Accueil > Pour en savoir plus > Agriculture, Souveraineté alimentaire, Alimentation > Sols > "Les sols cultivables vivants sont à protéger d’urgence partout dans le (…)

"Les sols cultivables vivants sont à protéger d’urgence partout dans le monde avec des alternatives à l’artificialisation des sols, une réhabilitation des sols dégradés et un frein aux accaparements des terres agricoles" par Jacques Hallard

mardi 14 mars 2023, par Hallard Jacques


ISIAS Agriculture Territoires

Les sols cultivables vivants sont à protéger d’urgence partout dans le monde avec des alternatives à l’artificialisation des sols, une réhabilitation des sols dégradés et un frein aux accaparements des terres agricoles

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 13/03/2023

Plan du document : Présentation Préambule Introduction Sommaire Auteur

https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMjAyNjEyOWUwM2U1ZWMxYmRjNDJlOTA5OTgzOTdlYTQ4MjE?width=940&focuspoint=50%2C25&cropresize=1&client_id=bpeditorial&sign=3e98680f74da812486b306037b53337829f0d89704ff51fc2aeeb9b91b27e642

Evolution des terres agricoles en France en soixante-dix ans. | Ouest-France – Voir les détails dans ce dossier


Préambule

Ce dossier commence par quelques notions de base sur les sols cultivables. On peut soit lire la suite, soit passer directement à lintroduction et/ou au sommaire

Terre arable - Une terre arable est une terre qui peut être labourée ou cultivée. Selon la FAO, les terres arables sont les terres affectées à des cultures temporaires, les prairies temporaires à faucher ou à pâturer, les cultures maraîchères et jardins potagers, et les jachères temporaires. Wikipédia

Terres agricoles - OCDE Données - Agriculture - Les terres agricoles comprennent les terres arables, les cultures permanentes et les pâturages permanents. Elle englobe les cultures temporaires comme les céréales, les prés de fauche, les pâturages temporaires, les cultures maraîchères, les potagers et les jachères temporaires. Les terres en déprise du fait de l’itinérance sont exclues. Les cultures permanentes sont celles qui occupent les terres pendant des périodes prolongées, les végétaux n’ayant pas besoin d’être renouvelés après chaque récolte (vergers, vignes). Elles ne comprennent pas les forêts cultivées pour le bois. Les pâturages permanents sont les terres consacrées pendant cinq ans ou plus à des productions fourragères, cultivées ou naturelles. Dans les indicateurs agro-environmentaux se trouvent les terres agricoles dédiées à l’agriculture biologique et les cultures transgéniques. Cet indicateur est présenté sous la forme d’un chiffre global et pour chaque type de terres agricoles, et il est exprimé en hectares et en pourcentage. Tous les détails sont à découvrir sur ce site : https://data.oecd.org/fr/agrland/terres-agricoles.htm

Sol (pédologie) d’après Wikipédia

Le sol recèle un trésor vivant insoupçonné qui représente 50 % de la biodiversité spécifique sur la terre1. En région tempérée, chaque mètre carré (sur 20 cm de profondeur) abrite en moyenne 10 000 espèces animales (dont un millier d’espèces d’invertébrés constitués de près de 50 % d’acariens) comprenant, en les distinguant par leur taille, la microfaune, la mésofaune et la macrofaune2. Une cuillère à café de sol, soit environ un gramme, héberge en moyenne 100 arthropodes, 1 000 à 2 000 nématodes, des millions de protozoaires et près d’un milliard de cellules bactériennes, issues de plus de 1 million d’espèces3. Cette même cuillère contient 200 m de mycélium de champignons correspondant à 100 000 champignons, issus de plusieurs milliers d’espèces fongiques saprophages4,5.

La couleur des sols est déterminée par référence à un code international de couleur, la charte Munsell6. Les teintes plus ou moins claires ou sombres, plus ou moins jaunes ou rouges dépendent de trois composants principaux : des calcaires (clairs), des composés organiques (sombres, carbone résiduel des plantes) et de la quantité de fer (sous forme d’oxydes et d’hydroxydes qui constituent les ocres de couleur jaune, rouille, brun rougeâtre à brun foncé)7.

Nous sommes incapables d’imaginer l’importance du microbiome du sol et qu’en moyenne, un tiers de la biomasse des plantes est sous terre sous forme de racines mycorhizées. Au total, un sol de champ abrite une dizaine de tonnes de biomasse souterraine vivante par hectare (l’équivalent d’un petit troupeau de vaches), qui se répartissent en 3 à 6 tonnes de racines mycorhizées, 3,5 tonnes de champignons, 1,5 tonne de bactéries et 1,5 tonne d’animaux8. Au bilan, la matière organique des sols représente entre 50 et 75 % de la biomasse vivante des écosystèmes terrestres, et entre 60 et 90 % de leur biomasse totale (vivante ou morte)9.

Le sol est le support des cultures mais aussi pour partie leur produit, tout particulièrement l’humus dont la perte fragilise le sol.

La nature et la qualité du sol, ainsi que son degré de végétalisation contribuent à sa plus grande vulnérabilité ou résilience face aux phénomènes érosifs.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/d3/Estructura-suelo.jpg/220px-Estructura-suelo.jpg

Exemple de profil de sol : B latérite, régolithe ; C saprolite, régolithe moins météorisé puis croûte terrestre ou roche-mère

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a4/Formaci%C3%B3n_del_suelo.png/220px-Formaci%C3%B3n_del_suelo.png

Différentes étapes de la formation d’un sol (pédogénèse) : de la météorisation de la roche mère à l’évolution de l’enrichissement en humus et de la pédofaune.

Le sol est la partie vivante de la géosphère, constituant la couche la plus externe de la croûte terrestre, résultant de l’interaction entre la lithosphère, l’atmosphère, l’hydrosphère et la biosphère. Il résulte de la transformation de la couche superficielle de la roche-mère, dégradée et enrichie en apports de matières organiques par les processus vivants de pédogenèse. Hors des milieux marins et aquatiques d’eau douce, il est ainsi à la fois le support et le produit du vivant. L’humus est la partie du sol la plus riche en matière organique.

On différencie le sol de la croûte terrestre par la présence significative de vie. Le sol est aussi un des puits de carbone planétaires, mais semble actuellement perdre une partie de son carbone, de manière accélérée depuis au moins 20 ans[Quand ?]10. Il peut contenir et conserver des fossiles11, des vestiges historiques12 et les traces d’anciennes activités humaines13 (anthropisation, voir aussi anthrosol, archéologie) ou d’évènements climatiques11. Ces éléments influent à leur tour sur la composition floristique13.

Le sol est vivant14 et constitué de nombreuses structures spatiales emboîtées (horizons, rhizosphère, macro- et micro-agrégats, etc.). Cette dimension fractale autorise la coexistence de très nombreux organismes de tailles très diverses et fait du sol un réservoir unique de biodiversité du sol microbienne, animale et végétale15. Il est nécessaire à la grande majorité des champignons, des bactéries, des plantes et de la faune. La biodiversité du sol est le fruit de l’action d’un ensemble de facteurs, naturels (par exemple pédogenèse) et anthropiques (occupation des sols, pratiques de gestion…) agissant sur de longues périodes.

Tous les sols qui prennent ou ont pris naissance à la surface de la lithosphère forment la pédosphère. La science des sols est la pédologie. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a déclaré 2015 comme étant l’année internationale des sols, avec comme phrase clé « Des sols sains pour une vie saine »16.

Lire l’article complet avec les illustrations sur c site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sol_(p%C3%A9dologie)

Guide technique « Sols vivants : alternatives à l’artificialisation des sols et réhabilitation des sols dégradés » - 26 octobre 2022 - LPO FrancePublication- Nature en ville– Document ‘lpo.fr’ - Acteurs de l’aménagement urbain, ce guide est fait pour vous.

https://www.lpo.fr/var/site/storage/images/_aliases/detailed_content/2/6/7/6/356762-3-fre-FR/Photo_couverture_1360.jpg

Les sols constituent des écosystèmes à part entière peu visibles et donc méconnus. Pourtant, les organismes du sol assurent des fonctions qui permettent le maintien de la vie sur Terre. Les sols sont depuis de nombreuses années victimes de l’artificialisation et de l’étalement urbain. Les impacts sur la biodiversité sont multiples :

  • Destruction de certains habitats,
  • Disparition progressive d’espèces,
  • Fragmentation des milieux.
    Les êtres humains pâtissent également de cette artificialisation des sols, notamment dans un contexte de changement climatique (amplification des risques d’inondations, création d’îlots de chaleur urbains, déstockage de carbone, etc…). Des réflexions sont à mener pour trouver des alternatives à l’artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers, tout en préservant et renforçant la présence de la nature en ville. Un milieu urbain résilient ne peut être que minéral, il s’agit de conjuguer densité et biodiversité.

Ce guide vise à sensibiliser et mobiliser l’ensemble des acteurs de l’aménagement urbain (collectivités, urbanistes, architectes, paysagistes, constructeurs, aménageurs) grâce à des conseils pratiques, des éclairages réglementaires et des solutions techniques, afin que chacun puisse contribuer à la préservation du vivant.

Document à télécharger - Sols vivants : alternatives à l’artificialisation des sols et réhabilitation des sols dégradés Guide technique PDF - 11 MB

https://www.lpo.fr/var/site/storage/images/5/3/7/6/356735-4-fre-FR/sols_vivants_guide.JPG

Télécharger

La LPO est le représentant officiel de BirdLife International en France … - Siège national : LPO France Fonderies Royales 8 rue du Dr Pujos CS 90263 17305 Rochefort Cedex - Tél : 05.46.82.12.34 - Besoin d’aide, une question ? Contact & FAQ Mentions légales et crédits Politique de confidentialité Paramétrer les cookies

https://www.lpo.fr/assets/theme/img/flags/spain_flag.png

https://www.lpo.fr/assets/theme/img/flags/uk_flag.png© LPO 2023 - Source : https://www.lpo.fr/qui-sommes-nous/toutes-nos-actualites/articles/actus-2022/guide-technique-sols-vivants-alternatives-a-l-artificialisation-des-sols-et-rehabilitation-des-sols-degrades

Association Ligue de protection des oiseaux - Antenne des Alpes de Haute-Provence (LPO PACA) - Les Mées

Terre de Liens est un mouvement citoyen français dont l’une des ambitions est de supprimer le poids de l’acquisition foncière pour les agriculteurs, ainsi que d’œuvrer à la préservation du foncier agricole. Notamment en luttant contre la spéculation foncière et l’artificialisation des terres agricoles1,2… - Source - Voir Terre de Liens sur https://terredeliens.org/?gclid=EAIaIQobChMIxqXvnL3Z_QIV0MrVCh0wqAwrEAAYASAAEgLoKvD_BwE

Terre de Liens — Wikipédia

Retour au début du préambule

Retour au début du dossier

Introduction

Ce dossier essentiellement consacré aux caractéristiques et à la préservation des terres cultivables, aux sols agricoles vivants, « l’épiderme vivant de notre planète »

Des notions de base sont rappelées dans un Préambule. Ensuite, vient une longue rétrospective de Sylviane Tabarly (2011), titrée « Agricultures sous tension, terres agricoles en extension : des transactions sans frontières », abordait notamment avec beaucoup de documentations intégrées : les terres cultivées et les terres cultivables, les usages agricoles des terres à l’échelle mondiale, les tensions pour l’accès à l’eau, les situations critiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les formes d’accaparement des terres cultivables dans des transactions internationales, et des projets particuliers et des accaparements de terres agricoles en Afrique subsaharienne (Office du Niger, Mali), au Kenya, en Tanzanie, etc...

En France, le constat des pertes des surfaces agricoles (une perte de 7,7 % des surfaces depuis 1982) a été formulé en particulier par Delphine Jeanne en 2021.

Par la suite, il est rapporté dans ce dossier :

Le « Manifeste pour la sauvegarde des terres agricoles » qui avait été lancé dès 2015-2016 par la Confédération Paysanne depuis le département de l’Aude.

La plateforme collaborative ‘Récolte’ signalée par Sophie Palisse en 2020, conçue et lancée par ‘Terre de Liens’ et ‘INRAE’, comme un recueil d’initiatives foncières pour préserver les terres agricoles en France.

