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"Le Sri Lanka interdit partiellement le glyphosate à cause d’une épidémie de maladie rénale mortelle" par le Dr Eva Sirinathsinghji

Traduction et compléments de Jacques Hallard

samedi 20 juin 2015, par Sirinathsinghji Eva

Le Sri Lanka interdit partiellement le glyphosate à cause d’une épidémie de maladie rénale mortelle
La matière active herbicide glyphosate à une activité comme chélateur des métaux qui provoque une bioaccumulation des métaux toxiques dans le corps humain : il en est résulté environ 400.000 cas d’une maladie rénale mortelle au Sri Lanka et environ 20.000 décès. Dr Eva Sirinathsinghji

Rapport de l’ISIS en date du 08/04/2014

La version entièrement illustrée et référencée de cet article en anglais intitulé Sri Lanka Partially Bans Glyphosate for Deadly Kidney Disease Epidemic est publiée et accessible sur le site de l’ISIS http://www.i-sis.org.uk/Sri_Lanka_partially_bans_glyphosate.php ; elle est par ailleurs disponible en téléchargement ici

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Le Sri Lanka est entrain d’interdire partiellement l’utilisation d’herbicides à base de glyphosate après une nouvelle étude révisée par des pairs, reliant cette matière active à effet herbicide à une épidémie d’une maladie rénale chronique mortelle qui affecte gravement les habitants de ce pays [1].

Les problèmes rénaux ont également été décrits et documentés dans d’autres régions du monde : ils ont suscité récemment une interdiction complète par la République du Salvador à la fin de l’année 2013 [2]. L’interdiction totale avait été proposée initialement, mais à cause des représentants du secteur des plantations agricoles se réclamant d’une pénurie de travailleurs agricoles qui ne serait pas en mesure de gérer suffisamment les mauvaises herbes sans employer des spécialités herbicides à base de glyphosate, le gouvernement de ce pays a limité l’interdiction à des zones endémiques de la maladie [3].

Même le Brésil, qui est l’un des plus grands producteurs de plantes cultivées génétiquement modifiées (OGM) pour les rendre tolérantes au glyphosate, a déposé une action en justice par l’intermédiaire des procureurs fédéraux afin d’interdire le glyphosate ainsi que huit autres pesticides dangereux [4].

Il est de plus en plus difficile pour les organismes gouvernementaux chargés de la réglementation et pour les producteurs de glyphosate de justifier l’utilisation de cet herbicide, alors que d’autres nations ont interdit la substance purement et simplement afin de protéger la santé de leurs citoyens.

Le glyphosate peut affecter la santé humaine de différentes façons, dont l’une réside dans ses puissantes capacités de chélation des éléments chimiques du groupe des métaux.

En effet, le glyphosate a été breveté par Stauffer Chemical Co. en 1964 (brevet US n ° 3.160.632) [5] pour cette propriété très particulière.

La chélation des ions minéraux peut conduire à l’épuisement nutritionnel des plantes et des animaux, ce qui a déjà été démontré comme causant simultanément des problèmes de santé.

Dans le cas de cette épidémie de maladie du rein, la chélation des métaux tels que l’arsenic dans les approvisionnements en eau, est maintenant connue et peut bien conduire à sa bioaccumulation dans le corps, ce qui entraîne une insuffisance rénale et même la mort, comme cela a été indiqué dans une nouvelle étude [6] fournie par Channa Jayasumana (de l’Université Rajarata, au Sri Lanka), Sarath Gunatilake (de la ‘California State University’, USA) et Priyantha Senanayake (de l’Organisation Hel Suwaya, au Sri Lanka) : ces auteurs ont publié les résultats de leurs travaux dans la revue scientifique ‘International Journal of Environmental Research and Public Health’.

Le glyphosate s’est également montré comme étant lié à de nombreux autres problèmes de santé, y compris aux cancers (voir [7] Glyphosate and Cancer, SiS 62) *, et à l’infertilité (ou stérilité) masculine (voir [8] Glyphosate/Roundup & Human Male Infertility, SiS 62) **.

