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"Pourquoi faudrait-il avoir peur de la biologie synthétique ?" par le Dr Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

mardi 26 février 2013, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS Biologie
Pourquoi faudrait-il avoir peur de la biologie synthétique ?
Synthetic Biology - Should We Be Afraid ?
La biologie synthétique, c’est le génie génétique avec plus de connaissances et plus de précision, mais aussi une technologie beaucoup plus imposante, plus rapide et avec des molécules artificielles placées à l’intérieur des molécules du vivant : oui, cela fait problème et doit en effet nous inquiéter. Dr Mae-Wan Ho

Rapport de l’ISIS en date du 03/10/2012
Une version entièrement référencée de cet article intitulé Synthetic Biology
Should We Be Afraid ? est disponible pour les membres de l’ISIS sur le site http://www.i-sis.org.uk/Synthetic_Biology_Should_We_Be_Afraid.php ; il est par ailleurs disponible en téléchargement ici
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Des laboratoires créent des virus de la grippe aviaire qui peuvent se propager entre les êtres humains

Des chercheurs de l’Université du Wisconsin à Madison aux Etats-Unis ont créé une souche hybride de la grippe aviaire qui pourrait potentiellement se propager entre les êtres humains par l’émergence d’une souche mutante du virus de la grippe aviaire avec le virus de la grippe porcine. La souche hybride se propage facilement entre les furets.
Le travail de recherche a été achevé en 2011 et soumis à la revue Nature, mais sa publication a été retardée après que des conseillers en matière de biosécurité, auprès du gouvernement américain, aient déclaré que les informations pourraient être exploitées par des terroristes. Les conseillers ont soulevé des préoccupations similaires au cours de la soumission d’un deuxième document à la revue Science, impliquant une souche mutante du virus de la grippe aviaire, qui peut également se propager chez les furets, et qui a été créée par des chercheurs du Centre médical Erasmus à Rotterdam, aux Pays-Bas. Cela a conduit à des mois de débat entre les scientifiques, les responsables gouvernementaux et les éditeurs de revues sur les risques liés à la publication de ces documents [1].
Les scientifiques ont fait valoir qu’ils ont été préoccupés par une inconnue majeure concernant la grippe aviaire, à savoir si elle pourrait évoluer de l’état sauvage en une souche qui se propagerait facilement parmi les êtres humains. Jusqu’à présent, le virus pouvait seulement se propager à partir des oiseaux vers les êtres humains.
Après avoir rencontré deux fois et entendu des exposés de la part des responsables de la sécurité des États-Unis, le National Science Advisory Board for Biosecurity (NSABB), l’organisation américaine de conseil scientifique en matière de biosécurité, a finalement approuvé la publication des deux documents.
Des études portant sur les virus en question ont révélé que l’infection était contrôlée par seulement quatre mutations dans la protéine hémagglutinine du virus qui détermine la liaison du virus à des cellules hôtes spécifiques [2].
Le chercheur principal, Yoshihiro Kawaoka a déclaré au journal The Guardian que l’une des mutations identifiées est déjà en circulation dans des virus au Moyen-Orient et en Asie ; il n’y a donc aucune inquiétude à avoir pour que ces virus puissent acquérir plus de mutations et deviennent transmissibles chez les mammifères. Si les équipes de surveillance savaient bien quelles mutations sont importantes, ils seraient attentifs à l’émergence de virus à potentiel pandémique et elles pourraient informer les autorités afin de prendre les précautions appropriées.
Malik Peiris, un expert de la grippe aviaire à l’Université de Hong Kong en Chine, qui n’est pas impliqué dans ces travaux de recherche, a déclaré qu’il était « absolument nécessaire » de publier les documents [1].
Cette recherche met en évidence les dangers et les avantages potentiels de la biologie synthétique qui a pris le relais du génie génétique.

