire plus que celle à laquelle on aurait pu s’attendre), par des cancers qui finirent par se manifester en Ukraine, au Bélarus et en Russie, chez les personnes qui avaient été exposées à de faibles doses de rayonnement.

Peu de données sont fournies, ou même aucune mention n’est jamais faite, concernant les morts dans d’autres pays, ou pour d’autres types de maladies que le cancer de la thyroïde. C’est l’évaluation du ‘Forum de Tchernobyl’, un groupe mis en place par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), mais avec des représentants des autres organismes [8]. Les commentateurs attribuent généralement ces chiffres à l’AIEA et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), leur donnant ainsi plus de crédibilité. Comme l’AIEA a été spécifiquement créée pour promouvoir les technologies nucléaires, il existe presque certainement un conflit d’intérêts, quand il agit également en tant que régulateur ou comme enquêteur.

Mais l’OMS n’a pas effectué ses propres études et elle est arrivée aux mêmes conclusions que l’AIEA. En 1959, les deux organisations ont officiellement reconnu et accepté [9] qu’elles étaient toutes deux intéressées dans un certain nombre de problèmes, et qu’elles devraient se consulter l’une avec l’autre "en vue de régler les questions d’un commun accord". Dans la pratique, c’est toujours la seule agence AIEA – orientée vers l’industrie nucléaire -, qui est la seule responsable.

La plupart des estimations indiquent un nombre de morts beaucoup plus élevé que les indications fournies par l’AIEA. Le rapport TORCH [3] estime qu’il y aura entre 30.000 et 60.000 décès par cancers, dûs à Tchernobyl, et les estimations de Yablokov sont de 225.000 en Europe et 19.000 dans le reste du monde [10]. Yablokov estime également que plusieurs centaines de milliers de personnes sont déjà mortes de cancer et de pathologies causées par Tchernobyl dans les territoires [11].

L’Académie des Sciences de Russie suggère qu’il y a déjà eu environ 200.000 décès liés à Tchernobyl, au cours de cette quinzaine d’années, en Russie, au Bélarus et en Ukraine. L’Académie des sciences de Biélorussie estime à ce jour 93.000 décès au Bélarus et en Ukraine ; et la Commission nationale de radioprotection estime à environ 500.000 décès en Ukraine. Ces chiffres incluent les décès dus à des états autres que des cancers [12].

Beaucoup de ces affections n’ont pas encore été déclarées, et même en regardant en arrière, il est généralement difficile d’être certain que c’est le cancer qui a tué un individu particulier vingt ans ou plus après l’événement, et que la cause en est le rayonnement reçu. Au lieu de cela, nous devons comparer le nombre de décès dans une zone contaminée, avec le nombre que nous devrions rencontrer s’il n’y avait pas eu de contamination radioactive. La différence, le chiffre qui peut être attribué à Tchernobyl, ne peut être qu’une estimation approximative, en raison de toutes les incertitudes qui pèsent dans les calculs. Ce qui ressort, cependant, c’est que le chiffre le plus faible – exprimé par un facteur d’au moins deux ordres de grandeur -, provient d’un organisme qui a été créé pour promouvoir la technologie nucléaire.

Combien de personnes sont tombées malades après Tchernobyl ?

Les estimations du nombre de personnes malades à cause des effets de Tchernobyl sont également difficiles à faire. L’accident s’est produit alors que l’Ukraine faisait partie de l’URSS et les données sur la santé ont été gardées secrètes pendant les trois premières années. Les autorités soviétiques, notoirement soucieuses de minimiser les conséquences de tout incident, ont délibérément falsifié les statistiques ; par exemple, les hôpitaux ont été informés que là où il n’y avait pas de signes évidents de maladies dues aux rayonnements, les dossiers ne devaient ni inclure la dose de rayonnement reçu, ni mentionner que le patient avait été un “liquidateur” (l’une des estimations est de 800.000 personnes qui auraient participé aux opérations d’urgence ou de nettoyage) [13] .
Les listes des liquidateurs ne sont pas fiables à titre de preuve, car il est rarement possible de savoir combien de temps chaque individu avait été exposé à des radiations, (souvent aucune durée n’est indiquée), alors que beaucoup de ceux qui ont été exposés aux rayonnements ne figurent sur aucune liste. Par exemple, parmi les 60.000 membres des forces armées qui ont suivi les opérations sur le terrain, aucun d’eux n’a une indication sur sa carte d’identité, signalant qu’il avait reçu une dose de rayonnement supérieure à 25 R (roentgen), dose considérée comme le maximum normal et acceptable à l’époque. Pourtant, lorsque 1.100 hommes Ukrainiens, ayant servi d’agents de décontamination, ont été interrogés, plus d’un tiers avaient des signes cliniques et hématologiques de maladies résultant d’une irradiation, ce qui implique qu’ils avaient dû avoir reçu une dose supérieure à 25 R [10]

Il y avait aussi le problème inévitable qu’une grande partie des preuves venaient des agents de santé qui se trouvaient alors naturellement plus intéressés à aider leurs patients, qu’à l’enregistrement des données sous une forme appropriée pour la recherche.

Malgré tous ces obstacles, de nombreux articles scientifiques ont été publiés. Ils donnent une image puissante et convaincante, tout à fait différente des déclarations du ‘Forum de Tchernobyl’.

Une preuve matérielle

Les rapports complaisants de l’AIEA sont à l’opposé de ce qui est observé par les gens sur le terrain. Dans l’ancienne Union soviétique et dans d’autres pays, les médecins et les autres personnels médicaux de santé, font état de plus de décès liés à des maladies d’irradiation que les chiffres officiels ne l’indiquent. Yablokov et ses collègues ont réuni d’énormes quantités de données disponibles pour ceux qui ne peuvent pas lire les langues slaves ; il y a maintenant moins d’excuses pour ignorer tout cela.

