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"Une nouvelle économie est possible immédiatement" par le Dr Mae-Wan Ho

Traduction et compléments de Jacques Hallard

mardi 10 janvier 2012, par Ho Dr Mae-Wan

ISIS Economie
Une nouvelle économie est possible immédiatement
New Economy Now
Loin des titres qui font l’actualité, une nouvelle forme d’économie prend forme grâce à des innovations financières fondées sur le nouveau modèle ‘Main Street’ et sur les bases d’actions locales entreprises. Par le Dr Mae-Wan Ho

Rapport de l’ISIS en date du 01/04/2012
Une version entièrement illustrée et référencée , intitulée ‘New Economy Now’ est accessible par les membres de l’ISIS sur le site http://www.i-sis.org.uk/New_Economy_Now.php

Le mouvement des ‘99% Wall Street’

L’argent non réglementé et le système bancaire, qui ont été mis en place depuis les années 1970 et 1980, sont maintenant considérés, d’une façon générale, comme la cause fondamentale de la crise financière mondiale qui s’est produite en 2008 (voir [1] "Shut Down Wall Street !" , SiS 53) *.
* Version en français intitulée " Il faut faire cesser Wall Street ! " par le Dr. Mae-Wan Ho, traduction et compléments de Jacques Hallard ; accessible sur le site http://isias.transition89.lautre.net/spip.php?article199

Dans le sillage de cette crise de 2008, des plans de sauvetage massifs ont été effectués par les gouvernements au profit des institutions financières et ces pans ont assuré à ces dernières leur prompt rétablissement, avec une bonne rentabilité et de gros bénéfices. Mais ces dotations financières publiques n’ont fait qu’empirer les choses pour "les 99%".

Loin de stimuler l’économie réelle et de créer des emplois, le chômage a grimpé, notamment chez les jeunes, les saisies immobilières ont continué sans relâche, et le monde s’est retrouvé plongé dans une crise de la dette souveraine à partir de laquelle il pourrait ne jamais se relever.

La relation de Wall Street avec les Etats-Unis est semblable à celle d’un occupant colonial qui vise à l’extraction et à l’expropriation des richesses des populations [2]. Les Etats-Unis ne sont, en aucun cas, les seuls. Des sociétés mondiales, financières et autres, n’ont pas pour mission de créer des emplois.
Au contraire, elles sont là pour maximiser le profit par tous les moyens disponibles, y compris [2] « éliminer les emplois et les avantages du travail, en abaissant les salaires, en permettant l’évasion fiscale, en niant les réclamations des systèmes d’assurance en matière de santé, et en pillant les comptes de retraite des personnes âgées ». Cela ne qui vous semble-t-il pas familier ?
En effet, la classe moyenne a été pratiquement éliminée dans le cadre de la « croissance économique » alimentée par la déréglementation financière des années 1970 et 1980 : les plus riches deviennent encore plus riches, tandis que la masse des pauvres s’est amplifiée à plus de la moitié de la population.
Entre 1983 et 2009, plus de 40% des richesses sont allés vers les 1% les plus riches, et 41,5% des richesses sont allés vers la tranche des 4% des plus riches qui suivent [3]. La base sociale des 60% des ménages américains n’a rien gagné du tout : au lieu de cela, ils se sont retrouvés endettés.

Les salaires sont diminués et les avantages sociaux des travailleurs sont grignotés par l’automatisation et l’externalisation des activités vers des pays aux coûts de main d’œuvre les moins chers. Mais cela ne correspond pas à une augmentation des emplois au niveau mondial.

Entre 2000 et 2009, selon le Département du Commerce américain, les sociétés transnationales - qui emploient environ 20% de tous les travailleurs américains – a réduit l’emploi américain de 2,9 millions de postes et augmenté la main-d’œuvre dans des pays étrangers de 2,4 millions : il en est résulté une perte nette de 0,5 millions d’emplois.

La tâche majeure dans la construction d’une nouvelle économie est de remplacer le système bancaire et monétaire de Wall Street par un système dédigné par ‘Main Street’, destiné à bien gérer les comptes des collectivités locales et des populations, tout en répondant à leurs besoins et, en plus, en assurant la création de bons emplois à salaires décents qui génèrent une réelle richesse pour les gens.

Heureusement, nous n’avons pas à attendre que les gouvernements puissent rendre cela possible !

Des banque communautaires (ou des collectivités territoriales) pour gérer les revenus et la richesse des populations et des communautés humaines

La première partie d’un plan d’action qui en comporte six, proposé par le Groupe de travail de la nouvelle économie (NewGroup) pour libérer l’Amérique du système Wall Street [4] est d’inverser la consolidation bancaire, de déconstruire les mégabanques et de construire un système national de banques communautaires, en particulier des banqsues coopératives ou des organisations de propriétaires à but non-lucratif, consacrées à l’élaboration et à la construction de revenus et de richesses au profit des populations et des communautés humaines.

