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"Les cas de maladies et la mortalité des personnes « blanches » d’âge moyen sont en hausse aux Etats-Unis", par le Dr Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

samedi 9 janvier 2016, par Ho Dr Mae-Wan


ISIS Santé

Les cas de maladies et la mortalité des personnes « blanches » d’âge moyen sont en hausse aux Etats-Unis

Les hommes et les femmes répertoriés comme non hispaniques et ‘blancs’, âgés de 45-54 ans, sont plus malades et meurent à un rythme croissant depuis 1998, en contraste frappant avec les autres groupes d’âge et les autres groupes ethniques aux États-Unis, ainsi qu’avec le même groupe d’âge dans d’autres pays industrialisés, qui ont vu les taux de maladies et de décès diminuer continuellement pendant la même période, selon le Dr Mae-Wan Ho

Rapport de l’ISIS en date du 16/12/2015

Le document original est intitulé Mid-Life Crisis of Rising Illnesses and Death for White Americans ; il est accessible sur le site : http://www.i-sis.org.uk/Midlife_Crisis_of_Illnesses_and_Death_Increase_Among_American_Whites.php

Une inversion de tendance, concernant la mortalité dans toutes les catégories confondues, est spécifique des états-uniens d’âge moyen et classés statistiquement comme non-hispaniques et ‘blancs’

Le taux de décès chez les américains [compris comme la population vivant aux Etats-Unis], d’âge moyen et classée comme « blanche », est en hausse, affichant un renversement de tendance remarquable, après des décennies de gains de longévité. Cette constatation surprenante est révélée dans une nouvelle étude publiée par deux professeurs américains d’économie de l’Université de Princeton dans l’état du New Jersey.

L’augmentation des taux de mortalité va de pair avec une baisse des cas auto-déclarés en matière de santé physique et mentale, avec une capacité à mener les activités de la vie quotidienne, et avec l’augmentation de douleurs chroniques et une incapacité à travailler, ainsi qu’avec des détériorations de la fonction hépatique observée en milieu clinique [1] ; « tout cela marque une croissance de la détresse dans cette population »..

L’un des auteurs, Angus Deaton, a reçu le Prix Nobel d’économie en 2015. Il a déclaré au ‘Washington Post’ que « les drogues, l’alcool et les suicides constituent clairement la cause immédiate de cette situation : un demi-million de personnes sont décédées alors qu’elles auraient dû continuer à vivre » ; il a ajouté [2]. « Soit environ 40 fois les relevés statistiques des victimes d’Ebola. Cela se rapproche des statistiques concernant les victines du VIH-SIDA.

Ce qui rend ce constat aussi dramatique et mystérieux, c’est que la situation est spécifique à une catégorie bien particulière de la population : des états-uniens classés non-hispaniques et ‘blancs’ ; par ailleurs, cette tendance ne concerna pas les autres groupes sociologiques d’âges ni d’autres groupes ethniques aux États-Unis. Ainsi, le même groupe d’âge chez les Hispaniques des Etats-Unis, ainsi que dans six autres pays riches industrialisés - Allemagne, France, Royaume-Uni, Canada, Australie et Suède - montrent tous une tendance à la baisse des états pathologiques et de la mortalité qui est constante depuis depuis 1990 et même avant (voir la Figure 1 ci-dessous).

Abréviations pour les courbes représentées dans le graphique : USW : population ‘blanche’ aux Etats-Unis ; FRA : France ; GER : Allemagne ; USH population classée ‘hispanique’ aux Etats-Unis ; UK : Royaume-Uni ; CAN : Canada ; AUS : Australie : SWE : Suède.

http://www.i-sis.org.uk/graphics/Midlife_Crisis_of_Illnesses_and_Death_Increase_Among_American_Whites.jpg

Figure 1 – La mortalité [nombre de décès pour 100.000 habitants] au cours des années 1990 à 2013, toutes causes confondues, dans le groupe d’âge de 45-54 ans de la population non-hispanique et classée ‘blanche’ aux aux États-Unis, en comparaison avec la population classée hispanique aux Etats-Unis, d’une part, et avec la mortalité observée dans six autres pays industrialisés classés ‘riches’, d’autre part.