Un tollé se fait entendre autour de la reconstitution de la vie

La biologie synthétique semble toucher un point sensible depuis le début et il n’y a rien d’étonnant à cela. Steven Benner, un chimiste qui travaille maintenant à l’Université de Floride à Gainesville, aux États-Unis, lança un appel en 1988 pour sa conférence dans le but d’explorer les possibilités de réaliser des systèmes chimiques artificiels avec les fonctionnalités essentielles des êtres vivants, sous le titre « Repenser la vie » [3].
Mais cet appel avait soulevé un tel vent de protestation parmi les participants potentiels qu’il lui avait fallu changer le titre en le reformulant ainsi « Repenser les molécules de la vie ». Il avait expliqué au rédacteur en chef Philip Ball, consultant pour la revue Nature, que des individus aussi distingués que des lauréats du prix Nobel étaient convaincus que le titre choisi inciterait à des émeutes en Suisse à propos de l’ADN-recombiné. Le propre article de Ball, paru en 2004, ne fut pas moins provocant dans son titre - « Le génie génétique est une vieille histoire. Les biologistes sont maintenant en train de synthétiser des génomes, de modifier le code génétique et de contempler de nouvelles formes de vie » - même si tout ce qu’il disait était vrai, comme il l’a décrit dans le travail accompli sous la bannière de la biologie synthétique.
Le virologue Eckard Wimmer et son équipe de l’Université d’État de New York, à Stony Brook, avait construit le virus vivant de la polio en 2002 en commandant et en utilisant des segments d’ADN et une carte du génome viral, qui étaient disponibles gratuitement sur l’Internet. D’autres génomes microbiens ont été construits depuis, et beaucoup plus rapidement.
En 1989, Peter Schultz, un chimiste qui travaille maintenant au Scripps Research Institute de La Jolla, en Californie, avait modifié des bactéries qui incorporent un acide aminé non naturel dans des protéines, et produisant des enzymes avec des activités légèrement différentes. Schultz avait ajouté plus de 80 acides aminés non naturels aux protéines.
Dans la même année 1989, Benner avait préparé des cellules pour leur insérer une nouvelle paire de base dans leur ADN. En 2000, les physiciens biologistes Michael Elowitz et Stanislas Leibler à l’Université de Princeton, dans l’Etat du New Jersey aux Etats-Unis, avaient conçu un circuit génétique qui produisait une protéine fluorescente, de sorte que la population de bactéries émettaient périodiquement de la fluorescence. D’autres circuits génétiques ont été construits : ils pourraient être commandés par des signaux ou des produits chimiques externes.
Sous le titre intitulé Extreme Genetic Engineering, un rapport publié en 2007, faisait écho à la manchette de Ball [4] : « Le génie génétique est dépassé » : « Aujourd’hui, les scientifiques ne sont pas seulement en train de faire la cartographie des génomes et de manipuler des gènes, mais ils construisent la vie à partir de zéro - et ils le font en l’absence de tout débat dans la société et sans aucune surveillance réglementaire ». Cependant, cela n’est pas vrai. Les spécialistes de la biologie synthétique ont fait beaucoup de choses, mais ils ont singulièrement manqué la création de la vie "from scratch", à partir de rien, et pour de bonnes raisons.

Qu’est-ce que la biologie synthétique ?

La ‘biologie synthétique’ est le nouveau mot d’ordre de ce que l’on appelait le génie génétique – le découpage, la modification et l’épissage de l’ADN (ou de l’ARN) – mais elle comprend aussi d’autres choses. Les biologistes synthétiques sont de deux types, selon Benner et Michael Sismour [5] : ceux sui utilisent des molécules artificielles pour reproduire le comportement naturel du vivant, dans le but de créer une vie artificielle, et d’autres qui recherchent des pièces interchangeables de la biologie naturelle, pour les monter dans les systèmes qui fonctionnent anormalement. L’acte de synthèse, ont-ils déclaré, force les scientifiques à rencontrer et à résoudre les problèmes qu’ils n’auraient autrement jamais rencontrés, et à encourager l’émergence de nouveaux paradigmes. (On peut toujours l’espérer).
Au fond, la biologie synthétique combine la biologie moléculaire avec la conception technique. Au mieux, cela peut augmenter la vitesse ainsi que la précision, la fiabilité, l’efficacité et l’efficience, de processus imprévisibles et incontrôlables, qui se déroulaient précédemment au hasard. L’objectif le plus ambitieux de la biologie synthétique - et c’est là que la grande antipathie se manifeste et que l’anxiété du public se réveille – est de concevoir et de créer des organismes (y compris des êtres humains) avec des fonctions nouvelles ou améliorées, allant même jusqu’à créer la vie elle-même.