Le projet de nouvelles règles de l’Institute for Local Self-Reliance [5] rapporte que les Etats-Unis disposent encore de quelques 8.000 coopératives de crédit et plus de 7.600 banques communautaires (avec des actifs d’une valeur d’environ 1 milliard de dollars).

En grande partie en raison de la campagne Move Your Money [6], qui encourage les gens à transférer leurs comptes bancaires vers des institutions financières locales, les coopératives de crédit sont en plein essor [7].

Entre le début de l’année 2009 et Juin 2010, les coopératives de crédit ont enregistré plus de 1,5 million de nouveaux membres, leurs dépôts ont augmenté de 10 pour cent en 2009, correspondant à 10 pour cent des dépôts effectués aux États-Unis à la date de juin 2010.

Les Community Development Banks, les Banques de développement communautaire [8] – des banques privées, à but non lucratif et assurées au niveau fédéral, et des institutions d’épargne dont la mission est de servir les communautés à revenus faibles et modérés - financent des logements abordables, les petites entreprises, les installations des collectivités territoriales, des consommateurs et des réalisations à usage mixte, immobilier et commercial. Ces banques soutiennent également le développement et l’application des technologies ‘vertes’ ou écologiques.

Selon le Forum for Sustainable and Responsible Investment, le Forum pour l’Investissement Responsable et Durable, anciennement Social Investment Forum) [9], les actifs combinés des banques de développement communautaires, des syndicats communautaires de développement du crédit, les fonds de développement des prêts communautaires, et les fonds de développement communautaire du capital-risque ont augmenté de plus de 60%, en partant de 25 milliards de $ en 2007, et passant à 41,7 milliards de $ au début de l’année 2010.
Il existe d’ailleurs d’autres innovations financières avec des banques communautaires citées dans le rapport NewGroup [4].

La Bremer Bank, opérant dans le Minnesota, le Dakota du Nord et le Wisconsin, gère 8 milliards de dollars en actifs et se spécialise dans le service aux agriculteurs et aux entreprises locales. Elle est détenue à 90% par une fondation à but non lucratif qui retourne tous les bénéfices à la communauté ; les employés de la banque détiennent en propre les 10% restants.

‘One PacificCoast Bank’ a été fondée sous la dénomination OneCalifornia Bank pour servir les communautés à faible revenu. Elle est détenue par une fondation à but non lucratif ‘One PacificCoast Foundation’, mise en place par le financier Tom Steyer et son épouse Kat Taylor, avec un investissement initial philanthropique de 22,5 millions de dollars. La fondation reçoit tous les bénéfices financiers, et elle octroie des subventions de bienfaisance et d’éducation pour soutenir les objectifs sociaux de la banque. En 2010, OneCalifornia Banque a acquis ShoreBank Pacifique, qui s’est spécialisée dans la fourniture de prêts pour les entreprises locales engagées dans la restauration et la gestion durable des ressources environnementales. Les banques combinées fonctionnent maintenant comme une seule entité.

Southern Bancorp, l’une des banques de développement d’Amérique parmi les plus grandes et les plus rentables, avec plus de 1 milliard de dollars d’actifs, est une banque à but lucratif, avec des restrictions sur la participation de propriété.
La plupart de ses actionnaires sont des fondations et des sociétés qui ont investi pour le social plutôt que pour le rendement financier ; la plupart n’ont aucun droit de recevoir des dividendes, de parts dans les profits, de vendre leurs actions, ou de convertir la banque en un modèle plus conventionnel.

Leur mission est d’atteindre trois objectifs de transformation pour les collectivités qu’ils desservent dans l’Arkansas et dans le Mississippi depuis une vingtaine d’années : réduire la pauvreté de 50%, réduire le chômage de 50%, et – en matière d’éducation - améliorer le taux d’obtention des diplômes de 50%.
Southern Bancorp offre une gamme complète de services bancaires pour les pauvres : comptes courants, cartes de crédit, chèques, prêts à la consommation pour de petites acquisitions, et plusieurs services financiers non-traditionnels, comme des comptes d’épargne adaptés et une préparation en franchise d’impôt. Les profits vont soit augmenter la base de capital pour soutenir l’expansion des programmes de prêts ou soit recirculer en retour vers les plus pauvres dans la communauté, sous forme de services bancaires ou philanthropiques.

Entreprise Cleveland Group (ECG), située dans l’Ohio, est une institution financière de développement sans but lucratif (CDFI) qui aide les petites entreprises à croître, grâce à des prêts et à une assistance technique. Son Evergreen Cooperative Development Fund, le Fonds de développement coopératif Evergreen, créé par la Fondation de Cleveland (la première fondation de développement communautaire aux Etats-Unis) en partenariat avec la Democratie Colaborative de l’Université du Maryland et le Centre Employee Ownership de l’Ohio, s’attend à devenir une CDFI indépendante en 2012.
Ensemble, ces groupes ont lancé un réseau croissant d’entreprises dont les capitaux sont détenus par les salariés, pour fournir des emplois pour les communautés de Cleveland à faible revenu. Les entreprises appartenant aux employés qui, à leur tour, se sont engagés à consacrer au moins 10% de leurs bénéfices à l’émergence et à l’accompagnement de nouveaux investissements, en tant que co-investisseurs dans le Fonds. Le Fonds soulève également des fonds d’investissement auprès des institutions, des fondations, des programmes gouvernementaux et de particuliers, sous la forme de subventions et d’investissements socialement responsables.