Considérant qu’il faut « Sauvegarder les terres agricoles pour une alimentation de proximité et de qualité », Béatrice Beatmediahttp://www.safer-paca.com/thematiqu...de SAFER PACA, souligne que « Le sol, la terre, sont des ressources inestimables » … et que « La collaboration, par exemple entre Safer et Terre de Liens Paca, semble très constructive »… - « Le maraichage sur de petites surfaces, les paysans boulangers, etc… sont beaucoup plus nécessaires que des parkings de grandes surfaces ou de l’urbanisation étalée… »

Par ailleurs, ‘Ouest-France titrait en février 2022 « Préservation des terres agricoles : un rapport alerte sur l’urgence », en faisant référence à un document émanant de ‘Terre de liens’ …

Finalement, figure pour compléter ce dossier, la communication de ‘Vie Publique’ (février 2023) sur les mesures gouvernementales prises en France pour « mieux protéger les espaces naturels et les sols de l’artificialisation des surfaces  » ; « cette lutte contre l’artificialisation des sols représente aujourd’hui un enjeu majeur pour limiter le réchauffement climatique… »

Les articles sélectionnés pour ce dossier, à usage didactique et non commercial, sont indiquées avec leurs accès dans le sommaire ci-après.#ZUSAMMENFASSUNG

Retour au début de l’introduction

Retour au début du préambule

Retour au début du dossier


Sommaire

Retour au début de l’introduction

Retour au début du préambule

Retour au début du dossier

§§§


  • Rappels - Le sol, l’épiderme vivant de notre planète - Publié le 07.05.20 - Par Clément Mathieu Lecture zen
    Les sols forment, à la surface de la lithosphère, une fine pellicule d’épaisseur et de composition variables en fonction, notamment, du climat et de la nature des matériaux parentaux. Les Hommes emploient les sols de diverses manières mais les pressions qu’ils leur font subir menacent l’utilisation à long terme de ce fragile patrimoine.

Cet article est une version adaptée de Le sol ou l’épiderme vivant de la planète Terre, La Cohorte, 2009, 195, 15-28, SMLH, Paris. Le sol, l’épiderme vivant de notre planète - Publié le 07.05.20 - Par Clément Mathieu – Document ‘planet-vie.ens.fr’

Lire également :

’Il convient de préserver et de mieux cultiver les sols vivants qui sont à considérer comme un bien public mondial : s’informer, apprendre, comprendre, partager et agir autrement pour demain et les générations futures’ par Jacques Hallard Mis en ligne sur ISIAS : samedi 4 décembre 2021

Retour au début du sommaire


  • Rétrospective - Agricultures sous tension, terres agricoles en extension : des transactions sans frontières - Publié le 23/06/2011 – Autrice : Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon
    Les récentes flambées des prix de produits agricoles, en 2008 et en 2011, et leur médiatisation révèlent des tensions sur les approvisionnements et laissent présager une période où la maîtrise des terres cultivables va devenir un enjeu essentiel.

La sécurité alimentaire, dans un contexte de poursuite de la croissance démographique, constitue un défi majeur de ce siècle, au cœur des droits de l’homme élémentaires (cf. encadré ci-dessous + [2]). Les vingt-cinq dernières années de politiques économiques dans les PED ont conduit à un développement du secteur agricole remarquable dans le cas de pays tels que la Chine ou l’Inde. Mais, contrairement à l’Asie, l’Afrique ne parvient pas, depuis 1990, à réduire la population de ses sous-alimentés, que ce soit en valeur absolue ou en valeur relative [3].

La sous-alimentation dans le monde et son évolution

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresFAO2-min.gif

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresFAO1-min.gif

Par ailleurs, la croissance rapide des pays émergents fait apparaître de nouveaux besoins, de nouveaux modes d’alimentation, poussant à la consommation croissante de produits carnés par exemple, ce qui amplifie la pression sur les ressources. Face à ces défis, les terres agricoles peuvent faire l’objet de transactions multiples et sans frontières, les fronts pionniers se multiplient et s’intensifient, sans que leurs objectifs soient uniquement alimentaires d’ailleurs. Pour de nombreux pays confrontés au manque de ressources foncières la recherche de nouvelles stratégies de sécurité alimentaire s’impose comme une priorité d’action politique et économique et l’acquisition ou l’extension de terres agricoles peut devenir un enjeu majeur.

À partir de documents récents [4], cette page se propose de faire le point sur la situation internationale. Quelles sont les disponibilités en terres cultivables à l’échelle mondiale ? Quelles sont les stratégies spatiales des investisseurs, publics ou privés qui s’intéressent aux terres agricoles ’disponibles’, en particulier celles des pays du Sud et des pays émergents ?

Terres cultivées et terres cultivables

Qu’en est-il du potentiel des terres exploitables par l’agriculture à travers le monde ? Sur quelles connaissances et sur quelles projections peut-on s’appuyer pour envisager l’avenir ?

Une étude récente d’Agreste (2010) repose sur l’analyse de trois bases de données (encadré ci-dessous) relatives à l’étendue des terres à usage agricole, que cet usage soit effectif ou potentiel, dans le monde et dans les grandes régions. Malgré leurs différences et leurs incertitudes inévitables, ces bases indiquent que les superficies de terres utilisables en culture pluviale (sans besoin d’irriguer) et non encore cultivées sont très étendues à l’échelle du monde, en particulier en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne. En revanche, cette ressource apparaît rare, voire épuisée, au Moyen-Orient et en Asie. À l’échelle du monde, les superficies des terres utilisables en culture pluviale seraient largement supérieures aux superficies nécessaires pour assurer tout à la fois des conditions de sécurité alimentaire satisfaisantes pour l’ensemble de l’humanité et un certain développement des cultures pour les agrocarburants.

Bases de données sur les usages agricoles des terres à l’échelle mondiale : questions méthodologiques (document en pop-up)

Il existe trois grands types de bases de données sur les usages agricoles, réels ou potentiels, des terres à l’échelle mondiale : des bases statistiques, des bases d’images relatives à la couverture et/ou à l’usage des terres issues de données satellitaires, et des bases qui combinent à la fois des données statistiques et des données d’origine satellitaire. La distinction entre couverture et usage des terres est importante : la couverture fait référence aux éléments biotiques ou abiotiques présents à la surface de la terre, avec trois catégories principales : végétation, infrastructures humaines, surfaces nues (roche, sol, eau…) ; l’usage fait référence aux activités que les humains entreprennent afin d’en tirer des avantages matériels ou immatériels. Les trois bases de données les plus importantes et accessibles sont :

  • la base de données statistiques de la FAO, FAOSTAT ;
  • deux bases qui combinent des informations d’origines statistique et satellitaire : la base de l’étude Global Agro-Ecological Zones (GAEZ) de l’International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA) et de la FAO ;
  • la base du Center for Sustainability And the Global Environment (SAGE) de l’Université du Wisconsin, qui est reprise dans certains travaux du Global Trade Analysis Project (GTAP).
     Ces bases, outre les marges d’erreur habituelles sur les données statistiques mêmes, comportent des incertitudes qui proviennent de l’imprécision des définitions, ou de leur marge d’utilisation et d’interprétation. ... la suite en pop-up...

La FAO estime la superficie des terres cultivées à 1 525 millions d’ha (le SAGE à 1 805 millions d’ha en 1992). S’agissant des différents types de cultures occupant les terres cultivées de la planète, on peut constater que les céréales en occupent de loin la plus grande partie (55%), ce qui est cohérent avec le fait que ce groupe d’aliments apporte environ la moitié de l’énergie et des protéines alimentaires de l’humanité. En ce qui concerne la superficie des pâturages permanents du monde, la FAO l’estime à 3 370 millions d’ha et le SAGE à 3 272 millions d’ha en 1992, soit 3% de moins que la FAO.

Couvertures et occupations du sol des terres émergées

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresAgreste1-min.gif

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresAgreste2-min.gif

Le SAGE estime les superficies cultivables de la planète à 4 022 millions d’ha, un chiffre légèrement inférieur (de 3%) à celui de l’étude GAEZ (4 152 millions d’ha). Seules 38% des terres cultivables en mode pluvial dans le monde sont cultivées : 1 563 millions d’ha sur 4 152 millions (GAEZ et FAO 2005). Cette proportion est particulièrement faible en Amérique du Sud (12%) et en Afrique subsaharienne (20%). Elle est faible aussi en Amérique du Nord, en Russie et en Europe (autour de la moitié). En revanche, elle est très élevée au Moyen-Orient et en Asie de l’Est (95%), en Asie centrale aussi (85%). En Asie du Sud, les terres cultivées excèderaient même les terres jugées cultivables (GAEZ), sans doute parce que la possibilité de terrasser les pentes n’est pas prise en compte. La même comparaison indique que les pays ayant les plus fortes disponibilités en terres cultivables non cultivées sont le Brésil (plusieurs centaines de millions d’ha), les États-Unis, la Russie et le Zaïre (plus de 100 millions d’ha) (cf. graphique ci-dessous à gauche).

Terres cultivées, terres cultivables

Terres cultivables et terres cultivées en 2005 dans 25 pays

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresAgreste6-min.gif{Source : Agreste, 2010La mise en culture des terres doit aussi prendre en compte leur accessibilité (document ci-contre).

Disponibilité potentielle des terres non cultivées selon leur accessibilité

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresWB-min.gif{Source : Fischer et Shah - ’Rising Global Interest in Farmland : Can It Yield Sustainable and Equitable Benefits ?’, Banque mondiale, septembre 2010, http://go.worldbank.org/J7BL2T8WK0 ou http://reliefweb.int/node/25522

Il faut relativiser cette disponibilité apparente des terres en notant que, outre les incertitudes et les limites des bases de données, ces résultats expriment des extensions possibles de superficies cultivées qui auraient lieu principalement dans des zones actuellement classées comme ’herbeuses’ ou ’arbustives’ ou comme ’prairies et pâturages permanents’ et qui pourraient se faire au détriment de zones protégées. Ces éléments tendent à surestimer les possibilités d’extension des terres cultivées ainsi calculées. Mais d’autres éléments tendent à les sous-estimer : l’étude GAEZ considère comme non convenables à la culture les terres à faible rendement, et n’envisage pas les nombreux aménagements susceptibles de rendre des terres cultivables.

Terres agricoles, cultivées, cultivables, convenables, disponibles : préciser les notions

Les terres agricoles se rapportent aux terres relatives à l’agriculture. Selon la FAO et la plupart des organismes de recensements agricoles, on compte dans les terres agricoles : les terres mises en culture ; les prairies et les pâturages permanents.Selon la FAO, les terres cultivées sont les ’terres dont au moins 30% de la superficie est soumis à l’agriculture ou à la production animale’ (voir la carte ci-dessous). La notion de ’terre cultivable’ (assez proche du terme ’arable’ retenu par la FAO) peut apparaître assez floue, ouvrant la porte à des évaluations des gisements de terres agricoles approximatives. Le terme ’cultivable’ se rapporte à la qualité d’une terre : qui peut être cultivable, labourable, qui peut produire des récoltes (Larousse ou Le Robert). La définition de la FAO pour les terres arables est la suivante : ’Terres affectées à des cultures temporaires (les zones de polyculture ne sont comptées qu’une fois), prairies temporaires à faucher ou à pâturer, cultures maraîchères et jardins potagers, et jachères temporaires (moins de cinq ans). Les terres abandonnées du fait de la culture itinérante n’entrent pas dans cette catégorie. Les données correspondant à ’Terres arables’ ne sont pas censées inclure les surfaces potentiellement cultivables.’ La notion de terres ’convenables’ provient de la méthode GAEZ d’estimation des terres cultivables et des rendements accessibles. Elle évalue l’aptitude des terres à la culture de 154 variétés végétales et relève d’une analyse essentiellement agro-écologique. Considérer qu’une terre est ’disponible’ pour l’agriculture c’est envisager qu’elle est vierge d’usage agricole au moment de son évaluation. La disponibilité ne prend pas nécessairement en compte le statut juridique de la terre considérée. De vastes superficies de terres peuvent être dites disponibles sans que le statut qui règlemente leur usage ne permette leur exploitation. La notion de disponibilité ne recoupe pas nécessairement celle de ’cultivabilité’ ou d’’arabilité’ : des terres peuvent être disponibles, mais infertiles, ou inaccessibles. Par ailleurs, la disponibilité peut ne pas prendre en compte les usages informels de ces superficies : pâturage extensif par exemple.Référence : le glossaire de la FAO, http://faostat.fao.org/site/375/default.aspxLes terres cultivées dans le monde

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresMAE-min.jpg{Source : Millennium Ecosystem Assessment (MEA / Évaluation des écosystèmes pour le millénaire), www.millenniumassessment.orgGraphic resources :www.millenniumassessment.org/en/GraphicResources.html

Les régions du monde qui disposeraient des plus grandes superficies en terres sans contraintes (climat trop froid, trop sec, terres trop pentues ou aux sols inaptes) sont l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud (plus de 80 millions d’ha dans chaque cas), l’Asie du Sud, l’Europe de l’Est et l’Afrique de l’Est (plus de 30 millions d’ha dans chaque cas). Les régions qui comprennent les plus fortes proportions de terres très convenables et convenables à l’agriculture par rapport à leur superficie totale sont l’Europe de l’Ouest, l’Europe de l’Est, les Caraïbes, l’Afrique centrale (plus de 40%), et aussi l’Afrique de l’Est, l’Amérique du Sud (autour de 35%). Une autre étude, de l’Ocde et de la FAO (Ocde/FAO, 2009), a estimé les différences entre superficies ’convenables’ et superficies cultivées en excluant de ces superficies ’convenables’ les zones de forêts, ou d’infrastructures urbaines, ou protégées, ce qui aboutit au calcul de ’différences nettes’ (Net Land Balances) : selon cette évaluation, à l’échelle mondiale, 547 millions d’ha serait la superficie ’nette’ encore disponible pour l’agriculture, en dehors des zones protégées qui couvrent 481 millions d’ha (Fischer, 2009).

