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"L’eau, c’est la vie" par Dinabandhu Karmakar

Traduction et compléments de Jacques Hallard

jeudi 20 juin 2013, par Karmakar Dinabandhu

ISIS EAU Inde Afrique
L’eau, c’est la vie
Water is Life

Comment la gestion intégrée des ressources naturelles améliore la sécurité de l’eau pour les petits agriculteurs, par Dinabandhu Karmakar, de l’organisation d’aide professionnelle pour l’action en faveur du développement (PRADAN), en Inde.

Rapport de l’ISIS en date du 10/06/2013

Une version illustrée, et incluant les références, de cet article intitulé Water is Life est disponible et accessible par les membres de l’ISIS sur le site http://www.i-sis.org.uk/Water_is_Life.php : elle est par ailleurs disponible en téléchargement ici.
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Pourquoi l’organisation indienne PRADAN soutient-elle les actions de collecte et de stockage des eaux pluviales de façon décentralisée chez les petits agriculteurs, plutôt que de favoriser les projets avec de grands barrages ? En bref, nous nous sommes engagés auprès des populations pauvres, des petits exploitants agricoles afin qu’ils puissent assurer par eux-mêmes leurs moyens de subsistance, en vivant heureux et en auto-suffisance de façon durable sur leurs propres fermes. Cinquante-sept pour cent des ménages ruraux indiens possèdent des terres, la majorité des exploitations ont moins d’un hectare et environ la moitié dépend entièrement des pluies saisonnières [1]. Beaucoup de ces agriculteurs n’ont pas accès à des projets d’irrigation liés aux grands barrages et aux programmes de canaux parrainés et financiés par le gouvernement indien.

Nous travaillons dans le centre de l’Inde, une région avec des terrains vallonnés et des collines avec un grand nombre de peuples indigènes qui, jusqu’à il y a 3-4 générations, étaient des habitants des forêts et qui n’avaient donc pas vécu comme des agriculteurs.
Vivent en Inde un très grand nombre de personnes pauvres et affamées, encore plus que dans des pays d’Afrique, mais les conditions des petits agriculteurs sont très similaires et nous tentons maintenant de diffuser notre expérience dans certains pays africains.

Les problèmes des petits agriculteurs en terrains vallonnés

Le développement des grands barrages et les réservoirs ne s’arrêtent pas à l’amont des bassins versants : au contraire, l’eau est stockée derrière les barrages pour l’irrigation des terres situées en aval. Cela signifie que les terres cultivables et les gens qui vivent en amont ne disposent pas de réserves d’eau. Un autre problème est que les bonnes sources d’eau sont historiquement détenues par les familles les plus aisées. Les exploitations qui reçoivent l’eau en aval sont justement celles qui appartiennent aux plus aisés des agriculteurs, et les plus pauvres sont laissés pour compte. Comme ils n’ont pas de ressources ou d’épargne financière, les pauvres sont incapables de créer leur propre infrastructure pour irriguer leurs cultures. Comme ils ne peuvent pas récupérer l’eau, leur plus gros problème est la distribution inégale des précipitations tout au long de l’année [2]. La saison des pluies s’établit sur 3-4 mois, à partir de juin jusqu’en septembre [3], alors que l’eau est nécessaire toute l’année pour répondre aux besoins des cultures. Il n’y a pas de programmes gouvernementaux qui visent à garantir l’approvisionnement en eau pour les petits exploitants. C’est l’un des défis les plus importants dans ces zones de pauvreté en Inde et probablement aussi à travers le monde.

Voici quelques données de l’Université de Colombie [4] : l​’Inde a 200 m3 de stockage d’eau par habitant et par an, tandis que les Etats-Unis et la Chine en ont 1.960 et 1.100 par habitant respectivement. La moyenne mondiale est de 900 m3. J’ai estimé qu’un petit agriculteur exploitant a besoin de 500 m3 pour répondre aux besoins de base et pour avoir une bonne vie : assez pour cultiver et produire sa nourriture et suffisamment d’eau potable pour les usages domestiques.

