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"Confucius et le confucianisme vus par des auteurs et études de l’extérieur de la Chine : rappel chronologique, opposition avec la pensée maoïste, renouveau religieux, vecteur de la marque Chine, citoyenneté culturelle confucéenne ?" par Jacques Hallard

jeudi 24 novembre 2022, par Hallard Jacques


ISIAS Histoire Philosophie Politique Chine Vues d’extérieur

Confucius et le confucianisme vus par des auteurs et études de l’extérieur de la Chine : rappel chronologique, opposition avec la pensée maoïste, renouveau religieux, vecteur de la marque Chine, citoyenneté culturelle confucéenne ?

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 24/11/2022

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Série : gouvernance et humanisme

1ère partie - ’Confucius prônait l’exemplarité, vertu du politique, incarnait bienveillance, courage et sagesse : reprises de sa pensée dans l’histoire de la culture chinoise, la gouvernance sociale et le droit ; comparaisons avec la culture occidentale’ par Jacques Hallard - 11 novembre 2022 - ISIAS Histoire Philosophie Politique Culture Chine Confucius

2ème partie - Confucius et le confucianisme vus par des auteurs et études de l’extérieur de la Chine : rappel chronologique, opposition avec la pensée maoïste, renouveau religieux, vecteur de la marque Chine, citoyenneté culturelle confucéenne ?

Plan du document  : Introduction Sommaire Auteur


Introduction

Ce dossier constitue la 2ème partie de la Série : gouvernance et humanisme

Le sujet de Confucius et du confucianisme s’y poursuit avec des contributions d’auteurs extérieurs à la Chine :

Une revue de 2010 sur le confucianisme avec un exposé chronologique et une extension géographique dans l’Extrême Orient, émanant des Missions étrangères de Paris (MEP), de la mouvance catholique. Les Missions étrangères de Paris (MEP) sont une société de vie apostolique catholique domiciliée à Paris ayant pour but le travail d’évangélisation dans les pays non chrétiens, spécialement en Asie.

Une étude de 2021, signée Thi Hai Yen Tran, 陳氏海燕, de l’Académie des Sciences Sociales du Vietnam, qui expose l’empreinte du Confucianisme dans la politique, l’idéologie et l’univers symbolique des Vietnamiens. Voir d’autres travaux du Professeur Tran sur ce site : https://heritage.bnf.fr/france-vietnam/fr/pensee-spiritualite-article - Egalement ceci : https://lecourrier.vn/ceremonie-de-remise-du-prix-inoue-yasushi-a-hanoi/254873.html

Un document qui traite des limites et de la dualité entre les principes confucéens et les valeurs socialistes-maoïstes, tenant compte de la tradition juridique en Chine qui est profondément différente de celle des sociétés occidentales.

Une note de Wikipédia résume la Critique de Lin Piao et de Confucius en 1973 sous le régime politique du maoïsme)

Une contribution universitaire canadienne rapporte le renouveau religieux du confucianisme en Chine, avec une revue des débats académiques récents.

Un article de 2022 écrit par Kam Louie 雷金慶 (Photo, ancien doyen de la Faculté des Arts à l’Université de Hong Kong (chinois : 香港 , officiellement la région administrative spéciale de Hong Kong de la république populaire de Chine) : il tend à démontrer que Confucius (décrit comme un caméléon), ne serait pas un bon représentant pour l’image de la Chine. CV de l’auteur Kam Louie

Une étude intitulée « Individualité, hiérarchie et dilemme », du Dr. Canglong Wang (Photo –Thèse de doctorat à l’Université écossaise d’Edimbourg, actuellement codirecteur du programme d’études chinoises à l’Université anglaise de Hull) : il y traite de façon factuelle, de la fabrication de la citoyenneté culturelle confucéenne dans une école classique chinoise contemporaine. Correspondance / Canglong.Wang@hull.ac.uk

Suivent quelques documents contemporains qui traitent successivement :

  • De la citoyenneté en contexte autoritaire chinois
  • De la Loi sur la citoyenneté de la république populaire de Chine
  • De la notation des citoyens et des entreprises en Chine en 2020, ce qui préoccupe certains en Occident
  • De la fabrique de « citoyens modèles », puis du Système de crédit social en vigueur en Chine
  • D’un point de vue interrogatif qui considère la Chine comme le premier régime totalitaire numérique de l’Histoire 
    Ce dossier se termine par une approche plus philosophique, avec un ensemble d’informations sur Confucius à l’aide de la présentation de 4 épisodes (avec textes et enregistrements sonores), provenant d’une série d’émissions de ‘France Culture’ « L’Esprit d’ouverture », titrée ‘Les Chemins de la philosophie’ et produite par Adèle Van Reeth. Ces quatre enregistrements constituent une sorte de révision du contenu (un peu rébarbatif et dense) avec des auteurs chinois dans la 1ère partie, consacrée à Confucius et au confucianisme, dans cette Série intitulée : gouvernance et humanisme.

Les documents sélectionnés pour réaliser la 2ème partie de cette série sont indiqués – avec leurs accès – dans le sommaire ci-après.

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Sommaire

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  • Le confucianisme aujourd’hui - Eglises d’Asie – Chine - Publié le 18/03/2010 – Etude des ‘Missions étrangères’ – Document ‘missionsetrangeres.com/eglises’
    I – Le confucianisme est-il une religion ?

Le confucianisme, qui doit son nom à Confucius (forme latinisée de Kong Fuzi), a dominé pendant plus de deux millénaires la Chine et les pays d’Asie imprégnés de sa culture, en marquant d’une influence profonde la politique des gouvernants et la mentalité populaire.

La doctrine de Confucius et ses élaborations successives sont à l’origine d’un système d’essence éthico-philosophique qui semble à beaucoup sans lien direct avec la religion. C’est pourquoi le gouvernement communiste n’a pas regardé cette doctrine comme une religion organisée et ne l’a pas inscrite dans la liste des religions autorisées. Il est donc nécessaire de nous demander au seuil de cette étude si le confucianisme peut être considéré comme une religion.

Dans la gamme des opinions exprimées sur le sujet, on peut distinguer une interprétation dominante, soutenue par des experts d’Occident et d’Orient, qui souligne la nature rationaliste et agnostique du confucianisme. Cette interprétation est commune chez les intellectuels chinois modernes qui cherchent à donner sa pleine mesure à la civilisation chinoise face à un monde occidental plus fort et plus rationnel. Mais cette ligne a beau être soutenue par nombre d’éminents savants, il ne paraît pas toujours possible de la concilier avec les faits et les données sociologiques.

Une recherche objective démontre en effet que dans la façon commune de sentir, le confucianisme se compénètre avec le taoïsme et le bouddhisme pour former « l’unité des trois doctrines ou religions » (Sanjiao guiyi). Le sentiment religieux confucéen se révèle aussi par ses caractéristiques comme la place centrale des rites et des cérémonies (li), du mandat du ciel (tianming),etc. Il faut en outre considérer – nous le ferons en détail plus loin – que le Confucius de l’histoire a subi un processus graduel de « déification » et que les fonctionnaires confucéens de l’empire, connus en Occident sous le nom de « mandarins » 1, étaient responsables non seulement de l’ordre social et moral des sujets, mais aussi du culte officiel et de sa conformité à la loi. Ce culte comprenait tous les rites réservés à l’empereur vis-à-vis du Ciel, tout l’ensemble du culte des ancêtres (ceux de la famille impériale et ceux des familles plus ordinaires), les cérémonies réservées aux ministres et aux fonctionnaires locaux dans l’exercice de leurs services quotidiens à l’égard des diverses « divinités tutélaires » de la ville, de la justice et de l’ordre, etc…, dont le culte de Confucius 2 lui-même dans les divers temples qui lui étaient dédiés. A Qufu, dans le sanctuaire construit au lieu de sa naissance, les grandioses cérémonies commémoratives devaient être présidées par son descendant direct.

Tout cela justifie amplement que le confucianisme soit rangé parmi les religions de la Chine 3. Beaucoup ont oeuvré en ce sens, de Wang Chi Yuan à Kang Youwei 4 . Persuadés de la nature religieuse du confucianisme, ils ont cherché à l’élever au rang de religion d’Etat ou de religion mondiale et à mettre Confucius au rang de divinité, dans le but de s’opposer aux autres religions et spécialement à la religion chrétienne. Ces penseurs ne voulaient pas que la Chine fût tenue pour un pays dépourvu de sa propre religion. Ils ont même tenté de faire mettre une clause dans la constitution nationale, déclarant le confucianisme religion d’Etat. Chang Chi-yun, un des plus grands représentants du mouvement néoconfucianiste moderne pour une religion mondiale, affirme : « On doit admettre que le confucianisme n’est pas aussi bien organisé que les autres grandes religions mondiales. Pourtant une de ses caractéristiques le qualifie comme grande religion, la préoccupation du Sage face à la Divinité du Ciel (Dieu), selon lui la vraie voie de justice et de droiture… » 5

II – Synthèse historique

1. Origine et développement

Une prédominance incontestée

Avant Confucius (né à Qufu dans l’Etat de Lu (actuel Shandong) en 551 avant J.C. et mort en 479) opéraient dans les cours des différents Etats des sages, devins et conseillers qui présidaient aux cérémonies, aux divinations, aux rites et à la musique de cour. Après la chute de la dynastie Zhou occidentale en 771 avant J.C., certains d’entre eux quittèrent la cour et peu à peu formèrent une classe de maîtres itinérants et privés, appelés ru (juspécialisés dans l’enseignement, mais aussi dans les cérémonies publiques comme les mariages et les funérailles. Confucius appartenait à cette classe et attira autour de lui un bon groupe de disciples. Pour les former, c’est-à-dire développer leur personnalité morale et intellectuelle afin qu’ils deviennent de bons fonctionnaires de l’Etat, il insistait avant tout sur le cérémonial, li (rite ou étiquette, à l’origine rite sacrificiel) considéré comme la base des rapports humains (wu lun, les cinq relations sociales : roi-ministre, père-fils, mari-femme, entre frères et entre amis), caractérisés par la piété filiale (xiao) au sein de la famille, par la fidélité-sincérité (xin, cheng) dans les rapports avec l’autorité et par l’humanité, l’altruisme ou la bienveillance (ren) et la droiture (yi) dans l’ensemble des rapports sociaux. Bien que Confucius n’ait rien écrit, on lui a attribué par la suite une nouvelle rédaction du Wu Jing ainsi que des « dialogues », Lunyu, recueil de ses aphorismes.

Ses trois mille disciples ne suivirent pas unanimement ses traces. Certains développèrent le contenu éthico-social de sa doctrine, d’autres, son aspect métaphysique et religieux. Mencius (Mengzi, 390-305 avant J.C.), son disciple le plus célèbre, donna un approfondissement positif à sa doctrine de la bonté de la nature humaine, tandis que Xunzi (322-234 avant J.C.) souligna la tendance négative de la nature humaine et donc la nécessité de l’éducation et de la discipline.

Après une série de luttes avec d’autres écoles (telles que celle des « légalistes ») et de conflits avec les gouvernants, l’empereur Wudi de la dynastie Han officialisa le confucianisme comme doctrine de l’Etat (136 avant J.C.) et exclut les autres doctrines du programme d’étude de l’administration publique. De leur côté les confucéens travaillèrent à la justification de l’empereur et de son système de gouvernement. Cette consécration officielle fut à l’origine de la classe des lettrés-fonctionnaires, les mandarins, chargés du gouvernement de l’Etat, à sa tête et dans les régions, ainsi que de la vie publique et des cérémonies officielles, religieuses et civiles.

Pendant le développement du taoïsme et du bouddhisme aux premiers siècles de notre ère, les confucéens maintinrent leur prédominance dans l’enseignement mais subirent l’influence des deux autres doctrines, dans un continuel échange de vocabulaire et de concepts. La dynastie Tang confirma la position officielle du confucianisme et ordonna la construction de temples à Confucius dans chaque district (630). Le contact des autres grandes religions stimula un nouveau développement de la doctrine confucéenne, qui prit la forme du néoconfucianisme de la dynastie Song (960-1279). Pour les maîtres de cette école, le li devient la réalité ultime, la source du bien et de la vérité, qui opère à travers l’énergie vitale, qi.

Zhu Xi commenta et publia « les quatre livres », Sishu (Daxue, Zhongyong, Lunyu et Mengzi), qui ont été étudiés de 1313 à 1905 dans le monde chinois par toute personne instruite. L’enseignement de cette école domina le monde culturel de son temps, mais devint ensuite rigide et dogmatique, suscitant la réaction de l’école idéaliste de Lu Jiuyuan (1139-1193), suivi par Wang Yangming (1472-1529) qui substitua au li le « coeur/esprit », xin, situé dans l’intime de l’être humain, qui exaltait l’habileté native et la connaissance humaine dans leur réalisation pratique (union de la théorie et de la pratique).

Avec l’avènement de la dynastie Qing, originaire de la Mandchourie (1644-1911), apparurent diverses tendances parmi les lettrés confucéens. Certains, pour ne pas collaborer avec un pouvoir « étranger », se sont voués à la philosophie politico-historique, comme Huang Zongxi (1610-1695) et Wang Fuzhi (1619-1692). D’autres ont privilégié l’application pratique et utilitariste du savoir, sous l’influence aussi des connaissances scientifiques occidentales apportées par les jésuites. Au dix-neuvième siècle, après le heurt avec les puissances occidentales, on a cherché à réinterpréter Confucius comme un réformateur capable de montrer le chemin du renouveau du pays. Cela a abouti à la « Réforme des cent jours » de 1898, dirigée par Kang Yuwei.

L’époque de la crise

A l’arrivée de l’ère moderne et de l’esprit révolutionnaire, le confucianisme, nonobstant l’élévation de Confucius au rang de « Seigneur » en 1906, subit de rudes coups. La suppression du système des examens pour l’accès au service civil, en 1905, fait disparaître la classe des lettrés-fonctionnaires confucéens. Pendant les premières années de la République (proclamée en 1911), le confucianisme est critiqué et refusé presque en bloc par la nouvelle génération des intellectuels, qui le jugent statique et inféodé au pouvoir. La vieille garde fait d’ultimes tentatives pour le sauver comme « religion d’Etat », mais en vain. Ses institutions et ses traditions sont abandonnées au nom de la Nouvelle culture prônée par « le mouvement du 4 mai » (1919), avec le slogan « A bas Confucius et sa boutique ! »

Avec les années 20 la vague de mépris semble retomber un peu, grâce à Sun Yatsen (le père de la République chinoise : 1866-1925) et son élaboration confucéenne de la doctrine sociale des Trois principes du peuple (Sanmin Zhuyi) ; à Chiang Kai Shek (Jiang Jieshi, 1887-1975) et son gouvernement nationaliste qui reprennent les traditions et coutumes confucéennes ; au Mouvement de la vie nouvelle des années 30 et à la célébration annuelle de l’anniversaire de Confucius à partir du 28 août 1939.

L’empire du Manzhouguo, proclamé en Mandchourie par les Japonais en 1932, relance aussi l’idéologie confucéenne et le culte de Confucius. Mais les contributions les plus significatives de ces années sont le Mouvement du nouveau confucianisme moderne (Xiandai Xinruxue) de Liang Shuming, éminent promoteur et conservateur de communautés autocratiques des années 30 ; de Xiong Shili, qui a uni l’idéalisme néo-confucéen et celui du bouddhisme ; de Feng Youlan, qui a restructuré le rationalisme néo-confucéen en un système original basé sur la logique moderne.

2. Le confucianisme sous le gouvernement communiste (1949-1976)

La philosophie et les superstitions

Avec l’avènement du régime communiste en 1949 les attitudes de critique et de mépris à l’égard de la tradition confucéenne en tant qu’idéologie de la classe dirigeante féodale l’emportent, en dépit du principe posé par Mao Zedong (1893-1976) lui-même en 1938 : « Nous devons faire le bilan de tout notre passé, de Confucius à Sun Yatsen, pour pouvoir jouir de ce précieux héritage » 6.

Le maoïsme assimile les confucéens à la classe des intellectuels, pas à celle des ministres religieux. En outre les discussions théoriques de la première phase de la République populaire sur les problèmes religieux sont centrées sur la distinction entre religion et superstition. On arrive ainsi à diversifier la politique selon qu’elle concerne les « religions organisées » (soit les cinq grandes religions mondiales : bouddhisme, taoïsme, islam, catholicisme et protestantisme) ou les autres croyances et doctrines, traitées de « superstitions ». Il s’ensuit que le confucianisme qui n’a plus aucune structure est considéré comme une simple philosophie et ses adeptes comme des intellectuels, tandis que ses pratiques religieuses concrètes traditionnelles, telles que le culte des ancêtres, les rituels des tribunaux, les rites en l’honneur de Confucius et des autres sages, sont rangées dans le domaine des superstitions.

Politique officielle

A l’égard du confucianisme la politique officielle du gouvernement communiste a pris en considération le fondateur, les doctrines, les adeptes, l’ensemble des rites et l’héritage historique. Elle est passée par une série d’étapes dont les principales peuvent se résumer ainsi : de 1949 à 1956, substitution de l’idéologie marxiste et de ses promoteurs à l’idéologie et aux partisans du confucianisme ; en 1956-1959, campagne des cent fleurs pour amadouer les intellectuels, suivie de la campagne contre les réactionnaires de droite ; de 1960 à 1965, tentatives de réévaluation de Confucius et de ses doctrines ; reprise des attaques contre Confucius et les confucéens qui culminent, d’abord dans la Révolution culturelle (spécialement dans les années 1966-1969), puis dans la campagne de critique contre Lin Biao et Confucius, en 1973-1974, reprise sporadiquement en 1976. Considérons de plus près chacune de ces étapes.

Période 1 9 4 9 – 1 9 5 6

Aussitôt après la prise de pouvoir du Parti communiste, les intellectuels et les lettrés confucéens ont été écartés par des théoriciens marxistes de leurs responsabilités, au gouvernement et dans les universités, et contraints d’étudier la nouvelle idéologie officielle, les professeurs de Pékin et de Tianjin devant consacrer de douze à quinze heures par semaine à l’étude des documents communistes. Des campagnes s’abattirent sur eux dans les années 50 pour les forcer à l’autocritique. La répression ne fut toutefois qu’intermittente. Le contrôle, pas toujours très strict. Certains ont donc pu continuer à publier des oeuvres dans la ligne traditionnelle, comme Xiong Shili (c’est de lui qu’est Yuan Ru, « le confucianisme des origines », 1956). D’autres ont réédité leurs textes avec de légères révisions. Les premiers intellectuels de renom attaqués par la presse officielle furent Hu Shi, vers le milieu de 1955, à cause de son pragmatisme et de son orientation pro-américaine, puis Liang Shuming, pour son enthousiasme excessif à l’égard de la tradition chinoise. Dans la seconde moitié de 1955 Feng Youlan a également été contraint plusieurs fois de faire son autocritique.

A cette époque la préoccupation prioritaire des théoriciens communistes est de définir l’histoire chinoise selon les modèles marxistes et de la juger à partir des concepts de « rôle des masses » et de « lutte des classes ». Il est donc nécessaire d’évaluer à quelle classe Confucius appartenait et quelles positions il a eues dans l’histoire. On cherche en somme à faire cadrer le confucianisme dans la classification inspirée par les théoriciens soviétiques, qui subdivisent l’histoire de l’humanité en une succession de cinq modes de production : les communes primitives, les sociétés esclavagiste, féodale, capitaliste et enfin communiste. Comme aucune donnée ne s’impose avec évidence, le jugement sur Confucius dans les années 50 se diversifie. Certains soulignent l’opposition du Sage à la chute de la société esclavagiste. D’autres qui le regardent pourtant comme un « représentant du système féodal », un « membre de l’aristocratie propriétaire d’esclaves », insistent sur son rôle positif puisqu’il a « cherché le compromis entre l’aristocratie et le peuple » ou « contribué à renverser le système esclavagiste ».

Les notions confucéennes en matière d’éducation ne sont pas l’objet d’une critique directe. C’est seulement quand on commence à donner une importance majeure à l’éducation, en 1954, et à se séparer du modèle soviétique d’instruction publique, en 1956, que l’attention se tourne vers l’héritage traditionnel confucéen. « Dans les premières années 50, les livres et les articles publiés étaient dans l’ensemble favorables à Confucius. C’était pour l’essentiel des rééditions de travaux antérieurs. Bien que remises à jour selon la terminologie marxiste, elles offraient rarement des interprétations neuves » 7.

Période 1 9 5 6 – 1 9 5 9

Pour s’assurer du loyalisme des confucéens comme des autres intellectuels, les autorités chinoises lancent en 1955-1956 le mouvement du « dévouement du coeur » pour leur demander un dévouement total à la cause communiste. Mais les résultats de cette « politique du sourire » ne sont guère brillants. Et la preuve en est apportée par l’abondance des critiques au cours de la campagne suivante dite des Cent fleurs (1956-1957), quand tous les intellectuels sont invités à exprimer ouvertement leurs opinions. En janvier et mai 1957 se tiennent deux conférences, l’une sur la signification de la tradition chinoise dans l’ère socialiste, l’autre sur l’histoire chinoise. Feng Youlan et d’autres soulignent la nature transcendante, par rapport aux classes sociales, de quelques doctrines traditionnelles et cherchent à revaloriser Confucius. L’intérêt renouvelé pour la pensée traditionnelle ne suscite pas seulement un vif débat, mais des critiques contre le parti, contre la politique d’imitation de l’URSS et finalement contre le communisme lui-même. Ces attaques effrayent tellement les autorités qu’elles arrêtent ce mouvement en juin 1957 et lancent une campagne contre les réactionnaires de droite. Beaucoup de professeurs d’université sont licenciés, condamnés aux travaux forcés et contraints à la retraite.

Période 1 9 6 0 – 1 9 6 5

Au début des années 60, on assiste à un certain relâchement de la pression sur les lettrés confucéens, dû pour une part à la faillite des communes agraires et du Grand bond en avant de 1958. Au contraire, la possibilité de faire réentendre leur voix est favorisée par le président de la République Liu Shaoqi, le premier ministre Zhou Enlai (1898-1976) et le ministre de la culture Zhou Yang, qui ont pris les rênes du pouvoir en mettant quelque peu de côté Mao Zedong. Les années 1961 et 1962 sont marquées par des débats sur Confucius les plus vifs et animés qu’on ait vus depuis la fondation de la République populaire. Le 2440e anniversaire de sa mort est célébré en 1962, sans que sa signification en soit expliquée. Presque chaque université et institut d’histoire organise des réunions pour discuter ses enseignements. Son village natal est ouvert au public et reçoit en moyenne trente mille visiteurs par jour. Des journées commémoratives suivies par cent soixante philosophes et historiens sont organisées par Zhou Yang lui-même en novembre 1962 à Qufu (Shandong). Feng Youlan qui y joue un rôle actif tente, non sans rencontrer des oppositions, de mettre en relief la fonction de réformateur de Confucius : éducation ouverte à toute classe sociale, ouverture de bonnes relations avec tous, solutions des contradictions par la bienveillance (ren). Le débat continue dans la presse officielle, surtout de 1963 à 1965, entre quelques-uns des interlocuteurs et d’autres. Il s’élargit aux thèmes du théisme, de la religion et de la superstition et contribue à faire voir dans le confucianisme une philosophie et non pas une religion.

Période 1 9 6 6 – 1 9 7 6

Mais le climat de plus grand libéralisme dure peu. Dès septembre 1962 Mao Zedong lance un appel à « ne jamais oublier la lutte de classesqui déclenche au début de 1963 des attaques contre certains partisans de Confucius. Mais c’est la grande Révolution culturelle, avec la publication de la « Décision en seize points », le 8 août 1966, qui vise à déchaîner des attaques impitoyables contre tous les intellectuels. Les gardes rouges lancent la campagne contre les « quatre vieilles » (la culture, l’idéologie, les coutumes et les habitudes), avec l’idée de délivrer les écoles de la « domination des intellectuels bourgeois ». Dans les universités on assiste souvent à des heurts et à des violences. Historiens et philosophes sont taxés de « féodaux et révisionnistes », contraints par les gardes rouges à rédiger leur autocritique et expédiés à la campagne pour être rééduqués dans le travail manuel par les paysans. Leur domicile est perquisitionné, leurs bibliothèques livrées aux flammes. Ces persécutions en poussent beaucoup au suicide. Les confucéens âgés tombent tous en disgrâce. Guo Muruo, Feng Youlan et Yang Rongguo sont attaqués. Fan Wenlan y perd la vie. Les plus jeunes qui ont écrit d’importants articles dans les années 60 sont eux aussi discrédités, traités de « boutique de Confucius ». On leur associe Liu Shaoqi, « attaqué et abattu, mais dont l’esprit rôde encore alentour

Contre Confucius et ses doctrines, le débat atteint son paroxysme. Tout en s’en prenant directement à lui, les attaques les plus violentes et négatives visent sa pensée : « Dans notre nouvelle Chine socialiste il n’y a aucune place pour les notions confucéenness ou pour les idées capitalistes et révisionnistes qui servent aux classes d’exploiteurs… Dans la grande Révolution culturelle prolétarienne, l’un des principaux devoirs est d’éliminer le cadavre fossilisé de Confucius et de déraciner complètement les notions confucéennes complètement réactionnairesAu nom de la vulgarisation de la philosophie, beaucoup donnent de la voix dans le débat et se disent prêts à continuer la lutte contre Confucius jusqu’au bout. Shanghai est le centre de cette lutte. La période de la Révolution culturelle se caractérise ainsi par deux aspects qui se maintiendront ensuite : désormais tous peuvent parler et écrire de Confucius ; les personnalités et les évènements du passé peuvent être utilisés, voire critiqués, pour expliquer les évènements du temps présent.