Les impacts de l’irrigation sur la production agricole sont importants dans la mesure où elle permet non seulement d’étendre la superficie cultivée mais aussi d’accroître les rendements et le nombre de récoltes par an éventuellement. À l’échelle du monde, les superficies ’convenables’ à la culture de céréales pourraient être accrues de 8%, et la production de 40% par rapport à son niveau de 1994/1996, dans l’hypothèse d’une extension maximum de l’irrigation (GAEZ). Ces effets seraient plus importants dans les pays développés (13% et 46% respectivement) que dans les pays en développement (7% et 38%). Les effets sont particulièrement élevés (25% et plus de 100% respectivement) en Asie centrale, au Moyen-Orient, en Océanie, en Afrique australe et du Nord. Contributions potentielles de l’irrigation

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresAgreste10-min.gif

Or, l’Asie centrale et le Moyen-Orient sont des régions où les marges d’extension de la culture pluviale sont inexistantes : le développement de l’irrigation apparaît donc là comme la seule possibilité d’abonder les superficies cultivables, si la ressource en eau est disponible et si les terres sont aptes à leur mise en culture.

Concurrences et tensions pour l’accès à l’eau au Proche et Moyen-Orient, en Afrique du Nord’L’aridité est une constante régionale au Proche et Moyen-Orient, tout comme la prédominance de cultures fortement dépendantes des systèmes d’irrigation (au-delà du bassin du Nil égyptien, 50% de la production céréalière et 90% de la culture horticole libyennes sont issus de l’agriculture irriguée), deux déterminants qui expliquent l’importance stratégique de l’eau. En forte hausse, la demande des consommateurs urbains accroît la pression sur les ressources hydriques, accélère le pompage des nappes phréatiques sahariennes et entre directement en concurrence avec la demande du secteur agricole. Dans certaines régions libyennes (plaine de Jifarah), la demande des villes devrait d’ici à 2025 rejoindre le volume d’eau utilisé pour l’agriculture. De manière générale, les prévisions renvoient des perspectives de pénurie : aux Émirats, où la consommation annuelle atteint d’ores et déjà 26 fois le montant des ressources renouvelables disponibles, les réserves hydriques fossiles pourraient s’épuiser d’ici à 2050. En Égypte, la contestation actuelle des accords du bassin du Nil par la majorité des pays signataires pourrait limiter à court terme l’accès aux ressources en eau (ci-contre).’Sources : - Centre d’analyse stratégique (CAS), ’Les cessions d’actifs agricoles dans les pays en développement’, Rapports et documents, n°29, 2010 - Carte de la Documentation photographique, 2000 : www.ladocumentationfrancaise.fr/carto...nil-2000.shtml

Ressources : - Jacques Bethemont - ’Le Nil, l’Égypte et les autres’, VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement, décembre 2003, http://vertigo.revues.org/3727 - ’Partage des eaux du Nil : l’Egypte refuse toute négociation’, Good morning Afrika, mai 2010 http://goodmorningafrika/.../eaux-du-nil/....html - Initiative pour le bassin du Nil (Nile Basin Initiative / NBI) : http://nilebasin.org/newsite

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresDocPhotoNil-min.gif{En mai 2010, au bout de dix ans de négociations auxquelles l’Egypte a refusé de participer, quatre pays africains riverains du Nil ont conclu un accord sur la gestion des eaux du Nil : l’Éthiopie, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda ont créé une commission chargée de gérer les projets d’irrigation, canaux ou barrages, sur la totalité des 6 700 km du Nil. Elle aura droit de veto sur toute infrastructure concernant le Nil,Le traité de partage des eaux en cours date de 1959 : il réserve 55 milliards de m³ à l’Egypte et 18,5 milliards de m³ au Soudan ce qui représente 87% de l’eau du Nil pour les deux pays.L’Éthiopie, d’où proviennent 85% des eaux du Nil projette, au-delà des besoins de son agriculture, de devenir un exportateur régional d’électricité et la Chine y finance déjà de nombreux chantiers de nature hydraulique.

La production agricole de demain : quelles prévisions  ?

Les études prévisionnelles sur la demande alimentaire de demain se succèdent. Une récente analyse du Centre d’études et de prospective d’Agreste constate une fourchette très large d’estimations de la demande alimentaire future, notamment en produits animaux. Ces divergences proviennent d’hypothèses contrastées sur les variables majeures que sont la démographie, la croissance économique et l’évolution des régimes alimentaires (Agreste, février 2011).

On assisterait à une décélération de la croissance de la demande de produits agricoles pour l’alimentation à l’échelle mondiale, entre 2000 et 2050, par rapport à la période 1960-2000, selon un scénario de la FAO (FAO, 2006, 2009). Elle serait surtout due à une moindre croissance de la population et à l’atteinte de niveaux de consommation alimentaire relativement élevés dans des pays de plus en plus nombreux. En conséquence, la croissance de la production agricole mondiale décélèrerait également.

Pour autant, la production agricole mondiale devrait tout de même presque doubler entre 2000 et 2050 : 90% de cette augmentation proviendrait d’un accroissement des rendements et de l’intensité culturale (nombre de récoltes par an sur une même superficie), tandis que 10% seulement viendraient de l’extension des superficies cultivées évaluée à 70 millions d’ha (FAO). Cela se traduirait par un taux d’accroissement annuel des rendements de 0,8% entre 2000 et 2050, contre 1,7% entre 1960 et 2000 et par une superficie de 70 millions d’ha cultivés supplémentaires. Ce scénario prévoit une diminution de la sous-alimentation chronique dans les pays en développement – à la fois en proportion de la population totale (de 17% à 3,9%) et en nombre absolu (de 810 millions à 290 millions) – mais une persistance de cette sous-alimentation dans les pays où elle sévit sévèrement actuellement, où la croissance démographique est forte et les ressources agricoles limitées.

L’estimation des superficies dédiées à des cultures pour agrocarburants n’est cependant pas prise en compte. De telles estimations ont été produites par ailleurs, sur la base du scénario de référence de l’Agence internationale pour l’énergie (AIE), et sur la base d’un scénario plus ambitieux, qui prévoit un doublement environ de la consommation d’agrocarburants par rapport au scénario de cette Agence (Fischer et al., 2009 ; Fischer, 2009), ce qui conduit à des estimations de superficies cultivées pour produire des agrocarburants qui atteignent au maximum 58 millions d’ha à l’échelle mondiale en 2050. Quand on ajoute ces 58 millions d’ha aux 70 millions d’ha cultivés supplémentaires prévus par la FAO, on obtient un chiffre proche de 130 millions d’ha, très inférieur à l’estimation des superficies encore disponibles pour la mise en culture selon l’Ocde et la FAO (547 millions d’ha, cf. supra).

Enfin, les changements climatiques entraîneraient probablement un accroissement, modeste, des superficies cultivables du monde, mais une diminution dans les pays en développement, notamment en Asie du Sud et du Sud-Est où cette ressource est déjà rare. Selon les projections de l’International Food Policy Research Institute (IFPRI), le changement climatique aggraverait l’insécurité alimentaire mondiale, il pourrait induire une diminution des rendements céréaliers de 5% à 22% en Afrique subsaharienne d’ici au milieu du siècle et accroître de 10 millions la population des enfants victimes de malnutrition.

En définitive, les superficies des terres utilisables en culture pluviale dans le monde seraient largement supérieures aux superficies nécessaires pour assurer tout à la fois des conditions de sécurité alimentaire satisfaisantes pour l’ensemble de l’humanité et un certain développement des cultures pour les agrocarburants. Cette conclusion reste vraie même en se plaçant dans l’hypothèse d’une très faible croissance des rendements des cultures, même en excluant de la mise en culture toutes les forêts et toutes les zones actuellement protégées et même en tenant compte des effets plausibles du changement climatique.

Une question politique de gouvernance économique et sociale

Si les terres utilisables pour l’agriculture ne semblent pas, à l’échelle du monde et de nombreuses régions, une ressource rare limitant la production agricole et la consommation alimentaire, les questions essentielles à ce sujet sont de nature politique.

Les responsables de politiques publiques, nationales ou de coopération internationale ayant trait à l’agriculture ont une marge de manœuvre quant au mode de développement agricole à privilégier. Des experts sur la sécurité alimentaire mondiale réunis par la FAO à Rome en octobre 2009 considéraient que ’à l’échelle globale, il reste encore suffisamment de ressources en terres pour nourrir la population mondiale dans l’avenir prévisible, pourvu que soient effectués les investissements nécessaires pour développer ces ressources et pourvu que prenne fin la négligence à l’égard de la recherche et du développement agricoles qui a prévalu au cours des dernières décennies.’ (FAO, 2009).

La voie à laquelle prédisposent la plupart des institutions en place est de poursuivre les politiques et les pratiques qui, depuis plusieurs décennies, ont favorisé un mode de développement agricole exagérément concurrentiel, fondé sur la révolution agricole contemporaine avec une très forte augmentation de la productivité du travail et des rendements pour une partie des exploitations familiales et pour les très grandes entreprises agricoles, tandis que des centaines de millions d’autres agriculteurs ont vu leur développement bloqué puis ont basculé dans la pauvreté, la sous-alimentation et éventuellement l’exode et l’émigration. À ces graves revers sociaux se sont ajoutés, dans certaines régions où la révolution agricole contemporaine et la révolution verte se sont déployées, des revers écologiques tels que la salinisation, la baisse des nappes phréatiques, les pollutions des sols et des eaux, la perte de biodiversité, l’émission de fortes quantités de gaz à effet de serre… (Mazoyer, Roudart, 2009).

Mais une voie alternative peut être suivie en mettant en culture de nouvelles terres [5]. Elle consiste à promouvoir des agricultures diversifiées, à rendements relativement faibles, économes en intrants extérieurs et en énergies fossiles, avec peu d’effets négatifs sur l’environnement, voire rendant des services environnementaux, et assurant des moyens d’existence décents aux près de trois milliards de personnes qui constituent la population agricole mondiale. Le choix de cette voie alternative requiert que les politiques publiques relatives à l’agriculture se fixent trois priorités :

  • une rémunération correcte du travail correspondant et, parallèlement, la taxation des externalités et des coûts sociaux et environnementaux ;
  • la promotion de cadres juridiques et législatifs transparents assurant aux agriculteurs qui pratiquent des modes de production durables un accès pérenne (pas nécessairement via la propriété privée) à la terre ; cette priorité s’avère particulièrement nécessaire dans le contexte actuel d’investissements étrangers directs dans le secteur agricole ;
  • la troisième priorité a trait à la recherche, à la formation et au conseil permettant d’orienter la recherche agricole vers des méthodes d’intensification écologique accessibles aux producteurs pauvres ; cela implique une recherche participative, qui intègre les savoirs scientifiques généraux et les savoirs spécifiques aux agricultures locales.
    En conclusion, les bases de données analysées montrent que les terres utilisables en culture pluviale et non cultivées ne sont pas, et ne seront pas prochainement, une ressource rare à l’échelle de la planète : d’après ces données, il serait possible de doubler la superficie cultivée mondiale sans empiéter sur les forêts et en laissant de côté une partie des terres à faible rendement ; et il serait possible de multiplier cette superficie par 1,6 en excluant de plus de la mise en culture toutes les zones actuellement protégées. La question essentielle ne serait donc pas celle du potentiel en terres exploitables mais elle serait de nature politique au sens large du terme : politiques économiques, foncières, redistributives, etc…

L’’accaparement des terres’ : mythes, réalités

Les ressources en terre sont mal distribuées sur la planète. Les terres convenables pour l’agriculture sont plus rares, voire épuisées, au Moyen-Orient et en Asie (qui pourraient de plus pâtir des changements climatiques) alors qu’elles restent abondantes en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne. Ces distorsions sont en large partie à l’origine de la progression des transactions pour le contrôle des terres qui peut être observée à l’échelle mondiale.

Parfois qualifié d’’accaparement des terres’ (land grabbing en anglais : action de se saisir, d’empoigner), le processus d’acquisition ou de jouissance de terres à des fins principalement agricoles (mais pas seulement) est souvent perçu comme une nouvelle forme d’agro-colonialisme par les ONG et nombre d’organisations paysannes. Les investissements, privés ou publics, vers les terres agricoles ’disponibles’, en particulier celles des pays du Sud, ont été particulièrement médiatisés, notamment depuis ’l’affaire’ Daewoo Logistics [6]. Cette filiale du chaebol coréen avait, fin 2008, négocié auprès du gouvernement malgache la location de terres de manière opaque, pour des surfaces annoncées de 1,3 million d’ha et une durée de 99 ans. La mobilisation des médias, des ONG et associations paysannes à Madagascar même et dans le monde entier avait contribué à la chute du gouvernement malgache de Marc Ravalomanana en mars 2009.