* Version en français {{}}« Le glyphosate et le cancer » par le Dr Mae Wan Ho. Traduction et complément de Jacques Hallard : « De nouvelles recherches ont montré que des concentrations, même faibles, de la matière active à effet herbicide glyphosate, qui ont été trouvées dans l’urine humaine, peuvent favoriser la croissance des cellules cancéreuses du sein chez les femmes, confirmant ainsi le potentiel cancérigène de cette matière active herbicide, potentiel qui est connu depuis les années 1980 ». Article complet sur le site http://www.isias.lautre.net/spip.php?article359

** Version en français « L’herbicide ‘Roundup’ à base de glyphosate et la stérilité chez les êtres humains de sexe masculin » par le Dr Mae-Wan Ho. Traduction et complément de Jacques Hallard. « La forte baisse du nombre des spermatozoïdes chez les hommes est concomitante avec la montée des cancers au niveau des cellules germinales des testicules, avec les malformations congénitales de l’appareil reproducteur masculin et une baisse des teneurs en testostérone sérique : tous ces événements pointant vers l’exposition croissante aux herbicides Roundup à base de glyphosate, au cours des dernières décennies : cela est maintenant corroboré par les résultats de laboratoire... » Article complet à lire sur le site : http://www.isias.lautre.net/spip.php?article360

Par ailleurs, le glyphosate est aussi lié à laneurotoxicité, à des problèmes de reproduction, à des malformations congénitales et à bien d’autres problèmes (voir [9] Ban GMOs Now, special ISIS report) *.

* Version en français « Il faut interdire les OGM dès maintenant à cause des risques sanitaires et environnementaux et surtout à la lumière des connaissances actuelles en génétique » par le Dr. Mae-Wan Ho et le Dr. Eva Sirinathsinghji ; Traduction et compléments de Jacques Hallard. Accessible sur le site : http://www.isias.lautre.net/spip.php?article311&lang=fr

À partir du milieu des années 1990, cette maladie rénale chronique d’étiologie inconnue désignée en anglais comme ‘Chronic Kidney Disease of unknown aetiology’ ou CKDu (CKDU), avait été découverte parmi les producteurs de riz paddy dans la province du Centre-Nord (NCP) du Sri Lanka. Au cours des deux décennies suivantes, la maladie s’est propagée rapidement à d’autres zones agricoles. La prévalence de la maladie est estimée à 15% [10] affectant un total de 400.000 patients avec un nombre de décès estimé à environ 20.000 [11]. Les spécialistes du Ministère sri-lankais de la Santé ont défini depuis cette maladie rénale CKDu avec les critères suivants :

(1) Pas de passé, ou de traitement actuel pour le diabète ou l’hypertension chronique et / ou grave, les morsures de serpent, les maladies urologiques avec une étiologie inconnue ou la glomérulonéphrite. (2) Des niveaux normaux d’hémoglobine glycosylée : 6,5% d’HbA1c. (3) Une pression artérielle ˂ 160/100 mmHg non traitée ou ˂ 140/90 mmHg avec un maximum de deux antihypertenseurs.

La maladie semble progresser lentement, avec une néphrite interstitielle tubulaire (inflammation des espaces entre les tubules rénaux) associée une infiltration de cellules mononucléaires (infiltration de cellules immunitaires, indicatrice de lésions inflammatoires), à une sclérose glomérulaire (durcissement ou cicatrisation des glomérules rénaux) et une atrophie tubulaire [12].

Cette maladie est en outre caractérisée par une protéinurie tubulaire (excès, accumulation de protéines non absorbées), habituellement des protéines alpha-1 et bêta-2 microglobulinurie, et des niveaux élevés de lipocaline urinaire associée à la ‘gélatinase neutrophile’ (NGAL), c’est-à-dire des niveaux supérieurs à 300 ng / mg de créatinine.

La maladie désignée en anglais sous le sigle CKDu était connue précédemment comme étant liée à l’eau ‘dure’, à l’arsenic et à des pesticides non identifiés

Différents groupes, y compris des membres de l’Organisation mondiale de la santé ont déjà étudié la maladie et reconnu une cause multifactorielle, avec les principaux facteurs à l’origine qui semblent être l’exposition à l’arsenic, au cadmium et à des pesticides.

