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"D’autres regards sur le débat en cours entre la prédiction de l’effondrement de notre civilisation (ou collapsologie) et les promesses et dangers d’un futur imaginé par les partisans du transhumanisme qui veulent promouvoir le concept d’un « Homme augmenté »" par Jacques Hallard

vendredi 5 mars 2021, par Hallard Jacques


ISIAS Philosophie Sociologie

D’autres regards sur le débat en cours entre la prédiction de l’effondrement de notre civilisation (ou collapsologie) et les promesses et dangers d’un futur imaginé par les partisans du transhumanisme qui veulent promouvoir le concept d’un « 
Homme augmenté »

Jacques Hallard , Ingénieur CNAM, site ISIAS – 04/03/2021

Plan du document : Page d’humour Introduction Sommaire Auteur

« La collapsologie est un courant de pensée transdisciplinaire apparu dans les années 2010 qui envisage les risques d’un effondrement de la civilisation industrielle et ses conséquences ».

« Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer la condition humaine notamment par l’augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains ».


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Introduction

Ce dossier réunit quelques contributions qui apportent des éléments sur le débat en cours autour des mots clefs effondrement et collapsologie, d’une part, et transhumanisme, d’autre part. Des auteurs très impliqués sur ces sujets ont été choisis.

Tout d’abord Patrick Williams tente de questionner ses lecteurs du grand public : « Plutôt transhumaniste ou collapsologue ?

Antoine Buéno essayiste et écrivain français, spécialiste de l’utopie, de l’environnement et des nouvelles technologies ; il travaille en tant que conseiller au Sénat où il est chargé du suivi de la commission du Développement durable et de la délégation à la Prospective

Sous l’égide su ‘Courrier du CNRS’, Jean Mariani, professeur émérite à Sorbonne Université, spécialiste des neurosciences qui dirige actuellement l’Institut de la Longévité et Danièle Tritsch, professeure de l’université Pierre-et-Marie-Curie à Paris, procèdent à une analyse générale et approfondie de ces sujets un peu ‘à la mode’, et décrits comme allant « de l’illusion à l’imposture ».

Serge Champeau, philosophe et chercheur à l’Instituto de Gobernanza Democratica en Espagne aborde la collapsologie et le transhumanisme, traités comme des philosophies de l’histoire contemporaine.

Consultant indépendant et observateur passionné des grandes mutations contemporaines, Jeremy Hornung fait un décryptage pluridisciplinaire de la collapsologie et du transhumanisme qu’il considère comme des « récits jumeaux sur la fin des temps ». Il conclut ainsi : « Une chose est certaine cependant, transhumanisme et collapsologie sont des mythologies de notre temps. Il n’appartient qu’à nous de ne pas en être les jouets passifs, mais de nous en emparer pour en déployer toute la puissance créatrice.

Fabien Soyez renvoie un peu dos à dos les collapsologues et les transhumanistes en soulignant « les dangers d’un futur mythifié entre l’effondrement et l’homme augmenté ».

Dans une vidéo, le collapsologue strasbourgeois Christophe Anna expose son engagement en annonçant « qu’il consacre 100% de son temps à sauver la vie sur Terre ».

Finalement Pablo Servigne, ingénieur agronome de Gembloux Agro-Bio Tech (Belgique) et docteur en sciences de l’université libre de Bruxelles (ULB), auteur et conférencier français passionné et convaincu : il s’intéresse tout particulièrement aux questions de transition écologique, d’agroécologie, de collapsologie et de résilience collective. Pour lui : ’On vit une crise cardiaque du modèle industriel globalisé’.

Pour accompagner ces contributions, nous avons intercalé quelques définitions de base et proposé des séries d’articles sur ces sujets qui ont été postés sur les sites ISIAS et ‘yonne lautre’.

Les documents sélectionnés pour ce dossier, conçu avec une visée didactique, sont ordonnés et présentés dans le sommaire ci-dessous.

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Sommaire

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Si vous aimez Yuval Noah Harari, l’auteur de « Sapiens » et de « Homo Deus », vous allez adorer Antoine Buéno. Cet essayiste de 42 ans vient d’écrire « Futur. Notre avenir de A à Z » (éd. Flammarion), qui s’avère LE livre de prospective incontournable. Une somme dans laquelle il répond à toutes les questions que l’on peut se poser. Et Dieu sait qu’elles sont nombreuses en cette période d’incertitudes. Notre civilisation va-t-elle s’effondrer ? La fin du travail est-elle pour bientôt ? Quelle est la menace réelle du réchauffement climatique ?...        

Ce passionné de science-fiction – il a enseigné l’utopie à Sciences-Po –, membre de la délégation sénatoriale à la prospective, a accompli un travail inédit : il a épluché tous les livres, tous les rapports, confronté toutes les thèses pour nous offrir une synthèse enlevée et à la lecture limpide. Car Buéno n’est pas qu’un rigoureux prospectiviste – même si tout le monde ne partagera pas ses analyses, on ne peut que reconnaître le sérieux de son livre –, c’est aussi un esprit plein d’humour et de facétie. Il a signé il y a quelques années un essai poilant, « Le Petit Livre bleu », où il comparait l’univers des Schtroumpfs à une société totalitaire (ce qui lui valut une polémique et des menaces de mort !). Nous avons interrogé cet auteur ‘schtroumpfement’ intéressant – et qui n’a rien d’une Cassandre – pour recueillir, à l’aube de cette nouvelle année, ses prévisions pour le futur. Accrochez-vous !

À quoi ressemblera le monde de l’après-Covid ?               

« Grâce à l’apparition des vaccins, les épidémiologistes ont bon espoir que la situation actuelle s’améliore. D’ici quelques mois, on pourrait sortir peu à peu de la crise sanitaire. En revanche, nous allons peut-être avoir du mal à reconnaître le monde d’après. En effet, un peu comme cela s’est passé durant les deux guerres mondiales, la crise du Covid a accéléré des tendances qui n’étaient qu’en germe et favorisé le passage d’une société à une autre. Ainsi, certaines des applications du numérique, qui n’étaient encore que marginales, sont devenues des phénomènes de masse : télétravail, télé-enseignement, explosion du e-commerce au détriment du commerce traditionnel... La prédominance des Gafa est totale et la Chine pourrait bientôt détrôner les États-Unis comme première puissance mondiale. Autant de changements qui vont durablement bouleverser notre existence et face auxquels il sera difficile de revenir en arrière. Pendant que nous avions les yeux rivés sur la guerre sanitaire, la planète était en train de se transformer à marche forcée. »

Le réchauffement climatique est-il inéluctable ?               

« La gravité du réchauffement climatique est incontestable. Si rien n’est fait pour lutter contre les gaz à effet de serre, la Terre pourrait atteindre ce que les scientifiques appellent un “point de rupture“, c’est-à-dire un moment où la situation bascule, devient hors de contrôle. Canicules, feux de forêt, désertification, montée des eaux, famines, destruction de la biodiversité... On assisterait à la montée du chaos dans les pays du Sud et à des mouvements migratoires énormes vers les pays du Nord. Ceux-ci pourraient se transformer en régimes autoritaires défendant agressivement leurs frontières. Mais ce scénario n’est pas inéluctable. Car il ne tient pas compte du fait qu’il est encore possible de mettre en place une transition environnementale “molle“, c’est-à-dire insuffisante mais non négligeable, ensuite éventuellement relayée par le progrès technologique. D’ici à trente ans, il devrait ainsi être possible de capter massivement le CO2 atmosphérique pour le stocker dans le sous-sol ou le recycler. Une telle possibilité, que l’on appelle la géo-ingénierie, aurait le pouvoir de stopper le réchauffement climatique, voire de le renverser. Mais bien sûr, ce scénario dépend de notre capacité à tout faire contre le réchauffement dès aujourd’hui. »

Le travail va-t-il disparaître ?               

« C’est sans doute le sujet où il y a le plus d’incertitudes. Certes avec la robotisation, on peut imaginer la fin du travail, comme l’a annoncé Jeremy Rifkin. Selon l’étude de Frey et Osborne, d’ici à 2034, près de la moitié des emplois américains seront automatisés. Mais c’est compter sans les nouveaux emplois qui vont être créés par la transition environnementale et la révolution technologique. Un rapport de Dell avance, lui, que 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Pour tâcher de limiter le réchauffement climatique, il faudra refonder entièrement l’économie : développer l’agriculture durable, isoler les bâtiments, endiguer la montée des eaux, construire de nouvelles centrales, des parcs éoliens, etc. L’humanité a encore du pain sur la planche pour s’occuper dans les décennies qui viennent. En revanche, elle devrait se retrouver au chômage quand nous verrons l’avènement des robots polyvalents et de l’intelligence artificielle forte. Dans une économie où il n’y aurait plus d’emplois et plus de revenus, la seule solution serait alors de redistribuer la richesse produite par les machines. Ce serait l’avènement du socialisme ou du communisme ! »

L’intelligence artificielle va-t-elle nous supplanter ?               

« L’intelligence artificielle est bien sûr le grand sujet des années à venir. Mais pour l’instant, l’IA que nous connaissons, dite “faible“, est plutôt débile ! Elle est hyper spécialisée et ne résout que des tâches extrêmement précises. Le logiciel Deep Blue peut battre le champion du monde des échecs mais ne pourrait pas l’emporter aux morpions face à un enfant de 5 ans. Rien à voir avec l’intelligence humaine, qui est généraliste, polyvalente. Bien sûr, cela n’empêche pas l’IA faible de prendre toujours plus de décisions à notre place, dans notre vie personnelle, économique, administrative. Demain, c’est un algorithme qui nous trouvera nos amis, établira notre régime alimentaire, choisira nos loisirs, nos études, notre conjoint. Il faut ajouter à cela la révolution des implants cérébraux qui pourraient éliminer les dépressions profondes, soigner Alzheimer, Parkinson, etc. La société Neuralink d’Elon Musk a ainsi l’ambition de doper les capacités cognitives de l’humanité au moyen de puces cérébrales. Mais le grand changement viendra de l’IA forte ! Les chercheurs prévoient en effet qu’en 2075, il y aura 90 % de chances d’avoir une machine intelligente de niveau humain. Celle-ci pourrait nous aider à fusionner avec elle, comme le rêvent les transhumanistes, ou nous remplacer, comme dans “2001, l’Odyssée de l’espace“. Faut-il s’en effrayer ? Pas si l’IA nous rend meilleurs ou s’avère plus humaine que nous ne le sommes… »

Le futur a-t-il un avenir ?               

« Le débat sur le futur est aujourd’hui confisqué par deux extrémismes, la collapsologie et le transhumanisme. Mon livre tente de les départager. Les collapsologues sont persuadés que le monde va s’effondrer en raison de la crise environnementale et énergétique. Les transhumanistes pensent, eux, que grâce à la révolution technologique, nous sommes sur le point de devenir des dieux... Dans les deux cas, il y a une part de vrai. La crise environnementale pourrait rayer l’humanité de la carte et le potentiel de la révolution technologique donne le vertige. Mais les discours collapsologue et transhumaniste sont exagérés ! Le scénario de l’effondrement de la civilisation n’est pas le plus probable et l’immortalité, par exemple, n’est pas pour demain ! Ce qui les apparente davantage à des croyances qu’à des projections pleinement rationnelles. Notre avenir se situe quelque part entre effondrement et transcendance technologique. »

Magazine ELLE : magazine feminin mode, beauté, cuisine

ELLE.FR – Arborus

Source : https://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/Pour-le-futur-vous-etes-plutot-transhumaniste-ou-collapsologue-3895641

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1Bis. Informations sur Antoine Buéno d’après Wikipédia

Antoine Buéno, né à Boulogne-Billancourt en 19781, est un essayiste et écrivain français.

Biographie - Antoine Buéno est diplômé de l’université Paris II Panthéon-Assas et de l’Institut d’études politiques de Paris (2001)2.

Il est spécialiste de l’utopie, qu’il a enseignée à Science-Po, de l’environnement et des nouvelles technologies, sur lesquelles il travaille en tant que conseiller au Sénat chargé du suivi de la commission du Développement durable et de la délégation à la Prospective.[réf. souhaitée]

Auteur d’un abécédaire de prospective, de romans d’anticipation, de pamphlets polémiques (sur Les Schtroumpfs, l’abstention ou la démographie) et d’exercices de style satiriques (sur la droite ou l’éducation), il a également écrit pour le théâtre avant de se lancer sur scène dans l’adaptation de l’un de ses livres.

Dans les médias, Antoine Buéno a collaboré à Nova Magazine avant de devenir chroniqueur télé (Paris Première, LCI, Cap 24, France 2), radio (France Inter, Fréquence Paris Plurielle, Europe 1) et analyste politique (Huffington Post, France Info, CNews, LCI).

Il a créé en 2005 un prix littéraire, le prix du Style3.

Essais polémiques

En 2011, Antoine Buéno publie Le Petit Livre bleu qui analyse la société des Schtroumpfs comme un archétype d’utopie totalitaire empreinte de stalinisme et de nazisme. Cet essai suscite une polémique en France et à l’étranger[réf. nécessaire]4,5. En réponse aux critiques, Antoine Buéno précise que son livre est la première vraie monographie consacrée aux Schtroumpfs, mais que sa démarche n’est « pas dépourvue d’autodérision. »6

En 2017 sort No vote ! Manifeste pour l’abstention, préfacé par Michel Onfray. Dans le contexte de l’élection présidentielle, cet essai est aussi passablement médiatisé7,8. Il présente l’abstention comme un mouvement politique capable de se structurer pour devenir une force de pression et obtenir une démocratisation des institutions représentatives.

En 2019, avec Permis de procréer, il défend l’idée que l’on peut défendre les droits de la nature, des enfants et des femmes en mettant en place un contrôle des naissances fondé sur un contrat de parentalité à l’échelle nationale, capable de lutter contre la maltraitance infantile, et un marché mondial des droits à procréer destiné à financer le planning familial et l’éducation des filles partout dans le monde.

Romans

En 2000, Antoine Buéno publie son premier roman, L’Amateur de libérines, ouvrage dans lequel il dépeint l’atmosphère mentale d’un narrateur aussi cynique et matérialiste que paumé pour lequel le monde se réduit à sa plus simple expression biologique et physique.

Avec Spectateurs (2002), conte manga, Buéno présente la fable déjantée et absurde d’un anti-héros en quête d’affirmation de soi.

Dans Le Triptyque de l’asphyxie (2005), il développe une triple utopie, passée, présente et future, celle d’un dément qui réunit un public féminin pour lui délivrer un message messianique, d’une chercheuse qui analyse la société des Schtroumpfs et d’une émission de télé-réalité où des candidats au suicide viennent s’exécuter devant des millions de téléspectateurs.

En 2009, il publie Le Soupir de l’immortel9,10 avec une triple intrigue (amoureuse, politique et policière) se déroulant cinq siècles après Ford (XXVe siècle) dans un Paris peuplé d’immortels, d’intelligences artificielles, d’OGM et d’hologrammes publicitaires. Un univers à la rencontre du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley et d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.[réf. nécessaire]

En 2014 sort Le Maître bonsaï, surprenant conte environnemental qui, au travers du portrait de cet étranger qu’est le Maître bonsaï, un être énigmatique coupé de tout, seulement obnubilé par l’entretien de ses petits arbres, s’interroge sur la violence humaine et le danger qu’elle fait courir à la planète. En 2016, Le Maître bonsaï reçoit le grand prix des lectrices de la Plume Martraise, prix organisé par la bibliothèque municipale de Martres-Tolosane11.