Les sessions d’actifs agricoles : quelques bases pour y voir clair

  • les actifs agricoles correspondent aux facteurs de production agricole au sens large : en plus de l’aspect foncier ces actifs comprennent les unités de production (exploitations et usines de transformation à différents niveaux de la chaîne de valeur agroalimentaire), ainsi que les récoltes, dont l’achat peut être contractualisé à l’avance ;
  • le terme ’cession d’actif’ renvoie à toutes les formes de transaction : acquisition, location, prise de participation… Les investisseurs nationaux n’ont pas disparu mais les transactions voient de plus en plus d’investisseurs étrangers conclure des contrats de long terme, portant sur des actifs de grande ampleur. De la location à long terme (option la plus fréquente) à l’acquisition effective des terres (plus polémique) ou aux ententes bilatérales (comme le ’Partenariat stratégique’ entre la Chine et de nombreux pays africains), il existe différents accords entre États, ou entre États et investisseurs privés ;
  • l’objectif des investissements reste généralement la production agricole, de type alimentaire ou non alimentaire (production de carburants notamment). Il peut exister également des projets d’aquaculture, de plantations forestières ou des projets d’investissement destinés à mettre en réserve des espaces naturels. Les récoltes peuvent être intégralement ou partiellement exportées. Les contrats peuvent comprendre des contreparties financières et technologiques accordées aux pays récipiendaires ;
  • les investisseurs étrangers sont des acteurs économiques issus des secteurs public ou privé. Dans le premier cas, les fonds souverains et les entreprises d’État s’imposent comme les véhicules privilégiés des gouvernements investisseurs pour assurer l’ingénierie contractuelle. Dans le second cas, les investisseurs peuvent être des multinationales issues des secteurs de l’agroalimentaire et de l’énergie, ou des acteurs financiers (banques, fonds d’investissement) ;
  • les récepteurs de l’investissement sont en général des pays en développement (PED) ou émergents disposant de grandes superficies de terres cultivables considérées comme ’disponibles’ (encadré supra) et peu chères ainsi que d’avantages comparatifs en matière de production agricole : climat favorable, main-d’œuvre peu coûteuse. Un certain nombre d’États hôtes sont localisés en Europe centrale ou orientale et dans la périphérie russe. 
    Source : Centre d’analyse stratégique (CAS), d’après des données fournies par le réseau international de la DG Trésor ’Les cessions d’actifs agricoles dans les pays en développement’, Rapports et documents, n°29, 2010, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports.../index.shtml
    Le phénomène en lui-même n’est pas nouveau : au début du XXe siècle, la société américaine United Fruit Company possédait près du quart des terres cultivables du Honduras (d’où l’expression de ’république bananière’). Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur et la rapide croissance des investissements, depuis la crise alimentaire de 2008 surtout qui a été un élément catalyseur, et le fait que des États y participent. Mais les transactions sont difficilement quantifiables du fait de l’opacité, le caractère confidentiel ou sibyllin, des contrats entre États et investisseurs : en Afrique, en Asie, en Amérique latine et en Europe de l’Est, 15 à 20 millions d’ha auraient été cédés de 2006 à 2009. Cette surface, si elle équivaut à la Surface agricole utile française, ne représente que 1% des terres cultivées au niveau mondial, ce qui peut paraître mineur aujourd’hui, mais deviendrait significatif si la tendance se poursuit dans le temps.

Dans les secteurs de l’agroforesterie et de la pêche l’Investissement direct étranger (IDE) en direction des PED a quintuplé depuis la décennie 1990 pour atteindre 3 milliards de dollars entre 2005 et 2007 (Cnuced, 2009). Il est également avéré que les concessions foncières sont d’une ampleur inédite : de 2006 à 2009, celles qui ont été divulguées portaient souvent sur des étendues de 400 000 à 600 000 ha, quatre à six fois supérieures aux contrats qui ont présidé au développement des grandes plantations tropicales du XIXe siècle. Ainsi, 15 à 20 millions d’ha de terres cultivables auraient été cédés dans des PED à des acteurs étrangers de 2006 à 2009 (IFPRI, 2009), ce qui représente un investissement de 20 à 30 milliards de dollars à l’échelle mondiale.

On a pu constater un décalage entre des données diffusées par les médias et les projets officiellement répertoriés par les administrations foncières de 80 pays : l’estimation des superficies serait sans doute exagérée (Banque mondiale). Si le phénomène constitue une tendance dite ’lourde’, il importe néanmoins d’en retenir les justes proportions. Particulièrement polémiques, les cessions foncières sont plus documentées que d’autres formes de transactions. La notion d’’investissement de grande ampleur’ varie sensiblement d’un contexte national à l’autre (à partir de plus de 2 000 ha en Ukraine, de 500 au Mozambique). En outre, l’étude de la Banque mondiale révèle qu’un grand nombre d’investissements sont d’origine domestique, même si certains acteurs nationaux peuvent servir d’écran à un mandataire étranger. Enfin, les projets annoncés ne sont pas tous mis en œuvre, loin de là : sur l’ensemble des projets africains mentionnés par la presse, environ un quart sont en cours de définition stratégique, une proportion équivalente à l’étape de la production initiale et... une quantité négligeable en pleine production.

L’Office du Niger au Mali : aménagements, développement et convoitises

Le delta intérieur du Niger, ’grenier à riz’ du Mali, est l’une des surfaces irriguées les plus étendues et les plus anciennes d’Afrique de l’Ouest. L’Office du Niger* au Mali gère un périmètre irrigué situé en rive gauche du fleuve Niger, à environ 30 km en aval de Ségou, 250 km en aval de Bamako. Les périmètres irrigués y représentent aujourd’hui environ 100 000 ha, installés dans le delta mort du fleuve, les productions principales sont le riz, les productions maraîchères, le sucre et les produits d’élevage. La croissance démographique, l’arrivée de migrants et les modes de gestion du périmètre entraînent une pression accrue sur les ressources en terre et en eau.Aujourd’hui la population concernée représente environ 500 000 personnes et 25 000 exploitations familiales installées sur la zone, avec une superficie moyenne inférieure à 4 ha.Les possibilités d’extension du domaine aménagé sont importantes : le potentiel estimé dès les années 1930, à la conception du projet, était d’environ 1 000 000 d’ha de sols aptes à la culture irriguée avec une irrigation gravitaire à partir du barrage de Markala. Cependant, les études sur la disponibilité en eau sont beaucoup moins optimistes et évaluent le potentiel irrigable avec les techniques actuelles d’irrigation (gravitaire) à 250 000 ha environ.La zone de l’Office du Niger a connu une évolution spectaculaire des performances agricoles depuis les années 1980 ce qui en a fait une ’success story’ : entre 1980 et 2006, les rendements en riz ont été multipliés par 4 pour atteindre environ 6 t/ha selon les statistiques de l’Office du Niger. La production de riz est passée de 60 000 à plus de 500 000 t/an. Cette dynamique s’explique par la réhabilitation des infrastructures, l’introduction de techniques intensives, la libéralisation du système économique, la responsabilisation des producteurs et par une demande en riz et en produits maraîchers (échalote) en forte progression.L’extension des superficies aménagées constitue, depuis la fin des années 1990, l’enjeu majeur du développement de la zone. Pour poursuivre ce développement agricole, de nombreux projets d’aménagement de nouvelles surfaces irriguées sont prévus. Ils sont portés par des acteurs de type différent : entreprises maliennes et étrangères (éventuellement appuyées par leur État d’origine), investisseurs privés, organisations régionales, bailleurs de l’aide publique au développement. Les investisseurs étrangers auxquels le Président malien (Amadou Toumani Touré) a fait appel en leur allouant de larges superficies sont d’origine chinoise, libyenne, sud-africaine ou ceux de l’Union monétaire ouest-africaine. Les gros investissements réalisés ou prévus (plus de 2 000 ha) représenteraient plus de 300 000 ha. Or dans la réalité les projets d’aménagements sont loin d’atteindre ce niveau car les annonces dépassent amplement les réalisations.Voici trois exemples de projets présentés en pop-up : le projet Malibya ; deux autres grands projets conçus comme des projets de développement, le projet Millenium Challenge Account (MCA) et le projet UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine).

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresFarm2-min.jpg{{L’implication chinoise dans la réalisation du projet Malibya

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresFarm1-min.jpg{{Le canal Malibya à Kolongotomo, 16 juin 2010 

Projets d’extension des terres cultivée sur le secteur de l’Office du Niger

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresCahAgriBrondeau-min.gif{Source de la carte : F. Brondeau, Cahiers Agricultures, 2011Source des clichés : FARM, 2010

* L’Office du Niger, créé en 1932, est l’établissement public qui a la responsabilité de l’aménagement de la zone. Ses missions portent sur : la gestion de l’eau ;la gestion des hydro-aménagements, notamment les canaux primaires et secondaires (les canaux tertiaires sont de la responsabilité des agriculteurs) ; la gestion des terres. L’État, propriétaire du foncier, délègue la gérance des terres à l’Office du Niger qui attribue des surfaces aménagées aux agriculteurs (sous forme de contrat annuel d’exploitation ou de permis d’exploitation agricole), qui en ont un droit d’usufruit, transmissible aux héritiers, sous réserve de respect du cahier de charges et du paiement annuel d’une redevance hydraulique.Sources et ressources :

<

Les acquéreurs : motivations et territoires ciblés

Les États et les entreprises peuvent avoir des motivations et des stratégies politiques, économiques et spatiales qui obéissent à des logiques propres, parfois comparables, parfois distinctes.

Si certains États sont mus par le souci de répondre aux futurs besoins alimentaires de leur population, en particulier dans un contexte où leurs terres disponibles viendraient à manquer, les grandes entreprises ont davantage à cœur de s’internationaliser et d’investir dans une agriculture destinée aux exportations. S’ils restent critiqués pour leur bilan mitigé en matière de développement des exportations dans le sens Sud-Nord, des accords commerciaux mis en place par la France et l’Union européenne avec les PMA et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) [7] encouragent les flux d’investissements directs Nord-Sud motivés par l’exportation agricole. Enfin, anticipant la croissance de la finance carbone, les stratégies d’acquisition foncière peuvent viser à mettre en œuvre des projets de conservation ou de plantation forestière, ou d’autres types de puits de carbone terrestres, afin de bénéficier des subventions réservées aux mécanismes compensatoires issus du Protocole de Kyoto [8].

Parallèlement, de nombreux pays disposant de larges étendues cultivables et d’avantages comparatifs en matière de production agricole (climat favorable, qualité des sols, compétitivité de la main-d’œuvre, réserves foncières) cherchent à développer leur agriculture en se tournant vers des investisseurs étrangers. Ces derniers peuvent être perçus comme des atouts en suscitant une mobilisation de compétences et de moyens de production externes susceptibles de remédier aux freins structurels qui minent le développement agricole – et, in fine, économique – de certains PED [9].

Les pays acquéreurs de ces biens agricoles, principalement la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Égypte ou certains États du Golfe, n’ont pas – ou plus – chez eux suffisamment de surfaces exploitables pour assurer leur autonomie alimentaire (document ci-contre). Ils se tournent alors vers les régions du monde qui disposent encore de ressources hydriques et de larges terres arables inexploitées. Ils le font soit directement, notamment par leurs fonds souverains (Émirats arabes unis, Qatar par exemple), soit par des entreprises d’État, soit enfin par leurs industriels privés.

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresCAS5-min.gif

Il s’agit souvent de stratégies d’achat bien établies : la Corée du Sud a ainsi mis en place une structure publique d’accompagnement chargée de mettre en œuvre un plan décennal de développement agricole à l’étranger. Certains États ont même définitivement cessé d’encourager le développement de filières de production agricoles domestiques, un objectif auparavant prédominant : l’Arabie saoudite, qui importe 96% de ses consommations alimentaires, envisage l’arrêt des cultures céréalières trop gourmandes en eau sur son sol d’ici à six ans.

L’industrie agroalimentaire bénéficie aussi des avantages offerts par ces terres en termes notamment de coût de main-d’œuvre. Un certain nombre d’acteurs financiers (banques, fonds d’investissement) cherchent également à placer leur argent dans le foncier pour une rentabilité à moyen terme. Mais l’absence de cadre foncier reconnu, notamment en Afrique ou en Amazonie, constitue une source majeure d’incertitude pour les investisseurs.