Un article du New York Times, publié en Décembre 2011 [10], rapporte quelque 130 millions d’Américains participent à la propriété d’entreprises co-opératives et à des syndicats d’entreprise, soit 6 millions de plus que dans les syndicats du secteur privé ; par ailleurs, plus de 1 million d’Américains sont devenus des travailleurs-propriétaires dans plus de 11.000 entreprises privées détenues par les salariés.

Des banques d’État pour des dépôts sûrs et garantis

Le deuxième point de l’ordre du jour pour ‘libérer l’Amérique’ d’après le NewGroup [4] est d’établir un système de banques d’Etat pour servir en tant que dépositaires des actifs financiers d’Etat et de collaborer avec les institutions de développement financier de la Communauté pour les prêts aux foyers locaux, aux industriels et aux commerçants.

La Banque du Dakota du Nord (BND) est un brillant exemple d’une telle banque d’Etat. Elle a été établi en 1919 pour promouvoir l’agriculture, le commerce et l’industrie dans l’Etat du Dakota du Nord. Elle est détenue à 100% par l’Etat, et mène ses activités exclusivement dans l’intérêt public, en partenariat avec les banques privées locales de l’Etat. Ses dépôts, principalement des comptes portant intérêt de l’État et ses subdivisions politiques - sont garantis par l’État du Dakota du Nord.

Le BND est la raison majeure pour laquelle le Dakota du Nord a plus de banques locales par habitant et un taux plus faible de défaut sur les prêts que tout autre État américain, et aussi pourquoi ses banques communautaires ont été relativement épargnées par la crise financière de 2008. Ceci a inspiré d’autres États à établir leur propre banque d’Etat.

En mars 2011, une législation bancaire de partenariat de l’Etat a été introduite dans 8 états : le Maryland, l’Oregon, Hawaii, l’Etat de Washington, l’Illinois, la Louisiane, le Massachusetts et la Virginie, et d’autres initiatives législatives de banques d’État sont en cours de mise en place dan les Etats du Maine et en Californie. En décembre 2011, 14 États envisagent de promulguer une loi pour créer des banques publiques similaires à la BND, la Banque de l’Etat du Dakota du Nord, aux Etats-Unis [10].

Des actions qui émanent de la base

‘Occupy Wall Street’ est un mouvement de protestation spontané, émergent à travers le monde entier, qui a alerté et qui a galvanisé les gens ordinaires contre la cupidité et la corruption inhérente au régime monétaire actuel [1]. Mais d’autres mesures et actions sont un peu restées dans l’ombre.

La campagne Move Your Money [6] encourage les individus et les institutions à se désinvestir des grandes banques du système Wall Street "too big to fail", « trop puissant pour tomber », afin de prendre le pouvoir avec leurs propres moyens par des contributions en vue d’arrêter le système financier corrompu, de créer un environnement stable, et d’installer à la place un système bancaire localisé.

Résilience Circle est un mouvement destiné à initier un petit groupe de 10 - 20 personnes qui se réunissent pour accroître leur sécurité personnelle par l’apprentissage, la formation, l’entraide et l’action sociale [11].
U.S. Uncut mène une campagne d’action directe non-violente pour attirer l’attention du public sur l’impôt des sociétés concernant des entreprises peu scrupuleuses (’Dodgers’) et de leur part de responsabolité dans les déficits publics.

Le Public Banking Institute [12] est dédié à la compréhension du système financier et il vise à faciliter la mise en œuvre de banques publiques à tous les niveaux : local, régional, étatique et fédéral [aux Etats-Unis].

Pour conclure

Nous avons tous les éléments pour une nouvelle économie socialement responsable qui offre de bons emplois avec des salaires décents, et qui génère une réelle richesse pour les populations, au moins aux États-Unis.
Mais cela ne suffit pas, nous avons besoin d’une économie véritablement écologique et circulaire, qui travaille avec la nature, et au sein de celle-ci, afin de générer et de régénérer des revenus et de la richesse pour les gens et pour la planète (voir [13] Living, Green & Circular, SiS 53).

[Voir aussi un article en anglais : ‘Reinventing the wheel : a circular economy for resource security’ : http://www.green-alliance.org.uk/grea_p.aspx?id=6044 ]

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Définitions et compléments :

Traduction, définitions et compléments :

Jacques Hallard, Ing. CNAM, consultant indépendant.
Relecture et corrections : Christiane Hallard-Lauffenburger, professeur des écoles
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