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"Qu’est-ce que l’eau liquide ? " par le Prof. Martin Chaplin

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 15 avril 2013, par Chaplin Martin

ISIS Physique Chimie Biologie
Qu’est-ce que l’eau liquide ?
What is Liquid Water ?
Les complexités tout à fait particulières de l’eau liquide en font, d’une façon très inattendue, un constituant parfaitement adapté pour le vivant. Prof. Martin Chaplin

Rapport de l’ISIS en date du 18/03/2013
Une version entièrement illustrée et référencée de cet article intitulé What is Liquid Water ? est disponible et accessible par les membres de l’ISIS sur le site suivant : http://www.i-sis.org.uk/What_is_Liquid_Water.php ; elle est par ailleurs disponible en téléchargement ici
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Tout le monde connaît quelques-unes des propriétés de l’eau liquide. Souvent, la plupart des gens pensent que ses propriétés sont typiques des liquides en général.
Par exemple, beaucoup de personnes pensent que tous les liquides dissolvent les gaz moins bien à des températures plus élevées. C’est une erreur ; c’est le contraire qui est vrai. L’eau liquide se comporte simplement comme la plupart des autres liquides à des températures très élevées (c’est à dire quand ils sont réchauffés), mais l’eau est étrange et atypique aux basses températures. Dans l’ensemble, l’eau liquide peut être considérée comme un mélange intime de deux phases miscibles : l’une étant prédominante aux basses températures et l’autre étant prédominante aux températures élevées.
Il est généralement admis que la liaison hydrogène est la cause de ces phénomènes, mais la confusion règne toujours à propos de la "liaison hydrogène" qui est impliquée dans l’eau. On ne devrait plus se contenter de décrire (ou prendre comme modèle) de l’eau liquide en termes d’eau individuelle (H2O) ou de décrire les molécules des liaisons hydrogène de l’eau comme de simples interactions électrostatiques entre ses molécules discrètes. Nous devons considérer à la fois les effets quantiques des protons et des délocalisations des électrons au sein d’un réseau ou de réseaux étendus de molécules d’eau : c’est à dire que ni les protons ni les électrons ne sont rattachés à des molécules individuelles.