La consommation d’eau dure, une consommation d’eau trop faible et une exposition à des températures élevées entraînant une déshydratation importante, sont parmi les autres facteurs incriminés. Cependant, comme les auteurs de la nouvelle étude l’établissent, « quelle que soit l’hypothèse qui devrait être retenue, cette étude devrait être en mesure de fournir une réponse aux questions posées, notamment de renseigner pourquoi cette maladie CKDu est limitée à certaines régions du Sri Lanka et pourquoi cette maladie n’existait pas dans ce pays avant les années 1990 ».

Les auteurs présentent d’abord une corrélation statistiquement significative et bien documentée, entre la dureté de l’eau et la maladie CKDu. Quatre-vingt six pour cent des patients touchés par CKDu avaient consommé de l’eau dure ou très dure pendant au moins cinq ans, ce qui est clairement illustré par les cartes des régions du Sri Lanka montrant que les plus touchés par la maladie résident dans les régions d’eau dure (voir la figure 1). Ils ont également noté d’autres observations dans les régions touchées :

(A) Le nombre de villageois qui se plaignent que la dureté de l’eau souterraine dans la zone endémique de CKDu a augmenté de façon constante au cours des deux dernières décennies.

(B) Certains des puits peu profonds (2-5 m), auparavant utilisés à des fins de consommation, sont maintenant abandonnés en raison de la dureté élevée et du mauvais goût de l’eau.

(C) Il existe quelques sources naturelles situées dans la zone d’endémie de la maladie CKDu où l’eau n’est pas dure. Les personnes qui consomment de l’eau provenant de ces sources ont été identifiées comme indemnes de la maladie.

(D) Les personnes qui boivent de l’eau traitée des grands projets d’approvisionnement en eau (en particulier dans les deux villes d’Anuradhapura et de Polonnaruwa), tout en vivant dans les mêmes zones d’endémie de CKDu, ne sont pas touchées par la maladie.

(E) Dans les zones agricoles adjacentes de la province nord du Sri Lanka, où le niveau de dureté de l’eau du sol est connu aussi pour qualifier l’eau de dure ou très dure, il n’y a pas eu un nombre important de cas déclarés de CKDu.

Figure 1 - Carte du Sri Lanka montrant une corrélation entre la prévalence de la maladie CKDu par région (à gauche), avec les régions où l’eau est dure ou très dure

Des preuves antérieures avaient montré que les patients atteints par la maladie CKDu avaient accumulé de l’arsenic dans leur corps, avec des niveaux toxiques de cet élément chimique dans les échantillons d’urine, dans les cheveux et dans les ongles, tandis que les personnes en bonne santé dans les régions endémiques de CDKu montraient également des signes de taux élevés d’arsenic, ce qui suggère que l’eau dure est liée à un début de la malade CKDu [13]. Il a été en outre suggéré que l’arsenic provient de produits agrochimiques contaminés, y compris les pesticides et les engrais, mais la source n’a pas encore été entièrement déterminée.

La maladie CKDu était censée être causée par un certain « composé X » – Il a maintenant été découvert que ce dernier est le glyphosate

L’étude révèle qu’un facteur inconnu auparavant, mentionné par les auteurs comme « le composé X », provient de produits agrochimiques et que le composé X, lorsqu’il est combiné avec de l’eau dure contenant des niveaux toxiques de calcium et de magnésium, provoque des lésions rénales graves. À l’appui de l’hypothèse que le composé X dérive de produits agrochimiques et est en effet le glyphosate, sont les observations que la maladie CKDu a émergé dans les années 1990, ce qui correspond à l’arrivée massive des produits agrochimiques au Sri Lanka depuis les années 1970, suite à des changements dans les politiques économiques.

En outre, même de faibles concentrations peuvent conduire à la bioaccumulation d’une substance toxique, ce qui expliquerait le temps de latence de 12-15 ans avant que les symptômes n’apparaissent. Cela coïncide avec l’âge des patients se déplaçant, avec une prévalence de la maladie chez les jeunes, croissante au cours des dernières années, et suggérant un caractère cumulatif de la toxine.