Après une phase de calme relatif la campagne anti-confucéenne reprend après le dixième congrès du Parti communiste chinois en août 1973, en y associant expressément Liu Shaoqi et Lin Biao. Programmée en septembre 1973, sous l’impulsion de Jiang Qing et Wang Hongwen, elle s’intensifie avec les démonstrations de masse à Pékin des 24 et 25 janvier 1974 et atteignent leur paroxysme en juillet de la même année. Contre « le Sage de Lu » toutes les couches sociales se mobilisent : rassemblements de masse, affiches (dazibao), poèmes et chansons, expositions, conférences et leçons données par des étudiants et des enseignants aux ouvriers et aux paysans, diatribes en série dans la presse et à la radio, le tout accompagné d’une surabondance de livres et de brochures. Cette campagne s’appelle officiellement « campagne de critique de Lin Biao et de Confucius ». « Les doctrines réactionnaires de Confucius et de Mencius sont des doctrines de restauration. Toutes les classes dirigeantes réactionnaires de Chine les ont adoptées pour freiner le progrès social et restaurer l’ordre ancien… Adorer Confucius, recommander l’étude des classiques confucéens et le retour aux vieux rites et à la vieille idéologie sont des signes d’une culture féodale. En Chine la culture impérialiste et la culture semiféodale se sont unies en une alliance réactionnaire, qui vise à la faillite de la révolution populaire chinoise » 8. Ces conclusions sont présentées comme ultimes et définitives.

Une directive du Comité central du Parti du 1er juillet 1974 marque le déclin de la campagne jusqu’en février 1975, quand lui est substituée une campagne contre les droits bourgeois. La critique de Confucius reprend en février 1976, marquée par des articles du Quotidien du peuple signés par Liang Xiao, membre des groupes universitaires de critique de Pékin et Qinghua. Elle continue de façon sporadique toute l’année.

La politique anticonfucéenne atteint son point culminant en 1978. Le chef local du Parti ordonne alors de démolir les murs qui entourent Qufu, le village natal de Confucius. Mais pour les descendants du Maître, soumis aux persécutions et aux critiques, le pire était arrivé en 1966, quand les gardes rouges avaient installé leur quartier général dans le mausolée de Confucius, désacralisant celui-ci jusque dans sa tombe. Les années 80 seront pour ces descendants une vraie libération puisque on assiste depuis quinze ans à une transformation remarquable de cette bourgade qui devient l’une des principales attractions touristiques du pays, avec la construction de nouveaux immeubles et d’hôtels, la restauration des rues et des monuments. En 1989, pour la célébration de l’anniversaire de la naissance de Confucius, on reprend pour la première fois depuis 1949, mais sans la présidence de son descendant direct, les grandes cérémonies traditionnelles, avec de longs défilés de participants en costumes d’époque accompagnés de musiques et de danses traditionnelles aux sons d’instruments anciens 9.

3. La situation actuelle du confucianisme (depuis 1976)

Renversement de tendance

Après la chute de la Bande des quatre, en octobre 1976, on entre dans une nouvelle phase qui se caractérise par plus de modération envers le confucianisme. C’est l’un des effets du changement de situation des intellectuels, auparavant « marchands de l’idéologie bourgeoise », « neuvième catégorie de salauds », promus « détenteurs de la clé d’or ». Par une nouvelle volte-face après tant d’autres sont en premier lieu dénoncés les animateurs et les supporters des campagnes anticonfucéennes. Le périodique Etude et critique de Shanghai, qui avait déclenché les attaques les plus acharnées, est suspendu. L’équipe des éditions de recherche historique est dissoute. Les groupes de critique de masse des universités de Pékin, Qinghua et Shanghai sont à leur tour pris pour cibles. Même les confucéens qui se sont vaille que vaille adaptés au nouveau courant ou qui paraissent l’avoir soutenu sont condamnés. Le mouvement anti-confucéen n’est pas seulement frappé parce qu’il s’est servi de la critique pour des buts politiques, mais aussi à cause de son rejet violent et poussé à l’extrême de toutes les traditions chinoises, à l’encontre de la pensée de Mao Zedong lui-même.

Réévaluation de Confucius et réhabilitation des confucéens

La nécessité d’une réévaluation de Confucius est affirmée dans un article de Pang Pu, paru le 12 août 1979 dans le quotidien des intellectuels Guangming Ribao. C’est la première d’un nombre grandissant d’initiatives semblables. Il s’agit de voir en Confucius « le grand penseur, l’éducateur, l’homme politique, le philosophe et l’historien, et pas seulement le fondateur de la culture chinoiseA cette réévaluation contribuent les apports individuels de savants et les rencontres qui se multiplient à la moyenne d’une par an, à Pékin, à Qufu, entre spécialistes chinois et étrangers.

La première réunion se tient à Qufu en octobre 1978. Les exposés sont publiés en recueil en 1980 sous le titre Réévaluation de Confucius et de la pensée confucéenne. Les participants unanimes ont dénoncé la Bande des quatre, accusée d’avoir dénié toute valeur au confucianisme et de s’être servi de Confucius dans un but politique. Ils ont également tous été d’accord pour proposer à son égard une évaluation plus critique et objective.

La deuxième conférence se tient aussi à Qufu en octobre-novembre 1980, centrée sur la pensée pédagogique de Confucius et son rapport avec le système féodal. Les participants lancent un appel pour que soient réhabilités tous les intellectuels confucéens rétrogradés, attaqués, critiqués et condamnés dans les campagnes antérieures.

La troisième conférence de Qufu, en avril 1983, propose comme méthode une « triple distinction » pour évaluer Confucius et sa doctrine : admettre ses éléments valables, éliminer le négatif et, en cas de mélange, s’appliquer au discernement.

En septembre 1984 se tient à Qufu une importante conférence nationale pour fêter les 2535 ans de la naissance de Confucius et inaugurer sa statue. La conférence montre Confucius « grand éducateur, philosophe et homme d’Etat » et le confucianisme comme facteur de progrès économique. Elle se donne aussi pour tâche d’organiser une Fondation Confucius, sous la présidence honoraire de Gu Mu, et la commission préparatoire d’une Association de recherche confucéenne, ce qui marque une étape importante dans l’histoire du confucianisme en Chine.

En juin 1985, l’Association de recherche confucéenne qui vient de naître organise une autre conférence, au cours de laquelle ses objectifs sont précisés par le président Zhang Dainian : la diffusion des idées de Confucius et la préservation critique de son héritage culturel, en fonction du devoir présent de « construire la civilisation matérielle et spirituelle de la Chine ».

En août 1987, le premier symposium international sur le confucianisme, qui se tient encore à Qufu avec des participants de douze pays, est l’occasion de souligner que le confucianisme « n’est pas seulement une cristallisation de la culture nationale de la Chine », mais qu’il est aussi « une part du patrimoine culturel du monde entier ». Il est à la fois « utile à la modernisation de la Chine et à l’avenir de toute l’humanité ».

L’année 1989 peut être appelée une « année confucéenne » à cause des nombreuses manifestations qui marquent le 2540e anniversaire de la naissance de Confucius : après des rencontres et des congrès dans tout le pays, sa célébration culmine avec la reprise de la tradition de la cérémonie solennelle au grand temple de Qufu et le premier festival culturel confucéen (20 septembre-10 octobre).

Recherches et publications

Grâce à la libéralisation d’après Mao, la situation des études confucéennes va s’améliorant avec la multiplication d’instituts de recherche et de publications spécialisées. Les deux organismes du niveau national lancent chacun leur publication : à partir de mars 1986 la Fondation de Confucius publie les Etudes confucéennes, quadrimestriel ; l’Association de recherche confucéenne édite, sans périodicité régulière, le Bulletin de recherche confucéenne. Au niveau provincial et local sont fondées diverses associations d’études confucéennes, comme celles de Shandong, de Hunan, de Qufu,etc… Beaucoup d’universités ouvrent un centre spécialisé sur Confucius, le confucianisme et les classiques.

Parallèlement l’édition de livres s’améliore en quantité et en qualité. Les principaux sujets traités comprennent la personnalité et les doctrines de Confucius et de ses disciples les plus éminents, leurs rapports avec la société de leur temps, les diverses interprétations données à leurs idées, l’histoire et le rôle du confucianisme…, mais aussi les divers types de méthodes de recherche, de façon à parvenir à une évaluation objective des études menées soit dans un but scientifique, pour approfondir les connaissances, soit dans un but pédagogique et politique, pour éduquer et élever la conscience politique des masses. De 1979 à 1987, plus de cinq cents auteurs ont publié plus de mille ouvrages ou essais.

Le mouvement du néoconfucianisme moderne

Le renouveau d’intérêt suscité par Confucius et les études confucéennes, les contacts de plus en plus fréquents avec des spécialistes de l’étranger ont attiré l’attention de beaucoup d’intellectuels de Chine sur le mouvement néo-confucéen moderne.

Celui-ci est né de la réaction conservatrice aux attaques lancées par le « mouvement du 4 mai » (1919) contre Confucius et le confucianisme. Il constitue un des courants principaux de la pensée conservatrice dans la culture moderne chinoise, en concurrence avec le libéralisme occidental, proposé par Hu Shi, et avec le socialisme marxiste, dominé par Li Dazhao et Chen Dexiu. Liang Shuming, qui a contre-attaqué au nom de la tradition, restait ouvert aux impulsions nouvelles dues à la rencontre avec la culture et la science de l’Occident. Il a été suivi dans les années 30 et 40 par Xiong Shili, Feng Youlan, He Lun, etc. qui ont combiné les doctrines des traditions confucéennes et bouddhistes avec les philosophies occidentales alors en vogue pour tenter de leur donner de nouvelles interprétations et de créer de nouvelles synthèses. Ils ont ainsi déclenché ce qu’on peut considérer comme une première phase du mouvement moderne de renaissance du confucianisme. Une deuxième phase, dans les années 50 et 60, est dominée par les néo-confucéens réfugiés à Hongkong et à Taiwan après la prise de pouvoir du Parti communiste en Chine. Les années 70 voient l’émergence d’une troisième génération de néo-confucéens.

Sur la nature et les caractéristiques de ce mouvement, les études des chercheurs chinois portent la marque de l’ambiance idéologique dans laquelle elles ont été faites et de la rareté des sources. Elles tendent donc à souligner sa nature philosophique, culturelle et socio-politique, et l’évaluent selon des critères liés à l’idéologie socialiste. Ce n’est pas par hasard si la conférence sur le néoconfucianisme citée plus haut a tout fait pour écarter l’interprétation religieuse de ce courant de pensée et le réduire à une vision socio-philosophique. D’autres chercheurs sont allés dans le même sens. D’une façon générale les positions acceptées sont les suivantes. On doit tout d’abord distinguer, selon la terminologie de Tu Wei-Ming, entre la Tradition des confucéens (Rujia Chuantong) et la Chine du confucianisme (Rujiao Zhongguo). La seconde, « liée à l’héritage féodal empoisonné » a été éliminée avec la société féodale. La première survit au contraire, parce que ses valeurs culturelles sont des valeurs communes et durables. Affranchie de ses liens avec la société féodale, elle a trouvé une nouvelle vitalité et créativité.

En général les néo-confucéens sont hostiles à l’acceptation aveugle et totale soit de la voie capitaliste occidentale soit de la voie socialiste russe. Ils en suggèrent une troisième, désignée dans les années 80 « civilisation industrielle orientale » ou « voie de la modernisation du capitalisme confucéen ».

Conclusion

Dans l’analyse de Tu Wei-Ming, la possibilité de développement de la « troisième phase » du confucianisme se fonde sur sa capacité de faire front d’une façon créatrice aux défis de la culture occidentale, principalement à trois niveaux : au niveau surnaturel, le confucianisme doit répondre de façon originale aux problèmes soulevés par le christianisme ; au niveau socio-politique, il doit s’ouvrir au dialogue et trouver des points en commun avec le socialisme marxiste ; au niveau de la psychologie des profondeurs, il doit savoir affronter et pénétrer la problématique populaire qu’ont soulevée l’existentialisme, le freudisme, etc. C’est seulement de cette façon que la philosophie chinoise retrouvera un élan. Il faudra certes beaucoup de temps avant qu’apparaissent des résultats significatifs, mais la vitalité qui en est un bon gage ne semble pas lui manquer.

III – Le confucianisme en dehors de la république populaire de Chine

A Taiwan

« Si le confucianisme n’a plus de culte officiel, il apparaît avec évidence qu’il est étroitement intégré dans le système religieux et la pratique religieuse des Taiwanais. Les enseignements moraux et éthiques du confucianisme se retrouvent dans les règles traditionnelles du comportement social transmises de génération en génération. La piété filiale, le respect de l’âge et de l’autorité, le culte des ancêtres, les cérémonies comme les mariages et les funérailles sont toujours considérées comme fondamentales. De fait, les notions de la famille et de la société sino-taiwanaise, la forte insistance sur la compréhension d’autrui et le compromis, sur les coutumes et les traditions, le souci des observances rituelles et religieuses, la confiance sereine dans le Ciel… sont dus principalement à l’influence profonde du confucianisme et prouvent sa valeur et son rôle permanent dans la société taiwanaise » 10.

Actuellement le confucianisme fleurit à Taiwan, patronné par le gouvernement nationaliste qui fait célébrer le 28 septembre l’anniversaire de la naissance de Confucius comme « journée des enseignants ». Au niveau populaire, les temples à Confucius sont conservés avec beaucoup de soin et on y célèbre les fonctions religieuses de façon régulière. Il s’en construit de nouveaux à l’initiative de la population.

Pour approfondir l’étude de l’aspect philosophique du confucianisme, le gouvernement nationaliste a fondé en 1960 la société pour l’étude des enseignements de Confucius et de Mencius, qui publie un mensuel du même nom et favorise la diffusion de la doctrine confucéenne dans les écoles grâce à des concours et des textes scolaires. Au-delà de la publication de livres et d’opuscules la société vise à maintenir des rapports avec les autres associations confucéennes de par le monde.

Quant aux relations avec le confucianisme de la Chine continentale, le gouvernement de Taipei a fondé en 1966, avec l’aide d’éminentes personnalités confucéennes réfugiées dans l’île après la Révolution de 1949, le comité pour le renouveau de la culture chinoise.

Le néoconfucianisme moderne a pris ici des caractéristiques clairement religieuses. Ch’en Chien-Fu en a été le promoteur le plus engagé, au moyen de la revue « Le nouveau confucéen » (Xinrujia), avec une bonne audience, surtout parmi les intellectuels. Dans ses nombreux écrits, Ch’en n’hésite pas à parler de l’« Eglise néoconfucéenne », dont il souligne la continuité avec la tradition chinoise, rendue « nouvelle » aussi par la forte présence d’idées séculières modernes et de notions chrétiennes.

A Hongkong

Il existe à Hongkong beaucoup d’institutions liées au confucianisme. Les principales sont la Sainte association de Confucius, l’association générale de la Sainte doctrine de Chine, la Sainte école de Confucius (fondée dans les années 20) et l’institut de l’enseignement confucéen (fondé en 1930). Ces institutions coopèrent entre elles et avec les autres groupes religieux de Hongkong, célèbrent ensemble les fêtes confucéennes traditionnelles, mais ne sont pas coordonnées par un organisme central et n’ont pas un responsable unique.

Chacune d’elles est engagée en divers services sociaux, principalement dans le secteur éducatif avec des crèches, des écoles élémentaires et secondaires, également dans des actions de propagande par des cours, des articles dans la presse locale, l’édition de livres. L’organe officiel du confucianisme est le bulletin Kongdao Zhuankan. Ses principales célébrations sont l’anniversaire de la naissance de Confucius (le 27e jour du huitième mois de l’année lunaire) et celui de Mencius (le deuxième jour du quatrième mois). Dans les écoles dirigées par des institutions confucéennes et en beaucoup d’autres, l’anniversaire de la naissance de Confucius est célébré le 28 septembre en tant que fête de l’enseignement, marquée par diverses activités. Venus du continent après la fondation de la République populaire, d’éminents représentants du courant philosophique confucéen lui ont donné une impulsion nouvelle.

A Singapour

Singapour, cité-Etat dont 77% de la population est chinoise, mais qui est ouverte à l’influence occidentale grâce à sa position géographique, à son histoire et à l’usage de l’anglais, jouit depuis plus de trois décennies d’un rapide progrès économique. Les principes inspirateurs de ses dirigeants sont le pragmatisme et la mentalité confucéenne. La tradition confucéenne est toujours maintenue par les coutumes familiales, les écoles chinoises et les divers clans. Elle est le principal instrument de la solidarité sociale et du maintien de l’ordre, en même temps qu’un moyen sûr pour intégrer les nouveaux immigrants et développer les initiatives économiques. Alors qu’en Malaisie des associations et des écoles confucéennes étaient déjà formées, la première société confucéenne de Singapour remonte à 1898.

Depuis 1959, sous la direction de Lee Kwan Yew, la mentalité confucéenne a favorisé un développement rapide de la cité-Etat, en renforçant l’autorité d’un chef respecté, mais aussi le sens de l’épargne, l’ardeur au travail, les efforts d’amélioration du niveau d’instruction, etc. L’unité familiale et sociale, basée sur les vertus traditionnelles de bienveillance, de droiture et d’harmonie des relations, a été inculquée à la population comme un remède contre la course au profit, néanmoins avec des effets limités.

La question de l’éducation morale est devenue pressante vers la fin des années 70, à cause des phénomènes inquiétants de la drogue et de la criminalité des jeunes, de l’augmentation du nombre des divorces, de l’abandon des vieux, etc. Avec un pragmatisme tout confucéen les autorités de Singapour se sont mises en quête d’un programme d’éducation morale rapide et efficace. Elles ont eu recours au confucianisme, qui avait l’avantage de proposer des valeurs traditionnelles déjà présentes dans les familles chinoises, en invitant en août 1982 comme conseillers huit experts confucéens de Taiwan et des Etats-Unis. Ces efforts ont conduit à organiser un cours de sciences religieuses comprenant aussi l’éthique confucéenne et, par conséquent, à donner priorité aux sciences civiques et à l’éducation morale. Le confucianisme est ainsi devenu à Singapour un instrument, non seulement de cohésion sociale, mais principalement de formation de la jeunesse. Il a obtenu un écho remarquable sur le plan de la morale comme au point de vue religieux.

On observe dans les nouvelles générations de Chinois de Singapour un passage du taoïsme et du bouddhisme vers le confucianisme et l’agnosticisme. Bien que le confucianisme soit davantage considéré comme une philosophie, il existe pourtant dans la religion populaire un culte de Confucius, sous deux formes : comme composante d’une religion syncrétiste, qui vénère Confucius en même temps que d’autres esprits et divinités en différents temples, ou bien comme culte spécifique et autonome de Confucius. Caractéristique est le culte qui lui est rendu par les enseignants et les candidats aux examens. Le fait d’ »adresser des prières à Confucius pour des objectifs scolaires » est postérieur à 1965. C’est peut-être un reflet de l’importance plus grande donnée à l’instruction depuis l’indépendance de Singapour.

En Corée

Le confucianisme est entré en Corée entre 372 et 528 de l’ère chrétienne en plusieurs royaumes qui adoptèrent graduellement le système administratif chinois. En 936, la dynastie Koryo unifia le pays et adopta le système confucéen des examens pour l’administration, en limitant toutefois son accès à la noblesse. En 1392, le général Yi Song-gye conquit le pouvoir et fonda la dynastie Choson (Yi) qui dura jusqu’en 1910, avec un système administratif centralisé de type chinois et le confucianisme dans sa nouvelle formulation de l’époque Song comme doctrine officielle. L’enseignement basé sur les classiques chinois et spécialement sur les ouvrages éthiques et philosophiques de Confucius devint la base de l’éducation et par conséquent de la carrière politique.

Après l’annexion du pays par le Japon (1905-1945), le système de gouvernement a continué d’être le système confucéen traditionnel, paternaliste et rigide. La population recevait une instruction élémentaire suffisante pour le progrès de la productivité, mais pas pour la formation de dirigeants politiques.

Aujourd’hui, les disciples du confucianisme sont près de huit millions, plus de douze mille maîtres enseignent l’éthique confucéenne et il y a plusieurs centaines de lieux de culte. On a récemment observé une tendance à chercher une réponse au matérialisme envahissant et à la déshumanisation de la société moderne dans les traditions et les valeurs confucéennes. Le gouvernement encourage cette recherche. Quelques savants confucéens organisent des cours chez eux et concourent à d’autres initiatives de caractère pédagogique, grâce auxquelles s’accroît l’intérêt pour la littérature classique chinoise et confucéenne.

Au Japon

A la différence de la Corée et du Vietnam, le Japon n’a jamais été conquis par la Chine. L’influence chinoise n’y a donc pas été imposée, elle a pénétré de manière lente et spontanée.

En 604 de l’ère chrétienne, le prince Shotoku introduisit au Japon un gouvernement selon le modèle chinois. Sa « constitution en 17 articles » prônait les principes confucéens : indivisibilité de l’autorité, centralisation du gouvernement, choix et promotion des fonctionnaires selon le mérite, tout en imposant le respect à l’égard du bouddhisme et en exaltant les vertus confucéennes. L’organisation officielle d’ambassades en Chine facilita le transfert quasi complet de la culture chinoise au Japon, même si le bouddhisme se répandait dans le peuple. Le rythme de l’assimilation a été si surprenant qu’il a porté le Japon, entre le cinquième et le huitième siècle d’une société relativement primitive à un haut degré de sophistication culturelle. Depuis lors jusqu’à la fin du douzième siècle, la culture aristocratique japonaise, riche d’éléments chinois, n’avait plus à s’appliquer à imiter le modèle continental, car les éléments chinois étaient désormais complètement assimilés aux tendances autochtones.

Au cours des périodes Kamakura (1192-1333) et Ashikaga (1333-1573) où s’est développé le système féodal, le modèle confucéen de gouvernement centralisé et bureaucratique a été en partie abandonné, mais le concept de « loyauté » est resté à la base des rapports entre les chefs militaires (shogun) et l’empereur ainsi que du code de conduite des guerriers (samurai). A l’époque Tokugawa (1603-1868) reprend vigueur l’appel du confucianisme à un gouvernement basé non pas sur la force brute mais sur l’exemple moral, sur la persuasion et l’obéissance. Il fournit un modèle d’organisation politique qui donne de l’importance non pas à l’hérédité ou aux liens de loyauté, mais à l’enseignement et à l’uniformité administrative. La reprise du confucianisme comme doctrine officielle contribue à la transformation du Japon au vingtième siècle. Le mélange de valeurs féodales et de valeurs confucéennes de la période Tokugawa laisse au peuple japonais un héritage extraordinaire de formalisme et de rigidité, mais aussi un sens aigu de la discipline intérieure et de l’effort personnel.

Cependant, au cours des années de l’époque Meiji et de la modernisation (1867-1912), si les fonctionnaires confucéens restent bien vus par la cour impériale pour leur comportement anti-chrétien, les concepts fondamentaux du confucianisme sont relégués au domaine de l’enseignement.

En 1907 reprend la célébration régulière des cérémonies du temple de Confucius à Tokyo et en 1918 les diverses institutions confucéennes s’organisent en une Association confucéenne, qui a pour but de combattre l’esprit matérialiste occidental, le désordre social et le déclin moral. La détérioration de la situation nationale et mondiale dans les années 30 crée une atmosphère favorable à une synthèse du nationalisme avec l’éthique confucéenne, en vue de la politique nationale, exprimée par les Principes cardinaux de l’identité nationale du Japon (1937) et de la politique étrangère comme moyen de justifier son expansion en Corée, en Mandchourie et en Chine. Dans ces pays, les autorités japonaises prennent l’initiative de la reprise du culte et des études confucéennes. En Chine, elles favorisent la fondation de la « Société pour le renouveau du peuple », Xinminhui, en vue de stimuler la reprise des traditions et des valeurs confucéennes.