Article complet à lire sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Bu%C3%A9no

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  • Antoine Buéno : « Le futur est à chercher entre l’effondrement et le transhumanisme » Par Pierre Maurer - Le 05 février 2021 – Document ‘publicsenat.fr’
    ’Le discours sur l’avenir est confisqué par les partisans du transhumanisme et de l’effondrement’

Antoine Buéno est écrivain et conseiller au Sénat. Il suit notamment les travaux portant sur les questions de développement durable. Des extraterrestres au climat, en passant par la politique, les religions ou le sexe, son nouveau livre passe en revue tous les grands enjeux d’avenir. Futur : notre avenir de A à Z (Flammarion, 2020), prend la forme d’un dictionnaire de 672 pages.

Comment vient-on à s’intéresser au futur ?

Je m’intéresse au futur depuis que je suis enfant. Ce qui me passionnait c’était les robots, l’espace et les dinosaures. C’est toujours vrai mais désormais je m’y intéresse différemment. Depuis que je suis adulte, je me rends compte que dans notre monde, nous sommes obligés de nous projeter, d’essayer d’anticiper.

Qu’est-ce que la prospective ?

Le travail de la prospective est double : à la fois essayer d’imaginer ce qui va être plus tard, mais sans prétention à l’exactitude. Au contraire, c’est toute la différence entre un prospectiviste et un prophète : le prophète vous dit ce qu’il sera d’une manière certaine alors que le prospectiviste vous explique qu’il a toutes les chances de se tromper. Mais s’il arrive à anticiper quelques tendances, il n’est déjà pas si mauvais. Et puis l’autre intérêt des projections prospectives, c’est d’être des alertes et de faire des projections dont on espère qu’elles ne se réaliseront pas. Un excellent prospectiviste peut être quelqu’un qui a suffisamment alerté le monde pour éviter que telle ou telle tendance n’aille pas jusqu’au bout.

Pourquoi consacrer un dictionnaire à notre avenir ?

Je me suis aperçu que ça n’existait pas. Il est extrêmement difficile de trouver des réponses à des questions importantes qui se posent tous les jours comme celles du développement durable. N’est-ce pas antithétique de parler de développement durable ? Et pourtant la question est fondamentale. Mais il est très difficile de trouver une réponse à cette question, et c’est vrai pour tous les grands enjeux du futur. L’envie d’essayer de trouver les questions me tenaillait. Je ne les avais jamais vues toutes rassemblées dans un même ouvrage et c’est de là qu’est née l’idée d’en faire un dictionnaire du futur. Cela a l’avantage de permettre à chacun d’aller puiser ce qu’il ou elle cherche parmi les 40 notions qui sont traitées. Cela va de l’agriculture à l’alimentation, en passant par le virtuel, la génétique, le transhumanisme etc. C’est très pratique et ça n’interdit pas non plus de créer un cadre d’analyse général des scénarios possibles de notre avenir.

Un fil conducteur traverse-t-il l’ouvrage ?

Oui, c’est le constat que la parole sur l’avenir est aujourd’hui confisquée par deux discours un peu extrémistes qui sont ceux du transhumanisme et de l’effondrement, la collapsologie. D’un côté le transhumanisme nous explique que, très rapidement, la science et la technologie vont faire de nous des véritables dieux et vont régler tous nos problèmes, de manière un peu magique. Et de l’autre côté, les collapsologues, les effondristes nous expliquent que notre environnement ne sera pas durable et que notre civilisation thermo-industrielle va s’effondrer. C’est un peu « No future ». Ces discours sont aujourd’hui dominants mais je me suis aperçu qu’ils n’étaient pour autant pas des plus crédibles.

Comment envisagez-vous notre avenir ?

Le plus probable est au contraire un discours modéré, intermédiaire entre les deux. Par exemple, ça donnerait un discours qui expliquerait que la crise environnementale est un immense danger, peut-être le plus grand défi qu’il va nous falloir relever dans les décennies à venir, mais que l’effondrement n’est pas forcément inéluctable. Et d’un autre côté, ce serait un discours qui défende que la science et la technologie sont en train de révolutionner nos vies, mais que les grandes révolutions ne sont pas pour demain. D’ici là, on vivra donc dans un monde intermédiaire : entre effondrement, qui ne sera pas totalement un effondrement, et singularités, c’est-à-dire une explosion technologique, mais pas tout à fait non plus.

En somme c’est ramener beaucoup de nuances, sans rejeter ces deux discours. C’est le fait de pousser le discours trop loin que je remets en cause. Pas le fondement même de chacun de ces discours. Je remets en cause aussi leurs contradictions : je pense que l’on peut être écolo et technophile. J’essaye de porter un discours qui permette de réconcilier prise de conscience environnementale et confiance dans la révolution technologique. Aujourd’hui, il faut nécessairement revoir en profondeur notre rapport à l’environnement, sinon tout est foutu, mais d’un autre côté on ne fera pas sans la science et la technologie.

Le monde actuel va être balayé par la crise environnementale et la révolution technologique. Par l’une plus que l’autre peut-être et c’est tout l’intérêt de la prospective. Le futur reste ouvert et à écrire.

Faut-il impulser plus de politiques de prospective ?

Le Sénat a une délégation à la prospective qui est peu active, et c’est dommage. Mais c’est déjà remarquable d’avoir une telle instance. Elles sont très rares dans le monde. Je pense qu’on ne peut pas se priver de développer une réflexion prospective tournée vers l’action. Si on ne le fait pas, nous serons dépassés dans tous les domaines. Nous sommes obligés d’avoir une réflexion qui ne soit pas uniquement ‘court-termiste’ et dictée par l’actualité pour arriver à se mouvoir dans ce monde de plus en plus interdépendant et de plus en plus complexe.

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Source : https://www.publicsenat.fr/article/societe/antoine-bueno-le-futur-est-a-chercher-entre-l-effondrement-et-le-transhumanisme

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En France, l’étude d’un possible effondrement de la civilisation « thermo-industrielle » est initiée par l’Institut Momentum co-fondé par Yves Cochet et Agnès Sinaï. Ces derniers définissent l’effondrement comme « le processus irréversible à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi3,4 ». La collapsologie est nommée et portée à la connaissance du grand public par Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur essai, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes publié en 20155.

La collapsologie s’inscrit dans l’idée que l’homme altère son environnement durablement, et propage le concept d’urgence écologique, lié notamment au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Les collapsologues estiment cependant que l’effondrement de la civilisation industrielle pourrait provenir de la conjonction de différentes crises : crise environnementale, mais aussi crise énergétique, économique, géopolitique, démocratique, etc.6. La collapsologie se présente comme un exercice transdisciplinaire faisant intervenir l’écologie, l’économie, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, la biophysique, la biogéographie, l’agriculture, la démographie, la politique, la géopolitique, la bioarchéologie, l’histoire, la futurologie, la santé, le droit et l’art7.

Bien que certaines critiques réfutent son caractère scientifique, l’étude des risques d’effondrement civilisationnel est qualifiée de « champ de recherche [scientifique] intégré » par un collectif de chercheurs rassemblé autour d’une équipe de l’Université de Cambridge dédiée à l’étude et l’atténuation des risques d’extinction de l’humanité et d’effondrement civilisationnel8. De nombreux centres de recherche universitaires consacrent des recherches à ce sujet9.

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’Dossier - Palu et Corona : même combat ? Face au quadrilemme (écologie, santé, social, économie), tout reste à faire autrement.’ par Jacques Hallard samedi 16 mai 2020

’Vers une renaissance de la société (Jean Viard), la fraternité avant tout (Cédric Herrou) et lutte contre la pauvreté (Pascal Brice). Culture ouïgoure et Confucius (Anne Cheng et Anne Kerlan). Des actions de ‘Karuna-Shechen’ impulsées en Inde et au Népal par Matthieu Ricard - Transhumanisme Collapsologie.’ par Jacques Hallard dimanche 24 janvier 2021

’Agroécologie ou effondrement : l’expérience brésilienne rapportée par Paulo Petersen et Denis Monteiro pour le programme ‘Agroecology Now !’ du ‘Centre for Agroecology, Water and Resilience’ auprès de l’université britannique de Coventry au Royaume-Uni’ par Jacques Hallard dimanche 28 février 2021

Effondrement Collapsologie en question vendredi 27 octobre 2017 par Yonne Lautre - français

Daniel Tanuro : « Collapsologie : toutes les dérives idéologiques sont possibles » dimanche 23 juin 2019 par Tanuro Daniel - français

Catherine Larrère : « La collapsologie est un renoncement à agir, un refuge, un refus de penser la diversité des possibles » mercredi 2 décembre 2020 par Larrère Catherine - français

Collapsologie & Effondrement dimanche 1er décembre 2019 par Yonne Lautre - français

Yves Cochet : Devant l’effondrement - Essai de collapsologie mardi 24 septembre 2019 par Cochet Yves - français

« Comment tout peut s’effondrer », livre de Pablo Servigne & Raphaël Stevens mardi 1er décembre 2015 par Servigne Pablo , Stevens Raphaël - français

Entretien avec Pablo Servigne & Raphaël Stevens, auteurs du livre « Comment tout peut s’effondrer » mardi 1er décembre 2015 par Rédaction de Yonne Lautre, Servigne Pablo , Stevens Raphaël - français

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  • Transhumanisme : de l’illusion à l’imposture 31.08.2018, par Jean Mariani et Danièle Tritsch – Document ‘lejournal.cnrs.fr’
    Si les technologies sur lesquelles se fondent les transhumanistes – biotechnologies, intelligence artificielle, neurosciences… – progressent à un rythme très rapide, les prédictions annoncées par ce mouvement ne seraient qu’illusoires et fantasmatiques selon les chercheurs Jean Mariani et Danièle Tritsch qui nous invitent à faire la part entre une « économie des promesses » et de réelles avancées scientifiques.

Ce billet a été publié une première fois par le Huffpost, dans le cadre de la journée spéciale menée en partenariat avec le CNRS.

Le transhumanisme est un mouvement qui, en s’appuyant sur les progrès de la biologie et de l’intelligence artificielle, défend l’idée de transformer ou dépasser l’homme pour créer un post-humain, ou un transhumain, aux capacités supérieures à celles des êtres actuels. Cette transformation s’envisage au niveau individuel, mais aussi collectif, conduisant alors à une humanité nouvelle. Différentes facultés physiques ou mentales et cognitives de l’être humain seraient concernées : il verra dans l’obscurité, ne connaîtra plus la fatigue et ne se cassera pas le col du fémur en glissant… Ses capacités intellectuelles seront décuplées et sa mémoire prodigieuse. Équipé d’un exosquelette intelligent, doté de puces dans le cerveau, ce super-homme deviendra plus performant, plus créatif, plus empathique. Son cerveau s’il devient malade sera guéri ou au moins réparé efficacement. Le but ultime ? Fusionner l’homme et l’ordinateur après l’avoir soustrait au vieillissement et à la mort. Illusions, fantasmes, escroquerie, imposture ?
Photo AdobeStock.com

L’immortalité en bonne santé ne fait plus recette

« Vivre 300 ans, ce sera un jour possible », titrait LExpress en 2016, commentant le livre de Luc Ferry, La révolution transhumaniste. « La mort de la mort » a été annoncée par Laurent Alexandre, apôtre zélé de ce courant d’idées. Tout cela n’est que fantasmes. Les avancées de la recherche en biologie et en médecine, en particulier dans le domaine du vieillissement, sont réelles mais actuellement insuffisantes pour nous faire vivre si longtemps. Le vieillissement est inéluctable même s’il y a des espoirs sérieux pour qu’il se déroule en meilleure santé, y compris pour la longévité cérébrale. Hélas, les maladies neurodégénératives conduisent souvent à une perte d’autonomie pour des millions de personnes dans le monde. Pour longtemps encore, on soigne mais on ne guérit pas. Les progrès des cinquante dernières années permettent de bien mieux connaître le cerveau mais ils n’ont entraîné que peu de retombées thérapeutiques. Toutes les prédictions annoncées par les transhumanistes sont, pour le moins, fausses.

L’intelligence artificielle, au cœur de l’actualité

L’intelligence artificielle (IA) est en plein essor. Elle est partout, dans notre quotidien, la politique, les médias et elle bouleverse notre société. L’IA permet d’énormes avancées technologiques dans de nombreux domaines du quotidien, de la santé, du transport… Elle rivalise – voir dépasse – l’être humain dans la réalisation de certaines tâches. N’a-t-elle pas battu le champion du monde au jeu de go ?!

Cet engouement pour l’IA conduit à des allégations extravagantes : Ray Kurzweil, le « pape » de la singularité, affirme que grâce à l’IA, l’être humain pourra réparer son enveloppe fragile vouée au déclin et mieux encore, fusionner son esprit avec la machine pour sauter dans les bras de l’éternité. Pourra-t-on un jour « télécharger » le cerveau d’une personne dans une machine ? Pour cela, il faudrait en connaître le fonctionnement, et élucider les différences interindividuelles entre les cerveaux de deux êtres. L’intelligence artificielle ne peut encore « émuler » un outil aussi compliqué, performant et changeant que le cerveau humain. Le plus grand obstacle n’est pas dans les progrès de l’IA mais dans les limites des connaissances biologiques. Le cerveau de chaque individu est unique, mais la biologie n’a actuellement rien à dire sur le processus d’individuation du cerveau définissant notre « soi » (le self). Transférer l’esprit, les émotions, le sens critique, l’humour ou l’analyse de la pensée d’autrui depuis le cerveau vers une puce afin d’aboutir à une vie éternelle débarrassée d’un cerveau vieillissant, est un fantasme de quelques mégalomanes. Oui, la machine peut être meilleure que l’être humain et mimer un comportement intelligent mais uniquement dans certaines tâches et pas pour tout.

Qu’est-ce que l’intelligence ?

Les dangers sont multiples (pour la protection des données, par exemple), mais l’un des arguments contre le transhumanisme consiste à dire que seuls les plus riches auront accès aux technologies augmentatives (implants neuronaux, prothèses bioniques voire modifications génétiques), leur conférant un avantage indéniable. Certes, les technologies – les NBIC : nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives –, sur lesquelles se fondent les transhumanistes, progressent à un rythme qui devrait conduire à une baisse significative de leur coût (le séquençage de l’ADN en est un exemple). Il reste difficile de ne pas voir apparaître deux catégories d’humains : êtres augmentés ou non ; malades ou en pleine forme, immortels ou simples mortels !

Derrière le mythe transhumaniste s’avance masquée une gigantesque toile d’intérêts économiques.

La tentation eugéniste est forte ! L’eugénisme de l’intelligence humaine considère le quotient intellectuel, le fameux QI, comme un indicateur fiable de l’intelligence et en infère des prédictions très incertaines sur l’héritabilité de celle-ci. Or, l’intelligence est difficile à définir en tant que telle. « Le QI est un curseur, qui mesure UNE des performances de l’intelligence, l’abstraction logico-mathématique et les capacités verbales », estime le professeur Stanislas Lyonnet.