L’eau est tout particulièrement apte à la vie et au vivant

Les organismes vivants se composent principalement d’eau liquide et la vie sur Terre dépend de la structure inhabituelle et de la nature anormale de l’eau liquide [1]. L’eau biologique remplit de nombreuses fonctions et ne doit jamais être considérée simplement comme un diluant inerte : elle transporte, lubrifie, réagit, stabilise, signale, structure et établit des compartiments. Le monde vivant doit être considéré comme un partenariat à parts égales entre les molécules biologiques et celles de l’eau. La force faible des liaisons hydrogène, qui se relient entre les molécules d’eau, semble parfaitement adaptée aux processus de la vie : elle est facilement formée mais elle n’est pas trop difficile à briser. En dépit de quantités de travaux qui ont été effectués sur le sujet, beaucoup de propriétés de l’eau restent encore énigmatiques.
La forte cohésion entre les molécules dote l’eau d’un point de fusion et d’un point de congélation élevé, faisant en sorte que les êtres vivants et toute la planète baignent dans de l’eau liquide. La capacité thermique ou calorifique de l’eau et sa forte conductivité ou conductibilité thermique évitent les fluctuations de température au niveau local dans les organismes, ce qui leur permet de contrôler plus facilement la température de leur corps. La chaleur latente de vaporisation confère une résistance à la déshydratation et le refroidissement par évaporation est considérable.
Singulièrement, l’eau s’ionise et permet l’échange facile des protons entre les molécules, ce qui contribue à la richesse des interactions ioniques [Voir liaison chimique] dans le monde de la biologie. L’eau liquide est un excellent solvant du fait de sa nature polaire, de sa petite taille, ainsi que par sa ‘constante diélectrique’ ou permittivité relative élevée, en particulier pour les composés et les sels polaires et ioniques. L’eau dissout même dans le verre et dans les plastifiants : il est donc très difficile d’obtenir de l’eau vraiment pure, contenant moins de 5 ng g-1 de soluté. L’unique hydratation de l’eau des macromolécules biologiques importantes – notamment des protéines et des acides nucléiques - détermine la constitution des structures tridimensionnelles, et donc la nature de leurs fonctions.
De même, l’eau liquide interagit avec des molécules plus petites, donnant lieu à des transformations structurelles complexes, à des agrégations et à des phases aqueuses différentiables, aussi bien à l’échelle macroscopique qu’à l’échelle nanoscopique. L’hydratation conduit à la formation de solutions et de gels ; les transitions de phase réversibles gel-solution sont à la base de nombreux mécanismes cellulaires.
À près de 4° C, l’eau se dilate à la fois lors de son réchaufement et lors de son refroidissement. Cette densité maximale, ainsi que celle de la glace de faible densité fait que : (i) il est nécessaire pour toute la masse d’une eau douce, et pas seulement en surface, soit proche de 4° C avant que la congélation puisse se produire, (ii) le gel dans les rivières, les lacs et les océans se produit du haut vers le bas, de sorte que cela permet la survie de l’écologie en profondeur, en isolant l’eau et en évitant qu’elle ne gèle davantage en profondeur, ce qui a comme effet aussi de refléter la lumière du soleil en retour vers l’espace, et permet une décongélation rapide, et (iii) la convection thermique est induite par la densité permettant des brassages et des mélanges saisonniers et une oxygénation dans les profondeurs.
La grande capacité thermique des océans et des mers leur permet d’agir en tant que réservoirs de chaleur, de telle sorte que les températures de la mer varient seulement d’un tiers par rapport aux écarts des températures terrestres, modérant ainsi les écarts climatiques. La tension de surface élevée de l’eau, ainsi que son expansion lors de la congélation, favorisent l’érosion des roches, donnant ainsi naissance aux sols cultivables qui sont nécessaires pour notre agriculture.
Parmi les anomalies les plus caractéristiques de l’eau, il faut souligner les propriétés diamétralement opposées de l’eau chaude et de l’eau froide, avec un comportement anormal plus accentué à basse température, à laquelle les propriétés de l’eau en surfusion, qui sont aussi souvent divergentes de celles de la glace hexagonale lorsque la température est encore basse.
Lorsque de l’eau liquide très froide ou en surfusion est chauffée, elle se contracte et devient moins facile à comprimer, et l’indice de réfraction augmente, la vitesse du son en son sein augmente, les gaz y deviennent moins solubles, et elle est plus difficile à réchauffer, et elle est enfin un mauvais conducteur de la chaleur.
En revanche, lorsque de l’eau liquide très chaude est davantage réchauffée, elle se dilate, elle devient plus facile à compresser, son indice de réfraction s’abaisse, la vitesse du son en son sein diminue, les gaz y deviennent plus solubles, elle est plus difficile à réchauffer et elle est moins bonne conductrice de la chaleur. Lorsque la pression augmente, les molécules d’eau froide se déplacent plus rapidement, mais les molécules d’eau chaude se déplacent plus lentement. L’eau chaude gèle plus vite que l’eau froide et la glace fond lorsqu’elle est comprimée, sauf à haute pression où l’eau liquide gèle lorsqu’elle est compressée. Aucune autre matière n’est généralement retrouvée à la fois sous forme solide, liquide et gazeuse sur la planète Terre. Un aperçu de ces propriétés anormales de l’eau provient de la compréhension du fait que les molécules d’eau forment un réseau infini de liaisons hydrogène, avec deux formes de regroupement localisé et structuré.
L’eau liquide est décrite comme un mélange intime de deux phases liquides : celle qui a de bonnes liaisons hydrogène dans un espace à trois dimensions, une structure ouverte et moins dense, avec une capacité d’hydratation inférieure, d’une part, et celle qui se compose essentiellement de chaînes de liaisons hydrogène, avec une structure plus dense et plus compacte et une plus grande capacité d’hydratation, d’autre part.
L’équilibre entre ces deux formes de structures est dépendant de la température, de la pression, des solutés et des autres phases présentes, d’une manière qui est facile à comprendre, une fois que le concept de base est défini et accepté.

