Accueil > Pour en savoir plus > Sciences sociales > Économie Finance > "Banques d’investissement et mathématiques financières" par le Prof Peter (...)

"Banques d’investissement et mathématiques financières" par le Prof Peter Saunders et le Dr Mae-Wan Ho

lundi 28 mai 2012, par Ho Dr Mae-Wan, Saunders Professeur Peter

ISIS Economie
Banques d’investissement et mathématiques financières
Investment Banks & Financial Maths
Les banques d’investissement sont à blâmer pour la crise du crédit qui a réduit des nations à la mendicité, mais qu’en est-il des mathématiciens financiers ? Prof Peter Saunders et le Dr Mae-Wan Ho

Rapport de l’ISIS en date du 01/05/2012
Une version entièrement référencée de cet article en anglais, intitulé Investment Banks and Financial Maths, est posté et accessible sur le site Web http://www.i-sis.org.uk/Investment_banks_and_financial_maths.php par ls membres de l’ISIS et il est par ailleurs disponible en téléchargement ici
S’il vous plaît diffusez largement et rediffusez, mais veuillez donner l’URL de l’original et conserver tous les liens vers les articles sur notre site ISIS

Il est temps de dénoncer le bluff des banquiers

Comme résultat du resserrement du crédit, la plupart des travailleurs du Royaume-Uni font attention à leur baisse réelle de revenus et à leurs droits à la retraite qui ont été érodés. Ceux qui sont privés de travail ont peu de chances de trouver un emploi dans un avenir prévisible. Il y a une grosse réduction des dépenses consacrées à l’éducation, à la santé, au bien-être, et pour presque tous les services essentiels que nous sommes en droit d’attendre de l’État.

Le pire, c’est que les jeunes qui terminent leurs études se trouvent dans une situation telle qu’il leur est très difficile de se lancer sur le marché de l’emploi. Au dernier trimestre 2011, le chômage des jeunes de 16-24 ans était de 22,2% [1]. À la fin du premier trimestre de 2012, au Royaume-Uni, c’est la récession qui est de retour [2].

Pendant ce temps, les banquiers ont été largement responsables de ce qui s’est passé, et ils se seraient trouvés hors du circuit des affaires si les contribuables n’avaient pas remis plus de 90 milliards de £ pour les renflouer [3] : ils continuent d’attirer des salaires mirobolants avec des bonus et des primes par-dessus le marché.

Pourquoi ceux qui sont les plus responsables de la crise et de la catastrophe financière continuent-ils de voir leur niveau de vie en hausse, au cours de l’année, alors que le reste de la population et la plupart d’entre nous deviennent de plus en plus pauvres ?

La réponse est simple, si non identifiée, nous dit-on. Depuis la déréglementation "Big Bang" de 1986, l’économie du Royaume-Uni est devenue de plus en plus dépendante des services financiers.

Les gouvernements successifs ont parlé de la promotion de l’industrie, mais c’est la City qui a obtenu ce qu’elle voulait, y compris une « légère » réglementation qui a encouragé la bulle financière qui s’est étendue si dangereusement. Aujourd’hui, cela ne semble pas avoir été une aussi bonne idée, comme on pensait à l’époque, mais la dure réalité est que nous devons maintenant accorder aux banquiers d’investissement tout ce qu’ils veulent ; sinon, ils vont faire leurs valises et s’en aller, en prenant avec eux ce qui reste de notre économie.

Où vont-ils ? Selon les pages financières des journaux de Londres à la fin de février 2012, la division britannique de l’agence internationale de recrutement Hays a perdu 3.000.000 de £ en 2011. L’une des principales raisons était le resserrement du recrutement dans le secteur bancaire, et pas seulement au Royaume-Uni, mais dans le monde entier. Alistair Coxn, chef de la direction de Hays, a déclaré à la presse [4] : ​​« Il y a un an, nous avions dit que beaucoup de banquiers avaient été à la recherche d’emplois en Asie. Nous voyons encore cela, mais le secteur bancaire s’est ralenti au niveau mondial. Le système bancaire a commencé à s’aggraver il y a quatre à cinq mois. Je ne pense pas que cela va s’améliorer dans les prochains temps ». Il a ajouté, « C’est ainsi dans le monde entier, d’une manière assez homogène, et pas seulement axé au Royaume-Uni. Nous voyons aussi l’impact à Hong Kong et à Singapour et en particulier dans les services des banques d’investissement, par opposition aux banques de dépôt et de détail ».