Bien que le gouvernement indien ait parlé d’une politique nationale de l’eau et de l’égalité et de la justice pour le partage de l’eau, il n’y a eu jusqu’à présent aucun effort de fait pour estimer la quantité minimum d’eau qui est nécessaire pour assurer avec succès les moyens de subsistance. Dans la plupart des cas, il y a des décideurs politiques qui affirment que les petits agriculteurs sont de peu d’utilité, qu’ils ne sont pas rentables et incapables de subvenir à leurs propres besoins. Donc de grandes fermes viennent s’installer pour occuper le terrain et lancer des cultures à leur place.

Mais avec une population de plus de 1,2 milliards d’habitants, il n’est pas possible qu’une telle masse de personnes en Inde soit en mesure d’aller vers les villes en vue d’obtenir un emploi dans les services publics ou dans d’autres secteurs. C’est pourquoi l’agriculture doit être présente là où ils vivent : les petits exploitants doivent être pris en charge et leurs besoins en eau doivent être respectés. La récupération de l’eau tombée sur le territoire des fermes est la solution la plus appropriée pour remplir cette fonction sur les terres de collines, notamment sur les plateaux du centre et de l’est de l’Inde.

Si vous regardez la carte des régions de l’Himalaya, ce sont des terrains accidentés, vallonnés dans le nord, qui se rapprochent de la situation sur le plateau central du Deccan en Inde. Cette topographie laisse l’eau couler dans les plaines du Gange et vers le littoral. Avec la création des barrages, des canaux et de toutes les infrastructures, les personnes les plus pauvres vivent dans les collines et les zones vallonnées ; elles y sont délaissées avec presque rien pour subsister. Il s’agit d’une dynamique typique entre les zones en amont et les zones en aval au niveau local, ainsi qu’au niveau national.
En amont, les eaux de ruissellement et la production des cultures sont incertaines, l’économie locale est faible, les gens émigrent pour trouver du travail et gagner un salaire : ils sont politiquement faibles [5] et personne ne travaille avec eux pour s’assurer qu’ils ont bien accès à leurs droits. Incidemment, cette région est également riche en minerais métalliques. Il s’y trouve de l’hématite, de la bauxite et d’autres minerais, et les entreprises sont désireuses d’explorer la région pour l’exploitation minière.

C’est aussi le problème rencontré dans les zones situées en amont, et qui va ainsi donner un avantage aux personnes qui vivent dans les zones en aval : ces derniers ont de l’eau pour leurs cultures, ils bénéficient d’une main-d’œuvre migrante pas chère à partir de zones situées en amont et qui vient travailler dans leurs fermes ; ils sont donc politiquement forts et peuvent influencer les politiques gouvernementales, ils ont des groupes de pression composés d’agriculteurs puissants, bénéficient de soutiens ministériels, et ils peuvent utiliser l’eau du canal tout en s’acquittant d’un impôt minimal.

La pauvreté des populations et l’insécurité de l’approvisionnement en eau vont de pair dans les zones qui se trouvent en amont. Une fois que l’approvisionnement en eau se met en place vers l’aval, les gens sont entraînés dans une migration vers l’aval. C’est un problème très difficile à résoudre. La société indienne a décidé de laisser certaines personnes pauvres, selon le précepte de « vivre et laisser vivre ».

La poursuite aveugle de la croissance du PIB en Inde leur enlève tout, même l’esprit de laisser les gens vivre. La puissance de l’état est aussi derrière tout cela : les politiciens et les dirigeants ignorent le fait qu’ils sont aussi censés servir les plus pauvres. Les privations au sein des populations locales se déroulent encore de nos jours, même avec l’accès à l’indépendance et à la démocratie. Les investissements sont contrôlés par des étrangers qui viennent exploiter le territoire et ne pensent pas à une politique à long terme, afin d’investir au profit des populations locales et de la région.

En 2005, nous avons mené un projet avec l’Australian Centre for International Agricultural Research, le Centre australien pour la recherche agricole internationale et nous sommes allés dans les villages pour voir ce qui se passait. Il y avait une sécheresse dans toute la région et les cultures étaient un véritable échec. Nous avons rencontré une femme qui tentait de récolter une maigre parcelle. Nous lui avons demandé pourquoi elle faisait cela alors qu’il n’y avait rien à ramasser et elle nous a répondu : « mon mari m’a dit de le faire ».