Après sa défaite de la seconde guerre mondiale, le Japon tourne un peu le dos à son héritage confucéen et se concentre sur la reprise économique. Mais on note depuis quelques années les signes d’un renouveau d’intérêt pour le confucianisme.

Au Vietnam

La dynastie chinoise Han annexa le pays du Nam Viet (le nord du Vietnam actuel) en 111 avant Jésus-Christ. Malgré la révolte conduite par les deux soeurs Tru’ng en 40 de l’ère chrétienne, la Chine consolida sa domination et imposa son propre système administratif, l’écriture chinoise et la culture confucéenne qui était alors sa doctrine officielle. Le pays se libéra de la suprématie politique chinoise en 939 quand Ngo Quyen devint le chef du nouvel Etat du Vietnam, mais sans rejeter le système administratif et culturel chinois. Les lettrés-fonctionnaires continuèrent d’être recrutés par concours.

Le Vietnam résista avec peine à l’armée mongole au treizième siècle, ce qui eut pour effet de faciliter sa reconquête par les Chinois en 1407. Mais quelques années après le héros national Le Loi prit la tête d’un soulèvement qui permit au pays d’obtenir de nouveau l’indépendance d’un Etat tributaire de l’empire chinois. Sous la dynastie Le (1428-1789), le gouvernement conserva le système bureaucratique de style chinois.

Dans le pays passé sous le contrôle français à la fin du dix-neuvième siècle survivent un temps les examens publics qui inculquent une orthodoxie et un conservatisme désormais dépassés. La culture chinoise, en particulier le mode de gouvernement et le système pédagogique confucéens continuent d’influencer en profondeur la mentalité du peuple vietnamien. Même pendant sa guerre d’indépendance, le modèle chinois a gardé une force d’attraction manifestée à de nombreuses reprises, sous une forme parfois négative comme l’incapacité de légitimer l’opposition à la personnalité dominante. L’influence dans le domaine de l’enseignement est plus durable : « Le garçon se rendait à l’école à six ans. Il offrait à son maître un coq qui était sacrifié à Confucius. C’était la cérémonie de ‘l’ouverture de l’intelligence’. Dans le programme la place centrale était réservée aux ‘quatre livres’ et aux ‘cinq classiques’. L’enseignement sino-vietnamien était essentiellement moral : l’ambition de tout Sino-Vietnamien était de mériter le titre de quân-tu, c’est-à-dire d’honnête homme » 11.

Avec l’arrivée du communisme, les principes confucéens et le culte de Confucius ont presque complètement disparu. Pourtant, même si la pratique du culte des ancêtres diminue aussi dans l’actuelle société vietnamienne, les relations familiales conservent leur caractère essentiel et donnent une base aux initiatives démocratiques comme aux groupes de pression qui naissent dans le présent contexte de réforme économique.

En Occident

Confucius et son enseignement ont commencé d’être connus en Europe grâce aux jésuites du dix-septième siècle, surtout par le père Michel Ruggieri et sa traduction latine des « Quatre livres » en 1591-1592, suivi par le père Mathieu Ricci et son « Histoire de l’introduction du christianisme en Chine ». Tout ce que les jésuites ont transmis sur le monde chinois, Leibniz l’a recueilli dans ses Novissima Sinica (1697), en accentuant l’image idéalisée que l’Europe était en train de se faire de la Chine et qui allait durer longtemps. Les antiques doctrines chinoises suscitèrent dans le milieu philosophique occidental un vif intérêt qui fit former des associations et des cercles confucéens en plusieurs pays d’Europe comme l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède, la Russie.

Aux Etats-Unis d’Amérique le confucianisme a fait ses premiers pas dans les milieux de la recherche universitaire en vue de mieux comprendre les valeurs et la pensée chinoises. Sa tradition religieuse, son culte, ses célébrations, s’y développent parallèlement, principalement dans la communauté chinoise et à Hawaï. L’université d’ Hawaï est depuis les années 70 le centre et le moteur des études confucéennes et de l’assimilation du confucianisme dans la culture américaine. Le principal penseur confucéen en Amérique est sans aucun doute Tu Wei-Ming, de l’université de Harvard, qui cherche par ses nombreux écrits et ses brillantes interprétations à adapter la doctrine confucéenne aux exigences modernes.

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Séminaire des Missions étrangères de Paris — Wikipédia

Source : https://missionsetrangeres.com/eglises-asie/1995-04-16-le-confucianisme-aujourdhui/

D’après Wikipédia « Les Missions étrangères de Paris (MEP) sont une société de vie apostolique catholique domiciliée à Paris ayant pour but le travail d’évangélisation dans les pays non chrétiens, spécialement en Asie. À ce titre, elle ne constitue, au sens canonique du terme, ni une congrégation ni un ordre, pas plus que ses membres ne sont considérés comme des religieux. Elle compte en 2015, 208 prêtres, 25 séminaristes1. L’objectif de cette société est l’évangélisation des peuples, par la fondation d’églises et le développement d’un clergé local sous la juridiction d’évêques. Afin de recruter et de former des missionnaires, une maison fut fondée en 1663 rue du Bac à Paris, où elle est toujours située actuellement. Connue sous le nom de « séminaire des Missions étrangères », elle reçut l’approbation du pape Alexandre VII et la reconnaissance légale du gouvernement français… » - Article complet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Missions_%C3%A9trang%C3%A8res_de_Paris

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  • Etude sur le Confucianisme - Thi Hai Yen Tran, 陳氏海燕 Institut de Littérature – Académie des Sciences Sociales du Vietnam – Publié en février 2021 - Document ‘BNF’ - Accéder aux rubriques
    [Le professeur Thi Hai Yen Tran (Photo) travaille à l’Institut de littérature, au Vietnam. Son domaine de recherche est la littérature vietnamienne ancienne et médiévale. En tant que chercheuse invitée de l’Institut Yenching de Harvard, elle a mené des recherches sur les effets de la culture-littérature traditionnelle chinoise sur la littérature vietnamienne, en comparaison avec les littératures traditionnelles japonaise et coréenne, et sur les similitudes et les différences dans la manière dont elles acceptent, transportent et utilisent ces mérites culturels-littéraires pour former leurs propres littératures nationales]. Correspondance / haiyenvvh@gmail.com]

Durant près de dix siècles dans l’histoire du Vietnam, depuis le Xe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle, le confucianisme a progressivement affirmé sa position dans la politique, l’idéologie et l’univers symbolique des Vietnamiens.

Le confucianisme contribua de manière importante à la construction de la conscience et de l’identité nationales. Mais la défaite face à l’intervention militaire des Français qui entraîna la perte de la souveraineté, la colonisation et l’influence de la civilisation occidentale ont conduit les Vietnamiens à remettre le confucianisme en question.

Pendant la période de 1920 à 1945, dans les trois régions, les imprimés en quốc ngữ occupent une place prépondérante et on y trouve de nombreuses publications (en volumes ou sous forme d’articles) sur le confucianisme.

Ces ressources présentent les thématiques principales suivantes :

 Interprétation et explication du canon confucéen  : La Cochinchine voit apparaître les premiers chercheurs comme Trương Vĩnh Ký qui a traduit Minh tâm bửu giám. Ensuite, les auteurs de la revue Nam Phong comme Đông Châu Nguyễn Hữu Tiến qui a traduit et expliqué Entretiens de Confucius et Mencius en vietnamien. Sur la base de ces traductions, d’autres essais qui commentent ces deux textes canoniques voient le jour et les travaux de Lie Zi, Han Fei Zi sont ensuite traduits et publiés à leur tour.

 Les essais sur le confucianisme sont publiés sur deux supports : des articles dans les revues et journaux, notamment les écrits de Phạm Quỳnh, Nguyễn Hữu Tiến, Nguyễn Trọng Thuật, Trần Trọng Kim dans Nam Phong  ; et des livres tels que Tam giáo thiển đàm (1938) de Đoàn Thị Sâm, Khổng học đăng (1929) de Phan Bội Châu, Đạo lý phật giáo với đạo lý nho giáo ở nước ta (1935) de Trần Văn Giáp, Nho giáo (1932) de Trần Trọng Kim, Phê bình Nho giáo Trần Trọng Kim (1940) de Ngô Tất Tố, Luận lý đạo nho (1944) de Trúc Hà, Khổng giáo phê bình tiểu luận (1938) de Vệ Thạch Đào Duy Anh, etc.

 Recherches, études sur les grands maîtres du confucianisme chinois comme Confucius, Mencius, etc.

 Critiques et débats sur la pensée confucéenne  : Outre les documents concernant des rapports entre le confucianisme et le catholicisme (mentionnés dans le « Catholicisme »), le débat sur le confucianisme se traduit par d’autres parutions marquantes. Dans son discours « Lý tưởng của thanh niên Việt Nam » (réimprimé dans Chuông rè, n°5 et 6, 1923), Nguyễn An Ninh, du point de vue d’un intellectuel occidentalisé, soutient l’idée que la pensée confucéenne apporte l’ordre et le bonheur au peuple, mais qu’elle n’est pas l’idéal pour son temps, qu’elle est même la source des vices de la société. Or, les journaux Khai hóa (au Tonkin) et Đông Pháp thời báo (en Cochinchine) durant l’année 1925 promeuvent le confucianisme en le considérant comme l’idéologie fondatrice de la culture vietnamienne. Ce furent probablement les premiers articles à marquer l’émergence des débats autour du confucianisme.

Phan Khôi (1887-1959) est un représentant actif des anti-confucéens. Son opinion s’exprime clairement dans l’article « Học thuyết về đạo đức của Khổng Phu Tử » (2 numéros, dans la revue Hữu Thanh, 1924), puis dans l’article « Chánh trị gia khẩu đầu chi Khổng Tử » (revue Quần báo, en hán, publiée à Chợ Lớn en début du 1929). En évoquant les hésitations entre le pour et le contre du confucianisme en Chine à l’époque, Phan Khôi veut engager une discussion sur l’héritage confucéen en Orient, à la fois en Chine et au Vietnam. À la fin de l’année 1929, il a écrit 21 articles sous le titre d’ensemble « Cái ảnh hưởng Khổng giáo ở nước ta » (dans Thần chung) qui attirèrent l’attention du public vietnamien de toutes les classes sociales. En particulier, dans les années 1931 et 1932, il a écrit de nombreux articles sur les questions liées à l’héritage confucéen (parus pour la plupart dans Phụ nữ tân văn), comme le rôle du mariage et de la famille, le comportement envers les femmes, les jeunes, les écoliers, etc. en se souciant d’étudier et de s’informer sur la manière dont les universités en France et en Europe étudiaient les pensées et les cultures de l’Asie orientale.

Entre 1934 et 1940, Phan Khôi a écrit pour de nombreux journaux afin de relever les défauts des confucianistes vietnamiens : manque de tolérance, conservatisme, hostilité aux idées nouvelles, en particulier hostilité à la démocratie. En même temps, il proposait comme solution de recourir au confucianisme primitif (doctrine de Confucius et de Mencius) pour se réapproprier les relations humaines dans les sociétés, ancienne et moderne, c’est-à-dire abandonner le confucianisme développé sous la dynastie Song en Chine et préserver certaines idées et traditions confucéennes dans la formation de la personnalité et de la spiritualité individuelles. De cette manière, Phan Khôi rejette le rôle du confucianisme dans le projet de reconstruction de la culture nationale et dans le rétablissement de la moralité.

Le défenseur du confucianisme le plus engagé fut sans doute Trần Trọng Kim (1883-1953), principal inspecteur scolaire de Tonkin à son époque. Dans son ouvrage Nho giáo, il met l’accent sur l’histoire du confucianisme chinois, puis consacre une partie modeste à l’histoire du confucianisme vietnamien. L’ouvrage est une bonne source d’information sur l’histoire du confucianisme chinois car il relève clairement les héritages du mouvement du Néoconfucianisme contemporain, les quatre mouvements de modernisation de la pensée confucéenne en Chine.

Plus précisément, Trần Trọng Kim hérite de la politique consistant à intégrer la « démocratie » et la « science » dans la doctrine confucéenne. Il s’agit en effet de noter la dimension de « démocratie » existant dans la doctrine confucéenne, de comparer et de souligner les avantages et les inconvénients de la « démocratie » confucéenne par rapport à la démocratie comme régime politique en Occident. En outre, Trần Trọng Kim a également présenté les éléments scientifiques propres à la théorie confucéenne en réfléchissant sur la possibilité de combiner et de réconcilier le confucianisme avec la science moderne occidentale. Cependant, sa différence par rapport aux néo-confucianistes chinois modernes consiste à pratiquer des analyses exclusivement textuelles et sémantiques pour ramener machinalement la pensée de la « science » au confucianisme. Or, les savants chinois s’intéressent aux rapprochements métaphysiques pour expliquer la dimension scientifique du confucianisme.

D’un côté, parmi les pro-confucéens, l’auteur Hoàng Sơn écrit 8 articles en janvier 1930 dans la même revue Thần chung suite à celui de Phan Khôi sur Thần chung pour attaquer les arguments de ce dernier. Et près de dix ans plus tard, en 1938, Đào Duy Anh (1904-1988), dans Khổng giáo phê bình tiểu luận publié chez Quan Hải tùng thư (Hué), se plaint de ce que Phan Khôi n’a pas proposé de solutions pour réformer le confucianisme. L’auteur Vệ Thạch Đào Duy Anh se sert du point de vue marxiste pour réviser le confucianisme. Il restitue l’histoire et le développement du confucianisme à partir de des conditions économiques et sociales, en particulier des classes sociales.

En outre, l’esprit et la pensée de Confucius sont plus critiqués que défendus dans de nombreuses œuvres littéraires, en particulier dans celles de Nguyễn Công Hoan, Ngô Tất Tố, et le Groupe Littéraire Autonome, etc…

Ainsi, après avoir perdu sa place dans le système politique, au début du XXe siècle, le confucianisme a été critiqué dans tous ses aspects, considéré comme un crime, comme une cause de nombreux phénomènes négatifs de la société.

Sources documentaires > Patrimoines Partagés - Réunissant un ensemble de bibliothèques numériques constituées par la BnF, la collection Patrimoines Partagés a pour objet de témoigner des relations entretenues entre la France et le monde au fil des siècles, et met en lumière cette histoire dans une approche globale. Cette collection s’enrichit régulièrement de nouveaux partenaires et horizons, et elle témoigne de la profondeur et de la diversité des collections de la BnF. À ce jour, sept bibliothèques sont proposées : Bibliothèques d’Orient, France-Asie du Sud (en version bêta), France-Brésil, France-Chine, France-Pologne, France-Vietnam et La France aux Amériques. S’y ajoute l’exposition virtuelle France-Japon, un projet précurseur de cette collection… - Source : https://heritage.bnf.fr/france-vietnam/fr/accueil

Source : https://heritage.bnf.fr/france-vietnam/fr/confucianisme-article

Plus d’information sur l’Académie des Sciences Sociales du Vietnam - Voir Renforcer les capacités de l’Académie des sciences sociales du Vietnam - Lundi, 31/08/2020 16:24 – « L’organisation du Parti pour l’Académie des sciences sociales du Vietnam doit accorder la priorité à la formation et au développement d’un contingent d’experts de premier plan en sciences sociales, en respectant les normes régionales et internationales. L’Académie des sciences sociales du Vietnam fête sa fondation -Une délégation de l’Académie des sciences sociales du Vietnam en Iran -Colloque international sur les sciences sociales Vietnam-Laos-Cambodge

BNF : VoirBibliothèque nationale de France – Wikipédiaethttps://www.bnf.fr/fr/patrimoines-partages-

Annonce de Stage Master 2 - BnF

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Photo - Sélectionné par Gaultier Fort (Vietnam)

Ces dernières se sont construites sur un socle de principes et de lois qui structurent les relations dans la société, tandis que dans l’Empire du Milieu, c’est la morale et les relations entre les Hommes. Celles-ci sont gouvernées par d’importants principes confucéens et philosophiques, qui ont construit les bases de la société sinisée.

Le père du communisme chinois avait beau voir en Confucius l’incarnation de tout ce qui était arriéré et entravait le progrès, aujourd’hui le régime communiste actuel utilise l’image du théoricien pour renouer avec ses racines millénaires. Il affirme ainsi aux yeux du monde sa suprématie tant économique que culturelle. Cela se traduit par de nombreuses reprises des idées confucéennes par les élites chinoises et les cadres dirigeants du parti.

La mise en place des valeurs confucéennes au service de la civilisation chinoise : culture et système juridique

La pensée chinoise est dominée par la philosophie de Confucius, qui bien qu’ancienne, perdure dans son enseignement. Même après les révolutions chinoises et leurs héritages, elle est toujours présente dans la société chinoise et dans son système juridique [1].

Le droit chinois fait partie des grandes traditions juridiques du monde et a évolué avec le temps afin de s’adapter au mieux aux différents changements de sociétés chinois. Cependant, il a toujours su « maintenir son homogénéité et son unité dans tant de siècles » [2]. Pour cela, ce dernier s’est formé par la loi et surtout le Li (les rites). Par ailleurs, il y a aussi la doctrine, mais la jurisprudence est si peu importante dans la conception chinoise que l’on peut difficilement en parler [3].

Cependant, l’influence des occidentaux en Chine à partir du milieu du XIXème siècle a eu des conséquences. L’ouverture forcée de la Chine au reste du monde a contribué à un rejet progressif de la philosophie de Confucius jusqu’à la Révolution culturelle (1966-1976) [4]. Par la suite, il va y avoir un vrai retour du confucianisme dans les années 1980, car « les vicissitudes historico-politiques n’ont pas déraciné le confucianisme qui reste ancré [dans la société chinoise] » [5].

Ainsi, la culture chinoise est toujours très influencée par les nombreux préceptes du confucianisme. Cela s’illustre tout d’abord dans la société, avec l’importance des « cercles chinois », que sont la famille, le clan et le village. Même si ces notions ont bien évolué au niveau politique et démographique, leurs conceptualisations restent ancrées dans les mentalités. En effet, il y a un attachement très fort aux liens familiaux et au respect des anciens. En Chine, le Mianzi, qui se traduit par « la face » a encore une importance capitale dans la société chinoise. La perte de la face pour un chinois, reviendrait à perdre son statut social [6]. Il s’agit de l’honneur d’un individu, qui est souvent intrinsèquement lié à celui de sa famille. La famille, le clan était et reste encore le lieu du règlement des conflits.

De plus, comme l’exprimait Confucius « les cinq relations » sont toujours très présentes dans la pensée chinoise. Même si certaines de ces relations comme « l’ami à l’ami » sont moins prépondérantes aujourd’hui, la relation entre « le sujet et le prince » s’est quant à elle fortement pérennisée. En effet, au niveau politico-social le gouvernement fort de la République populaire de Chine, avec son Parti unique, a pu facilement s’instaurer en Chine grâce notamment à ces principes confucéens qui ordonnent une obéissance totale au prince, sous-entendu à l’autorité du pays.

Aujourd’hui, le gouvernement chinois se sert de ces principes confucéens. Cependant, « historiquement, depuis la fin de l’empire, le confucianisme et son « féodalisme » s’étaient vus imputer, tant par les réformistes libéraux que par les révolutionnaires communistes, la responsabilité de l’arriération de la Chine et de son incapacité à se moderniser » [7]. Ce qui a fini par changer en 1980, et la culture confucianiste a été utilisée afin de servir les intérêts de la nouvelle Chine moderne. Ainsi, comme l’explique S. Billioud, les valeurs dont le confucianisme était porteur « se voyaient paradoxalement désormais attribuer à l’étranger un rôle clé dans le processus de modernisation économique ». Il y a donc eu un renouvèlement de la découverte culturelle à cette époque.

En effet, il y a aujourd’hui une réelle référence à la culture traditionnelle et au confucianisme dans les discours de personnalités officielles chinoises. En mars 2007, dans un discours prononcé à Harvard, Wen Jiabao (ancien Premier Ministre chinois) évoque explicitement l’attachement de la Chine moderne aux valeurs du confucianisme ; « De Confucius à Sun Yat-sen, la culture traditionnelle de la nation chinoise comprend bon nombre d’éléments précieux, beaucoup de choses positives sur ce qu’est la nature du peuple et de la démocratie. Elle met par exemple l’accent sur l’amour et le sens de l’humain, sur la communauté, sur ‘’l’harmonie entre les points de vue différents’’, sur ‘’la communauté qui unit tout ce qui se trouve sous le ciel’’  » [8].

L’évocation de ce rapprochement entre la Chine et le confucianisme par l’ancien premier ministre chinois, marque l’importance nouvelle donnée à cette philosophie vieille de plusieurs millénaires dans la Chine moderne.

Les limites et la dualité entre les principes confucéens et les valeurs socialistes-maoïstes

Bien que le confucianisme et le maoïsme ne soient pas les seules inspirations de la Chine moderne, elles sont les deux doctrines les plus influentes au sein de la société chinoise d’aujourd’hui.

Cependant, ces dernières ont été longtemps fondamentalement opposées. En effet, comme l’explique le journaliste F. Bougon, « les héritiers de Mao ­Zedong, chantre de la rébellion, de la table rase et de la révolution permanente, se sont [finalement] emparés du trésor de Confucius, le sage érigé en apôtre de l’harmonie sociale, du respect filial et de la moralité » [9].

Ces deux grandes doctrines qui ont façonné la société chinoise s’opposent sur différents points. En effet, lors de la Révolution Culturelle, un des slogans appelait à « mettre à bas la boutique de Confucius » [10]. Cette opposition s’illustre tout d’abord sur la conception même de leur idéologie. Le confucianisme revient sur l’aspect humaniste du développement personnel, de la morale et principalement de la notion d’Harmonie. La doctrine maoïste, elle, se base essentiellement sur un aspect matériel. De plus cette idéologie modeste s’adresse au plus grand nombre [11], aux masses, à la différence du confucianisme qui était beaucoup plus complexe et réservé aux élites.

Il est important de prendre en compte également que ces deux doctrines sont séparées par près de 2500 ans d’histoire, bien que la localité géographique soit la même : l’Empire du Milieu. Par ailleurs, elles ont débouché sur des courants politiques, qui ont chacun eu un impact sur la société chinoise. Pourtant, comme l’indique l’auteur Hou, elles se différencient dans le fait que « Mao Zedong a à la fois conçu et appliqué son idéologie, avec des orientations relativement claires  ». Alors que le confucianisme a évolué par la suite, et ce en différents courants qui ont été repris et adaptés par le système impérial [12].

Les auteurs comparent ces doctrines comme étant toutes deux le fruit de la pensée unique d’un seul auteur, Confucius pour l’une et Mao Zedong pour la seconde. Malgré leurs divergences, elles partagent « l’absence de transcendance et la volonté́ d’organiser la vie sociale et politique » [13]. En effet, tous deux privilégient la collectivité plutôt que le particulier, ce qui va permettre de « légitimer le pouvoir politique, censé incarner l’intérêt commun » [14]. De ce fait, ces doctrines seront fortement reprises au niveau politique, car elles vont donner une base solide aux dirigeants qui vont les utiliser afin de justifier leur pouvoir, ce dernier étant légitimé par la volonté du bien commun. Ainsi, comme le rappelle Hou, « les individus doivent se soumettre à un idéal révolutionnaire, dans le cas du maoïsme, ou à un ensemble de relations, notamment hiérarchiques, dans le cadre du confucianisme » [15]. L’une va considérablement aider à mettre en place l’idéal révolutionnaire de Mao, tandis que l’autre va permettre d’asseoir la domination de l’empereur et de son administration [16].

De plus, les deux doctrines ont des conceptions communes sur l’ordre social, avec « le mépris du profit et l’éloge de la vie simple et du puritanisme ». Concernant le système juridique et le système des juristes avec la loi, les deux doctrines ont le même sentiment de mépris [17]. Car le maoïsme privilégie la pression sociale sur le droit, alors que le confucianisme lui préfère les rites et les relations personnelles [18]. Mais le point commun le plus important de ces deux idéologies est le fait qu’elles visent toutes deux à transformer fondamentalement la société. Ainsi, leurs valeurs sociales ne peuvent pas être opposées l’une à l’autre.

Autrefois anti-confucéen, le communisme chinois unifie désormais des principes de Confucius en les jouxtant à ceux de Marx dans ses discours, par la voix de Xi Jinping comme en novembre 2013. Ses prédécesseurs n’ont que succinctement évoqué ces liens en parlant de « société de petite prospérité » pour Deng Xiaoping, faisant alors référence au Traité des rites, un des canons du confucianisme [19]. Son homologue Hu Jintao parlait lui d’une « société harmonieuse » [20]. Le président chinois actuel ne cache plus les liens entre les deux doctrines, et vise à rendre au philosophe Confucius une stature de Père de la culture et de la morale chinoise. Cette volonté est visible par des actes, comme l’inauguration d’un nouveau musée ultra-moderne dans la province du Shandong, à Qufu, à la gloire du philosophe Confucius et de la famille Kong, en 2017.