Régions et pays investisseurs ou cibles de l’investissement international dans les terres destinées à la production agricole de 2006 à mai 2009(nombre d’accords signés ou mis en œuvre)

Les hôtes se trouvent majoritairement en Afrique, mais cette destination n’est pas exclusive. La moitié des projets concernerait l’Afrique, plus de 20% la région Pacifique-Asie de l’Est, moins du quart la zone Europe-Asie centrale, et l’Amérique latine en concentrerait environ 10%. Parmi les principaux pays cibles, citons le Cameroun, l’Ethiopie, la République démocratique du Congo, le Ghana, Madagascar, le Mali, la Somalie, le Soudan, la Tanzanie, la Zambie. En dehors de l’Afrique subsaharienne, l’Ukraine, la Russie, le Brésil, le Cambodge, l’Indonésie, le Kazakhstan, le Pakistan, les Philippines sont également tenus pour des destinations ’phares’.Les investisseurs prospectent de plus en plus loin de leurs ’greniers’ traditionnels (document ci-dessus). Les pays du Golfe s’éloignent du Soudan et du Pakistan pour se diriger vers l’Europe centrale et orientale, notamment en Ukraine, en Océanie ou en Asie (Vietnam).Les pays d’origine des opérateurs, qu’il s’agisse d’États ou d’acteurs privés, sont ceux qui disposent de ressources agricoles insuffisantes (Japon, Corée du Sud, Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis, Chine, etc.)

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2011-2/images/TerresUnctad-min.gif{Source : Investment report. Transnational Corporations, Agricultural Production and Development, United Nations Conference on Trade and Development (Unctad / Cnuced), 2009La carte ne tient compte que des négociations confirmées, aux accords signés et reconnus par le pays source et le pays de destination. Certains accords ont été réalisés mais pas tous. Ceux remis en cause par une des parties en mai 2009 n’ont pas été retenus. Dans ces conditions, on en dénombrait 48 de 2006 à mai 2009.

La politique chinoise, celle des pays arabes

La Chine accroît ses positions foncières en Afrique. Depuis 2007, le gouvernement chinois a opté pour une production agricole hors des frontières : la Chine fait partie des quatre pays dont les entreprises d’État acquièrent ou louent de plus en plus de terres agricoles en Afrique, en Russie, en Asie du Sud-Est, voire en Amérique latine. Au total, ce sont quelque 2,1 millions d’ha qui auraient ainsi été investis par des intérêts chinois dans le monde.Les pays arabes se montrent aussi particulièrement actifs dans la ’course aux terres agricoles’ L’apparition de nouvelles menaces sur la sécurité alimentaire, la volatilité des prix mondiaux et la crise de 2008 qui a servi de révélateur, rendent caduque toute stratégie d’autarcie et semble avoir décidé certains gouvernement à prendre le relais des investisseurs privés.Forts d’une manne financière substantielle, certains États du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis, Bahreïn) explorent les ressources agricoles disponibles à travers la planète, négociant des concessions foncières par l’intermédiaire d’entreprises d’État (Qatari Diar) ou de fonds souverains (Kuwait Investment Authority via le fonds Kuwait China Investment Corporation). Face à l’exposition des Émirats arabes unis à l’évolution des marchés mondiaux le gouvernement émirien a encouragé certains acteurs publics (Fonds d’Abu Dhabi pour le Développement, Fondation Khalifa) et privés (Al Qudra, Abraaj Capital) à investir dans l’achat de terres au Pakistan et au Soudan. En Égypte, l’un des plus gros importateurs mondiaux de blé, les autorités multiplient les démarches au Soudan et en Ouganda pour produire du blé, composante majeure du régime alimentaire égyptien. La Libye a choisi récemment d’externaliser une partie de la production agricole à l’étranger. De son côté, l’Arabie saoudite a choisi de cesser la production des céréales trop gourmandes en eau d’ici à 2016. L’initiative du roi Abdallah pour la sécurité alimentaire officialise une stratégie de délocalisation qui consiste à réimporter des récoltes directement produites à l’étranger.Les nouveaux projets d’investissement prennent la forme de stocks stratégiques destinés à limiter l’exposition aux épisodes de hausse des cours mondiaux. Il s’agit de constituer des réserves permettant d’influer sur les cours internationaux des produits agricoles et, plus directement, d’assurer un volume de denrées disponibles : les Émirats arabes unis ont ainsi constitué un stock de riz, farine, viande, thé, café, huile.Depuis peu, les investisseurs se tournent vers l’acquisition d’activités de la chaîne logistique : le Fonds d’Abu Dhabi pour le Développement devrait devenir le principal opérateur d’une nouvelle politique qui ne se cantonne plus à l’investissement dans des unités de production agricole mais vise désormais les maillons ’aval’ de la chaîne de valeur agroalimentaire.Source : Centre d’analyse stratégique (CAS), d’après des données fournies par le réseau international de la DG Trésor ’Les cessions d’actifs agricoles dans les pays en développement’, Rapports et documents, n°29, 2010, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports.../index.shtml

Des risques d’ordre social, économique, environnemental

S’ils sont mal préparés, mal conduits, ou s’ils relèvent d’une simple logique de rentabilité financière court-termiste, ces investissements peuvent entraîner de graves dommages sociaux et environnementaux, la paupérisation d’une partie de la population rurale et une diminution de la sécurité alimentaire du pays hôte.

De nombreux investissements se basent en effet sur des exploitations d’agriculture intensive sur de grandes superficies, mécanisées, s’appuyant sur une main-d’œuvre salariée et une importante capacité d’investissement financier. De telles structures pourraient être avantageuses pour les États hôtes et leur population si elles s’accompagnent du développement effectif d’infrastructures, de services et d’emplois. Cependant, elles sont porteuses de risques : les investisseurs peuvent ne pas respecter les droits d’usage dont disposent les populations sur les terres et les ressources qui y sont associées (pâturages, ressources forestières, eau, etc.). Lorsqu’elles sont prévues, les procédures de compensation ne sont pas systématiquement respectées et, souvent, ces indemnités ne constituent pour les populations qu’un revenu ponctuel, offert en contrepartie d’un accès à des ressources qui conditionnent pourtant leur subsistance ou généraient auparavant des revenus pérennes. L’arrivée des investisseurs peut en outre provoquer une augmentation des prix du foncier. Même lorsque le projet a des retombées positives sur une partie de la communauté locale (effet dit ’oasis’ conduisant à accorder des privilèges à un groupe particulier) certaines catégories de populations économiquement et politiquement plus faibles (femmes, populations nomades, etc.) peuvent en être exclues. Enfin, le développement d’une agriculture exclusivement tournée vers l’exportation, à l’image des cultures d’agrocarburants, peut réduire la part des cultures vivrières dans la production locale et, si les retombées économiques ne sont pas diffuses ou suffisantes, menacer la sécurité alimentaire des populations concernées.

Des risques environnementaux sont également à prendre en considération, en particulier lorsque les projets s’inscrivent dans des logiques de court terme, déterminées par la recherche d’un retour sur investissement plus rapide que les rendements agricoles naturels ne l’autorisent : déforestation, diminution des ressources en eau, pollution des nappes par l’utilisation massive d’intrants chimiques, etc.

Le risque économique, espoirs et désillusions : exemples en Tanzanie

Des expériences d’entreprises avortées témoignent des conséquences négatives d’une planification ou d’une gestion inadéquates, pour l’investisseur comme pour le pays hôte. Prenons l’exemple de l’agriculture tanzanienne où la présence d’investisseurs étrangers est un phénomène ancien. Les acteurs britanniques, néerlandais, suédois, allemands, américains se concentrent désormais sur le secteur des agrocarburants qui représente un total de 1,5 milliard de dollars d’investissements prévus : plus de 650 000 ha ont ainsi été accordés à huit multinationales et à une trentaine d’institutions (ONG et centres de recherche). La surface potentielle destinée aux agrocarburants représente actuellement quelque 10% des surfaces cultivées du pays. Mais la manne de l’agriculture d’exportation est alors dépendante de la conjoncture des échanges internationaux et les paris économiques peuvent être risqués.Certains bassins d’emplois se sont mis sous l’entière dépendance d’entreprises étrangères et ont subi les conséquences de leurs échecs. On a ainsi assisté à l’abandon d’un projet de l’entreprise Sekab visant à produire du carburant à partir de la canne à sucre, à la suite d’une décision de l’investisseur suédois touché par la crise financière ; alors que les agriculteurs tanzaniens s’étaient reconvertis dans la culture de canne avec l’espoir de participer au réseau de petits producteurs (modèle d’agriculture contractuelle), ils ont vu soudain disparaître toute perspective d’écouler leur nouvelle production. On peut également évoquer l’histoire de l’entreprise BioShape, société néerlandaise spécialisée dans les énergies ’vertes’ qui, en 2006, avait obtenu une concession de 80 000 ha de terres de la région de Kilwa avec l’intention d’y faire pousser du jatropha, plante arbustive dont les graines peuvent produire du biocarburant. Ce projet, entaché de diverses erreurs et/ou malversations (déboisements irréguliers, erreurs de gestion, erreurs techniques) a débouché sur un dépôt de bilan en mars 2011. Les villageois qui avaient accepté de céder leurs parcelles n’ont reçu qu’une partie des compensations prévues, les emplois promis ne se sont jamais concrétisés et ils sont dans l’attente d’une reprise du projet par d’autres investisseurs étrangers.Sources et ressources :- Centre d’analyse stratégique (CAS), d’après des données fournies par le réseau international de la DG Trésor ’Les cessions d’actifs agricoles dans les pays en développement’, Rapports et documents, n°29, 2010, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports.../index.shtml - Concernant BioShape en Tanzanie : > Sulle, Emmanuel & Nelson, Fred - ’Biofuels, Land Access and Rural Livelihoods in Tanzania’. London, IIED, 2009, www.iied.org/pubs/pdfs/12560IIED.pdf > Chambi Chachage et Bernard Baha - ’Accumulation by Land Dispossession and Labour Devaluation in Tanzania. The case of biofuels and forestry investments in Kilwa and Kilolo’, Haki Ardhi, mai 2011, www.commercialpressuresonland.org/research-papers/accumulation-land-dispossession-and-labour-devaluation-tanzania > Stefano Valentino - ’Tanzania Biofuel Project’s Barren Promise’, Inter Press Service (IPS), http://herewww.ipsnews.net/africa/nota.asp?idnews=54783 > la couverture d’une fondation : www.bioshapebenefits.nl/ ?q=en/welcome

Les pays hôtes des investissements présentent des situations foncières contrastées. Dans un certain nombre de cas, les politiques et les modes de gouvernance du foncier ne sont pas propices à la sécurisation effective et durable du domaine foncier, pour les occupants sans titre comme pour les investisseurs. Dans tous les cas se posent des problèmes de sécurisation foncière. Ainsi, même dans les pays présentant une administration foncière similaire à celle des pays investisseurs où la notion de propriété privée fait consensus, la sécurisation foncière dépend alors du fonctionnement effectif des institutions de l’administration foncière (mise à jour de l’information, arbitrage des conflits) et les sources d’insécurité peuvent être liées à la corruption (Europe de l’Est, Amérique latine).

Par ailleurs, la sécurité foncière n’est pas synonyme de titre de propriété privée car elle ne découle pas tant du statut légal des droits détenus que du consensus social sur la légitimité de ces droits et de la fiabilité des mécanismes d’arbitrage. En Afrique subsaharienne par exemple, les systèmes fonciers sont divers et les droits locaux offrent une large gamme de cas de figure, allant de la propriété privée individuelle à des formes d’utilisation et de gestion communes. Les politiques foncières, pendant la colonisation ou après les indépendances, se sont inscrites dans une logique de création de la propriété privée par le haut, formalisée par un titre foncier. Visant notamment une meilleure sécurisation foncière, elles n’ont pas atteint leur objectif et ont au contraire accentué les situations d’insécurité : seul un très faible pourcentage de terres a fait l’objet d’une immatriculation et peu de titres de propriété ont été délivrés. De plus, faute de mise à jour de l’information (changement de propriétaires, de limites), un décalage s’est créé entre la réalité et les documents fonciers. Les titres ne sont plus en mesure d’offrir systématiquement une réelle sécurisation à leur détenteur ; en vertu du principe de présomption de domanialité, toutes les terres non titrées relèvent du domaine privé de l’État.

Une part plus ou moins grande du territoire national relève ainsi de droits locaux dont la légitimité est reconnue au sein d’une communauté, mais pas légalement et les gouvernements et les agents de la fonction publique ont un rôle central en matière d’attribution de terres qui peut conduire à des situations inéquitables et conflictuelles (centralisation du système de décision, opacité des procédures et corruption au sein des administrations foncières).

Des tentatives lourdes et coûteuses de création ou de mise à jour de cadastres ont rapidement connu des limites. Perçus à tort comme créateurs de propriété, les cadastres plaqués sur des systèmes juridiques inappropriés et non actualisés sont venus compliquer la gestion foncière. Ils ont au mieux été mobilisés au profit d’élites locales ou nationales, au détriment d’ayants droit légitimes. Dans ce contexte, la cession en location – voire la vente – de vastes superficies à des investisseurs par l’État nie, ou risque de nier, les droits des occupants de terres agricoles ne disposant pas de titres, ce qui est le cas de la majorité des populations rurales. Elle n’offre pas non plus au preneur du bail ou à l’acheteur de garantie de sécurité foncière. Des politiques foncières prônant la reconnaissance formelle de droits légitimes localement et ouvrant la gestion foncière à différentes institutions (collectivités territoriales, autorités coutumières), offrent à cet égard des alternatives à explorer.