Clustering ou agrégation des molécules d’eau

Un fait important, récemment découvert et souvent négligé, est que l’eau liquide n’est pas homogène à l’échelle nanoscopique (c’est-à-dire de l’ordre du nanomètre) [1-7]. La haute densité de l’eau liquide est principalement due à la nature cohésive de son réseau de liaisons hydrogène, dans lequel chaque molécule d’eau est capable de former quatre liaisons hydrogène. Cela permet de réduire le volume libre et assure sa densité relativement élevée, compensant partiellement la nature ouverte du réseau de liaisons hydrogène.
Il est habituel que les liquides s’accroissent en volume lorsqu’ils sont chauffés, à toutes les températures. L’anomalie du comportement de l’eau par rapport à la température et à la densité, peut être expliquée en utilisant une gamme d’environnements au sein des grappes entièrement ou partiellement formées. La densité maximale à 4° C est provoquée par les effets opposés de l’augmentation de la température, ce qui provoque à la fois : (i) l’effondrement de la structure des liaisons hydrogène, et qui augmente donc la densité et (ii) l’expansion ou dilatation thermique, de sorte que la densité s’abaisse. .
Contrairement à une réaction intuitive, la distance entre les molécules d’eau diminue car la densité diminue aux basses températures vers le point de surfusion ; la diminution de la densité étant principalement due à la réduction du nombre de voisins les plus proches. A des températures plus basses il y a une plus forte concentration de groupes élargis, causée par des liaisons hydrogène fortes et plus directionnelles.
Toutefois, aux températures plus élevées, il y a davantage d’agrégats avec des liaisons hydrogène repliées ou effondrées et de plus petits agrégats avec des liaisons hydrogène, mais le volume qu’ils occupent se dilate avec la température en raison de l’augmentation de l’énergie cinétique moléculaire. Le changement vers moins d’expansion des agrégats avec les liaisons hydrogène dans l’eau liquide lorsque la température augmente, s’accompagne de changements positifs, à la fois en ce qui concerne l’entropie et l’enthalpie, ce qui est dû respectivement à une structure moins ordonnée et plus de flexion des liaisons hydrogène (figure 1).
Figure 1 Deux groupes tétramère d’eau peuvent se former à partir d’un cluster octamère
De petits groupes de quatre molécules d’eau (B) peuvent se regrouper pour former des bicyclo-octamères (A). Des structures semblables à (B) présentent un plus grand nombre de molécules d’eau coordonnées par 2-, 3- et 5-, comme elles se trouvent dans l’eau liquide à des températures plus élevées, tandis que les structures semblables à (A) présentent un plus grand nombre de molécules d’eau coordonnées par 4 et avec 4 liaisons hydrogène, comme on le retrouve à des températures plus basses dans l’eau liquide.
La proportion entre (A) et (B) est finement équilibrée, car il y a deux minima de potentiels énergétiques grâce à la compensation des différences d’entropie des liaisons hydrogène et des interactions de van der Waals : mais avec des liaisons hydrogène fortes (mais une entropie inférieure), la structure (A) est plus stable à des températures plus basses.