Les spécialistes de la biologie synthétique n’ont pas créé la vie

La biologie synthétique n’a certainement pas réussi à créer la vie à partir de zéro, car ni les biologistes moléculaires, ni les ingénieurs chimistes concernés, n’ont réussi à créer la vie elle-même. Leur idée de la vie, conçue comme des noix et des boulons moléculaires qui sont assemblés comme les pièces d’un jeu de Lego, est tout simplement erronée (voir ci-dessous).
La vie est plus qu’une simple combinaison des molécules adéquates (voir [6] The Rainbow and the Worm, The Physics of Organismes et sa suite [7] (’Living Rainbow H2O’, ISIS publications). On peut y trouver un point de vue radicalement différent et beaucoup plus réaliste concernant des cellules et les organismes vivants.
Pour commencer, les molécules dans les organismes vivants sont dynamiquement organisées par un état ​​quantique très particulier de l’eau [8] (Living H2O the Dancing Rainbow Within, SiS 55) * ; les biologistes synthétiques, comme la plupart des biologistes en général, sont totalement inconscients de l’importance cruciale de l’eau pour la vie.
* Version en français "Un arc-en-ciel dansant au sein de l’eau vivante" par le Dr. Mae-Wan Ho. « L’eau contenue dans les êtres vivants est à la fois la génératrice énergétique de la vie et son carburant ; elle est simultanément un milieu tout à fait particulier, mais aussi à la fois le message et le messager de la vie ». Traduction et compléments de Jacques Hallard ; acccessible sur le site : http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article278
Par conséquent, je peux prédire avec confiance que la biologie synthétique ne créera jamais la vie à partir de zéro, si ses protagonistes restent sur leur trajectoire actuelle.
Une approche principale à la biologie synthétique est la construction d’’biobricks’ – des circuits génétiques préfabriqués ou des pièces normalisées - qui peuvent être assemblés dans n’importe quel système désiré. Le registre de pièces standards biologiques qui est ouvert avec un accès en ligne, a plus de dix mille entrées (il a plus que doublé en 2012 [9]).
Mais la grande majorité de ces pièces n’ont pas été caractérisées, et elles ne fonctionnent pas comme prévu. Les participants à une réunion concernant la biologie synthétique, qui s’est tenue en juillet 2010 a conclu que sur 13.413 articles alors énumérés, 11.084 ne fonctionnent pas. Un intervenant a fait remarquer [10] : que « Beaucoup de pièces sont indésirables ».
Cependant, je suis beaucoup moins confiante dans le fait que les biologistes synthétiques sont sans danger, en tentant de créer la vie artificielle ou de recréer la vie, en plus des risques qui sont d’ores et déjà prévus pour le génie génétique et qui ont été documentés à la fois sur le terrain et en laboratoire (voir de nombreux rapports sur site Web d’ISIS depuis 1999, et parmi les dernières [11] ] GM Feed Toxic, New Meta-Analysis Confirms, SiS 52) *.
* Version "Une nouvelle méta-analyse confirme que les aliments issus d’OGM sont toxiques pour les animaux" par le Dr Eva Sirinathsinghji. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible par http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article181&lang=fr
James Collins, un pionnier de la biologie synthétique, à l’Université de Boston, dans l’Etat du Massachusetts aux Etats-Unis, donne une vue assez représentative de la façon dont les praticiens voient ce contexte. « Les chercheurs scientifiques combinent la biologie et l’ingénierie pour changer le monde », a déclaré le titre héroïque de son article “Bits and pieces come to life” [12], « Des petits bouts et des pièces détachées viennent à la vie » [12], « Avec une boîte de Lego, vous pouvez créer toute une gamme de structures différentes ... un groupe croissant de chercheurs scientifiques [biologistes synthétiques] sont amenés à la réflexion que c’est à peu près de la même chose pour les parties des cellules ».
Collins lui-même envisage que la biologie synthétique pourrait résoudre les grands problèmes mondiaux tels que « la famine, les maladies et la pénurie d’énergie ».
Et sur sa liste des choses que nous pouvons énumérer, Collins suggère « des humains avec un sonar, comme celui qui est utilisé par les chauves-souris, pour nous aider à naviguer dans l’obscurité », ou « des gènes pour obtenir de l’énergie à partir des rayons du soleil, comme les plantes ».
Néanmoins, Collins admet que « la complexité et le désordre de la biologie signifie que nous sommes encore loin d’avoir un manuel pour savoir comment fonctionne une cellule. De nombreuses zones ont encore besoin de clarification et d’élaboration ».