Beaucoup suggèrent que l’intelligence humaine pourrait être bientôt dépassée par l’intelligence artificielle. Cette peur trahit une incompréhension de ce qu’est l’intelligence humaine. Elle est pluridimensionnelle et non linéaire, chaque type de cognition répondant à un besoin spécifique lié à l’adaptation d’un système biologique à son environnement et à une fonction physiologique. La question du support (corps biologique versus puces en silicium) conditionne et « donne un sens » à la nature profonde d’une intelligence. Les applications dérivées du machine learning seront utilisées par l’intelligence humaine mais ne resteront que des outils mis à notre disposition.

Marketing de la peur et économie des promesses
Derrière le mythe transhumaniste s’avance masquée une gigantesque toile d’intérêts économiques. Les transhumanistes sont le pur produit d’une société où les puissances de l’argent, banques, multinationales industrielles et politiques règnent en maîtres. Ils créent une véritable « économie des promesses » que décrit notamment Yves Frégnac1 dans un récent article de revue2 (investissons beaucoup d’argent, et ce sera à la fois la disparition des maladies, un cerveau plus performant, l’éternelle jeunesse et l’immortalité). Néanmoins, depuis peu, certains intérêts privés (Google, Facebook, Microsoft, IBM, Amazon) essayent de définir « les bonnes pratiques », notamment sur les questions éthiques.

Face à ces allégations, il faut prendre un certain recul épistémologique et être conscients de nos biais culturels si nous voulons faire le tri entre les effets d’annonces, les promesses démiurgiques et la réalité des avancées scientifiques. Il ne s’agit pas de refuser d’emblée les implants intracérébraux, la thérapie génique, les prothèses bioniques ou la sélection des cellules souches, mais de rester vigilants quant au rôle systémique des usages qui en sera fait.

À lire :
Ça va pas la tête ! Cerveau, immortalité et intelligence artificielle, l’imposture du transhumanisme, Danièle Tritsch et Jean Mariani, Belin, mars 2018, 240 p., 19 €

Voir aussi notre dossier : « Comment l’intelligence artificielle va changer nos vies »

Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.

Notes :

  • 1. Yves Frégnac est directeur de recherche au CNRS, professeur de sciences cognitives à l’École polytechnique et Centrale-Supélec, directeur de l’Unité de neuroscience, information et complexité (Unic) du CNRS. Plusieurs équipes de son laboratoire sont impliquées dans le programme scientifique européen ‘Human Brain Project’.
  • 2. « Big data and the industrialization of neuroscience : A safe roadmap for understanding the brain ? », Y. Frégnac, Science, 2017, vol. 358 (6362) : 470-477. DOI : 10.1126/science.aan8866
    Mots-clés : transhumain Intelligence artificielle Biotechnologie Neurosciences cerveau progrès technologique intelligence Mythe Gafam immortalité Éthique

Auteurs : Jean Mariani et Danièle Tritsch – Neuroscientifiques

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Photo des auteurs © DR - Jean Mariani et Danièle Tritsch - Neuroscientifiques

Médecin et scientifique, Jean Mariani est professeur émérite à Sorbonne Université où il a codirigé un grand laboratoire de neurosciences et où il dirige actuellement l’Institut de la Longévité. Il a exercé de nombreuses responsabilités dans la politique de recherche française en neurosciences et biologie du vieillissement et jouit d’une grande réputation internationale dans ces domaines. 
Ancienne professeure de l’université Pierre-et-Marie-Curie, Danièle Tritsch y a codirigé un grand laboratoire de neurosciences. Elle a assuré de nombreuses fonctions administratives liées à la recherche et écrit plusieurs ouvrages de vulgarisation à destination des étudiants.

Le mythe de l’humain augmenté 04.12.2014

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Entretien dans Le Journal du CNRS (24 mai 2019) | Antonio A. Casilli

© 2021, CNRS – Source : https://lejournal.cnrs.fr/billets/transhumanisme-de-lillusion-a-limposture

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« Humanisons le transhumanisme ! » par Edgar Morin ; mercredi 9 novembre 2016

’Vers une renaissance de la société (Jean Viard), la fraternité avant tout (Cédric Herrou) et lutte contre la pauvreté (Pascal Brice). Culture ouïgoure et Confucius (Anne Cheng et Anne Kerlan). Des actions de ‘Karuna-Shechen’ impulsées en Inde et au Népal parMatthieu Ricard - Transhumanisme Collapsologie.’ par Jacques Hallard ; dimanche 24 janvier 2021

’A propos du transhumanisme L’Homme augmenté dans un monde recomposé’, dossier de Jacques Hallard ; vendredi 21 octobre 2016

’Vers une renaissance de la société (Jean Viard), la fraternité avant tout (Cédric Herrou) et lutte contre la pauvreté (Pascal Brice). Culture ouïgoure et Confucius (Anne Cheng et Anne Kerlan). Des actions de ‘Karuna-Shechen’ impulsées en Inde et au Népal par Matthieu Ricard - Transhumanisme Collapsologie.’ par Jacques Hallard ; dimanche 24 janvier 2021 par Hallard Jacques - français

Transhumanisme en question : une idéologie infantile ? vendredi 17 août 2018 par Yonne Lautre - français

Course au Cyborg dans le Monde jeudi 7 juin 2018 par Yonne Lautre - français

Pièces et main d’œuvre ou l’enquête critique sur la technocratie lundi 24 octobre 2016 par Pièces et main d’œuvre, Rédaction de Yonne Lautre - français

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  • Philosophies de l’histoire contemporaines. 1. Collapsologie et transhumanisme Par Serge Champeau - 27 septembre 2019

    https://www.telos-eu.com/static/img/print-button.pngDocument ‘telos-eu.com’
    Il y a toujours eu des idéologues pour proclamer la fin des idéologies. Les historiens et philosophes sont heureusement là pour nous rafraîchir la mémoire. Serge Audier, dans une récente étude (L’âge productiviste), rappelle opportunément que le développement des sciences et des techniques, du XVIIIe siècle à nos jours, s’est accompagné d’une production idéologique abondante et variée. On a eu tendance, en effet, à oublier que les divers discours progressistes (libéraux, technocratiques ou socialistes) ont toujours cohabité avec ceux, tout aussi divers (réactionnaires, utopiques ou humanistes) qui remettaient en cause la croyance dans les bienfaits du progrès et attiraient l’attention sur les dégâts infligés par l’homme à la nature.

On peut faire un constat similaire s’agissant de la science historique. Les progrès bien réels de celle-ci sont loin d’avoir éliminé les discours qui s’aventurent au-delà des limites de la scientificité, ceux que l’on nomme traditionnellement, parce qu’ils tentent d’interpréter le sens du devenir humain pris dans son ensemble, philosophies de l’histoire. Le transhumanisme, depuis quelques décennies, la collapsologie, plus récemment, ou bien encore ce que l’on pourrait nommer le néoprogressisme (dont le meilleur représentant est sans doute Steven Pinker) s’inscrivent dans la continuité des philosophies de l’histoire des XVIIIe et XIXe siècles, tout en mobilisant de nouveaux outils scientifiques pour décliner de manière originale les cinq thèmes qui étaient au centre de celles-ci : (1) l’idée d’une fin de l’histoire (l’effondrement de la civilisation, le dépassement de l’homme, etc.) ; (2) le caractère plus ou moins nécessaire ou contingent du processus qui conduit l’histoire vers sa fin ; (3) la manière dont l’action humaine s’inscrit dans ce processus (pour le réaliser, l’accélérer, le retarder, etc.) ; (4) le statut de cette interprétation d’ensemble du devenir (s’agit-il d’une synthèse des sciences existantes, d’une nouvelle science surplombant celles-ci, d’une hypothèse philosophique heuristique, etc. ?) ; enfin (5) l’étayage sur des savoirs scientifiques existants (la théorie de l’évolution, celle des systèmes complexes, etc.).

La collapsologie est l’un de ces discours philosophiques sur l’histoire, dont on pourrait dire qu’ils sont à la fois de basse intensité (au sens où ils sont dépourvus du raffinement conceptuel dont faisaient preuve les grandes philosophies de l’histoire du passé, celles de Kant, Hegel, Comte ou Marx) et de haute efficacité (comme en témoignent la diffusion rapide et la popularité des thèses des collapsologues en France, ou des transhumanistes aux États-Unis ou encore, partout dans le monde, le succès médiatique des ouvrages néoprogressistes de Pinker ou de Harari).

P. Servigne et R. Stevens, dans Comment tout peut s’effondrer (Le Seuil, 2015) et dans Une autre fin du monde est possible (en collaboration avec G. Chapelle, Le Seuil, 2018) soutiennent les cinq thèses suivantes :

1. Notre civilisation « thermo-industrielle » va, très probablement, vers un effondrement (défini comme l’état où les besoins de base ne seront plus satisfaits pour une majorité de la population).

2. Le cours de l’histoire humaine est à la fois contingent et nécessaire. Contingent, parce que certains ont engagé l’humanité dans une voie qui n’était pas la seule possible ; nécessaire, car cette contingence a été « verrouillée » : le retour en arrière est désormais impossible (les auteurs font appel aux concepts de path dependance ou de piège abscons, selon lesquels l’adoption arbitraire d’un système même sous-optimal, tel le clavier AZERTY, peut rendre très difficile tout retour en arrière). La figure du destin, chez ces auteurs, n’est plus la simple nécessité, mais la contingence devenue nécessité.

3. L’action humaine, dans une telle philosophie de l’histoire, a tout au plus le statut d’une « étincelle » (censée déclencher l’effondrement final : « stopper net la production et la consommation d’énergies fossiles, ce qui mène à un effondrement économique et probablement politique et social, voire à la fin de la civilisation thermo-industrielle ») ; ou, après l’effondrement, celui de gestionnaire d’une éventuelle survie ou d’une renaissance hypothétique de la civilisation (les auteurs, qui ne cachent pas leurs doutes à ce sujet, semblent souvent tentés davantage par la « résignation spirituelle » individuelle).

4. Le statut de cette interprétation de l’histoire est tantôt, comme dans le premier ouvrage, celui d’une science (collapso-logie), mais d’une science d’un type nouveau (« holiste »), pensée comme une synthèse surplombant toutes les sciences existantes (qui, parce que partielles, sont incapables de s’élever au niveau du déterminisme global et de comprendre que le système, du fait de sa haute complexité, est condamné à s’effondrer) ; tantôt, comme dans le second ouvrage (où les auteurs préfèrent désormais parler de collapso-sophie), plutôt celui d’une philosophie censée nous faire accéder à une vérité supérieure, par des méthodes différentes de celles de la science traditionnelle (la science holiste fait appel à l’intuition, à l’émotion et à l’imagination, que les experts, selon les auteurs, auraient tort de négliger).

5. Ce discours interprétatif, enfin, prend ses appuis sur diverses disciplines scientifiques (la théorie des systèmes complexes, le concept de path dependance, etc.).

Les spécialistes n’auront évidemment pas de peine à repérer le détournement et l’exploitation dont ces savoirs scientifiques font l’objet (le concept de système complexe, par exemple, outrageusement simplifié, est réduit à l’idée selon laquelle plus un système est complexe, plus il est fragile). En réalité, ce ne sont pas des savoirs scientifiques qui sous-tendent cette philosophie de l’histoire, mais le postulat naïf d’un déterminisme global (contre lequel, faut-il le rappeler, nos sciences se sont construites), qui permet aux auteurs d’assimiler les phénomènes les plus divers (crise de l’énergie, crise financière, terrorisme, pandémies, etc.) en les rapportant à une cause unique : « le système » qui, parce que global, est complexe, et parce que complexe est voué à l’effondrement (« un immense effet domino que personne ne maîtrise »).

Il est alors aisé, sur le fondement d’une telle croyance, de transformer magiquement les problèmes bien réels auxquels font face nos sociétés en predicaments ou wicked problems (problèmes insolubles), dont seules une méta-science ou une philosophie tout aussi globale que son objet seraient capables d’appréhender l’issue (fatale), cela par une « intuition holistique » (« l’imagination permet mieux que tout de percevoir, de compatir, d’espérer »). Il suffit, pour boucler ce bricolage, d’ajouter quelques vieux thèmes anarchistes recyclés (l’action politique comme étincelle du processus d’effondrement ; le mythe politique, rebaptisé storytelling, censé être plus efficace que la science ; la bonté humaine libérée par une catastrophe à la suite de laquelle la plupart des humains feront preuve de « comportements extraordinairement altruistes, calmes et posés » et pourront éventuellement reconstruire une société « moins interconnectée donc moins fragile », etc.) et de reprendre quelques préjugés contemporains (en particulier les théories instrumentalistes et conspirationnistes : les sciences partielles seraient mensongères car au service du « système thermo-industriel »). 

À défaut de satisfaire aux critères de la vérité scientifique, cette construction peut constituer un ensemble suffisamment cohérent pour impressionner tous ceux – et nous en faisons tous plus ou moins partie – qui se sentent impuissants et dans le désarroi face aux divers aspects de la crise environnementale.

On mesure la distance qui existe entre une telle construction et une philosophie de l’histoire comme celle de Marx qui, quel que soit le jugement que l’on peut porter aujourd’hui sur sa pertinence, avait au moins le mérite, parce qu’elle prenait des appuis solides sur des études historiques, de montrer que le système capitaliste n’était pas une erreur d’aiguillage, une conspiration menée par de méchants exploiteurs nous embarquant sur un chemin arbitraire et sans issue. Il représentait pour Marx une étape dans le progrès de l’humanité, un développement inédit des forces productives et l’invention de nouveaux rapports de production, et s’il finissait par engendrer des contradictions que Marx estimait fatales, il n’était ‘dépassable’ à ses yeux que sous certaines conditions (seule l’organisation de la classe ouvrière en parti révolutionnaire peut faire accoucher l’ancienne société de la nouvelle – une idée qui permettait à Marx d’articuler la nécessité et la contingence).

Il serait instructif à cet égard de confronter également la collapsologie à des philosophies de l’histoire aujourd’hui éclipsées, qui peuvent apparaître rétrospectivement comme des figures de transition (l’altermondialisme, comme la collapsologie, estimait que nos sociétés avaient leur origine dans une décision contingente des élites engageant l’humanité dans la voie industrielle et capitaliste, mais il maintenait qu’un autre monde est possible, à la condition que les producteurs et les consommateurs se mobilisent).

Il est clair qu’avec la collapsologie un autre système de croyances est en train de se mettre en place, en rupture aussi bien avec l’altermondialisme qu’avec le mouvement des indignés ou encore les théories de la société du risque (Beck). L’affect dominant, dans ces ouvrages, n’est plus l’espoir mais, au-delà de l’inquiétude et de l’angoisse, « l’impression de frustration et de stupeur », le sentiment « d’être cernés », et finalement celui d’avoir à faire le « deuil » d’une certaine idée de l’avenir.