La concurrence entre la maximisation des interactions de van-der Waals (en B, ce qui donne une entropie d’orientation plus élevée, une densité plus élevée et des énergies de liaison eau-eau qui sont individuellement plus faibles, mais plus nombreuses), d’une part, et en maximisant la liaison hydrogène (en A, ce qui donne une structuration plus ordonnée, une densité plus faible et des énergies de liaison eau-eau qui sont moins nombreuses mais plus fortes), d’autre part, la concurrence est finement équilibrée et facilement déplacée lorsque les conditions physiques, les solutés et les surfaces changent.
La barrière d’énergie potentielle entre ces états veille à ce que les molécules d’eau préfèrent soit la structure A, soit la structure B, avec peu de temps à passer avec des structures intermédiaires. Une molécule d’eau individuelle peut être dans l’état A à l’égard de certains voisins, tout en étant dans l’état B par rapport aux autres voisins, ce qui entraîne des fluctuations de densité à l’échelle nanométrique dans l’eau liquide.
En outre, ces bicyclo-octamères peuvent se regrouper pour former des réseaux plus étendus, une stabilisation des cavités clathrates, et ces agrégats à trois dimensions plus étendus seront plus visibles à des températures encore plus basses (Fig. 2). De nombreux articles ont été publiés, montrant la présence de ces "agrégats à deux états" dans l’eau liquide et la façon dont ce concept permet de mieux comprendre les propriétés de l’eau liquide et de ses solutions.
Figure 2 - Le plus petit agrégat d’eau qui peut être stabilisé par de petites molécules hydrophobes ou par des ions cosmotropes, est l’agrégat (H2O)100 qui se trouve dans une nanogoutte d’eau encapsulée dans une cavité dans un polyoxomolybdate [8]. Dans ce schéma, les atomes d’oxygène dans le dodécaèdre central (H2O)20 sont colorés en bleu
La liaison hydrogène, bien que cohérente dans la nature, maintient ainsi les molécules d’eau séparées l’une de l’autre. C’est le conflit entre ces deux effets, et comment elle varie en fonction des conditions, qui confère à l’eau plusieurs de ses propriétés inhabituelles. Les solutés vont interférer avec l’équilibre des agrégats en favorisant soit la structure ouverte (telle que A), soit la structure écrasée (comme B). Tout effet pourra causer des changements dans les propriétés physiques de la solution, comme la densité, la viscosité ou la solubilité de co-solutés.
Les agrégats reliés par une liaison hydrogène importante peuvent être considérés comme reliés par une délocalisation électronique importante (fig. 3). Comme les électrons ne sont pas retenus par des molécules individuelles, mais qu’ils peuvent être facilement répartis entre des agrégats d’eau, ils peuvent donner lieu à des secteurs ou des domaines cohérents [9] interagissant avec le rayonnement électromagnétique local.
Les protons de l’eau ne sont pas non plus retenus par des molécules individuelles, mais ils peuvent basculer entre des partenaires d’une manière ordonnée à l’intérieur des réseaux distincts.
Figure 3 - Ni les protons, ni les électrons ne sont rattachés à des molécules individuelles 