Voilà de bonnes nouvelles pour la grande majorité des gens ordinaires qui ne font pas leur jeu en vivant avec l’argent des autres, comme le font les banquiers d’investissement. Nous avons besoin d’un retour à de grandes banques et à des coopératives qui desservent les communautés locales et l’économie réelle des biens et des services (voir [5] New Economy Now, SiS 53) *.
* Version en français intitulée "Une nouvelle économie est possible immédiatement" par le Dr Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard. Accessible sur http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article201

Il est maintenant clair que, si ces soi-disant maîtres de l’univers doivent vraiment quitter la City, ils ne vont pas vers de meilleurs emplois à l’étranger, parce qu’il n’y en a pas. Leurs menaces sont du bluff, rien d’autre que l’expression des gens impliqués dans les banques d’investissement pour être bien considérés.

Alors que la filiale de la société Hays au Royaume-Uni a perdu de l’argent l’an dernier, la société a réalisé dans son ensemble un bénéfice de 60 millions de £ au cours du second semestre 2011. C’est parce que la société tire 70% de ses revenus en dehors du Royaume-Uni, et par le recrutement dans des professions telles que l’ingénieurie, que la banque s’est bien tenue en Allemagne, aux États-Unis, au Moyen-Orient et en Asie de l’Est [4] ; ceci est à nouveau un signe que ces pays prennent l’économie réelle très au sérieux.

On peut dire qu’il serait préférable de réaliser quelque chose, plutôt que de simplement faire tourner l’argent en rond. Et si la santé mentale revient dans le monde de la finance, les banques pourront ainsi se déplacer vers l’Extrême-Orient : non pas pour éviter les taxes et la réglementation, mais parce que c’est là-bas que se trouvera le centre de l’économie mondiale.

En fin de compte, cela pourrait bien ne pas être une si mauvaise chose pour le Royaume-Uni, qui est devenu trop dépendant du secteur des services financiers, dont les affaires ne sont pas basées sur l’économie réelle. Cette dépendance avait rendu le secteur bancaire particulièrement vulnérable lors du crash qui avait fait suite à l’effondrement des subprimes hypothécaires, et aussi à toutes les menaces susceptibles d’amener les banques à se déplacer.

De façon caractéristique, la réaction du gouvernement à la crise du crédit était de verser d’énormes quantités d’argent au profit des banques. Il croyait apparemment que cela amènerait en quelque sorte une retombée dans l’économie réelle, mais tout cet argent a tout simplement disparu dans les coffres des banques (voir [6] “Shut Down Wall Street !” SiS 53) *.
* Version en français intitulée " Il faut faire cesser Wall Street ! " par le Dr. Mae-Wan Ho. Traduction et compléments de Jacques Hallard. Accessible sur http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article199

Avec des bilans plus sains, les banques ont cru pouvoir continuer à payer des primes énormes, mais pas à prêter aux petites et moyennes entreprises (PME) qui ont besoin de l’argent pour construire la force industrielle que prône le gouvernement.

Le Royaume-Uni doit concentrer son attention sur l’économie réelle, un mouvement qui a déjà commencé dans une certaine mesure aux États-Unis, au moins au niveau étatique et au niveau local [5].

Les mathématiques financières sont-elles à blâmer ?

Il est ironique de constater qu’à un moment où le chômage est élevé, surtout parmi les jeunes, les industries se plaignent de la pénurie de compétences. Trop peu de jeunes sont diplômés en tant qu’ingénieurs et un trop grand nombre d’entre eux (près de la moitié, selon l’Institution of Mechanical Engineers [7]) se déplacent vers d’autres carrières.

En revanche, il y a beaucoup trop de jeunes formés pour faire des mathématiques dites ‘financières’ pour l’élaboration et la manipulation des produits dérivés complexes qui ont été la cause majeure du crash financier [8], et de sérieuses questions ont été posées quant à savoir si les mathématiques et les mathématiciens financiers sont à blâmer autant que les banquiers d’investissement [9].

Les mathématiciens financiers sont-ils responsables ?