Les auteurs reconnaissent l’aide de 49 autres experts, principalement en provenance de Bélarus, de Russie et d’Ukraine. La revue contient une énorme quantité de données, si bien qu’il est impossible d’en donner même un bref résumé ici.

La section sur les maladies non malignes contient à elle seule plus de 500 références [10] et ce ne sont que quelques exemples des nombreuses études similaires. Dans tous les cas, lorsque les zones sont fortement contaminées par rapport aux zones qui sont moins contaminées, mais par ailleurs semblables dans l’ethnographie, l’économie, la démographie et l’environnement, il y a dans la première situation, une augmentation de la morbidité, une augmentation du nombre de nouveau-nés faibles, ainsi qu’un accroissement de la détérioration physiologique et de l’invalidité. Les effets étaient plus importants dans deux catégories de la population : les liquidateurs et les enfants.

La plupart des données proviennent de l’ancienne Union soviétique, mais certaines proviennent d’autres pays, où plus de la moitié des radionucléides de Tchernobyl sont tombés [14]. Par exemple, il y a eu une augmentation de 49 pour cent des cas de syndrome de Down [ou trisomie 21] dans les districts les plus contaminés du Bélarus en 1987 à 1988 [15]. Des augmentations importantes ont également été signalées à Berlin-Ouest, dans le nord de la Suède (la partie la plus contaminée du pays) et dans le district de Lothian en Écosse [16], également un territoire qui a reçu une dose plus élevée que la moyenne pour tout le pays dans son ensemble.

C’est là que des études détaillées sont particulièrement importantes : la preuve des effets du rayonnement peut être masquée si nous combinons les données provenant des zones qui ont reçu de fortes doses avec celles des régions du même pays qui ont reçu des doses beaucoup plus faibles. L’analyse couvre un large éventail de maladies, dont la plupart se rapportent à des personnes malades dont on ne soupçonnait pas de relations avec les rayonnements connexes, mais les cas ont nettement augmenté dans les zones où les doses de rayonnements étaient élevées.

Au Bélarus, par exemple, dans la période 1990-2000, la morbidité liée au cancer a augmenté de 40 pour cent, avec la plus forte augmentation dans la province la plus fortement contaminée, Gomel. En Ukraine, la morbidité liée au cancer a augmenté de 12 pour cent avec, à nouveau, la plus forte augmentation rencontrée dans les districts les plus contaminés. Il avait été observé aussi une morbidité avec plus de cancers dans les districts fortement contaminés de la Russie. Il a été estimé que Tchernobyl a provoqué 500 décès par cancer en Bulgarie et un millier de plus en Suède entre 1986 et 1999 [10]

Conclusions

La lecture du long compte-rendu détaillé et soigneusement référencé, concernant les dommages causés par l’explosion de Tchernobyl [10] est une épreuve qui fait beaucoup réfléchir. Ce document est à l’opposé de la synthèse du rapport du ‘Forum de Tchernobyl’ [17] : « En dehors de l’augmentation spectaculaire du cancer de la thyroïde chez les personnes exposées à un jeune âge, il n’est pas clairement démontré une augmentation de l’incidence des cancers solides ou des cas de leucémies dues à l’irradiation des populations les plus touchées. Il y avait cependant une augmentation des problèmes psychologiques dans la population touchée, aggravée par l’insuffisance de la communication sur les effets des rayonnements, par les perturbations sociales et la dépression économique qui ont suivi l’éclatement de l’Union soviétique ».

En URSS, les dissidents étaient parfois enfermés dans des hôpitaux psychiatriques, au motif que ceux qui ne pouvaient pas comprendre le merveilleux système soviétique, étaient classés comme fous. Avec une ironie cruelle, et devant toute les preuves du contraire, le ‘Forum de Tchernobyl’ insiste maintenant avec force pour qu’une personne qui a été affectée par l’explosion de Tchernobyl, et pour quiconque est inquiet à ce sujet, doivent avoir des problèmes psychologiques.

Pour l’AIEA qui persiste à affirmer que pas plus de quelques milliers de personnes ont été tuées ou blessées à la suite de Tchernobyl, et que ceux qui craignent les séquelles sont pour la plupart des êtres souffrant de problèmes psychologiques : c’est une insulte pour tous ceux qui vivent dans l’ombre de l’explosion. Il est tout à fait irresponsable de la part des gouvernements et de l’industrie nucléaire de citer ces chiffres pour justifier la construction de nouvelles centrales nucléaires dans le monde entier. L’énergie nucléaire n’est pas moins chère que les autres sources d’énergies avec de faibles émissions de carbone [18] (voir see The Real Cost of Nuclear Power , SiS 47)(Version en français intitulée "Le vrai coût de l’énergie nucléaire " par le Prof. Peter Saunders, traduction, définitions et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur le site http://yonne.lautre.net/spip.php?article4289).

Ce discours ne peut même pas être justifié au motif que nous avons besoin du nucléaire pour assurer un approvisionnement suffisant en énergie [1]. Il y a déjà des dangers avec l’exploitation normale des centrales nucléaires [19-21] (voir par exemple Old Nuclear Cash Cows Exposed SiS 40, UK’S Lackluster Low Carbon Transition Plan , SiS 42).

Si un incident majeur venait à se produire, - et tôt ou tard il est obligé qu’il s’en produise un - les conséquences pourraient être catastrophiques. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de passer au nucléaire.

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Définitions et complements en français et anglais

voir PDF à demander à Yonne.lautre@laposte.net (bien spécifier le titre de l’article)

Traduction en français, définitions et compléments :


Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
honoraire
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Fichier : ISIS Energie Santé The Truth about Chernobyl French version.2