Qu’est-ce qui se passe quand une sécheresse survient et que la récolte est mauvaise ? Les hommes valides quittent le village pour aller vers les centres urbains afin d’obtenir un travail salarié. Les femmes, les enfants et les personnes âgées sont laissées sur place pour gérer la pénurie en quelque sorte. Ce sont des terres sur lesquelles les cultures poussent bien en juin, juillet et août. Mais ensuite, s’il n’y a pas de pluies, les récoltes échouent. Ainsi, toutes les précipitations qui tombent pendant la saison des pluies s’écoulent dans les rivières et vers les réservoirs des grands barrages qui fournissent de l’eau pour irriguer les terres en aval, tandis que les personnes qui vivent en amont ne peuvent pas faire de récolte valable.

L’investissement nécessaire pour irriguer un hectare de terrain est de 300.000 roupies et parfois plus. Mais le gouvernement alloue seulement 12.000 roupies pour les zones non irriguées, soit moins de 1/10 de ce qui est nécessaire. Donc, avec une telle politique, on ne peut pas réduire la pauvreté localement. Notre expérience montre que si l’allocation des ressources financières était faite de façon semblable dans les zones dites pluviales et dans les zones irriguées, alors au moins 80% des personnes pauvres qui vivent dans les zones où la pluviométrie annuelle est de 600 mm ou plus, pourraient être assurées de disposer de l’eau d’irrigation qui leur est nécessaire.

Une simple récupération des eaux pluviales tombant sur les fermes

La technologie a aussi son importance. Le choix du gouvernement en matière de technologie semble être uniquement fondé sur le profit dans les zones situées en aval et leurs résidents ; même des interventions limitées seraient en masure d’assurer la sécurité de l’eau pour les plus pauvres. C’est là que notre approche de gestion intégrée des ressources naturelles intervient pour assurer que chaque famille reçoit une certaine quantité d’eau. S’il tombe 1.000 mm de pluie, chaque mètre carré reçoit 1 mètre cube d’eau de pluie, et cette eau de pluie peut être récupérée et stockée de façon à pouvoir couvrir les besoins de trois à quatre récoltes successives dans l’année [6], qui peuvent être mises en place à partir de la même parcelle de terre. C’est ce potentiel de récupération décentralisée de l’eau de pluie qui est basé sur les petites fermes. La figure 1 illustre ce qui se passe lorsque les agriculteurs sont aidés pour récupérer l’eau de pluie dans leurs propres champs.

Figure 1 - La récupération de l’eau de pluie à la ferme améliore la productivité des cultures et les revenus.

Nous définissons des parcelles couvrant 5% de la surface totale des agriculteurs et qui doivent être utilisées pour installer un réservoir de récupération des eaux pluviales. Le sol excavé est utilisé pour renforcer les digues de terre (remblais sur les limites des parcelles) et / ou pour créer des plates-bandes surélevées pour planter des légumes primeurs pendant que l’eau est également utilisée pour les productions de riz. Les agriculteurs ont aussi un élevage de poissons dans ces réservoirs pour fournir une source de protéines pour nourrir les familles.

Cela a déjà été démontré dans le plateau central et dans le plateau oriental de l’Inde pour renforcer la sécurité de l’eau et pour améliorer les conditions de vie. Des milliers d’agriculteurs sont en train d’adopter ce système. Notre gouvernement indien a donné un programme d’assurance d’emploi à tous ceux qui veulent bien faire un peu de travail manuel correspondant à un travail de 100 jours par an. Il s’agit d’une bonne politique de versement des salaires aux paysans. Pour profiter de ce programme, nous essayons de convertir cette forme de soutien avec notre modèle : si les agriculteurs obtiennent 100 jours de travail, ils ou elles peuvent effectivement travailler dans leur domaine pour créer un petit réservoir d’eau. Cela a permis que l’idée puisse se propager. Les gouvernements de 5-6 États ont répondu positivement à ce programme et sont en train de diffuser cette approche de la récupération des eaux pluviales pour le profit de leurs propres populations.

La récupération de l’eau de pluie dans certains pays l’Afrique

Nous avons également eu une réponse positive de certains pays africains, en particulier de l’Ethiopie, dont les agences ont visité l’Inde : ils ont admis que c’était une expérience très positive et nous avons commencé à travailler aussi avec eux. J’ai visité la vallée du Rift en décembre 2012 (voir la figure 2), où les gens essaient de changer ainsi les choses.