Il convient aussi de prendre en compte l’influence très importante des différents courants philosophiques que sont le taoïsme et le bouddhisme. Ces derniers ne disposent pas du même aura que l’on a pu attribuer au confucianisme, en revanche ils représentent également des courants majoritaires en Chine avec une forte influence sur la société chinoise.

Cependant, la conception chinoise du droit, comme il a été possible de le démontrer dans cette présentation, est encore très jeune, comparativement aux pays Européens. Cela s’explique par la différence de conception de pensée qui peut exister entre les deux continents que sont l’Europe et l’Asie. L’une avec une conception très latine, attachée à la Lex, et l’autre avec en particulier la Chine qui se base sur la Morale et l’Harmonie de la société.

Mais l’importance grandissante des écoles de droit en Chine et la volonté de l’État de doter le pays de codes de droit, fait l’objet d’une profonde recherche de droit comparé entre les besoins de la société chinoise et les lois et systèmes juridiques dans les différents pays du monde.

Références :

[1] Li Xiaoping, « L’esprit du droit chinois : perspectives comparatives », in Revue internationale de droit comparé, Vol. 49 N°1, Janvier-mars 1997. pp. 7-35.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Frédéric Wang, « Le confucianisme et la Chine actuelle : l’héritage de Zhang Dainian (1909-2004) », in Histoire et Missions Chrétiennes, 2011, pp.69-87.

[5] Ibid.

[6] I. Mudry, « Mianzi : la face », Le Monde, 22 aout 2008, [https://www.lemonde.fr/jeux-olympiques-toute-l-actualite/article/2008/08/22/mianzi-la-face_1086563_1074179.html].

[7] B. Sébastien « Confucianisme », « tradition culturelle » et discours officiels dans la Chine des années 2000, in Perspectives chinoises, n°100, 2007. pp. 53-68.

[8] Ibid.

[9] F. Bougon, « En Chine, un grand bond vers Confucius », Le Monde, 13 oct. 2016.

[10] J. Kallio, « Chine : Confucius ne suit pas la ligne du Parti », in Alternatives Internationales n°051, 1er juin 2011.

[11] L. Hou, « Maoïsme et confucianisme en Chine contemporaine : une introduction », in China Institute researchs, Janv. 2013.

[12] Ibid.

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] L. Hou, « Maoïsme et confucianisme en Chine contemporaine : une introduction », in China Institute researchs, Janv. 2013.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] Ibid.

[19] F. Bougon, « En Chine, un grand bond vers Confucius », Le Monde, 13 oct. 2016.

[20] Ibid.

Image : https://pixabay.com/fr/users/joanna... de Pixabay 

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Observatoire Pharos -https://www.observatoirepharos.com -L’Observatoire Pharos est une association française indépendante et pluraliste de contextualisation des réalités culturelles et religieuses. S’ABONNER

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Source : https://www.observatoirepharos.com/pays/chine/les-principes-confuceens-et-lopposition-avec-la-pensee-politique-maoiste/

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  • La Critique de Lin Piao et de Confucius (en 1973 sous le maoïsme) – Note de ‘fr.wikipedia.org’
    La campagne de critique de Lin Piao et de Confucius1 fut une propagande politique initiée en 1973 par Mao Zedong et sa femme, Jiang Qing. Ce fut une extension de la campagne anti-Lin Piao d’alors, et fut indirectement utilisée pour attaquer le premier ministre Zhou Enlai. Des universitaires comme Yang Rongguo ont relié Lin Biao et les autres dirigeants éjectés aux politiques confucianistes, les accusant de suivre sa philosophie. La trahison présumée de Lin Biao a été reliée à son ancien présumé équivalent moral. La tentative alléguée de Confucius de s’opposer au mouvement de l’histoire en soutenant les valeurs de la Société d’Esclave du Zhou occidental était un assaut allégorique sur la politique du Chef du gouvernement Zhou Enlai qui ont miné potentiellement le legs de la révolution culturelle. Il faisait partie d’une série de campagnes dans les dernières étapes de la révolution culturelle2.

Voir aussi : Jiang Qing Lin Biao Zhou Enlai

Cet article ne cite pas suffisamment ses sources (août 2016). Si vous disposez d’ouvrages ou d’articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l’article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références » - En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment ajouter mes sources ?

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Accueil_principal

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  • Contribution universitaire canadienne – (118 - Monde chinois, nouvelle Asie, n° 29, printemps 2012) Le renouveau religieux du confucianisme en Chine : une revue des débats académiques récents - Par Alex Payette - Document ‘ceim.uqam.ca’
    Lorsque l’on aborde la question du confucianisme en Chine continentale, on entre d’emblée dans plusieurs débats, dont celui portant sur son contenu (les éléments composants la doctrine confucéenne) et celui sur sa nature (le confucianisme est-il une religion ou bien un système philosophique ?).

Il existe aussi un débat qui chapeaute les deux précédents, soit celui de la
terminologie, par exemple comment peut-on traduire la notion de Ru (儒) et comment rendre compte de concepts comme celui de « religion », lorsque l’on aborde le débat sur la nature du confucianisme, en chinois ? Parle-t-on de Jiao (教), d’enseignement ou de doctrine, ou encore de Zongjiao (宗教), qui fait plutôt référence aux superstitions (Mixin, 迷信) et aux enseignements religieux sectaires ?

Ces débats prennent de plus en plus d’importance en Chine depuis le début des
années quatre-vingt (réformes et ouvertures), c’est-à-dire depuis une certaine remise en question des idéaux communistes, marxistes et maoïstes. Les intellectuels chinois, en plus d’avoir un nombre croissant d’échanges avec Taiwan sur ces questions, notamment avec Mou Zongsan (牟宗三) ou encore Li Ruiquan (李瑞全), discutent de l’importance ainsi que des possibles développements et fonctions du renouveau confucéen en Asie.

Ces débats et échanges sont essentiels surtout lorsqu’il y a possibilité d’instrumentaliser le discours à des fins politiques, comme dans le cas de l’adéquation entre les « valeurs confucéennes », l’autoritarisme dans la notion de « valeurs asiatiques 1 ».

C’est précisément l’intérêt de cette étude que de revisiter ces débats. Premièrement, le portrait de la situation que nous allons ici étayer n’est en aucun cas exhaustif. Cet exercice se veut un sommaire qui a pour but d’offrir aux lecteurs une vue d’ensemble sur
quelques-uns des débats et controverses qui animent la vie académique et politique de la Chine d’aujourd’hui.

Ensuite, nous voulons seulement dessiner les contours du débat concernant la
nature religieuse du confucianisme en vue d’amorcer une réflexion sur laquelle il sera possible de s’appuyer pour ensuite appréhender ce qui est en jeu, c’est-à-dire le futur du confucianisme et celui de la notion de religion en Chine.

Enfin, cet exercice de synthèse a pour principal apport de rendre accessible une bonne partie de ce débat en français.

CEIM-UQAMhttps://ceim.uqam.ca«  Le Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation est une des unités de recherche fondatrice de l’Institut d’études internationales de Montréal… »

Source : https://ceim.uqam.ca/db/IMG/pdf/QuestionA_Payette.pdf

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  • Confucius le caméléon : L’émissaire douteux de la ’marque Chine’ (’Brand China”) – Traduction du 14 novembre 2022 par Jacques Hallard d’un article intitulé « Confucius the Chameleon : Dubious Envoy for ‘Brand China’ – Auteur Kam Louie 雷金慶https://hku-hk.academia.edu/KamLoui...2011, Boundary 2 - 24 Pages
    À la fin de son article de 1995 ’ Confucius dans les pays frontaliers : Global - Le capitalisme et la réinvention du confucianisme’, Arif Dirlik remarque : ’Le discours sur le confucianisme dans les années quatre-vingt a fait de Confucius un ’sac d’argent’ oriental ; un article louant la fonctionnalité du confucianisme du droit à l’argent, à juste titre, à la valeur de rachat des valeurs financières.

La renaissance la plus récente du confucianisme peut en effet être un signe de sa disparition définitive¹. Quinze ans plus tard, il apparaît que la prédiction d’Arif Dirlik sur le déclin du confucianisme était prématurée. Au XXIe siècle, le confucianisme continue d’évoluer inexorablement et de se répandre sans contrôle dans le monde entier. Le confucianisme est une idéologie remarquablement souple, et Confucius s’est avéré être un “pin-up boy ’ extrêmement séduisant”.

En effet, non seulement le confucianisme est florissant au XXIe siècle, mais il est de plus susceptible de devenir encore plus influent dans un avenir prévisible. La récente ascension économique et politique en Chine a produit son augmentation concomitante, un intérêt pour la culture ’chinoise’. Dans cet espace discursif, le gouvernement de la République populaire de Chine (RPC) a offert le confucianisme à des publics internationaux divers, désireux de localiser “l’unicité de la Chine ’ comme l’emblème clé de la culture chinoise et le symbole primordial de la civilisation chinoise. Confucius et le confucianisme sont devenus la “marque ’ de la Chine dans un monde où l’identité nationale est commercialisée à des fins politiques…

Qu’y a-t-il dans un nom ?

Des dirigeants politiques, qui ont de grandes aspirations mondiales comme celles des dirigeants actuels de la RPC, veulent que leur culture particulière ait un impact international. Confucius, nouvellement arraché des bras d’autres politiciens d’Asie de l’Est et des chefs d’entreprise avec leur initiative ’Valeurs asiatiques’ des années 1980, est devenu un vecteur diplomatique du XXIe siècle pour faciliter le “soft power ’ de la RPC.

Dans la première décennie du nouveau millénaire, le gouvernement de la RPC, par l’intermédiaire de son aile éducative, a créé une série d’Instituts Confucius dans le cadre de son projet de “soft puissance’. Le premier de ces instituts est apparu en novembre 2004, et bien que le plan initial aurait dû en établir 100, il y avait déjà à la fin de 2007, 210 Instituts Confucius en place dans le monde 2.

Dès 2009, il y a il y en avait plus de 300. Au nom de Confucius, le gouvernement de la RPC a maintenant une aile culturelle semblable à la Société italienne ‘Dante Alighieri’ et à l’Allemagne avec l’Institut Goethe.

Cependant, contrairement à Dante et Goethe, le nom Confucius a été au centre de certaines des controverses intellectuelles et politiques les plus sauvages de la Chine moderne. La signification de Confucius et du confucianisme a également subi des transformations majeures au fil du temps. Je commence cet essai par une discussion sur les Instituts Confucius parce qu’ils sont des manifestations concrètes de la façon dont la Chine tente de s’affirmer au niveau mondial dans le cadre de sa politique du ’ soft ’pouvoir’. En même temps, leur mise en place révèle une compréhension de l’identité nationale actuelle d’elle-même en tant qu’entité culturelle.

Nombreuses et radicalement différentes, les représentations de Confucius révèlent la condition psychologique de la Chine dans son ensemble : un État à parti unique qui tente désespérément de trouver une solution à sa ’crise de foi’ et qui, ce faisant, est assailli par un système incohérent et un appareil idéologique contradictoire. Confucius en tant que “marque Chine ’ peut être un reflet exact d’un pays idéologiquement confus. Mais parce que l’influence mondiale de la Chine devrait devenir de plus en plus prononcée, 2. Yiwei Wang, avec ’La diplomatie publique et la montée du Soft Power chinois’… Je soutiens qu’il est irresponsable d’exporter un personnage aussi schizophrène …

La contribution de la Chine à la culture mondiale.

De plus, contrairement à leurs homologues européens, les Instituts Confucius opèrent en collaboration avec les universités, dans une structure de joint-venture. Les instituts tirent parti des moyens éducatifs de l’université d’accueil pour dispenser des cours de langue et de culture chinoises à un large public.

Une telle démarche implique l’engagement culturel des pays d’accueil dans leur appréciation de ce qu’est la culture chinoise, même si la culture n’est signifiée que comme une considération secondaire de ces initiatives. La constitution et les statuts des Instituts Confucius et les déclarations des bureaucrates et des gestionnaires des instituts eux-mêmes, déclarent que leur objectif est principalement d’améliorer l’apprentissage de la langue chinoise dans les pays étrangers et, dans une moindre mesure, d’élargir la connaissance de la culture chinoise.3

Dans le département gouvernemental responsable du programme des Instituts Confucius, le Hanban [Hanban (汉办) est la dénomination courante du « Bureau national pour l’enseignement du chinois langue étrangère »], les fonctionnaires insistent sur le fait que les instituts ne cherchent pas à promouvoir des valeurs particulières ; ils visent plutôt à améliorer la connaissance de la langue et de la culture chinoises.⁴

En d’autres termes, bien que ces instituts soient nommés d’après Confucius, leur objectif n’est pas de répandre le confucianisme dans le monde entier. Le ’Confucius’ dans leur titre n’est qu’un nom de marque reconnaissable qui symbolise la culture chinoise, tout comme Goethe marque la culture allemande.

De telles déclarations ne font que souligner le fait que nommer n’est jamais un processus bénin : les noms comptent, et ils comptent particulièrement dans une rubrique confucéenne. Le choix de Confucius comme icône de la culture chinoise indique la direction que le gouvernement chinois veut prendre. Ostensiblement, la recherche de la richesse et du pouvoir de la Chine est basée sur la modération, l’harmonie et la bonne gouvernance humaine - qualités que les défenseurs actuels confucéens présument que Confucius lui-même a prêché … il y a environ deux mille ans.

Cette hypothèse est peut-être vraie, mais comme le montre le résumé suivant de la trajectoire et des transformations de Confucius et des Analectes au cours du siècle dernier, l’icône de Confucius a été utilisée pour représenter de tels phénomènes.

Des points de vue différents, selon lesquels la seule façon de concilier ces différences est soit d’adopter une philosophie contradictoire, soit de dénoncer des générations d’interprètes comme des hypocrites ou des imbéciles égarés. Tous les fondamentalistes ou iconoclastes font des revendications absolues sur les canons et les évangiles qu’ils cherchent à maintenir ou à détruire… 3. Les détails sur la constitution et les membres du conseil sont répertoriés sur le site officiel des Instituts Confucius : http://college.chinese.cn/en/ .

4. Ni Yanshuo “ ’Confucius autour du monde’, Revue de Pékin 51 (6 mars 2008) : 26-27. 80 boundary 2 / Printemps 2011

Une tentative pour prouver ou pour infirmer les affirmations de ceux qui défendent ou s’opposent au confucianisme. Je vais le montrer parce que Confucius a, dans les six dernières décennies, est venu pour représenter pratiquement n’importe quoi, et cela a permis aux universitaires et aux politiciens de faire avancer un ensemble de ’valeurs confucéennes fondamentales’ pour le monde un peu escroc qui est, au mieux très conservateur et, au pire schizophrène.

En Chine, les déclarations faites par les intellectuels publics sont souvent initiées au début et plus tard renforcées par les politiciens, et elles ont des séquences très importantes. De plus, en raison de la proéminence internationale croissante de la Chine, ces méditations de philosophes ne sont plus simplement une affaire interne chinoise. Elles sont devenues une entreprise mondiale et multinationale.

Leur objectif est de déterrer un confucianisme original compatible avec les meilleures pratiques internationales s’inscrivant dans la recherche d’une “valeur asiatique” qui peut combler le vide moral perçu dans le monde d’aujourd’hui. Dans cet essai, je vais explorer les implications d’un tel Confucius mondial, illustré par la création et la dénomination des Instituts Confucius.

Exhumer la boutique de la famille Kong et ramener à la Vie un Kongzi Mort

Les militants de gauche qui ont hérité de l’iconoclasme du 4 mai ont fait un travail aussi minutieux pour ’briser’ les vieilles idées représentées par la ’Boutique Confucius’ qui, au moment où ils ont pris le contrôle de la Chine en 1949, Confucius, représentant la ’culture féodale’ : il était officiellement mort.

[« L’iconoclasme (des mots grecs εἰκών eikôn « image, icône » et κλάω klaô « briser ») ou iconoclastie est, au sens strict, la destruction délibérée d’images, c’est-à-dire de représentations religieuses de type figuratif (appartenant souvent à sa propre culture) et généralement pour des motifs religieux ou politiques… » - Source ]

[« Le mouvement du 4 Mai (chinois simplifié : 五四运动 ; chinois traditionnel : 五四運動 ; pinyin : wǔ sì yùn dòng) est le nom donné à un mouvement anticolonialiste chinois, principalement dirigé contre les prétentions de l’empire du Japon sur la Chine, qui débutav le 4 mai 1919… - Source ]

Certains militants de gauche étaient heureux à la perspective du remplacement d’un modèle de pensée autochtone par une idéologie étrangère, le marxisme. Mais d’autres ne l’étaient pas. Comme je l’ai montré ailleurs ⁵ , des intellectuels influents ont fait un effort concerté pour intégrer la culture traditionnelle chinoise dans la nouvelle Chine.

Le commentaire de Mao Zedong était que la Chine devrait hériter du meilleur de la tradition chinoise de Confucius, et Sun Yat-sen l’a répété ad nauseam pour justifier la poursuite des idées et des pratiques traditionnelles. Compte tenu des restrictions imposées aux universitaires aux débats à l’époque, ces justifications étaient basées sur l’argument selon lequel l’essence même des enseignements de Confucius était positive et compatible avec le communisme.

Le meilleur exemple d’un tel argument a été avancé par le philosophe néo-confucéen Feng Youlan.

[Feng Youlan (馮友蘭 ou 冯友兰 (pinyin Féng Yǒulán  ; Wade-Giles : Fung Yu-lan), né le 4 décembre 1895 dans le district de Tanghe ; province du Henan et mort le 26 novembre 1990 à Pékin est un philosophe chinois dont l’œuvre a été prépondérante dans la réintroduction de la philosophie chinoise à l’époque moderne. Formé à l’Université Columbia, il enseigne la philosophie dans différentes écoles anglaises et américaines de 1933 à 1947. À partir de 1983, il appartient à l’une des instances dirigeantes du Parti communiste chinois. L’écrivaine Zong Pu est sa fille…. » - Source ]

Feng Youlan était basé à l’Université de Pékin et était l’un des penseurs les plus influents en Chine 5. Kam Louie, Critiques de Confucius dans la Chine contemporaine (Hong Kong : Chinese University Press, 1980). Avant 1949, il a conçu ce qu’il a appelé la ’ méthode d’héritage abstraite” pour s’assurer que les caractéristiques essentielles du confucianisme avaient été préservées en China. Feng Youlan a affirmé qu’il y avait quelques principes généraux de la pensée traditionnelle (les ’principes abstraits’) qui auraient pu être créés à l’époque féodale, mais dont les essences étaient applicables à la nouvelle société socialiste. Cette façon de ’faire abstraction” des caractéristiques essentielles de modes de pensée complexes et souvent incohérents, sont similaires à certains des arguments avancés … à la fin des années 1980 par ceux qui affirmaient qu’il y avait des ingrédients universels dans les différentes cultures asiatiques qui constituaient et devraient être chéris comme ”Valeurs asiatiques”.

Cependant, en termes d’évaluations savantes réelles de Confucius et de ses enseignements, même si Feng Youlan et ses partisans ont continué à écrire dans cette veine jusqu’au début des années 1970, ce qu’ils ont dit n’était pas particulièrement nouveau. Ils ont surtout continué à réitérer les interprétations qu’ils avaient faites des décennies plus tôt. En fait, en termes de méthodes innovantes de lecture de textes anciens, les exemples les plus intéressants des années 1950 et 1960 ont été donnés, sans surprise, par une jeune génération d’érudits formés à la méthodologie marxiste, qui ont utilisé sans compromis la classe comme outil principal d’analyse des traditions chinoises. Ils l’ont fait systématiquement pour tous les textes.

En effet, ils adhéraient si strictement à leur manière mécaniste d’employer l’analyse de classe que, bien qu’ils aient apporté une approche rafraîchissante à la philosophie traditionnelle chinoise, la leur est rapidement devenue une orthodoxie inflexible qui a servi le fanatisme de la Révolution culturelle.

[Addenda – « La grande révolution culturelle prolétarienne (en chinois : 无产阶级文化大革命, pinyin : wúchǎn jiējí wénhuà dàgémìng), plus couramment la grande révolution culturelle (文化大革命 wénhuà dàgémìng), ou simplement la révolution culturelle (文革 wéngé) (1966-1976), représente l’un des événements marquants de l’histoire de la république populaire de Chine, dont le retentissement international est considérable. En 1966, Mao Zedong décide de lancer la révolution culturelle afin de consolider son pouvoir en s’appuyant sur la jeunesse du pays. La révolution a été lancée avec l’aide du groupe de la révolution culturelle. Le dirigeant souhaite purger le Parti communiste chinois (PCC) de ses éléments « révisionnistes » et limiter les pouvoirs de la bureaucratie. Les « gardes rouges », groupes de jeunes Chinois inspirés par les principes du Petit Livre rouge, deviennent le bras actif de cette révolution culturelle. Ils remettent en cause toute hiérarchie, notamment la hiérarchie du PCC alors en poste. L’expression politique s’est libérée par le canal des « dazibao », affiches placardées par lesquelles s’expriment les jeunes révoltés. Des modérés comme Liu Shaoqi, Zhou Enlai et Deng Xiaoping sont publiquement pris à partie. La période de chaos qui s’ensuit mène la Chine au bord de la guerre civile, avant que la situation ne soit peu à peu reprise en main par l’Armée populaire de libération qui mène une féroce répression contre le mouvement des gardes rouges. Des membres des « cinq catégories noires » ont été largement persécutés et même tués. Cette agitation permet à Mao de reprendre le contrôle de l’État et du parti communiste. Très peu de temps après sa mort en septembre 1976, les principaux responsables de ce retentissant chaos, la célèbre bande des Quatre, dont la propre épouse de Mao, Jiang Qing, sont arrêtés, jugés et lourdement condamnés. Pendant la Révolution culturelle, des dizaines de millions de personnes ont été persécutées, avec un nombre estimé de morts allant de centaines de milliers à 20 millions1,2,3,4,5,6,7. Certains auteurs, comme le sinologue Jean-Luc Domenach, ou l’historien Stéphane Courtois dans l’ouvrage collectif Le Livre noir du communisme, estiment le nombre de morts à plusieurs millions. À partir de l’Août rouge de Pékin, des massacres ont lieu à plusieurs endroits, notamment le massacre de Guangxi (un cannibalisme massif s’est produit), de Mongolie-Intérieure, de Guangdong, de cas d’espionnage de Zhao Jianmin, de Daoxian et de Shadian. L’effondrement du barrage de Banqiao, l’une des plus grandes catastrophes technologiques du monde, a également eu lieu pendant la révolution culturelle8,9,10. Les intellectuels, de même que les cadres du parti, sont publiquement humiliés, les mandarins et les élites bafoués, les valeurs culturelles chinoises traditionnelles et certaines valeurs occidentales sont dénoncées au nom de la lutte contre les « Quatre Vieilleries ». Le volet « culturel » de cette révolution tient en particulier à éradiquer les valeurs traditionnelles. C’est ainsi que des milliers de sculptures et de temples (bouddhistes pour la plupart) sont détruits. En 1978, Deng Xiaoping est devenu le nouveau chef suprême de la Chine et a progressivement démantelé les politiques maoïstes associées à la révolution culturelle en lançant le programme « Boluan Fanzheng ». Deng a commencé une nouvelle phase de la Chine en lançant le programme historique de réformes et d’ouverture. En 1981, le Parti communiste chinois a déclaré que la révolution culturelle était « responsable du revers le plus grave et des pertes les plus lourdes subies par le Parti, le pays et le peuple depuis la fondation de la République populaire de Chine. »11…. » - Article complet à cette source : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_culturelle ].

Suite du texte chinois traduit

Quelques exemples bien connus serviront à illustrer la méthode de Feng Youlan et de ses partisans.

En retraçant l’étymologie des mots clés dans ‘Les Analectes’ (Confucius) et les réinterprétations de l’histoire pré - Qin, ces jeunes historiens et philosophes ont affirmé que les idées confucéennes avaient été créées comme des armes idéologiques par la classe des propriétaires d’esclaves de l’époque ‘Printemps et Automne’, des États en guerre pour opprimer le peuple - les esclaves - et pour arrêter le progrès historique.

Par exemple, l’une des vertus fondamentales des Analectes est ren (!), et les interprétations de ce concept ont été au cœur de la façon dont le confucianisme a été évalué. Les érudits traditionnels avaient tendance à interpréter ren comme “la bienveillance émanant d’un gentleman avisé dans ses relations avec les autres” ; certains érudits modernes affirment que ren est la preuve que Confucius avait découvert une humanité commune chez les êtres humains.