Nanobulles

Les gaz atmosphériques se dissolvent dans l’eau, puis forment des nanobulles (d’un diamètre <1 micron) et des microbulles (1-100 microns de diamètre) dont certaines peuvent se développer et remonter à la surface. Ce processus entraîne en continu, mais de manière un peu chaotique, des changements hétérogènes dans les concentrations de gaz dans l’eau liquide sur des périodes de temps importantes ( »100 s) et il entraîne par conséquent des changements continus dans les structures à base de liaisons hydrogène et dans les propriétés fonctionnelles de l’eau.
Les nanobulles sont des cavités contenant du gaz dans des solutions aqueuses [10-12]. Elles sont sous une pression excessive car la tension superficielle provoque une tendance à minimiser leur surface, et donc leur volume. Le gaz dans les nanobulles est en constante évolution : les nanobulles augmentent ou diminuent par diffusion selon que la solution environnante est trop saturée ou sous-saturée avec le gaz dissous par rapport à la pression élevée dans la cavité.
Comme la solubilité du gaz est proportionnelle à la pression du gaz, et que cette pression est exercée par la tension de surface qui est inversement proportionnelle au diamètre des bulles, il y a une tendance de plus en plus forte pour que les gaz se dissolvent car la taille des bulles diminue. La pression intérieure du gaz augmente fortement à des diamètres très petits des bulles et cela accélère ainsi le processus.
Cette dissolution est augmentée par le mouvement de la bulle et par la contraction lors de ce processus, ce qui facilite l’élimination de toute solution saturée en gaz autour des cavités. Les calculs théoriques, en utilisant l’équation de Laplace bien connue, montrent que les nanobulles ne devraient persister que pendant quelques microsecondes [13].
Cependant, la facilité avec laquelle l’eau forme des bulles visibles plus grosses sous pression de légère traction, bien en dessous de la résistance à la traction de l’eau et la plus grande difficulté de dégazage, indiquent toutes deux la présence généralisée de nanobulles contenant des gaz (cavités). Au cours de ces dernières années, de nombreux chercheurs ont montré que ces nanobulles (d’un diamètre d’environ 100 nm) se trouvent souvent en collaboration avec des nanoparticules de solides ou de semi-solides fortement hydratés, bien que de telles solutions apparaissent clairement.
Des nanobulles peuvent être détectées par diffraction de la lumière ou par la mesure de masse par résonance et elles sont facilement distinctes des nanoparticules. Une explication proposée est que les grappes de nanobulles sont stabilisées par des solutés ioniques et contenant du gaz à la pression atmosphérique [14].
Une forte densité de nanobulles peut être créée dans une solution avec un mélange hétérogène et peut se maintenir pendant des semaines [10]. La quantité totale de gaz dans ces solutions dde nanobubbles peut atteindre 600 cm3 par litre d’eau (volume converti à température et à pression normales). Cela permet à des substances peu solubles de rester en suspension de manière stable dans la solution, tels que des arômes qui sont facilement reconnus par des tests de dégustation.
La raison la plus probable pour que les nanobulles se maintiennent longtemps est que l’interface gaz / liquide de la nanobulle est chargée [15], introduisant une force d’opposition à la tension de surface, ce qui ralentit donc ou empêche leur dissipation. Ainsi, bien que la tension de surface amènerait la surface de la nanobulle à se rétrécir, ceci est empêché par la répulsion entre les charges à la surface, ce qui se provoque une expansion de la surface. Il est clair que la présence de sortes de charges au niveau des interfaces, réduit l’effet de la tension superficielle, avec répulsion de la charge agissant dans le sens opposé à la tension de surface.
Tout effet peut être augmenté par la présence d’autres matières chargées qui favorisent l’interface gaz-liquide, tel que la concentration naturelle des ions hydroxyde [anion HO-) à un pH neutre ou basique. Il est en outre probable que les charges de surface sont stabilisées par la forte concentration de gaz dissous dans la couche de surface, ce qui produit un environnement favorable aux grands anions chaotropiques. Ces surfaces chargées négativement sont vastes et auront leurs propres caractéristiques de solubilisation, elles seront capables de retenir les molécules qui sont par ailleurs très peu solubles dans l’eau liquide en vrac. En outre, la stabilité des nanobulles est supérieure en raison de la lenteur de la diffusion du gaz à la surface du liquide en vrac à partir des nanobulles [16].
Les nanobulles ont une tendance à l’auto-organisation [17] dans une large mesure, de la même manière que les émulsions huile-eau chargées, que les colloïdes [18] et que les nanoparticules. Cela est dû à leur charge, à des interactions à longue portée et à une diffusion lente. Là où il y a un grand nombre de nanobulles de phase en vrac, comme dans les solutions aqueuses électrolysées, il y a des quantités d’eau relativement importantes qui sont associées aux surfaces, et qui ont des propriétés différentes de l’eau en vrac.
La récente explosion de l’intérêt porté aux nanobulles aqueuses est en grande partie due à l’étendue et l’étonnante stabilité de l’interface gaz-liquide qu’elles créent, ce qui leur permet de solubiliser et de suspendre des matériaux hydrophobes, sans nécessiter la présence de détergents [19-21]. De plus, les nanobulles sont très répandues dans les eaux biologiques et naturelles, et elles peuvent contribuer à divers phénomènes biologiques très troublants.

