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Déclaration prononcée au 3ème Congrès national par des médecins de villes situées dans les territoires d’Argentine subissant des pulvérisations avec des agrochimiques

Traduction et compléments de Jacques Hallard

dimanche 17 janvier 2016, par ISIS

ISIS OGM Santé
Déclaration prononcée au 3ème Congrès national par des médecins de villes situées dans les territoires d’Argentine subissant des pulvérisations avec des agrochimiques
Faculté de médecine, Université de Buenos Aires, Argentine le 17 Octobre 2015

Publication originale : http://www.reduas.com.ar/declaration-of-the-3rd-national-congress-of-physicians-in-the-crop-sprayed-towns/#more-1541

Version anglaise traduite par le Dr Eva Sirinathsinghji – La publication est intitulée ‘Declaration of Physicians in Crop-sprayed Towns in Argentina at 3rd National Congress’ et elle est accessible sur ce site : http://www.i-sis.org.uk/Declaration_of_Physicians_Argentina.php Rapport de l’ISIS du 12/02/2015.

SVP, signez le Manifeste des scientifiques indépendants sur le glyphosate ici :
http://www.i-sis.org.uk/Independent_Scientists_Manifesto_on_Glyphosate.php

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Cinq ans après la première réunion à la Faculté des Sciences médicales de Córdoba, [en Argentine
] nous, les scientifiques, les médecins et les membres des équipes de santé des villages dont les cultures sont pulvérisées avec des pesticides, nous nous sommes réunis dans l’Aula Magna de la Faculté de Médecine de l’Université de Buenos Aires (UBA), pour vérifier que ce que nous disions alors, qui est absolument vrai, afin de signifier que la situation se détériore de jour en jour. Le système actuel de la production agricole dans le pays pollue l’environnement, la chaîne alimentaire et notre nourriture, fragilisant les individus, les rendant malades et causant des morts dans les populations humaines qui vivent dans les zones agricoles.

Au cours des 25 dernières années, la consommation des pesticides a augmenté de 983 % (passant de 38 à 370 millions de kilos), tandis que la superficie cultivée a augmenté de 50 % (passant de 20 millions d’hectares à 30 millions d’hectares). C’est un système de production qui est basé sur l’application systématique de pesticides agricoles toxiques ; cela signifie, inévitablement, que la nature répond à ces applications en s’adaptant, ce qui oblige les agriculteurs à appliquer de plus grandes quantités de pesticides sur le terrain pour atteindre les mêmes objectifs de productivité.

Au fil des années, un système a été créé par et pour le profit les vendeurs de pesticides, dont les ventes augmentent chaque année (l’augmentation a été de 9% en 2015), tandis que nos patients, année après année, sont aussi de plus en plus exposés à cette pollution par les pesticides.

Il ne fait aucun doute que l’exposition massive et croissante aux pesticides a changé le profil de la pathologie des populations rurales de l’Argentine et que les cancers sont la principale cause de décès dans ce pays et que cette maladie est la pire façon de mourir.

Les résultats des recherches présentées au congrès de Buenos Aires montrent que les études menées à différentes échelles, mettent en évidence un profil constant de la toxicité.

Dans de petites villes, jusqu’à des populations plus importantes à l’échelle provinciale (comme dans le Chaco et en Cordoba) ou même au niveau national, différents niveaux d’exposition au glyphosate ou à des matières toxiques à usage agricole en général, ont été comparés, montrant que la santé concernant la reproduction est affectée avec une augmentation des avortements spontanés et des malformations congénitales.

Les troubles endocriniens ont également augmenté, notamment l’hypothyroïdie, les troubles neurologiques ou les problèmes de développement cognitif et la flambée des taux de cancers - un triplement de l’incidence, de la prévalence et de la mortalité - qui sont directement liés à l’exposition aux pesticides.