[Dans le confucianisme, Ren est la vertu d’humanité ou bienveillance…]

[Ren (chinois : 仁 ; pinyin : rén ; wade-giles : jen) est un concept essentiel de l’éthique du confucianisme qui peut être traduit par « bienveillance »1. C’est une vertu d’humanité, de mansuétude, recherchée par l’homme de bien (junzi), qui se réfère au bien qu’un homme peut faire à un autre. La pratique du ren a pour norme li, la moralité2. Les composantes du ren concernent les relations de l’homme confucéen : parents, souverain, amis. La piété filiale y est considérée comme le ciment des rapports sociaux et hiérarchiques : « Être bon fils, être simplement bon fils et bon frère, c’est déjà prendre part au gouvernement ». (Entretiens, II, 21). Le ren est donc essentiellement relationnel. Le caractère chinois se compose de deux éléments : « homme » et « deux »…. – [Source ]->https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren_(confucianisme)]

Suite du texte chinois traduit

Cependant, des marxistes radicaux tels que Zhao Jibin, à travers un examen des preuves textuelles, ont soutenu que ren n’était utilisé qu’en conjonction avec l’élite. Une définition de ren donnée dans les Analectes est ai ren (#), « aime les gens » ’Zhao Jibin montre que cela ne se traduit pas simplement par “aimer le peuple” ; en effet, une telle interprétation est trompeuse. (82 / 2 / Printemps 2011 Ren ( # )) : elle a toujours été utilisée dans les Analectes pour désigner les classes supérieures, et pas les gens ordinaires.

[Addenda – « Zhao Jibin was a Chinese Marxist historian of Chinese philosophy. He was a prolific and influential historian of Chinese philosophy who wrote from a radical Marxist perspective. Français : Zhao Jibin était un historien marxiste de la philosophie chinoise. Il était un historien prolifique et influent de la philosophie chinoise qui a écrit dans une perspective marxiste radicale » - Source ]

Suite du texte chinois traduit

La notion d’amour et de bienveillance ne s’est jamais étendue au peuple, car un mot tout à fait différent — min - était utilisé dans les Analectes pour désigner “le peuple”. Et ren n’a jamais été associé à min.

[Addenda – « Le min (chinois simplifié :  ; chinois traditionnel : 閩語 ; pinyin : mǐnyǔ, littéralement « langue min ») est un groupe de langues (語, yǔ) ou, selon certaines classifications, dialectes (話, huà) chinois parlés dans la province du Fujian, dans le Sud-Est de la Chine. Le nom dérive de la rivière Min. Il est également parlé par des groupes originaires du Fujian dans les provinces du Guangdong et du Hainan, dans le sud du Zhejiang, dans certains villages du Jiangsu et à Taïwan. Il compterait plus de 70 millions de locuteurs. De nombreux chinois émigrés en Asie du Sud-Est parlent également le min. La variété la plus parlée en dehors du Fujian est le minnan, parfois appelé hokkien-taïwanais. On trouve parfois le nom « foukiénois » pour désigner l’ensemble des langues min, ou uniquement la branche minnan. Ce groupe de langues chinoises se distingue nettement des autres langues chinoises (dont le mandarin) de par une différenciation précoce il y a environ 2 000 ans, soit avant l’apparition du chinois médiéval. Les variétés de min ne sont pas mutuellement intelligibles entre elles ou avec les autres variétés de langues chinoises…. « - Source

Suite du texte chinois traduit

Les mots de contrôle, tels que shi ont été utilisés conjointement avec min. On disait donc que Confucius ne s’intéressait qu’à la façon d’ “utiliser” les gens, jamais à les aimer. En affirmant que Confucius ne travaillait que pour le compte de la classe des propriétaires d’esclaves, et que par conséquent, la bienveillance qu’il prêchait n’était destinée qu’aux classes dirigeantes, les historiens ont pu affirmer que Confucius s’opposait à tout ce qui offrait la perspective de meilleures conditions pour la majorité des gens.

[Shi en chinois : 师 (shī ) : professeur, maître]

Il va sans dire que de telles analyses ont fondamentalement changé la façon dont les classiques étaient perçus, mais au cours des années 1950 et au début des années 1960, ces discussions sont restées dans la sphère académique. Et bien qu’ils aient été assez révolutionnaires, leur ton est également resté mesuré et savant, par rapport à l’explosion passionnée contre la tradition pendant le ‘mouvement du 4 mai’, avec son slogan : “À bas la boutique Confucius”.

En fait, les voix du ‘mouvement du 4 mai’ faisaient partie des” Cent écoles ’ de pensée autorisées à se disputer. Cependant, au moment de la Révolution culturelle, en particulier pendant la campagne anti-Confucius du début des années 1970, les thèses avancées par de jeunes érudits tels que Zhao Jibin, Yang Rongguo et Guan Feng, étaient les seules autorisées et officiellement promues. Avec le recul, nous savons maintenant que la campagne nationale “Critiquez Lin Piao et Confucius” (piLin piKong) du début des années 1970, était une dernière tentative désespérée de la soi-disant ‘Bande des Quatre’ de lancer une offensive politique pour leur permettre de rester au pouvoir alors qu’ils savaient que leur patron, Mao Zedong, était mourant.

[Addenda – « La bande des Quatre (chinois simplifié : 四人帮 ; chinois traditionnel : 四人幫 ; pinyin : Sì rén bāng) est le nom d’un groupe de quatre dirigeants chinoisJiang Qing, Zhang Chunqiao, Yao Wenyuan et Wang Hongwen — qui sont arrêtés et démis de leurs fonctions en 1976, peu de temps après la mort de Mao Zedong. Ils sont alors accusés d’être les instigateurs de la révolution culturelle, qui a fait de nombreuses victimes et a plongé la Chine dans le chaos de 1966 à 1976. La défaite politique de ce groupe et sa mise à l’écart brutale du pouvoir marque la fin définitive de la révolution culturelle et l’échec des maoïstes qui l’ont soutenue au sein du Parti communiste chinois dans la lutte pour la succession du Grand Timonier… » - Source ].

Suite du texte chinois traduit

En fait, dès la mort de Mao, toute la campagne s’est effondrée et ses partisans ont été humiliés. Malheureusement, de nombreux philosophes dont les idées ont été utilisées dans la campagne ont également été déshonorés — certains, dont Guan Feng, ont été emprisonnés pendant de nombreuses années— et leurs idées novatrices sur Confucius ont été rapidement rejetées et oubliées. Ironiquement, le mouvement ‘piLin piKong’ du début des années 1970 a vu le plus grand renouveau de l’enseignement de Confucius dans l’histoire chinoise.

Chaque université, école, usine, commune, même jardin d’enfants, devait étudier les Analectes comme “matériel négatif.’. On aurait pu penser que le ‘mouvement du 4 mai’ avait fait un si bon travail en tuant Confucius, qu’ils pouvaient être autorisés à reposer en paix. Mais cette flagellation de son cadavre n’a eu pour effet que de faire ressurgir Confucius dès la fin des coups.

Avant de passer à la période de la Révolution culturelle, je devrais souligner une autre idée fondamentale des Analectes qui a été pointée du doigt pour une raclée implacable, car elle se rapporte à la dénomination. En plus de ’love ren’, une autre définition clé de ren donnée par Confucius était la “retenue de soi ’, suprêmement rétrograde et le retour aux rites.

Lorsqu’on lui a demandé d’être plus précis, Confucius a proposé une “rectification des noms” comme moyen de rétablir l’ordre dans la société. Il a déclaré, par exemple, que les dirigeants devraient se comporter comme des dirigeants, des fonctionnaires comme des fonctionnaires, des pères comme des pères et des fils comme des fils. Il déplorait que des subordonnés - tels que des fils et des fonctionnaires - usurpaient les voies de leurs supérieurs, de sorte que les titres et les noms n’avaient plus le sens qu’ils avaient auparavant (sous la dynastie Zhou). Confucius a certainement compris l’importance attachée aux noms. Les purs et durs de la Révolution culturelle ont également apprécié cela et ils ont en effet cherché à déconstruire les concepts traditionnels pour montrer qu’ils étaient ancrés dans la classe.

En d’autres termes, ils ont cherché à démontrer que tous les principes moraux confucéens qui sonnaient juste, favorisaient en fait les classes dirigeantes. Typiques de la pratique de la Révolution culturelle, les noms et les titres étaient juxtaposés pour commenter les préoccupations contemporaines. Pour la première fois, Confucius a été désigné par son nom, Kong Qiu. Souvent, il était appelé Kong Laoer, peut-être parce qu’il était le deuxième aîné de sa fratrie, mais plus probablement parce que le mouvement était lié à Lin Biao, successeur de Mao et numéro 2 avant qu’il ne soit purgé.

Le terme peut également avoir fait référence à Zhou Enlai, qui était à l’époque le numéro 2. Fait intéressant, dans la langue vernaculaire, ‘aoer’ fait également référence au pénis, donc pour la première fois dans l’histoire, Kong Qiu a été appelé “Confucius la piqûre’. En tout cas, la campagne anti-Lin anti-Confucius s’est effondrée très rapidement, et à la mort de Mao, les attaques au vitriol mais engageantes contre Confucius ont cessé, pour être remplacées par la recherche d’essences positives dans les valeurs fondamentales chinoises compatibles avec le marxisme, qui étaient si familières dans les années 1950 et qui ont refait surface aujourd’hui.

Ce qui est différent aujourd’hui, cependant, c’est que les défenseurs de Confucius soutiennent qu’il était également le précurseur de bon nombre des meilleurs en Occident. Regardons maintenant en arrière pour voir comment Confucius s’en est sorti en dehors de la Chine après 1949 6.

Je dois mentionner que bien que la plupart des gens en Chine auraient pris le sens vernaculaire de ‘laoer’ comme “piquer”, cette lecture n’a jamais été, à ma connaissance, reconnue publiquement. (84 boundary 2 / Printemps 2011)

Les allées et venues d’un Confucius diasporique

Après 1949, lorsque la doctrine marxiste-léniniste était la seule avenue que les intellectuels du continent ont pu explorer, de nombreux érudits confucéens … qui n’étaient pas d’accord avec la nouvelle idéologie, ont simplement plié bagage … Ceux qui sont restés et ont essayé, comme Feng Youlan, d’adapter le Confucianisme à la nouvelle idéologie, ont complètement cessé d’écrire.

Liang Shuming et Xiong Shili ont été les deux philosophes les plus importants à se disputer pendant des décennies pour la renaissance du confucianisme en Chine. Mais leurs versions ont été fortement diluées par des éléments bouddhistes, dans la mesure où Liang a été décrit comme le ’dernier bouddhiste’ ainsi que le “dernier confucéen.” 7

[Addenda –

« Liang Shuming (梁漱溟, 18 octobre 1893 - 23 juin 1988), né sous le nom de Liang Huanding (梁焕鼎), est un philosophe, enseignant, et l’un des meneurs du mouvement de reconstruction rurale au début de la République de Chine…. » - Source

« Xiong Shili (chinois 熊十力 , pinyin Xióng Shílì), (18 février 1885 - 23 mai 1968) est un penseur chinois du début du XXe siècle et un des précurseurs du nouveau confucianisme. Appartenant à l’école des néo-confucéens modernes, il s’est très largement intéressé au bouddhisme et principalement à l’école Vijñanavada… » - Source ].

Suite du texte chinois traduit

Alors que Liang et Xiong sont maintenant considérés comme les pères de la nouvelle école du Confucianisme, il n’y avait tout simplement aucun moyen pour eux d’exprimer leurs idées créatives sur le continent après 1949. Leur message, selon lequel que le confucianisme et la tradition chinoise détenaient la clé d’un mode de vie correct dans le monde moderne, a été réalisé par leurs disciples, tels que Mou Zongsan, Tang Junyi et Xu Fuguan, qui ont quitté la Chine principalement pour Hong Kong et Taiwan.

Quelques-uns sont devenus des universitaires influents dans les universités et les instituts de recherche, tels que l’Université chinoise de Hong Kong, et beaucoup ont continué à développer les enseignements confucéens conservateurs de leurs maîtres en Chine en publiant des articles savants. Cependant, leurs écrits n’avaient pas d’impact en Chine et un impact limité en dehors d’un très petit cercle d’universitaires lecteurs à Hong Kong et à Taiwan.

La négligence relative de ce groupe d’érudits aurait pu continuer, pour le débat sur les valeurs asiatiques qui a commencé il y a une vingtaine d’années. Dans les années 1980, lorsque certains pays d’Asie de l’Est ont connu une croissance économique rapide, certains ont tenté d’attribuer ce ’miracle’ économique à des pays asiatiques ou confucéens …

[Addenda - Le confucianisme et les ’valeurs asiatiques’ - Mardi 14 mai 2019 - Provenant du podcast Le Tour du monde des idées – Enregistrement ‘France Culture’ d’une durée de 5 minutes

image podcast

Cette philosophie conservatrice a-t-elle favorisé la modernisation et l’essor économique des pays d’Asie orientale ? - Le premier débat sur la supériorité des fameuses « valeurs asiatiques » avait pris fin. Suite à la crise asiatique de 1997.

Le premier débat sur les ’valeurs asiatiques’ avait eu lieu dans un contexte précis – au lendemain des évènements de la place Tian’anmen, au cours desquelles des milliers d’étudiants chinois, qui manifestaient pour la démocratie, ont été massacrés par le régime communiste. 

Lee Kuan Yew, le premier ministre de Singapour, avait mis en garde contre l’importation de ce qu’il considérait comme des « valeurs occidentales » - en gros les droits de l’individu face à la prééminence de la cohésion sociale. Il redoutait, disait-il, que la propagation rapide de cette aspiration à la démocratie libérale – à l’occidentale – déstabilise tous les gouvernements de la région et y sème le trouble.

Ce qu’il entendait par « valeurs asiatiques » se confondait quelque peu avec le régime qu’il avait lui-même imposé à Singapour : une petite nation de gens travaillant dur sous la direction supposée éclairée d’une petite élite dirigeante, incorruptible et clairvoyante. Au nom de la philosophie confucéenne. Les Singapouriens sont généralement considérés comme ayant troqué leurs libertés civiques contre un niveau de développement, de bien-être et de sécurité, en effet, assez exceptionnel. Lee considérait l’Occident tout entier comme décadent. Même l’Australie voisine : une réserve « white trash »… 

Déjà, à l’époque, un des plus fameux dissidents sud-coréens, Kim Dae-Jung, s’était opposés aux thèses de Lee sur les « valeurs asiatiques ». Le dirigeant singapourien, disait-il, prêche pour sa propre paroisse : au nom des « valeurs asiatiques », c’est sa propre autorité et son propre pouvoir qu’il défend… Kim Dae-Jung evait être élu président de la République de Corée en 1998, devenue alors une démocratie incontestable et exemplaire. 

Et la théorie qui accorde une supériorité aux valeurs asiatiques, dans la mesure où elles assurent une plus grande harmonie aux sociétés marquées par la philosophie confucéenne, avait subi un fameux revers lors de la crise asiatique de 1997. 

Dans son livre The Future is Asian, le politologue indien Parag Khanna reconnaît que la célébration des valeurs asiatiques était alors quelque peu « prématurée ». Mais c’est pour ajouter aussitôt que les Asiatiques, eux, ont tiré toutes les leçons de cette crise – en se débarrassant des gouvernements paternalistes incompétents et en mettant de l’ordre dans le « capitalisme de copains » qui régnait à l’époque. Alors que les Occidentaux sont loin d’avoir tiré toutes les conséquences de leur crise de 2008.

Le confucianisme a accompagné et favorisé la ’première modernité’. Mais il a entravé la ’seconde’. 

C’est une philosophie conservatrice – c’est pourquoi Mao Tsé Toung la combattit vigoureusement, en particulier durant la Révolution Culturelle – qui prône une forme de société très hiérarchisée, sous la direction d’une élite méritocratique et paternaliste. Elle met l’accent sur la responsabilité de l’individu envers l’Etat ; d’où le fait qu’elle est parfois présentée comme une sorte de religion civique. Elle célèbre la famille et au sein de celle-ci, la prééminence du père. Elle prône le respect des anciens. On a dit parfois du confucianisme que c’est l’équivalent asiatique du protestantisme chrétien. Travail, droiture, sens des responsabilités, décence et réserve.

C’est pourquoi le confucianisme a accompagné la modernisation dans plusieurs pays d’Asie orientale, comme le démontre une universitaire allemande, Carmen Elisabeth Schmidt, dans un article, paru l’an dernier, dans la revue Asian Journal of German and European Studies. Elle y développe une thèse fort intéressante. 

Le confucianisme, écrit-elle, a favorisé et accompagné la première modernité en Asie orientale. Les sondages montrent que les pays marqués par cette philosophie sont, à égalité avec les pays protestants européens, ceux qui ont opéré le plus nettement le passage d’une conception religieuse du monde à une vision sécularisée et rationnelle. L’importance de l’éducation, le respect de l’autorité, des règles établies et des hiérarchies a accompagné cette première modernisation « wébérienne », si l’on veut. Ces pays d’Asie orientale ont connu une modernisation économique très rapide, pilotée par des structures bureaucratiques jouissant d’une forte autorité. C’est l’époque des « dragons ».

Par contre, le confucianisme, parce qu’il met l’accent sur l’autorité et la responsabilité et non sur la liberté individuelle, a entravé la seconde modernité ; celle qui voit monter l’exigence d**’expression individuelle** et qui accompagne le cosmopolitisme culturel.

Mais elle montre aussi que, contrairement à la thèse des « valeurs asiatiques », l’aspiration à la démocratie demeure très élevée en Asie, et même en Chine – même si le contenu que donnent les Chinois à ce concept est peut-être moins libéral qu’en Occident. La démocratie autoritaire leur paraît garantir plus de stabilité. Par contre, les Chinois plébiscitent l’égalité entre les sexes et les droits de l’homme. Davantage que les Japonais et les Coréens. Les élections libres sont moins plébiscitées. 

Bref, les « valeurs asiatiques » pourraient bien être un mythe de plus…

L’équipe :

Brice Couturier

Brice Couturier Production - Épisodes précédents - Voir tout– Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/le-confucianisme-et-les-valeurs-asiatiques-4446660 ]

Suite du texte chinois traduit

La recherche sur les différences culturelles en sciences sociales a également projeté les valeurs confucéennes comme une ’dimension dynamique’ dans la promotion de la croissance économique.9 Des philosophes se sont empressés de se joindre à ce chœur pour faire l’éloge des merveilles des idées traditionnelles…

NB. L’article d’origine en anglais se poursuit avec l’analyse de la culture économique au Japon et dans les Quatre Mini-Dragons

[Addenda - Les Quatre dragons asiatiques d’après Wikipédia :

Corée du Sud

Drapeau de TaïwanTaïwan

Drapeau de Hong KongHong Kong

Drapeau de SingapourSingapour

Les quatre dragons asiatiques (chinois simplifié : 亚洲四小龙 ; chinois traditionnel : 亞洲四小龍 ; pinyin : yàzhōu sì xiǎo lóng)1, ou les « cinq dragons asiatiques » (puisque la présence du Japon y est contestée), est une expression qui fait référence à quatre États d’Extrême-Orient à forte croissance industrielle dans la deuxième moitié du XXe siècle : la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan. Le Japon peut également y être inclus, malgré un rayonnement plus important que les quatre autres dragons[réf. nécessaire]. Mis à part dans les textes français, chinois, coréens et japonais, ils sont appelés communément les « quatre tigres asiatiques ». Cependant, ils ne doivent pas être confondus avec les nouveaux Tigres asiatiques, une expression qui concerne la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, le Viêt Nam et les Philippines.

Les dragons étaient appelés parfois nouveaux pays industrialisés d’Asie (NPIA). Ils constituaient le peloton de tête des nouveaux pays industrialisés (NPI) et sont considérés comme des pays développés à partir des années 1990. De ce fait, ils ne font plus partie des NPI ou des pays émergents (pays en voie de développement à croissance élevée). Ces pays ont suivi le modèle économique développé par le Japon (envoi d’étudiants à haut niveau étudier les connaissances scientifiques et technologiques en Occident qui les appliqueront une fois retournés au pays d’origine), auquel ils font concurrence dans les activités industrielles les plus sophistiquées (automobile, électronique grand public) depuis 1980. Aujourd’hui, ils jouissent d’un niveau de vie comparable à celui des pays de l’Union européenne ou du Japon, et leurs indices de développement humain (IDH) sont parmi les plus élevés au monde. En effet, la moyenne de leur indice de développement humain respectif est de 0,900. De plus, les Dragons démontrent un coefficient de GINI (égalité des revenus) de 0,42 sur une échelle de 1. Bien que leur système éducatif soit très intéressant, 4 % de la population est considéré comme analphabète. Pour ce qui est du taux de chômage des Dragons asiatiques (3,175 %), il se trouve en très bonne position par rapport à la moyenne de l’OCDE qui se trouve à 7,9 % en 2013. La Corée du Sud est devenue membre de l’OCDE en 1996… »

Retrouver cet article en entier sur les quatre dragons asiatiques à partir de ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Quatre_dragons_asiatiques ]

L’étude traduite ci-dessus, intitulée Confucius the Chameleon : Dubious Envoy for ’Brand China’ (Confucius le caméléon : émissaire douteux pour la « marque chinoise » est à lire en totalité, en anglais et en accès conditionnel à cette source : https://read.dukeupress.edu/boundary-2/article-abstract/38/1/77/55939/Confucius-the-Chameleon-Dubious-Envoy-for-Brand

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  • Individualité, hiérarchie et dilemme : la fabrication de la citoyenneté culturelle confucéenne dans une école classique chinoise contemporaine – Par Canglong Wang Traduction du 14 novembre 2022 par Jacques Hallard de son étude diffusée en ligne. Titre : « Individuality, Hierarchy, and Dilemma : the Making of Confucian Cultural Citizenship in a Contemporary Chinese Classical School » -17 octobre 2016 - Source : https://link.springer.com/article/10.1007/s11366-016-9436-9 - Journal of Chinese Political Science (Référence : Journal des Sciences politiques chinoises volume 21, pages 435-452 (2016))
    [Le Dr Canglong Wang est actuellement le codirecteur du programme d’études chinoises à l’Université de Hull. Il a rejoint l’Université d’abord en tant que maître de conférences modulaire à temps partiel, puis en tant que maître de conférences à temps plein depuis février 2019. Il est titulaire d’un doctorat en sociologie de l’université d’Édimbourg… - Source : https://www.hull.ac.uk/staff-directory/canglong-wang ]

Résumé - Le confucianisme est-il compatible avec la citoyenneté ? Si oui, comment ?

La transformation culturelle dans les études récentes sur la citoyenneté fournit une jonction théorique pour rapprocher les deux concepts. En termes de citoyenneté culturelle, cet article explore la fabrication des citoyens culturels confucéens en analysant les discours des élèves d’une école classique confucéenne chinoise. Il révèle (1) le processus d’auto-transformation morale, par lequel les individualités sont intégrées dans des relations éthiques par les lectures approfondies de la littérature classique ; (2) les contradictions discursives entre l’individualisme et l’autoritarisme fondées sur la notion de hiérarchie culturelle ; et (3) la situation institutionnelle difficile dans la lutte pour la reconnaissance de la citoyenneté culturelle par l’État et la société. Enfin, il conclut que les dilemmes dans les discours et le statut font partie des contradictions dans la gestion globale de l’individualisation par l’État-parti chinois.

Introduction

Depuis qu’Engin Isin [7, 13] a soulevé la question de la ’citoyenneté après l’orientalisme’, l’étude de la citoyenneté dans la communauté universitaire cosmopolite a fait des efforts conscients pour rejeter les tendances à l’essentialisation de la citoyenneté en tant que cadre euro-américain qui généralise les expériences d’autres États ou sociétés non occidentales, et s’est tournée par réflexe vers une perspective locale afin d’enquêter sur les ’racines’ de régimes de citoyenneté spécifiques à la lumière des conditions locales des systèmes politiques, des structures sociales et des recours culturels. Bien que la citoyenneté soit souvent considérée comme une conception occidentale (voir par exemple [32], p. vii ; [38], p. 313), cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’actes de citoyenneté dans les sociétés non occidentales [11]. Comme Isin ([11], p. 1) le soutient de manière convaincante, il existe de plus en plus de nouvelles façons pour les actes de citoyenneté de faire progresser la revendication des droits à la citoyenneté dans les sociétés qui ne reconnaissent pas légalement ou politiquement le statut de citoyenneté.