En conclusion : des ’cercles vertueux’ pour des marchés mondialisés ?

La croissance démographique mondiale qui se poursuit, l’accès de nouvelles populations à des modes de consommation développés, le maintien de centaines de millions d’individus en état de sous-nutrition, supposent, parallèlement à l’intensification des systèmes de production agricole, d’étendre les superficies consacrées à l’agriculture. Des potentiels existent de ce point de vue dans certains pays mais ils ne coïncident que partiellement avec les pays consommateurs. C’est ainsi que se développe, dans un contexte d’économie mondialisée et sous différentes formes, un marché des terres agricoles qui, jusqu’à présent, se faisait dans des contextes essentiellement nationaux.

De nombreuses organisations comme l’IFPRI, l’International Land Coalition (ILC) et diverses organisations paysannes (Via Campesina, GRAIN) s’inquiètent de ce que les acquisitions foncières des investisseurs étrangers promeuvent un modèle d’agriculture extensive non durable, déplacent les utilisateurs traditionnels des terres et créent peu d’emplois. Différentes expériences montrent qu’il est possible, notamment dans le cadre de systèmes d’exploitation agricole composites, de concilier le respect des droits d’usage, l’amélioration de la sécurité alimentaire, le développement rural et l’intérêt de l’investisseur. D’après la Banque mondiale les investisseurs croient qu’il est impératif d’acquérir des surfaces importantes. Cependant, l’agriculture familiale est aussi réputée pour son efficacité très supérieure, en matière de création d’emplois, à celle de l’agriculture mécanisée extensive, un avantage loin d’être négligeable pour les autorités en charge des stratégies de réduction de la pauvreté et de la sous-alimentation. De fait, elle contribue à fixer les populations rurales dans les campagnes, limitant ainsi l’exode rural et ses conséquences directes : accroissement des bidonvilles, paupérisation des zones périurbaines.

Au Kenya, l’agriculture contractuelle fait le lien entre cultures d’exportation et développement économique local : un modèle vertueux ?

La Fondation de l’Aga Khan pour le Développement économique a déployé depuis une quarantaine d’années une production massive de haricots verts ’extra fins’ sur les plateaux du Kenya. Chaque année, 15 000 tonnes de haricots conditionnés sont réexportées vers l’Europe. Cette production repose sur des partenariats contractuels signés avec près de 60 000 petits exploitants agricoles. L’entreprise mise en place a créé un véritable bassin d’emploi : elle emploie directement quelque 3 000 personnes dans ses usines et 600 travailleurs agricoles.Le prix de vente de la production est contractualisé à l’avance avec le client européen, mais aussi avec les fournisseurs kenyans. La récolte n’est donc pas valorisée directement sur les marchés internationaux, échappant ainsi à la volatilité des cours constatée par ailleurs. L’investisseur bénéficie de deux avantages comparatifs kenyans dans le processus de production : le climat local permet deux récoltes par an et la compétitivité des coûts de main-d’œuvre est particulièrement intéressante pour une culture intensive en capital humain. D’autre part, le réseau de producteurs a atteint une taille critique et donc un volume de production important : la société est ainsi devenue leader régional de l’industrie légumière en Afrique. Les agriculteurs kenyans y voient une garantie de débouchés mais aussi de revenus. En outre, le dispositif prévoit des conditions privilégiées d’accès aux intrants, une formation agronomique, ainsi qu’une assistance technique.Afin de ne pas porter atteinte à la sécurité alimentaire des populations de sa sphère d’implantation en provoquant le grignotage de l’espace dédié aux cultures vivrières, l’entreprise réclame de ses fournisseurs qu’ils consacrent plus de 75% de leurs terres à d’autres cultures. L’entreprise apporte également un soutien à ses fournisseurs locaux pour d’autres maillons de la chaîne de valeur (emballage, transports). Le modèle de l’agriculture contractuelle basée sur de petites exploitations a été privilégié pour ses avantages en matière de coûts (couverture des risques climatiques par la diversité des fournisseurs, contrôle de qualité, etc.). Il repose essentiellement sur la construction de relations de confiance avec les communautés locales : concertation avec les autorités, mise en œuvre de projets pilotes démontrant la viabilité des opérations ont donc été des préalables indispensables.

Les réactions suscitées par cette dynamique nouvelle d’un marché des terres sans frontières suppose l’adoption de règles de gouvernance, tant aux échelles locales, nationales que mondiale, susceptibles de gérer ces flux au mieux de l’intérêt collectif car, sans régulation et sans transparence, on pourrait assister à des dérives comparables à celles qui affectent bon nombre d’autres ressources.

Notes

[1] Sylviane Tabarly, Géoconfluences (ENS Lyon / Dgesco) : adaptation de différents documents dont principalement :

  • Les cessions d’actifs agricoles à des investisseurs étrangers dans les Pays en Développement, rapport du Centre d’analyse stratégique (CAS), juin 2010, www.strategie.gouv.fr/article.php3 ?id_article=1196
    Avec la collaboration de Jacques Imbernon, ENS Lyon / Cirad

[2] Pour les Nations Unies, l’accès à une nourriture suffisante est à la fois un droit de l’individu et une responsabilité collective. La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) proclamait que ’Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation…’. Près de 20 ans plus tard, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) approfondissait ces concepts, en soulignant ’le droit de toute personne à … une nourriture adéquate’ et en précisant ’le droit fondamental de chaque être humain à être libéré de la faim’. Fondamental, le droit d’être à l’abri de la faim signifie que l’État a l’obligation de garantir que ses habitants ne soient pas victimes de la famine. En tant que tel, ce droit est intimement lié au droit à la vie. Au Sommet mondial de l’alimentation, en 1996, les chefs de 185 pays et la Communauté européenne ont réaffirmé, dans la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, ’le droit de chaque être humain d’avoir accès à une nourriture saine et nutritive conformément au droit à une nourriture adéquate et au droit fondamental de chacun d’être à l’abri de la faim.’ Ils ont en outre proclamé leur volonté de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées d’ici à 2015.

[3] L’Afrique subsaharienne a vu son PIB agricole croître de +3% par an sur cette période, mais les résultats sont plus mitigés si l’on observe cet indicateur ramené à la population rurale : seulement +0,9% de croissance.

[4] Cette page repose largement sur les deux documents suivants :

[7] Les pays ACP sont des pays signataires des accords de Lomé et de Cotonou. Ils disposent de préférences tarifaires leur donnant accès au marché européen ainsi que de fonds spéciaux destinésà garantir la stabilité des prix à l’achat pour les produits agricoles et miniers.

[8] Sur Géoconfluences : Le protocole de Kyoto et la réduction des gaz à effet de serre.

Le carbone : nouveaux marchés, nouveaux échanges dans le monde

[9] Au Pakistan, une expérience pilote dans la région du Punjab a montré qu’un système mécanisé de culture intensive développé par le secteur privé utilisant moitié moins d’eau et réduisant le coût des entrants de 20% augmentait la productivité de la récolte rizicole de 60%.

Sources et ressources, une sélection

Expertises, institutions, principales sources, par ordre alphabétique

www.agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf_nese101234A3.pdf

  • International Assessment of Agricultural Science and Technology for Development (IAASTD / L’Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles pour le développement), une structure de gouvernance intergouvernementale, www.agassessment.org
  • Mazoyer M. et Roudart L. - ’La fracture alimentaire et agricole mondiale : état des lieux, causes, perspectives, propositions d’action’, Revue politique et parlementaire, n° 1051, p. 24-34, 2009 http://eg.fsagx.ac.be/documents/.../mondiale.pdf
    Autres : organisations et divers

pour Géoconfluences le 23 juin 2011

Mise à jour : 23-06-2011 - Copyright ©2002 Géoconfluences - Dgesco - ENS de Lyon Tous droits réservés, pour un usage éducatif ou privé mais non commercial

Pour citer cet article : Sylviane Tabarly, « Agricultures sous tension, terres agricoles en extension : des transactions sans frontières », Géoconfluences, juin 2011.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/articles/agricultures-sous-tension-terres-agricoles-en-extension-des-transactions-sans-frontieres

Source : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/articles/agricultures-sous-tension-terres-agricoles-en-extension-des-transactions-sans-frontieres

Retour au début du sommaire

En France métropolitaine, les sols agricoles recouvrent 52 % des surfaces, mais elles ont perdu 2,4 millions d’hectares depuis 1982, indique la dernière enquête Teruti publiée par le ministère de l’agriculture en avril. En parallèle, les sols artificialisés progressent, passant de 2,9 millions d’hectares en 1982 à 5 millions en 2018, en lien avec une augmentation importante de l’habitat individuel.

Entre 1982 et 2018, les surfaces agricoles ont diminué de 7,7 % en France métropolitaine. (©Pixabay)

Entre 1982 et 2018, les surfaces agricoles ont diminué de 7,7 % en France métropolitaine. (©Pixabay)

En 2018, le territoire de France métropolitaine était recouvert à 52 % par les surfaces agricoles, à 39 % par les surfaces naturelles, et à 9 % par des sols artificialisés, indique la dernière étude Teruti, réalisée tous les ans par le service statistiques du ministère de l’agriculture, parue en avril. Les terres agricoles occupent 28,5 millions d’hectares, soit 45 % du territoire français (DOM compris), dont deux tiers de surfaces cultivées (cultures annuelles ou permanentes, cultures fourragères, jachères) et un tiers en herbe pour les pâtures (prairies permanentes, alpages). 

Les espaces naturels (sols boisés, landes et friches, sols nus naturels et zones sous les eaux) représentent 39 % des surfaces en France métropolitaine, mais 48 % du territoire national en incluant les DOM. Les surfaces artificialisées (9 % du territoire métropolitain), incluent quant à elles des surfaces imperméables (bâtiments ou surfaces revêtues comme les routes, places, parkings) et des surfaces perméables, en grande partie des jardins, pelouses, parcs ou terrains de sport, mais aussi des voies ferrées, chemins non agricoles, pistes et chantiers.

A lire aussi >> Les prix des terres agricoles en Europe en 2019

Les sols agricoles perdent 65 900 ha par an depuis 1982

L’enquête, qui porte sur les données allant de 1982 à 2018, montre une diminution des surfaces agricoles : en France métropolitaine, ce sont 2,4 millions d’hectares qui ont été perdus en 40 ans, soit 7,7 % de terres agricoles en moins. Les surfaces consacrées aux grandes cultures annuelles augmentent de + 2,6 millions d’ha sur la période, sans pour autant compenser la perte des surfaces toujours en herbe (- 2,3 millions d’ha), des jachères et prairies temporaires (- 2,1 millions d’hectares), des vignes et vergers (- 400 000 ha) et des sols agricoles annexes (chemins, cours de fermes, etc. soit - 200 000 ha). 

En moyenne, près de 66 000 ha de terres agricoles ont disparu chaque année (- 0,2 %). Cette consommation est plus ou moins forte selon les périodes : - 119 000 ha par an entre 1991 et 1995, en lien avec la réforme de la Pac de 1992 qui conditionne la distribution des aides au respect du gel d’une partie des terres. La tendance ralentit ensuite jusqu’en 2005 (- 60 000 ha par an) puis reprend entre 2006 et 2009 (- 85 000 ha par an). Depuis 2009, la déprise ralentit, avec - 54 000 par an entre 2009 et 2012, et une moyenne de - 52 000 ha par an depuis 2012.

Entre 2008 et 2018, la plupart des départements français ont perdu des terres agricoles, les pertes les plus importantes étant observées dans les Alpes-Maritimes (- 3,1 % par an), en Haute-Corse (- 2,3 % par an) et dans les Pyrénées-Orientales (- 2,2 %). Le recul est plus limité dans la diagonale allant du centre-ouest au nord-est de la France métropolitaine. 

L’artificialisation progresse de 57 600 ha par an depuis 1982

Les espaces artificialisés ont, de leur côté, augmenté de 72 % en quarante ans, passant de 2,9 millions d’ha à 5 millions d’ha entre 1982 et 2018 en France métropolitaine, ce qui correspond à une moyenne de + 57 600 ha par an. Ce sont surtout les sols artificialisés non bâtis qui progressent avec en 2018, 2,2 millions d’ha de sols revêtus ou stabilisés (routes, parking, pistes, voies ferrées) soit + 52 %, et 1,9 millions d’ha d’autres espaces comme les pelouses, parcs, jardins et terrains de sport (+ 71 %). Les sols bâtis ne représentent de leur côté que 850 000 ha, soit 17 % des sols artificialisés et 1,5 % de la superficie de la France métropolitaine. 

Cette artificialisation des sols est trois fois plus rapide que la hausse de la population : entre 2007 et 2017, la population de France métropolitaine s’est accrue de 2,9 millions d’habitants (+ 4,4 %) tandis que les sols artificialisé ont augmenté de + 13,9 % soit 593 000 ha supplémentaires.