L’eau interfaciale et la pression osmotique de surface

L’opinion généralement acceptée concernant la pression osmotique, c’est qu’elle est une propriété colligative - qui dépend de la concentration des solutés - avec abaissement du point de congélation, élévation du point d’ébullition et diminution de la pression de vapeur. La pression osmotique, cependant, est également générée, sans aucun soluté, au niveau des surfaces hydrophiles.
Il n’est peut-être pas surprenant que les surfaces d’échange d’ions puissent générer des pressions osmotiques de plus de 100 MPa dans leur eau environnante [22], car elles créent des concentrations de surface élevées de contre-ions. Les nanoparticules poly-ioniques, avec une grande surface spécifique, produisent par exemple une pression osmotique si forte qu’elles peuvent être utilisées pratiquement dans des procédés de dessalement [23, 24].
Cependant, il a été expérimentalement vérifié que les surfaces hydrophiles neutres peuvent le faire aussi, sans la présence de contre-ions ou de solutés [25, 26]. Beaucoup de travail sur l’effet des surfaces hydrophiles, sur les propriétés mésoscopiques des solutions aqueuses voisines, a été fait dans le laboratoire de Gerald Pollack [27, 28], et les phénomènes ont été confirmés par de nombreux autres chercheurs travailleurs indépendants [29-31].
En substance, il a été constaté que l’eau interfaciale à côté de surfaces ioniques chargées ou de surfaces hydrophiles neutres et non chargées, expulse les solutés dans la majeure partie de la solution, et cela peut être à plusieurs centaines de microns de là. Ces zones d’exclusion (nommées EZ-eau) peuvent être visualisées lorsque des colorants de faible poids moléculaire, des protéines, des microsphères de taille micronique ou d’autres solutés, sont utilisés. Avec un système de pinces laser, des champs de forces à l’intérieur des zones d’exclusion sans soluté se sont montrées aptes à diminuer en fonction de la distance de la surface [32]. De plus, l’eau EZ des zones d’exclusion semble posséder d’autres propriétés physiques telles qu’une absorption à 270 nm [33], une plus grande densité, une plus grande viscosité et une charge négative par rapport à l’eau en vrac.
Partout où l’eau est présente en solution, elle peut être considérée comme étant soit « liée », soit « libre », bien qu’il y ait aussi de l’eau de transition entre ces états. Dans le cas des propriétés colligatives, l’eau est considérée comme liée à un soluté quand il a une plus faible entropie par rapport à l’eau liquide pure. Cette eau peut être considérée comme faisant partie du soluté et non de l’eau ‘libre’ de la solution.
Une eau pure liquide est constituée d’un mélange contenant de l’eau à faible densité, constituée de structures très reliées par des liaisons hydrogènes, d’une part, (figure 1 A), et d’une eau à haute densité, (figure 1 A), constituée de plus petits agrégrats, d’autre part ; de ce fait, les proportions de l’eau ’liée’ et de l’eau ‘libre’ dans l’eau liquide pure peuvent varier, et les agrégats les plus fortement liés ont davantage tendance à se comporter comme de l’eau ‘liée’. Dans l’eau liquide en vrac, les concentrations relatives des deux formes aqueuses sont sans conséquence puisque toute l’eau se comporte de la même manière partout.
Si les volumes de la solution contenant différentes proportions de molécules d’eau avec des liaisons hydrogène fortes et faibles, (ou admettons encore plus simplement qu’il y plus d’agrégats de grande taille), ces volumes différents montrent alors une différence par rapport à leur potentiel d’activité chimique de l’eau.
Normalement, ces différences instantanées de l’activité de l’eau et du potentiel chimique entre les différents volumes au sein de la même masse de liquide, devraient provoquer rapidement un mouvement du liquide de l’un à l’autre, afin d’égaliser ces états et de supprimer ainsi les différences chimiques potentielles. Cependant, là où il y a des surfaces qui interagissent avec l’eau liquide, la concentration des agrégats les plus étendus avec des liaisons hydrogène dans la couche de surface, peut différer des valeurs de l’eau en vrac avec les interactions de surface qui empêchent l’égalisation équipotentielle entre les volumes d’eau en vrac et les volumes de surface.