On peut vérifier rapidement, sur le cas du transhumanisme (une doctrine de sens apparemment opposé, puisqu’elle nous prédit un avenir radieux) que les cinq thèses des collapsologues dégagées plus haut ne constituent en fait qu’une variation sur une structure commune à de nombreuses philosophies de l’histoire contemporaines. La lecture du texte de référence de ce mouvement, The Transhumanist Reader (Wiley-Blackwell, 2013), fait apparaître qu’au-delà des différences entre une version modérée (transhumanisme) et une version plus radicale (posthumanisme) ces théories postulent un processus qui conduit inéluctablement l’histoire vers une fin (l’homme amélioré par la technique, ou remplacé par une autre espèce).

Que la fin soit affectée ici d’un signe positif et non plus négatif ; que les savoirs scientifiques mobilisés pour justifier l’idée d’un tel processus inéluctable (théorie de l’évolution, modèles du cerveau empruntés aux neurosciences, etc.) diffèrent de ceux exploités par les collapsologues ; que l’action humaine puisse, selon la version adoptée, freiner ou hâter plus ou moins le processus – toutes ces différences ne peuvent masquer l’opération qui semble bien être au cœur de ces idéologies jumelles : postuler une forme ou une autre de déterminisme pour conférer au discours global sur l’histoire le statut de science, ou de méta-science (synthèse des différentes disciplines existantes), ou encore d’interprétation philosophique censée nous faire accéder à une vérité supérieure à celle de la science.

C’est d’abord sur cette quatrième thèse – le statut du discours interprétatif – que passe la ligne de fracture entre les idéologies dont nous venons de parler et celle qui fera l’objet du second article, le néoprogressisme.

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L’auteur : (photo) > Serge Champeau Philosophe, chercheur à l’Instituto de Gobernanza Democratica (Espagne) Contact Serge Champeau

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Source : https://www.telos-eu.com/fr/societe/philosophies-de-lhistoire-contemporaines-1-collaps.html

[Selon Wikipédia : « Telos, du grec ancien Τέλος (télos, la cause finale) est un centre de réflexion d’économistes, de politologues, de juristes, de sociologues français et étrangers. Fondé en décembre 2005 par Zaki Laïdi, qui l’a présidé jusqu’en 2013 avant de céder la place à Gérard Grunberg, ancien directeur scientifique de Sciences Po, Telos se définit comme « d’inspiration réformiste » et n’est affilié à aucun parti politique1. Source ].

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  • Collapsologie et transhumanisme : récits jumeaux sur la fin des temps - Décembre 2020 - Par Jeremy Hornung Consultant indépendant et observateur passionné des grandes mutations contemporaines. ©Katarzyna Pe (unsplash) – Document ‘silogora.org’
    Les courants de pensée du transhumanisme et de la collapsologie semblent, a priori, porter des discours qui s’opposent. En réalité, ces récits se basent tous deux sur le constat alarmiste d’une technicité qui condamnerait le monde vivant tel que nous le connaissons. Ils affirment une défiance vis-à-vis de la compétence des États pour faire face aux enjeux des crises (sociales, écologiques, économiques) au profit d’un libertarianisme nihiliste et s’appuient sur des ressorts affectifs de peur et de sidération, dans la mise en scène spectaculaire d’un monde qui s’effondre. Jeremy Hornung met en exergue les points communs de ces courants de pensée, leurs portées subversives, et le danger que représente leur éventuelle récupération politique.

Transhumanisme et collapsologie sont deux courants de pensée, au départ totalement marginaux, qui ont singulièrement gagné en importance dans les imaginaires collectifs ces dernières années. Leur popularité grandissante tient en large partie à l’adoption de postures clivantes, mais aussi, indéniablement au fait qu’ils abordent certaines des questions les plus essentielles de notre temps en prise directe avec la crise actuelle du modèle de développement occidental.

Contrairement aux apparences, ces deux mouvances partagent de nombreux points communs. Leurs promoteurs respectifs racontent en fait exactement la même histoire : celle d’un monde qui touche à sa fin, en passe d’être balayé par une force supérieure contre laquelle toute résistance serait vaine, et la naissance attendue d’un autre. Véritables récits-miroirs, ils incarnent Janus, Dieu des portes du temps qui passe et du jour nouveau qui se lève.

Le fait que l’on ait parfois le sentiment de se retrouver face à des récits de science-fiction ne doit cependant pas masquer l’importance des bouleversements concrets que ces derniers apportent avec eux dans la vie quotidienne des personnes qui s’y investissent, mais aussi dans le paysage politique. Ces bouleversements pourraient bien contribuer en effet à la déstructuration de l’ancien modèle dominant gauche-droite en faisant émerger un nouveau paradigme introduisant au cœur de la question du vivre ensemble, celle du rapport à la technique et au vivant.

Le cyborg, le hippie et l’apocalypse

Le transhumanisme se présente comme un courant de pensée technophile s’intéressant en particulier aux NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, sciences de l’information et sciences cognitives), dont les innovations (biopuces, drogues et prothèses en tout genre) sont présentées comme des fonctionnalités qu’il conviendrait d’acquérir afin d’accéder au stade supérieur de l’évolution de l’humanité.

La technique y est érigée en moyen d’émancipation individuelle et civilisationnelle au travers d’un ensemble de stratégies d’amélioration du corps et de l’esprit. Plus encore, l’innovation technologique fait figure d’instrument de salut. L’homme augmenté (le cyborg, le post-humain) représente en effet la seule créature véritablement en mesure de rivaliser avec une Intelligence artificielle (IA) dont la puissance se révélera un jour capable de soumettre l’humanité en esclavage.

Dans un article paru en 2011
[1], nous expliquions pourquoi nous pensons que, loin de n’être qu’une lubie inoffensive pour geeks de la ‘Silicon Valley’ en manque d’adrénaline, le transhumanisme doit être possiblement considéré comme un projet de souveraineté étatsunien qui s’inscrit dans une stratégie froide et rationnelle de conquête de marchés, l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle.

Pour sa part, la collapsologie peut être définie comme la discipline qui étudie. Les « collapsologues » au sens strict adressent cette problématique sous un angle académique, là où les « collapsonautes » s’intéressent aux aspects pratiques (survie en environnement hostile, recherche d’autosuffisance alimentaire et énergétique…) et les « collapsosophes » explorent les dimensions philosophiques, psychologiques, voire spirituelles de cette problématique.

Tout en réactivant des schémas anciens de critique du progrès et de fin de l’Histoire, ce courant tout jeune
[2], apparu dans le contexte des crises multiformes de ce début de XXIème siècle, développe et actualise une analyse critique de nos modèles de développement et de prospérité contemporains en soulignant l’immense responsabilité du modèle techniciste et extractiviste qui s’est imposé dans le monde depuis la fin du XVIIIème siècle.

A priori, tout semble opposer ces deux mouvances : la première (transhumaniste) est résolument scientiste, en phase avec la notion d’une croissance sans limites et prompte à défendre une vision anthropocentriste où les valeurs individualistes priment sur toutes les autres. Adeptes du biohacking et du quantified self les transhumanistes sont engagés dans une vertigineuse quête personnelle d’amélioration de soi, dont les considérations renvoient parfois aux thèses eugénistes. Le second (collapsologie) analyse, dans le cadre d’une démarche holistique, les mécanismes à l’œuvre dans les effondrements de la biodiversité, les faillites des États ou les krachs financiers, avec un prisme nettement néo-luddite
[3].

Défenseur de la sobriété énergétique et des low-techs, le « collapso », explore des voies alternatives où le collectif et le partage occupent une place essentielle, non sans contribuer à réactiver certaines utopies communautaristes et New-age des années 1960-70
[4].

En parfaites incarnations des idéologies qu’elles portent, les figures de proue francophones affichent d’ailleurs sans ambages le caractère a priori irréconciliable de leurs positionnements respectifs. Là où, avec la liberté de ton qui le caractérise, Laurent Alexandre se pose en farouche « anti-collapsologue » dans les débats où il intervient
[5], Pablo Servigne affirme se situer, dans ses écrits, « à l’exact opposé du capitalisme-transhumanisme »
[6].

Pourtant, en dépit de ces prises de position publiques, de troublantes similitudes existent entre ces deux courants de pensée, tout particulièrement lorsqu’on les aborde sous l’angle du récit et des imaginaires collectifs. Transhumanisme et collapsologie sont en effet avant tout des récits, qui adressent les mêmes enjeux, mobilisent les mêmes ressorts dramatiques et, au final, racontent la même histoire
[7].

Survivre à la fin du monde : êtes-vous plutôt bio ou techno ?

En première analyse, on observe que transhumanisme et collapsologie traitent d’une même problématique. En effet, ils interrogent, tous deux, la relation de l’homme à la technique et au vivant, et plus spécifiquement la domestication de la biosphère par l’être humain avec la naissance concomitante d’une technosphère prédatrice.

Au fond, transhumanistes et collapsologues s’accordent sur le constat de départ : l’artificialisation de notre environnement à l’échelle planétaire ou encore la numérisation de nos vies sont porteuses d’une menace existentielle pour l’humanité tout entière et il est déjà trop tard pour faire marche arrière. Ils ne divergent que sur la réponse à apporter : là où le transhumaniste va chercher à embrasser le Nouveau Monde et parier sur la capacité de l’être humain à se transformer jusque dans sa chair et jusque dans ses gènes pour améliorer ses chances de survie ; les seconds considèrent l’option technologique comme une impasse et se préparent à survivre dans un monde où la nature vivante et sauvage aura repris ses droits sur les ruines du monde ancien.

On observe ici que le point de désaccord véritable – là où les deux idéologies bifurquent et se révèlent irréconciliables – repose, d’une part, sur la nature des technologies qu’il serait souhaitable de développer (high-tech pour les premiers, ‘low-tech’ pour les seconds) et, d’autre part, sur le rapport au vivant (source d’opportunités à exploiter pour les uns, puissance à laquelle se soumettre pour les autres). Cela étant posé, on s’aperçoit qu’ils partagent cependant beaucoup en commun.

Stupeurs et Effondrements

Les discours transhumanistes et collapsologues suivent, et ce de façon assez surprenante, une même trame narrative, qui pourrait être résumée de la manière suivante :

« Vers le milieu du XXIème siècle, un événement planétaire majeur, une catastrophe, va se produire (la Singularité
[8] / l’Effondrement
[9]) au cours duquel l’homme se verra asservi à une puissance supérieure (la Machine / la Nature). Comment y survivre ? En s’y préparant du mieux possible, à commencer par se connecter au « réseau » (l’homme augmenté connecté à la machine / l’homme reconnecté à la terre-mère et aux humains). Mais seuls les individus « élus » (le cyborg / le collapso) qui auront été « élevés » (augmenté / éveillé) à un état supérieur, grâce à un parcours quasi initiatique (greffe de biopuces, apprentissage de techniques et de savoirs ancestraux) seront sauvés. »

Dans les deux cas, nous retrouvons sous la forme d’un récit eschatologique, cette idée que l’humanité s’achemine vers un point de non-retour, au-delà duquel le monde ne sera plus jamais comme avant. Il s’agit là d’un récit puissant dont la structure reprend le schéma classique des grands récits de catastrophe et de fin du monde à commencer par le Déluge (Épopée de Gilgamesh, Genèse) et le Jugement dernier (Apocalypse) de la tradition judéo-chrétienne.

Pour le transhumaniste qui se projette dans un monde entièrement métamorphosé par la « Machine », renvoyant aux imaginaires cyberpunks, c’est finalement l’équivalent d’une mise à jour de version de logiciel qu’il s’agit de réussir, avec le moins de bugs possible. Pour le collapsologue, le point de départ consiste à faire le deuil du monde ancien, en empruntant le chemin d’un « retour à la nature », de recentrement sur l’essentiel, et d’ouverture aux autres ; le « monde d’après » du collapsologue (selon la formule désormais consacrée) renvoie très clairement aux imaginaires postapocalyptiques, qu’il ne manque d’ailleurs pas de renouveler en les critiquant
[10].

On observera également avec intérêt que le récit de cette mise à l’épreuve de l’Humanité constitue une transformation forcée, qu’il est difficile de ne pas renvoyer aux difficultés avec lesquelles nous avons tenté d’engager de multiples transitions au cours des cinquante dernières années (transitions sociales, écologiques, économiques…). Au final, tout semble se passer comme si nous fantasmions, au travers de ces récits collectifs, une transformation radicale et imposée de notre modèle civilisationnel, en écho à la peine immense avec laquelle nous parvenons à effectuer les changements de modèle qui pourtant s’imposent à nous.

« Le poids des mots, le choc des photos »

Autre similitude, les argumentaires déployés par les uns et les autres font un usage abondant de graphiques présentant des courbes exponentielles
[11] produisant par ce biais un « effet blouse blanche » bien connu des experts en relation publique. Ces graphiques agissent cependant d’abord sur un tout autre registre, celui des affects. En soulignant le caractère inévitable de la trajectoire sur laquelle nous sommes collectivement engagés, ils rendent flagrante notre perte totale de contrôle sur un monde au sujet duquel nous croyions avoir une certaine maîtrise. En un mot, ces courbes font peur.

https://silogora.org/wp-content/uploads/2020/12/graphe-1-et-2-Hornung.pngCe qu’elles disent véritablement, ce n’est pas tellement l’augmentation exponentielle de la puissance de calcul des machines, de leur inter-connectivité ou du nombre de transistors par processeur, ou encore celle de la disparition des espèces, de la concentration du CO2 dans l’atmosphère ou de l’acidification des océans, mais bel et bien : « le monde nous échappe, nous ne contrôlons plus rien, et ce que vous observez qui se dresse vers le ciel entre abscisse et ordonnée, ce n’est pas une ligne, ce n’est pas une courbe, ce n’est pas une flèche, mais une lame de fond qui va tout emporter sur son passage, un tsunami ; plus rien ne sera jamais comme avant ».

De fait, ces courbes agissent d’abord en tant qu’images, c’est-à-dire comme des icônes qui révèlent une vérité cachée ou encore des affiches de propagande qui frappent leurs observateurs de stupeur, en les prenant « aux tripes » et, seulement de façon secondaire, comme un élément rationnel qui viendrait soutenir l’argumentation de leur auteur. Elles agissent comme des images subversives qui déstabilisent l’observateur en l’interpellant sans ménagement : « tout ce que tu as construit depuis tant d’années, ta carrière, ta famille, tes amis, ta maison, tes rêves… tu vas le perdre. Ce monde est condamné à disparaître de ton vivant. Prépare-toi à la fin »
[12].

Futurs souhaitables par temps de crise

Mais pourquoi voit-on apparaître deux « mythologies contemporaines » qu’a priori tout oppose, mais paraissant raconter une seule et même histoire ? Ce type de récit eschatologique ferait-il office d’un archétype vivant dans notre psyché collective, doté de la capacité de se réactiver selon les époques, au gré des soubresauts de l’histoire humaine, et de mobiliser en nous des ressorts inattendus ? Ou bien, plus prosaïquement, ce phénomène traduit-il avant tout notre ‘désemparement’ collectif face à la fin de tous les modèles et notre tragique manque d’imagination pour inventer de nouveaux futurs souhaitables ?

Des imaginaires de la peur ?

Comme si la croissance avait engendré ses propres monstres, l’imaginaire mobilisé paraît d’abord être celui d’un imaginaire de la Peur, et ce, à deux égards : les récits déployés puisent leur matière première dans un contexte anxiogène (peur de l’avenir, peur de l’étranger…)
[13], mais ils l’alimentent tout autant en en renouvelant le bestiaire.