Lire aussi >> L’artificialisation concerne à 70 % des terres agricoles riches

Cette tendance s’explique en premier lieu par l’essor de l’habitat individuel, puis par l’extension du réseau routier. L’augmentation de la population explique en partie la hausse des besoins en logement, mais les changements de mode de vie familiale jouent également un rôle. En effet, la vie de couple est plus tardive, tandis que les ruptures d’union et le nombre de familles monoparentales augmentent. L’allongement de l’espérance de vie induit également une diminution mécanique de la taille des ménages. Cette dynamique d’artificialisation est enfin renforcée par la préférence pour l’habitat individuel plutôt que collectif, la périurbanisation, et l’augmentation du nombre de résidences secondaire.

Retrouvez ici le dossier complet d’Agreste sur l’occupation des sols en France entre 1982 et 2018.

Terre-net.fr - Toute l’actu de l’agriculture

Actualité agricole - Marchés et prix agricoles - Prévisions météo

Source : https://www.terre-net.fr/foncier-agricole/article/178168/sols-agricoles-une-diminution-de-7-7-pour-cent-des-surfaces-depuis-1982

Retour au début du sommaire

4.
Manifeste pour la sauvegarde des terres agricoles - Confédération Paysanne – PDF – Document ‘aude.confederationpaysanne.fr’

Manifeste pour la sauvegarde des terres agricoles en voie d’épuisement, de bétonnage et d’accaparement - Manifeste lancé par un regroupement d’acteurs issus de la société civile
(liste des signataires au 5 janvier 2016 - en fin de document) à l’occasion de la « Journée mondiale des sols » du 5 décembre 2015, de l’année 2015 déclarée « Année internationale des sols » par la FAO, et de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) de Paris (décembre 2015).

Les menaces auxquelles nous devons faire face

Les terres agricoles sont soumises à deux facteurs combinés de détérioration physique :
 l’artificialisation par bétonnage, goudronnage, compactage et mitage (urbanisation
éparpillée),
 l’épuisement des sols : perte de fertilité par surexploitation agricole, érosion, désertification, salinisation, contamination, pollutions diverses.

La réduction croissante des surfaces qui en résulte, ainsi que la baisse de la fertilité des
sols, a de graves conséquences à la fois économiques, sociales et écologiques :
 augmentation préoccupante de la dépendance agricole et alimentaire de nombreux pays, du Sud comme du Nord, vis-à-vis des marchés internationaux,
 baisse de la capacité des sols à stocker le carbone sous forme de matière organique et à lutter contre le réchauffement climatique,
 augmentation du ruissellement de surface et des phénomènes d’inondations et d’érosions,
 limitation des infiltrations pluviales, de la régénération des nappes phréatiques et de la
filtration naturelle des eaux,
 perte de biodiversité sauvage, cultivée et élevée,
 perte de patrimoines paysagers qui façonnent profondément la culture des territoires.
Cette raréfaction globale des sols entraîne, par ailleurs, un effet induit très inquiétant. Il s’agit de l’accaparement des terres les plus fertiles par des acteurs privés, voire par certains États qui souhaitent s’assurer un accès durable à cette ressource vitale au-delà de leurs frontières. Ce phénomène accélère encore la perte de souveraineté alimentaire dans de nombreuses régions, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner en termes de tensions sociales et géopolitiques.

L’ampleur du phénomène et la nécessité d’agir vite !
La France est fortement touchée même si, en apparences, on voit beaucoup de vert, de champs et de forêts entre chaque ville. Dans les faits, l’artificialisation a fait disparaître entre 40 000 et 90 000 ha de surfaces agricoles par an entre 2000 et 20141. Cela équivaut à la surface moyenne d’un département entier tous les 7 ans, à un stade de football toutes les 5 minutes, ou un potager de 25 m² toutes les secondes…

Lire la suite sur ce site : http://aude.confederationpaysanne.fr/sites/29/menu1/documents/Manifeste%20terres%20agricoles%20(en%20cours).pdf

Retour au début du sommaire


5.Environnement - Une plateforme pour préserver les terres agricoles - Publié le 09/10/2020 | Mis à jour le 12/10/2020 - Par Sophie Palisse • Club : Club Techni.Cités D.R.

Conçue pour aider les acteurs agricoles, les collectivités et les citoyens à agir en faveur de la préservation des terres agricoles, la plateforme collaborative Récolte - Recueil d’initiatives foncières - a été lancée par Terre de Liens et INRAE.

Ma Gazette - Sélectionnez vos thèmes et créez votre newsletter personnalisée

Haut du formulaire

Bas du formulaire

En recensant des expériences innovantes de gestion du foncier agricole, le site Récolte a pour objectif la sauvegarde des terres et l’installation d’agriculteurs. Il suit également un projet de sciences participatives au service de la transition agricole et alimentaire des territoires.

Des initiatives foncières pour l’agroécologie

Lancée fin septembre, la plateforme permet de diffuser et de consulter des fiches répertoriant des expériences sur des projets fonciers menés à l’initiative ou avec le soutien des collectivités territoriales. A travers divers critères tels que le contexte, les étapes clés, des témoignages, etc., elles décrivent des actions ...

[80% reste à lire] - Article réservé aux abonnés - Club Techni.Cités Haut du formulaire

Mot de passe Mot de passe oublié - Bas du formulaire

VOUS N’êTES PAS ABONNé ? Testez notre Offre Découverte Club Techni.Cités pendant 30 jours - J’en profite-[https://www.lagazettedescommunes.com/700330/une-plateforme-pour-preserver-les-terres-agricoles/]-[page_article]-[a]]

Sur le même sujet :

La Gazette des Communes

Fichier:La Gazette des Communes logo.png — Wikipédia

Source : https://www.lagazettedescommunes.com/700330/une-plateforme-pour-preserver-les-terres-agricoles/

Retour au début du sommaire

6.
Sauvegarder les terres agricoles pour une alimentation de proximité et de qualité – Par Béatrice Beatmedia (04870 St Michel)

Le sol, la terre, sont des ressources inestimables. L’alimentation de qualité et de proximité nécessite leur préservation, leur amélioration. Ce sont des enjeux vitaux. Maraichage sur petites surfaces, paysans pastiers, paysans boulangers, etc… sont beaucoup plus nécessaires que des parkings de grandes surfaces ou de l’urbanisation étalée. La collaboration, par exemple entre Safer et Terre de Liens Paca, semble très constructive. A poursuivre, approfondir ! Plus un acre de terre agricole ne devrait disparaitre sous l’urbanisation… Il y a urgence dans certains secteurs de notre région. De plus arrêtons d’agrandir les exploitations, mettons l’accent sur la diversité, sur la qualité, sur les projets agroécologiques, etc.

#activité économique #alimentation et agricultures #cadre de vie
30/09/2021 | N°99 ///

Bas du formulaire

Haut du formulaire

Bas du formulaire

Menu ACCUEIL SAFER PACA LEXIQUE FAQ CHARTE DE PARTICIPATION

logo safer

580, Avenue de la Libération CS 20017 04107 MANOSQUE Cedex - 04 88 78 00 00 - safer@safer-paca.com - © 2018 - 2023 SAFER PACA ∙ Mentions légales 
| Site réalisé par l’Agence Bleu Tomate - Source : http://www.safer-paca.com/discussions/sauvegarder-les-terres-agricoles-pour-une-alimentation-de-proximite-et-de-qualite/

Retour au début du sommaire

7.
Préservation des terres agricoles : un rapport alerte sur l’urgence - Par Philippe ChéreL - Ouest-France - Fanette BON. Publié le 22/02/2022 à 06h00 - Document ‘ouest-france.fr’

À quatre jours du Salon de l’agriculture de Paris, la fédération Terre de liens publie ce mardi 22 février 2022 son premier « Rapport sur l’état des terres agricoles en France » et tire la sonnette d’alarme.

D’ici à dix ans, plus d’un agriculteur sur quatre partira à la retraite. Cela représente au moins 5 millions d’hectares de terres agricoles, soit près de 20 % de la surface agricole française, qui vont changer de mains. « Ces terres iront-elles à l’agrandissement de fermes ? À la spéculation ? À un modèle plus vertueux ? C’est le défi sur lequel nous voulons alerter avec ce rapport », pointe Benjamin Duriez, directeur de la fédération Terre de liens, qui vise à préserver le foncier agricole et a acquis 265 fermes et 7 000 ha en France depuis sa création, en 2003.

Dans son « Rapport sur l’état des terres agricoles en France », une première publication dévoilée ce mardi 22 février, la fédération dresse un état des lieux et « tire la sonnette d’alarme. Les terres sont aujourd’hui mal protégées, il est urgent d’agir ! » tempête Benjamin Duriez. Le constat ? « Les terres agricoles représentent 52 % du territoire français, contre 72 % en 1950. Nous en détruisons environ 55 000 ha tous les ans, c’est l’équivalent d’un terrain de foot toutes les sept minutes », souligne Tanguy Martin, chargé de plaidoyer à Terre de liens.

Recherche de profits

Selon les calculs de la fédération, la France perd ainsi la capacité de nourrir une ville comme Le Havre (environ 160 000 habitants) tous les ans. « Nous artificialisons quatre fois plus vite qu’en Espagne. Nous bétonnons même dans des secteurs qui perdent des habitants… » Entre 2006 et 2014, les deux tiers de l’artificialisation se sont effectués aux dépens des terres agricoles, estime le rapport. Elle concerne le plus souvent des terres périurbaines qui présentent de bonnes caractéristiques pour l’agriculture et des réserves en eau. Tanguy Martin déplore « des recherches de profits au détriment de la société et du vivant ».

https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMjAyNjEyOWUwM2U1ZWMxYmRjNDJlOTA5OTgzOTdlYTQ4MjE?width=940&focuspoint=50%2C25&cropresize=1&client_id=bpeditorial&sign=3e98680f74da812486b306037b53337829f0d89704ff51fc2aeeb9b91b27e642

Evolution des terres agricoles en France en soixante-dix ans. | OUEST-FRANCE

Dans un mouvement parallèle, « tout aussi inquiétant » juge le rapport, les terres agricoles se concentrent en un nombre toujours plus concentré de fermes. 1,9 million d’exploitations ont disparu depuis 1955. La France n’en compte plus que 389 000, selon le dernier recensement (2021). « La surface d’une ferme est en moyenne de 69 ha, contre 24 ha en 1988. Les « grandes exploitations » (136 ha en moyenne), quasi inexistantes il y a soixante ans, représentent aujourd’hui une ferme sur cinq, et couvrent 40 % du territoire agricole métropolitain », précise Maurice Desriers, économiste et statisticien agricole.

Frein au renouvellement

Le rapport voit là un frein au renouvellement nécessaire des générations. Deux-tiers des terres libérées partent à l’agrandissement de fermes existantes. « Il existe un marché « souterrain » de la terre, qui échappe au contrôle des Safer (« gendarmes » du foncier), dans un monde agricole dominé par les réseaux », pointe Coline Sovran, responsable de plaidoyer à Terre de liens.

Pour les candidats à l’installation, « le parcours est souvent chaotique, surtout quand on n’est pas issu du monde agricole (60 % des candidats, NDLR) et avec un faible capital de départ (prix moyen de la terre agricole : 6 000 €/ha). J’ai mis quatre ans à trouver une ferme, en parcourant toute la France en camping-car », confie Émeric Duclaux, devenu producteur de petits fruits bio en Haute-Loire.

Derrière la question des terres, ce sont nos assiettes qui se dessinent. « Les choix politiques ont progressivement rendu la France dépendante. Pour faire face à sa demande alimentaire nationale, elle importe l’équivalent de 9 millions d’ha, tandis qu’elle exporte 12 millions d’ha », déplore la fédération. Elle appelle les candidats à l’élection présidentielle à s’engager pour une grande loi sur les terres agricoles, attendue depuis plusieurs années.

Source : https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/preservation-des-terres-agricoles-un-rapport-alerte-sur-l-urgence-6eeb9bb4-8f28-11ec-91ef-c5100846ffb2

Retour au début du dossier

Retour au début du sommaire

8.
Artificialisation des sols : comment mieux protéger les espaces naturels ? - Par La Rédaction - Publié le 15 février 2023 – Document ‘vie-publique.fr’ - © Eclairage

Chaque année, la France perd 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sous la pression des activités humaines. Étalement des villes, développement d’infrastructures, bétonisation… L’artificialisation des terres est l’une des causes de la perte de la biodiversité.

Comment lutter contre ce phénomène ? Quels leviers pour mieux protéger les sols de l’artificialisation ?

La lutte contre l’artificialisation des sols représente aujourd’hui un enjeu majeur pour limiter le réchauffement climatique, un sol artificialisé n’absorbant plus de dioxyde de carbone.