Figure 2 – L’accès à l’eau est un grave problème en Ethiopie

Ils ont des problèmes d’accès à l’eau potable, car l’eau y est à la fois boueuse et malsaine.. Une femme que j’ai rencontrée parcourt 4 km aller-retour par jour pour chercher l’eau d’un ruisseau. Tous les animaux locaux : bovins, chèvres, ânes, etc… se baignent et se désaltèrent dans les mêmes eaux. Nous avons commencé une approche similaire de collecte de l’eau en Éthiopie où une grande partie du pays est aussi vallonnée et sujettes à l’érosion, avec aucune disposition particulière pour la récupération des eaux de ruissellement. L’accès à l’eau n’est pas seulement un problème pour la vallée du grand Rift : il est beaucoup plus répandu en Ethiopie [7] et aussi dans toute l’Afrique sub-saharienne [8].

De retour en Inde, nous nous attachons à construire des partenariats de type proactif avec des ONG pour influencer les gouvernements locaux, tout en recherchant le soutien de nos partenaires et sponsors, afin de diffuser notre approche au-delà des zones d’exploitation actuelles, y compris vers d’autres pays du monde, au profit des petits exploitants agricoles.

Dinabandhu Karmakar était conférencier lors de la Journée mondiale de l‘Eau le 22 mars 2013, dans le cadre du Festival ‘Colours of Water art/science/music’ (Festival ‘Couleurs de l’eau : arts / science / musique)’ qui s’est tenu à Londres du 12 au 28 mars 2013 (voir http://www.i-sis.org.uk/coloursofwater/). L’organisation PRADAN a présenté une autre technique de récupération de l’eau avec l’installation d’une vidéo pour le festival,’Earth Water & Life’ (Terre, eau et vie) (www.pradan.net).

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Notes complémentaires sélectionnées par le traducteur sur l’agriculture en Inde et en Afrique, notamment en Ethiopie, traitée dans l’article traduit ci-dessus