Si cela paraît se vérifier aisément pour la collapsologie en raison de la nature même du sujet traité, le constat est également valable pour le transhumanisme ; il faut bien voir que notre rapport au progrès en général, et au progrès scientifique en particulier, a considérablement évolué entre le XIXème siècle et aujourd’hui. Depuis les années 1950 notamment, avec le développement de l’atome et de la génétique et la mise en évidence de leurs bénéfices ambivalents, s’est développée une vision extrêmement critique du technicisme
[14], nourrissant des imaginaires où l’innovation scientifique devient une source de monstruosités et de catastrophes en tout genre.

Or, soulignons-le une nouvelle fois, le transhumanisme ne se déploie pas seulement sur un mode techno-utopique, il est lui-même ambivalent vis-à-vis de la science et de la technique. La fiction développée autour du concept de Singularité l’illustre bien : l’Humanité est condamnée par cette IA à laquelle il a pourtant donné naissance, sa propre créature !
[15] De surcroît, le cyborg est lui-même un nouveau monstre, créature hybride mi-homme mi-machine, qui effraie autant qu’il fascine.

Sans aller aussi loin, observons que les menaces très concrètes que font peser dès aujourd’hui l’IA (sur les emplois, la vie privée…) et l’effondrement (sur nos modes de vie, notre souveraineté…) ont déjà un effet tangible sur les populations, en contribuant à nourrir les angoisses contemporaines de l’opinion publique vis-à-vis de la science (mouvements anti-nucléaires, anti-ondes, antivaccins…) et alimenter la crise de confiance dans le modèle occidental.

Pourtant, le registre des émotions qui se manifestent du côté de l’audience va bien au-delà de la peur : tristesse, colère, ressentiment, joie
[16] ou encore nostalgie
[17] constituent certains des affects dont témoignent le plus spontanément les publics confrontés à ces narrations. Contournant la raison qui nous fait défaut, et piquant nos affects, ces récits agissent finalement comme un aiguillon et présentent, comme mérite indéniable, de nous faire, a minima, réagir.

Janus, Dieu des transitions et des choix

Progressivement, nous voyons tout l’intérêt qu’il y a de penser ces deux récits ensemble. Pour nous y aider encore un peu plus, empruntons un chemin de traverse, sur un mode mi-onirique, mi-ludique : invoquons ici Janus bifrons, Dieu des passages, des portes et des transitions, Dieu des choix, des commencements et des fins ; Janus, divinité tutélaire présidant à ces deux mythologies contemporaines ? Car le sens profond de ce qui se déploie dans ces narrations, n’a-t-il pas à voir avec la nécessaire Transition qu’il nous faut engager, à ce moment précis de l’Histoire où l’occident vacille sur ses fondations, en nous parlant de notre monde en crise, c’est-à-dire de la nécessité de faire des choix radicaux.

Tout semble se passer comme si ces récits étaient faits pour nous bousculer, nous réveiller, nous pousser à agir à un moment précis de l’histoire de l’humanité où l’urgence (climatique, sociale, sanitaire…) était invoquée chaque jour dans les discours, où la nécessité de passer à l’action se faisait chaque jour plus grande, mais où elle se traduisait trop rarement dans les faits par des résultats tangibles.

Or, cette considération en amène une autre : transhumanisme et collapsologie peuvent-ils véritablement être considérés séparément l’un de l’autre ? Janus ne nous invite-t-il pas à penser ces récits-miroirs ensemble, dans leur singularité, comme deux faces d’une même médaille ; deux récits jumeaux, issus d’une même matrice, balisant le champ des possibles, et à chercher leur sens profond dans la puissance pollinisatrice qui naît de la tension dialectique ?

Entre réforme et révolution, des concepts sous influence

Nous l’avons dit et redit, transhumanisme et collapsologie existent avant tout en tant que récits. C’est là leur nature première. Or, en tant que tels, leurs « effets » sont en premier lieu politiques
[18]. La question se pose alors de savoir comment ces récits disruptifs modifient plus particulièrement notre rapport à la gouvernance et au vivre ensemble.

Au cours de ces dernières années, l’effritement du paradigme classique droite-gauche, activant la trinité identité-liberté-progrès, est devenu flagrant. Or, en mettant tous deux la question du rapport de l’humain à la technique et au vivant au cœur de la problématique du vivre ensemble, transhumanisme et collapsologie ne contribuent-ils pas, à leur manière, à faire bouger les lignes, voire à tracer les contours d’un nouveau modèle ? Ou bien, au contraire, agissent-ils en premier lieu comme des forces subversives, voire nihilistes, décourageant tout effort en ce sens ?

Des courants réformistes porteurs d’un projet politique ?

Il faut commencer par rappeler que ces deux courants de pensée ne peuvent pas faire complètement abstraction des schémas anciens. D’une part, parce que leur naissance s’inscrit pleinement dans une époque qui, en l’occurrence, leur permet de témoigner de la fin des modèles du XXème. D’autre part, en raison du fait qu’ils partagent une même sensibilité politique : le libertarianisme. De fait, les « mythologies politiques » qu’elles véhiculent stigmatisent l’incapacité des États et des modèles de gouvernance centralisés à répondre aux enjeux du XXIème siècle naissant.

Par ailleurs, si une lecture rapide peut donner l’impression que les transhumanistes sont « de droite », notamment en raison de l’accent mis sur les performances individuelles, et que les collapsologues sont « de gauche », en raison de leurs aspirations a priori collectivistes, un tour d’horizon des sensibilités politiques représentées, de part et d’autre, fait apparaître un paysage beaucoup plus nuancé.

Dans la plupart des cas, il serait possible de faire apparaître les rattachements aux différentes familles politiques. Mais tous les acteurs, dont certains très influents, ne peuvent pas être positionnés selon cette grille de lecture classique. Pour être réellement fidèle à la nature de leurs propos et de leurs actes, il devient nécessaire d’inventer un nouveau cadre de référence
[19].

Enfin, soulignons qu’au-delà de la charge subversive de leurs rhétoriques respectives, ces deux courants, par le biais de réflexions et de pratiques qui interrogent le rapport à la technique et à l’environnement, nous forcent à questionner explicitement un sujet éminemment politique s’il en est : le rapport au travail et donc la question du pouvoir.

La technique a toujours été un moyen de transférer l’effort du travail de l’humain vers l’outil pour effectuer des travaux manuels (le marteau, la scie, la poulie…), pour se déplacer (la roue, la voile, le moteur thermique…) ou encore communiquer (le télégraphe, le téléphone, internet…). Or, selon que l’on opte plutôt pour la low-tech ou la high-tech, ce sont des rapports complètement différents à l’effort, à la place du travailleur dans la société, à la capacité de produire de la valeur pour d’autres et donc au pouvoir qui se manifestent (au sens de capacité de production, de transformation, d’influence et de domination).

En raison de leur propension à adresser des enjeux aussi structurels dans la création des sociétés, tout semble donc indiquer que transhumanisme et collapsologie seraient en mesure de porter avec eux des projets politiques, même si en l’état ces derniers paraissent encore bien embryonnaires.

Des pamphlets crypto-anarchistes ?

Parallèlement à cela, il faut bien voir que ces discours portent avec eux une charge subversive significative : en annonçant tous deux la fin du monde tel que nous le connaissons, ils évoquent les manquements de l’État dans ses prérogatives les plus régaliennes. Par ailleurs, transhumanistes et collapsologues se rejoignent tous deux pour apporter des solutions qui se déploient systématiquement à d’autres échelles que celle des États : on parle de communautés locales, de collectifs alternatifs, d’écovillages, de bunkers, ou encore d’îles. Mais l’État tel qu’on le connaît, avec son modèle de gouvernance centralisée, est absent des solutions évoquées. On a mentionné plus haut l’héritage libertarien de ces deux courants, c’en est là une autre illustration.

De tels discours, bien loin de se cantonner à des considérations philosophiques, sont donc doublement toxiques : ils le sont parce qu’ils touchent aux affects des individus (obsession de la mesure et de la performance individuelle du côté transhumaniste, éco-anxiété ou solastalgie
[20] du côté collapsologue) mais aussi parce qu’ils vulgarisent cette idée que les États sont totalement impuissants face aux défis du XXIème siècle, voire qu’ils sont plus du côté du problème que celui de la solution.

Or, en procédant de la sorte et en gagnant en popularité, ces récits deviennent beaucoup plus que des fictions inoffensives, elles se transforment en armes de déstabilisation massives. Le développement de narrations, qui présentent l’avenir comme sombre et dangereux et qui encouragent les populations à développer des attitudes de défiance voire d’hostilité vis-à-vis de leurs gouvernements, at sur les décisions et les comportements des individus dans le présent.

Gardant cela à l’esprit, il nous semble important de rappeler que des États ont acquis un savoir-faire certain en manière de guerre hybride
[21] au cours de ces dernières décennies et qu’ils pourraient trouver particulièrement opportun d’instrumentaliser les idéologies transhumanistes et collapsologues afin d’agir sur les opinions publiques de pays étrangers qu’ils cherchent à déstabiliser. Plus que jamais, il nous paraît indispensable d’apprendre à lire et interpréter les récits qui structurent nos imaginaires et nos sociétés.

En guise de conclusion

Tout récit est une prophétie auto-réalisatrice en puissance : nous vivons dans le monde des récits que nous choisissons d’écouter et dans lesquels nous nous reconnaissons. Une fois que nous avons admis qu’il n’était pas possible de vivre sans histoires, sous une forme ou une autre, il devient essentiel de reconnaître sous l’influence de quels récits et de quels imaginaires sous-jacents nous sommes.

Ce début d’investigation relatif aux passerelles et aux résonnances existantes entre transhumanisme et collapsologie illustre l’intérêt qui existe à les penser ensemble. Ces résonnances ne nous invitent-elles pas à aller encore plus loin et à hybrider davantage les concepts, notamment autour des notions de high/low-tech, de sens à donner au travail, ou encore de symbiose ?

Une chose est certaine cependant, transhumanisme et collapsologie sont des mythologies de notre temps. Il n’appartient qu’à nous de ne pas en être les jouets passifs, mais de nous en emparer pour en déployer toute la puissance créatrice.

Auteur : Jeremy Hornung Consultant indépendant et observateur passionné des grandes mutations contemporaines.

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Source : https://silogora.org/collapsologie-et-transhumanisme-recits-jumeaux-sur-la-fin-des-temps/

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    Collapsologues versus transhumanistes : entre l’effondrement et l’homme augmenté, les dangers d’un futur mythifié Par Fabien Soyez @FabienSoyez vendredi 05 février 2021 à 18:15 - Mis à jour vendredi 05 février 2021 à 19:30 – Document ‘cnetfrance.fr ‘
    Si loin, mais pourtant si proches. Icare contre Prométhée, la décroissance contre la technologie déifiée : objectivement, les courants de pensée collapsologues et transhumanistes s’opposent. Mais ils semblent aussi partager des points communs. À commencer par leur façon de mythifier le futur. Et de l’imaginer en partant du principe que la fin est proche. Et inéluctable.

Illustration - Vous le voyez comment, vous, le futur ? Serons-nous, demain, des “post-humains” ? Augmentés, semblables à des dieux ? Presqu’immortels et vivant dans un paradis techno-futuriste… avant le déluge ? Ou a contrario, vivrons-nous comme il y a 1 000 ans, avec des technologies antiques ? Tout cela, à cause d’une mini-apocalypse ?

Sur le papier, la collapsologie et le transhumanisme sont deux mouvements que tout oppose. Dans le coin gauche, né en Californie, le transhumanisme est un courant de pensée technophile qui fait de la technologie, et plus particulièrement des “NBIC” (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives ; autrement dit, les implants, les électrodes, les prothèses robotisées, l’IA et les “interfaces cerveau-machine”), le seul moyen pour l’humanité d’évoluer jusqu’à devenir des surhommes. En considérant que le progrès suit une courbe exponentielle, et que nous devrons demain nous “améliorer” afin de ne pas être dépassés par l’IA. Officiellement, le transhumanisme, c’est aussi cette idée scientiste que nous vivrons demain dans un monde meilleur grâce à la technologie. Dans une sorte de jardin d’Éden artificiel. Sans jamais regarder en arrière. 

Illustration - Dans le coin droit, voici un nouveau courant, développé surtout en France, qui s’érige comme l’alternative au techno-scientisme : la collapsologie. Se voulant résolument plus réalistes que les transhumanistes, qui en comparaison ressemblent à des adolescents qui fantasment sur une utopie de science-fiction, les collapsologues prévoient la fin imminente, inéluctable et brutale de notre monde “thermo-industriel” et capitaliste. Ils ne sont pas luddites, et ne s’opposent pas au progrès. Mais en s’appuyant sur quantité d’études scientifiques, ils observent, avec une objectivité glaçante, les effets du réchauffement climatique sur notre planète. Ainsi que les risques de futures, et probables, crises systémiques interconnectées et globales (écologique, économique, sanitaire, géopolitique, énergétique, démographique). Ils partent ainsi du principe que nous vivons dans un monde fini, aux ressources bientôt épuisées. Et où la seule issue, si nous ne changeons pas radicalement de mode de vie, est “l’effondrement”.

Effondrement et “échéance mortelle” 

Les collapsologues s’inspirent en particulier des théories du géographe et biologiste évolutionniste Jared Diamond. En 2005, dans un ouvrage intitulé “Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie”, le chercheur américain évoquait la possibilité d’un “effondrement civilisationnel” moderne, donc planétaire. Une chute semblable à celle qu’aurait connu par le passé les civilisations maya et pascuane, à cause de leurs comportements “écocides”. À savoir la surexploitation de leurs écosystèmes, entrainant leur destruction irrémédiable. Puis la diminution “brutale” de la population concernée, par manque de ressources vitales.

Jared Diamond fait lui-même fait partie d’un courant d’idées qui remonte au rapport remis au Club de Rome en 1972 par le professeur Denis Meadows et ses collègues du MIT. Dans leur étude portant sur les limites de la croissance, les chercheurs estimaient alors que le modèle de développement des Trente glorieuses n’était pas soutenable à long terme. Et qu’il était encore temps d’infléchir cette trajectoire funeste qui risquait de nous conduire jusqu’à un “effondrement environnemental” (par manque de ressources), autour de 2030.

Illustration - Les collapsologues prophétisent de leur côté la fin de notre monde en 2050… Une date qu’étonnamment, le Seasteading Institute, une organisation transhumaniste créée par le milliardaire Peter Thiel (fondateur de PayPal), considère également comme une “échéance mortelle”. Une “deadly deadline” qui sera causée par la pénurie conjuguée de plusieurs ressources essentielles à notre survie (eau, nourriture, énergies fossiles), ainsi que par la surpopulation et le dérèglement climatique. Face à une probable apocalypse, les “seasteaders” prévoient de prendre leurs distances, en vivant au sein de petites communautés… bien à l’abri sur des “villes flottantes” high tech et “durables”.