En outre, les régions du Sri Lanka qui ont restreint l’utilisation des produits agrochimiques, comme dans le Nord, où le souci de conflit politique violent signifiait que les gouvernements voulaient empêcher les gens d’utiliser des produits agrochimiques pour fabriquer des explosifs, il n’existe pas de niveaux élevés de la maladie CKDU. Ces zones ont également de l’eau dure, montrant que l’eau dure n’est pas suffisante pour provoquer la maladie CDKu. Les auteurs ont utilisé ces observations pour décrire les propriétés attendues du composé X ci-dessous :

(A) un composé qui a été récemment introduit (2-3 ans) parmi les produits chimiques de la zone endémique de la maladie CKDu

(B) la capacité à former des complexes stables avec l’eau dure

(C) la capacité de capter et de retenir l’arsenic et des métaux néphrotoxiques et d’agir comme un « transporteur » dans la diffusion de ces toxines vers le rein

(D) de multiples voies possibles d’exposition : ingestion, absorption cutanée et respiratoire.

(E) n’ayant pas un premier effet significatif de passage lorsqu’il est complexé avec de l’eau dure (phénomène de métabolisme des médicaments, le plus souvent par le foie, de sorte que la concentration d’un médicament est fortement réduite avant d’atteindre la circulation systémique)

(F) présente des difficultés dans l’identification lors de l’utilisation des méthodes d’analyse classiques.

Le glyphosate est en outre mis en cause par le fait qu’il est de loin l’herbicide le plus couramment utilisé au Sri Lanka, avec des quantités d’utilisation du glyphosate dépassant tous les autres pesticides combinés.

Le glyphosate forme des complexes métalliques qui s’accumulent dans le corps

Le glyphosate a été d’abord utilisé comme agent de détartrage pour nettoyer le calcium et les autres dépôts minéraux dans les conduites et les chaudières, aidé par une forte solubilité dans l’eau de la substance. Les agents de détartrage se lient aux métaux, ce qui les rend solubles et mobiles. Sa stabilité dans l’eau dépend d’un certain nombre de facteurs, y compris le phosphate qui est en concurrence avec le glyphosate pour l’absorption à partir du sol. De plus, sa liaison à des métaux peut provoquer la formation de complexes forts qui affectent sa biodégradabilité, avec un temps de dégradation du glyphosate croissant de 7 à 22 ans dans des conditions particulières, telles que le pH.

Dans de l’eau au-dessus d’un pH de 6,5, le glyphosate se transforme en un dianion (un anion ayant une charge négative -2), ce qui suggère qu’il forme des complexes métalliques dans des conditions alcalines, et ce qui augmente sa solubilité et donc la lixiviation en profondeur dans les sols [14,15].

Les conditions alcalines sont connues pour réduire la capacité à désherber du glyphosate, avec des complexes glyphosate-métaux qui sont stables dans les conditions ordinaires, mais pas en milieu acide. Les effets du pH sont également importants pour la compréhension de la stabilité de la structure réticulée dans les conditions acides du rein, comme cela sera expliqué ci-dessous.

Les études utilisant les techniques de la résonance magnétique nucléaire (RMN) montrent que le glyphosate peut interagir avec le calcium, le magnésium et d’autres métaux, et que ces complexes sont plus stables dans le temps [16, 17].

En outre, les sols de culture du riz paddy dans les régions endémiques de la maladie CKDu, sont riches en métaux tels que le calcium, le magnésium, le fer, le nickel, le chrome et le cobalt.

Le fer ferrique modifie l’épurateur du glyphosate et de son métabolite, l’AMPA (acide α-amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazolepropionique). Ce problème est compliqué par l’application de phosphate triple (TSP), comme engrais dans les rizières, qui se sont avérées contaminées par certains ions métalliques, ainsi que par des niveaux élevés d’arsenic.

Cela laisse les gens très vulnérables à l’exposition à des complexes stables et toxiques du complexe glyphosate-métaux à travers leur eau potable. L’exposition au glyphosate se produit également à travers la peau : les agriculteurs ont du glyphosate dans l’urine après une pulvérisation. Le glyphosate peut se mélanger à la sueur dans les climats chauds et humides, avant d’être absorbé par la peau. En outre, les agriculteurs sri-lankais ne portent pas souvent des vêtements de protection pour empêcher l’exposition respiratoire.

