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"Le rapport de l’OMS sur Fukushima est une parodie" par Susie Greaves

Traduction et compléments de Jacques Hallard

lundi 6 août 2012, par Greaves Susie

ISIS Santé Nucléaire
Le rapport de l’OMS sur Fukushima est une parodie
WHO Report on Fukushima a Travesty
L’Organisation Mondiale de la Santé a manqué à son obligation de protéger les populations et elle est coupable du crime de non-assistance. Susie Greaves

Rapport de l’ISIS en date du 09/07/2012
L’article original intitulé WHO Report on Fukushima a Travesty est accessible sur http://www.i-sis.org.uk/WHO_Report_on_Fukushima_a_Travesty.php
L’Organisation Mondiale de la Santé est asservie au lo

Ce rapport spécial va être inclus dans la revue Science in Society N ° 55 (disponible en août 2012). Pré-commander dès maintenant ou Abonnez-vous . Tous les profits de ce numéro de la revue ‘SiS 55’ seront reversés aux enfants de Fukushima et de Tchernobyl.

L’Organisation Mondiale de la Santé est asservie au lobby nucléaire

Le Rapport sur la santé mondiale (mai 2012) intitulé "Estimation préliminaire des doses de l’accident nucléaire après le tsunami et le tremblement de terre de 2011 dans le Grand Est du Japon" [1], est un exercice de relations publiques pour rassurer le monde et dire que l’OMS s’acquitte de son rôle dans le domaine des rayonnements et de la santé. Suite à l’estimation préliminaire des doses, l’OMS procédera à une évaluation des risques pour la santé pour « soutenir l’identification des besoins et des priorités d’action de santé publique ».
Mais ce rapport et sa suite ne peuvent pas aider ces gens au Japon qui auraient dû être évacués beaucoup plus tôt et qui vont certainement subir des conséquences sur leur santé après leur exposition, à des degrés divers depuis mars 2011, à des rayonnements ionisants.
Ce rapport présente toutes les caractéristiques de la soumission de l’OMS à l’AIEA. Il n’a pas été écrit par du personnel de l’OMS, mais par un groupe d’experts internationaux convoqués par l’OMS. Un rapide coup d’œil sur la liste des contributeurs montre que tous ont des liens avec l’industrie nucléaire, que ce soit directement, en tant que membres de l’AIEA ou de l’UNSCEAR, ou en tant que membres d’organisations comme l’Agence britannique de protection de la santé (anciennement le National Radiological Protection Board). L’OMS n’a pas de département ni d’expertise en matière de rayonnements et de santé publique [2]. Cette organisation est entièrement dépendante de l’AIEA pour son information sur le sujet, d’après la signature de l’accord de 1959 WHA 12/40 entre les deux organisations [3].