Ce paradoxe pourrait surprendre, si nous en restions là dans notre analyse du transhumanisme VS la collapsologie. Comment est-il possible que ceux-là même qui portent une confiance aveugle dans la technologie, pensent aussi à assurer leurs arrières ? Et n’écartent pas, en fait, la possibilité d’un effondrement ? Pensent-ils vraiment que le déclin n’est pas certain, et que nous pourrons toujours nous en sortir grâce au progrès technologique ? Ou sont-ils en réalité les cousins cyniques des collapsologues ? 

De la science-fiction aux discours incantatoires

Essayiste et prospectiviste au Sénat, Antoine Buéno a enseigné la science-fiction, et plus spécifiquement l’utopie, à Sciences-Po. Dans “Futur, notre avenir de A à Z”, il va à contre-courant de l’historien Yuval Noah Harari et de son “Homo Deus”. Au lieu de célébrer le transhumanisme, il tient compte de la crise environnementale pour décrypter les signaux faibles qui permettent d’imaginer un futur possible. Il prend ses distances avec les techno-prophètes comme avec les collapsologues. L’avenir qu’il entrevoit se dessine quelque part entre les prophéties sombres des collapsologues et la pensée magique des transhumanistes. Pour lui, le futur sera un mix entre effondrement et singularité. Beaucoup plus proche du “cyberpunk” que de la ”hard SF” transhumaniste et du post-apocalyptique collapsologue. Plus proche de Blade Runner (Philip K. Dick), Mad Max (George Miller) et Carbone Modifié (Richard Morgan), que de 2001 : l’Odyssée de l’espace (Arthur C. Clarke), Les Robots (Isaac Asimov), La Route (Cormac McCarthy) et Ravage (René Barjavel).

Si l’effondrement est possible, rien ne permet d’affirmer qu’il est probable, ni inéluctable

Les courants transhumanistes et collapsologues puisent, consciemment ou non, dans la science-fiction pour imaginer leurs scénarios. Et tout comme l’un des rôles de la science-fiction est de nous préparer à des futurs possibles, ces deux mouvements préparent-ils en fait l’humanité telle qu’elle est, au monde de l’après-effondrement, ou au contraire au futur post-humain ? “Dans les deux cas, il y a une part de vrai.

La crise environnementale pourrait véritablement rayer l’humanité de la carte, et le potentiel de la révolution technologique donne le vertige. Le discours collapsologue selon lequel notre façon de consommer les ressources n’est pas viable a du sens. Ce n’est pas délirant que de se dire qu’à un moment donné, notre civilisation n’échappera pas au déclin, même si elle est ultra-technologique. Autrefois, je me sentais aussi très proche des scénarios transhumanistes. Car, très franchement, le futur qu’ils imaginent fait rêver. Moi non plus, je ne veux pas mourir ! Et avec les progrès scientifiques et technologiques, on peut tout imaginer”, note Antoine Buéno. 

>>> Vidéo 1:43:57 à écouter et à voir à la source -

Mais pour le prospectiviste, les deux discours sont aussi exagérés. “Ils s’ancrent certes tous les deux dans une réalité incontestable. Mais si l’effondrement est possible, rien ne permet d’affirmer qu’il est probable, ni inéluctable. Les collapsologues négligent la possibilité d’éviter cette chute en agissant pour résoudre la crise environnementale. Car le réchauffement climatique peut encore être stoppé : il ne nous fera atteindre le seuil fatidique des deux degrés de plus qu’en 2070, selon le GIEC”. 

Non, nous ne deviendrons pas des dieux dans 30 ans, et l’IA forte est encore un fantasme très lointain

Côté transhumanisme, le compte n’y est pas non plus, observe-t-il : “Vivre jusqu’à 150 ans, décupler nos sens, supprimer les maladies : c’est un futur possible. Mais pas dans les temps invoqués par les transhumanistes ! Non, nous ne deviendrons pas des dieux dans 30 ans, et l’IA forte est encore un fantasme très lointain. De même que la fusion hommes-machines. Tout cela ne devrait pas se produire avant la fin du 21e siècle, a minima”.

Pour Antoine Buéno, “il y a là une espèce d’hubris en total décalage avec notre réalité, scientifique et technologique. Les transhumanistes tiennent pour acquis que le progrès scientifique et technologique sera linéaire, continu, comme s’il ne pouvait pas y avoir de coup d’arrêt. Comme si dans l’histoire, on n’avait pas déjà vu ça !” Et quand ils acceptent l’idée d’un effondrement, les transhumanistes partent aussi trop vite en besogne. “Ils pensent que la technologie devrait permettre de tout rétablir, dans la minute. Mais ils négligent totalement l’obstacle colossal de la crise environnementale. Et ils oublient que rien ne garantirait, en cas d’effondrement, que l’on puisse revenir en arrière. Il n’y a qu’à songer au temps perdu, d’un point de vue scientifique et technologique, entre la chute de l’empire Romain et la Renaissance”.

Ainsi, si notre futur devrait être marqué par la révolution technologique et la crise environnementale, “ces deux discours vont trop loin, car ils font, les uns et les autres, un saut quantique irrationnel. Incantatoire et relevant de la mystique. Les uns en vous disant que c’est fichu, que l’on n’y arrivera pas. Qu’il faut s’habituer à l’idée que notre civilisation thermo-industrielle est morte, faire acte de résilience et imaginer le ‘happy collapse’ (effondrement heureux). Les autres en vous disant que tout va bien se passer et que nous serons des hommes augmentés dans 30 ans, en ne se basant sur absolument rien de scientifique.” Rien ne permet ainsi d’affirmer, aujourd’hui, que le monde s’effondrera, ni que nous accéderont à l’immortalité d’ici 2050.

Gnosticisme et mystique

“Le châtiment est proche, repentez-vous”, semblent nous dire les collapsologues. “Nous allons bientôt détrôner Dieu, un futur lumineux est en marche”, rétorqueraient presque les transhumanistes. Discours eschatologiques et apocalyptiques d’un côté, utopie technologique en voie de devenir une religion laïque de l’autre : les deux courants ont chacun leurs prophètes, leur bonne parole et leur mythologie. En voilà, un autre point commun troublant.

“Il s’agit davantage de croyances que de projections pleinement rationnelles. Ce sont deux visions mystiques qui s’affrontent, qui se basent toutes deux, chacune à sa manière, sur la science, mais qui en viennent à vous donner un sens immanent. Immanent, parce qu’ils sont tous deux matérialistes (pas de transcendance). Et dans les deux cas, ils vous donnent un sens, un sens à la vie. À une époque où nous n’en trouvons plus avec le capitalisme, dont le but n’est que de s’enrichir toujours plus”, estime Antoine Buéno.

Quand Pablo Servigne, collapsologue et biologiste, prône l’effondrement heureux, c’est-à-dire le fait de garder espoir, d’apprendre la survie en écoutant notre “voix intérieure” et de nous préparer à l’après, il nous donne un cap, un sens. “Il nous dit que notre monde sera difficile à abandonner car nous sommes habitués à lui, mais qu’il n’est pas si bon, et que l’on peut créer quelque chose de mieux”, note le prospectiviste du Sénat. Pablo Servigne, admet ainsi que ‘“personne n’est sûr que cela va arriver ou pas”, mais tel un gourou, il préfère écouter son raisonnement “en partie intuitif”, et “faire le pari de l’anéantissement d’un monde que l’on déteste”, qui laisserait place à un monde meilleur, où les survivants pourraient tout réinventer à partir de zéro.

Illustration - Et le transhumanisme ? “Il vous donne aussi un sens. Il vous dit que le paradis, ce n’est plus la peine de continuer à le chercher dans les cieux, puisque nous l’atteindrons par nous-mêmes. En devenant des dieux, ici, sur Terre, grâce à nos joujoux et à notre grande intelligence”. Une vision décrite notamment par Yuval Noah Harari dans Homo Deus : un homme demi-dieu qui, par un développement tout puissant et sans limite de la technique, serait un jour capable de s’affranchir de ses propres limites : le temps, l’espace et la matière. Jusqu’à devenir immortel.

Tout ceci ressemble tout de même fort à des religions, pour ne pas dire des mouvements New Age un peu sectaires. En nous conseillant de faire preuve de sagesse pour être heureux de voir notre monde s’effondrer, et d’essayer d’y survivre en retournant à un “mode de vie de moins égoïste, solidaire et local”, Pablo Servigne glisse vers la métaphysique, et une sorte de “millénarisme laïc”.

Tout comme les transhumanistes du ‘Seasteading Institute’, qui cherchent à se planquer sur des îles artificielles pour regarder la fin du monde à l’abri, les collapsologues se rapprochent des mouvements millénaristes qui annoncent la fin du monde, et la survie d’une poignée d’élus. “Le millénarisme prend plusieurs formes et annonce généralement une imminente dévastation. Mais il présage aussi une renaissance, suivie d’une période de gloire et de restauration (durant grosso modo 1 000 ans) pour les élus”, note l’écrivain américain David Adler sur le site australien Quillette. Les élus collapsologues seraient, ici, ceux qui entreraient dans une forme d’écospiritualité”. Autrement dit, une spiritualisation de l’écologie qui reposerait sur la recherche de la transcendance, via une “communion intérieure avec le cosmos” et l’entrée dans “l’âge de l’entraide”. 

Illustration - De leur côté, les transhumanistes n’ont pas le même délire, mais glissent eux aussi vers la métaphysique. Ils ignorent encore, la plupart du temps, la perspective d’un effondrement. Mais quand ils en tiennent compte (de plus en plus), ils imaginent volontiers un monde post-apocalyptique où les survivants seraient les hommes “augmentés”. Un peu comme les “Métas-Barons” des bandes dessinées d’Alejandro Jodorowsky et Juan Giménez, ou les castes de cyborgs des œuvres d’Enki Bilal. Ils dressent eux aussi les contours d’une sorte de religion laïque, qui déifie la technologie (quand les collapsologues la perçoivent comme une menace), et en fait “une puissance qui permet d’imposer sa volonté au monde, mais aussi une puissance à laquelle s’en remettre, à laquelle s’abandonner”, selon le philosophe Olivier Rey. 

Récits eschatologiques et religions laïques

Dans “l’avenir du transhumanisme” (Les carnets de l’Institut Diderot, 2019), le chercheur du CNRS et de l’IHPST (Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques) perçoit le rapport des transhumanistes au divin comme “manifestement de type gnostique”. Un terme qui caractérise certains courants des premiers siècles du christianisme, “qui avaient en commun un dualisme radical : le monde matériel, auquel appartenait le corps, était l’œuvre d’un mauvais démiurge, et le salut consistait à affranchir l’esprit de sa prison charnelle, grâce à la connaissance”.

Au 21e siècle, les transhumanistes développeraient en fait un “gnosticisme moderne” qui permettait de “soumettre entièrement le monde matériel à l’esprit, par la technologie”. Se faisant, ils ne voient plus l’amélioration comme étant simplement le stade suivant du progrès et de l’évolution, mais aussi comme une façon d’échapper aux menaces. Donc de survivre à la fin de ce monde. “La chose est particulièrement nette chez Nick Bostrom, qui place l’humanité devant une alternative : ‘transhumaniser’ ou disparaître. Au fond, le transhumanisme se transforme peu à peu en une forme de survivalisme, où l’on compte, pour s’en sortir, sur des implants”, note Olivier Rey.

À noter qu’un sous-courant transhumaniste et écologiste, le “technogaïanisme”, va jusqu’à considérer le progrès technologique comme la seule solution pour sauver la planète du réchauffement climatique. Notamment grâce à la géo-ingénierie, un ensemble de techniques visant à modifier la météo, et donc le climat.

Analysant les imaginaires (du futur) transhumanistes et collapsologues, Jeremy Hornung, consultant en transformation digital, remarque dans Silomag que les deux courants proposent en fait des “récits jumeaux sur la fin des temps”. Qu’ils racontent “la même histoire”, via deux “mythologies contemporaines” différentes. “Leurs discours suivent une même trame narrative, qui pourrait être résumée de la manière suivante : vers le milieu du 21e siècle, un événement planétaire majeur, une catastrophe, va se produire (la Singularité / l’Effondrement), au cours duquel l’homme se verra asservi à une puissance supérieure (la Machine / la Nature). Comment y survivre ? En s’y préparant du mieux possible, à commencer par se connecter au ‘réseau’ (l’homme augmenté connecté à la machine / l’homme reconnecté à la terre-mère et aux humains). Mais seuls les ‘élus’ (le cyborg / le collapso), qui auront été ‘élevés’ (augmentés / éveillés) à un état supérieur, grâce à un parcours quasi initiatique (greffe de biopuces, apprentissage de techniques et de savoirs ancestraux) seront sauvés”, écrit-il. 

Selon Jeremy Hornung, “dans les deux cas, nous retrouvons sous la forme d’un récit eschatologique, cette idée que l’humanité s’achemine vers un point de non-retour, au-delà duquel le monde ne sera plus jamais comme avant”. Il s’agirait ici, estime-t-il, d’un “récit puissant” dont la structure reprendrait le “schéma classique des grands récits de catastrophe et de fin du monde”. Notamment le Déluge (Épopée de Gilgamesh, Genèse) et le Jugement dernier (Apocalypse) de la tradition judéo-chrétienne. “Au final, tout semble se passer comme si nous fantasmions, au travers de ces récits collectifs, une transformation radicale et imposée de notre modèle civilisationnel, en écho à la peine immense avec laquelle nous parvenons à effectuer les changements de modèle qui pourtant s’imposent à nous”, note le consultant.

Une “exonération à agir” paradoxale ?

Peut-on trouver un peu de positif dans les démarches collapsologues et transhumanistes ? Leur mérite ne serait-il pas, finalement, de nous pousser réagir ? “Parce qu’ils ont cette double nature, qui est de s’ancrer dans quelque chose de réel, et donc pertinent, et aussi d’aller trop loin dans leurs grilles d’analyses (en oubliant l’autre), les collapsologues et les transhumanistes empruntent une voie dangereuse. En nous faisant peur sur la question environnementale ou sur les risques d’une IA hors de contrôle, ils nous aident à en prendre conscience, afin d’agir. Mais le danger, c’est la fin de leurs discours, qui consistent à dire que l’on ne peut plus rien faire pour sauver la planète, ou que la révolution technologique est une baguette magique qui nous évitera de devoir changer notre rapport à la nature”, observe Antoine Buéno.

Transhumanistes comme collapsologues tendraient ainsi, paradoxalement, à nous “exonérer de tout”. En nous incitant soit à penser déjà à l’après en tendant vers la décroissance, soit à faire confiance à la technologie (et à la financer en consommant) pour trouver des solutions. “Dans les deux cas, il y a donc aussi une exonération à agir face à la crise environnementale”, estime le prospectiviste. “Quand les collapsologues parlent d’écologie, c’est aussi pour que l’on réfléchisse aux ressources. Et que l’on agisse en conséquence. Contrairement aux transhumanistes, qui nous poussent à dépenser notre argent sans nous inquiéter des ressources”, nuance Jean-Noël Lafargue, enseignant en art et nouveaux médias, expert en Histoire des technologies et co-auteur de “Collapsus”. Selon lui, la collapsologie se démarque en étant plus “mobilisatrice que démobilisatrice.”