En réfléchissant de manière critique à la citoyenneté chinoise, nous devons prendre en compte les ressources indigènes, par exemple le confucianisme et le système parti-État communiste ([14], p. 28), ainsi que les idées occidentales de citoyenneté, afin de mieux comprendre le contexte chinois. Dans cet article, je prête attention à la relation entre le confucianisme (éducation confucéenne) et la fabrication de la citoyenneté culturelle. À première vue, il semble peut-être absurde de mentionner les deux concepts ensemble. Cette réponse peut provenir d’un préjugé présupposé à la fois envers le confucianisme et la citoyenneté. Comme je l’ai précisé ailleurs [37], d’une part, le confucianisme a longtemps été considéré comme une forme d’autoritarisme plutôt que de libéralisme [24], de collectivisme plutôt que d’individualisme [8], axé sur les obligations plutôt que sur les droits [10], et faisant progresser le particularisme plutôt que l’universalisme [4, 19, 20]. D’autre part, la citoyenneté libérale est le paradigme dominant depuis le cadre de citoyenneté classique de T. H. Marshall qui assimile la citoyenneté aux réalisations évolutives des droits civils, politiques et sociaux [21]. Cependant, toutes ces compréhensions et interprétations sont unilatérales. En conceptualisant la citoyenneté comme mince ou épaisse et le confucianisme comme libéral ou illibéral, j’ai théoriquement exposé trois interprétations : incompatibilité (citoyenneté mince et confucianisme illibéral), compatibilité (citoyenneté mince et confucianisme libéral), et reconstruction (citoyenneté épaisse et confucianisme libéral et illibéral) [37].

Néanmoins, l’argument normatif ci-dessus néglige une transformation culturelle cruciale dans les études récentes sur la citoyenneté qui décompose les aspects juridiques et politiques de la citoyenneté et se tourne vers la dimension culturelle, qui, comme je le soutiendrai dans ce qui suit, offre potentiellement un point de contact pour relier le confucianisme et la citoyenneté culturelle ainsi que pour approfondir notre compréhension de la ’citoyenneté (culturelle) confucéenne’. Les études traditionnelles sur la citoyenneté n’accordaient pas beaucoup d’attention à la dimension culturelle de la citoyenneté ([29], pp. 1–2), mais le statut juridique formel d’une personne, comme le soutient Turner ([34], pp. 11–12), ’ est étroitement associé aux formes culturelles particulières du droit dans une société donnée. ’Influencée par la mondialisation, la post-modernisation et la décolonisation, la liaison présupposée de la citoyenneté et de l’État-nation a commencé à se démêler, et la fragmentation des goûts publics et la diversification des modes de vie ont altéré l’homogénéité supposée de la culture [29, 33, 34]. En conséquence, les revendications de citoyenneté culturelle apparaissent de plus en plus dans des domaines tels que les nouveaux médias, l’éducation, la consommation et les modes de vie, entre autres, où différents groupes culturels sont en mesure de défendre de manière discursive le droit ou la légitimité de leurs propres cultures et de participer de manière constructive à un domaine public culturel plus inclusif [25-27, 29, 30, 41].

Il y a deux grandes approches de la citoyenneté culturelle décrites par Delanty [6] : la première approche, représentée par Will Kymlicka, est du point de vue du communautarisme libéral, qui met l’accent sur la nécessité de créer un État établi où les diverses identités culturelles sont accueillies, les différences culturelles sont respectées et tolérées, et les droits des groupes culturels exclus ou marginalisés sont reconnus (voir aussi [17]). La deuxième approche, présentée par Nick Stevenson, est du point de vue de la sociologie culturelle, qui déplace l’accent de la citoyenneté vers des expériences communes, des processus d’apprentissage et des discours d’autonomisation (voir aussi [29]). La dimension la plus importante de la deuxième approche concerne les discours culturels dans les pratiques quotidiennes, où les individus confondent les dimensions personnelle et politique de la citoyenneté et donnent lieu à de nouvelles demandes de droits (culturels) dans des situations de communication informelles et des expériences de vie ordinaires [6].

La citoyenneté culturelle au sens de la sociologie culturelle, telle que je la vois, offre une jonction pour rapprocher confucianisme et citoyenneté. Le processus d’apprentissage, par exemple, n’est pas seulement souligné par la citoyenneté culturelle où les citoyens culturels intègrent le soi dans les relations sociales et acquièrent des connaissances sur le soi et la relation du soi et des autres dans les pratiques quotidiennes [6, 29], mais est également mis en évidence dans les pensées confucéennes où le soi est un tout éthique, où ’les types particuliers d’obligations et de droits par lesquels nous vivons varient largement selon les rôles sociaux que l’on joue’ ([31], p. 245). De plus, la citoyenneté culturelle adopte une perspective subjective et se concentre sur la réflexivité et la cognition des citoyens individuels ; de même, le confucianisme attache une grande importance aux pratiques d’auto-culture afin de faire de l’homme supérieur (junzi), qui réalise de manière réflexive et autonome un apprentissage solide en théorie et en pratique (neisheng waiwang). De plus, la citoyenneté culturelle met l’accent sur des expériences communes où les individus parviennent à une compréhension mutuelle et apprennent à se respecter mutuellement, ce qui résonne exactement avec les mots clés confucéens tels que compassion (ceyin), bienveillance (ren) et pardon (shu). Plus important encore, bien que le terme ’droit’ n’apparaisse pas dans les textes confucéens, il existe des élaborations implicites concernant le ’droit’ ou des exemples de pratiques de droit de citoyenneté dans le confucianisme [15, 16, 28, 37].

Dans ce chapitre, j’explore la citoyenneté culturelle pour les étudiants qui lisent des classiques confucéens dans une école classique en examinant la complexité et la contestation de leurs discours culturels (moraux). Je comprends que la ’citoyenneté’, comme le prétend Engin Isin ([12], p. 371), est ’ une institution dynamique de domination et d’autonomisation qui régit qui sont les citoyens ... et comment ces acteurs doivent se gouverner et se gouverner les uns les autres dans un corps politique donné. La citoyenneté n’est pas l’adhésion. C’est une relation qui régit la conduite des positions (subjectives) qui la constituent ’ (italique dans l’original). Du point de vue de la sociologie culturelle mentionné ci-dessus, je considère la citoyenneté culturelle dans cet article comme un processus de pratiques socio-symboliques permettant d’interpréter de manière réflexive ses conditions sociales, culturelles et politiques en créant des frontières symboliques et sociales [18]. Note de bas de page 1 et d’agir de manière constructive pour générer une identité ou une position et une compréhension réflexive de celle-ci. Plus précisément, je discuterai de la citoyenneté culturelle confucéenne, un terme qui pourrait être défini comme un processus de reconstruction réflexive de sa conduite et de ses relations éthiques selon les valeurs confucéennes dans des pratiques discursives et réelles en s’appuyant sur des frontières socio-symboliques. Dans cette étude, l’exploration de la citoyenneté culturelle est accomplie en révélant les processus par lesquels les élèves de l’école classique sont réflexivement en train de ’se faire’ et de’ (se) faire ’ [23] de (nouvelles) identités (positions), principalement à travers l’espace symbolique et social de l’éducation classique. En plus de la deuxième partie de la méthodologie, la troisième section montre l’individualité et l’éthique dans les discours culturels des étudiants confucéens, et la quatrième explore les conflits pratiquement discursifs entre l’individualisme et l’autoritarisme, qui sont basés sur la hiérarchie culturelle. Dans les remarques finales, je discute de la situation institutionnelle à laquelle sont confrontés les étudiants confucéens sur la base de la synthèse des conclusions tirées des parties précédentes…

Méthodologie de Recherche … et suite de l’article en anglais à lire à cette adresse : https://link.springer.com/article/10.1007/s11366-016-9436-9

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Ce texte rend compte de l’émergence de figures temporaires de citoyenneté, celles de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur en Chine. L’idée est de montrer comment, en contexte autoritaire, ce processus se construit au regard de situations et temporalités données, et comment les modalités de révélation de l’autoritarisme d’État imposent un jeu avec des contraintes et des temps politiques. Ces engagements de jeunes diplômés font écho à des évolutions que l’on trouve dans d’autres situations politiques contemporaines marquées par des engagements plus ou moins distanciés. Cependant, c’est leur aspect temporaire et réversible du fait d’un contexte contraint qui est souligné ici. C’est également de ce fait que les terrains investis dans l’enquête sont saisis ainsi qu’ils sont souvent présentés, comme des plateformes mettant en lien différents espaces, différents acteurs, et permettant la circulation de ressources, localement, voire internationalement.

Entrées d’index - Mots-clés : contexte autoritaire, infra-politique, temporalité politique, « espace citoyen » - Keywords : authoritarian context, sub-politic, political temporality, ’citizen space’ - Palabras claves : contexto autoritario, infrapolítica, temporalidad política, ’espacio ciudadano’

Plan

État autoritaire, production de l’incertitude et imposition de temporalités politiques

Médias et production de l’incertitude

Imposition de temporalités politiques

Formes temporaires de citoyenneté, agencement de compétences individuelles et dialogues d’« espaces citoyens »

Figures temporaires de citoyenneté et agencement de compétences

Figures temporaires de citoyenneté et dialogues d’« espaces citoyens »

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Signaler ce document - Temporary figures of citizenship in Chinese authoritarian context - Figuras temporales de la ciudadanía en el contexto autoritario chino

Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Référence électronique - Marie Bellot, « Figures temporaires de citoyenneté en contexte autoritaire chinois », Sciences de la société [En ligne], 104 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 22 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/sds/10941  ; DOI : https://doi.org/10.4000/sds.10941

Auteur : Marie Bellot Doctorante en sociologie Laboratoire Triangle – UMR 5206
ENS de Lyon – site Descartes 15, parvis René Descartes 69342 Lyon cedex 07
marie.bellot univ-lyon2.fr

Droits d’auteur :

CC-BY-NC-ND-4.0{{}}Creative Commons - Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0 - Source : https://journals.openedition.org/sds/10941

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  • La Loi sur la citoyenneté de la république populaire de Chine selon Wikipédia
    Ne doit pas être confondu avec Nationalités chinoises.

La loi sur la citoyenneté de la république populaire de Chine (chinois simplifié : 中华人民共和国国籍法 ; chinois traditionnel : 中華人民共和國國籍法 ; pinyin : Zhōnghuá Rénmín Gònghéguó guójí fǎ) réglemente la citoyenneté en république populaire de Chine (RPC). Cette citoyenneté est obtenue à la naissance (quand au moins un des parents possède la citoyenneté chinoise) ou par naturalisation. Cette notion est différente de celle des ethnies de Chine.

Citoyenneté à la naissance

Le remplacement de la république de Chine (1912-1949) par la république populaire de Chine (RPC), entraine une majorité de Chinois à recevoir la nationalité de cette dernière.

Aujourd’hui, une personne née sur le territoire de la RPC acquiert la nationalité chinoise dès la naissance si :

  • au moins un des parents possède la nationalité chinoise,
  • les deux parents sont de nationalité inconnue, mais vivent de façon permanente en Chine.
    En Chine, pour les enfants dont un parent est chinois et l’autre de nationalité étrangère, des complications sont possibles si un passeport étranger est utilisé pour sortir de Chine. Selon l’article 3 de la constitution, la double nationalité n’est pas reconnue. Cependant, il existe une exception pour les habitants de Macao, ancienne concession portugaise, qui peuvent posséder la double nationalité chinoise et portugaise1. Enfin, des personnes nés de parents chinois à l’étranger peuvent obtenir la nationalité dans le pays étranger en raison du droit du sol, et obtenir une carte d’origine chinoise, inspirée de la carte d’origine indienne (en), en raison du droit du sang. Des expérimentations sont en cours depuis 2015 dans la zone technologique de Zhongguancun2.

Hong Kong et Macao

Les personnes nées à Hong Kong (concession britannique) et à Macao (concession portugaise) avant et après les rétrocessions sont considérées comme « nées en Chine » par la RPC.

Cas de Macao - En raison de la complexité des origines des habitants de Macao, la double nationalité peut être reconnue pour ceux-ci, s’ils peuvent démontrer leur double origine portugaise et chinoise1

République de Chine ou Taïwan - Les autorités de RPC considérant Taïwan (toujours appelé « République de Chine » depuis 1949) comme une province rebelle, le passeport taïwanais n’est pas reconnu par Pékin qui estime que les Taïwanais sont des nationaux dépourvus de passeport. Pour rejoindre la Chine continentale, ces derniers doivent obtenir le Laissez-passer d’entrée-sortie sur le continent de résident de Taïwan (en) (台湾居民来往大陆通行证 / 臺灣居民來往大陸通行證, táiwān jūmín láiwǎng dàlù tōngxíngzhèng, également surnommé « permis compatriote taïwanais » (台胞证 / 臺胞證, táibāo zhèng) délivré par la RPC. Dans certains cas[lesquels ?], ce permis sert aussi pour Hong Kong. En dehors des personnes ayant obtenu leur pleine nationalité britannique à Hong Kong, Taïwan reconnaît aussi les Chinois continentaux, hongkongais et macanais comme ses nationaux. Cependant, ils ne seront éligibles au passeport taïwanais que s’ils ont habité dans un troisième pays ou s’ils possèdent un hukou dans la Zone Libre de Taïwan.

Naturalisation comme citoyen de la RPC - Les étrangers ou les personnes apatrides peuvent être naturalisées comme citoyens de la RPC, sous l’une des conditions suivantes[réf. nécessaire] :

  • être le parent proche d’un citoyen chinois,
  • résider en Chine,
  • avoir d’autres raisons acceptables.
    Toute personne naturalisée chinoise doit renoncer à toute autre nationalité étrangère.

Refus de la double citoyenneté - La Chine ne reconnaît pas à ses citoyens le droit de posséder la double nationalité (chinoise et étrangère). Aucune exception n’est possible y compris pour obtenir la citoyenneté des régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao.

Perte de citoyenneté chinoise - Un citoyen chinois peut renoncer à sa citoyenneté (à l’exception des fonctionnaires de l’État et le personnel militaire en service actif). Ainsi l’actrice Gong Li a abandonné sa nationalité chinoise pour celle de Singapour et Zhang Ziyi a abandonné sa citoyenneté chinoise pour celle de Hong Kong, Chine3.

Source de l’article avec notes et références sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_sur_la_citoyennet%C3%A9_de_la_r%C3%A9publique_populaire_de_Chine

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  • La Chine en 2020 : la notation des citoyens et des entreprises affole l’Occident - Texte par : Joris Zylberman- Publié le : 02/01/2020 - 14:45 -Modifié le : 08/01/2020 - 17:21 – Document ‘rfi.fr’
    Photo à voir à la source - La reconnaissance faciale combinée à la vidéosurveillance généralisée dans les villes en Chine donne au système de notation citoyenne une portée inquiétante. REUTERS/Aly Song

Expérimenté en Chine depuis 2014, le « système de crédit social » doit être généralisé à tout le pays en 2020. Accusé de transformer l’empire du milieu en dictature digitale plus invasive que la Révolution culturelle sous Mao, ce système inquiète les Occidentaux, car il concerne aussi les entreprises étrangères présentes sur le marché chinois.

Les Chinois n’ont pas de « télécran » avec un Big Brother aux traits de Xi Jinping. L’objet terrifiant inventé par George Orwell dans son roman 1984 permet de contrôler les faits et gestes de chaque citoyen. Il n’existe pas dans l’empire du milieu. Même pas sous la forme d’un smartphone. Pas encore.

Cependant, l’Occident a tout de suite perçu la notation des citoyens en Chine comme un « système orwellien » rappelant aussi la populaire série britannique Black Mirror, qui prophétise une dystopie autoritaire et technologique. Sans doute parce que nous voyons dans ce miroir chinois notre avenir : la notation n’est-elle pas déjà omniprésente dans l’e-commerce et l’économie partagée ?

Mais de quoi parle-t-on au juste ? En 2014, Pékin a lancé une expérimentation sous le nom de « système de crédit social ». Elle est toujours en cours. L’idée de départ était de vérifier la « solvabilité » des citoyens et des entreprises. Elle a bien évolué depuis.

Plus d’une quarantaine de gouvernements locaux participent aujourd’hui à l’expérimentation du système. En parallèle, une demi-douzaine d’entreprises commerciales, comme les géants du web chinois Alibaba et Tencent, opèrent leur propre système expérimental, qui ressemble davantage à celui d’une agence de notation à Wall Street qu’à une évaluation du Parti communiste à Pékin. Et si dans certains cas, le crédit social fonctionne sur la base du volontariat, dans plusieurs villes, il ressemble davantage à l’univers des romans de Franz Kafka : les autorités notent les citoyens… qui n’en sont pas toujours conscients, comme à Suzhou, à côté de Shanghai.

La fin de l’expérimentation est prévue pour le courant 2020. Après quoi, le système doit être généralisé à l’échelle nationale. Cependant, de nombreuses interrogations subsistent : sera-t-il possible de créer une plateforme unifiée et opérationnelle pour noter 1,4 milliards de Chinois ? Le gouvernement de Pékin choisira-t-il plutôt un réseau de plateformes locales auxquelles il aura accès à volonté ? Dans ce cas, la notation obéira-t-elle aux mêmes critères partout ?

Un système fragmenté et local

Le système « consiste à attribuer aux citoyens, aux fonctionnaires et aux entreprises une note représentant la confiance dont ils sont dignes, précise Séverine Arsène, éditrice à l’Asia Global Institute de l’Université de Hong Kong. L’idée est de collecter des centaines de données sur les individus et les entreprises, depuis leur capacité à tenir leurs engagements commerciaux jusqu’à leur comportement sur les réseaux sociaux, en passant par le respect du code de la route. »

Si le gouvernement a dès le début publié des recommandations, il n’existe pas encore de loi nationale encadrant le crédit social. La mairie de Shanghai ainsi que 4 provinces, le Zhejiang, le Hebei, le Hubei et le Shaanxi, ont établi leurs propres réglementations locales. Par exemple, le Zhejiang et Shanghai ont fixé des limites à la collecte des données personnelles en excluant les croyances religieuses, le code génétique, les empreintes, le groupe sanguin et les antécédents médicaux. Mais ce n’est pas le cas ailleurs.

« Noirs » ou « rouges », une question de «  sincérité  »

Marre de la fraude ! Le gouvernement chinois surfe sur l’énervement perceptible des Chinois face aux multiples contrefaçons, aliments toxiques, lait de bébé contaminé, corruption des fonctionnaires locaux... Il existe une évidente « crise de confiance » dans la société chinoise. Le crédit social est là pour la juguler, voilà le message officiel.

Comment ? En inscrivant ceux qui « rompent la confiance » sur une « liste noire ». En ligne de mire, les mauvais payeurs, les laolai en mandarin, mais aussi ceux qui ne respectent pas les règles de vie en commun, y compris traverser la rue en dehors des clous ou manger dans le métro. C’est là que la reconnaissance faciale entre en jeu grâce à la vidéosurveillance massive dans les villes chinoises.

La punition varie de l’humiliation publique à l’interdiction d’accéder à des emplois publics, d’envoyer ses enfants dans une école privée, d’acheter des billets d’avion ou des billets de train en places assises « molles », les plus confortables pour les longs voyages.

Au contraire, les citoyens les mieux notés grâce à leur « sincérité sociale » figureront sur une « liste rouge ». D’une « fiabilité » exemplaire, ils payent leurs factures et leurs impôts en temps et en heure. Dans certaines villes, ils gagnent des points lorsqu’ils font des travaux d’intérêt public ou donnent leur sang.

Pour les « rouges », la « carotte » varie selon l’expérimentation : un accès prioritaire aux offres d’emploi chez Tencent, des remises sur les smartphones via Alibaba, des coupons de réductions sur le site d’e-commerce TMall (possédé par Alibaba) ou encore des nuits d’hôtel gratuites pour des voyages sponsorisés par AliTravel. L’État chinois peut aussi partager les données des « rouges » à des compagnies du numérique pour leur donner des « avantages ». Exemple avec le partenariat de Didi Chuxing, poids lourd chinois de la mobilité partagée, avec la puissance commission nationale pour le développement et la réforme : les mieux notés auront des réductions pour louer un véhicule, une priorité pour réserver un taxi ou pas de caution à verser pour un vélo partagé.

« Ce système rappelle le dang’an, le dossier individuel tenu par l’unité de travail pendant la période maoïste, remarque la sinologue Séverine Arsène. Mais il en diffère fondamentalement par sa vocation à être montré, tant à l’individu ou à l’entreprise, qu’à ses amis et contacts professionnels. »

Premières dérives et critiques

Selon un rapport de mars 2019 publié par le Centre national d’information sur le crédit public, pas moins de 23 millions de Chinois « mal notés » ont été interdits de voyager par la justice : 17,5 millions de billets d’avion annulés et 5,5 millions de places de train refusés. « Discrédité une fois, restreint partout », martèle le rapport.

Certains intellectuels tirent la sonnette d’alarme. Dans le Legal Daily, un professeur de droit de l’Université Sun Yat-sen de Canton appelle à « connecter » le système de crédit social avec les lois chinoises, sous peine « d’endommager l’environnement juridique » du pays.

Le public chinois commence lui aussi à réagir. La présence du don de sang dans les récompenses a ainsi suscité un tollé sur Internet. Sera-t-on sanctionné si l’on ne donne pas son sang ? Dans une conférence de presse, la commission nationale de la santé a dû rectifier le tir : il s’agit seulement « d’encourager » au don de sang, ceux qui ne le font pas ne verront pas leur note baisser.

L’exemple inquiétant du Xinjiang

Si le système de crédit social n’est pas encore tout à fait au point, son potentiel est à l’évidence effrayant. Parmi les critères indiqués dès 2014 par le gouvernement, le système de crédit social doit servir à « renforcer les valeurs socialistes et la morale citoyenne », notamment par « l’éducation et la culture ». Les opposants ou internautes critiques du régime, accusés de « répandre des fausses rumeurs », sont voués à intégrer la « liste noire ».

La Chine peut-elle devenir une « dictature digitale » plus féroce que la Chine maoïste sous la Révolution culturelle ? C’est déjà fait, denoncent certains dissidents. D’autres avertissent d’une dérive possible comme au Xinjiang, où le système de surveillance fondé sur le big data combiné aux camps d’internement permet de contrôler au plus près la population ouïghoure.

Le « crédit social des entreprises » inquiète le Sénat américain

Dans l’immédiat, l’angoisse des Occidentaux se concentre sur les affaires : le crédit social des entreprises. Cela « pourrait décider de la vie et de la mort de nos entreprises en Chine », s’alarme la Chambre européenne de commerce à Pékin.

En février dernier, un groupe bipartisan de 25 sénateurs américains a appelé Donald Trump à « examiner sérieusement » la situation. A travers ce système, les entreprises étrangères opérant en Chine sont soumises à un algorithme qui collecte leurs données afin de noter leur contribution à l’économie chinoise.

Les sénateurs à Washington craignent que Pékin ne se serve de ce système pour forcer les compagnies américaines à délocaliser sur le sol chinois leurs activités de recherche et développement, à transférer leur technologie ou à soutenir sans condition la politique étrangère de la Chine. Ce qui permettrait à Pékin de « normaliser » une tendance déjà à l’œuvre : la capacité chinoise à influencer l’opinion publique mondiale à travers des entreprises étrangères, bien au-delà de la violente réaction au tweet du patron des Houston Rockets en soutien aux manifestants pro-démocratie à Hong Kong.

Dans le système de crédit social, si les entreprises étrangères obtiennent une note en dessous d’un certain seuil, elles pourraient être interdites d’accès à des appels d’offres, subir davantage d’inspections du travail ou du fisc chinois, ou encore être victimes de taux d’intérêt moins favorables. Pire encore, la punition pourrait concerner les entreprises partenaires ou prestataires travaillant avec la Chine en étant basées à l’étranger.

Les sénateurs américains espèrent convaincre Donald Trump en agitant un ultime chiffon rouge : les données collectées pour le crédit social des entreprises pourraient être gérées par un consortium d’entreprises chinoises, dont Huawei, banni des États-Unis par le locataire de la Maison Blanche. C’est là que le crédit social rejoint la mère des batailles : la double guerre commerciale et technologique entre Pékin et Washington.

► À écouter : Chine : la note sociale, nouvel outil de classement par le gouvernement

Mots clefs : Chine États-Unis Internet Commerce et Echanges Droits de l’homme

Chine : les « notes sociales » débarquent dans le métro de Pékin

Technologies - Internet : avec la 5G, la Chine a un temps d’avance sur les grandes puissances

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Source : https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20200102-chine-2020-notation-citoyens-entreprises-occident-credit-social

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  • Comment s’opère la fabrique de « citoyens modèles » en Chine ? - Par Simon Leplâtre - Publié le 01/04/2020 à 14h19 - Mis à jour le 28/06/2022 – Document ‘geo.fr’ - Chine– Photo à voir à la source
    Reportage. Aider un voisin malade : plus vingt points. Donner son sang : plus six points pour 200 millilitres. « Oublier » de payer sa facture d’électricité : moins dix points. Et quand on n’honore pas ses dettes… c’est la liste noire. Pour imposer un sens civique à sa population, le gouvernement chinois met en place un système de surveillance et de notation qui va loin, très loin. Les Occidentaux s’inquiètent. Les Chinois, eux, semblent approuver.