Des données absentes ou peu fiables

Le rapport utilise les données fournies par le gouvernement japonais, et il ne fait aucune référence à d’autres sources d’information, par exemple à partir des organisations indépendantes de citoyens japonais [4], de la CRIIRAD (France) [5], des organismes ‘Fairewinds’ (Etats-Unis) [6] ou encore de Greenpeace International [ 7]. Ne compter que sur les chiffres du gouvernement japonais rend un mauvais service aux populations du Japon, dont beaucoup ne font plus confiance à leurs propres politiciens. Des scientifiques japonais indépendants ont critiqué la méthodologie utilisée par le gouvernement japonais pour mesurer les retombées radioactives de Fukushima.
Par exemple, le professeur Matsui Eisuke, un spécialiste des maladies respiratoires et des radiations à faibles doses, et le directeur de l’Institut médical de l’Environnement à Gifu, disent que [8] « Le gouvernement et ses conseillers professionnels se sont appuyés essentiellement sur les rayons gamma qui sont faciles à détecter.
Mais, en termes d’exposition aux radiations internes, les rayons bêta et les rayons alpha ont un effet beaucoup plus grave que les rayons gamma. Le gouvernement japonais et l’entreprise TEPCO ont de la peine à mesurer les isotopes tels que le strontium 90 émetteur de rayons bêta ou le plutonium 239 émetteur de rayons alpha. Ils ont délibérément ignoré les caractéristiques de l’exposition interne ».
Il est écrit dans le rapport de l’OMS, qu’aucune évaluation ne peut être faite des rayonnements reçus par les personnes vivant à moins de 20 km autour du réacteur parce que « des données précises n’étaient pas disponibles ». De même, il est écrit qu’aucune évaluation ne peut être faite de la dose reçue par les travailleurs de la centrale nucléaire, parce que cela nécessite une autre "approche dosimétrique".
Ainsi, deux groupes critiques qui ont été exposés à des niveaux très élevés de rayonnements ionisants, sont rejetés à la page 15 du rapport et ils ne sont plus jamais mentionnés par la suite.
En ce qui concerne les estimations des doses de rayonnements dans le reste du monde (page 28), il est signalé que les mesures n’étaient pas disponibles. Pourtant, les 60 stations de mesure, répartis dans le monde entier et appartenant au réseau du Comprehensive Test Ban Treaty Organisation, de l’Organisation du Traité l’interdiction complète des essais [nucléaires] [9] ont été à l’origine de la collecte de données cruciales, et elles pourraient nous dire exactement combien de radiations ont été libérées à n’importe quel jour et dans de nombreuses parties du monde depuis le 11 mars 2011. Mais bien que ces stations soient payées par les divers peuples du monde, les mesures ne sont mises à la disposition des organismes officiels pré-sélectionnés dans chacun des pays, ni bien sûr à l’OMS !
En effet, des scientifiques indépendants ont estimé, même à partir d’un ensemble limité de ces données mises à leur disposition, que les rejets réels de radioactivité résultant de l’accident de Fukushima ont été au moins 15 fois plus importants que les chiffres officiels fournis [10] (Fukushima Fallout Rivals Chernobyl, SiS 55) *.
* Version en français intitulée "Les retombées radioactives de Fukushima rivalisent avec celles de Tchernobyl" par le Dr Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article231

Fait intéressant, lors d’une réunion avec le groupe IndependentWHO le 4 mai 2011, le Dr Margaret Chan, Directrice générale de l’OMS, a confirmé qu’elle reçoit ces rapports à partir de l’OTICE (CTBTO en anglais) et elle a déclaré qu’elle ne diffuse pas l’information au public, car, à son avis, il n’y a pas de menace pour la santé publique [11]. Pourtant, avant la rencontre, le Dr Margaret Chan a admis qu’elle n’avait personnellement aucune compétence dans la science des rayonnements et, qu’en outre, il n’existe plus de département des rayonnements et de la santé publique au siège de l’OMS à Genève, en Suisse..

Dix à 50 fois la limite de dose annuelle, telle que définie par la Commission internationale de protection radiologique

Le rapport est bourré de matériaux inutiles justifiant la méthodologie utilisée, de sorte que nous devons lire jusqu’à la page 63 avant que l’on nous donne quelques chiffres concrets quant aux doses réelles de rayonnements auxquels les gens ont été exposés. Elle affirme que [1] : « A Fukushima, les doses estimées efficaces sont dans une plage de doses de 1 à 10 mSv, sauf dans deux des endroits où par exemple les doses efficaces sont estimées à l’intérieur d’une plage de doses s’étalant de 10 à 50 mSv… ».
Ces chiffres marquants sont glissés dans le texte sans aucun commentaire ni aucune interprétation de la part de l’OMS. Deux choses doivent être prises en compte. Tout d’abord, la limite de dose internationalement acceptée pour les membres des populations est de 1 mSv par an [12], de sorte que les 2 millions d’habitants de la province de Fukushima ont reçu jusqu’à dix fois cette dose limite, et que les habitants des zones les plus touchées (comme par exemple les 75.000 personnes du district de Futaba, et les 22.000 personnes dans le district de Namie) ont reçu entre 10 et 50 fois cette dose limite.
Comme le rapport de l’OMS ne fait aucun commentaire sur les implications sanitaires de l’exposition à ces doses d’irradiation, nous avons besoin, en tant que membres de la société civile, pour interpréter les données par nous-mêmes, d’autres études à titre de comparaison.
La plus grande étude réalisée sur des travailleurs de l’industrie nucléaire en 2007, a trouvé que la mortalité par cancer a augmenté chez les travailleurs du nucléaire exposés à une moyenne de 2 mSv / an [13], et le dernier rapport BEIR (Biological Effects of rayonnements ionisants) de l’Académie des sciences des États-Unis, indique que les enfants, et en particulier les filles, sont beaucoup plus vulnérables à la dose de rayonnements que les adultes [14].

