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"L’intégrité scientifique à Washington" par le Professeur Peter Saunders

Traduction et compléments de Jacques Hallard

mercredi 15 décembre 2010, par Saunders Professeur Peter

ISIS Sciences Politique
L’intégrité scientifique à Washington
Scientific Integrity in Washington :
À l’opposé de son prédécesseur, le président Obama fait la promotion de l’intégrité scientifique dans le gouvernement des Etats-Unis ; d’autres autorités, y compris dans les organisations scientifiques et les universités, devraient lui emboîter le pas.
Professeur Peter Saunders

Rapport ISIS 15/12/2010
L’article original en anglais, avec toutes les références, est intitulé Scientific Integrity in Washington : il est accessible par les membres de l’ISIS sur le site suivant : krauss.faculty.asu.edu/scientifintegaps.pdf
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Le 29 Septembre 2010, l’US Department of the Interior (DOI), le Ministère de l’Intérieur des Etats-Unis a annoncé qu’il était en train d’élaborer un ordre interministériel afin d’assurer l’intégrité scientifique dans les services administratifs, selon les termes de son communiqué de presse [1] :
« Cette politique doit clairement ordonner que les employés du ministère, élus politiques et administratifs de carrière, ne doivent jamais supprimer ou modifier, sans preuves scientifiques ou technologiques, sans découvertes scientifiques ou technologiques ou sans conclusions. En outre, les employés ne seront pas contraints de modifier ou de censurer des découvertes scientifiques, et les employés seront protégés s’ils découvrent et signalent les fautes professionnelles scientifiques émanant de personnels politiques ou de fonctionaires de carrière. Il est du devoir de chaque employé, de carrière et politique, de faire un rapport concernant de telles inconduites. Cette politique et un code d’éthique sur l’intégrité scientifique vont guider la conduite des scientifiques et des décideurs d’une manière qui soit au-dessus de tout reproche ».

Les détails doivent encore être élaborés et il faudra un certain temps avant que nous puissions juger comment cette nouvelle politique, différente de celle du récent passé, passera dans la pratique. Mais c’est déjà un signal très encourageant de l’administration Obama. En particulier, la façon dont le projet initial a été modifié, en réponse aux critiques des scientifiques, nous donne des raisons d’être optimiste.

La recherche scientifique sous Bush

Sous George W. Bush, la science a été considérée non pas comme une source de preuves pouvant être utilisées dans les prises de décision, mais comme un soutien à apporter aux décisions déjà prises.

Si les conclusions des recherches n’apportaient pas un soutien dans la position du gouvernement, ces conclusions devaient être modifiées pour qu’elles soient en accord avec la position officiellemnt exprimée.

L’exemple le plus fameux fut celui qui impliqua Philip Cooney, chef de cabinet de Bush à la Maison Blanche pour le Conseil sur la qualité environnementale, qui édulcora des rapports, minimisant les effets du réchauffement climatique [2]. Cooney avait été antérieurement le chef de groupe sur le climat à l’Institut du pétrole américain, un organisme représentant les intérêts de l’industrie pétrolière, et quand sa falsification des rapports fut connue, il quitta alors le Conseil pour intégrer un emploi chez Exxon-Mobil [3]. Les scientifiques de l’Environmental Protection Agency (EPA), l’Agence de protection de l’environnement furent constamment sous la pression continue des sociétès minières et des secteurs du pétrole et du bois, pour supprimer les protections régissant des zones sensibles.

Ce n’est pas seulement l’environnement qui en a souffert. En 2006, en réponse à un questionnaire envoyé par l’Union of Concerned Scientists (UCS), 183 scientifiques travaillant pour la Food and Drug Administration (FDA), l’Administration de l’alimentation et des médicamnts aux Etats-Unis, avaient déclaré [4] « qu’il leur avait été demandé, pour des raisons non scientifiques, d’exclure de façon inappropriée ou de modifier des renseignements techniques, ou encore leurs conclusions, dans un document scientifique de cet organisme FDA ».

En 2001, le Washington Times, un quotidien fondé par Sun Myung Moon, et à ce moment détenu et fortement subventionné par son Eglise de l’Unification, avait fait valoir que certains scientifiques avaient falsifié des données sur les études des populations de lynx du Canada, afin de tromper le gouvernement en les déclarant comme une espèce en danger [5]. L’histoire avait été immédiatement reprise par l’agence Associated Press (AP) qui la diffusa largement. Partout dans le pays, parurent des articles attaquant le Service des forêts et le Service des pêches et de la faune sauvage.