Les succès de la biologie synthétique obtenus jusqu’à présent

Qu’est-ce que la biologie synthétique peut montrer au-delà de la preuve du principe génétique des interrupteurs à bascule, des oscillateurs, et même d’un réseau qui joue au ‘tic-tac-toe’ contre n’importe quel adversaire humain et qui ne perd jamais, à la condition qu’il fasse le premier pas [12] ?
Un des premiers succès de la biologie synthétique a été la fabrication d’une souche de levure conçue avec un groupe de gènes pour produire le composé artémisinine [13]. Les médicaments antipaludiques les plus efficaces, sont actuellement disponibles à partir de la plante Artemisia annua. L’artémisine issue de la levure devait ête mise en production en 2012. mais il n’est pas encore clair si elle est vraiment beaucoup moins chère que celle qui est obtenue à partir de la plante. Un souci majeur est que l’artémisinine de levure va perturber les agriculteurs qui font la culture des plantes en Asie, en Afrique et au Brésil [14].
L’offre mondiale d’artémisinine naturel passe par des phases d’expansions et de récessions, et le médicament est encore hors de portée pour beaucoup de pauvres. Il est clair que les impacts socio-économiques de la synthèse de l’artémisine par les levures doivent faire partie intégrante de l’évaluation des risques, car ils se situent au niveau des modifications génétiques. Mais il faut aussi envisager la possibilité que les agriculteurs peuvent s’y retrouver s’ils ont été indemnisés pour la perte de leurs cultures et qu’ils peuvent alors passser, à la place, à la production de leur propre nourriture.
Un autre succès de ces nouvelles technologies est le dosage de l’ADN ramifié ou ADN branché, inventé en 1997 [15], ce qui a grandement accéléré la détection de séquences virales et bactériennes dans les tests de diagnostic, avec une sensibilité et une spécificité très améliorée (voir encadré 1).
Ces deux exemples sont tout simplement des extensions du génie génétique conventionnel.
Encadré 1

Test avec l’ADN ramifié
Un test avec de l’ADN ramifié (bDNA) détecte des quantités infimes de séquence d’ADN en amplifiant le signal, plutôt que d’amplifier la séquence d’ADN cible dans la réaction en chaîne par polymérase (PCR) classique, une technique qui prend beaucoup de temps et qui est sujette à des erreurs et à des contaminations.
Le test bDNA commence par de courtes molécules d’ADN simple brin - sonde de capture - attachées à un support solide et se collant vers le haut dans l’air. Elles sont hybridées avec l’extendeur, une séquence simple brin avec deux domaines : l’un qui est complémentaire de la sonde de capture et qui s’hybride avec elle, et le second qui est complémentaire de la séquence d’ADN cible à détecter. Lorsque la sonde de capture et les molécules d’extension sont en place, l’échantillon à tester est ajouté, et les molécules d’ADN cible dans l’échantillon se lient aux molécules d’extension.
Vient ensuite l’étape d’amplification au cours de laquelle on ajoute un extendeur de marquage, des molécules d’ADN ayant deux domaines, l’un complémentaire de la cible, et il s’hybride, et l’autre pour les molécules d’ADN, des préamplificateurs à nouveau avec deux domaines, le premier s’hybride à l’étiquette d’allongement et la seconde aux molécules d’amplification d’ADN, avec un second domaine lié à des enzymes donnant une couleur ou une réaction de fluorescence.
Le test avec l’ADN branché est beaucoup plus rapide que la PCR classique et il offre une sensibilité et une spécificité nettement améliorées pour détecter des séquences virales et bactériennes dans les tests de diagnostic et de dépistage.