Le crime de non-assistance

Comme indiqué dans l’article 1 de sa Constitution, l’objectif de l’Organisation mondiale de la Santé est « d’amener tous les peuples au plus haut niveau possible de santé » et à l’article 2, il est déclaré que l’OMS devrait « ... contribuer à l’élaboration d’une opinion publique éclairée entre tous les peuples sur les questions de la santé »[15].
L’OMS ignore sa propre Constitution et elle est coupable du crime de non-assistance, quand elle ne parvient pas à souligner que ces niveaux de rayonnements sont plusieurs fois plus élevés que les limites acceptées et délaisse la tâche de l’interprétation de ces niveaux pour le lecteur profane.
Quatorze mois après l’accident de Fukushima, l’OMS se vante que son rapport « fournit des informations actualisées et fiables » sur la dose estimée de rayonnements. Elle promet la fourniture d’études plus détaillées par la suite et une évaluation des impacts sur la santé, mais les dizaines de milliers de personnes, vivant dans des zones dangereusement contaminées du Japon, ne peuvent pas attendre de si longs délais.

Notes et références

1. Preliminary dose estimation from the nuclear accident after the 2011 Great East Japan Earthquake and Tsunami, World Health Organisation, May 2012. http://whqlibdoc.who.int/publications/2012/9789241503662_eng.pdf
2. “On Tuesday, March 15, Maria Neira, Director of Public Health and Environment Department, acknowledged that the WHO had no experts on site. She said she was ready to respond to every request from Tokyo, adding that “this request should be made through the IAEA.” Agathe Duparc. Le Monde, 19.03.11 http://philrr.blog.lemonde.fr/2011/03/    
3. IndependentWHO. The Agreement WHA 12-40 between WHO and IAEA. http://independentwho.org/en/who-and-aiea-aggreement/
4. Statement by Scientists and Engineers Concerning Fukushima Daiichi Nuclear Power Plant (no.3). 2011, Citizen`s Nuclear Information Center, http://www.cnic.jp/english/topics/safety/earthquake/fukukk19may11.html
5. Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité. Consequences of the Fukushima Daiichi Accident in Japan : A substantial and long-lasting contamination. CRIIRAD, 2011.  http://www.criirad.org/actualites/dossier2011/japon_bis/en_anglais/11-07-07_cpcriirad_eng.pdf
6. Fukushima Daiichi : The Truth and the Future, Fairewinds Energy Education, 2012 http://fairewinds.com/content/fukushima-daiichi-truth-and-future  
7. Lessons from Fukushima, Greenpeace, 28 February, 2012, http://www.greenpeace.org/international/en/publications/Campaign-reports/Nuclear-reports/Lessons-from-Fukushima/
8. Eisuke M. Activities of Citizens and Scientists Concerned about Low Dose Internal Radiation Exposures in Japan. 201, http://independentwho.org/media/Documents_IW/English_Abstracts_Forum_Radioprotection_IW_Geneva_2012.pdf
9. Comprehensive Test Ban Treaty Organisation. Verification Regime. http://www.ctbto.org/verification-regime/
10. Ho MW. Fukushima fallout rivals Chernobyl. Science in Society 55
11. Chronologie des échanges avec l’OMS (in French). IndependentWHO, 6 July 2011, http://independentwho.org/fr/chronologie-echanges-avec-oms/ 
12. Recommendations of the International Commission on Radiological Protection, International Commission on Radiological Protection. 2005, http://www.icrp.org/docs/2005_recs_CONSULTATION_Draft1a.pdf
13. Fairewinds Energy Education. Cancer Risk To Young Children Near Fukushima Daiichi Underestimated. 2012. http://fairewinds.com/content/cancer-risk-young-children-near-fukushima-daiichi-underestimated
14. Using the BEIR risk models, girls are almost twice as vulnerable as same-aged boys, and a 5-year-old girl is 5 times and an infant female 7 times more vulnerable than a 30-year-old man. United States National Academy of Sciences. Health Risks from Exposure to Low Levels of Ionizing Radiation : BEIR VII Phase 2. 2006. (page 311) http://www.nap.edu/openbook.php?record_id=11340&page=311
15. The Constitution of the World Health Organisation. World Health Organisation, 2006, http://www.who.int/governance/eb/who_constitution_en.pdf

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Définitions et compléments

Le rapport de l’OMS sur Fukushima est une parodie

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
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