Les intoxications médicamenteuses, les suicides et les maladies hépatiques chroniques interviennent principalement dans l’augmentation de la mortalité

Trois causes principales des décès apparaissent avec cette tendance à l’inversion parmi les ‘blancs’ d’âge moyen. L’intoxication due à des médicaments (y compris l’alcool) se situe en tête de la liste avec la plus forte augmentation, suivie par les suicides et les maladies chroniques du foie et la cirrhose ; toutes ces patholies augmentent depuis 1998.

Les personnes qui ont le plus faible niveau d’éducation sont les plus touchées par l’augmentation de tous les décès

Le renversement de tendance est principalement dû à l’augmentation de la mortalité toutes causes confondues chez les personnes ayant le niveau d’éducation le plus bas : une augmentation de 134 pour 100.000 entre 1999 et 2013 ; les personnes qui ont fait des études supérieures sont moins touchées au cours de la période étudiée ; tandis que les personnes avec un baccalauréat ou plus, montrent une chute du taux de mortalité de 57 pour 100.000. Bien que la mortalité causée par des suicides et par des empoisonnements ait augmenté dans les trois groupes concernant le niveau d’éducation, les hausses ont été plus importantes dans le groupe ayant reçu le moins d’’éducation.

Des changements parallèles dans les maladies et les handicaps auto-déclarés

Dans les mesures de l’état de santé auto-évalué, il y avait un déclin important et statistiquement significatif dans la partie répertoriée ‘en excellente ou en très bonne santé’ (6,7%) et une augmentation correspondante de la partie répertoriée d’une santé ‘passable ou mauvaise’ (4,3%).

L’augmentation rapportée d’une mauvaise santé a été à son tour compensée par une augmentation des cas rapportés de douleurs : douleurs au cou, douleurs faciales, douleurs articulaires chroniques et sciatiques. Une personne sur trois individus classés ‘non-hispaniques, ‘blancs’, âgés de 45-54 ans, a été signalée avec des douleurs articulaires chroniques au cours de la période 2011-2013 ; dans un cas sur cinq des douleurs au cou ont été signalées, et une personne sur sept a signalé souffrir de sciatique. Ces données représentent une proportion additionnelle de 2,6% de personnes souffrant de sciatique ou de douleurs articulaires chroniques depuis 1997-1999, ainsi qu’une proportion de 2,3% de personnes supplémentaires souffrant de douleurs au cou et une proportion supplémentaire de 1,3% des déclarations de douleurs faciales.

La fraction de cette population déclarant souffrir de détresse psychologique grave a également augmenté de manière significative : elle est passée de 3,9% à 4,8% au cours de cette même période.

Au cours de la même période, il y eu une augmentation de 2 à 3 % des personnes déclarant avoir plus de difficultés dans leur capacité à faire face aux activités de la vie quotidienne, comme la marche d’un quart de mile, monter 10 étages, être debout ou assis pendant 2 heures, faire du shopping ou des rencontres avec des amis ; la proportion de personnes ayant des difficultés dans les rapports sociaux – qui est un facteur de risque de suicide - a augmenté de 2,4%.

Au total, la proportion des personnes rapportant que leurs activités sont limitées par une mauvaise santé physique ou mentale, a augmenté de 3,2%. Dans cette période de 15 ans, la proportion des personnes ayant déclaré être incapables de travailler a doublé dans la catégorie des personnes d’âge moyen et classées non-hispaniques et ‘blanches’.

Le risque de consommation excessive d’alcool - plus d’un ou deux verres par jour - a également augmenté de manière significative.