Selon Collins [16], la plupart des demandes et des applications initiales de la biologie synthétique se rapportent à la conversion de la biomasse ou de la lumière solaire en biocarburants, mais jusqu’à présent, elles n’ont pas été menées à grande échelle. « Il peut en coûter 54 US $ pour 1 US $ de valeur de carburant ». (Mais il faut aussi voir le succès récent qui a été enregistré dans la fabrication d’éthylène à partir du CO2 [17] Photosynthetic Bacterium Converts CO2 into Petrochemical and O2, SiS 56) *.
* Version en français "Une bactérie photosynthétique convertit le CO2 issu de la pétrochimie et génère du dioxygène O2" par le Dr Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur le site : http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article286

De quoi devrions-nous avoir peur ?

Collins est optimiste en ce qui concerne les applications médicales de la biologie synthétique, en passant de la biologie synthétique des micro-organismes dans le système des mammifères, et l’ingénieurie des communautés microbiennes qui colonisent le système digestif, pour les applications thérapeutiques. Ce sont exactement certaines de ces applications qui me donnent des raisons d’être inquiète.
Bien que les systèmes microbiens puissent être modifiés très précisément, toutes les tentatives pour cibler les modifications génétiques dans les cellules eucaryotes ont jusqu’ici échoué (c’est la raison pour laquelle les modifications génétiques des plantes et des animaux sont, par nature, incontrôlables et imprévisibles), et des méthodes pour contrôler la précision de ciblage de gènes chez les cellules des mammifères sont tout juste en cours de développement en ce moment [18].
L’ingénierie des communautés microbiennes dans le système digestif fait preuve d’une insouciance grave, car ces communautés microbiennes sont intimement liées à la physiologie et à l’immunité de l’hôte humain (voir [19] Genetically Modified Probiotics Should Be Banned, ISIS publication scientifique) *.
* Version en français ‘OGM. Interdisons les probiotiques génétiquement modifiés’
Résumé : Les bactéries bénéfiques qui vivent dans l’intestin humain sont maintenant sujettes à des modifications génétiques considérables qui pourraient les transformer en microbes pathogènes. Le Professeur Joe Cummins et le Docteur Mae-Wan Ho réclament une interdiction de la dissémination des probiotiques génétiquement modifiés.
Source : Ban GM Probiotics. Mae-Wan Ho et Joe Cummins. Communiqué de presse de l’institut ISIS en date du 22/04/2005 - Traduction par Jacques Hallard ; accessible sur http://www.i-sis.org.uk/BanGMprobioticsFR.php