En parallèle, les données des études réalisées avec des modèles expérimentaux, montrent que la génotoxicité du glyphosate et des autres pesticides est un mécanisme biologique sous-jacent qui explique sa relation avec les maladies que les médecins ont constaté chez leurs patients. En outre, la génotoxicité a été vérifiée dans les populations agricoles (adultes et enfants) exposés à des pesticides ; cette génotoxicité est absente dans les populations qui ne sont pas soumises à des pulvérisations des cultures avec des pesticides.

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Répartition du soja cultivé - à gauche - et distribution de la mortalité par cancer à Cordoba et Santa Fe, à droite - selon Minagria et le Ministère provincial de la Santé.

Au cours de l’année 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC auprès de l’OMS) a reconnu la carcinogénicité pour l’homme de plusieurs pesticides, y compris le glyphosate.

Le glyphosate est le pesticide le plus largement utilisé dans le monde et l’Argentine en a consommé 240 millions de kilos l’année dernière, ce qui induit la génération d’une exposition moyenne potentielle de 6 kilos par personne et par an, un taux qui est le plus élevé dans le monde. Le glyphosate est acheté et stocké n’importe où et il est appliqué sans aucune restriction auprès des écoles, des quartiers habités, des voies de circulation et des villages, soumettant les gens à une exposition aveugle et inutile.

La pollution de l’environnement par des produits chimiques toxiques, et même cancérigènes, dans les aliments qui sont apportés dans les villes, est en augmentation. Par exemple, il a été constaté qu’une portion de salade commune contient environ 600 pg de produits agrochimiques ; et nous savons maintenant que les cotons médicaux, les gazes, les protège-slips et les tampons qui sont commercialisés dans notre pays, contiennent du glyphosate. Il n’y a pas de limites maximales de résidus de produits chimiques qui confèrent et garantissent une sécurité, quand ceux-ci causent des cancers : leur absence absolue doit être garantie.

Le système de production alimentaire dans notre société (cultures de plein champ avec des poisons et des fabrications et transformations agro-industrielles) se traduit par la destruction des forêts indigènes, la désertification des terres, l’épuisement et la pollution des sols, de l’eau des ruisseaux et des rivières, l’expulsion et l’exclusion des populations autochtones, des paysans et des familles d’agriculteurs.

Ce système de production alimentaire exacerbe les changements climatiques et soumet ses centaines d’écoles - avec les enfants qui s’y trouvent - aux pulvérisations toxiques. Il est fortement encouragé à travers la production et la consommation d’aliments hautement transformés, y compris avec de grandes quantités de sel, de sucre, de graisses et avec des composés tels que la lécithine de soja, le sirop de maïs à haute teneur en fructose, des colorants, des arômes et d’autres additifs alimentaires que les grands organismes internationaux considèrent comme responsables de maladies chroniques, non contagieuses, telles que l’obésité, le diabète et la maladie d’Alzheimer.

Tous ces produits alimentaires issus de la transformation industrielle remplissent les points de vente et les supermarchés ; ils sont offerts d’une façon accrocheuse qui est ciblée et axée sur les populations vulnérables et en particulier les enfants, en violation de la sécurité alimentaire.

Tous ces éléments, dans le domaine de la santé publique, constituent un avertissement sur la nature toxique de l’agriculture actuelle en général et en particulier avec les cultures d’OGM : celles-ci ont augmenté dans notre pays en raison de l’immense influence des grandes entreprises multinationales de pesticides comme Monsanto, Bayer, Syngenta, Dow, Dupont, etc… qui cherchent avant tout à augmenter leurs ventes, sans considération suffisante des dangers que pose ce système de production agricole sur la santé publique et l’environnement.

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Notre diagnostic de la santé socio-environnementale est complété par une action immédiate et cruciale à long terme. Nous exigeons des autorités au niveau national et provincial, qu’elles reconnaissent les demandes formulées dans les précédents Congrès et dans la campagne intitulée ’Oui à la vie Non au glyphosate’, émanant de la Fédération des professionnels de la santé et du ‘Collectif Andres Carrasco’.