Communément, l’arsenic et le cadmium peuvent aussi contaminer le riz, les légumes et les feuilles de tabac qui sont souvent mâchées avec des feuilles de bétel par les Sri-Lankais. Cette exposition transdermique et respiratoire fournit donc une occasion supplémentaire pour le glyphosate de se lier aux métaux néphrotoxiques qui sont consommés dans les aliments et qui s’accumulent dans le corps. Sur la base des études déjà publiées sur la façon dont les complexes glyphosate-métaux se forment 14-17], les auteurs proposent la formation de réseaux stables de métaux à base de glyphosate, ce qui peut expliquer comment le glyphosate, l’eau dure, l’arsenic et d’autres métaux néphrotoxiques causent la maladie rénale au Sri Lanka, ainsi que l’augmentation de la dureté de l’eau au cours des années.

Cette proposition de réseau glyphosate-métaux, présentée sur la figure 2, est basée sur les études précédentes de RMN qui montrent la capacité des ions de l’eau dure à se lier à la fois au phosphonate et aux groupes fonctionnels carboxyle de la molécule de glyphosate, pour former des complexes. Il est à noter que le rôle causal du glyphosate dans la maladie CKDu a déjà échappé aux chercheurs en raison de ses propriétés chimiques, y compris son caractère ionique, sa polarité élevée, une haute solubilité dans l’eau, une faible volatilité, son insolubilité dans les solvants organiques et ses fortes capacités de complexion chimique, ce qui le rend très difficile à détecter en laboratoire.

Figure 2 - Proposition de structure réticulée glyphosate / métaux

Le mécanisme de l’action du glyphosate dans les maladies rénales

L’hypothèse des structures réticulées des complexes glyphosate-métaux est confirmée par l’observation que les personnes qui boivent de l’eau de source naturelle ne souffrent pas de la maladie, du fait que ces eaux sont dépourvues de magnésium et de calcium, ce qui ne permet pas à l’eau de retenir le glyphosate.

Cela explique aussi pourquoi les régions caractérisées par une eau dure, mais avec de faibles niveaux d’herbicides et d’engrais chimiques ne sont pas propices à la maladie rénale de CKDu. En outre, les patients touchés par cette maladie montrent une accumulation de métaux (As et Cd) dans les échantillons de cheveux et des ongles, ainsi que de faibles niveaux d’excrétion urinaire des métaux (par rapport aux sujets témoins dans les mêmes régions) ; cela suggère que le rein est incapable de débarrasser correctement ces produits chimiques du corps.

Les échantillons d’urine des témoins, ainsi que ceux des patients touchés par la maladie CKDU dans les zones endémiques de cette maladie, montrent également la présence de glyphosate et de métaux lourds, fournissant la preuve de la présence de composants du complexe glyphosate-métaux dans leur corps.

L’évidence rapportée dans la Républlque du Salvador souligne également que des métaux lourds toxiques sont responsables d’une maladie qui affecte principalement les travailleurs agricoles pauvres dans ce pays.

Il est suggéré que le complexe réticulé s’accumule dans le rein où les conditions acides causées par la sécrétion quotidienne d’acides tels que l’ammonium, provoquent la rupture de ce complexe. Le sulfate d’ammonium est déjà utilisé par les agriculteurs comme un tampon pour libérer le glyphosate à partir d’ions métalliques dans des conditions d’eau dure, ce qui suggère que le même mécanisme peut expliquer les effets observés dans les tubules proximaux du rein chez des patients atteints de CKDu.

La rupture ou désagrégation du complexe réticulé peut alors libérer le glyphosate et son métabolite l’AMPA, de même que l’arsenic, qui peuvent endommager les glomérules. D’autres métaux lourds peuvent être partiellement résorbés par les reins en entraînant des dommages tubulaires supplémentaires.

La néphrotoxicité des métaux lourds est déjà bien connue et l’exposition à long terme cause un stress oxydatif, un stress nitrosatif (dommages cellulaires causés par les espèces d’oxygène et d’azote réactives, agissant de concert avec des espèces réactives de l’oxygène), ainsi que l’apoptose, la nécrose des cellules tubulaires proximales et la glomérulaires [18 - 21].

La sclérose glomérulaire (durcissement et inflammation des reins), l’effondrement glomérulaire et les dommages interstitiels tubulaires sont le résultat de ces mécanismes pathologiques. Il a été également démontré dans de nombreuses études que le glyphosate seul peut provoquer une toxicité rénale. Le poisson talapia du Nil exposé au glyphosate montre des changements dans les cellules tubulaires proximales [21].