* Dans une correspondance de New Delhi, sous le titre ‘L’inde cajole ses agriculteurs, au lourd poids électoral’, Julien Bouissou rapporte notamment que « Le pays, qui absorbe 8 à 9 millions de nouveaux actifs par an, est réticent à ouvrir certains secteurs, comme l’agriculture, qui emploie des millions de personnes. Le secteur agricole pèse 17 % du PIB, mais fait travailler au moins 55 % de la population, au poids électoral considérable. Les taxes douanières sur les produits agroalimentaires peuvent atteindre 300 % ». Lire l’article du journal ‘Le Monde Eco&Entreprise’ des 16-17 juin 2013 sur : http://mobile.lemonde.fr/economie/article/2013/06/15/l-inde-cajole-ses-agriculteurs-au-lourd-poids-electoral_3430712_3234.html
* Sous le titre ‘Se lancer dans l’agriculture biologique en Inde : un pari fou ?’, dans un article de destinationchangemakers (Express Yourself), publié le 12/03/2013 à 10:21, les auteurs nous informent en particulier de la prééminence de l’agriculture et de la croissance de l’agriculture biologique en Inde dans deux sous-titres : « La moitié des indiens travaillent dans le secteur agricole, secteur le moins productif, qui produit suicides et gaspillage » et « L’alimentation biologique croit de 20% à 22% par an en Inde ». Introduction de l’article ; « Accès au logement, à l’électricité, à l’eau, aux soins : les besoins de la population indienne sont considérables. Pourtant, c’est dans l’agriculture biologique que l’entrepreneur Ashmeet Kapoor a investi son énergie. Avec succès, relate Jonas Guyot, du projet Destination Changemakers ». Article complet à découvrir sur le site http://www.lexpress.fr/emploi-carriere/emploi/se-lancer-dans-l-agriculture-biologique-en-inde-un-pari-fou_1230742.html
* Les services ‘Agriculture et Agroalimentaire Canada’ ont produit une étude intitulée ‘Examen des politiques agricoles de l’Inde’ – Accès à partir du site suivant : http://www4.agr.gc.ca/AAFC-AAC/display-afficher.do?id=1221139693169&lang=fra
* ‘Révolution verte en Inde’ sur le site http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_verte_en_Inde
* L’AGRICULTURE EN INDE Cinq types d’agriculture - site.univ-provence.fr/gsite/Local/geographie/dir/user-170/.../Inde.pdf‎
* L’organisation ‘Dialogues, Propositions, Histoires [DPH] pour une citoyenneté mondiale’
Centre d’Education et de Documentation, a réalisé une série de fiches signalées à la suite sur l’agriculture en Inde. Nous reprenons l’une de ces fiches ci-après.
‘L’agriculture paysanne en Inde’ - Centre for Education and Documentation – Septembre 2009.
« L’Inde constitue un élément clef de l’agriculture mondiale et du scénario alimentaire. Elle se situe à la seconde place en termes de production agricole. Elle est le plus grand producteur mondial de lait, noix de cajou, noix de coco, thé, gingembre et poivre noir et le second pour le blé, le riz, le sucre, l’arachide et les poissons d’eau douce. L’Inde produit 10 % des fruits dans le monde, est le premier producteur de bananes et de sapotes et est le troisième producteur mondial de tabac. Sur le plan intérieur l’agriculture est un élément central des moyens de subsistance. Près des deux tiers de la population indienne, forte de 1,1 milliard d’habitants, dépend directement de l’agriculture qui à son tour nourrit de manière substantielle l’ensemble de la population. L’Inde a donc une forte production et population agricole. L’agriculture est toujours le secteur économique le plus important et joue un rôle significatif dans le développement socio-économique de l’Inde.
Cependant, cette situation tend à s’éroder face à l’actuel modèle de croissance et de développement qui rend l’activité agricole précaire. Malgré son importance, l’agriculture ne représente que 18 % du PIB. Il est aussi significatif que depuis les réformes économiques de 1991, considérées comme les années glorieuses du « développement » de l’Inde où le pays a vu une croissance générale de plus de 9 % jusqu’en 2008, la production agricole ait décliné en termes monétaires. La croissance agricole entre 2002 et 2007 était de 1,87 % alors que dans les années 80, avant les réformes libérales, elle était de 5 %.
De plus, alors que la production a décliné, l’agro-industrie fondées sur les semences, les engrais, les pesticides et les machines agricoles s’est développée et a réalisé d’énormes profits. Le secteur de l’assurance agricole qui assure le cultivateurs de blé, de fruits, de riz et de caoutchouc en cas de catastrophe naturelle ou de baisse catastrophique de la production s’est également fortement enrichi.