Pour défendre le droit humain à la vie, à une vie saine et un environnement sain, nous exigeons :

1. L’interdiction globale des pulvérisations aériennes dans le pays avec toutes les sortes de produits agrochimiques. Les niveaux de la pollution générée par ceux-ci sont inacceptables pour l’environnement et la santé humaine.

2. L’interdiction de tous les pesticides que le CIRC-OMS a reconnu comme étant des cancérigènes de catégories 1, 2A et 2B, en particulier le glyphosate. Il n’y a pas besoin de justifier le risque de générer des cancers chez les personnes exposées dans leur l’environnement ou par les aliments contaminés qu’elles consomment.

3. Bien que l’interdiction quasi-totale du glyphosate est atteignable à terme, il est urgent d’obtenir un reclassement avec une étiquette rouge (actuellement étiquette verte) et d’empêcher immédiatement sa libre commercialisation, ainsi que l’application dans et près des zones habitées et des écoles.

4. Interdiction de tous les « pesticides très dangereux », selon l’OMS et la FAO, dont beaucoup sont déjà interdits dans leurs pays d’origine, mais qui sont commercialisés dans certains autres.

5. Interdiction de toutes les pulvérisations à moins de 1.000 mètres autour des villages et des écoles. Interdiction de la présence et du mouvement des équipements pour réaliser les pulvérisations (notamment contre les moustiques) dans les zones urbaines, ainsi que l’interdiction de l’existence de dépôts de pesticides dans les quartiers des villes.

6. Créer des politiques publiques qui découragent l’utilisation de poisons dans l’agriculture et la production alimentaire, en reconnaissant la nature toxique de ceux-ci. Il est nécessaire de remettre en question le modèle actuel de la production agroindustrielle et transgénique, et de se tourner plutôt vers des systèmes de production qui permettent l’intégration sociale et culturelle, qui favorisent la reproduction et la défense des conditions écologiques optimales dans notre environnement. Il est possible, grâce à l’action de l’État, de diminuer les niveaux d’utilisation des pesticides dans notre pays, comme cela a été démontré par des expériences dans d’autres pays, afin de promouvoir l’agro-écologie, la consommation alimentaire locale et la défense de la sécurité alimentaire.

Au fil des ans, les représentants du gouvernement ont continué à essayer de cacher les « effets secondaires » du modèle de production agricole, ce qui démontre sa complicité et son alignement sur les intérêts des multinationales qui sont éthiquement discutables.

Cette situation nous a amené à exiger de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, auprès de l’Organisation des États Américains, une demande d’injonction pour protéger le droit à la santé et la vie des populations exposées à des pesticides, en particulier des enfants, tout en respectant l’environnement.

Cela ne veut pas dire qu’il s’agit seulement d’un problème qui se pose en Argentine : des situations identiques existent dans d’autres pays, avec des résultats similaires au Brésil, en Uruguay, en Amérique centrale, au Paraguay, etc… partout où il y a une résistance croissante à l’agriculture toxique et où des médecins honnêtes et des scientifiques soutiennent ces luttes en établissant leurs diagnostics et en fournissant des études techniques.

Les luttes cherchent à privilégier des valeurs, telles que la santé et l’environnement, prévalant face aux intérêts économiques et commerciaux des grandes entreprises de biotechnologie, d’une part, et face aux “sowing pools” [un type de fonds d’investissement spéculatif pour la production à grande échelle des céréales en Argentine], d’autre part.

Ces luttes visent avant tout la défense des droits humains, violés par beaucoup de politiques extractives et productivistes, qui détruisent l’environnement et induisent une crise en matière de santé publique et collective.

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Auteurs : Dr Medardo Avila-Vazquez, Lic. Miryam Gorban, Présidents du Congrès national des médecins de villes dans les territoires subissant des pulvérisations ; Professeur Sergio Provenzano, doyen de la Faculté de médecine de l’UBA. Texte traduit en anglais par le Dr Eva Sirinathsinghji.

{{}}Traduction : Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant. Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, ex-professeure des écoles.

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIS OGM Santé Declaration of Physicians in Crop-sprayed Towns in Argentina at 3rd National Congress French version.2

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