Finalement, le vrai problème avec ces deux mouvements, selon Antoine Buéno, c’est surtout le fait que leurs visions “extrémistes” deviennent “dominantes”, et tendent à “confisquer le débat” sur le futur. “Aujourd’hui, ce sont eux qui trustent l’entièreté du débat : on ne parle, à la fois pour le bon et le mauvais, que de ces deux courants. Soit on entend des collapsos, soit des transhumanistes. Et je n’ai pas trouvé, lors de mes recherches, de discours plus mesurés. De scénarios intermédiaires, qui seraient probablement plus réalistes”, explique-t-il.

Il n’y a pas de destin, mais ce que nous faisons 

Antoine Buéno propose ainsi d’imaginer un futur qui se situerait “quelque part entre effondrement et transcendance technologique”. Selon lui, “le scénario le plus probable n’est sans doute pas l’effondrement, à court terme. Ni l’accès à la divinité. Mais quelque chose qui ressemble à un entre-deux”. Plutôt que d’opposer trans humanisme et collapsologie, pourquoi ne pas chercher, au fond, à les concilier ? Plutôt que d’invoquer Prométhée (le mythe de la toute-puissance par la connaissance) ou Icare (l’idée de se brûler les ailes en misant sur le progrès), un autre personnage antique semble plus approprié, pour le prospectiviste : Janus, le dieu romain des commencements et des fins, des choix, des portes du temps qui passe, et du jour nouveau qui se lève.

“Janus, c’est l’humanité à deux visages, représenté avec une face tournée vers le passé, l’autre sur l’avenir, vers laquelle nous tendrons. Un avenir où les inégalités et les différences seront exacerbées, jusqu’à devenir inconciliables”, indique Antoine Buéno. “Dans l’immédiat, l’hypothèse Janus est la plus probable. Elle rassemble tous les scénarios intermédiaires. Ceux d’un monde à deux visages : le visage du réchauffement climatique et celui de la révolution technologique. Un monde de révolutions agricoles et d’insécurité alimentaire, de libéralisme et de ‘démocrature’, d’eugénisme et d’effondrement de la biodiversité, d’effet de serre et de transition énergétique, de baisse de l’espérance de vie du plus grand nombre et d’augmentation de la longévité des plus favorisés, d’effondrements locaux et de progrès globaux”, ajoute-t-il. 

Une perspective au fond peu réjouissante, qui ressemble, paradoxe, à un scénario imaginé en 2010 par Chris Arkenberg, prospectiviste américain… et transhumante convaincu. Dans H+ Magazine, il expliquait alors redouter les effets de notre longévité accrue par la technologie, sur la surpopulation et l’épuisement des ressources. Dans ce scénario, nos nouveaux pouvoirs s’accompagneraient aussi de l’inégalité de distribution des améliorations, et d’une nouvelle forme de “techno-élitisme”, menant à terme à la dictature d’une “oligarchie transhumaniste”. “Une classe d’élite transhumaine serait une menace existentielle pour les autres, qui réagiraient violemment... A l’inverse, les techno-élitistes pourraient juger les non-améliorés comme “inaptes” ou “sous évolués”, ce qui pourrait conduire, comme l’histoire l’a montré, à de grandes atrocités”, explique le prospectiviste.

Pour éviter l’effondrement, tout comme pour éviter cette “oligarchie transhumaniste” dystopique, à nous, donc, d’agir dès maintenant. En engageant réellement la nécessaire transition écologique, seule capable d’inverser la vapeur et de minimiser les effets du réchauffement climatique. En changeant aussi nos habitudes de consommation, comme le prônent les collapsologues ; pas pour survivre à l’apocalypse, mais pour l’éviter. Tout en misant, “sans que cela soit un non-sens, sur la technologie pour parvenir plus facilement à cette transition environnementale”, conclut Antoine Buéno.

Fait amusant : Jared Diamond, encensé par les collapsologues, refuse d’être catalogué comme l’un des leurs. Il dit “ne jamais en avoir entendu parler”. Et ne jamais avoir “prétendu que nos sociétés s’effondreraient bientôt”… tant que nous changeons notre façon de “gérer le monde”. Dans Libération, il explique que “personne ne peut prédire avec certitude les décisions qui seront prises à l’avenir par les peuples.” Et que “la possibilité que nos sociétés s’effondrent dépend de la façon dont nous, citoyens du monde, adopterons une économie durable ou continuerons à poursuivre un modèle économique insoutenable”.

Dans Le Point, en 2019, il affirmait aussi être “raisonnablement optimiste” sur “la possibilité” d’une autre issue. “Si nous continuons sur notre lancée, il faut que nous soyons pessimistes. Mais je vois des signes encourageants, comme la prise de conscience du public et les efforts de nombreuses multinationales pour affronter les problèmes environnementaux. Je suis donc raisonnablement optimiste : je pense qu’il y a au moins 51 % de chances que le monde se dirige vers un avenir heureux, et pas plus de 49 % de possibilités que tout cela se termine mal”, pronostique-t-il.

Jared Diamond nourrit aussi “l’espoir” que d’ici un an ou deux, “le fait d’avoir développé une solution globale au Covid nous conduise à faire de même pour le changement climatique”. Laissant ainsi entrevoir le fameux “entre-deux” cher à Antoine Buéno. Plutôt que les prophéties potentiellement auto-réalisatrices des transhumanistes et des collapsologues.

Par Fabien Soyez @FabienSoyez vendredi 05 février 2021 à 18:15- Mis à jour vendredi 05 février 2021 à 19:30

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Source : https://www.cnetfrance.fr/news/collapsologues-vs-transhumanistes-entre-l-effondrement-et-l-homme-augmente-les-dangers-d-un-futur-mythifie-39917509.htm

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Selon Wikipédia, «  CNET est un site Web d’information traitant de micro-informatique, d’Internet et de nouvelles technologies. La société e été cotée en bourse sur le NASDAQ sous le code CNET. CNET Networks, Inc. est cofondée en 1993 par Halsey Minor et Shelby Bonnie. Le 11 octobre 2006, Shelby Bonnie a démissionné de sa place de président-directeur général à la suite d’un scandale de stock options antidatées entre 1996 et 2003. Neil Ashe a été nommé à sa place. CNET a été achetée par le groupe média audiovisuel CBS en 2008 et fait partie de CBS Interactive. CBS a déboursé environ 1.8 milliard de dollars pour acquérir CNET Networks1,2. En septembre 2020, ViacomCBS annonce la vente de CNET Media Group pour 500 millions de dollars à Red Ventures. Cette vente inclut les sites CNET, ZDNet, Gamespot, TVGuide, Metacritic et Chowhound2,3…. » - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/CNET_(site_web)

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    VIDÉO - ’Je consacre 100% de mon temps à sauver la vie sur Terre’ - Jean-Christophe Anna, collapsologue strasbourgeois - Publié le 02/01/2020 à 14h42 • Mis à jour le 11/06/2020 à 19h15 - Document ‘france3-regions.francetvinfo.fr’
    Alors que les questions écologiques s’invitent de plus en plus dans nos débats, certains envisagent le pire des scénarios : l’effondrement de notre civilisation. Jean-Christophe Anna, un collapsologue alsacien prévoit la fin du monde et explique comment s’y préparer. Il a carrément changé de vie. Photo - Bas-Rhin Strasbourg Alsace

Partisan de la théorie de l’effondrement de notre civilisation, Jean-Christophe Anna se qualifie de ’rebelle amoureux du vivant’. Après l’arrêt du mouvement citoyen Strasbourg GO, le collapsologue a lancé plusieurs sites web pour appréhender un phénomène auquel il faut, selon lui, se préparer. Jean-Christophe Anna a mis en application tous ses principes. Il a tout changé : son mode de vie, sa consommation, son alimentation. Voici son histoire :

Comment avez-vous changé de vie ?

’Ça fait trois ans que j’ai tout changé. J’étais entrepreneur, j’avais une société spécialisée dans l’innovation en matière de recrutement : comment recruter via les médias sociaux, LinkedIn, Facebook, Twitter. Fin août 2019, j’ai liquidé l’entreprise pour dédier ma vie à cet engagement. Je l’avais déjà commencé avec le mouvement citoyen Strasbourg GO.

Je consacre 100% de mon temps à sauver la vie sur terre. Forcément, ça passe par un engagement important : je suis devenu vegan, je suis minimaliste, je n’achète qu’en vrac, bio et local.

Et je ne m’habille qu’avec des habits qui ont été produits pas très loin, je ne prends plus l’avion, et j’ai banni le plastique… tous ces petits gestes qui font qu’aujourd’hui je me sens aligné avec mes convictions’.

Pourquoi êtes-vous devenu collapsologue ? 

’J’ai créé un site qui s’appelle ’effondrement et renaissance’ où je présente ce qu’est l’effondrement et comment ça va arriver. Je parle aussi de l’inertie individuelle et collective de notre société, mais aussi de la renaissance : comment imaginer d’autres façons de fonctionner, avoir un autre rapport avec les autres membres de la famille du vivant ainsi qu’entre humains. Je me qualifie de rebelle amoureux du vivant et j’ai dédié ma vie à cette cause qui est pour moi la plus importante aujourd’hui’.

À ce sujet, la rédaction vous recommande : Eurométropole de Strasbourg : les points de compostage pour réduire ses déchets

Comment définir la collapsologie ?

’C’est un terme qui a été créé par Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans le livre Comment tout peut s’effondrer. C’est une approche transdisciplinaire, qui peut se servir à la fois de la climatologie, de la géologie, de la géographie… des sciences qui laissent à penser qu’on est arrivé à un point de rupture et que notre société thermo-industrielle est sur le point de s’effondrer’.

Est-ce qu’on doit se préparer à la fin de notre civilisation ? Si oui, comment ?

’Oui, il faut s’y préparer, il s’agit de l’anticiper. Certains attendent l’effondrement et pensent qu’on pourra tout reconstruire mais il sera trop tard. On ne sait pas aujourd’hui ce qu’il va arriver dans 5, 10, 15 ans. Ce qui est quasi sûr, c’est que l’effondrement va arriver car tous les signaux convergent. On le voit avec la situation climatique des deux derniers étés.

Alors anticiper, on peut le faire de mille et une façons. Déjà, il faut se dire qu’aujourd’hui, la civilisation est fondée sur le modèle des « 3 C » : la croissance, la consommation et la compétition. Il s’agirait de passer à la décroissance, à l’entraide et à la frugalité, se contenter du minimum vital parce qu’accumuler des biens et des petits plaisirs n’a jamais rendu les gens plus heureux.

On n’arrivera pas au bonheur en accumulant plus de biens, on vit toujours sur ce mythe de la croissance infinie.

Globalement, il nous faudrait presque deux planètes pour vivre comme on vit. Donc il va falloir vivre différemment, être plus proche de la terre, être résilient, savoir cultiver ses propres légumes et ses fruits, passer aux low-tech, savoir faire des choses soi-même. Et une autre compétence, la communication non violente car les relatons humaines sont essentielles’.

Quel est le but de vos différents sites web ?

’Fin 2016, j’ai lancé un premier projet, ’2017-2037, 20 ans pour tout changer’ qui était un premier site web qui réunissait des informations sur les périls et les défis que nous avions à relever mais je les voyais de manière séparés. J’avais mis en avant les problèmes climatiques, l’effondrement de la biodiversité, les dangers de l’intelligence artificielle, le transhumanisme ou des dérives en matière de politique et de démocratie.

À ce sujet, la rédaction vous recommande : VIDEO - Ecologie : il a inventé l’heliodome, une maison qui épouse les trajectoires du soleil

Et finalement, j’ai compris fin 2017 en lisant Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, que tout est relié. L’effondrement d’aujourd’hui est systémique, global et concerne l’ensemble de la civilisation terrestre, puisqu’on est passé à la mondialisation.

Il y a déjà eu plusieurs effondrements dans l’histoire humaine mais ils étaient cantonnés à des territoires et des civilisations donnés.

Aujourd’hui, la civilisation est unique et globale. Ça m’a lancé sur cet engagement citoyen avec ce deuxième site, ’effondrement et renaissance’, mais aussi le lancement de Strasbourg GO qui s’est arrêté en avril dernier’.

À ce sujet, la rédaction vous recommande  : Ecologie - Celia, 23 ans : ’Comment je suis passée de consommatrice lambda à consommatrice raisonnée et zéro déchet’

Pourquoi votre site web ’2017-2037’ s’arrête en 2037 ?

’Je pensais que nous avions 20 ans devant nous, et qu’on pouvait faire un certain nombre de choses. Aujourd’hui, je pense plutôt que ce sont les cinq à dix prochaines années qui risquent réellement de tout changer. Avec des bascules au niveau écologique, climatique, mais aussi politique, social, comme avec les Gilets jaunes, le mouvement écologique en France et les appels de Greta Thunberg.

On sent qu’il suffirait d’une étincelle pour que la société bascule.

La crise économique est également imminente. Ça fait douze mois que les spécialistes prédisent une nouvelle crise financière qui pourrait être dix fois pire que celle de 2008’.

Que contient ’effondrement et renaissance’ ?

’C’est un site web en trois parties qui permet d’appréhender cette question de l’effondrement. Une partie est dédiée aux raisons pour lesquelles nous ne bougeons pas, une autre met en avant l’idée de renaissance et toutes les alternatives et initiatives qui vont dans la bonne direction en France ou à l’étranger. Elles mériteraient d’être réunies en réseau pour avoir plus de puissance.

J’aspire à m’installer dans un éco-village parce que j’estime que Strasbourg est une ville trop bétonnée. Aujourd’hui, on y coupe des arbres, on est loin d’une ville qui puisse être autosuffisante’.

À ce sujet, la rédaction vous recommande : ’Une tonne de déchets par semaine’ : Sikle, les composteurs de Strasbourg collectent les déchets organiques à vélo

En quoi consistait la liste citoyenne Strasbourg GO ? 

’En 2018, je me demandais à quel échelon il était bon d’apporter mon énergie. Je me disais que Strasbourg pouvait être à nouveau une ville exemplaire, être un laboratoire d’alternatives sur le plan écologique, sur le plan humain, voire aussi une plus grande démocratie, directe et participative... on avait des envies très audacieuses. La liste était censée suivre le principe d’élection sans candidat, avoir plusieurs personnes qui puissent exercer le rôle de maire. J’estimais que cette ville était à la bonne échelle. Mais sur le terrain et avec cette ambition, j’ai compris que Strasbourg était déjà trop grande, trop bétonisée et qu’elle manquait d’espaces verts. Je me suis aussi confronté à la défiance des Strasbourgeois par rapport à la politique, à la méfiance des associations que nous voulions associer au mouvement. Et aussi par manque d’engouement, j’ai décidé de jeter l’éponge’.