Lorsque cela se produit, l’eau de surface a une activité de l’eau et un potentiel chimique différent vis-à-vis de l’eau en vrac, ce qui conduit à des différences de pression osmotique, et à d’autres propriétés colligatives. Le changement dans le potentiel chimique (μ w) est –RTLn(xws) -RTLn(xwb) (qui est un terme d’énergie négative ajouté au potentiel chimique lorsque xws < xwb) où xws est la fraction molaire de l’eau « libre » (0<xws<1) dans la couche de surface et xwb est la fraction molaire de l’eau « libre » (0<xwb<1) dans le liquide en vrac.
Sur les surfaces hydrophiles, les interactions entre les molécules d’eau en surface et les molécules d’eau voisines, fixent le système de liaisons hydrogène localisé et ceci, de concert avec des facteurs stériques, augmentent l’étendue de l’agrégat et sa durée de vie [34].
Comme l’eau « libre » est réduite par la formation d’agrégats avec des liaisons hydrogène plus grands et de plus grande durée de vie [35], il en résulte que la pression osmotique augmente. Cette augmentation de la pression osmotique à côté de la surface va déplacer les solutés de la surface vers l’eau en vrac jusqu’à ce que son effet soit égal à la pression osmotique de la solution ou que le système atteigne un état stable. Comme le premier effet de cette expulsion du soluté est naturellement la formation d’une bande de concentration accrue de soluté – le soluté expulsé se mélange à la concentration antérieure de soluté -, l’étendue de cette expulsion affecte la totalité de la couche non agitée ( 1-100 µm).
Si des microparticules ou des nanoparticules hydrophiles sont en suspension, leurs surfaces vont nécessairement entraîner des effets mutuellement répulsifs de la pression osmotique, et il peut en résulter une mise en ordre des particules à l’intérieur de petits volumes de liquide [36, 37].
Il est à noter que le phénomène osmotique ne nécessite pas de membrane pour séparer les deux solutions [38] à supposer qu’il y ait deux phases présentes. Ici, les deux phases consistent en des couches non agitées et en des couches agitées. Dans ce contexte, la couche aqueuse touchée a un comportement similaire à celle décrite pour la zone d’exclusion (EZ) d’eau selon Pollack, ce qui est mis en avant comme une explication simple de ses données expérimentales [28, 33, 39]. 
Ceci montre également des similitudes avec les expériences sur l’autothixotropie [40-44], où la viscosité de solutions non agitées augmente avec le temps. L’augmentation de la densité à l’interface, que l’on trouve dans une zone d’exclusion EZ de l’eau, a été expliquée précédemment par les agrégations amenant l’eau à se comporter comme si elle se trouvait à une température plus basse, ce qui a également été utilisé pour expliquer la facilité avec laquelle cette couche de surface gèle.
La présence d’une absorption à 270 nm dans l’eau interfaciale, comme décrite pour l’EZ-eau [33], 30 peut être attribuée à la délocalisation des électrons au sein de l’agrégat longuement étendu, car la liaison hydrogène est connue pour impliquer une délocalisation des électrons [45]. Ces délocalisations d’électrons sont stabilisées par l’addition d’électrons, mais pas par protonation, provoquant ainsi la séparation de charge observée à ces interfaces [46].
Un autre effet des interfaces est la formation d’ondes évanescentes en raison de la réflexion interne d’un rayonnement électromagnétique. L’onde électromagnétique produite va interagir avec les molécules d’eau pour stabiliser une onde stationnaire des agrégats avec liaisons hydrogène, qui va augmenter la concentration locale et l’étendue des agrégats avec liaisons hydrogène, augmentant ainsi l’effet osmotique décrit, en accord avec les données expérimentales [47-50].