Les profits passent avant la sécurité et la sûreté

En juin 2011, l’organisation Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), l’Agence des projets de recherches militaires avancées aux Etats-Unis, a annoncé la somme de 30 millions de dollars, débloqués pour un programme de recherche sur trois ans intitulé ‘Living Foundries’ pour soutenir les chercheurs universitaires et les entreprises afin de mettre des produits sur le marché. « Il est trop tôt pour prédire l’importance commerciale de cette jeune discipline », a fait remarquer Collins [16], « il est encore difficle de dire si elle va se révéler comme la prochaine industrie après celle des semiconducteurs ».
Pour ne pas être en reste, la Grande-Bretagne a publié un document de base intitulé ‘A Synthetic Biology Roadmap for the UK’, ‘Une feuille de route pour la biologie synthétique’ au Royaume-Uni’ en juillet 2012 [20] – qui a été commandée par le Department for Business and Skills et publié en son nom par le Technology Strategy Board - citant une estimation selon laquelle le marché de la biologie synthétique global va croître, passant de 1,6 milliards de dollars en 2011 à 10,8 milliards de dollars en 2016, et appelant à d’importants investissements publics dans la création de centres pluridisciplinaires, de réseaux de biologie synthétique et d’un « leadership du conseil" avec des sous-groupes nommés pour diriger, coordonner et superviser tout cela, et pour assurer le bon passage de la recherche vers la commercialisation. Cela ressemble à un cauchemar bureaucratique potentiel de la recherche scientifique par ceux qui ont véritablement peu ou pas du tout de compréhension de la démarche scientifique, sans parler des questions soulevées en matière de sécurité ; c’est pourquoi je me félicite personnellement d’avoir quitté le milieu des universitaires.
Bien que les mots « responsable » et « éthique » apparaissent assez souvent dans les documents, les organisations de la société civile n’ont pas du tout participé à la rédaction de ces documents : les représentants de l’industrie et des conseils de recherche, ainsi que quelques universitaires des secteurs de la biologie synthétique et des sciences sociales ont été les seuls consultés. Il n’y avait aucune mention d’une consultation publique ouverte à tous. Etre « responsable » semblait n’être rien d’autre que d’adhérer à des "directives réglementaires existantes", c’est à dire celles qui s’appliquent aux modifications génétiques pour une utilisation confinée et pour la dissémination volontaire des OGM, qui pourrait bien être assouplies à l’avenir, afin de ne pas entraver indûment la commercialisation. Et le mot « sécurité » ne figure nulle part.

Des dangers encore plus méconnus qu’avec que les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) ‘conventionnels’