Lorsqu’il parut évident que l’histoire était fausse, il n’y eut pas de rétractation ni d’excuses, un porte-parole de l’AP avait expliqué que ce serait « trop difficile » [6]. Au lieu de cela, alors qu’il était secrétaire de l’Intérieur, Gale Norten, avait produit un projet de code de conduite visant à décourager les scientifiques du gouvernement de falsifier leurs résultats. Cela eut pû sembler une réponse bizarre, car les enquêtes avaient démontré qu’aucun des résultats n’avaient été falsifiés, mais que l’administration Bush était manifestement désireuse d’exercer plus de restrictions, même envers les scientifiques. En fin de compte, cependant, ils avaient constaté qu’ils avaient des demandes plus pressantes sur leur temps à y consacrer, comme l’invasion de l’Irak, et le code ne fut jamais finalisé.

Le nouveau code

Peu de temps après, Obama est entré à la Maison Blanche et il a demandé aux agences et aux organismes fédéraux d’élaborer des politiques pour l’intégrité scientifique, avec des directives qui seront établies par le Bureau de la Maison Blanche pour la politique scientifique et technologique [7].

Toutefois, lorsque le ministère de l’Intérieur (DOI) a publié son projet d’ordonnance [8], le 31 août 2010, il y eut une tempête de protestations de la part des scientifiques. Le DOI [Ministère de l’Intérieur aux Etats-Unis] a essentiellement ressuscité son avant-projet de 2003, qui ne traite que les cas d’inconduite scientifique. Il ne dit rien sur les administrateurs, les politiciens ou les nominations politiques, alors même que c’est là que la plupart des problèmes se posent.

Le scandale à propos du changement climatique fut un exemple ; un autre nous fut fourni, en 2007, lorsque Julie MacDonald, alors sous-secrétaire adjoint de l’US Fish and Wildlife Service, eut à démissionner peu après son entrée, lorsque la lumière fut faite sur sa conduite : elle avait infirmé les constatations sur les espèces en voie de disparition, telles que le tétras des armoises lors de l’édition des documents par des scientifiques [9].

L’Union of Concerned Scientists (UCS) a demandé à ses partisans de présenter des observations au DOI. Plus de dix mille réponses ont été reçues, et moins d’un mois après que le projet est apparu, le Secrétaire de l’Intérieur, Ken Salazar, a annoncé la nouvelle politique [1], citée au début de cet article. Bien sûr, comme le souligne l’UCS, ce n’est qu’une esquisse et il y a encore beaucoup à faire pour le transformer en un ensemble pratique de règles [10], mais c’est une étape très encourageante qui va dans la bonne direction.
Alors que le nouvel ordre ne s’applique naturellement qu’aux agents qui travaillent pour le DOI, il pourrait avoir une plus large influence. Il devrait servir de modèle pour d’autres ministères. En outre, les universités, les instituts de recherche et les entreprises devraient adopter des politiques similaires, et même s’il n’en n’est pas ainsi, l’ordre énoncé pourrait servir de modèle de bonne pratique en cas de litige.

Le gouvernement devrait également insister pour que le code soit respecté par toute organisation travaillant pour le compte du gouvernement ou produisant quelque chose pour lequel le gouvernement paie, comme dans le cas des produits pharmaceutiques.

Lorsque le ‘dénonciateur’, la ‘lanceur d’alerte’, Cheryl Eckard gagna 96 millions de $ US en dommages et intérêts de la part de GlaxoSmithKline, elle avait pu déposr sa poursuite en vertu de l’US False Claims Act, une loi des Etats-Unis qui est conçue pour permettre aux citoyens ayant une connaissance d’une fraude de la part du gouvernement, d’intenter des poursuites et de partager une partie du produit de la reprise [11]. Si le gouvernement n’avait pas été impliqué, sa position aurait été beaucoup plus faible.

Le code selon Sir David King

Le nouvel ordre du DOI contraste fortement avec le Code de déontologie proposé par Sir David King quand il agissait en tant que conseiller scientifique en chef pour le gouvernement du Royaume-Uni [12]. Comme le projet de 2003 du DOI, il ne concerne que les fautes commises par les scientifiques. Il ne dit rien sur l’utilisation abusive de leurs travaux par les décideurs.

En particulier, le code King oblige les scientifiques à ne pas diffuser de travail à moins qu’il n’ait été examiné et validé par des pairs. Cela a pour effet d’interdire la dénonciation, le rôle des lanceurs d’alerte qui, presque par définition, implique la divulgation de renseignements qui n’ont pas encore été soumis au processus d’examen par les pairs.

La politique du DOI aurait pu aider Arpad Pusztai, Nancy Olivieri, Aubrey Blumsohn et les autres braves scientifiques dans leurs luttes que nous avons signalées au cours des dernières années (voir par exemple [13-15] Pusztai Publishes Amidst Fresh Storm of Attack , ISISNews 3 ; Big Business = Bad Science ?, ISISNews 9 ; Actonel : Drug Company Keeps Data from Collaborating Scientists, SiS 30).

D’autre part, le code King aurait permis aux organisations dont les scientifiques étaient critiqués, de devoir s’acquitter du paiement des frais pour une violation grave de l’éthique scientifique, indépendamment de la véracité ou de l’importance de leurs créances.

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Définitions et compléments en français :

Traduction, définitions et compléments :


Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
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