Conclusion

L’eau liquide ne doit pas être considérée comme un simple solvant. Ses propriétés sont différentes de celles de la plupart des liquides en ce qu’elle se comporte comme un mélange intime d’agrégats moléculaires qui ont des propriétés différentes.

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Note du traducteur : il est conseillé de se reporter à l’étude introduite ci-après :

Origine de l’étude :
Sciences de la Vie et de la Terre - Points de vue et Ouvertures
Page pédagogique personnelle de Pierre Stouff
« Le véritable scientifique sait très bien qu’il n’est point institué en face de son adversaire, mais qu’il est institué à côté de son adversaire et des autres en face d’une réalité toujours plus grande et plus mystérieuse » (à la manière de Charles Péguy (qui parle du philosophe), note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne, Cahiers de la quinzaine, Paris, huitième cahier de la quinzième série, mardi 21 avril 1914, pp 67)
"Thus ethical principles form the basis of science. [...] The search for truth and the idea of approximation to the truth are also ethical principles ; as are the ideas of intellectual integrity and of fallibility, which lead us to a self-critical attitude and to toleration" (Karl Popper, In Search of a Better World, p. 199) ; je recommande l’article de Mariano ARTIGAS :The Ethical Roots of Karl Popper’s Epistemology pour éviter de comprendre ces mots comme une forme de relativisme « Ainsi les principes éthiques sont à la base de la science []. La recherche de la vérité et l’idée d’une approximation de la vérité sont aussi des principes éthiques ; tout comme le sont les notions d’intégrité intellectuelle ou de faillibilité, qui nous conduisent à une attitude de tolérance et d’autocritique »)
Etude proposée : ‘Au-delà de la cellule’ (en travaux 10/2007)
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Sources générales :
Encyclopedia Universalis, article "vie", G. Canguilhem.
La théorie cellulaire, G. Canguilhem in La connaissance de la vie, Hachette, 1952 (pp 47-98)
Comment les cellules construisent l’animal, Rosine CHANDEBOIS, 1999, Phénix éditions, Paris
Le gène et la forme (ou la démythification de l’ADN), Rosine CHANDEBOIS, 1989, Ed. Espaces 34
CDRom ; René Thom ; œuvres complètes ; à commander auprès de l’IHES (Institut des Hautes Etudes Scientifiques) : http://www.ihes.fr/jsp/site/ Portal.jsp ? page_id=217 (150¤, la souscription étant finie)
Un site à recommander avec des vidéos et un texte clair :http://www.cerimes.fr/e_doc/cellule/cellule.htm
Plan

1. La théorie cellulaire, un produit de l’imagination du discontinu
2. Vers une théorie de l’organisme vivant relevant de l’imagination du continu : ondes, champs, gradients et fonctions du vivant
2.1 L’eau du vivant, structurante et fonctionnelle
2.1.1 Voir et imaginer l’eau de la matière vivante
a - Exemple : l’eau de l’ADN
b - Généralisation : eau liée, eau structurée et eau libre
c - Petits calculs pour comprendre
d - L’eau interfaciale de quelques molécules
e - Quelques formes de l’eau interfaciale (un peu plus de chimie) :
f - C’est l’eau qui structure le vivant et non pas les membranes
2.1.2 Les fonctions de l’eau
a - L’eau cytoplasmique n’est pas un solvant mais est organisée
b - L’eau canal de transport et de communication
c - L’eau participe au métabolisme et le dirige peut-être
2.2 Les phases du vivant : la physique de la vie
2.3 Les fonctions du vivant : la vie mathématisée

Etude détaillée à retrouver sur le site suivant : http://pst.chez-alice.fr/o2la2lac.htm
Traduction et inclusion des accès aux définitions en français
Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles.
Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS Physique Chimie Biologie What is Liquid Water French version.2
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