Dans la torpeur de midi, le calme règne dans les rues presque vides de Ximujia. Soudain, les haut-parleurs accrochés au sommet des poteaux électriques se mettent à crachoter et bientôt une voix féminine résonne un peu partout dans ce petit bourg de quelques milliers d’habitants situé dans la péninsule du Shandong, sur la côte est de la Chine. La voix rappelle que, la semaine suivante, viendront des délégations de la police et de l’association des Femmes de la ville de Rongcheng : « Il va falloir que tout soit impeccable, balayez les rues, rangez bien chez vous, nettoyez vos portes et vos fenêtres… »

Casquette et T-shirt aux motifs camouflage, visage tanné par le soleil et le vent, Mu Zhonghua, 77 ans, est déjà au travail devant chez lui. Balai de bambou à la main, il rassemble en tas réguliers les grains de blé qu’il avait étalés sur le goudron pour les faire sécher. Clouée sur la porte de sa petite maison au toit de chaume, une plaque en émail rouge (la couleur du bonheur en Chine) annonce : « Famille au crédit exemplaire, année 2014. » « Nous sommes les premiers de Ximujia à l’avoir eue ! » annonce-t-il fièrement. Condition préalable pour obtenir cette distinction : ne pas avoir de dettes. « Mais cela ne suffit pas, explique-t-il. En plus, il faut être sincèrement honnête, aussi bien dans ses paroles que dans ses actes, et obéir au parti communiste en toute chose. Par exemple, il faut aider les plus démunis. Ce qui rapporte le plus, c’est d’aider les handicapés. Au village, on n’en avait qu’un. On lui faisait les courses, la cuisine, le ménage… Mais il est mort l’année dernière. »

260 villes chinoises pilotes testent le système de crédit social

A une vingtaine de kilomètres de là, Rongcheng, la municipalité dont Ximujia dépend ainsi que 860 autres villages, est une cité côtière proprette et plutôt prospère. C’est aussi l’une des 260 villes chinoises pilotes testant le « système de crédit social » : un ensemble de mesures qui visent à améliorer le sens civique des citoyens, des entreprises et des administrations.

Ce programme, que l’ensemble des municipalités du pays devront avoir mis en place d’ici à la fin 2020, fait couler beaucoup d’encre en Occident. Notes de comportements décernées à chacun en fonction de ses moindres faits et gestes, listes noires mettant au ban de la société les mauvais éléments, usage de mégabases de données, d’applications de géolocalisation et de caméras à reconnaissance faciale… La description qu’en font la plupart des observateurs étrangers donne des frissons : l’un des plus puissants régimes au monde serait devenu un empire totalitaire de la surveillance high-tech, où chaque citoyen serait espionné en permanence, noté en fonction de son comportement, puis rétribué ou sanctionné en conséquence. Un Etat Big Brother, omniscient et omnipotent, tout droit sorti du roman 1984, de George Orwell. Au vu du durcissement du régime chinois sous l’égide du président Xi Jinping, de l’absence d’Etat de droit et de l’utilisation déjà avérée des nouvelles technologies pour traquer la dissidence, ce scénario pourrait bien se concrétiser dans quelques années. Pour des dizaines de millions de Chinois sur liste noire, il prend déjà des allures de cauchemar. Mais le reste du dispositif, avec son système de notation, de récompenses et de sanctions, est – heureusement – encore très loin d’un programme bien huilé qui aurait fait basculer la Chine dans la science-fiction. Il existe autant de programmes que de villes pilotes, souvent artisanaux… et pas toujours efficaces.

Des habitants notés selon leur comportement

A Ximujia, les habitants vivent plutôt dans la Chine de Mao que dans la Chine 2.0. Les critères de notation des citoyens sont expliqués sur une première affiche accrochée au mur du bureau exigu du chef du village (l’équivalent d’un maire). C’est lui qui a la responsabilité de noter les habitants. Chaque individu de plus de 18 ans démarre avec un stock de 1 000 points, soit la note A. Puis son comportement lui fera gagner ou perdre des points, ce qui aura des incidences sur son mode de vie. S’il est rétrogradé en A– (de 999 à 960 points) ou s’il atteint les niveaux A+ (1001 à 1029), AA (1030 à 1049) ou AAA (plus de 1050), il sera plus ou moins prioritaire pour obtenir des prêts à taux réduit, des promotions au sein du parti, accéder à certains emplois, écoles ou appels d’offres… S’il tombe en B (959-850), il aura toujours accès à ces opportunités, mais passera après les autres. En revanche, une dégringolade en catégorie C (849 à 600) et D (599 et moins) lui fermera de nombreuses portes.

Une deuxième affiche liste les bonnes et mauvaises actions qui influent sur la note. On y apprend que représenter le village à des compétitions sportives du district rapporte deux points à partir de soixante heures par an. Un enfant qui s’engage dans l’armée ? Cinq points par parent et par an. Aider une personne malade ou handicapée pendant plus de six mois ? Vingt points, le maximum ! A l’inverse, jeter ses ordures n’importe où fait perdre cinq points et vendre des contrefaçons, vingt points.

D’une ville pilote à l’autre, les systèmes de notation diffèrent

Ainsi à Hangzhou, la capitale de la province du Zhejiang, l’échelle des points est-elle comprise entre 560 à 750. A Suzhou, ville du Jiangsu, entre 0 et 200. Et les politiques d’incitation varient aussi. A Fuzhou, dans le Jiangxi, un bon niveau de crédit social permet une procédure administrative accélérée à l’hôpital ou lors du contrôle technique annuel des véhicules. A Weihai, dans le Shandong, il donne droit à l’installation gratuite d’un compteur d’eau. A Wuhu, dans l’Anhui, à l’utilisation gratuite des courts de tennis les matins de la semaine, et à un don de bouteilles d’eau dans les attractions touristiques locales ! En revanche les listes de comportements répréhensibles se ressemblent. Elles dressent un inventaire à la Prévert des petites incivilités et les grosses malversations les plus courantes en Chine : fumer en zone non-fumeur, jeter ses ordures sur la voie publique, ne pas traverser au passage pour piétons, mais aussi fonder une école sans avoir de diplôme, monter une arnaque téléphonique, mettre en danger la vie d’autrui en vendant des produits de mauvaise qualité...

Imposer un sens moral à la société

Par le crédit social, le pays tente d’imposer un sens moral à la société entière. Et de remédier ainsi à l’épidémie de défiance généralisée qui l’affecte. C’est ce qu’explique Lin Junyue, en sirotant un thé vert dans un café de la périphérie de capitale. Cet idéologue du parti est considéré comme l’un des « pères » du crédit social. Il travaille sur ce concept depuis plus de vingt ans. « Selon une récente étude de l’Académie des sciences sociales, 70 % des Chinois ne font confiance ni à leurs compatriotes ni aux institutions publiques », affirme-t-il. Tout le monde, en Chine, garde à l’esprit une longue liste de scandales sanitaires : lait contaminé à la mélamine, vaccins frelatés écoulés dans des dizaines d’hôpitaux, huiles usagées récupérées dans les égouts des restaurants puis réutilisées en cuisine… Les escroqueries sont monnaie courante et les cas de maltraitance en maison de retraite ou dans des jardins d’enfants sont souvent dénoncés sur les réseaux sociaux chinois comme Weibo et WeChat où la parole est un peu plus libre que dans la presse.

En cause, notamment, l’ouverture brutale et sans régulation du pays à l’économie de marché. « Quand la Chine était gouvernée par des principes purement communistes, il y avait un contrôle très strict, analyse Lin Junyue. Après les réformes d’il y a trente ans, il n’y avait plus beaucoup de principes moraux, c’était le chaos. Alors il fallut instaurer un système en lequel les gens puissent avoir confiance et que redoutent ceux qui commettent de mauvaises actions. » Réponse du gouvernement : un programme intitulé shehui xinyong (« crédit social »), le mot crédit en mandarin étant composé des caractères xin (« confiance ») et yong (« utiliser »).

Le document officiel par lequel le Conseil des affaires d’Etat a lancé le projet en 2014 affichait clairement la couleur : « Les gens de confiance peuvent marcher tranquillement sous les cieux, ceux qui ne sont pas dignes de confiance ne peuvent pas faire un seul pas. » Un principe visant en premier lieu les entreprises car, pour Pékin, moraliser les affaires, c’est aussi relancer une économie qui montre des signes de ralentissement depuis cinq ans. « La Chine veut à tout prix dynamiser ses PME, explique Kendra Schaefer, spécialiste du crédit social au cabinet de conseil sino-anglosaxon Trivium China. Or, comme les banques ne font pas confiance aux entreprises, elles n’accordent de prêts qu’aux gros conglomérats d’Etat, car même s’ils sont peu rentables, ils détiennent, contrairement aux PME, des actifs immobiliers pour garantir leur emprunt. Le crédit social a donc d’abord été conçu pour rassurer les organismes prêteurs. »

Même les entreprises reçoivent une note de crédit social

Wenming chengshi ! Ces termes signifiant « ville civilisée » sont omniprésents sur les affiches de propagande placardées dans les rues de Suqian. Et c’est en matière de notation des entreprises que cette ville pilote de cinq millions d’habitants est la plus avancée. ‘Suqian Tongchuang Credit Guarantee’ est l’un des vingt organismes municipaux habilités à leur donner une note de crédit social. « Nous la calculons en fonction de nombreux critères, récite une employée. L’entreprise a-t-elle déjà enfreint la loi ? Paie-t-elle ses factures à temps ? Respecte-t-elle les normes environnementales ? Cette note sera pour la firme une belle façon de rassurer ses interlocuteurs. » Or, pour l’instant, ce système embryonnaire ne semble pas convaincre grand monde. Même pas ‘Suqian Tongchuang Credit Guarantee’ ! Au deuxième étage se trouve le département chargé d’accorder des prêts aux entreprises. Ici, plutôt que de se fier à une note de crédit, on préfère tenir ses clients à l’œil. Un écran géant retransmet en direct les images des caméras de surveillance installées dans diverses usines. « Nos prêts sont garantis par les stocks ou par l’outil de production de nos clients, explique l’un des employés. Alors, si jamais un patron indélicat tente de tout liquider avant de disparaître dans la nature, nous le savons immédiatement. »

La confiance ne se décrète pas…. Mais le gouvernement chinois n’a pas dit son dernier mot. Il est en train de rassembler, sur une même plateforme, les informations dont ses administrations, à tous les échelons, disposent sur chaque entreprise du pays : données financières, fiscales, rapports d’inspection en matière de sécurité et de protection de l’environnement, condamnations judiciaires… Un projet titanesque ! Peu importe le temps que cela prendra, Pékin veut que les services publics disposent, à terme, d’un outil commun pour réguler le comportement des entreprises. Et actionner quand nécessaire le châtiment suprême : le classement sur liste noire.

La liste noire, une quasi mort sociale

Ces fameuses listes sont à ce jour le volet le plus avancé du système de crédit social. Principe : une entreprise qui a commis une grave infraction (évasion fiscale, mise en danger de la santé publique…) est blacklistée par l’administration qui l’a constatée (le fisc, bureau des affaires sanitaires…). Mais cela ne s’arrête pas là : elle est pénalisée par l’ensemble des organismes publics auxquels elle a à faire. Lui tombent dessus des inspections en matière de sécurité plus fréquentes, des droits de douane plus élevés, elle ne peut plus participer aux appels d’offres... Quant à ses responsables – et même dans certains cas tous ses cadres dirigeants – non seulement leur note individuelle de crédit social est affectée, mais ils risquent aussi de se retrouver sur liste noire à titre personnel. Une quasi mort sociale.

« Chefs d’entreprise, ma mère et mon père sont tous les deux blacklistés, parce qu’ils ont été condamnés à s’acquitter d’une dette de quatre-vingts millions de yuans (dix millions d’euros), contractée auprès de leurs proches et leurs relations d’affaires, et qu’ils ne peuvent rembourser qu’au compte-gouttes », raconte Chester, 24 ans, qui vit à Shenzhen et qui, pour éviter d’être repéré, témoigne sous son prénom anglais. Depuis 2013, la Cour suprême chinoise tient en effet une « liste noire des personnes non fiables ne s’étant pas conformées à une décision de justice », sur laquelle se trouvent bon nombre de gens condamnés à rembourser de l’argent. « Le nom de mes parents et leurs numéros de téléphone ont été publiés sur le site www.creditchina.gov.cn et, à partir de là, ils ont été sans cesse harcelés », poursuit Chester. Couvrir les « éléments non fiables » de honte, leur faire perdre la face, est un des points clés du système. Aujourd’hui, ses parents ont renoncé à avoir le téléphone. Acheter une nouvelle carte SIM ne leur aurait servi à rien : il faut présenter sa carte d’identité, laquelle est équipée d’une puce électronique, pour le faire. Le nouveau numéro aurait été immédiatement publié. « Une fois de temps en temps, ils en empruntent un pour m’appeler, mais je ne peux quasiment plus parler avec eux », soupire-t-il. Ses parents, qui habitent à 2 000 kilomètres de chez lui, n’ont par ailleurs plus le droit de prendre l’avion ou le TGV, de rénover leur maison ou de séjourner dans un hôtel haut de gamme. Ceci tant qu’ils n’ont pas tout remboursé. En l’absence de loi sur les faillites, ils sont responsables sur leurs deniers personnels. « Est-ce que je vais me retrouver sur liste noire moi aussi ? se demande Chester. Est-ce que pour le restant de mes jours, tout l’argent que je vais gagner va servir à rembourser les dettes de mes parents ? »

En juin 2019, quatorze millions de personnes, soit 1 % de la population chinoise, se trouvaient sur la liste noire de la Cour suprême. Cette liste n’étant qu’une parmi de nombreuses autres : celle des personnes s’étant mal comporté dans l’avion, celle des fraudeurs du fisc, celle des coupables d’escroqueries téléphoniques… « Et il y en aura de plus en plus, explique Kendra Schaefer. Car le gouvernement a demandé à toutes les instances auxquelles citoyens et entreprises sont confrontés (chambres de commerce, entreprises de big data, établissements financiers, médias, organismes sociaux) de leur fournir des informations en vue de création de listes. »

Maître Wang (le nom a été changé) est un avocat basé à Shanghai. Une dizaine de ses clients sont blacklistés. « Une fois qu’on se trouve sur une de ces listes, il n’y a aucun recours, s’offusque-t-il. Faire appel ? Impossible, la Cour dira “Payez d’abord !” » Pour lui, ce dispositif est une mauvaise réponse à un vrai problème d’application des peines : « Les tribunaux n’ont souvent pas les moyens de s’assurer que les amendes ou dommages et intérêts sont bien payés, explique-t-il. Alors les listes noires deviennent l’outil à tout faire : si vous ne payez pas tout de suite, on vous met dessus. Mais bien souvent, cela empêche les gens de gagner de l’argent, donc de rembourser. C’est contre-productif. Cette mesure, censée encourager le civisme et l’harmonie, risque au contraire de susciter la frustration et la haine. »

D’autant que, dans un régime autoritaire comme la Chine, les risques d’abus d’un système comme le crédit social sont nombreux. Déjà, on constate qu’il est utilisé comme moyen de pression politique. A Rongcheng, faire la promotion de « croyances féodales » (expression floue laissant une large place à l’arbitraire) fait perdre vingt points (tandis que les dénoncer en rapporte cinq). Et si l’on est soupçonné de sympathies pour Falungong, une secte bouddhique interdite depuis 1999, on tombe directement en catégorie C, celle des « individus non fiables ».

La pression marche : comme l’a révélé en septembre dernier le New York Times, trois compagnies aériennes américaines (American Airlines, Delta Air Lines et United Airlines) ont cessé de présenter, sur leur site Internet, Taiwan comme un pays indépendant, parce que la Chine, qui revendique ce territoire, les avait menacés de faire baisser leur note de crédit social. « Parmi tous les scénarios futurs, le plus pessimiste est que ce système va donner au régime une arme redoutable contre les entreprises ou les citoyens », affirme Kendra Schaefer. Comme pour les entreprises, Pékin est en train de mettre en place un dossier de crédit social centralisé pour chaque individu résidant dans le pays. Lequel contiendra la note attribuée par sa municipalité de résidence, mais aussi des centaines de données issues de – et accessibles à – toutes les administrations du pays.

Le crédit social n’inquiète pas les Chinois

Mais pour l’heure, le crédit social n’a pas l’air d’inquiéter grand monde. A Rongcheng, un couple de trentenaires et leur jeune garçon se délassent sur une promenade goudronnée de frais, le long d’un bras de mer. Le père participe régulièrement à des activités bénévoles qui rapportent des points : le mercredi, par exemple, il fait la circulation à la sortie de l’école de son fils. « C’est motivant, dit-il. Grâce à ma note, je peux emprunter des livres à la bibliothèque sans laisser de caution ! » Pour lui, ce système rend aussi la ville plus sûre. « Par exemple, dans un lieu sensible comme la centrale nucléaire où je travaille, pour être recruté il faut avoir un très bon crédit », explique-t-il.

Certes, il est difficile de recueillir une parole libre sur ce sujet (à Rongcheng, la police a empêché nos journalistes de travailler dès qu’ils ont été repérés), mais la majorité des gens rencontrés ne semblaient pas choqués par le crédit social. Beaucoup n’y voyaient qu’une énième campagne de propagande pour encourager les comportements vertueux, dont les slogans font désormais partie du paysage. « Faire un petit pas en avant, c’est un grand pas pour la civilisation », annonce ainsi le panneau situé au-dessus de la plupart des urinoirs de Chine. Et le fichage et les contrôles, les Chinois sont habitués ! « Entre les années 1950 et 1990, les gens avaient un dang’an, un dossier géré par leur unité de travail, qui les suivait toute leur carrière et pouvait contenir des données personnelles, décrypte Séverine Arsène, spécialiste française des questions de gouvernance digitale en Chine, basée à Hongkong. En général, ils n’y avaient pas accès. Et si, tout à coup, on leur refusait un poste ou de monter en grade, ils pouvaient s’imaginer que “quelqu’un” avait écrit “quelque chose” dans leur dang’an. C’était un dispositif opaque. » Le crédit social, lui, se veut transparent. Comme la carte d’identité chinoise à puce, qui permet aujourd’hui à la police de suivre à la trace la population : il est obligatoire de la passer dans un lecteur pour tout séjour à l’hôtel, voyage à l’étranger, achat de billet de train ou de carte SIM, ces informations étant immédiatement consignées dans un dossier digitalisé.

Mais ce qui empêche le crédit social d’inquiéter les foules, c’est sans doute qu’il est tout juste en phase de rodage. A Suzhou, dans un bâtiment banal à la façade crème, un centre accueille les dons du sang. En théorie, dans cette ville, cet acte bénévole rapporte six points de crédit social pour 200 millilitres. Mais dans la grande salle où une vingtaine d’hommes allongés regardent leur téléphone en attendant que leur sang s’écoule dans une poche, personne n’est au courant. Sur le trottoir d’en face se trouve un des bureaux en charge du crédit social qui, en matière d’informations, n’est pas mieux loti … « Nous ne recevons la liste des personnes ayant donné leur sang que de temps en temps, avoue Shi Yongjin, le chef du bureau, en chemise et pantalon de survêtement. D’après le Suzhou Daily, le journal officiel de la ville, pour le moment, seuls trente services municipaux sur soixante-dix transmettent les données qu’ils ont collectées.

Le crédit social ne fonctionne pas encore à plein régime

Tout comme ces caméras qui prennent en photo les passants traversant au rouge à plusieurs carrefours de Suzhou et affichent leur visage en gros plan sur écrans géants. « Elles sont strictement dissuasives pour le moment, assure Shi Yongjin. Les gens photographiés ne perdent pas de points, mais un jour cela arrivera. » Parmi ces dispositifs qui se multiplient dans les rues de Shanghai, Pékin et ailleurs, les rares qui exhibent l’identité du passant contrevenant ne le font pas en temps réel. « Les algorithmes de reconnaissance faciale ne sont pas encore assez puissants et la marge d’erreur est trop grande, remarque Leng Biao, professeur de vision artificielle à l’université Beihang de Pékin. Vérifier l’identité d’une personne qui se tient sagement face à l’objectif alors qu’elle passe sa carte d’identité dans un lecteur, c’est facile. Mais comparer le visage de quelqu’un qui aurait la tête légèrement baissée, un peu loin des caméras, dans une rue mal éclairée, avec les photos présentes sur 1,4 milliard de cartes d’identité, c’est impossible. » Pour le moment.

Mais il y a fort à parier que, lorsque les technologies de reconnaissance faciale, dont la Chine est en train de s’équiper à marche forcée, seront pleinement opérationnelles, les autorités n’hésiteront pas à les employer, et pas seulement pour couvrir de honte les étourdis qui traversent au rouge. Quelque 400 millions de caméras sont déjà là, installées dans les rues du pays, prêtes à contribuer à l’éducation des citoyens modèles dont rêve Pékin.

📸 En images : en Chine, dans les villes pilotes du crédit social.

’La fabrique des citoyens modèles en Chine’, un grand reportage de Simon Leplâtre (texte) et Gilles Sabrié (photos) paru dans le magazine GEO de février 2020 (n°492, Saint-Pétersbourg).

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Source : https://www.geo.fr/voyage/chine-comment-sopere-la-fabrique-de-citoyens-modeles-200358

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    Le Système de crédit social en vigueur en Chine d’après Wikipédia
    Pour la théorie économique, voir Crédit social.

Le système de crédit social (chinois : 社会信用体系 ; pinyin : shèhuì xìnyòng tǐxì ; litt. « système [de] confiance [en la] société »1) est un système de notation des entreprises et citoyens chinois ou résidents mis en place par le gouvernement de la république populaire de Chine, inspiré partiellement du « Credit score (en) » des États-Unis.

Principe - Ce projet du gouvernement chinois vise à mettre en place un système national de réputation des citoyens2 et des entreprises3, inspiré du score de crédit des États-Unis (en)2,3, en y ajoutant un système de récompenses et de pénalités pour ceux respectant ou ne respectant pas les règles édictées3. Chacun d’entre eux se voit attribuer une note, échelonnée entre 350 et 950 points4, dite « crédit social », fondée sur les données dont dispose le gouvernement à propos de leur statut économique et social5,6,7,8. Le système repose sur des outils de surveillance globale et de surveillance de masse, et utilise les technologies d’analyse du big data9, afin d’établir un réseau de « confiance » (守信, shǒuxìn) et de réduire les possibilités de fraudes pouvant être commises par les entreprises et les citoyens3. En 2018, selon Foreign Policy, il ne s’agit pas d’un système orwellien, mais d’un système visant à pousser entreprises et citoyens à respecter leurs obligations légales (remboursement des dettes en bloquant par exemple les achats de produits de luxe ou des billets de voyage, respect de la législation sanitaire, conformité des produits, etc.)10. Toutefois, selon plusieurs sources11,12,13,14,15, le système de crédit social est également un instrument politique, destiné à étouffer les critiques du régime et notamment prévenir de possibles dissidences politiques, jusque sur Internet, avec par exemple le système d’évaluation individuel en ligne Sesame Credit.

Historique

Genèse du projet - L’idée du « crédit social » prend forme dans les années 2000. Lin Junyue, l’un de ses théoriciens, est nommé ingénieur en chef d’une équipe de travail à la demande du gouvernement : « des entreprises américaines avaient demandé de créer des outils pour en savoir plus sur les entreprises chinoises auxquelles elles voulaient passer commande. Avec mes collègues, nous avons donc fait des voyages d’étude aux États-Unis et en Europe, et nous avons compris qu’il nous fallait construire mieux que ça : un système solide pour documenter la solvabilité des citoyens et des entreprises chinoises. Notre rapport, baptisé « Vers le système national de gestion de crédit », est sorti en mars 2000, juste avant les [réunions des] deux Assemblées. Le terme « crédit social » est apparu en 2002, quand un officiel a suggéré une symétrie lexicale avec « la Sécurité sociale ». En 2006, la Banque populaire de Chine adopte le principe américain du credit score2,3.

Lancement de l´expérimentation en 2014 - La première mention connue du projet remonte à la publication du rapport State Council Notice concerning Issuance of the Planning Outline for the Construction of a Social Credit System (2014–2020) par le Conseil des affaires de l’État de la république populaire de Chine le 14 juin 201416,17,18. Rogier Creemers, post-doctorant et chercheur au Programme for Comparative Media Law and Policy de l’université d’Oxford, publie alors une traduction du document.