Les causes de morbidité et de mortalité accrues ches les personnes de la quarantaine ne sont que partiellement comprises

La délivrance accrue d’ordonnances avec des médicaments opiacés, qui a commencé dans les années 1990, a été largement soulignée, ainsi que la mortalité qui lui est associée.

Les centres de suivi sanitaire (‘Centers for Disease Control’ ou CDC), estiment que pour chaque prescription antidouleur à des personnes décédées en 2008, il y avait eu 10 admissions en vue d’un traitement pour abus, 32 visites au service d’urgence en cas d’abus ou de mauvais traitements ; il est noté 130 patients qui étaient des personnes abusant ou dépendantes de drogues et 825 utilisateurs à des fins non médicales.

Dans la période d’étude concernée, les Etats-Unis ont connu une chute des prix et une qualité croissante de l’héroïne, ainsi qu’une disponibilité dans les zones où le médicament était alors en grande partie inconnu.

« L’épidémie de la douleur pour lesquels les opioïdes avaient été conçus pour soigner est bien réelle », écrivent les auteurs [1], « bien que les données disponibles ne puissent pas déterminer si l’augmentation de l’utilisation d’opioïdes ou l’augmentation de la douleur est survenue en premier lieu. Ces deux critères ont augmenté rapidement à partir du milieu des années 1990. « La douleur est un facteur de risque de suicide identifié et l’augmentation de l’abus d’alcool, ainsi que les suicides sont les symptômes probables de l’épidémie sous-jacente.

« Bien que l’épidémie de la douleur, le suicide et les surdoses de drogues aient précédé la crise financière, les liens avec l’insécurité économique sont possibles ». Les auteurs suggèrent ceci [1] : « Après le ralentissement de la productivité dans les années 1970, et avec le creusement des inégalités de revenus, beaucoup de personnes dans la génération du ‘baby-boom’ sont les premières à trouver, dans la quarantaine, qu’elles ne seront pas mieux loties que ne l’étaient leurs parents ».

Alors que le même ralentissement de la productivité a eu lieu dans d’autres pays industrialisés, les auteurs soulignent que les États-Unis ont évolué principalement vers des régimes de retraite avec des cotisations définies, avec des risques boursiers associés, alors qu’en Europe, les pensions à prestations définies sont encore la norme, et par conséquent, l’insécurité financière future peut peser plus lourdement sur les travailleurs aux Etats-Unis.

Une préoccupation sérieuse est que la population dans la quarantaine va vieillir, alourdissant encore le régime de l’assurance-maladie : en matière de santé, le moment le plus difficile apparaît chez les personnes âgées ; ces dernières peuvent constituer [1] « une« génération perdue » dont l’avenir est moins lumineux que chez les personnes qui les ont précédées ».

D’autres commentateurs sont d’accord. Une population plus malade imposera un fardeau de plus en plus lourd sur la société et les programmes fédéraux aux Etats-Unis [2].

« Ceci est le premier indicateur que le système est tombé en panne », a déclaré Jonathan Skinner, professeur d’économie à l’université de Dartmouth, qui a examiné l’étude et qui est co-auteur d’un commentaire qui apparaît avec l’article. « Les décrocheurs chez les diplômés ayant bénéficié d’études supérieures [et] d’une éducation secondaire [constituent] 40% de la population », a ajouté Skinner [2].

Références

1. Case A and Deaton A. Rising morbidity and mortality in midlife among white n0n-hispanic American in the 21st century. PNAS Early Edition, www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1518393112

2. “A group of middle-aged whites in the U.S. is dying at a startling rate”, Lenny Bernstein and Joel Achenbach, The Washington Post, 2 November 2015, https://www.washingtonpost.com/national/health-science/a-group-of-middle-aged-american-whites-is-dying-at-a-startling-rate/2015/11/02/47a63098-8172-11e5-8ba6-cec48b74b2a7_story.html Haut du formulaire {{}}

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Traduction : Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.

Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, ex professeure des écoles.

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIS Santé Mid-Life Crisis of Rising Illnesses and Death for White Americans French version.2

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