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Actualités - France 3 Régions -Lena Romanowicz - Poursuivre votre lecture sur ces sujets ; climatenvironnementsociétéStrasbourg, toute l’actualité - Accueil > Grand Est > Bas-Rhin > Strasbourg > VIDÉO - ’je consacre 100% de mon temps à sauver la vie sur Terre’ - Jean-Christophe Anna, collapsologue strasbourgeois - Droits de reproduction et de diffusion réservés ©2021 France TV

Image illustrative de l’article France 3 Régions

Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/video-je-consacre-100-mon-temps-sauver-vie-terre-jean-christophe-anna-collapsologue-strasbourgeois-1751603.html

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    Extraits d’un article de Wikipédia sur Pablo Servigne
Biographie
Naissance 1978

Versailles

Nationalité

Français
Formation Université de Liège

Université libre de Bruxelles (en)

Gembloux Agro-Bio Tech (ingénieur agronome) (jusqu’en 2002)

Université libre de Bruxelles (doctorat en Belgique) (jusqu’en 2008)

Activités Écologue, chercheur, conférencier, agronome, écologiste
Autres informations
Domaines Transition écologique, agroécologie, collapsologie, résilience collective

Membre de

Association Adrastia (d)

Institut Momentum

Influencé par Rob Hopkins
Site web pabloservigne.com
Œuvres principales
Comment tout peut s’effondrer (d)

Pablo Servigne, né en 1978 à Versailles, est un auteur et conférencier français. Il s’intéresse tout particulièrement aux questions de transition écologique, d’agroécologie, de collapsologie et de résilience collective.

Biographie - Pablo Servigne est ingénieur agronome de Gembloux Agro-Bio Tech1 (Belgique) et docteur en sciences2,3 de l’université libre de Bruxelles (ULB).

En 2008, il quitte le monde universitaire pour se consacrer au mouvement de la transition écologique et s’intéresse à l’agriculture urbaine, la permaculture et l’agroécologie. Entre 2010 et 2014, Pablo Servigne travaille à l’association d’éducation populaire4Barricade à Liège5. Depuis 2010, il écrit pour deux journaux belges Imagine demain le monde (écologie) et Kairos (antiproductivisme). Il a participé aux réflexions du GIRAF (Groupe interdisciplinaire de recherche en agroécologie du Fonds de la recherche scientifique). Depuis 2013, il est membre de l’Institut Momentum (Paris)6 et de 2015 à 2018, de l’association Adrastia7. Aujourd’hui indépendant, il écrit des articles et des livres et donne des conférences et des formations8.

Idées et concepts – Collapsologie - Bien que le terme de collapse ait été initialement employé pour la première fois en 2006 avec le livre de Jared Diamond intitulé Collapse (2005). Pablo Servigne est le créateur, avec Raphaël Stevens, du concept de «  collapsologie   »9, avec la définition suivante   :

«  Exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur la raison, l’intuition et des travaux scientifiques reconnus10. »

Avec Raphaël Stevens, il a publié Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes en 2015. Frédéric Joignot analyse l’ouvrage en ces termes  :

« Après avoir compilé une impressionnante quantité de méta-analyses portant sur l’aggravation du réchauffement, l’épuisement des ressources énergétiques, alimentaires, forestières, halieutiques et métallifères, leur thèse est claire   : les écosystèmes s’écroulent, la catastrophe a commencé pour l’humanité. Elle va s’accélérer. Et la « collapsologie » est la nouvelle science interdisciplinaire qui regroupe les études, faits, données, prospectives, scénarios qui le démontrent11. »

Dans la postface du même ouvrage, l’ancien ministre Yves Cochet écrit :

« Y a-t-il matière plus importante que celle traitée dans ce livre   ? Non. Y a-t-il matière plus négligée que celle-ci   ? Non plus. »

Le concept de collapsologie et sa promotion par Pablo Servigne ont fait l’objet d’une séance du Tribunal pour les générations futures organisé par la magazine Usbek & Rica12.

Agriculture post-pétrole

Sa formation de base l’agronomie et son intérêt pour l’effondrement13 l’ont amené à rédiger en 2012 une étude sur l’agriculture post-pétrole pour l’association Barricade14.

Il est invité par l’ancien eurodéputé Yves Cochet à rédiger un rapport pour le groupe des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen sur l’avenir de l’agriculture en Europe. Ce rapport qui évoque la possibilité d’un effondrement imminent des systèmes alimentaires industriels en Europe, a été présenté publiquement au Parlement européen de Bruxelles le 17 octobre 201315,16.

Résiliences

Pablo Servigne a participé à un travail conceptuel sur la notion de résilience pour la transition écologique et l’effondrement17.

Avec Agnès Sinaï, Hugo Carton et Raphaël Stevens18, il propose quatre déclinaisons de la résilience : la résilience commune, la résilience globale, la résilience locale et la résilience intérieure. Cette dernière se renforce lorsqu’on a pris acte des catastrophes qui ont lieu, et lorsque l’on fait le deuil du monde tel qu’on le connaît (dans son fonctionnement, ses objectifs, etc.). Cela implique de passer au-delà de l’effarement, de la colère et de la tristesse, et de réaliser les possibilités nouvelles de renouer avec soi-même, au plus profond, et avec ses proches (amis, famille et/ou voisins), et envisager ainsi un vivre ensemble qui part de l’intime, vers le local, le régional, puis le planétaire, voire le cosmique.[réf. nécessaire]

Entraide et coopération

Reprenant et actualisant les thèses de Pierre Kropotkine dans L’Entraide, un facteur de l’évolution, Pablo Servigne co-écrit avec Gauthier Chapelle L’Entraide, l’autre loi de la jungle19, un ouvrage qui attaque le mythe d’un monde construit sur le principe de la compétition, la concurrence et de la loi du plus fort (mythe du darwinisme social). Pour les auteurs, les relations entre espèces et entre membres d’une même espèce ne se réduisent pas uniquement à la compétition et à la prédation. Selon eux, la symbiose et la coopération sont des principes du vivant jouant un rôle clé dans l’évolution.

Les deux chercheurs citent de nombreux exemples de coopération dans la nature : des lionnes qui chassent ensemble, de manchots qui se rassemblent pour se protéger du froid, d’arbres qui redistribuent des nutriments aux plus faibles grâce à un champignon racinaire… Toutefois, Gauthier Chapelle et Pablo Servigne ne nient pas l’existence de la compétition qui est aussi indispensable pour poser des limites, un territoire ou lors de la reproduction.

Les deux montrent enfin que l’altruisme et l’entraide sont des éléments de cohésion sociale qui se développent spontanément chez les humains. Par exemple, les situations de catastrophes naturelles sont des évènements générant des comportements d’entraide, d’auto-organisation et de calme.

Critiques

Pablo Servigne et la doctrine de la collapsologie qu’il défend ont fait l’objet de critiques diverses. La collapsologie serait « un discours fantaisiste qui tient plus du prophétisme que de la science. »

Ainsi, le philosophe Jacques Bouveresse dit : « La collapsologie, c’est un terme qui m’exaspère. Quand vous forgez un mot avec la terminaison en -logie vous voulez donner l’impression qu’il s’agit de quelque chose de plus ou moins scientifique ; et, si j’ai bien compris, il y a des gens qui prétendent pratiquer ce genre de choses de façon scientifique. Je suis sceptique : bien qu’ils puissent s’appuyer au départ sur des données recueillies sérieusement, ces discours me paraissent davantage relever du prophétisme que de la science20. »

Alternatives économiques estime également que Servigne est trop ignorant de l’état actuel de la recherche en sciences sociales et qu’il établit de nombreux parallèles discutables comme celui entre l’effondrement d’une société et la disparition d’un être vivant21.

Publications et interventions, etc… - Lire l’article complet sur ce site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pablo_Servigne

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    Entretien avec Pablo Servigne, pionnier de la collapsologie : ’On vit une crise cardiaque du modèle industriel globalisé’ Par Louis-Valentin Lopez publié le 4 avril 2020 à 16h40 – Document ‘franceinter.fr- AccueilSociété
    Pablo Servigne, pionnier de la collapsologie : ’On vit une crise cardiaque du modèle industriel globalisé’

Pablo Servigne est l’un des créateurs de la ’collapsologie’, qui étudie l’effondrement possible de la civilisation industrielle. Il revient pour France Inter sur la brutalité de la crise du coronavirus, qui met en évidence selon lui la vulnérabilité de notre modèle de société. Et donne l’occasion d’y réfléchir.

Photo - Pablo Servigne est l’un des pionniers de la collapsologie, approche qui s’intéresse à l’effondrement possible de notre civilisation. © Maxppp / Guillaume Bonnefont

Le coronavirus signe-t-il l’effondrement de notre civilisation ? Philosophiquement, oui, scientifiquement, il est trop tôt pour le dire, selon l’essayiste et théoricien de la collapsologie Pablo Servigne, qui s’exprime dans les médias pour la première fois depuis le début de la crise. Selon lui, le coronavirus agit comme une ’radiographie de la vulnérabilité de notre monde’. Qui sont les plus touchés ? Quelles leçons à tirer ?

FRANCE INTER : Vous êtes l’un des pionniers de la collapsologie, une approche qui s’intéresse à l’effondrement possible de notre civilisation. Peut-on percevoir les premiers signes d’un ’effondrement’ à l’aune de l’épidémie ?

PABLO SERVIGNE : ’C’est effectivement la question que tout le monde se pose. Effectivement, la pandémie de coronavirus peut être un premier domino d’enchaînements plus graves, qui pourraient être considérés comme un ’effondrement’. Philosophiquement, ma posture est de considérer qu’on est en train de vivre un effondrement, ça change tout ! L’effondrement (au singulier) est un récit très puissant. Mais scientifiquement on ne peut pas le dire, ce sera aux historiens ou aux archéologues du futur de le déterminer. On ne peut jamais savoir, il y a une incertitude radicale.

C’est une radiographie de la vulnérabilité de notre monde

Cette épidémie, les collapsologues l’envisageaient théoriquement, mais paradoxalement on n’y croyait pas trop. Ce choc est tellement rapide, brutal et global... En quelques semaines, le monde s’est arrêté ! C’est une expérience grandeur nature qui montre à quel point notre monde industriel est à la fois puissant et vulnérable : un colosse aux pieds d’argile.’

Si l’effondrement devait se produire, de quelle nature serait-il ? Économique ? Écologique ? Climatique ? Tout à la fois ?

’Il ne faut surtout pas prendre cette pandémie comme une question uniquement sanitaire. L’effondrement, s’il se produit, sera systémique : la crise actuelle touche la finance, l’économie, les écosystèmes, le politique, le géopolitique, l’alimentation… En général, quand il y a crise financière, cela peut entraîner une crise économique, qui débouche en crise politique et sociale, ce qui a des conséquences sur les écosystèmes et sur les systèmes alimentaires. Et qui dit famine et environnement dégradé, dit maladies, car on est affaibli en cas de famine, puis autres crises politiques et sociales graves, etc.

Durant la pandémie, beaucoup de gens se sont retrouvés au chômage. Des entreprises vont faire faillite. Quand l’économie est touchée si gravement, si aucune mesure gouvernementale radicale n’est prise (comme par exemple le revenu universel de base), il y a des crises sociales, des émeutes, des insurrections ou des votes fascistes, etc. Ça peut donc rapidement déboucher sur des crises politiques, par exemple des gouvernements autoritaires.

On vit une crise cardiaque du modèle industriel globalisé. Plus on attend, plus ça se nécrose, et on ne pourra plus repartir comme avant. Il faudra réinventer beaucoup de choses.

De plus, cela peut donner lieu à des crises géopolitiques. On voit actuellement qu’il y a une compétition entre les pays pour des ressources. Il y a des renforcements identitaires. L’Europe, par exemple, risque d’exploser avec la crise. Le défi européen est très fort en ce moment, c’est le moment de revoir les fondamentaux européens, et de lâcher le dogme compétitif pour graver dans le marbre la coopération.’

Si on peut parler de ’grands gagnants’ et de ’grands perdants’ d’un éventuel effondrement, qui seraient-ils ?

’Cela dépend des domaines. Dans la finance, par exemple, il y a des petits malins qui ont parié sur le malheur des autres et qui vont s’en tirer. Certains traders ont parié sur la pandémie, et se sont fait beaucoup d’argent. Et d’autres ont beaucoup perdu. 

Dans l’économie, il y a toujours de gens qui vont s’en sortir. Par exemple ceux qui vendent les biens de première nécessité, comme de la nourriture, des médicaments... En tout cas mieux que ceux qui font du théâtre ou des livres ! 

Un autre gagnant, c’est le monde vivant. C’est une bonne leçon pour nous : ça montre qu’il y a une résilience très rapide de certains écosystèmes, et qu’il y a un réelle opportunité de redonner de la place à nos alliés non-humains. 

Plus généralement, les grands perdants sont toujours les classes précaires, les pauvres, et je serais tenté d’y inclure les classes moyennes. Que la situation soit ’normale’ ou catastrophique, ils trinquent. Les petits pays du Sud aussi risquent de souffrir, il y a un internationalisme à redéployer. Et puis actuellement, en cette période de pandémie, les victimes, ce sont évidemment les personnes âgées.’

Selon vous, la crise du coronavirus peut-elle aussi être considérée comme une ’bonne nouvelle’, dans le sens où elle va susciter des prises de conscience ?

’Toute crise est une opportunité. Quelles sont-elles ici ? Il y en a plein ! C’est une énorme brèche. C’est l’occasion de proposer des mesures audacieuses, plus audacieuses encore que la reconstruction de l’après-guerre. Ici, les élites et les peuples sont sidérés. Plutôt que d’attendre que les capitalistes et les autoritaristes fassent passer des mesures antisociales et liberticides, nous pouvons profiter de cette brèche pour faire passer de mesures en faveur du bien commun et des services publics.

Le néo-libéralisme a pris un sacré coup dans l’aile

C’est une occasion en or de revenir sur des fondamentaux. Retrouver, par exemple, l’autonomie alimentaire en France. Ou aller vers un État providence puissant, qui prenne soin, tout en évitant la dérive vers un État régalien autoritaire et de surveillance généralisée.

Retrouver la lenteur, aussi. Le lien avec nos voisins. Le retour du vivant : on voit bien qu’il ne s’agit plus de protéger le vivant, mais le régénérer, lui redonner de la place. On a aussi une opportunité de revoir notre système de santé, et la manière dont on prend soin de nos anciens. Tout est à revoir. Le système des Ehpad c’est un processus industriel, c’est affreux. Il faut revenir à des systèmes conviviaux, dignes. 

Revoir notre rapport aux migrants, également. Quand on voit le Portugal qui régularise les sans-papiers pour qu’ils aient accès aux soins, on se dit que tout est possible. Sans compter qu’on aura besoin de compétences et de main d’œuvre dans les mois qui viennent, pour reconstruire un pays décent et digne.

En collapsologie, il y a deux écueils à éviter : le premier, c’est de dire que ’tout est foutu’. Le deuxième, dire que ’tout ira bien’. On a besoin d’optimistes et de pessimistes actifs, qui se préparent aux multiples chocs à venir, et pas d’optimistes et de pessimistes passifs, dans le déni.’

À écouter - InfoEsther Duflo : ’Une crise de cette ampleur va mener à une réflexion sur différents aspects de l’économie’25 minutes

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2 - communiqué de presse - France Inter déploie de nouveaux rendez-vous et renforce son offre numérique

Source : https://www.franceinter.fr/societe/pablo-servigne-pionnier-de-la-collapsologie-on-vit-une-crise-cardiaque-du-modele-industriel-globalise

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Humour – 20140707 lecture du futur – Pimpf : Drifting somewhere…

Encore un peu d’ Humour – 20140707 lecture du futur – Pim

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