Et pourtant, le résultat de la politique agricole de l’Inde est que, depuis 1991, les revenus des paysans n’ont augmenté que de 0,28 %, contre 4 % dans les autres secteurs. Le revenu moyen d’un foyer paysan est de 2.115 roupies par mois (une trentaine d’Euros), laissant plus de 48 % des paysans endettés et 40 % désirant quitter l’agriculture. Depuis 1997, plus de 150.000 paysans ont été amenés à se suicider.
Ce dossier consacré à la petite agriculture indienne revient sur les enjeux actuels de l’agriculture en Inde, les défis auxquels font face les petits paysans et les alternatives qui peuvent être développées. Il faut sans doute passer d’une vision de l’alimentation comme bien économique à une vision de l’agriculture comme moyen de subsistance. L’étude de l’agriculture traditionnelle indienne, le savoir et les méthodes utilisés par les petits paysans nous offrent des sources critiques d’alternatives, en particulier dans le contexte d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ». Ce dossier est disponible en anglais : Small scale farming in India - Autres documents disponibles :
Agriculture, alimentation et petits paysans en Inde
Une vue d’ensembleCentre for Education and Documentation, juillet 2009
En Inde, la révolution verte tourne au brun
Impact des technologies chimiquesCentre for Education and Documentation, juillet 2009
La politique agricole indienne et la réforme libérale
Centre for Education and Documentation, juillet 2009
L’impact des Zones Economiques Spéciales sur les petits agriculteurs en Inde
Centre for Education and Documentation, juillet 2009
La recherche agricole en Inde
Centre for Education and Documentation, juillet 2009
Economie de l’agriculture paysanne en Inde
Centre for Education and Documentation, juillet 2009
Micro-finance et petits paysans en Inde
Centre for Education and Documentation, juillet 2009
Le crédit agricole et ses conséquences sur la dette des petits agriculteurs
Centre for Education and Documentation, décembre 2009
Just Change India
Développer l’alliance producteurs-consommateursCentre for Education and Documentation, juillet 2009
Subhash Palekar, pionnier de l’agriculture naturelle en Inde
Valérie FERNANDO, février 2009
CED (Centre for Education and Documentation) - CED Mumbai : 3 Suleman Chambers, 4 Battery Street, Behind Regal Cinema, Mumbai - 400 001, INDIA - Phone : (022) 22020019 CED Bangalore : No. 7, 8th Main , 3rd phase, Domlur 2nd Stage, Bangalore - 560071, INDIA - Phone : (080) 25353397 - Inde - www.doccentre.net - cedbom@doccentre.net, cedban@doccentre.net - Source http://base.d-p-h.info/fr/dossiers/dossier-1603.html
* Concernant l‘Agriculture de l’Éthiopie, nous introduisons ici l’article de Wikipédia : « L’agriculture de l’Éthiopie est le moteur de l’économie du pays. Elle représente environ la moitié du produit intérieur brut (PIB), 60 % des exportations et 80 % des emplois. En Éthiopie, l’agriculture est régulièrement malmenée par la sécheresse, la régression et dégradation des sols liée au surpâturage, la déforestation, une forte densité humaine, un niveau élevé des impôts et des infrastructures très insuffisantes. Cependant, l’agriculture est la ressource la plus prometteuse du pays même si près de 5 millions de personnes ont encore besoin d’aide alimentaire chaque année alors qu’il existe un potentiel d’auto-suffisance en céréales. Beaucoup d’autres activités économiques dépendent de l’agriculture, dont le marketing, l’industrie et l’exportation des produits agricoles. La production est essentiellement destinée à la consommation locale (agriculture vivrière) et la plus grande partie des denrées qui sont exportées proviennent de l’agriculture industrielle. Les principaux produits agricoles sont le café, les gousses (par exemple les pois)), le colza, les céréales, les pommes de terre, la canne à sucre et les légumes. Les exportations de l’Éthiopie sont presque entièrement liées à des produits agricoles, le café occupant la plus grande part des échanges avec les pays étrangers. L’Éthiopie est le deuxième producteur de maïs d’Afrique 1 et possède l’un des plus grands cheptels du continent ».
Article complet à lire sur le site : http://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_de_l%27%C3%89thiopie
Concernant l’Afrique en général, et l’Ethiopie en particulier, nous reprenons à la suite une étude réalisée par ‘La revue de presse de la Mission Agrobiosciences’, publiée le 18 avril 2011 sous le titre : ‘Agriculture. Quand l’Ethiopie ne touche plus terre’... (article revue de presse : Courrier International, The Guardian, Sur le Feu, L’expansion).