Incroyablement, la « faute » est limitée à la perte de quelques milliers de milliards. Le débat visait à déterminer si les modèles mathématiques, ou les données qu’ils ont utilisées comme entrées, étaient assez bonnes et appropriées ; la question de savoir s’il est éthique de fournir des instruments mathématiques élaborés pour la création de crédits à des dettes reconditionnées, d’une part, et de jouer avec l’épargne populaire et les moyens de subsistance, d’autre part ; tout cela n’est jamais été pris en considération.
Selon un banquier d’investissement qui s’est exprimé sur le sujet [10] : « Les banques ont besoin des compétences de niveau élevé en mathématiques parce que c’est la façon dont la banque gagne de l’argent ». Ces offres, qui ont constitué une sorte de spirale infernale qui a été très rapidement hors de contrôle, n’auraient pas été possibles, en premier lieu, sans la complicité des mathématiques financières et le concours des mathématiciens financiers, amicalement réputés être grandement inspirés et considérés comme des « quants » [voir la rubrique ‘Analyse financière en économie’ dans la partie ‘Définitions & Compléments, à la suite de cet article] dans le monde des affaires financières, ce qui leur procure encore des salaires généralement exprimés en millions et bien plus [9].

Il est inutile de dire, comme l’a déclaré à la BBC le professeur William Perraudin, de la chaire des Finances la Tanaka Business School auprès de l’Imperial College de Londres [8] : « Les ‘quants’ sont une partie assez innocente dans tout cela. Ce sont les gens âgés qui prennent des décisions sur la prise de risque qui portent la responsabilité ».

William Perraudin est même allé jusqu’à faire l’éloge de ce que les quants font comme une grande faveur envers la société : « les ‘quants’ ont permis aux institutions financières de se comporter dans une voie extrêmement efficace, en s’engageant avec un minimum de capital dans leurs activités ». Cela a permis à des concurrents de taille relativement petite de prendre place parmi les grandes institutions pour la fourniture de services financiers et qui a conduit, à son tour à des prêts encore moins chers », a-t-il expliqué. Bien sûr, c’est cela même qui a précisément été, dans le même temps, responsable de la bulle financière.
De même, Chris Rogers, professeur des sciences statistiques et en charge du Groupe de Finance Quantitative à l’Université de Cambridge, a déclaré à un journaliste [9] : « Dans une banque, les mathématiciens jouent essentiellement un rôle mineur : ils sont les serviteurs de l’entreprise financière qui a ses impératifs ».

Tim Johnson, membre académique en mathématiques financières basé à l’Université Heriot-Watt et à l’Institut Maxwell des sciences mathématiques à Edimbourg, a déclaré pour sa propre défense [10] : « J’ai été aspiré dans les mathématiques financières non pas parce que j’étais intéressé par les finances, mais parce que j’étais intéressé pour prendre de bonnes décisions dans un contexte d’incertitude ... L’un des objectifs clés des mathématiques financières est de comprendre comment construire les meilleures stratégies d’investissement qui minimisent les risques dans le monde réel ». Mais il ne s’est pas demandé : de minimiser les risques pour qui et pour quel but qui pourrait servir l’humanité, ou tout au moins ne lui faire aucun mal.
Cependant beaucoup des doyens spécialistes de mathématiques financières, comme pour s’absoudre de tout blâme, portent la responsabilité principale pour avoir fourni les outils qui permettent à un groupe de personnes (eux-mêmes inclus) de devenir prodigieusement riches et en laissant le reste de la société faire l’aumône.

Il est temps pour les mathématiciens en herbe de se réveiller, d’envisager leur responsabilité sociale et de reconsidérer leurs idéaux, en même temps que le côté attrayant et la beauté des mathématiques. Si les banquiers financiers étaient amenés à perdre leur emploi, il n’y aurait certainement plus beaucoup d’emplois non plus dans le microcosme des mathématiques financières.

© 1999-2012 The Institute of Science in Society
Contact the Institute of Science in Society
MATERIAL ON THIS SITE MAY NOT BE REPRODUCED IN ANY FORM WITHOUT EXPLICIT PERMISSION. FOR PERMISSION, PLEASE CONTACT ISIS

Définitions et compléments

Banques d’investissement et mathématiques financières

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles honoraire.
Adresse : 585 19 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France
Courriel : jacques.hallard921@orange.fr
Fichier : ISIS Economie Investment Banks and Financial Maths French version.2
— -