Le poisson-chat africain juvénile exposé au glyphosate développe une mort cellulaire hématopoïétique, ainsi que des changements histopathologiques rénaux y compris la dilatation de l’espace de Bowman (une région du rein impliquée dans la première filtration du sang pour former l’urine), ainsi que la dégénérescence des tubules [22].

Des études effectuées sur les mammifères ont démontré une augmentation de la créatinine sérique, de l’urée sanguine et une réduction du poids des reins des rats qui ont été nourris avec du maïs exposé au glyphosate [23].

Une exposition orale au glyphosate augmente les taux d’urée dans le sang et conduit à une insuffisance rénale chez le rat [24] tandis que les vaches laitières souffrent de symptômes similaires [25]. Voir [9] Ban GMOs Now *, ISIS rapport spécial, pour un résumé complet de la toxicité du glyphosate pour la santé et l’environnement.

* Version en français « Il faut interdire les OGM dès maintenant à cause des risques sanitaires et environnementaux et surtout à la lumière des connaissances actuelles en génétique » par le Dr. Mae-Wan Ho et le Dr. Eva Sirinathsinghji. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur le site : http://www.isias.lautre.net/spip.php?article311

Les études sur les effets combinés du glyphosate et des métaux de l’eau dure fourniraient des informations cruciales dans cette hypothèse, mais il n’existe aucune publication sur cette question, malgré l’association connue du glyphosate avec ces métaux.

Les voies alternatives décrites précédemment concernant les dommages et les lésions au niveau des reins qui sont induits par le glyphosate

D’autres études ont permis de remarquer d’autres mécanismes par lesquels le glyphosate peut causer des dommages aux reins. En effet, le glyphosate peut induire une toxicité à travers un certain nombre de mécanismes, y compris la perturbation du cytochrome P450 et les voies de l’aromatase qui peuvent être responsables des effets génotoxiques et tératogènes observés à la suite d’une exposition au glyphosate.

Une étude récente [26] explique comment le glyphosate a été breveté comme un antibiotique et reconnu comme capable de tuer les bactéries intestinales bénéfiques chez les volailles, conduisant à une dysbiose (déséquilibre microbien). Cela peut amener à favoriser la croissance de bactéries pathogènes telles que C. difficile qui produisent des quantités excessives de sulfate p-crésol, un phénol toxique qui est associé à une maladie rénale chronique et qui peut induire l’activation des cytokines inflammatoires et des chimiokines, avec une inflammation qui joue un rôle clé dans les maladies rénales.

Le glyhosate induit également un passage de la respiration aérobie vers une respiration anaérobie chez E. coli et d’autres espèces de bactéries de l’intestin, ce qui provoque l’augmentation de la production de l’indole, un dérivé du tryptophane, un acide aminé aromatique, dont la dégradation nécessite également le cytpchrome P450.

Le tryptophane, un acide aminé aromatique dont la production dépend de la voie du shikimate qu’inhibe le glyphosatee, contient un cycle indole. Par conséquent, la perturbation de la synthèse du trypophane par les microbes de l’intestin peut conduire à l’accumulation d’indole dans le corps. L’indole est une molécule de signalisation importante pour de nombreuses bactéries et il est, de même que le p-crésol, associé à une maladie rénale.

Pour conclure

Des gouvernements nationaux commencent à prendre des mesures attendues depuis longtemps pour protéger leurs citoyens contre les méfaits du glyphosate, la matière active des herbicides qui sont les plus couramment utilisés dans le monde. Ses liens avec les maladies chez les humains, chez les plantes cultivées et dans les élevages ne peuvent plus être ignorés. D’autres gouvernements à travers le monde ont besoin de suivre les exemples de la République du Salvador et du Sri Lanka, pour protéger leurs citoyens d’un produit chimique hautement toxique.

Références

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Traduction en français et inclusion de liens hypertextes donnant accès à des informations détaillées

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.

Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, ex professeure des écoles.

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIS Santé Pesticides Sri Lanka Partially Bans Glyphosate for Deadly Kidney Disease Epidemic French version.4

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