« Pour bon nombre d’observateurs, il s’agit d’une conséquence des récentes crises financière et alimentaire. Dès 2008, tout particulièrement en Afrique, les gouvernements des pays en voie de développement ont cédé des surfaces grandissantes de terres arables aux firmes étrangères des pays riches. Dans un contexte d’incertitude des marchés internationaux, l’acquisition de ces terres encore non cultivées était censée permettre de cultiver ailleurs ce que l’on ne pouvait produire chez soi et, ce faisant, de sécuriser ses approvisionnements. Qualifié par les uns « d’accaparement des terres », au pire de « néocolonialisme », ce processus de location ou de vente de terres devait tout au contraire pour d’autres, y compris au sein de la Banque mondiale, « permettre de moderniser l’agriculture [des pays en voie de développement] et générer plus de profits et de denrées alimentaires pour la population locale » (Courrier International, août 2010). Un deal "gagnant-gagnant" en théorie. Depuis lors, les projets se sont multipliés au Congo, au Soudan, en Tanzanie, au Kenya ou encore à Madagascar, suscitant, toujours et encore les mêmes polémiques. Le nombre d’hectares ainsi cédés croît rapidement – 35 millions dont la grande majorité en Afrique si l’on en croit les dernières données de la Banque mondiale. Un phénomène qui soulève de nombreuses questions comme l’illustre parfaitement l’un des derniers projets en date en Ethiopie, projet au coeur du documentaire "Planète à vendre" d’Alexis Marant diffusé ce mardi sur Arte. Décryptages au fil de cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences ».
 