Tandis que la précision et la fiabilité accrues peuvent améliorer la sécurité des modifications génétiques, les possibilités grandement élargies de l’ingénierie pour les nouvelles constructions et organismes, multiplient également les risques de rejets et disséminations délibérés ou accidentels.
Il est maintenant possible de construire des génomes entiers de virus et de bactéries à partir des informations de séquences qui sont disponibles gratuitement sur le web. Mis à part le poliovirus synthétisé à partir de sa séquence publiée en 2002 (voir ci-dessus), le virus responsable de la pandémie de 1918-19 contre la grippe a été reconstruit de façon similaire en 2005 [21].
En 2008, le Craig Venter Institute a synthétisé le premier génome bactérien de M. genitalium, et en 2010, l’équipe a assemblé le génome de M. mycoides et l’ont transplanté dans une cellule de M. capricolum pour créer de nouvelles cellules de M. mycoides [22] (voir aussi [23] ] Synthetic Life ? Not By a Long Shot, SiS 47) *
* Version en français "Vie synthétique ? Danger d’une percée technologique sans limitations" par le Dr. Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard : acessible http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article169&lang=fr
La plupart des constructions génétiques et les organismes impliqués sont nouveaux par nature, comme les nouvelles bases pour l’ADN, et de nouveaux acides aminés destinés à être incorporés dans des protéines (voir ci-dessus), et dont on ignore tout en matière de sécurité. Dans le même temps, les questions éthiques entourant les animaux génétiquement modifiés et même les êtres humains, sont mises beaucoup plus fortement en relief. (voir [24] Unspinning the Web of Spider-Goat, SiS 54) *.
* Version en français "Méfions-nous de la toile de la ‘chèvre-araignée’" par le Dr. Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article213&lang=fr
Dans la présente série d’articles, je mets en évidence deux domaines florissants qui sont sur le point d’exploser. Le premier est l’utilisation croissante des aptamères d’acides nucléiques, des séquences courtes d’ARN ou d’ADN qui se lient à des protéines ou à de petites molécules ([25] Aptamers for Biosensing, Diagnosis, Druge Delivery and Therapy, SiS 56) *.
* Version en français "Des aptamères pour la biodétection, le diagnostic, l’administration des médicaments et la thérapie" par le Dr Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article267&lang=fr
Le second domaine en expansion est la modification rapide de génomes entiers pour pratiquement n’importe quelle utilisation souhaitée ([26]. Ces domaines se développent si vite que la sécurité est en danger réel d’être laissée pour compte.
Comme Ball le faisait remarquer en 2004 [3] : « La boîte à outils de l’expansion des moyens de re-engineering sur les microbes - et même la construction de nouveaux microbes - a ouvert des possibilités extraordinaires pour les découvertes dans le secteur biomédical et dans le génie de l’environnement. Mais elle comporte aussi des dangers potentiels qui pourraient éclipser les préoccupations déjà soulevées par le génie génétique et par les nanotechnologies ».
En Juillet 2011, le projet de la biologie synthétique au Woodrow Wilson International Center for Scholars à Washington DC aux Etats-Unis, a réuni un groupe de biologistes synthétiques et des écologistes pour explorer les risques possibles de l’introduction de nouveaux organismes dans l’environnement, et comment évaluer ces risques. Ces scientifiques mettent au point un programme de recherche ‘éco-risque’ pour aider à faire avancer les choses d’une manière productive, tout en cherchant à éviter de graves impacts écologiques.
Ils proposent quatre domaines de recherches sur les risques :
Les différences dans la physiologie des organismes naturels et synthétiques, dans la production de substances toxiques ou d’autres métabolites dommageables ;
Comment des micro-organismes échappés du laboratoire pourraient altérer les habitats, les filières des productions alimentaires et la biodiversité ;
La vitesse à laquelle l’organisme synthétique et son matériel génétique évoluent,
Le risque lié au mécanisme de transfert horizontal de gènes.
Ils ont proposé un investissement (très) minimum de 20 à 30 millions de dollars sur 10 ans pour les recherches sur les risques.
Mais le groupe de scientifiques n’a pas réussi à proposer un moratoire sur tous les rejets et disséminations dans l’environnement jusqu’à ce que les molécules de synthèse et les organismes soient avérés et reconnus comme inoffensifs et sûrs.
La question est urgente, comme cela a été souligné dans un rapport sur la biologie synthétique présenté par un groupe de travail de la société civile internationale à l’Organisme subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques auprès de la Convention sur la diversité biologique [8].
Il n’existe actuellement aucun instrument juridique qui couvre la réglementation des constructions nouvelles en biologie synthétique, et aucun protocole d’évaluation des risques. Il s’agit d’une hypothèse générale dans ce domaine selon laquelle le confinement physique des organismes synthétiques n’est pas possible en pratique, en particulier dans les systèmes de production commerciale à grande échelle.
Les catastrophes naturelles telles que les inondations et les tremblements de terre pourraient facilement conduire à des rejets et à des disséminations non intentionnelles, comme ce fut le cas dans l’épidémie de fièvre aphteuse au Royaume-Uni qui trouvait sa cause dans des cassures au niveau des conduites d’eaux usées du laboratoire Pirbright.
Les comportements des nouvelles constructions génétiques et des organismes vivants concernés sont tout simplement imprévisibles. Il est maintenant reconnu que le transfert horizontal de gènes est beaucoup plus vaste et généralisé qu’on ne le pensait. Un rapport publié en 2010 rapporte que les fréquences de transfert horizontal de gènes dans les océans, sont des milliers ou des centaines de millions de fois supérieures aux estimations qui avaient été faites antérieurement [27].
Il ne fait aucun doute que l’ADN génétiquement modifié peut se propager facilement par transfert horizontal de gènes avec des conséquences imprévisibles et potentiellement incontrôlables (voir [28] *.
* Version en français "Des chercheurs scientifiques découvrent une nouvelle voie par laquelle les gènes génétiquement modifiés peuvent s’échapper" par le Dr. Mae-Wan Ho. Traductio par Jacques Hallard ; accessible sur Scientists Discover New Route for GM-gene ’Escape’, SiS 50)
Nous devons en effet avoir peur de l’absence totale de consultation du public et de la réglementation relative à une entreprise qui peut apporter de nombreux résultats bénéfiques et utiles, allant presque jusqu’à créer la vie, mais qui peut tout aussi bien déclencher des morts partout ailleurs et des destructions dans les populations et sur la planète.

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Définitions et compléments

Pourquoi faudrait-il avoir peur de la biologie synthétique ?

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
Adresse : 585 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS Biologie Synthetic Biology Should We Be Afraid ? French version.4 allégée.