L’objectif de cette initiative, selon le schéma de programmation, est « la sensibilisation à l’intégrité et à la crédibilité au sein de la société ». Le système de crédit social est présenté comme un moyen important de parfaire l’économie socialiste de marché (完善社会主义市场经济体制) ainsi que de renforcer et renouveler la gouvernance de la société (加强和创新社会治理). Le système de crédit social est un exemple de l’approche chinoise dite « de haut-niveau » (顶层设计). Il est coordonné par le Central Leading Small Group for Comprehensively Deepening Reforms. Selon le « schéma de programmation pour la Construction d’un Système de Crédit Social (2014-2020) » émis par le Conseil des affaires de l’État de la république populaire de Chine, le système doit poursuivre quatre objectifs : « l’honnêteté dans les affaires du gouvernement » (政务诚信), « l’intégrité commerciale » (商务诚信), « l’intégrité sociétale » (社会诚信), et « une justice crédible » (司法公信)19. Si la couverture médiatique a d’abord porté principalement sur la notation des citoyens, qui relève de « l’intégrité sociétale », les plans du gouvernement chinois prévoient d’aller au-delà et d’inclure des scores de crédit pour toutes les entreprises opérant en Chine20.

Entre autres choses, le système de crédit social est destiné à fournir une réponse au problème de manque de confiance sur le marché chinois. Ses partisans soutiennent que cela va aider à éliminer les difficultés telles que les problèmes de sécurité alimentaire, de fraude, et les marchandises de contrefaçon21.

En juillet 2017, il n’existe que peu d’informations concrètes sur la façon dont ce système pourrait fonctionner dans la pratique22. Plusieurs tests du système ont cependant lieu, à l’échelle locale, ainsi que dans des secteurs spécifiques de l’industrie. Ainsi à Shanghai une application utilise le logiciel de reconnaissance faciale pour parcourir les dossiers du gouvernement, et note les utilisateurs en conséquence23. Ceux-ci peuvent ensuite accéder à leur score et le publier via les réseaux sociaux24. Ces notes se fondent notamment sur le comportement des citoyens chinois en ligne.

170 millions de caméras de vidéosurveillance sont déjà installées en Chine en 2017, et leur nombre doit croître jusqu’à 400 millions en 2020. Grâce au système de reconnaissance faciale, le visage et l’identité des piétons traversant hors des passages cloutés sont affichés sur écran géant jusqu’au paiement de leur amende25.

Début des tests et de la mise en œuvre à partir de 2018 - Le gouvernement chinois annonce en mars 2018 qu’une phase de test débute dans le secteur des transports en mai 2018. À cette date, un certain nombre d’incivilités entraîneraient la baisse de la note du citoyen, ce qui lui interdirait de voyager en train et en avion26,27. Selon le quotidien Le Monde, plusieurs millions de citoyens se sont déjà vu imposer des restrictions de transport depuis 2013 « pour n’avoir pas exécuté la décision de justice à laquelle ils ont été condamnés »28.

Le projet peut prendre différentes formes selon les villes dans lesquelles il est expérimenté. Selon Lin Junyue, « À Suqian, le respect du code de la route est apparu comme essentiel dans la notation. À Rongcheng, on se concentre sur la moralité, le civisme. À Hangzhou, on bâtit une réputation de ville innovante et connectée »2.

Généralisation en 2020 - Depuis 2020, ce système est appliqué à l´ensemble de la république populaire de Chine, mais sans un standard national29,30.

Analyses….

Lire la totalité de cet article sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_de_cr%C3%A9dit_social

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    La Chine, premier régime totalitaire numérique de l’Histoire  ? – Par Cédric Canton- - 15 novembre 2022 – Document ‘Usbek & Rica’
    Avec ses mécanismes de surveillance orwelliens, de nombreux spécialistes craignent que la Chine, déjà critiquée pour sa répression féroce des Ouïghours, n’opère un glissement vers un régime totalitaire numérique. Dans quelle mesure cette crainte est-elle légitime  ? Décryptage par Cédric Canton, fidèle lecteur d’Usbek & Rica et auteur de l’essai Nos destins communs (2021).

Photo - Caméras de surveillance à Chongqing, en Chine, en décembre 2019. Shutterstock

Avec des références à la série Black Mirror ou aux œuvres dystopiques d’Orwell et Huxley, le système de crédit social fait régulièrement la Une des médias. Créé en 2014 par Lin Junyue et le Conseil des Affaires d’Etat, le système de crédit social – ou « shehui xinyong tixi » – naît dans un contexte général de crise de confiance et d’affaiblissement des structures de contrôle social traditionnelles, comme les unités de travail ou le permis de résidence. 

Il s’agit alors avant tout pour la Banque populaire de Chine de vérifier la solvabilité des citoyens et des entreprises, puis de pénaliser les mauvais payeurs — les « laolai ». Mais le système s’étend rapidement du pan privé au public, dans l’objectif de « renforcer les valeurs socialistes et la morale citoyenne » par « l’éducation et la culture ».

« Cette mise en conformité sociale et politique des citoyens réalise le fantasme de tout régime totalitaire, d’un contrôle presque total. Bref, un totalitarisme 2.0 » - Chloé Froissart, sinologue

Depuis son arrivée au pouvoir en 2013, le président Xi Jinping multiplie les coups de force et octroie à sa pensée une valeur constitutionnelle. Sa lutte anticorruption lui permet d’éliminer nombre d’opposants et de commuer son mandat en présidence à vie. A son tour, le système de crédit social occasionne d’importantes dérives politiques. Selon la sinologue Chloé Froissart, « la Chine ne reconnaît pas le principe d’égalité des citoyens. Les individus ont l’obligation de se conformer aux attentes de l’Etat sur ce que signifie être un bon citoyen. Sinon, ils sont rétrogradés dans la citoyenneté. Cette mise en conformité sociale et politique des citoyens réalise le fantasme de tout régime totalitaire, d’un contrôle presque total. Bref, un totalitarisme 2.0.  »

Un modèle de citoyenneté à points

De 2014 à 2020, les autorités chinoises mettent le système de crédit social à l’essai dans une quarantaine de gouvernements locaux, avec des particularités entre les provinces et les municipalités. Elles suivent globalement le même schéma de citoyenneté à points, dont le capital augmente ou diminue selon le comportement et les vertus de chacun. Le site officiel du système, ‘creditchina’, promeut lui-même ces exigences morales par le biais de contes et de fables. Cette forme de pouvoir biopolitique serait à la croisée des pensées ancestrales chinoises du confucianisme et du légisme.

Dans la ville de Changsha, capitale de la province du Hunan, chaque citoyen commence avec huit cents points. Son capital augmente s’il fait du bénévolat pour la Ligue de la jeunesse communiste, gagne un prix scientifique, donne son sang ou fournit des indications à la police : mais il diminue s’il traverse en dehors des passages pour piétons, mange dans le métro, rompt avec la discipline du Parti communiste ou abuse du système de pétitions. Les individus mal notés connaissent des restrictions pour les emplois publics et ne peuvent inscrire leurs enfants dans des écoles privées. Quant aux personnes jugées « gravement malhonnêtes », elles sont mises sur une liste noire nationale rendue publique et ont l’interdiction de voyager en TGV ou d’effectuer des transactions immobilières : récemment, plus de 17 millions de Chinois auraient reçu l’interdiction de prendre l’avion. L’objectif revendiqué par les autorités politiques est « de faire en sorte que les gens honnêtes soient récompensés à chaque action et que les malhonnêtes ne puissent pas bouger d’un pouce », quitte à humilier les individus mis sur listes noires en affichant leurs visages sur des tableaux géants ou à leur assigner une sonnerie de téléphone spécifique.

« Il y a une collusion entre le Parti communiste chinois et les géants de l’intelligence artificielle » - Laurent Alexandre, Haut fonctionnaire, chroniqueur, écrivian et militant politique

Pour Laurent Alexandre, Haut fonctionnaire, chroniqueur, écrivain et militant politique, il y a là « une collusion entre le Parti communiste chinois et les géants de l’intelligence artificielle pour opérer le contrôle social de la population ». Car en s’appuyant sur le secteur privé et les données personnelles qu’il acquiert, les autorités pénètrent aisément dans l’intimité de leurs sujets.

La surveillance numérique

Si de nombreuses vidéos et images laissent penser que la Chine assurerait une surveillance instantanée et automatique grâce à des caméras de reconnaissance faciale, comme c’est le cas avec les télécrans de la dystopie orwellienne, cette approche reste quelque peu fantasmée : si les autorités chinoises ont recours aux notions de morale et d’autodiscipline, c’est justement parce qu’il ne faut pas surestimer leurs capacités coercitives. De 2014 à 2020, le système de crédit social n’est pas instantané, les données sont remontées mensuellement par les administrations locales, et seules les notes personnelles globales des individus placés sur listes noires sont communiquées à l’échelon national. 

La Chine serait déjà équipée d’environ 170 millions de caméras de surveillance, et les seules villes de Pékin et Hangzhou en auraient chacune plus de 600 000

Pour autant, l’intelligence artificielle et les mécanismes de surveillance qu’elle nourrit se développent de façon exponentielle, et beaucoup de spécialistes craignent que la Chine ne devienne, à terme, le premier régime totalitaire numérique. Selon plusieurs journalistes, la Chine serait déjà équipée d’environ170 millions de caméras de surveillance, et les seules villes de Pékin et Hangzhou en auraient chacune plus de 600 000. Si certaines de ces caméras sont effectivement dotées de technologies de reconnaissance faciale, les autorités peuvent également s’appuyer sur les réseaux sociaux internes du pays. Les BATX — Baïdu, Alibaba, Tencent et Xiaomi — participent en effet à la surveillance et au contrôle des 800 millions d’internautes, dans un pays où tout, comme les paiements, se déroule sur le net. Associant le Big data au Big Brother, l’Etat chinois s’est d’ailleurs appuyé sur ces données numériques pour arrêter plus d’un million de Ouïghours, depuis 2017.

Des partenariats avec les groupes privés

Le système de crédit social s’est progressivement développé chez les acteurs privés, sous la forme de notes de fidélité octroyant des avantages matériels aux individus les mieux notés — ceux qui jouissent d’un salaire élevé ou ont l’habitude de rembourser leurs prêts.

Un véritable marché a vu le jour et certaines applications, comme Crédit Sésame, comptent plusieurs centaines de millions d’utilisateurs. Mais si les Occidentaux usent eux aussi d’indicateurs et de notes (Google reviews, Uber…), la distinction entre les pans privé et public du système de crédit social chinois est poreuse. Les autorités concluent des partenariats avec des entreprises comme Tencent ou Alibaba, pour associer à un comportement public une sanction ou une récompense privée : schématiquement, un citoyen « vertueux » pourra recevoir un avantage financier.

« Le but final du crédit social, c’est que les Chinois intègrent ces règles, et qu’ils deviennent, sans en avoir conscience, les petits soldats que le Parti aimerait qu’ils soient » - Hu Jia, dissident chinois

Ces règles et accords sont contenus dans des Memorandums of Understanding (MOU), et le document établi par la Cour populaire suprême à destination de ses partenaires compte trente-deux types de punitions pour les « personnes faisant l’objet de mesures pour comportements malhonnêtes  ». Or, si bon nombre d’incitations ont objectivement des vertus sociales appréciées des Chinois, certaines sont politiquement orientées. Elles visent à faire intérioriser de manière inconsciente, douce, des normes qui renforcent le contrôle social du Parti.

« Avoir A-, c’est mal, mais c’est de ma faute, je n’ai pas bien agi. Maintenant je me comporterai mieux (…) Qd on va se faire des amis ou avoir des relations d’affaires, on pourra consulter leurs notes et savoir si on peut leur faire confiance » #CreditSocial #Chine #EnvoyeSpecial pic.twitter.com/MBw81wZssP - Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) October 10, 2019

Ces règles et accords sont contenus dans des Memorandums of Understanding (MOU), et le document établi par la Cour populaire suprême à destination de ses partenaires compte trente-deux types de punitions pour les « personnes faisant l’objet de mesures pour comportements malhonnêtes  ». Or, si bon nombre d’incitations ont objectivement des vertus sociales appréciées des Chinois, certaines sont politiquement orientées. Elles visent à faire intérioriser de manière inconsciente, douce, des normes qui renforcent le contrôle social du Parti.

Sur un plan politique, un citoyen gagne des points s’il fait preuve d’orthodoxie à l’égard de la pensée de Xi Jinping, et en perd s’il discute sur les réseaux avec des opposants au régime ou propage de « fausses rumeurs ». Mais quelle valeur ont les « fausses rumeurs » au sein d’un Etat dont les autorités ont pris l’habitude de trafiquer les chiffres depuis l’ère maoïste  ? Pour Hu Jia, un dissident chinois qui a reçu le prix Sakharov de l’UE en 2008, après avoir passé près de trois ans et demi en prison, «  le but final du crédit social, c’est que les Chinois intègrent ces règles, et qu’ils deviennent, sans en avoir conscience, les petits soldats que le Parti aimerait qu’ils soient  ». Les despotismes les plus efficaces sont parfois ceux qui ne le laissent pas transparaître.

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ConfuciusCliquer pour agrandir

Comment les réflexions d’un homme vivant en Chine à l’époque des présocratiques (6ème siècle avant JC) peuvent-elles encore nous être utiles aujourd’hui ? Partons à la recherche de la ’voie’ dont l’unique but est de nous conduire à ’mieux connaitre les hommes’.

Avec Anne Cheng Sinologue, titulaire de la chaire « Histoire intellectuelle de la Chine » au Collège de France.

Les Entretiens de Confucius se lisent comme un poème méditatif qui fait lever les yeux vers la lune tout en ancrant les pieds solidement au sol. L’être humain, l’étude, les rites, la musique, l’art de gouverner, l’ambition, la décadence, l’exaspération… tous les aspects de la vie humaine y sont commentés sous forme de paragraphes très courts et résolument philosophiques.

Le texte du jour - Confucius dit : « La Voie règne sous le Ciel lorsque les cérémonies rituelles, la musique et les expéditions punitives sont dirigées par le Fils du Ciel en personne. La Voie ne règne plus si elles sont prises en main par les vassaux, lesquels restent rarement au pouvoir plus de dix générations. Si elles se trouvent dévolues aux grands ministres, ceux-ci ne restent guère plus de cinq générations au pouvoir. Enfin, si la charge de l’Etat est usurpée par les intendants des grandes maisons, leur pouvoir ne saurait se maintenir plus de trois générations. Lorsque la Voie règne sous le Ciel, ce n’est pas aux ministres de décider de la politique et les simples sujets n’ont pas lieu de la discuter. »

Extrait - Confucius, film de Hu Mei, 2010, avec Chow Yun-Fat

Références musicales : Ensemble Hijiri-Kai, Rembo nagashi - Roman Tam, Confucius Says

Photo - Anne Cheng © Radio France - AR

Anne Cheng

L’équipe - Adèle Van Reeth Production - Antoine Ravon Collaboration - Ariane Mintz Collaboration - Géraldine Mosna-Savoye - Production déléguée Nicolas Berger – Réalisation Olivier Bétard – Réalisation Marianne Chassort - Collaboration

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/qui-etait-confucius-9427957

Épisode 2/4 : L’importance des rites - Mardi 03 janvier 2017 - Provenant du podcast Les Chemins de la philosophie – 50 minutes

En compagnie de Rémi Mathieu, nous explorons aujourd’hui les méandres d’une sagesse qui n’abandonne jamais le souci du bon gouvernement.

Avec Rémi Mathieu directeur de recherche émérite au CNRS

Née dans une période troublée - celle des ’Printemps et des Automnes’, qui voit le pouvoir central s’affaisser au profit de puissants royaumes rivaux - la pensée confucianiste est marquée par l’inquiétude de la politique. En retour, et avec son institutionnalisation par la dynastie Han à partir de -202, c’est toute la civilisation chinoise que vient structurer la doctrine de Confucius. Mais comment les textes confucianistes abordent-ils le rapport à la politique ? C’est à travers la notion de rite (禮, lĭ) - chargée de garantir le respect dans les relations interpersonnelles, la moralité de l’éducation, et la bienveillance du souverain - que le Maitre et ses disciples envisagent le corps social.

Le texte du jour - « Mencius dit : « Le peuple est ce qu’il y a de plus précieux, les autels des dieux du Sol et des Moissons viennent en deuxième et le souverain en dernier. Ceux qui gagnent la confiance du fils du Ciel deviennent des princes feudataires ; ceux qui gagnent la confiance des princes feudataires deviennent des grands dignitaires. Si les princes feudataires mettent en danger les dieux du Sol et des Moissons, on les remplace ; si les animaux sacrificiels sont gras et forts, les céréales sacrificielles, abondantes et pures, les offrandes rituelles, célébrées au moment prescrit, et que surviennent néanmoins des sécheresses ou inondations, ce sont les autels aux dieux du Sol et des Moissons qui sont remplacés ».

Meng zi, VII B14 -327, in Philosophies confucianistes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, trad. Charles Le Blanc, p.528

Lectures :

 Meng zi, VII B14 -327, in Philosophies confucianistes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, trad. Charles Le Blanc, p.528

 Xun zi, « Traité sur les rites », in Philosophies confucianistes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, trad. Rémi Mathieu, p.1094

Extraits : - Confucius, de Hu Mei, 2009 - Epouses et concubines, de Zhang Yimou, 1991

Références musicales : Wencheng Lu , Autumn moon on placid lake - Concert Musiques des Reunions Confuceennes Bagua - Tricot Machine, Défier les rites - Liang Tsai-Ping, Han ya hsi sui

Rémi MathieuPhoto : Rémi Mathieu © Radio France

L’équipe - L’équipe - Adèle Van Reeth Production - Antoine Ravon Collaboration - Ariane Mintz Collaboration - Géraldine Mosna-Savoye - Production déléguée Nicolas Berger – Réalisation Olivier Bétard – Réalisation Marianne Chassort – Collaboration

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Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/l-importance-des-rites-6652519

Épisode 3/4 : Qu’est-ce que le ren ? Mercredi 04 janvier 2017 - Provenant du podcast Les Chemins de la philosophie – Enregistrement de 51 minutes

Écoutez Alexis Lavis nous expliquer la conception si singulière de l’homme de Confucius.

Avec Alexis Lavis philosophe, professeur à l’Université Renmin de Pékin

Confucius, qui cherche à développer le ’sens de l’humain’, le ren, est-il un humaniste ? Attention à ne pas confondre l’humanisme d’un Montaigne, par exemple, et celui d’un Confucius : être humain, c’est savoir se tenir dans une hiérarchie.

Le texte du jour - « Kao Tzeu dit : ’La nature est comme une eau qui tourbillonne. Qu’on lui ouvre la voie vers l’orient, elle coulera vers l’orient ; qu’on lui ouvre la voie vers l’occident, elle coulera vers l’occident. La nature humaine ne discerne pas le bien du mal, de même que l’eau ne discerne pas l’orient de l’occident.’ Mencius dit : ’Il est vrai que l’eau ne fait nulle différence entre l’Orient et l’Occident ; mais n’en fait-elle pas entre le haut et le bas ? La nature de l’homme tend au bien comme l’eau tend à couler vers le bas. Tout homme est bon comme l’eau tend toujours à descendre. Cependant, si en frappant l’eau, vous la faites jaillir, elle pourra dépasser la hauteur de votre front ; si vous l’arrêtez dans son cours et la refoulez, vous pouvez la faire demeurer sur une montagne. En cela, obéira-t-elle à sa tendance naturelle ? Elle obéira à la force. Lorsque l’homme est déterminé à faire le mal, c’est sa nature qui est violentée. »

 Mencius, le Meng Tzeu, dans Les Quatre Livres, trad. Séraphin Couvreur, Kuangchi Press, 1972

Extrait : - Confucius, film de Hu Mei, 2010

Lectures :

 Mencius, le Meng Tzeu, dans Les Quatre Livres, trad. Séraphin Couvreur, Kuangchi Press, 1972

 Montaigne, Les Essais, II, 12 (Quarto Gallimard, 2009) p 590-591

Références musicales :

 Liszt, 12 études d’exécution transcendante

 Micko Miyazaki et Guo Gan, Bonbons chinois et bonbons japonais

 Chris Jennings, Left turn signal

Alexis LavisCliquer pour agrandir la photo d’Alexis Lavis © Radio France - MC

L’équipe - L’équipe - Adèle Van Reeth Production - Antoine Ravon Collaboration - Ariane Mintz Collaboration - Géraldine Mosna-Savoye - Production déléguée Nicolas Berger – Réalisation Olivier Bétard – Réalisation Marianne Chassort – Collaboration

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/qu-est-ce-que-le-ren-5989627

Épisode 4/4 : Confucianisme vs taoïsme - Jeudi 05 janvier 2017 – Enregistrement de 51 minutes

Alors, confucianiste ou taoïste ? Faites votre choix, en écoutant le très didactique Alexis Lavis en parler.

Avec Alexis Lavis philosophe, professeur à l’Université Renmin de Pékin

Comment habiter au sein de la Voie ? Confucius dit : il faut suivre la Tradition. Lao Tseu dit : il faut se couler dans la ‘mouvementation’ du monde. Leur point commun : le moi doit s’effacer.

Le texte du jour - « L’éparpillement et la confusion engendrent l’excès, qui engendre à son tour le trouble et la peine. Or, il n’y a pas de remède à ce genre de trouble. Jadis, les hommes accomplis se laissaient d’abord pleinement habiter par la Voie et ensuite seulement ils tentaient d’y faire séjourner les autres êtres. Si tu n’es pas pleinement habité par la Voie, comment te serait-il possible de rectifier les actes d’un tyran ?

Sais-tu véritablement comment l’on devient infidèle à la Voie ? Sais-tu seulement où l’intelligence prend sa source ? Le souci du renom détruit la fidélité à la Voie et l’intelligence s’origine dans un combat. La renommée, c’est la mise à bas des hommes entre eux, et l’intelligence est l’arme de cette lutte. Gloire et intelligence sont des choses bien funestes dont il faut se déprendre pour garder ses pas sur la Voie.

Quand bien même tes dispositions seraient belles, ta foi parfaitement ferme, ta réputation sublime et tes qualités d’argumentateur bien aiguisées, si tu ne comprends pas l’esprit des hommes, ta volonté de remettre un tyran dans le droit chemin à l’aide de sermons n’est qu’une façon d’utiliser sa vilenie pour mettre en valeur ton excellence et assurer ta propre gloire. Humilié, le prince te déclarera nuisible aux hommes et on te nuira en retour pour cette raison. Et suppose qu’il soit le genre de souverain qui apprécie le talent et méprise les hommes de peu, comment pourras-tu te distinguer parmi les esprits brillants qui l’entourent ? Si tu n’oses plus lui adresser aucun reproche, ce prince continuera à écraser les autres et nourrir ainsi son triomphe. Impressionné, tu finiras par te soumettre, ne sachant plus quoi répondre et adoptera sa façon d’agir. À terme, ton cœur même sera corrompu. »

Zhuangzi, Le Livre intérieur, Livre IV, trad. Alexis Lavis, dans La Voie du Tao, Pocket, 2010, p.67-68

Extraits :

 Confucius, film de Hu Mei, 2010

 Les Chinois à Paris, film de Jean Yanne, 1974

Lectures :

 Zhuangzi, Le Livre intérieur, Livre IV, trad. Alexis Lavis, dans La Voie du Tao, Pocket, 2010, p.67-68

 Laozi, Dao De Jing, chapitre XVI, cité dans (et traduit par) Alexis Lavis, L’espace de la pensée chinoise, Oxus, 2010, p.37

 Agir sur le monde naturel ? (Dao De Jing, LVII)

Références musicales :

 Norgard, I ching The gentle the permanent pour percussion

 Cui Jian, Rock’n roll on the new long march

 Yang Lining, Fleurs de prumus

 Guy Lombardo, Confucius Say

 Zhou, Five elements : earth

 Chihei Hatakeyama, Threads echoing far away from sea coasts

Alexis LavisCliquer pour agrandir la photo d’Alexis Lavis © Radio France - MC

Emission en partenariat avec ‘Philosophie Magazine’

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Cliquer pour agrandir l’illustration - Portrait de Lao Tse (Lao-Tse ou Lao-Tseu, Lao Tseu surnomme ’vieil enfant’ ou ’maitre Lao’), philosophe chinois qui aurait vécu au 6e siècle av JC. Dessin à l’encre sur papier anonyme Collection privée ©AFP - FineArtImages/Leemage

Enregistrements provenant des podcasts : Les Chemins de la philosophie

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Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/confucianisme-vs-taoisme-5865000

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