Ethiopie. Le "deal" du siècle
« Pour le quotidien anglais The Guardian, il s’agit tout simplement du « deal » du siècle. En Ethiopie, le gouvernement vient de passer un accord avec l’un des géants mondiaux de l’agro-business, l’entreprise indienne Karuturi. L’accord porte sur la location, pendant 50 ans, de 3 millions d’hectares de terres dans la région du Gambella ! Des terres vierges, extrêmement fertiles, cédées à un prix dérisoire aux dires du responsable du projet, Karmjeet Sekhon [1]. L’objectif ? Cultiver, dans des exploitations ultra modernisées, de l’huile de palme, du sucre de canne ou encore du riz. En « échange », l’entreprise prévoit la construction de multiples infrastructures – routes, réservoirs - et même des villages entiers, pour accueillir les 60.000 personnes qui travailleront sur ces terres ».
Objectif : assurer les approvisionnements
« Amélioration des pratiques culturales et des rendements, accès aux dernières technologies, modernisation des infrastructures, création d’emplois… C’est là, officiellement, tout l’enjeu de ce type de démarche qui, aux yeux du ministre éthiopien de l’agriculture, « permettra indéniablement de soutenir le développement de l’agriculture paysanne » (Cité par le site Sur le feu). Et, toujours selon les autorités, devrait résoudre au passage l’éternel problème de la pénurie alimentaire, l’Ethiopie étant l’une des nations les plus dépendantes au monde des aides alimentaires et au développement. C’est donc au nom de la sécurisation des approvisionnements et de la réduction de la pauvreté que le gouvernement multiplie les accords avec des firmes étrangères, dans le cadre de son Plan de croissance et de transformation quinquennal. L’Inde n’est pas en effet la seule nation a avoir bénéficié de l’octroie de terres à bas prix. Selon The Guardian, ce ne sont pas moins de 36 pays dont la Chine, le Pakistan ou l’Arabie Saoudite qui développent actuellement des projets de grande envergure, principalement dans la région du Gamella. Non sans faire grincer quelques dents ».
Une fausse bonne idée ?
« Le site « Sur le feu » dresse la liste des limites d’une telle démarche. Premier écueil pointé, la nature même des denrées cultivées. L’article explique ainsi qu’un riche investisseur saoudien met actuellement sur pied une grande ferme rizicole, dont la production doit être vendue sur le marché éthiopien à hauteur de 40%. Lorsque qu’on sait que, bien souvent, les denrées produites sur ces terres louées sont en très grande majorité destinées à l’exportation, on peut se réjouir que, dans ce cas, elles atterrissent aussi sur le marché intérieur. Mais voilà : la consommation de riz n’est pas très répandue en Ethiopie souligne l’article… Autre point d’accroche avec la politique gouvernementale, si ces terres sont effectivement fertiles et vierges, elles ne sont pas pour autant désertes… Traditionnellement, le Gamella [Additif du traducteur : il s’agit plus précisément de la région Gambela] est, pour de nombreux éleveurs nomades de la région, une terre de pâturage. En théorie, même si cette dernière appartient à l’Etat, les éleveurs disposent d’un droit d’utilisation pour le pacage et l’agriculture, et ne peuvent en être expulsés. C’est là que les choses se corsent et que le flou s’installe… D’un côté, on peut lire dans la presse que le gouvernement éthiopien mène actuellement une campagne de « villagisation » : les éleveurs qui le souhaitent sont conviés à s’installer dans des villages où l’accès aux services (scolarité, centre de soins, accès à l’eau potable) se trouve renforcé. De l’autre, la presse suggère que ce programme n’a d’autre fonction que d’évincer les éleveurs de leurs terres pour mieux les céder aux firmes étrangères. Une perspective que dément formellement le gouvernement. Quoi qu’il en soit, ce qui semble sûr, c’est qu’avec l’installation progressive de ces grandes exploitations, les zones de pâturage se réduisent peu à peu, mettant ainsi en péril l’activité pastorale. A cela s’ajoute la question des salaires pour les personnes travaillant sur ces exploitations. Pour les grandes firmes, ceux-ci sont conformes aux normes nationales ; pour les travailleurs, la paye se situe bien en dessous des rémunérations promises. D’où le désarroi exprimé par l’un des éleveurs concernés par le programme de « villagisation » : « Karuturi et le gouvernement nous avaient promis que nous aurions de meilleurs emplois, de meilleures conditions de vie, mais jusqu’à présent, ils n’ont rien fait d’autre que de nous prendre nos terres et nous réduire à une profonde pauvreté ».
Partout, le même refrain…
« Ethiopie, Mali, Congo, Zambie… Quelque soit le lieu, la problématique se répète inlassablement. A l’objectif d’autosuffisance alimentaire et de modernisation de l’agriculture annoncé par les gouvernements, répondent les craintes quant à la fragilisation de la souveraineté alimentaire, le risque d’engendrer une génération de paysans sans terre ou encore l’impact sur les écosystèmes. Au cœur du problème, la grande opacité de termes des accords passés entre les Etats et les grandes firmes. C’est ce que pointait, déjà, en 2009, le rapporteur spécial des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter : « les rares accords que nous avons pu consulter sont préoccupants : longs de trois ou quatre pages au maximum, ils comportent très peu de précisions sur les obligations des investisseurs étrangers (…) les investissements dans les infrastructures, la gestion durable des ressources naturelles, toutes ces questions sont laissées au bon vouloir de l’investisseur. C’est très inquiétant ». Force est de constater que ces propos sont "on ne peut plus" d’actualité ».
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 18 avril 2011
Lire sur ce sujet la réaction de Valentin Beauval, agronome, membre d’Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières : Cession de terres arables au Mali : "En privant les ruraux de terres, on les prive d’avenir.
Sources :
 "Planète à vendre" ou la délocalisation lucrative de l’agriculture. Romandie news, 15 avril 2011.
 Agriculture. Spéculateurs en quête de terres arables. Courrier International, The Guardian, 26 août 2010.
 Ethiopia at centre of farmland rush. John Vidal, pour The Guardian, 21 mars 2011.
 La propriété des terres agricoles, débat très vif en Ethiopie. Sur le feu, 10 avril 2011.
 Au Mali, la cession des terres crée la polémique. L’expansion/L’express, 28 février 2011.
 Zambie. Les investisseurs étrangers bienvenus. Courrier international, février 2011.
 Economie. Razzia des pays riches sur les terres arables. Courrier International, The Straits Times, 29 septembre 2009.
Alexis Marant, le réalisateur du documentaire "Planète à vendre" était l’invité, le samedi 16 avril 2011, de l’émission "On n’arrête pas l’éco", aux côtés de l’économiste Philippe Chalmin. En savoir plus
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences :
 Sols à cultiver, sols à préserver. Quand la terre fait l’objet de nouvelles conquêtes. Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, décembre 2008.
 La sécurité alimentaire, condition sine qua non au développement de toutes les nations. L’intervention de Thomas Lines, analyste économique, spécialiste des marchés agricoles, lors des 16e Controverses de Marciac. La Méditerranée au cœur de l’Europe : sonder les fractures, dévoiler les failles, révéler les accords
 "L’alimentation en bout de course " Les raisons de la flambée des prix agricoles mondiaux. L’intégrale de l’émission "Ça ne mange pas de pain !" diffusée en avril 2008. Avec les participations des économistes, Lucien Bourgeois et Marcel Mazoyer, et de l’historien Steven Laurence Kaplan. Télécharger l’Intégrale PDF
 Crise économique et sécurité alimentaire : les politiques agricoles ont-elles encore un avenir ?. L’intervention de Lucien Bourgeois, économiste, membre de l’Académie d’Agriculture, lors des 15e Controverses de Marciac, « L’Europe et le Monde, de crises en déprises... L’alimentation à couteaux tirés ». Télécharger la conférence PDF
Consulter le catalogue "Lutte contre la faim : analyses, décryptages, leviers d’action" publié par le magazine Web de la Mission Agrobiosciences

Source : http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=3058

* Article en anglais sur l’organisation indienne PRADAN : ‘PRADAN : Expanding Livelihood Opportunities’. Source : http://www.peoplematters.in/articles/learning-curve/47-pradan-expanding-livelihood-opportunities

Traduction, notes complémentaires et inclusion des accès aux définitions en français

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles.
Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
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