La loi ’Climat et résilience’ du 22 août 2021 a posé un objectif de ’zéro artificialisation nette’ (ZAN) à l’horizon de 2050. Cette loi vise à mieux prendre en compte les conséquences environnementales lors de la construction et de l’aménagement des sols, sans pour autant négliger les besoins des territoires en matière de logements, d’infrastructures et d’activités.

Un étalement urbain en périphérie des villes

L’urbanisation de la France a accru l’artificialisation du territoire

Entre 1936 et 2020, la part de la population française vivant en ville est passée de 53% à 81%. D’après un rapport du Sénat publié en mai 2021, les aires urbaines couvrent aujourd’hui 22% du pays (contre 7% en 1936).

L’urbanisation de la France depuis le début du XXe siècle a entraîné une forte consommation des terres. Cette artificialisation des sols oscille entre 16 000 et 60 000 hectares par an, selon les sources. Selon une étude publiée en juillet 2019 par France Stratégie, au vu des tendances actuelles, 280 000 hectares de terres seraient artificialisés d’ici 2030, soit plus que la superficie du Luxembourg.

Depuis 1981, les terres artificialisées sont passées de 3 à 5 millions d’hectares (+70%), soit une croissance nettement supérieure à celle de la population (+19%). Dans l’étude publiée en juillet 2019, France Stratégie note que ce phénomène s’est accéléré en France au cours des dernières décennies en raison de plusieurs facteurs :

  • l’augmentation du nombre de ménages (+4,2 millions depuis 1999) due à la croissance de la population et à la réduction de la taille des ménages ;
  • l’étalement urbain et le mitage (constructions dispersées) : les surfaces urbanisées s’étendent en périphérie des villes du fait de l’augmentation des prix du foncier en centre-ville, de l’attrait des ménages pour l’habitat individuel ou encore de la recherche d’un meilleur cadre de vie. Cela nécessite la multiplication d’infrastructures de transports, de services et de loisirs et entraîne un bétonnage plus important des espaces naturels ;
  • la sous-exploitation du bâti existant : la vacance de logements qui représente 8% des logements en 2015, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)(nouvelle fenêtre), la vacance de commerces dans les villes moyennes ou encore le développement de résidences secondaires contribuent à la demande de logements neufs et donc à l’artificialisation des sols.
    Cette croissance de l’artificialisation des sols s’est surtout produite au détriment de terres agricoles, pour un usage d’habitat (42% des terres artificialisées), d’infrastructures de transports (28%), de services et de loisirs (16%) comme les zones commerciales. Elle est plus forte dans les métropoles et dans les zones côtières.

Quelles sont les conséquences de l’artificialisation des sols ?

L’artificialisation des sols est à l’origine de plusieurs pressions sur l’environnement :

  • amplification des risques d’inondations : la dégradation de la capacité des sols à absorber l’eau par infiltration en raison de leur imperméabilisation. En cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissèlement et d’inondation sont donc amplifiés. Les problèmes d’érosion des sols sont amplifiés ;
  • perte de la biodiversité par disparition des écosystèmes ou rupture des continuités écologiques. La transformation d’un espace naturel en terrain imperméabilisé, modifie ou fait disparaitre l’habitat des espèces animale ou végétale et peut conduire à leur disparition d’un territoire ;
  • réchauffement climatique : un sol artificialisé n’absorbe plus de CO2 et participe donc à la hausse des températures (perte de végétation, changement d’état des sols) ;
  • pollutions (métaux lourds, pollution de l’air liée aux transports...) ;
  • réduction de la capacité des terres agricoles à nous nourrir : l’artificialisation entraîne une perte de productivité agricole et limite la production alimentaire ;
  • renforcement des ’îlots de chaleur’ en zone urbaine.
    Par ailleurs, l’étalement urbain affecte la qualité de vie. Les personnes doivent passer plus de temps dans les transports en commun ou davantage emprunter leurs véhicules motorisés, consomment plus d’énergie et amplifient leurs émissions de gaz à effets de serre et de polluants dans l’air. En cas de perte d’emploi, les salariés ont également d’autant plus de difficultés à renouer avec le marché du travail qu’ils sont éloignés des zones d’activités.

L’étalement urbain et la construction en périphérie des villes renforce également la fracture sociale déjà présente en reléguant notamment une partie des habitants à l’écart du centre-ville, provoquant sa désertification et la dévalorisation des petits commerces.

https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/styles/teaser_inside_link/public/eclairage/biodiversit%C3%A9_pr%C3%A9servation_284898498_Drupal.jpg?itok=ocSmpcj5

Eclairage : Érosion de la biodiversité : un constat alarmant

Quels leviers pour mieux protéger les sols de l’artificialisation ?

Face à ces évolutions de long terme, la loi ’Climat et résilience’ a posé le principe de la reconnaissance de l’artificialisation des sols comme problème environnemental.

Si la régulation de la consommation foncière a progressivement été prise en charge par les lois relatives à l’urbanisme, la loi ’Climat et résilience’ de 2021 a pour atout d’articuler la nécessité de maîtrise de l’artificialisation avec la conservation de la biodiversité.

La loi Climat et résilience

La loi ’Climat et résilience’ du 22 août 2021 a posé un objectif de ’zéro artificialisation nette’ (ZAN) à l’horizon de 2050. Elle a également établi un premier objectif intermédiaire de réduction par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020.

Le ZAN des sols tend donc à interdire toute artificialisation nette des sols sur une période donnée. Cela n’implique pas nécessairement l’arrêt total de l’étalement de ­l’enveloppe artificialisée : l’artificialisation de nouveaux espaces sera conditionnée à une renaturation à proportion égale ­d’espaces artificialisés. Tout ce qui sera ’pris’ sur la nature devra être ’rendu’.

À titre d’exemple, les règles de délivrance des autorisations d’urbanisme commerciales sont renforcées à la suite de cette loi, avec un principe d’interdiction de nouvelles autorisations commerciales impliquant une artificialisation des sols (des dérogations restent néanmoins possibles en dessous de 10 000 mètres carrés de surface de vente). Quant aux secteurs d’implantation des entrepôts, ils doivent être également définis par rapport aux besoins logistiques des territoires mais aussi par rapport aux objectifs de réduction du rythme d’artificialisation des sols.

Une circulaire du ministre de la transition écologique et de la cohérence des territoires du 4 août 2022 rappelle toutefois que la démarche du ZAN ne commencera à s’appliquer qu’à ­l’issue de la mise en conformité des ­documents de planification et d’urbanisme (plans locaux d’urbanisme, plans locaux d’urbanisme intercommunaux, cartes communales...).

Néanmoins, face aux questions de certains élus locaux sur la mise en place du ZAN, des sénateurs ont déposé, le 14 décembre 2022, une proposition de loi pour faciliter l’application effective du ZAN (nouvelle fenêtre).

L’artificialisation des sols, une notion intégrée au code de l’urbanisme

Le plan ZAN vise à ’renaturaliser’ un espace pour chaque espace artificialisé. Mais la détermination ‘artificiel’ ou ‘non-artificiel’ fait encore débat. L’artificialisation des sols est une notion récente et difficile à appréhender car elle combine à la fois :

  • une approche quantitative : l’augmentation de la superficie des sols artificialisés à l’échelle d’un territoire au détriment des espaces naturels ;
  • une approche qualitative : la transformation des caractéristiques d’un sol naturel et ses effets sur l’environnement.
    Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (nouvelle fenêtre), c’est un phénomène qui consiste ’à transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…)’.

Cette définition revient à considérer comme ’artificialisés’ tous les sols qui ne sont pas des espaces naturels, agricoles ou forestiers, qu’ils soient imperméabilisés (bâtis, revêtus et stabilisés comme les routes, les voies ferrées, les parkings…) ou perméables (comme les parcs et jardins, les friches urbaines, les terrains de sport, les carrières...). Elle ne permet pas de distinguer le degré d’imperméabilisation des sols ou l’impact sur la biodiversité.

La définition des sols artificialisés d’Eurostat est plus restrictive puisqu’elles recouvrent seulement les sols bâtis et les sols revêtus et stabilisés.

Afin de préciser cette notion d’artificialisation des sols, la loi ’Climat et résilience’ a inscrit dans le droit deux nouvelles définitions :

Des outils de mesures

De nombreuses sources de données sont utilisées pour mesurer le phénomène d’artificialisation en France :

  • l’enquête européenne CORINE Land Cover(nouvelle fenêtre) n’est disponible que tous les six ans et sa mesure est imprécise, la dernière enquête datant de 2018 ;
  • l’enquête Teruti-Lucas(nouvelle fenêtre), gérée par le ministère de l’agriculture, est disponible depuis 1981, mais elle porte sur un échantillon et sa mesure est également imprécise ;
  • les fichiers fonciers présentent l’inconvénient d’intégrer des terrains ’à bâtir’ et d’exclure les infrastructures non bâties.
    Cependant, en raison de l’absence, dans l’immédiat, de données pour mesurer l’artificialisation des sols sur la France entière en cohérence avec la nouvelle définition, ce sont les données de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qui seront prises en compte pour la prochaine décennie. Par conséquent, pour la première tranche décennale de 2021 à 2031, les calculs se baseront sur la notion de consommation d’espace.

Les données de consommation d’espaces, produites à partir des fichiers fonciers, sont déjà disponibles avec un recul de plus de dix ans. Les données d’artificialisation, produites à partir de l’Occupation du sol à grande échelle (OCSGE) (nouvelle fenêtre), seront disponibles dès 2022 pour certains départements afin de permettre aux territoires de définir leur trajectoire.

Des aides financières

Comme le souligne le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (nouvelle fenêtre), la réforme en cours a pour objectif de favoriser l’utilisation des surfaces déjà artificialisées par la densification urbaine. Toutefois, encourager cette densification implique également, en terme d’acceptabilité sociale, de favoriser la qualité urbaine et un certain retour de la nature dans les villes.

De même, atteindre le zéro artificialisation nette’ passe aussi par l’utilisation des locaux vacants et des friches. Dans le cadre du plan France relance, un fonds pour le financement des opérations de recyclage des friches a ainsi été déployé. Doté initialement de 300 millions d’euros, ce fonds a été augmenté de 350 millions d’euros en mai 2021.

Quelles friches ?

Selon un rapport de janvier 2021 sur les friches en France, on dénombre 2 400 friches industrielles (certaines estimations vont de 4 000 à 10 000), couvrant entre 90 000 et 150 000 hectares du territoire national, les chiffres concernant les friches commerciales et administratives sont inconnus. Le foncier non agricole (établissements, entreprises des zones commerciales, entrepôts) couvre 30% des surfaces artificialisées, il progresse plus vite que le foncier résidentiel.

Une aide à la relance de la construction durable de 350 millions d’euros a été également lancée avec, pour objectif, d’encourager l’effort de construction de logements soutenu par les communes tout en favorisant la sobriété foncière grâce à une utilisation plus pertinente du foncier déjà urbanisé ou ouvert à l’urbanisation.

https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/styles/teaser_inside_link/public/eclairage/foret-corse.jpg?itok=CIRxzs1j

Eclairage : Forêts françaises : quel avenir face au changement climatique ?

MOTS-CLÉS : VILLE - TERRITOIRES AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE URBANISME VILLE ENVIRONNEMENT BIODIVERSITÉ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – ‘Vie-publique.fr’ est un site gratuit d’information qui donne des clés pour comprendre les politiques publiques et les grands débats qui animent la société. Il est édité par la Direction de l’information légale et administrative. Sauf mention contraire, tous les textes de ce site sont sous licence etalab-2.0

Vie publique : au coeur du débat public - À propos Contactez-nous Lettres d’information Espace Presse Utiliser nos contenus Flux RSS Travailler avec Vie-publique.fr

Vie-publique.fr — Wikipédia

Source : https://www.vie-publique.fr/eclairage/287326-artificialisation-des-sols-comment-faire-face-letalement-urbain

Retour au début du sommaire

Retour au début de l’introduction

Retour au début du préambule


Retour au début du dossier

Collecte de documents et agencement, traduction, [compléments] et intégration de liens hypertextes par Jacques HALLARD, Ingénieur CNAM, consultant indépendant – 13/03/2023

Site ISIAS = Introduire les Sciences et les Intégrer dans des Alternatives Sociétales

Site : https://isias.info/

Adresse : 585 Chemin du Malpas 13940 Mollégès France

Courriel : jacques.hallard921@orange.fr

Fichier : ISIAS AGRICULTURE TERRITOIRES.7.docx

Mis en ligne par le co-rédacteur Pascal Paquin du site inter-associatif, coopératif, gratuit, sans publicité, indépendant de tout parti, un site sans Facebook, Google+ ou autres GAFA, sans mouchard, sans cookie tracker, sans fichage, un site entièrement géré sous Linux et avec l’électricité d’Énercoop , géré par Yonne Lautre : https://yonnelautre.fr - Pour s’inscrire à nos lettres d’info > https://yonnelautre.fr/spip.php?breve103

http://yonnelautre.fr/local/cache-vignettes/L160xH109/arton1769-a3646.jpg?1510324931

— -